Tu te noies Dominique. Regarde : aspire, tu verras. Tu te noies et tu ne l'as pas voulu. N'en veux pas à la mer de t'avoir pris, n'en veux pas à l'océan de t'assaillir. Ce n'est pas de leur faute, si tu vas mourir.

Dominique, tu as eu envie de faire le grand saut. Tu as sauté de ta corniche aux aigles pour ressentir la caresse du vent. Tu l'aimes le vent, tu en es même folle. Mais au lieu de t'envoler avec lui, tu es tombée comme une pierre. Plouf, tu as fait, dans l'eau écumante de la mer.

L'océan te voue un amour indéniable, un amour sans limite. L'océan t'aime Dominique, lorsque ses algues s'enroulent autour de tes mèches blondes, lorsque le sable se lève sous ton pied léger. Car si la mer t'a prise Dominique, c'est qu'elle est folle de toi. Elle te voulait, pour elle toute seule, elle te voulait au plus profond de ses abysses noires. Si la mer t’entraîne Dominique, ce n'est pas qu'elle t'a trahi. C'est qu'elle t'aime comme une mère et qu'elle veut t'avoir dans ses entrailles.

Lorsque tu aimais le vent, tu n'aimais pas l'océan qui pourtant t'adulait. Tu as renié les eaux, Dominique, alors qu'elles s'offraient à toi, dévouées.
Alors la mer te tire dans ses abysses mais tu t'y refuses. Tu ne veux pas lui appartenir.

"Lâche-moi, traîtresse ! "

La mer ne te quittera jamais, Dominique. La mer s'enroule autour de ton corps et hurle en retour. La mer t'aime Dominique, même si toi, tu ne l'aimeras jamais si fort.

Tes pieds ont beau pousser sur le sable du fond, le sol ne t'aidera pas. Car comme l'océan, le sable t'aime Dominique et il ne te lâchera pas.
Tes mains brassent l'eau qui t'enchaîne et tes jambes battent le vide, formant tourbillons de bulles avides. Le vent ne t'aidera pas cette fois-çi, car c'est le vent qui t'a trahi. Tu aimais le vent, Dominique, mais lui ne t'aimait pas. Il t'a rendu à la mer, elle qui te voulait tant entre ses vagues.

"Je te haïs ! Lâche-moi !"

Mais la mer ne t'écoute pas et elle resserre son étreinte autour de toi. Tu réclames le vent que t'offre le ciel, celui qui te caresse quand tu te réfugies en haut de ta falaise.

"Je te haïs !"

Tu ne peux pas pleurer, ni même déglutir. La mer, elle, ne te haït pas, Dominique. La voilà qui fusionne avec toi, pénètre tes narines et ta bouche ouverte. La mer jouit, la mer jubile, la mer entre en toi. Elle dévale alors dans ta gorge puis dégouline dans tes poumons où elle s'installe.
Elle te gorgera d'eau, la mer, elle gonflera ton corps. Tu enfleras alors, emplie de son amour qui coulera en toi, comme une langue brûlante sur le corps d'un amant.

C'est trop tard pour hurler ton amour aux quatre vents. La mer atteint ton cœur et les vagues rugissent de bonheur en déferlant sur la plage. Ca y est. Elle t'a eu, Dominique. La mer t'aime et ne te lâchera plus.

Tu hurles toujours Dominique car toi, tu aimais le vent. Jamais tu n'aimeras cette mer écumante.

Traître de vent qui t'a lâché au profit de l'océan.