Foutu fantôme. Toujours là, à l’attendre sur le canapé quand il rentre du travail, à s’asseoir en face de lui lors du repas, à hanter ses rêves la nuit, à le suivre tout la journée.

George, il aimerait bien être un peu tranquille, que ce fantôme disparaisse juste quelques minutes. Pourtant, il est là, à chaque moment. Il est partout, le fantôme de Fred. Mais il sait bien que tout ça, c’est dans sa tête, que c’est simplement son imagination.

George, il voudrait oublier, il voudrait que l’absence soit moins douloureuse. Il aimerait qu’on lui dise comment on se remet de ces choses là, comment il doit guérir de la mort de Fred. Peut-être qu’il ne peut tout simplement pas, que c’est impossible.

Foutu fantôme. Il aimerait crier, lui dire de dégager. Mais c’est le fantôme de son frère, alors il n’ose pas. Pourquoi ne le laisse-t-il pas tranquille ? Il n’existe que dans sa tête, bien sûr, mais George ça le tue.

George, il est fou ? Non. Bien sûr que non. Pourtant, des fois, il a l’impression de l’être. Fou à lier. Il le voit à chaque moment. C’est son reflet.

George, il se sent un peu seul, même s’il ne l’est pas vraiment puisqu’il est toujours là. Mais George ce qu’il veut c’est son frère, pas son fantôme. C’est injuste d’être celui qui reste. Celui qui attend d’aller mieux ; si ça va mieux un jour.

Foutu fantôme. Il a même pris la place de son reflet. George, il n’aime pas les miroirs. Parce que ce n’est pas lui qu’il voit, c’est ce foutu fantôme.

George, il n’est pas heureux. Il attend. Depuis six mois. Six mois que ce fantôme lui tient compagnie. Quand est-ce qu’on va lui rendre son Fred ? Il devient lasse, fatiguer d’attendre.

George, ses blagues ne sont plus vraiment drôles. Le fantôme lui embrouille l’esprit. Fred, il lui dirait qu’il a perdu la main.

Foutu fantôme. Pourquoi c’est toi qu’il voit ?

George, il ne se reconnait plus. Peut-être que la mort de Fred l’a changé, qu’il ne sera plus jamais le même George. Peut-être qu’il est devenu différent. Peut-être même qu’il n’est plus George.

George, il fuit les reflets. Il a bien trop peur pour l’affronter. Fred, il lui dirait qu’il est devenu un vrai poltron.

Foutu fantôme. Il fait les blagues à sa place. Il parle à sa place. Il rit à sa place. Il vit à sa place. Stupide fantôme.

George, la mort ça lui fait peur. Peut-être qu’il n’est plus courageux. Non. Bien sûr qu’il l’est, courageux. C’est le fantôme qui ne l’est pas, à le suivre partout en lui faisant perdre la tête.

George, il se demande pourquoi. Est-ce que c’est normal de voir Fred à sa place ? Sûrement pas.

Foutu fantôme. Un peu de tranquillité !

George, ça le bouffe. Constamment. Il se demande souvent, est-ce que c’est normal d’avoir peur de voir son reflet ? Peut-être qu’il est devenu comme Loufoca. Bizarre.

George, il se dit qu’il est peut-être égoïste. Il n’est pas le seul. Tous ont perdu un ami, un frère, une sœur, un père, une mère. Tous ont vu un proche disparaitre. Peut-être qu’il ne fait pas assez d’efforts.

Foutu fantôme. Il lui colle aux baskets. Toujours à lui rappeler qu’il est mort. Son Fred. Mort.

Ils étaient Fred et George. George et Fred.
Et aujourd’hui, il n’y a plus que George.
George qui a peur, peur de son reflet qui n’est plus le sien.