Dark Blue by LaLouisaBlack
Ancienne histoire coup de coeurSummary:



Hebergeur d'image
(c)Anna Lakisova

Il partit. Et après cinq mois de pur bonheur pendant lesquels elle était tombée désespérément amoureuse, Lily Evans se retrouva seule.

 

Have you ever been alone in a crowded room when I’m here with you ?
I said the world could be burning till there’s nothing but
Dark Blue

Participation au concours Lézarts et vous de Fleur d'Epine


Categories: Jily (James/Lily) Characters: James Potter, Lily Evans
Genres: Romance/Amour
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Lézarts et vous
Chapters: 1 Completed: Oui Word count: 5263 Read: 2961 Published: 05/08/2015 Updated: 05/08/2015
Dark Blue by LaLouisaBlack
Author's Notes:
Bonsoir à tous !

Voici donc ma participation au concours Lézarts et vous, organisé par Fleur d'Epine. C'est donc inspiré de plein de trucs, rien ne m'appartient !

Pour ce concours j'ai donc eu les contraintes suivantes :
- 3 chansons (en italique dans le texte) : Hold back the river, de James Bay, Dark Blue de Jacks Mannequin (dont le titre est issu) et Horses in my Dream de PJ Harvey
- 2 phrases (en gras) tirées de Pair de l'Empire de R.E. Feist
- 1 tableau : Ombre et Ténèbres, le soir du déluge, de William Turner
- 1 sentiment : la solitude.

Maintenant que c'est dit, petites précisions concernant ce texte : le sujet me tenait à coeur, et ça peut paraître un poil autobiographique. Oui et non. Je vais pas dire qu'il y a rien de moi dedans, mais bon. Vous inquiétez pas, tout va bien ;)

Sur ce, j'arrête de vous embêter plus longtemps, je vous souhaite une très bonne lecture. J'ai beaucoup aimé écrire ce texte, donc j'espère qu'il vous plaira !
EDIT : J'ai failli oublier, un grand merci à la merveilleuse, à la fabuleuse, à la spectaculaire Labige qui m'a bêtatée sur ce texte, qui n'aurait vraiment pas du tout la même tronche sans elle :D

Cette soirée avait pourtant été parfaite.

Profitant de leurs derniers jours de vacances, il l’avait emmenée à Londres. Malgré la fraîcheur du mois de mars, la pluie était absente, alors ils s’étaient promenés longtemps au coeur de Hyde Park. Elle avait réussi à attraper sa main et contrairement à son habitude, il ne s’était pas éloigné. Ils avaient discuté, de tout, de rien. Elle avait beaucoup ri.
Elle l’avait convaincu d’aller au cinéma, c’était la première fois pour lui. Il avait regardé l’écran avec ébahissement. En voyant son visage illuminé par cette découverte, elle avait eu un pincement au coeur. Elle en était si amoureuse… Elle aurait voulu qu’il la prenne dans ses bras pendant des heures.
Il l’avait raccompagnée chez elle et elle lui avait proposé de rester. Ça n’aurait pas été la première fois, ses parents n’en sauraient rien… Il n’avait pas répondu. Ils avaient marché dans un silence qu’elle avait trouvé rassurant.

Quelle idiote elle faisait.

Elle avait sorti ses clés et s’acharnait sur la porte d’entrée, quand elle entendit une voix douce dans son dos.
« Lily… Je ne vais pas entrer. »

Elle haussa les épaules, ne voulant pas paraître blessée. Elle l’était, mais il aurait fui s’il le savait.
« Très bien. On se voit à la rentrée, lundi ? »

Il y eut un étrange blanc. Elle se dit qu’elle se faisait des idées, comme toujours. Mais il continua avec ce ton coupable qui masquait tout autre sentiment et qu’elle détestait ; ce ton qu’elle avait toujours identifié comme celui des mauvaises nouvelles et qu’elle avait espéré ne pas entendre de sitôt :
« Non, Lily. Je veux dire… je ne pense pas avoir envie d’aller plus loin avec toi. »

Elle se figea, les mots inscrits en lettres brûlantes dans son esprit. Elle chercha à respirer ; ça ressemblait tellement à un début de sanglot qu’elle pensa s’effondrer sur le champ. Elle se retourna, et son regard misérable de chien battu lui fit perdre ses moyens.
« Quoi ?! Mais… Qu’est-ce que… Non ! Pas maintenant ! »

Elle ouvrit la porte d’un geste brusque, se réfugia dans l’obscurité rassurante de sa maison, la claqua derrière elle. Deux secondes pour se rendre compte que les larmes coulaient sur ses joues, puis la porte ouverte à nouveau. Il n’avait pas bougé.
« Comment ça, « plus loin » ?! Qui t’a déjà parlé d’un « plus loin » ? »

Il avait commencé à s’expliquer, la tête baissée, les mains enfouies dans les poches de son jean. Elle l’arrêta net :
« William, il est hors de question que tu me largues devant chez moi, là où tous mes voisins peuvent nous voir et nous entendre. Alors tu rentres, tout de suite. »

Elle ne lui avait pas laissé le choix. Un Assurdiato et le salon était prêt à la marée de larmes et de sanglots qui allait s’abattre sur Lily.

Du reste, elle n’en garda qu’un souvenir confus. Des cris, des protestations, un sentiment général d’incompréhension devant cette tempête qui s’abattait sur elle. Des reproches, encore et encore. Des mots d’une violence effroyable et des pourquoi sans réponse. Des larmes et des mouchoirs usagés partout. Des explications qui n’en étaient pas, des sentiments dont elle ignorait tout. Les yeux écarquillés face à cette douloureuse vérité : il doutait depuis longtemps et n’avait jamais osé lui en parler. William avait pris sa décision dans son coin, sans lui laisser la moindre chance. Tout ce qu’elle voulait lui dire resta affreusement coincé au fond de sa gorge. Tout ce qu’elle avait tenté pour le raisonner était pitoyable et sans succès.

Il partit. Et après cinq mois de pur bonheur pendant lesquels elle était tombée désespérément amoureuse, Lily Evans se retrouva seule.

La nuit était bien avancée. Le silence de la maison était troublé par ses sanglots qui ne voulaient pas s’arrêter. Après ce qui lui sembla des heures, elle monta dans sa chambre le plus silencieusement possible. La porte à peine refermée, elle relança les sortilèges d’impassibilité et se jeta sur son lit. Ses bras se refermèrent sur son oreiller. Il ne suffisait pas à étouffer ses pleurs. Elle resta dans l’obscurité, désespérément consciente de sa solitude, de cette inondation qui monte doucement en engloutissant le sol sous ses pieds, et sa tête sous l’eau, étouffée, suffocante, la respiration sifflante.

Au-dessus d’elle, accrochée au mur, une reproduction d’Ombre et ténèbres, le soir du déluge de William Turner. Lily avait toujours trouvé ce tableau fascinant ; il apaisait ses pensées. William, son William, avait souri avec dérision quand il l’avait vu.
Elle se redressa pour reprendre son souffle et sortir la tête de l’eau, mais la lumière ne l’attirait plus. Elle restait obnubilée par cette noirceur, engloutie par la violence de cette mer, les ténèbres s’abattant sur elle jusqu’à la rendre folle. Le chaos l’entourait et, chaque fois qu’elle ouvrait les yeux, une nouvelle vague la renversait. Elle s’était perdue dans le déluge.
Alors qu’elle avait toujours cru que le tableau la ramenait à la surface, elle comprit que la lumière était dévorée à son tour pour disparaître dans le brouillard. L’obscurité l’envahissait. Elle ne trouvait plus ses repères. Elle nageait vers le fond, sans guide et sans espoir. Seule, si seule, elle se noyait.

La nuit était plus sombre que jamais quand, épuisée par les larmes, toujours habillée dans son lit d’enfant, elle s’endormit.

¤



Les vacances se terminèrent par un dimanche morne où elle ne put s’empêcher de pleurer dans les bras de son père. Il fût adorable. Lily s’en voulait d’être dans un tel état alors qu’elle n’allait pas revoir ses parents avant l’été, mais c’était plus fort qu’elle. Le lundi matin, ses parents l’accompagnèrent à la gare. Dans la voiture, son père chercha à la faire rire de ses pitreries habituelles, sans succès. Au moment de lui dire au-revoir, il la prit dans ses bras et lui murmura au creux de l’oreille :
« Ma petite Lily, ne pleure pas. Il ne te mérite pas. Tu es magnifique ma chérie, et je suis certain que tu trouveras un garçon qui t’aimera plus que tout. »

Elle retint ses larmes à grand-peine :
« J’ai l’impression de couler, papa. Dis-moi comment les gens pensent dans cet état, comment ils arrivent à se relever, à garder la tête froide ?
Tu vas nager, Lily, tu vas nager pendant que le niveau de l’eau monte. Tu vas garder la tête hors de l’eau. Et un jour elle disparaîtra. Je crois en toi. »

Elle resta forte, pâle et les yeux bouffis mais droite et fière, en arrivant sur le quai 9 3/4. Elle tomba nez à nez avec William. Il baissa le regard, gêné. Alors elle s’enfuit dans un compartiment vide.

Le paysage défilait sous ses yeux fatigués quand la porte s’ouvrit violemment. Des éclats de rire troublèrent sa quiétude.
« Evans ? »

Oh non, pas lui. Elle n’avait pas envie qu’il la voie dans cet état. Pourtant, elle tourna la tête et dévisagea Potter de ses grands yeux fatigués. Elle essuya ses larmes dans un sursaut de conscience.
« Potter, va-t-en. S’il-te-plait. »
Elle dit ces mots comme si elle n’avait plus la force de s’énerver. Il eut un moment d’hésitation. Lily entendit quelqu’un lui demander de se pousser et il se retourna aussitôt.
« Il y a plus de place, Patmol, on va ailleurs. »

James la laissa seule. Elle soupira, soulagée, avant d’être arrêtée par un sanglot incontrôlé.

Peu après, la porte se rouvrit. Lily s’en voulut aussitôt de ne pas avoir pensé à verrouiller. C’était suffisamment douloureux pour qu’elle ne soit pas dérangée toutes les cinq minutes.
« Lily ? Qu’est-ce que t’as ? James m’a dit de venir aussitôt. »

C’était Helen, sa meilleure amie. Lily n’avait pas réussi à lui écrire. Elle avait essayé pourtant, mais elle ne pouvait pas écrire les mots « William m’a larguée » .

La voir, c’était comme détruire une nouvelle barrière pour laisser la jeune femme plus brisée que jamais. Dans ses bras, elle libéra sa douleur, sa colère et les mots auparavant bloqués dans sa gorge. Elle lui raconta tout. La soirée, la chute, leur dispute. Comment il lui avait fait croire que ça pourrait bien se passer. Comment il n’avait jamais osé lui parler de ce qui n’allait pas avant que ce ne soit trop tard. Qu’il n’avait pas sa place à Gryffondor pour être un tel lâche.

Mais aussi comment elle était restée seule, sans personne, à trois heures du matin. Qu’elle n’avait pas osé réveiller sa mère, déjà si fatiguée par son travail. Comme elle avait eu mal, combien elle avait pu pleurer.
A quel point elle l’aimait. L’aimerait. L’avait aimé. Comment pouvait-elle l’oublier un jour ? Elle s’était donnée corps et âme à cet idiot qui avait fui dès que l’euphorie des premiers mois s’était dissipée. Elle ne s’en sortirait pas seule, elle avait besoin d’Helen. Elle devait la sortir du gouffre.

¤


C’était un supplice. Une semaine que les cours avaient repris et Lily ne s’en sortait pas. Quand elle allait à la bibliothèque pour travailler, elle se déconcentrait toutes les dix minutes en pensant à lui. Heureusement que les Aspics n’étaient que l’année suivante, elle ne s’en serait pas sortie sinon. Elle le voyait à cette table à laquelle ils avaient révisé pendant des heures tous les deux, comme dans chaque couloir entre les cours. Elle le croisait en entrant dans la bibliothèque et en sortant dans le parc. Souvent, elle entendait sa voix ferme au fond de la salle pendant la Métamorphose. Elle sentait son parfum quand il passait derrière elle pour s’assoir dans la Grande Salle. Elle se figeait parfois, persuadée que cette personne qui riait à dix mètres de là, c’était lui ; elle avait presque toujours raison. L’univers s’était ligué contre elle pour qu’il soit toujours là.

Lily entrait dans des salles pour s’enfuir aussitôt car il était là. Elle ne passait pas plus de cinq minutes par jour dans la salle commune. Dès qu’elle descendait de son dortoir, dès qu’elle rentrait dans la tour, il était là. Elle supportait sa présence les dents serrées à chaque cours. Elle inhalait les substances nauséabondes de son chaudron pour perdre la tête et ne pas sentir son odeur. Elle s’empêchait d’aller parler à certains amis car il traînait avec eux. Il était là. Il était tout le temps là. Et c’était un supplice.

Quand elle sentait qu’elle perdait pied, Helen était à ses côtés. Elle lui attrapait discrètement la main, lui glissait un sourire rassurant, et Lily trouvait de la force dans cette amitié. Alors elle gardait la tête haute et continuait à avancer. Il n’avait pas le droit de la priver du plaisir de vivre dans ce château, de suivre ces cours de magie. Il n’en avait pas le droit.

Mais parfois, même Helen ne pouvait l’aider ; Lily étouffait. Ce soir-là, c’était plus fort que tout. Elle coulait. En sortant du cours de Potions, elle avait perdu Helen de vue, emportée par leurs amis. Elle s’était retrouvée seule au milieu d’un couloir bondé d’élèves qui ne la voyaient pas.

Elle s’éloigna de la foule sans que personne ne la remarquât. Après avoir tourné en rond quelques minutes, elle ouvrit une porte au hasard. C’était une salle vide et poussiéreuse comme il y en avait beaucoup à Poudlard. Le souffle étrangement court, elle se laissa tomber contre le mur et s’assit à même le sol. Elle était épuisée.

Lily ne sut pas exactement combien de temps elle resta là, seule, les yeux dans le vague, les larmes ravageant ses joues. Elle avait manqué le dîner. Elle n’avait pas faim depuis des jours de toute façon. Elle ferma les yeux, s’imagina passer la nuit ici. C’était presque agréable… Soudain, quelqu’un toqua à la porte et, sans attendre de réponse, entra.

Elle releva la tête. Potter. Il n’avait pas l’air surpris de la trouver ici, dans cet état. Elle s’attendait à du mépris, ou peut-être de la pitié, mais il semblait seulement… triste. Oui, triste.

Sans demander s’il la dérangeait, il s’installa à ses côtés. C’était le cas, mais elle n’avait pas la force de lui prier de partir. Lily tenta de sécher ses larmes, sans succès. Il lui tendit alors un mouchoir qu’elle accepta sans un mot. Elle était pitoyable.

« Ça me fait mal de te voir pleurer pour ce pauvre type, Lily.
— Mal ? Pourquoi ? »

Elle ne releva pas le reste de la phrase. Il haussa les épaules :
« Tu sais, j’ai essayé de te garder près de moi, mais la vie s’est mise entre nous.
— Nous ? C’était il y a longtemps.
— La troisième année, ce n’est pas si vieux. »

Ils avaient été proches, avant qu’il ne devienne ce gamin séducteur et arrogant qu’elle ne supportait pas.
« J’ai été stupide et ça m’a éloigné de toi. J’ai essayé de faire avec le fait de ne pas être là pour toi, mais quand je te vois comme ça, je me dis que j’aurais dû.
— Tu es là, ce soir, releva-t-elle.
— Oui, mais c’est un peu tard.
— Je suppose qu’il n’est jamais trop tard. »

Il passa un bras autour d’elle en signe de réconciliation. Elle se laissa faire. Sa tête trouva une place confortable sur son épaule. Si elle n’avait pas été aussi mal, ça n’aurait jamais pu se produire.
« Je l’aime, tu sais ? »

Sa voix se brisa. Elle ne voyait plus clair. Quand elle ferma les yeux, de nouvelles larmes coulèrent le long de ses joues rougies.
« Je sais, Lily, je sais. Pleure. Je suis là. »

¤


Gryffondor avait remporté un match mémorable contre Serpentard. Pour fêter cette victoire bien méritée, la foule s’était rassemblée dans la salle commune des vainqueurs. Lily, un verre de Bièraubeurre à la main, regardait avec détachement ces personnes qui riaient, criaient, s’amusaient. Jeremy, un septième année, lui parlait avec passion d’un livre qu’il avait terminé quelques jours plus tôt et dont elle était bien incapable de citer le titre. Elle essayait de se concentrer sur ses paroles, mais William était entré dans la salle. Elle s’était détournée pour ne plus voir que Jeremy. Ça ne changeait rien.

Ça faisait déjà un mois, pourtant. Tout le monde avait depuis longtemps oublié que la pauvre Lily Evans s’était faite larguée par celui qu’elle aimait. Alors elle restait là, souriante, sirotant distraitement son verre, à écouter Jeremy qui ne se doutait de rien. Mais au fond, elle avait une conscience aigüe de la présence de William dans cette pièce, de sa place dans la salle, de son rire chaud, des personnes avec qui il discutait. Elle avait beau lui tourner le dos, elle était avec lui. L’alcool aidant, elle avait douloureusement envie qu’il la prenne dans ses bras.

S’il s’approchait, elle ferait une énorme connerie. Alors elle restait là, dos à lui, espérant à la fois qu’il ne la verrait pas et qu’il lui parlerait. Un mois et une partie d’elle continuait de croire qu’il reviendrait. Il ne reviendrait pas, lui disait la partie rationnelle et intelligente de son être. Mais le reste de son esprit espérait.

« Je vais me chercher un verre, tu viens ? »

Elle releva la tête, presque surprise par la question, avant de décliner :
« C’est bon, je reste là, vas-y. »

Jeremy la dévisagea un instant, étonné, avant de s’éloigner. Il n’avait pas fait deux pas qu’elle avait quitté sa place pour fuir cette foule. Elle se retrouva devant la fenêtre, les yeux fixés sur l’obscurité du parc. Les étoiles brillaient, c’était magnifique et apaisant.

Elle avait la sensation qu’elle pourrait rester là des heures sans que personne ne vînt la déranger. Derrière elle, les élèves n’étaient qu’un bruit résiduel qu’elle ne percevait presque plus. Elle avait fini son verre depuis longtemps. Elle ne voulait pas bouger.

« C’est étrange comme on peut avoir la sensation d’être seul dans une salle bondée, non ? »

C’était James. Il lui tendit un autre verre et s’installa à ses côtés.
« Tu ne devrais pas être avec tes amis ? Tu es le héros de la soirée je crois ! » le taquina Lily.

Il haussa les épaules.
« Je suis bien là. Et toi, qu’est-ce que tu fais ici, toute seule ?
— J’admire la nuit, lui répondit-elle avec un sourire triste.
— Tu peux… C’est beau. »

Ils restèrent silencieux de longues minutes. Ca faisait du bien. C’était calme, rassurant. Depuis qu’il l’avait surprise dans cette salle vide, il avait le don de la trouver quand elle se noyait dans ses pensées noires.
« As-tu déjà été seule dans une salle bondée quand je suis avec toi ? »

Lily lui sourit.
« Pas depuis longtemps.
— Allez, viens, on bouge. »

Elle fronça les sourcils, surprise. Il attrapa sa main et l’emmena hors de la salle commune. William était devant le portrait. Elle garda la tête droite et ne lui accorda pas un regard. James s’arrêta suffisamment loin de la salle pour que la fête ne soit plus qu’un murmure. Ils s’appuyèrent contre une grande fenêtre donnant sur le parc. Le couloir était seulement éclairé par la lune.

« Cette nuit est d’une nuance parfaite d’obscurité, lui murmura-t-il à l’oreille. »

Le calme de l’endroit, la beauté du lieu, l’instant, la proximité de William dans la salle… Lily avait besoin de se confier. James était là.
« J’ai toujours la sensation de couler, parfois, tu sais. J’ai l’impression que j’aurais déjà dû passer à autre chose, tourner la page. Même Helen a l’air de ne plus comprendre pourquoi je souffre encore de tout ça. »

Il la fit taire en la prenant dans ses bras.
« Tu as le droit de ne pas aller mieux, Lily. Tu as le droit de ne pas être bien, c’est normal. Tu peux pleurer, je suis là. »

Nichée dans ses bras, elle pouvait craquer. Elle avait attendu ça toute la soirée. Il y avait lui et elle, et toute la ville sous l’eau. Ils ne pouvaient plus rien faire. C’était l’obscurité.


Quand ils se tournèrent à nouveau vers la fenêtre, de longues minutes plus tard, elle pouvait le sentir respirer derrière son cou. Elle se sentait mieux, elle n’était plus aussi seule.

¤


La douceur du mois de juin était venue lentement réchauffer son coeur, et le ciel ce soir-là était merveilleusement beau. Le soleil venait de se coucher ; le bleu habituel s’était transformé en un mélange subtil de rose, de rouge et d’ocre. Lily s’était arrêtée quelques minutes pendant sa ronde pour admirer la vue. Elle n’arrivait pas à s’en détacher.
« C’est incroyable, non ? »

Elle sursauta, surprise. Elle ne l’avait pas entendu approcher.
« James ! Comment m’as-tu trouvée ? »

Il haussa les épaules, énigmatique comme toujours quand elle lui posait cette question.
« C’est une des meilleures fenêtres du château pour profiter du coucher de soleil. »

Il mentait, elle en était certaine. Lily se détourna de la vitre pour continuer sa ronde. Il la suivit. James avait pris l’habitude de la rejoindre plusieurs fois par semaine, souvent quand elle était seule et qu’elle broyait du noir. Ils discutaient de tout, de rien, de leurs journées à Poudlard, du dernier sortilège appris, du devoir de Métamorphose, de l’histoire de Poudlard… Il savait toujours comment lui changer les idées. Il était devenu important pour elle : grâce à lui, elle réussissait à endiguer la rivière de ses pensées pour qu’il puisse s’arrêter une minute et être à ses côtés. Parfois, ils se taisaient. Le silence était confortable. Elle appréciait ces moments de calme dans sa tête. Ce soir-là était l’une de ces déambulations en silence. Ils étaient si discrets que seuls leurs souffles étaient audibles.

Ce sentiment de paix ne dura pas longtemps. Au croisement suivant, elle les vit. Son coeur manqua un battement quand elle le reconnut. William. William qui embrassait avec passion une fille dont elle ne connaissait pas le nom. William qui ne les avait même pas remarqués.
Lily resta immobile et muette, les yeux écarquillés de surprise puis d’une étonnante satisfaction. Les pensées se bousculaient dans sa tête sans le moindre pincement au coeur. Elle les regardait sans les voir : elle avait enfin la preuve qu’elle cherchait depuis quelque temps. Elle n’avait plus pensé à William depuis des jours.

Lily regarda James avec une expression étrange, se détourna et s’éloigna d’un pas rapide. Ses talons claquaient contre le sol dans un bruit régulier qui résonnait dans le couloir. Elle ne s’inquiéta pas de savoir si William l’avait entendue. Cela ne l’intéressait pas, et cette découverte lui arracha un sourire joyeux.
« Lily ! »

James restait à ses côtés, marchant au même rythme. Il voulait la réconforter, mais il ne savait que dire qu’il ne lui ait déjà dit. Il avait été là si souvent ces derniers mois qu’il la connaissait par coeur. Ce soir, il ne la comprenait pas.
« Lily ? Ça va ? »

Elle ne répondit pas, ne sachant par où commencer. Les choses s’éclaircissaient peu à peu dans sa tête, et elle décelait quelque chose au fond de sa poitrine. Ça s’était logé là discrètement des semaines plus tôt, mais elle n’en prenait conscience que maintenant. Ça lui donnait envie de virevolter en riant.
« Il ne te méritait pas, tu sais ça ? Tu es merveilleuse, belle et intelligente, et ce n’était qu’un idiot qui ne savait pas te rendre heureuse. »

Lily s’était arrêtée et le dévisageait de ses grands yeux verts qui lui faisaient perdre ses moyens. James ne voulait pas la blesser, mais les mots glissaient sans qu’il ne puisse les retenir. Il balbutiait, avançait à reculons, en faisait trop et pas assez, lui racontait ce qui lui passait par la tête, de belles vérités qu’elle ne voulait peut-être pas entendre.
« Tu me l’as dit, il n’était jamais là quand tu avais besoin de lui ! Il n’était pas parfait ! Il ne faisait pas ce qu’il fallait et ne savait pas quand rester avec toi. Il ne comprenait pas que tu puisses aimer passer des soirées à la bibliothèque, ou lire devant la cheminée sans être dérangée, lui tenir la main à Pré-au-lard ou seuls dans un couloir. Et chanter à tue-tête même quand c’est faux, croire que Dieu existe et penser que ça explique tout, t’émerveiller pour la quinze millième fois du plafond magique de la Grande Salle et citer par coeur des passages de l’histoire de Poudlard, te taire avant le premier thé et ne pas arrêter de parler au déjeuner, et lire jusqu’à trois heures du matin même si…
— James, arrête ! »

Il la connaissait si bien que Lily se demandait pourquoi elle n’avait pas ouvert les yeux plus tôt. Et pourtant, James ne percevait pas ce bonheur qui envahissait peu à peu la jeune fille. Il l’avait tellement considérée comme une petite chose brisée et fragile qu’il n’osait pas croire qu’elle pouvait aller mieux. Il avait choisi de la garder hors de l’eau jusqu’à ce qu’elle puisse nager à nouveau.

Lily ne supportait pas de rester seule contre ce mur, face à lui qui tentait de la réconforter d’une souffrance qui n’existait plus, alors elle se glissa dans ses bras. Il la laissa faire, surpris, avant de la serrer contre lui. Elle était heureuse, là.

« Je sais tout ça. Je sais ! murmura-t-elle nichée contre sa poitrine.
— Et tu ne pleures pas ? » demanda-t-il sans trop savoir pourquoi.

Elle eut un léger rire qui le fit frissonner.
« Non. Je vais bien. Ça ne me fait rien. »

Elle semblait sereine. Elle répéta ces mots, mais elle n’avait pas besoin de se convaincre. Elle voulait seulement qu’il comprenne.
« Ça ne me fait rien. Ca faisait un moment que je n’avais pas pensé à William. »

C’était la première qu’elle prononçait son prénom sans aucune réaction.
« Le fait de le voir, là… C’était la preuve qu’il me fallait : ça ne m’atteint plus depuis longtemps. »

Elle s’écarta pour le regarder, car elle voulait qu’il lise la vérité dans ses yeux. Elle avait un sourire magnifique.
« James, je ne suis plus triste, blessée, ou meurtrie, ou quoi que ce soit d’autre. J’ai tourné la page.
— C’est bien, lui dit-il avec soulagement. Il faut en prendre une nouvelle et écrire à nouveau. »

Il était heureux qu’elle soit si joyeuse. Un poids s’était dissipé dans sa poitrine, et il voulait qu’elle revienne contre lui. Lily secoua la tête en entendant ses mots. Quelque chose d’incompréhensible illumina ses yeux et la rendit plus belle que jamais.
« La prochaine n’est plus blanche depuis quelque temps, je crois, lui avoua-t-elle doucement.
— Oh... »

Il avait peur de comprendre ce qu’elle voulait dire. Elle allait le laisser pour quelqu’un d’autre, quelqu’un qui la rendrait probablement heureuse. Et il devait la laisser voler de ses propres ailes…
« James, fit Lily en posant une main douce sur son visage. Endigue ce flot de pensées qui ne te ressemblent pas, et laisse-moi te regarder dans les yeux. Tu connais ces pages mieux que personne. Tu as commencé à les écrire, tu sais ? »

Elle caressait sa joue avec tendresse. Il n’était pas certain de la suivre. Il soupira, déconcerté, et il chercha à lire dans son regard. Elle se précipitait sur lui pour l’oublier, et il la blesserait. Ou alors elle disait vrai.
« Lily, c’est encore trop récent, tu t’en remets à peine !
— C’est faux. »

Elle le lâcha, croisa les bras, et leva la tête avec obstination.
« Ça m’a pris des mois, mais j’y suis arrivée ! Ça ne date pas d’hier.
— Tu cherches à te convaincre, Lily, c’est tout.
— Non James ! »

Elle avait envie de le secouer pour qu’il ouvre les yeux. Il la poussait à en dire plus.
« Je l’ai réalisé le jour où tu es passé me chercher à la bibliothèque pour aller aux cuisines. On a croisé William juste après, et rien ! Rien du tout, je n’ai rien ressenti ! J’ai passé l’une des meilleures soirées de ma vie, parce que tu voulais me réconforter. J’ai laissé passer les jours, j’ai cru que c’était temporaire… J’avais seulement peur de réaliser ce que ça signifiait. »

Il la fixait sans réaliser qu’elle ait pu lui cacher ça.
« Mais tout à l’heure… insista-t-il les sourcils froncés.
— Mais tout à l’heure quoi, James ? J’ai eu ce qu’il me fallait ! Je les ai regardés, William et cette fille, et j’ai eu envie de tout te raconter. De te dire que j’étais guérie. Que tu m’avais guérie. Et que je voulais plus que ça. »

Lily s’était avancée jusqu’à ne laisser que quelques centimètres entre eux. James était perdu devant ces yeux qui lui demandaient tant. Alors il cessa de réfléchir. Il glissa la main dans ses longs cheveux roux et la rapprocha encore de lui. Il inclina la tête pour embrasser ses lèvres. Sa caresse était aussi douce qu’un murmure.

¤


Le compartiment était bondé. Face à elle, Sirius faisait rire Helen à pleine gorge avec des pitreries bon marché qui lui auraient normalement à peine tiré un sourire. Il y avait anguille sous roche, comme disait sa mère.

Lily était appuyée contre la fenêtre, observant le paysage défiler sous ses yeux. Les plaines étaient de ce vert chaud et tout en nuances qu’elle aimait tant. Elle rêvait de chevaux galopant sur la plaine, enivrés par la course, crinière dans le vent. Comme des vagues, comme la mer, ils l’éloignaient du gouffre dans lequel elle avait cru se noyer, ils la poussaient hors de là. Ils la poussaient, ils étaient libres.

Elle s’était sauvée.
« A quoi tu penses ? » lui glissa James à l’oreille.

Il avait attrapé sa main et la caressait doucement du pouce. Elle lui sourit tendrement.
« A des chevaux. »

Il la regarda, surpris.
« J’ai l’impression d’être en paix. Je me suis remise au clair. Grâce à toi. »

Il l’embrassa doucement. Elle posa la tête sur son épaule. Il l’entoura de son bras. Dans ce compartiment bondé, elle était seule avec lui.


Have you ever been alone in a crowded room when I’m here with you ?
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Dark Blue
End Notes:
Voilà, j'espère que ça vous a plu ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé :)
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