Becca a toujours eu la langue bien pendue, même qu’elle a été étiquetée comme pipelette officielle de Poudlard dès qu’elle a mis les pieds dans le train en première année. Une fille de deuxième qu’elle avait rencontrée sur le quai 9 ¾ lui avait confiée qu’elle avait le béguin pour son frère depuis qu’elle l’avait vu au début de l’année précédente, et après avoir jurée qu’elle ne dirait rien, elle était allée le raconter audit frère, Jeremy, qui était assis dans le même compartiment que son meilleur ami Kyle, se trouvant être MON frère, et moi. Bref, depuis ce malheureux accident, Becca avait décidé qu’elle était ma meilleure amie. Voilà cinq ans aujourd’hui jour pour jour que je me la coltinais. Oh elle n’a rien de bien méchant au fond, juste une insatiable envie de ragot. Plusieurs l’appelle Skeeter Junior en honneur de cette journaliste fourbe de la Gazette du sorcier, qui soit dit en passant est la cousine de la petite amie du cousin de ma mère. Je vous ai perdus? Oubliez, je m’y perds aussi.

Rebecca Sanders qui s’était autoproclamée comme étant ma meilleure amie est aussi en sixième année à Gryffondor. Son frère, Jeremy, est en septième à Poufsouffle avec Kyle. Sophia a le béguin pour lui depuis environ un an et elle n’a jamais eu le courage de lui avouer. Elle l’a dit à Jeremy. Devant Sophia. Ma pauvre petite sœur s’est recroquevillée dans son siège, ses yeux enfoncés dans ses orbites et elle semble tellement sous le choc qu’elle ne respire plus. Je crois que je vais gifler Becca.

« Oh, mais vous en faites une tête les filles Lockwood! » s’écrie cette dernière avant de s’esclaffer.

Sophia sort de sa transe et me donne un coup de pied sur le tibia. AIE! Petit véracrasse je prenais ta défense. Je lance un regard furieux à Becca qui semble comprendre qu’elle est allée un peu trop loin. On ne touche pas à mes frangins. Encore, Kyle est un grand garçon et il sait se défendre de cette sangsue à potins, mais Sophia est timide et introvertie, un peu comme moi, et je ne supporte pas qu’on lui fasse des crasses de ce genre.

« Tu sais Sophia, y’a pas de mal. » dit Jeremy, l’air décontracté, pour détendre l’atmosphère. « Je trouve ça très flatteur. » Rajoute-t-il avec un clin d’œil à son intention.

Sophia vire au cramoisie et je tente de trouver une porte de sortie pour elle. Quand personne n’est au courant, on peut toujours fantasmer sur le fait que l’autre ressent la même chose, mais quand on se prend une phrase du genre « y’a pas de mal, je trouve ça flatteur » c’est un non et ça peut être dur à avaler. Je le sais, je l’ai vécu avec William Henson l’année dernière. Hu-mi-lia-tion totale en plein cours de potion alors qu’il est venu me dire pas gêné pour un sou, que j’étais une fille géniale, mais que je ne l’intéressais pas « de cette façon ». J’ai cru mourir sur place. J’ai même cru voir le professeur Rogue sourire, ce fumier.

« FRIANDISE! QUI VEUT DES FRIANDISES? »

La vieille dame et son chariot de friandises nous sauvent la mise et Sophia en profite pour s’éclipser sous prétexte qu’elle voulait une baguette à la réglisse. Sophia déteste la réglisse, tout le monde le sait, mais personne n’ose relever. Kyle se racle la gorge lorsque la porte du compartiment se referme sur notre petite sœur.

« Hum. Oui bon. Tu touche pas à mes sœurs toi hein! » Fait-il vers Jeremy en lui assénant une bourrade un peu nerveuse.

« Pas d’inquiétude. Elles sont un peu mes sœurs à moi aussi, mec. »

Le moment awkward passe et les garçons se mettent à discuter de trucs de mecs. De gonzesses, de voitures moldues, de sorts dégoutants… Ce n’est pas très important puisque ni Becca ni moi ne les écoutons. Je continue à la fixer d’un regard noir et elle semble fuir ledit regard en se balançant nerveusement sur son banc. Puis, les mecs se lèvent, s’étirent et décrètent qu’ils ont des « trucs à faire » dans un autre compartiment. Pas besoin de préciser que ces « trucs à faire » sont des cruches de cinquième année de Serdaigle. Je lève les yeux au ciel et Kyle m’envoie un baisé au vol et je lui réponds avec un doigt d’honneur. Dès que la porte se referme, je prends un soin délibéré d’ignorer Becca et je sors un livre de mon sac qui était resté à mes pieds jusque-là. Je feins de lire et j’attends que ma soi-disant meilleure amie explose d’angoisse. Je suis un peu rancunière et sadique de ce côté-là. Disons que je ne pardonne pas facilement et il faut vraiment me convaincre de son repentir avant que je daigne accorder mon
pardon.

« Bon. OK! J’ai merdé, voilà t’es contente! » s’écrie Becca en croisant les bras.

« J’en sais rien, tu devrais demander à Sophia ce qu’elle en pense. » Je réponds, feignant d’être à peine intéressée.

« Je suis désolée Em », d’accord? C’est sorti tout seul. » Soupire-t-elle.

« Y’a bien des trucs qui sortent tout seuls de ta bouche Becca, et c’est ça le problème. Tu n’as pas de filtre. » Je réponds, agacée.

« Je suis comme ça, je n’y peux rien! » s’énerve-t-elle.

« Tu sors toujours cette excuse. J’en ai marre de tes excuses. Sophia ne t’avait rien fait. Si tu veux en faire des excuses bidon, c’est à elle que tu les dois. » Je dis en levant finalement les yeux de mon livre.

« Qu’est-ce qui te prend? Tu prends la mouche bien facilement je trouve! »

Je hausse un sourcil. Elle comprend vite qu’elle est bel et bien responsable de mon humeur et elle soupire.

« Bon, bon. J’avoue c’est complètement de ma faute. Je sais que je ne dois pas potiner sur ta famille et j’en suis réellement désolé. Je t’assure que ce n’était pas voulu. Je n’ai pas réfléchi avant de parler, comme d’habitude, et je m’en veux beaucoup. J’irai répéter ces mots à Sophia plus tard… »

Je hausse encore un sourcil.

« Bon OK, maintenant. »

Elle se lève, me lance un regard de chien battu et sort du compartiment en trainant les pieds, le dos vouté pour faire encore plus pitié. Je souris. Malgré qu’elle soit une grande comédienne, je sais qu’elle regrette sincèrement. Becca est une grande gueule et elle m’énerve souvent, mais au fond, c’est vrai qu’elle est ma « meilleure » amie puisqu’elle est la seule qui accepte de trainer avec moi et mon caractère de dragon mal-baisé, comme dirait Kyle.

Je reprends ma lecture qui n’est pas très passionnante finalement. J’en suis à relire pour la douzième fois la même phrase lorsque la porte s’ouvre, mais ce n’est pas Becca qui revient, c’est Fred Weasley. Je sais que c’est lui et pas son jumeau, parce que mon cœur se met à battre comme un détraqué lorsque George est dans les parages. Je continue de croire qu’il s’agit d’une pure coïncidence, un don que Merlin m’a donné pour différencier ce couple de jumeaux ci. (Déni quand tu nous tiens!)

« Salut Fred! Que puis-je fais pour toi? » dis-je d’un ton qui se veut professionnel.

Il éclate de rire et entre s’asseoir en face de moi.

« Comment fais-tu pour toujours réussir à savoir qui est qui? »

Il a vraiment l’air interdit et j’aime ça. Je me contente de lui servir un sourire énigmatique.

« M’enfin. Je me disais que tu voudrais savoir ce qui s’est passé le soir de la Coupe du monde de Quidditch. » Dit-il d’un air qui se veut détacher.

Je vois bien qu’il meurt d’envie de me raconter, bien qu’il l’ait sûrement raconté des centaines de fois déjà. Mon expression intéressée a dû lui mettre la puce à l’oreille. Je souhaite devenir Auror et toutes ces histoires de meurtres et d’attaques de mages noirs me font frétiller d’excitation.

« J’aurais TROP voulu être là. » Je soupire, un air déçut.

« T’es vraiment étrange comme nana, tu le sais? » s’esclaffe-t-il. « Skeeter Junior n’est pas là? »

« Elle est partie s’excuser à Sophia sous mes ordres. »

« Elle a fait quoi encore? » rigole-t-il.

« Le truc habituel. Mais on ne s’en prend pas à ma petite sœur aussi facilement. » Je dis, tentant de mettre un air féroce sur mon visage encore trop juvénile à mon goût, ce qui fait encore plus rire le rouquin.

Il a tout juste fini de me raconter son aventure de la Coupe du monde de Quidditch que Becca réapparait, l’air piteux.

« C’est fait. Je lui ai même promis de parler en sa faveur à Jer… »

Elle s’arrête net en constatant la présence de Fred, se rendant compte qu’elle allait refaire une bourde. Le Weasley hausse un sourcil, mais voyant que nous ne relevons pas, il laisse tomber. Becca vient s’asseoir à côté de moi et étend ses jambes sur la place libre en face d’elle.

« De quoi vous parliez? » demande-t-elle.

« Des évènements de la Coupe du monde de Quidditch de cet été. » Je réponds, encore inquiète, bien qu’intéressée par l’histoire.

« Que c’est glauque tout ça! Vous auriez pas des sujets de conversations moins déprimants? » Grimace-t-elle.

Je savais qu’elle ne serait pas intéressée par le sujet. Ses sujets de prédilections sont les garçons, qui a couché avec qui, qui a trompé qui, qui a un énorme bouton d’acné le jour de la rentrée et la liste continue ainsi dans une infinité absolue…

« Vous savez qui j’ai vu en train de se pelotonner dans le compartiment voisin? » s’exclame-t-elle tout à coup.

Fred se lève d’un bond et part presque en quatrième vitesse en prétextant qu’il doit ABSOLUMENT trouver son frère et Lee. Trouillard. Pas dérangée le moins du monde par le départ précipité du roux, Becca se met à piailler sur Natasha Vikowski et Erik Nielson et leur débordement de passion dans le compartiment voisin au nôtre. Je soupire encore pour la énième fois de la soirée. Le reste du trajet s’annonce pénible.