Météorites by Fleurdepine
Summary:


Tim Payne

Il y a Sid et ses pics dans les cheveux. Rotten qui hurle à l’anarchie. Il y a Dean qui s’en passionne et Mary qui s’en tamponne.
Il y a la Matronne qui l’écrase, sa famille qui le déteste.
Et il y a sa rage, trop longtemps contenue, qui ne demande qu’à exploser.


Il n’a suffit que de cette accumulation pendant l'été 1977 pour tout bouleverser dans l’existence de Sirius Black.


Participation au concours d'Eejil : La Nuit au musée

- 1ère place -


Categories: Tranches de vie, Sirius Black Characters: Famille Black, Personnage original (OC), Sirius Black
Genres: Amitié, Famille
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: All about Black, La nuit au musée
Chapters: 1 Completed: Oui Word count: 7150 Read: 1225 Published: 14/02/2018 Updated: 14/02/2018
Story Notes:

Voici ma participation au concours d'Eejil, La Nuit au musée.

Pour rappel, voici les contraintes :

- Le texte doit parler d'art.
- Le thème, le titre et l'illustration doivent être une affiche ou une couverture d'album, choisie ou imposée. (Eejil m'avait imposé cette affiche de l'expo Météorites au Jardin des Plantes)
- Le texte doit faire entre 2000 et 8000 mots
- 300 mots doivent être consacrés aux sentiments du personnage face à une oeuvre d'art.
- Une scène doit se passer la nuit, et le lever du jour doit marquer quelque chose d'important.
- Une scène doit se passer dans un lieu où l'on expose des oeuvres d'art.
- Le texte doit faire intervenir un spécialiste qui fait découvrir une forme d'art à un néophyte.
- Le texte doit insister sur l'aspect magique de l'oeuvre.

PUNK is not dead by Fleurdepine
Author's Notes:

"Petites" notes concernant mon sujet :


La première fois que j’ai découvert les Sex Pistols c’était il y a environ sept ans. Il faut savoir que mon père est fan de rock anglais, il a grandi avec les Stones et les Beatles, et ce soir-là je lui avais demandé de me faire découvrir de nouveaux groupes. Il me mit du rock quelconque qui ne provoqua que de l'ennui en moi, j’avais envie d’être excitée, bousculée. Voyant que je n’étais toujours pas enthousiaste, il m’a dit : « Je sais ce qu’il te faut ! » et c’est ainsi qu’il m’a introduit aux Sex Pistols. J’étais complètement fascinée par ces gamins — à l’époque, c’était le genre de personnalités qui pouvait me fasciner. Des petits voyous autodestructeurs, complètement provocateurs, jeunes et bêtes, ça me plaisait. On a passé la soirée à les écouter, les voir en concert sur des vidéos YouTube et écouter des interviews, j’étais morte de rire et pleine de fantasmes (haha). 

J’ai un regard beaucoup plus critique aujourd’hui mais ça reste un groupe que j’apprécie même si je ne l’écoute pas très souvent ; j’ai encore une affection forte pour eux, peut-être parce que c’est mon père qui me les a présentés et que je me rappelle bien l’émerveillement ressenti ce jour-là. Du coup voilà, c’est sentimental, et c’était un plaisir immense d’écrire sur eux pour le concours, vraiment ! J’ai fait plein de recherches en plus, découvert plein de trucs sur leur histoire, et la vie de Rotten aussi, qui m’ont beaucoup intéressés. Je n’ai plus aucune fascination pour eux mais j’ai de la fascination pour le mouvement et ce qu’il a eu comme impact dans le paysage musical et politique ! J’espère que ça sera contagieux :D


Bref, mis à part ça, cela faisait un certain temps que je pensais mettre en relation Sirius avec ce groupe car leur rencontre me semblait parfaite. Surtout que j’ai réalisé que les dates coïncidaient à merveille !! Mais je ne m’étais jamais lancée dans l’écriture d’une fanfiction et le concours d’Eejil m’a donné l’occasion de le faire (merci Eejil <3). Je me suis beaucoup lâchée en détails, j’espère que vous apprécierez :D (d'ailleurs, désolée si l'intro est un peu longuette/chiante). Si l’envie vous vient d’écouter des morceaux pendant votre lecture : n’hésitez surtout pas ! Je n’ai cessé d’écouter du punk (ou du rock un peu plus large) pendant l’écriture de cette histoire, donc c’est tout à fait approprié. Je tenais aussi à remercier Seonne d'avoir pris le temps de corriger ce texte et de m'apporter ses retours <3 

Enfin, vous retrouverez ici la relation Walburga-Sirius déjà tissée dans mes textes Vipère au poing et tous ceux qui ont suivi mais n’ayez crainte : pas besoin de les lire pour comprendre. 

METEORITES

 

 

C’était l’été 1977.
La relation entre Sirius et sa mère avait désormais atteint le point de non retour. Ils s’apprivoisaient comme des vautours et se dévoraient avec la même hargne. Son frère, l’étranger, n’était qu’un mirage que l’on retrouvait à l’heure du dîner ; ils avaient cessé de s’adresser la parole. Quant à son père, son cher père, il était aussi inexistant que jamais.
Toute l’harmonie qu’il avait acquise à Poudlard avait foutu le camp après quelques minutes passées dans ce lieu maudit.
Pour ne plus avoir à subir l’existence morne du square Grimmaurd, il avait pris l’habitude de fuguer certains soirs. Personne ne lui en tenait rigueur tant qu’on le retrouvait au petit matin endormi dans son lit. Chez les Serpentards, on pouvait tricher avec ruse. Du moment que les apparences étaient sauvées.
Sirius n’éprouvait aucun complexe à quitter ce lieu sombre et austère — bien au contraire.
Il traînait au milieu de soirées moldues où il lui arrivait de se lier à la population au gré de rencontres saugrenues.
C’était ainsi qu’il s’était ouvert à leur culture. À dose de sorties nocturnes.

Il attendait minuit. L’heure à laquelle la certitude qu’on ne viendrait plus le déranger dans sa chambre était acquise. Il partait. Il s’enfuyait dans les rues de Londres, marchait de longues minutes avant d’arriver à bon port. À force, il avait repéré les lieux animés par la jeunesse d’Angleterre. Il savait exactement où aller.

Déambuler dans la ville était comme un vent frais de liberté qui lui rappelait Poudlard, sauf qu’il était seul. Et lorsque les rues étaient vides, il lui arrivait de se transformer en Patmol, pour courir encore plus vite, encore plus loin. Il hurlait la haine de sa famille pour s’en laver totalement. Il fallait qu’il soit pur.

Camden Town. Le quartier qui l’inspirait. Le quartier le plus underground, alternatif et bohème de la capitale. Le quartier où il aurait voulu vivre. Bars, clubs, concerts de rock, de folk, de jazz, se disputaient les rues. C’était un paradis aux allures d’enfer.
Et lorsqu’il enjambait les pavés de ce bien-aimé quartier, il devenait un autre. La musique l’attirait dans ces différents lieux bondés d’une foule enragée. La rage, c’était ce qu’il avait toujours recherché. La rage était prête à l’emporter.
Pour le moment, elle reposait dans un coin secret de son cerveau, inébranlable. 


Sirius, avec ses longs cheveux et ses habits un peu décalés, se fondait parfaitement dans le décor. Il était même plutôt conventionnel. Il lui aurait fallu des bottines à talons ou des bracelets à clous pour se démarquer. Il imaginait avec délectation le visage de dégoût qu’aurait sa mère en les voyant portés sur ses poignets. Oh oui, il les achèterait.

— Une pinte s’il vous plaît.

Il errait dans le club depuis une bonne heure. Un groupe de rock jouait en live une chanson d’amour un peu mièvre, mais la voix rocailleuse du chanteur rendait l’ensemble plus acceptable. Accoudé au bar, il demanda à un type qui était légèrement en retrait, comme lui, s’il pouvait lui emprunter son briquet. C’était en traînant à ces soirées qu’il avait découvert les cigarettes. Il en grillait une ou deux quand il n’avait rien trouvé de mieux à faire. Le type qui lui fila son feu, plus âgé d’au moins cinq années — il avait la vingtaine facile —, portait un blouson en cuir noir, sur lequel trônaient des épingles de sûreté, ainsi qu’un t-shirt coupé bizarrement où l’on pouvait y lire « I hate Pink Floyd ». Pour couronner le tout, il exhibait fièrement une crête orange.

Lorsque Sirius se rendit compte qu’il l’observait depuis un peu trop longtemps, abusant des règles de politesse les plus élémentaires, il se détourna. Mais l’inconnu l’interpella.

— Hey ! C’est de la merde ce groupe. T’aimes bien ?
— Hm ça passe. Mais ça manque de rage.
— Ah, enfin un jeune homme intelligent ! Qu’est-ce que tu fais ici, t’es tout seul ?
— Ouais. Je voulais écouter de la bonne musique mold… mordue !
— De la musique mordue ?!
— Euh oui. C’est une espèce de métaphore canine que j’emploie parfois. Si une musique est mordue, c’est qu’elle a du chien donc elle me plaira. Encore plus si elle a la rage.
— Ok, t’es complètement timbré en fait. Je t’aime bien. Tu devrais venir avec nous si t’es tout seul. Tu t’emmerderas moins.

Sans attendre sa réponse, il attrapa Sirius par l’avant-bras et l’emmena dans un coin du club où se trouvaient deux autres individus — un de sexe masculin et l’autre de sexe féminin.

— Comment tu t’appelles au fait ?
— Sirius.
— Comment ?
— Sirius.
— C’est un prénom ça ? Ta mère devait être défoncée quand elle te l’a donné, non ? Ou alors elle doit te détester.
— Ça doit être ça.

Sirius sourit tristement. Le gars lui tapota l’épaule avec compassion. Ils venaient d’arriver auprès de ses amis.

— T’inquiète, bro. On sait ce que c’est les relations familiales pourries. Moi c’est Dean. Puis elle c’est Mary, et lui c’est Tom.
— Enchanté les gars.

Il observa les deux amis d’un rapide coup d’œil : Mary était une jolie brune avec des tonnes de colliers autour du cou, et Tom, un grand efféminé qui portait du rouge à lèvres pourpre.
Drôle de trio.

— Où as-tu déniché ce beau garçon, Dean ?

Mary lui fit un clin d’œil discret et Sirius s’arma de son plus beau sourire.

— Il traînait tout seul dans un coin du bar et il avait l’air plus intelligent que la moyenne donc je l’ai embarqué avec nous. En plus il est totalement fou. Attends tu vas voir. Qu’est-ce que tu penses de la reine d’Angleterre Sirius ?
— Euh… j’en ai rien à cirer ?
— Ce type n’est-il pas génial ? Je l’adore.

Il lui donna une brève accolade qui faillit le renverser par terre.

— Du calme. Tu vas nous l’effrayer.
— Aucun souci ! Il en faut bien plus pour m’effrayer.
— D’où viens-tu Sirius ?
— London City !
— Certes. Que fais-tu ?
— J’étudie ?
— Quoi donc ?
— Fous-lui la paix avec ton interrogatoire à la noix. On s’en moque de ce qu’il étudie. Il faudrait plutôt lui demander quel genre de musique il écoute pour juger de sa qualité d’être humain.
— Mais ça… je suis certaine que tu lui as déjà demandé.
— Effectivement.
— Et tu as déjà dû lui faire tout un discours de propagande sur les Sex Pistols.
— Pas encore.
— C’est étonnant !
— Tu as raison, je manque à mes responsabilités. Alors, Sirius, les Sex Pistols ?
— Les quoi ?

Le visage de Dean sembla se liquéfier. De l’autre côté, Mary ricanait.

— Les Sex Pistols. Tu ne vas pas me faire croire que tu ne vois pas de quoi je te parle.
— Désolé Dean, mais non.
— Punaise, mec, tu vivais où ces derniers mois ?
— J’étais en pension, loin de toute civilisation. L’angoisse. Qu’est-ce que c’est que les Sex Pistols ? reprit-il de son ton le plus enjoué.
— Le meilleur groupe qui existe, bro.
— Mais bien sûr ! » Mary roulait des yeux. « C’est un bon groupe je te l’accorde, mais sans comparaison avec les Clash ou les Stones. Dean a tendance à devenir fanatique quand il s’agit d’eux. Fais attention d’ailleurs, il pourrait te contaminer ! »

Sirius s’était intéressé à la culture moldue pour emmerder sa famille mais, mis à part les Rolling Stones, ces noms lui paraissaient étrangers. Pour autant, il était prêt à tout engloutir de ce monde inconnu qui s’ouvrait à lui ; il avait faim de nouveauté, et d’une excitation qui comblerait le vide.

— Ne l’écoute pas. Elle ne sait pas ce qu’elle raconte ! rétorqua Dean en balançant un regard agacé à Mary. Les Sex Pistols, c’est du génie à l’état brut. Ils n’ont peut-être pas le talent d’un John Lennon ou d’un Jim Morrison, mais on s’en tape. Depuis que Sid a rejoint le groupe on sait bien que ce n’est pas la qualité qui compte.
— Sid ?
— Sid Vicious bon sang, Sid fucking Vicious ! Mais tu ne connais vraiment rien de rien ? Ma parole. Il va falloir que je t’éduque. Tu ne peux pas respirer le même air que moi sans connaître Sid, Johnny, et toute la bande ! Est-ce que tu as au moins des connaissances en matière de punk rock ?
— Absolument aucune mais j’ai très envie de tout connaître sur les Sex Pistols et Sid Vicious, tu peux me croire !
— Écoute bro, on va faire simple. La musique se divise en plusieurs catégories. Glam rock avec Queen et Bowie, heavy métal avec Led Zeppellin et Black Sabbath, rock progressif avec Genesis et Pink Floyd. Puis survient le punk rock. Ça a commencé aux USA avec les Ramones l’année dernière, et Londres a suivi le mouvement. Le punk rock, c’est une véritable philosophie de vie. Une indépendance d’esprit et une façon de se rebeller contre l’autorité et le mensonge. Que ce soit dans les paroles, dans la musique, ou dans les fringues. Tu me suis ?

Sirius hochait frénétiquement de la tête. Mary le regardait en souriant tendrement, l’air de penser qu’il avait encore tout à apprendre. Tom restait dans son coin, silencieux, la tête prise par des rêveries plus lointaines. Et Dean parlait.

— Quand tu me dis « rébellion contre l’autorité », je ne peux que te suivre.

Il y avait sa mère, cette haute figure absolutiste, et les chaînes qu’il voulait briser depuis si longtemps ; il y avait aussi les Maraudeurs, leurs excursions nocturnes dans les couloirs de Poudlard, qui se fichaient entièrement des codes et des règles. La rébellion contre l’autorité, il la connaissait bien.

— Yeah, man. C’est absolument ça. Le do it yourself. Et leur musique, ça explose partout, ça gueule, ça provoque. C’est l’anarchie totale.
— Rien que ça ! ricana Mary.
— Leur premier single, c’était une bombe déjà. Anarchy in the UK. Écoute-moi les premières phrases : « I am an anti-Christ/I am an anarchist/Don’t know what I want/But I know how to get it/I want to destroy the passerby ».

Il se mettait alors à gesticuler comme un fou. Un possédé. C’était ce qu’il était.
Il y avait véritablement quelque chose de divin à cette musique, en tous cas d’extra-terrestre, pour le mettre dans cet état-là. Cet état d’abandon total de lui.

— C’est une déclaration d’indépendance ultime. Les paroles t’incitent à utiliser le concept de l’anarchie de façon violente pour lutter contre le sentiment généralisé de colère, de confusion, de frustration économique et d’aliénation sociale qui habitent les jeunes marginaux comme nous. Les gars cherchent à nous réveiller, à nous redonner espoir, ils nous disent : reprenez les armes, les enfants, le rock and roll ne vous a pas été enlevé, il est toujours là et il vous encourage à lutter, à faire les choses par vous-mêmes ; pour cela, un chemin : l’anarchie. « I wanna be anarchy It’s the only way to be ». Mais ce n’est pas l’anarchie dans le sens chaotique du terme, c’est plus l’incitation à agir, à se rebeller contre les mensonges des institutions.

Et Sirius voyait les paroles se dessiner dans sa tête. L’anarchie, concept qu’il maîtrisait mal, occupait à présent son esprit. L’extase procurée par l’existence d’un tel groupe était difficilement descriptible. C’était comme si ces gars s’étaient lancé dans la chanson pour lui, pour ce moment précis, aujourd’hui même. Pour répondre à ses attentes. Pour combler un vide et réveiller la rage.

— Ces types sont des génies. Pourquoi n’en ai-je pas entendu parler plus tôt ?
— Ah, ça, mon gars ! Et attends, c’est pas tout. Il y a quelques mois ils ont sorti LA bombe. God save the queen. Un détournement de l’hymne britannique, contre la royauté. Tu imagines un peu ? S’attaquer au symbole suprême à l’époque où l’Angleterre est en plein consensus, deux décennies seulement après la victoire de la Seconde Guerre mondiale. Mais eux ils demandent : est-ce que la monarchie convient vraiment au monde moderne ? quand personne d’autre n’ose la remettre en question, pas même les « partis de gauche ». En mai dernier ils ont joué ce titre, et c’était comme si le ciel et la terre s’étaient inversés.
— Mais t’y étais toi ? Bro ?
— Un peu que j’y étais. Je n’avais jamais vu un concert comme ça ! C’était même pas juste un concert, bro, c’était l’Histoire. Je pèse mes mots, l’Histoire avec un grand H. Représente-toi un peu, quatre mecs complètement éméchés qui se mettent à gueuler sur un bateau, en pleine Tamise, le soir du jubilé : « God Save The Queen/The fascist regime/She ain't no human being ». C’était un véritable rugissement qui sortait de sous la terre pour éclater au ciel. C’était tout bonnement incroyable. On n’a jamais vu quelque chose d’aussi contestataire et d’aussi puissant. Après ce soir-là, le monde entier était contre eux. Ils avaient déclenché un immense tremblement de terre. Les autorités, les radios, les journalistes, les maisons de disques, tous les avaient pris en grippe et tous se sont mis à déblatérer un tissu de conneries sur leur compte. Parce qu’ils avaient osé briser le consensus (scandale !). Ils se sont fait arrêter, tabasser, des gars énervés ont tailladé le visage et le bras de Johnny Rotten, Sid Vicous aussi a subi des attaques, Paul Cook a fini assommé. Une putain de dictature ! C’était y a même pas un mois ce que je te raconte. On est en train d’assister à la création d’un mouvement révolutionnaire qui va bousculer la société. C’est pas simplement artistique, c’est carrément politique. « No Future » comme ils disent !
— Je vais chercher des pintes, coupa Mary. Vous en voulez ?
— Hmm ? Oui vas-y.

Elle quitta la table avec une certaine classe. Au loin, elle avait repéré le barmaid, et le barmaid et elle avaient quelques amabilités à s’échanger, du moins, des mots plus intéressants que le baratin habituel de son pote Dean. Qu’elle aimait follement, par ailleurs. En toute amitié.

— Et ils en sont où maintenant ?! reprit Sirius avec un enthousiasme grandissant.
— Ils ont lancé une tournée secrète. Les rumeurs disent qu’ils sont en Scandinavie. Mais ils vont venir jouer en Angleterre, c’est quasi sûr. Il faut rester à l’affût pour connaître les détails précis. Surtout qu’ils devront utiliser des noms d’emprunt, maintenant, pour être diffusés dans des salles britanniques.
— Tu penses que tu pourrais me trouver une place ?
— Bien sûr, bro. Mais si tu veux un conseil : suis les fanzines comme le Sniffin’ Glue ou le Punk. Si tu les achètes régulièrement et que tu sais lire derrière les lignes, tu seras tout aussi au courant que moi.
— Merci pour l’idée, bro. Et Sid Vicous alors ?
— Quoi Sid Vicious, bro ?
— Bah tu devais m’en parler !
— Oh, right. Sid Vicious est devenu le symbole punk par excellence. Ce qui est drôle c’est qu’à la base, il n’était même pas dans le groupe. C’était Glen Matlock le bassiste. Un vrai musicien pour le coup.
— La légende dit qu’ils l’ont viré parce qu’il aimait et écoutait les Beatles.
— C’est un délire !
— C’est une légende mais ça reflète bien l’esprit du groupe. Glen était trop doux, trop « belles chansons d’amour ». Sid a su apporter un vrai souffle avec sa folie. Ce type est complètement dépravé. On s’en tape qu’il soit bon musicien ou pas. Il assure le show. Il provoque. Puis physiquement, il est terrible aussi : le visage pâle, les cheveux en piques, un rictus permanent. Maintenant, quand tu penses Sex Pistols, tu penses directement Sid Vicious.
— Il a quel âge ?
— Vingt-et-un ans à peine ! Un peu comme toi non ? Tu pourrais faire un bon Sid Vicious ! Et moi je serais Johnny Rotten. D’ailleurs, tu vois le t-shirt que je porte ? « I hate Pink Floyd ». C’était le t-shirt que portait Rotten lors de leur tout premier concert, et même bien avant ça, quand MacLaren l’a repéré pour monter un groupe.
— Il est comment Johnny Rotten ?
— Roux !

Dean explosa d’un rire tonitruant qui finit dans un léger hoquet.

— C’est pour lui que je me suis teint les cheveux, cher ami. Mais à part ça, Johnny Rotten c’est l’esprit punk à lui tout seul avec son pantalon en cuir et ses bottes de biker de chez Lewis Leathers. Puis c’est un excité, avec ses yeux toujours ouverts, hallucinés. Lorsqu’il passe à la télé, ça se finit toujours en insulte, le gars ne fait que sortir des ordures à la tronche des journalistes. Mais c’est parce que ce sont des menteurs. Lui, il est pas là pour se donner un style. Son vrai nom c’est John Lydon ; « Rotten » c’est parce que ses dents étaient pourries. Il est la tête pensante du groupe. C’est lui qui a écrit les paroles et qui a donné un cap aux Sex Pistols. Puis c’est le chanteur quoi. Sans lui, le punk n’aurait jamais été. Il est au cœur du groupe et donc au cœur même du punk.

À ce moment de la soirée, Sirius avait déjà entièrement englouti sa pinte et il accueillit avec bonheur l’arrivée fraîche de Mary — ses mains, surtout, qui portaient leurs doux élixirs comme un trésor des Dieux. Tout en continuant de parler, Dean avait versé un peu de la sienne sur la table, qui était d'ailleurs devenue un véritable déluge. Ils étaient tous les deux dans un univers parallèle. Le décor, à l’image du bordel dans leurs têtes.
À côté (et en même temps à des années lumières), Tom était en train de se mettre du vernis à ongle d’un air désintéressé.

— Y a Steve Jones à la guitare électrique et Paul Cook à la batterie. Eux aussi, ce sont de sacrés numéros. Ces gars-là quand tu les vois t’as pas envie de les emmerder.
— Et les Clash dans tout ça ?
— Les Clash ? Mary te dira que c’est LE groupe punk mais elle se trompe. Les Sex Pistols sont contraire à tout ce qui se fait ou se faisait. C’est eux qui ont inventé le punk et qui ont inspiré les Clash. Ils sont le punk. Les Clash ne sont pas vraiment « no future » en réalité. Ils ont un discours beaucoup plus moralisateur. Leurs textes sont tournés vers un idéal socialiste mais dans le sens marxisme humaniste car ils ne cautionnent pas les dérives du communisme. Du coup ils ont des textes sans solution, sans réel engagement.
— Mais eux aussi ils ont leur grain de folie. Il y a deux semaines à peine, ils ont été arrêtés pour avoir tagué « The Clash » sur un mur, dans un hôtel. Moi je trouve leur musique plus dense et plus recherchée. De toute manière, pour Dean, rien n’égale les Sex Pistols.
— Les Sex Pistols ont plus la vérité du moment et ça se ressent quand tu assistes aux concerts des deux groupes. Mais je respecte beaucoup les Clash. Ce sont des gars qui en ont dans le froc aussi.

Même les affrontements entre Mary et Dean étaient passionnés, c’était à en perdre l’esprit. Chaque flot d’alcool ou de paroles était enivrant. Mais la discussion bifurqua ensuite sur d’autres sujets, parfois plus sérieux comme le quatrième sommet de l’OTAN qui s’était tenu en mai dernier à Londres même — mais Sirius n’avait aucune idée de ce qu’était l’OTAN — ou plus légers comme le rugby, sport national, véritable religion chez eux — mais là encore, Sirius n’y connaissait pas grand-chose.
Les mots de Dean sur les Sex Pistols résonnaient toujours dans sa tête. Il avait une envie urgente de se confronter à leur univers et à leur folie, de faire face à leurs paroles contestataires. L’obsession qui naissait brutalement en lui était dévastatrice. Comme si la rage qu’il avait toujours contenue réclamait enfin à être écoutée. Et, au bout de plusieurs minutes, il pria à nouveau Dean de lui en dire plus sur le sujet.

— Attends mais tu sais quoi ? On va filer chez moi ! Je vais pouvoir te faire écouter les 45 tours, tu vas comprendre.
— Ce sera sans moi, balança Mary dans un bâillement.
— Allez, Mary, ne sois pas rabat-joie. Qui est-on si on ne suit pas les demandes de notre invité ?!

Elle lui répondit que ça l’arrangeait bien. Puis, se tournant vers Sirius :

— Bon sang. Tu veux vraiment y aller ?
— Totalement !
— Tu ne sais pas dans quoi tu t’embarques mon ami.
— Peu importe ; il faut bien prendre des risques dans la vie, n’est-ce pas ?
— Bien dit ! encouragea Dean.
— Moui. Bon ok. Allons-y.

Les pintes furent vidées en un rien de temps. Chacun balança son verre sur la table.
Puis les quatre jeunes rebelles sortirent du pub à l’unisson.
Leur démarche était accordée à la perfection.
Cheveux noirs et roux volant dans le vent.
Ils avaient tout d’un gang de faux durs. Sirius avait retroussé ses manches pour l’occasion.
Ils avançaient d’un pas lourd et cadencé sur le béton sec de la ville. La pluie avait disparu.
Et la marche cessa.

— C’est une moto ?!

Sirius observait l’engin avec des yeux émerveillés.

— Bah oui c’est une moto ! Tu sors vraiment d’une autre planète toi ! Pas n’importe laquelle en plus : la Yamaha XS 750. Ces modèles sont beaucoup plus confortables et polyvalents que les Honda CB 750 Four. Le moteur est de type trois-cylindres en ligne calé à 120°, donc rien à voir avec la production de masse. Mary en a une aussi. Tu peux monter derrière moi, Tom ira avec Mary.
— Géant !

Depuis un an, Sirius avait développé une fascination exagérée pour ces bidules. Sa passion était née d’une surprise que lui avait faite l’oncle Alphard l’été précédent en l’emmenant voir une course de motards dans un coin excentré de Londres. L’oncle avait un copain moldu expert en la matière. Il conduisait, même. Personne dans la famille n’était au courant de cet écart. Toujours est-il qu’il avait eu un coup de foudre pour ces engins. Il en avait d’ailleurs collé des affiches partout dans sa chambre, au milieu des filles en bikini.

Et dans l’atmosphère étrange de cette nuit d’été, les motos démarrèrent.
Le vrombissement des moteurs bourdonnaient dans l’immensité de la ville.
Plus les machines avançaient, plus les rues étaient silencieuses, plus on les entendait rugir.
Ce bruit éveillait en Sirius un sentiment de bien-être ; il lui rappelait la fuite, le départ vers l’ailleurs, le voyage sans destination anticipée.
Il avait toujours haï le silence. Le silence de l’énorme Manoir dans lequel il vivait — dans lequel il était contraint de vivre. Alors il aimait ce qui était assourdissant plus que tout. Comme une conséquence évidente au calme imposé par la mère. Le vacarme lui procurait des frissons.


Lorsqu’ils arrivèrent à destination, Sirius fut presque déçu. Il aurait adoré rester toute la nuit derrière Dean à circuler dans les rues infinies. Mais en découvrant l’endroit dans lequel ils allaient s’installer, sa déception se changea en étonnement.

— Qu’est-ce que c’est que ce lieu ?! Tu vis là ? C’est énorme !
— C’est un squat, une vieille école, on l’appelle la « School House ». On est plusieurs à s’être installés ici, les loyers sont devenus trop cher dans la capitale. Y a beaucoup d’étudiants mais tu trouves aussi des artistes, des musiciens, des Écossais, des Irlandais… ça manque pas d’ambiance !
— Vous vous partagez les chambres ?
— Non, non. On en a chacun une. Tu vas voir.

La chambre de Dean se trouvait au sous-sol. En guise de lit, un matelas sur lequel reposait une télévision. Des habits étaient suspendus sur les canalisations, plusieurs vinyles reposaient sur une table basse aménagée et un tapis avait été disposé sur tout l’espace afin de le rendre plus accueillant.


C’est ainsi que Sirius Black se retrouva dans un squat miteux, en plein quartier d’Hammersith, allongé sur le sol d’une chambre qui ressemblait à une crypte, un joint à la main, attendant que les météorites viennent s’écraser.
Les trois acolytes reposaient à ses côtés.
Et les Sex Pistols rugissaient dans toute la chambre, faisant trembler leurs corps.


"There's no future in England's dreaming" ("le rêve de l'Angleterre n'a pas d’avenir")
"We're the flowers in the dustbin/We're the poison in the human machine/We're the future, your future" ("Nous sommes les fleurs dans la poubelle/Nous sommes le poison dans la machine humaine/Nous sommes l'avenir, votre avenir »).

C’était d’une lucidité sans égal. Chaque note s’écrasait sur son cœur comme une pluie d’astéroïdes. Chaque parole rayait son esprit comme une étoile filante rayerait le ciel nocturne. Chaque cri brûlait son estomac avec autant de chaleur qu’une boule de feu.

Et il voyait des choses au plafond. Mais c’était peut-être le contrecoup des météorites.

Cela dura des heures, et pourtant, cela ne dura que quelques minutes.

La nuit allait bientôt se coucher à son tour, rejoindre le soleil qui ne l’attendait jamais. Il aurait voulu continuer à plonger dans les nuages et consumer de la marijuana, entendre Dean lui raconter toute l’histoire du rock, et Mary le contredire. Il aurait voulu que Tom se trémousse encore au rythme de la batterie, et que les Sex Pistols ne cessent jamais de le bercer.
Il était bien. À sa place.
Mais les premiers rayons de soleil sortiraient bientôt de leur cachette. Et, pour ne pas subir la colère maternelle, il fallait partir.

* * * * *

— Je te vois.

Sirius continua comme si de rien n’était.

— Immondice ingrate et puante.

Il monta les escaliers.

* * * * *

Les murs de la maison avaient fini de lui voler son souffle et son énergie. Ils empestaient la magie noire à plein nez. Aujourd’hui, Sirius ne voyait aucune issue.
Fallait-il continuer à rester ici, dans cet endroit sans avenir, dans ce lieu vide de tout espoir ?
Lorsqu’il voyait son frère suivre les pas de sa mère, aveugle, il avait envie de mourir.
À l’issue du chemin parental, d'ailleurs, se trouvait la mort. Les ténèbres. C’était tout ce que lui inspirait Voldemort, et les Mangemorts. La mort, partout.
Au-delà du fait que l’autorité sous n’importe quelle forme commençait à l’épuiser.
Y avait-il un intérêt quelconque à rester ?
La bataille contre sa mère était-elle à ce point importante ?
C’était comme si la maison était contagieuse ; elle le vidait.
Il n’en avait plus peur comme lorsqu’il était enfant, puisqu’elle le rendait désormais léthargique.
Tous ses rêves de révolte se cognaient à une atmosphère trop néfaste, trop immense.
Il ne supportait plus de rester immobile.

* * * * *

— Qu’est-ce que c’est que ce blouson horrible ?
— C’est la mode chez les Moldus.

Sa mère le toisa avec un mépris considérable. Et, d’un ton qui n’attendait aucune réplique, ordonna :

— Enlève cette horreur immédiatement.

Sirius la regarda avec un air de défi sur le visage. Mais il ne bougea pas d’un pouce. Il n’enlevait pas le blouson tant décrié.

— Écoute ce que dit ta mère et ne fais pas d’histoire, Sirius.

Son père, qui se manifestait de temps à autre, venait certainement de prononcer les premiers mots que Sirius avait entendus depuis le début de l’été. Bien.

— Certainement pas, déclara-t-il d’un ton aristocratique.
— File dans ta chambre. Tu es interdit de repas tant que tu porteras cette chose sur toi.

Sirius prit un malin plaisir à quitter la salle à manger. Il était fier de sa petite provocation. C’était comme ça qu’il pouvait gagner la guerre contre sa mère.

Cette guerre qui avait de moins en moins de sens.

* * * * * *

Il s’était acheté la panoplie du punk et parfois, la nuit tombée, il s’amusait à se déguiser en Sid Vicious pour observer son reflet dans le miroir. Cela lui permettait de tenir un jour de plus au sein de cette famille détraquée.
Mais dès qu’il retirait son costume, il devenait vulnérable à nouveau.

* * * * * *

Narcissa et Bellatrix étaient invitées à la maison. Elles venaient accompagnées de leurs époux respectifs. L’oncle et la tante étaient également de la partie. Une agréable soirée en perspective.

Le repas fut un florilège de formules insupportables et de courtoisies imbuvables dont Sirius était le seul exclu.
Tout était agression.
Les regards méprisants, les coups de fouet à chaque attaque contre les Moldus, les loups garous ou les minorités, cela le révoltait mais il avait fini par se taire.
C’était ce qui était le plus révoltant dans cette histoire.

* * * * *

Parfois, c’était comme si sa mère contrôlait ses pensées. Elle s’engluait à l’intérieur pour lui faire croire des choses qui n’étaient pas vraies.

Elle était toujours là comme une menace.

— Ne fais pas ci ; ne fais pas ça.
Et il ne pouvait s’empêcher de le faire. Et de payer ses fautes après, toujours.

— N’oublie pas que tu es mon fils, Sirius Black.
Si elle ne lui avait pas rappelé, peut-être bien qu’il l’aurait oublié.

— Quelle déception.

Elle profitait de tous ses moments de faiblesse. Et, ce soir, il était faible.
Ses amis lui manquaient. L’atmosphère oppressante du square Grimmaurd avait fini par l’atteindre, comme au bout d’un certain temps passé dans ce lieu. Elle le rendait malheureux. Et inapte. Inapte à agir comme il l’aimerait, inapte à lutter.
Rebelle, il l’était, assurément.
Mais il était aussi fatigué d’entendre des remarques à tout va.
Des « J’ai assisté à la mort d’un Moldu aujourd’hui, c’était intéressant de voir une telle quantité de sang se vider ». Quand ce n’était pas intéressant c’était plaisant.

Il en pleurait de haine.

Le miroir s’était mis à changer de couleur et la tête de son meilleur ami apparut. Sirius sécha ses larmes en deux temps trois mouvements, puis s’empara du miroir avec fougue.

— Cornedrue !
— Hey Patmol ! Comment tu vas ?

Le sourire de son meilleur ami était rayonnant. Il avait l’air de passer un été merveilleux, contrairement au sien. Tout transpirait la joie de vivre chez James. Alors, Sirius voulut renvoyer, lui aussi, cette joie de vivre, peu importe qu’elle fut fausse.

— Super ! Et toi ? Paris ?!
— C’était génial. Il faut absolument que tu visites cette ville. Il y a plein de petits bistrots partout, mais rien à voir avec nos pubs à nous ! Leur nourriture est incroyable (ils adorent le fromage) et la Tour Eiffel, au nom du caleçon de Merlin ! J’aurais tellement aimé que tu sois avec nous, ça aurait été mille fois plus délirant. On est parti sur la Côte d’Azur, aussi. Je n’avais jamais vu une mer aussi turquoise, t'aurais dû voir ça ! D’ailleurs, j’ai pris des coups de soleil sur le nez, c’était plutôt affreux. Mais ça va mieux, je crois bien !
— Oui, tu es absolument parfait, pas d’inquiétude.

James explosa de rire.

— Désolé de ne pas t’avoir donné signe plus tôt mais il y avait des problèmes d’interférences dans l’hôtel, enfin j’ai pas trop compris mais je n’arrivais pas à utiliser le Miroir. On rentre demain normalement. Tu penses qu’on pourra se voir ?
— Malheureusement, ça va être compliqué. Mes faits et gestes sont surveillés en journée. Mais si tu peux te libérer après minuit…
— Ouais, après minuit c’est compliqué pour moi haha. J’ai beau avoir dix-sept ans dans quelques mois, mes parents me considèrent encore comme un enfant. Il faudrait leur expliquer que je ne suis plus un bébé !

James avait une manière exagérément dramatique de prononcer ses mots.

— Au fait, je t’ai écrit une lettre la semaine dernière, tu l’as reçue ?
— Non, pas encore. Ça ne saurait tarder.
— Ça va toi ? Tu as une petite mine !

Une ride était apparue sur le front de son meilleur ami.

— Ouais super ! Hier on est sorti un peu, Alphard m’a emmené dans une fête foraine, ça m’a fait changer d’air. On a testé plein de manèges flippants, enfin : Alphard m’a regardé faire, plutôt, parce que c’est une vraie poule mouillée, celui-là. A son âge en même temps…
— Ah, ce bon vieil Alphard ! Toutes ces nouvelles me rassurent. Je m’inquiétais, j’avais peur que tu passes un été pourri. On essaie de se voir dans les jours à venir, hein ? Ta belle tête d’imbécile me manque.
— Ouais ! Je vais demander à ce bon vieil Alphard de faire diversion. Tes cheveux débroussaillés me manquent aussi. Ça ne va pas en s’arrangeant, d’ailleurs.
— Ordure ! s'esclaffa James, jamais très sérieux.

Au loin, Sirius distingua des sons étouffés.

— Mince, lui revint la voix de James. Y a ma mère qui m’appelle ! Ça m’a fait plaisir de t’entendre, Patmol.
— Plaisir partagé ! Ne fais pas attendre ta mère, vieux frère, va donc la rejoindre ! À très vite.

A la fin de la discussion, il balança son livre de potions par terre.
Il n’en pouvait plus de mentir.

* * * * *

Un jour qu’il cherchait son blouson en cuir, il ne le trouva pas.

— Mère, auriez-vous vu mon blouson en cuir ?
— Oh, cette chose affreuse ? J’ai demandé à Kreattur de le brûler.

Elle sourit devant son air déconfit.

* * * * * *

— Où sont passées mes dents de serpent ?
— Oh ? Je les ai jetées.

Regard de vipère scandalisée.


Cela faisait un partout.

* * * * * *

Il écoutait les Sex Pistols dans sa chambre. Quelques jours auparavant, il avait acheté tous leurs 45 tours et un lecteur vinyle dernier cri.

NO FUTURE.

Il avait lancé un sort pour insonoriser les murs, ce qui lui permettait de mettre le volume au maximum et de plonger entièrement dans leur atmosphère, sans crainte d’être dérangé, sans crainte d’être écouté.
La révolte dans les paroles frappait contre sa tempe comme un tambour déchaîné, et les paroles dansaient à l’intérieur de son crâne de façon rituelle.
Cette apparence rebelle qu’il avait toujours eue, il n’avait jamais su l’exploiter. Ça n’avait été qu’une façade. Il n’avait jamais été au bout de ses idées. Mais, aujourd’hui, les Sex Pistols l’encourageaient. Ils redonnaient un sens à son combat. Il se sentait rebelle pour de vrai.
À la place de la « queen », c’était « Walburga » qui apparaissait.
« She’s not a human being and there’s no future in Grimmaurd’s dreaming »
« Don’t be told what you want, don’t be told what you need. There’s no future No future No future for you »
« No future among the Pure Blood bastards, no future among the deatheater, no future inside this haunted house ».

L’autorité suprême, sa mère, lui avait toujours menti. Elle lui avait menti lorsqu’elle s’était faite passer pour sa mère, d’abord. Ce fut le premier mensonge, le plus énorme, le plus ignoble. Elle avait prétendu des responsabilités qui n’existaient pas.
L’amour maternel n’avait jamais été.
C'était sa première souffrance. Une souffrance qui ne devait plus faire mal. Qui devait se transformer en rage. Qui devait disparaître.
La famille aussi. Un autre mensonge. Il n’y avait pas de famille, ici. Il y avait l’héritage, le poids lourd de l’héritage, qui faisait de lui un fils. Il n’y avait que son sang pour le définir. À la moindre erreur, c’était fini. Et Andromeda était la première à avoir péri.
Les Moldus, microbes infectieux pour les Sang-Pur. Encore un mensonge. C’était dégueulasse. Il avait envie de vomir.
YOU LIARS.

Oh you’re so pretty 
Oh so pretty
You’re vacant
Oh you’re so pretty
Oh so pretty
A-vacant


La météorite était sur le point de s’écraser sur la terre, prête à tout ébranler.

* * * * * *

Pourquoi s’entêter à lui renvoyer les coups ? C’est absolument stérile. Il faudrait détruire tout. Y mettre fin. NO FUTURE.

* * * * * *

— Mon fils, tu n’as aucune prestance.
— Tu peux parler, ma mère, cela ne m’intéresse plus.
— Pourquoi est-ce que tu me mens ? Tu peux te mentir à toi si tu le souhaites mais pas à moi.
— Toi ? Tu es un tissu de mensonges, je me demande comment tu peux encore respirer au milieu de toute cette hypocrisie.

Elle tourna vers lui ses yeux de vipère. Pire que tout, un sourire effrayant décorait son visage.

— Oui, Sirius. Tout mon monde n’est qu’hypocrisie et tu appartiens à ce monde. Ce qui fait de toi le plus hypocrite de tous. Tu es tellement englué dans cette hypocrisie que tu ne le vois même pas. Pire que ça : tu t’en crois lavé. Tu es un Black. Cette image te collera toute ta vie à la peau. Tu ne seras jamais ce que tu veux ou ce que tu crois être. Et ils ne t’accepteront jamais comme tel, comme moi je le fais. C’est ça l’amour ; te reconnaître pour ce que tu es. Je suis ta seule issue. Il est temps que tu t’en rendes compte car tant que tu ne prendras pas conscience de cela, tu seras un homme mort. Il n’est pas encore trop tard pour toi ; tu peux encore assumer qui tu es. Si tu ne le fais pas, prépare-toi à une vie de misère. Car si tu détestes tant le mensonge, tu devrais te détester toi-même.

Sirius ne put faire autre chose que d’exploser d’un rire froid. Sa mère était la seule personne à le mettre dans cet état. Un état second dans lequel il aurait été prêt à commettre un crime tant ses nerfs étaient à vif. Tant il la détestait qu’il voulait la déchiqueter. Il fallait qu’il se calme. Sinon il ne pourrait maîtriser les mots, il ne pourrait être compréhensible et à la hauteur de son insolence. Il ne pourrait la blesser comme elle le brise. Comme elle l’avait longtemps brisé et ce soir c’en était fini. Elle ne gagnerait pas. Elle cesserait de le retenir avec ses tentacules gluantes de l’esprit. Il la tuerait.

— Un tissu de mensonges ! C’est ce que je disais. Si tu as cru un seul moment que toi et moi avions une seule chose en commun — à part ce fichu sang — tu t’es fichtrement trompée ma mère. Tu n’es qu’une femme aigrie et avide de pouvoir sur les autres, tu manipules ton entourage à outrance, jusqu’à ta propre chair. Il n’y a jamais eu de points communs entre nous ! Il n’y en aura jamais. Arrête de te projeter en nous. En moi. Tu n’as jamais été une mère ! Walburga. C’est comme ça que je te nomme quand je pense à toi. Pas « Maman ». Jamais, « maman ». Ma mère est morte quand je suis né.
— Tu ne gagneras jamais Sirius. Tu ne m’atteindras jamais. Tes mots résonnent en moi comme un ricochet. Je ne les crois pas. Ils manquent de saveur, de sincérité, de vérité, cette vérité qui t’est si chère. Tu ne l’atteindras pourtant jamais puisque tu la refuses. Tout est faux dans ta bouche, et ton assurance l’est davantage. Tu ne peux pas me mentir à moi. Jamais tu ne réussiras à me tuer, Sirius. Jamais tu ne m’oublieras. Je serai toujours là.

Sa voix était douce à présent. Elle donnait à Sirius l’impression d’être un enfant qu’on console et c’était terriblement humiliant. Comme si rien de ce qu’il disait ne pouvait la toucher. Comme si elle était la plus forte. Un sentiment qu’il avait toujours ressenti et qui l’avait obligé depuis tout ce temps à rester là, alors qu’il crevait de partir, à rester là pour lui prouver qu’elle avait tord. Mais il n’y arrivait jamais. Comme si elle le contrôlait entièrement. Alors ce soir, pour la détromper, pour lui porter son coup fatal, il allait partir. Elle ne pourrait plus jamais croire qu’il mentait. Il partirait ! Il l’écraserait. Il la rejetterait !

Maman, je m’excuse. Je m’excuse que tu m’aies vu pleurer toutes ces années et que tu sois partie sans un geste. Je m’excuse que tu sois ce monstre froid de cruauté. Je m’excuse que tu sois tellement hypocrite et tellement fausse que j’espère que tu en mourras. Je m’excuse qu’ils soient tous assez cons pour écouter ton baratin hypocrite et le croire. Je m’excuse aussi d’avoir pu servir à tes manigances et te laisser imaginer qu’on avait un quelconque rapport tous les deux. Je m’excuse d’avoir pu te faire croire que j’étais ton fils et te mentir toutes ces années.

Puis il courut jusqu’à sa chambre pour éviter que sa mère ne le retienne avec ses paroles empoisonnées.

* * * * * *

Lorsqu’il claqua la porte du square Grimmaurd, il le fit avec toute sa rage. 

Cause I wanna be anarchy
No dogs body


Get pissed destroy!

* * * * * *

Sirius vivait à présent chez les Potter et il y vivait bien.
La rage avait enfin disparu de son esprit.
Pour la première fois de sa vie, il était apaisé.

* * * * * *

Il avait épluché les fanzines chaque semaine pour y découvrir des informations concernant les Sex Pistols, comme le lui avait prescrit Dean il y a un mois de cela. Et enfin, ce jour-là, il avait trouvé. La tournée SPOTS en Angleterre était annoncée. C’était subtil mais c’était annoncé.
Découvrir les dates avait été une véritable chasse au trésor. Le groupe organisait des concerts surprises dans des petites salles sous des noms d’emprunt pour ne pas se faire démasquer par les autorités. 
Le premier d’entre eux aurait lieu le vendredi 19 au soir, au club Lafayette de Wolverhampton.
Bien sûr qu’il y serait. Même s’il fallait parcourir vingt mille bornes pour ça.
Le retour des Sex Pistols sur la scène anglaise, ça se fêtait.

— James, il faut que tu viennes voir ça.

* * * * * *

La salle de concert, minuscule, grondait de monde, presque autant qu’un match de Quidditch. La foule était en délire, chacun portait des t-shirt à l’effigie de leurs héros. On y trouvait des looks absolument excentriques et Sirius lui-même en avait profité pour afficher sa panoplie du parfait petit punk. Ce qui avait valu de la part de James un regard outré.

Les premières notes de guitare résonnèrent dans la salle.
C’était une chose d’écouter des vinyles et une autre de recevoir la musique de plein fouet, en plein live.
C’était une puissance encore plus dévastatrice.
Le sol lui-même ne tenait plus bien. Un tremblement de terre se préparait.
Lors des premiers cris hystériques de Sid Vicious, chacun se mit à hurler. À ce moment-là, il était certain que le sol n’existait plus. Leurs pieds ne connaissaient pas de repos. Et ça n’avait aucune importance. 

— Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
— Regarde, ce type là-bas c’est Sid Vicious ! Une icône chez les Moldus ! Il a complètement réinventé le rock. Et le chanteur, le roux, c’est Johnny Rotten.
— Mais qu’est-ce que c’est que ces paroles débiles ?
— Débiles ?! Tu veux rire ! Ces paroles sont complètement révolutionnaires. Tu ne saisis pas l’esprit punk, Cornedrue. Concentre-toi un peu !
— Je me concentre mais ça n’a aucun sens.
— Bien sûr que si ! C’est toute une révolte contre l’ordre établi et le mensonge !

James rit avec joie.

— Comment tu connais tout ça Patmol ?
— Mais enfin, James, comment toi tu ne connais pas tout ça ?!
— Très bien, je ne vais pas chercher à comprendre. J’imagine que c’est important pour toi donc je me résigne !
— Merci bien !

Puis James se mit à bouger au son de la musique et apprécier le concert pour faire plaisir à Sirius. Et Sirius était heureux.
Heureux mais mélancolique.
C’était une page qui s’était tournée, une page qui se refermait.
Les Sex Pistols l’avait accompagné dans sa lutte contre l’autorité maternelle. La suite des événements avait été fulgurante, foudroyante : en quelques minutes, sa vie avait été bouleversée. Comme le mouvement punk qui devait mourir deux années plus tard, en 1979. Il fut tout aussi bref et perturbateur que la révolte de Sirius. Tout aussi violent que l’impact de météorites. Ces trois événements apparaissaient désormais comme une brève mais brillante explosion dans l’histoire.

* * * * * 

End Notes:

Votre avis sur un Sirius punk ? -->

Cette histoire est archivée sur http://www.hpfanfiction.org/fr/viewstory.php?sid=35939