« Allez, prends-en une !
- Non, Al’.
- Tu sais bien que si tu es un peu pompette, je te protègerais !
- J’ai dis non.
- Tu ne vas quand même pas me laisser boire seul ces bièraubeurres !
- Je suis enceinte ! »
Silence.
« Sérieux ?
- Oui.
- Ok. »
Ok. Alors là Albus, t'as vraiment trouvé la répartie parfaite.
Leurs voisins se tournaient vers eux, un sourire sur les lèvres. Fanny était plus pâle qu'un sombral, Albus s’était laissé tomber sur son siège. Ce n’était pas prévu et ça lui foutait vachement les jetons. Il se tue et se dit que ce n’était sans doute pas la réaction qu’elle attendait. Mais à part ça, il ne savait pas trop quoi penser.
Et puis d'un seul coup, les sourires des voisins devinrent solaires. Aussi solaires que le soleil qui brillait haut dans le ciel...
« Quelle belle journée ! » Avait-il dit le matin-même.
« Rose contre les Harpies... ce match sera mémorable. » avait-il poursuivi.
Mémorable...
Un sourire naquit enfin sur ses lèvres à lui et il se dit qu'il n'avait pas d'autres émotions dans son panier. C'était imprévu, surprenant, et si son cœur s’emballait d'appréhension et d'angoisse, aucun battement ne manquait d'envie et de hâte. Il tira Fanny par la main pour qu'elle s'assoie à ses côtés mais ne dit rien... Entre le hurlement des spectateurs et le bourdonnement de ses oreilles, il n'avait rien à ajouter. A part...
« C'est merveilleux.
- Non, non. Ce n'est pas merveilleux. »
Et puis les larmes s'étaient mises à couler en torrent. Fanny était très belle et ce qui lui avait particulièrement plu, c'était cette grâce qu'elle gardait dans toute situation. En quelques mois, il avait appris à la découvrir et à reconnaître la moindre de ses angoisses sous sa carapace. Cette peur-ci, elle grossissant depuis des jours et il avait été incapable de la déceler.
« Depuis combien de temps le sais-tu ?
- Un peu moins de deux semaines... Enfin je m'en doutais. Je n'ai fait le test que ce matin.
- Fanny... Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?
- J'avais peur de... Je ne voulais pas gâcher ta journée.
- Me gâcher ma-
- Je savais que tu serais content... Parfait. J'avais surtout peur de te le dire avant de te briser le cœur. Je ne peux pas, Al. Je ne peux pas le garder. »
Un peu pommé, Albus avait reporté le regard vers le terrain. Que devait-il dire ?
« Pourquoi ? »
A peine posée, il regretta sa question.
« J’ai… Je… Je viens de rentrer au Ministère. A 26 ans, je trouve enfin ma place, et… Ça va tout gâcher.
- Fanny…
- Tu sais bien qu’ils ne me garderont pas !
- Tu trouverais ailleurs.
- Mais je ne veux pas ! Je ne veux pas trouver un autre travail. Je ne veux pas arrêter toute activité pour m’occuper d’un bébé. Je ne veux pas profiter de ta gentillesse, de ton argent et de ta protection. Dans deux ans, oui. Mais maintenant… »
Albus ouvrit la bouche pour répondre puis la referma. Mille contre-exemples se bousculaient dans son esprit mais tous restaient flous. Comme si aucun ne valait la peine d’être dit, ou comme si toute motivation avait quitté son être.
Que faisait-il une heure plus tôt ? Comment sa vie avait-elle pu prendre un virage aussi serré ?
Pourquoi sa voix était-elle si franche, si déterminée ? Pourquoi avait-elle choisi sans lui ?
« Tu… Tu ne peux pas être sérieuse.
- Je le suis.
- Tu rejettes ce cadeau que-
- Ca n’a rien d’un cadeau !
- Alors pourquoi ne bois-tu pas d’alcool ? Pourquoi le protèges-tu pour le tuer ensuite ? »
Fanny frémit et Albus se sentit dégueulasse.
« Excuse-moi. »
Elle lui arracha la bouteille des mains et la porta à ses lèvres. Elle bu le liquide et il sentit toute force abandonner son corps. Comme si…
Son regard le transperça.
Ce n’était pas un jeu, mais Albus avait perdu.
Tout lui sembla alors insupportable. Il eut envie de fuir mais ses jambes tremblaient trop pour porter son poids alors il tourna la tête, s’extirpant de cette bulle de tension qui avait grossie autour d’eux. Il se concentra sur les joueurs qui s’élevaient dans le ciel et sur la chevelure de feu de sa cousine, savamment ramenée dans une tresse serrée.
Lorsque le cognard frappa Rose en pleine poitrine et qu’elle sombra vers le sol, Albus réagit à peine. La douleur était si vive qu’elle l’aveuglait tout entier, si puissante qu’elle assombrissait de nuages le ciel printanier.
