Lily Luna Potter avait toujours affirmé avec la plus grande fierté qu’elle était parfaitement normale, merci pour elle.

Et ce n’était ni son père, ce héros, ni sa mère, cette grande joueuse de Quidditch et encore moins sa famille élargie - dont chaque membre rivalisait d'inventivité pour se faire remarquer - qui allait changer quoique ce soit à ce qu’elle était. 

Dans ce chaos familial, Lily apportait un semblant d’équilibre. 

Contrairement à Roxanne qui passait son temps avec les cousins, Lily jouait aux poupées, imitait ses grandes cousines et s’occupait des plus petites. 

Lorsque l’heure de sa rentrée à Poudlard sonna, Lily fut envoyée à Gryffondor contrairement à Rose qui avait voulu se la jouer élève modèle de Serdaigle ou pire, Albus qui se prenait pour un rebel en étant envoyé chez les serpents. 

En classe, Lily entrait dans la moyenne. Quand Hugo avait des notes catastrophiques et Lucy des notes si parfaites que ça en tournait au zèle, Lily se maintenait dans la norme. 

Si l’on demandait à n’importe quel élève de Poudlard comment était Lily, on répondait qu’au milieu de tous ces Weasley-Potter, Lily était la plus raisonnable. 

Et cela lui allait parfaitement.

Lily Luna Potter s’évertua, au long de ses sept années à Poudlard, de correspondre à l’ordinaire, la régularité, l’habituel et la logique. 

Jusque dans ses vêtements, elle restait classique. Son uniforme scolaire la semaine, des vêtements ordinaires le weekend. 

Elle se lia d’amitié avec deux filles de sa maison : Anna et Hortense. Une amitié solide, saupoudrée de disputes adolescentes qui ne duraient jamais longtemps. 

Quand vint sa sixième année, David Bellchant lui proposa un rendez-vous à Pré-au-Lard, Lily accepta : elle avait tout à fait l’âge pour avoir un premier petit copain.

David était serviable, rieur et bon élève. 

Et lorsqu’au fond de son lit, le ventre de Lily se tordait lorsqu’elle se demandait si elle ferait sa vie avec lui, la jeune fille fermait fort les yeux et chassait loin, très loin cette angoisse. 

Après tout, sa mère avait eu d’autres petits copains avant son père. Lily avait donc tout à fait le droit de faire ses expériences. A partir du moment où cela respectait la chronologie de la normalité. 

oOo

- Je crois qu’il faut qu’on arrête toi et moi.

- Mais pourquoi ça ? On est bien tous les deux non ? Tu commences tes études de médicomagie et moi de potionniste. On doit juste trouver notre rythme. C’est différent de Poudlard mais on y arrivera. 

- Arrête Lily ! Tu sais bien que ce n’est pas de ça qu’il s’agit… 

- Mais quoi alors ?

- Je n’ai pas l’impression que tu m’aimes. 

- Tu ne vas pas recommencer avec ça, David. Je mise beaucoup sur notre relation et…

- Mais c’est ça le problème ! Tu mises. A aucun moment tu ne vis. Il n’y a jamais de surprise. Tout doit être millimétré avec toi. Tu as déjà prévu qu’on achète une maison non loin de chez tes parents et qu’on fasse des enfants dès lors que j’aurais terminé mes études. C’est insensé ! Et maintenant, c’est trop. Je n’en peux plus… 

- Je suis juste mature ! 

- C’est ce que tu crois être de la maturité. Mais tu ne nous laisses pas vivre. Il faut que tout soit ordonné, classique et usuel. Je ne veux pas de ça. 

- Alors va-t-en ! 

oOo

Le soleil était haut dans le ciel en ce matin de juin. 

Lily avait travaillé comme une acharnée toute l’année. Un moyen efficace pour oublier sa rupture et les mots durs que David et elle s’étaient envoyés en pleine face. 

Cela avait été difficile à encaisser. Non pas parce qu’elle était folle amoureuse de lui - avec du recul, elle comprenait que ça n’aurait jamais pu marcher entre eux - mais parce qu’il lui avait reproché des choses qu’elle n’arrivait pas à se sortir de la tête. 

Comment pouvait-on lui blâmer d’être trop classique ? Pire ! Rose et Roxanne avaient compris ce que voulait dire David. Si tout tournait rond dans ce monde, ses cousines auraient pris son parti, par loyauté du sang ! 

Heureusement, Hortense et Anna avaient fait preuve de compréhension. C’était chez cette dernière que Lily se rendait aujourd’hui. Une après-midi entre filles comme chaque premier weekend du mois. Lily y avait tenu dès qu’elles étaient montées une dernière fois dans le Poudlard Express. 

L’amitié, ça s’entretient. Et pour cela, il était utile de se voir régulièrement. 

Anna vivait dans une petite maisonnette à quelques kilomètres de Londres. Elle avait commencé sa carrière au Ministère de la Magie en tant qu’assistante juridique en septembre dernier. 

Hortense était déjà présente, installée confortablement dans la véranda fleurie. Elle avait une grande nouvelle à annoncer aux filles et Lily soupçonnait l’annonce d’un mariage entre elle et Timothée Faucett. Après tout, c’était la suite logique.

- Timothée et moi, on se sépare. 

- Hein ? s’exclama Lily, dépitée. 

- Je m’en doutais, déclara Anna en servant le thé. 

- Comment ça, tu t’en doutais ? demanda Lily.

Anna savoura un peu son breuvage avant de reposer délicatement sa tasse. Comme à chaque fois où elle  faisait preuve de perspicacité, ses yeux paraissaient plus bleus qu’à l’ordinaire. 

- Timothée va partir un an en France pour ses études et je crois bien que tu t’ennuyais avec lui, n’est-ce pas Hortense ?

- Tu as tout compris. On a besoin de grandir chacun de notre côté. 

Lily en tomba de sa chaise. Comment n’avait-elle rien vu ? L’Amour n’existait-il plus ? A l’époque de ses parents, au même âge, la plupart organisait déjà leur mariage. Mais sa génération à elle paraissait totalement perdue ! 

- Ne fais pas cette tête Lily ! Je suis très bien comme ça. 

- Mais c’est si triste…

- Bien sûr que non. On se sépare en bons termes. Et l’important c’est d’être heureux, tu ne crois pas ? 

Lily grimaça.

- Mais quand même… Vous aviez l’air satisfaits tous les deux.

- Toi et David aussi. Pourtant dans le fond, étais-tu comblée ? demanda Anna fort à propos.

- Au moins, on aurait pu construire quelque chose. Sauf qu’il n’a jamais voulu de ça…

- Mais il faut aussi vivre, objecta Hortense. A quoi ça sert de suivre un chemin tout tracé ? 

Piquée au vif, Lily se leva. La colère bouillonnait dans ses veines. Elle s’autorisa à la laisser exploser. Après tout, elle était la fille de Harry Potter, connu pour son caractère colérique. C’était normal, qu’elle ait un peu hérité de son caractère.

- Je n’aime pas vos sous-entendus ! Alors vous êtes d’accord avec les reproches de David vous aussi ?

- Ne prends pas les choses sur ce ton… 

- Si je les prends comme ça ! Vous êtes mes amies et…

- Et justement ! C’est à nous de te dire aussi lorsque tu fais n’importe quoi. Il n’y a pas un seul chemin pour s’accomplir. Depuis ta rupture avec David, tu n’avances pas. Tu rumines. 

Quand Anna entrait en conflit avec quelqu’un, elle savait toucher là où ça faisait mal. Lily accusa le coup.

- Tu veux que tout soit carré et parfait mais si tu veux la perfection, tu dois apprendre à te connaître, Lily. Le bonheur, ce n’est pas clé en main. Et tant que tu te mentiras à toi-même, ça n’avancera jamais. 

- Je crois qu’on s’est tout dit alors.

Lily tourna le dos à ses amies, cachant ses larmes et courut presque jusqu’à la porte de sortie, sourde aux appels des deux sorcières.

oOo

- Ma Lily, pourquoi ne sors-tu pas t’amuser avec tes cousins ? L’été va bientôt toucher à sa fin et tu es à peine sortie de toutes les vacances.

- J’ai beaucoup de choses à faire papa. 

- Tu peux lâcher tes cours quelques heures. 

- Je préfère travailler.

oOo

- Lily ! Lily ! Une lettre pour toi ! Elle est estampillée au nom du maître des potions Georg Philip Stewart ! 

- Qu’est-ce que tu racontes maman ?

- Lis ! Lis ! Lui aussi a entendu  parler de ton talent en potions. 

- Qu’est-ce qu’il y a petite soeur ? As-tu perdu ta langue ?

- Il… Il me propose de l’accompagner aux Etats-Unis pour être son assistante. 

- Mais c’est génial ! 

- Je comptais faire mon expérience pratique au Ministère de la Magie.

- Pitié Lily ! Tu ne peux pas passer à côté d’une telle opportunité ! C’est inespéré et ça te sortira un peu de ta routine sans saveur  !

- Albus ! Ne parle pas comme ça à ta sœur ! 

Mais Lily n’eut pas cœur à répliquer. Parce que pour une fois, Albus - et tous les autres avant elle - avait peut-être raison. Sa vie était sans saveur. Malgré toute la normalité qu’elle s’était évertuée à mettre dedans. 

oOo

- Toi aussi, tu as été repérée par Stewart ? Bienvenue, je m’appelle Tricia. Voici Aaron, Franck, Sarah, Rachel, Oumar et Akiko. 

- Je ne vais jamais retenir tous ces prénoms mais ok. 

Tout le monde éclata de rire et Lily sourit.

Finalement, James et Albus avaient eu raison de pousser Lily à dire oui pour les Etats-Unis.

oOo

Six mois.

Six mois qu’elle était aux Etats-Unis. Établie à San Francisco Lily s’était fait un nouveau cercle d’amis. Différent du trio amical qu’elle avait plus jeune. Anna et Hortense lui manquaient. Particulièrement depuis qu’elle se rendait compte qu’elles avaient raison. 

A l’autre bout du monde, elle se découvrait une nouvelle personnalité. Elle pouvait être amie avec plusieurs personnes, sortir le weekend, visiter le monde moldu, danser et rire à gorge déployée sans avoir peur d’être jugée. 

Mais la fierté la paralysait. 

Au milieu de toute cette bande d'étudiants, il y avait Aaron, un ougandais avec qui elle passait le plus clair de son temps. Lily aimait tout de même la régularité dans ses relations et appréciait avoir un cercle solide. 

Un soir, en haut d’un roof-top, Tricia, étudiante potionniste brésilienne, demanda s’il y avait quelque chose entre Aaron et elle. Lily éclata de rire, particulièrement amusée : 

- Jamais de la vie ! Pour tout te dire, le célibat est la plus belle chose qui me soit arrivée et je ne compte pas me remettre avec un garçon de si tôt, dit-elle franchement. 

- Alors le champs est libre pour moi ! 

Lily perdit son sourire et observa Tricia. Ses longs cheveux noirs encadraient son visage naturellement bronzé. Ses yeux noirs brillaient, plein de sérieux. Lily ressentit une pointe d’inquiétude, incapable de mettre le doigt sur la raison de cette angoisse soudaine. Tricia et Aaron ensemble… C’était bizarre à imaginer. Cela ne collait pas. 

- Euh… Oui, bafouilla-t-elle. Enfin, si on pouvait éviter les histoires de couple dans la bande, ça serait bien, tu ne crois pas ? 

Tricia inclina la tête, pinça les lèvres.

- Oui, tu as sûrement raison, répondit-elle.

L’accent de Tricia sonnait comme le chant des oiseaux. Cette fois, Lily put même y distinguer le goût du miel. 

Ce n’était pas vraiment normal.

oOo

- Personne ne veut sortir ce week-end ! Dis-moi que toi, Lily Potter, tu veux bien venir danser avec moi ? 

Oui, oui, oui, elle avait très envie de danser. C’était toujours bien de danser avec Tricia. Mais c’était un peu trop bizarre cette sensation au creux de son ventre. Alors : 

- Les examens de Stewart vont bientôt tomber. Tout le monde n’est pas aussi doué que toi Tricia.

- Allez Lily ! 

- Tes supplications n’y feront rien ! 

- Bon… Est-ce qu’au moins je peux rester ici ? Je soupçonne ma colocataire d’élever des vaudelunes dans sa chambre. 

- Si c’est pour réviser oui, sinon dehors. 

oOo

Stewart avait donné un mois de vacances à ses protégés. La date tombait à pic. Lily serait présente pour l’anniversaire de son père. Elle avait hâte de retrouver sa famille. Pour une fois, elle aurait mille trucs à raconter. Les Etats-Unis, les cours, sa bande d’amis… 

Avant cela, Aaron avait tenu à organiser une grande fête. Evidemment, il lui manquait des ingrédients pour les cocktails qu’il comptait préparer et ce fut chez Lily qu’il débarqua en panique sans même frapper. 

- J’ai besoin de fraises, de bananes et de pêches ! 

- Bonjour à toi, Aaron. Dans la cuisine.

- C’est une catastrophe, je ne serai jamais prêt à l’heure ! 

- Combien as-tu invité de personnes au juste ? 

- Au départ, uniquement notre groupe. Mais finalement, les uns venant avec les autres… On se retrouve à vingt personnes ! Au fait, Tricia sera là finalement. Elle a décalé son voyage pour, je cite “me voir bien galérer à préparer tous les plats”.  Tu y crois ? 

Lily releva la tête de son journal, son cœur s’accélérant d’excitation. 

- Tricia sera là ? Cool ! s’exclama-t-elle sans réfléchir. Enfin… Je veux dire… Elle met toujours de l’ambiance.

Pourquoi se justifiait-elle ?

- Ah euh… Oui. A plus tard ! 

.

Lily se posait trop de questions. C’était un fait.

Mais là, lorsqu’elle changea trois fois de robe pour la simple raison que Tricia n’allait pas la trouver assez jolie, Lily paniqua franchement. Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle ? 

oOo

- Tu as trop bu Lily…

- Peut-être bien mais c’est notre dernier soir toutes les deux.

- On se retrouve à la rentrée tu sais…

- Oui mais ma Tricia… Tu vas trop me manquer. 

- Ma Tricia ? Dis donc, j’aurais dû te faire boire plus souvent si je savais que ça t’aurais rendu aussi…

- Aussi quoi ?

- Laisse tomber. Allez viens, je te ramène chez toi.

- T’es trop belle. 

- Toi aussi tu es belle mais…

Tricia n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Lily avait écrasé ses lèvres alcoolisées sur les siennes.

oOo

Lily était mortifiée. Elle se souvenait de tout.

Elle ne pourrait jamais revenir aux Etats-Unis et brisait toute seule ses rêves. Tricia n’avait rien dit après ce baiser et l’avait ramené chez elle en silence. 

Lily était un monstre. Et elle méritait tout le malheur qui lui arrivait. 

oOo

- Bon Lily, est-ce que tu comptes rester silencieuse pendant toutes ces vacances ? Hortense me demande sans cesse de tes nouvelles. Pourquoi ne vas-tu pas la voir ?

Lily envoya un regard sombre à son frère Albus. Faire partie d’une grande famille impliquait que lorsque vous aviez des choses intéressantes à raconter, quelqu’un avait toujours lus sensationnel. 

Albus en était le parfait exemple puisqu’il avait annoncé qu’il était en couple avec Hortense. Lily était trop parasitée par ses propres problèmes pour réagir positivement ou négativement à cette nouvelle. 

- Je pensais que tu aurais des choses à nous raconter, dit Albus avec douceur. Je peux m'asseoir ? 

Lily opina du chef. Merlin, ce qu’elle se sentait seule et perdue. Et le simple geste de son frère suffit à lâcher les vannes. Elle éclata en sanglots. Albus la prit dans ses bras, comme il savait si bien faire. 

- Lily ? Mais enfin ma Lily… Pourquoi ces larmes ? Tu sais qu’on t’aime. On est là pour toi… 

- Quelque chose cloche chez moi Al’.

- Rien ne cloche chez toi… Dis-moi ce qu’il se passe.

- Tu promets de ne rien dire à personne ? 

oOo

- Salut Hortense.

- Salut Lily.

- Désolée, j’ai mis du temps pour répondre à ta lettre.

- Ce n’est rien. Je pensais qu’il te faudrait du temps pour digérer que j’étais avec ton frère.

- Non pas du tout. C’était autre chose.

- Autre chose ? 

- Vous aviez raison Anna et toi. L’important c’est d’être heureux dans la vie. Et ce n’est pas avec des idées toutes faites qu’on peut trouver la clé du bonheur. J’étais trop fière pour…

- Il fallait juste que tu avances de ton côté. Cela ne change rien à notre amitié.

- Je dois te dire… Il s’est passé beaucoup de choses depuis un an… 

oOo

Lily avait les mains qui tremblaient. 

Mais elle n’avait plus peur de ce que son cœur et son corps lui criaient depuis toujours et que sa tête avait essayé de compartimenter et étouffer. 

Ni Albus, ni Hortense, ni Anna n’avaient été étonnés lorsque Lily avait mis les mots sur ce qu’elle ressentait. 

Elle n’était pas sûre d’avoir tout compris sur elle mais elle savait au moins une chose : elle était amoureuse d’une fille.

Elle devait le dire à Tricia. Par respect et par honnêteté envers elle-même. 

Elles étaient attablées dans un diner typiquement américain. Au milieu des moldus. 

- Je tenais à m’excuser pour ce qu’il s’est passé avant les vacances, lâcha-t-elle de but en blanc.

Tricia fronça les sourcils. Merlin, ce qu’elle était belle. Lily passa sa langue sur ses lèvres, cherchant ses mots face à l’incompréhension de son amie.

- J’étais totalement alcoolisée et…

- Ah ça ! Mais ce n’était rien, ça arrive à tout le monde de boire un peu trop.

- Mais certainement pas d’embrasser ses amis.

Lily vira cramoisie aussitôt. Si jamais elle avait voulu faire passer cela pour un jeu, c’était foutu. 

Tricia se figea avec l’air sérieux qu’elle n’affichait que très rarement. Puis, comme pour dédramatiser, la jeune brésilienne rigola : 

- En réalité, ça arrive assez souvent.

- Pas chez moi.

Si Lily avait eu des doutes, elle était officiellement une Gryffondor car elle fonça littéralement dans le tas, avec tout son courage, prête à se prendre un mur : 

- Pas chez moi, répéta-t-elle. J’ai mis ça sous le tapis dès lors que je t’ai rencontrée. A quel point je te trouvais belle, intelligente, intéressante. Je me cachais derrière le fait que je voulais simplement te ressembler et que j’avais simplement une admiration un peu obsessionnelle envers toi, rien de plus.  Et j’ai eu tout l’été pour réfléchir. Je crois bien que j’ai toujours voulu que tout soit carré et normal dans ma vie parce que j’avais peur de quelque chose qui est en moi depuis toujours. J’aime les filles. Bon sang Tricia, t’as même pas idée à quel point ça me soulage de dire ça à voix haute. Je sais bien que pour toi c’est différent et je te promets que je ne vais pas te sauter dessus, même lorsque je boirais. Je suis désolée, encore une fois. Mais voilà, je suis amoureuse de toi. Je te promets que ça ne changera rien et que…

- Attends Lily, coupa Tricia. 

Lily inspira, prête à entendre des cris et des reproches. Tricia prit tout son temps pour prendre la parole. Elle but un peu de soda puis reposa délicatement son verre avant de planter son regard sombre dans celui, inquiet, de Lily.

- Pourquoi dis-tu que je ne veux pas de toi ?

- Euh…

- Je dois te demander pardon à mon tour Lily. 

- Comment ? 

- Quand tu m’as embrassée à cette soirée. Tu ne t’en souviens plus mais je t’ai laissé faire sûrement quelques secondes de trop. Suffisamment pour que ça me plaise. 

Lily ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit, incapable de dire quoique ce soit. 

- Mais je croyais que Aaron te plaisait ? finit-elle par lâcher dans un souffle.

Tricia éclata de rire.

- Premièrement, ce n’est pas parce que je m’intéresse à un garçon qu’une fille ne peut pas me plaire. Et deuxièmement, je n’ai jamais dit qu’Aaron m’intéressait. J’avais demandé si vous étiez ensemble et si le champ était libre. Mais je n’ai jamais précisé que je demandais cela pour Aaron. 

- Oh. 

Tricia affichait un petit sourire timide tandis que Lily digérait les paroles de son amie. Tout à coup, tout était limpide. L’une et l’autre se tournaient autour depuis le début. Les soirées à danser l’une avec l’autre, les sourires à la dérobé, les nuits à discuter jusqu’au petit matin, l’une contre l’autre… 

- Euh… On va faire un tour sur la plage ? demanda Lily. 

A cet instant, Lily se sentit parfaitement à sa place. Le soleil se couchait sur la mer et les filles marchaient au bord de l’eau dans un silence apaisant. Leurs doigts se cherchèrent, frôlèrent puis s’entrecroisèrent. L’estomac de Lily se contracta de plaisir. Tricia s’arrêta finalement et Lily plongea son regard dans celui de celle qui faisait battre son cœur.

Dans une lenteur extrême, comme pour savourer cet instant, elles s’approchèrent l’une de l’autre. D’un mouvement commun, naturel, inné, facile, elles s’embrassèrent.

Et pour la première fois de sa vie, Lily se sentit à sa juste place.