Summary: 
D’une part, il y a ces histoires bizarres de dieux scandinaves un peu timbrés et de Valkyries folles à lier que j’aurais préféré ignorer.
D’autre part, il y a cet idiot de James Sirius Potter qui a pour but de faire de ma vie un enfer – je ne lui en veux pas, mon but à moi, c’est de lui faire bouffer ses cheveux jusqu’au dernier.
Et au milieu, il y a moi, qui n’ai rien demandé mais qui ai quand même droit à plein de non-privilèges comme me faire poursuivre par des fous dangereux, entendre à longueur de journée des voix dans ma tête, ou encore me faire haïr par l’ensemble de la famille Potter. Je dois rire ou pleurer ?
Ginger Enderson, ou comment, à dix-sept ans ou presque, avec du cynisme à revendre et un peu de malchance, on peut arriver à devenir une légende.
[Image de B1nd1 sur deviantart]
Categories: Biographies,
Durant Poudlard Characters: Autre personnage, James S. Potter
Genres: Aventure/Action, Comédie/Humour, Romance/Amour
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: 19 ans plus tard, tout n'est pas fini...
Chapters: 84
Completed: Oui
Word count: 365145
Read: 525773
Published: 03/12/2009
Updated: 29/07/2012
Story Notes:
lors alors alors, par où commencer…
Cette fic, j’ai commencé à l’écrire en décembre 2009 (ça date dis-donc !), j’avais 17 ans à cette époque et c’était ma toute première fiction. Donc disons qu'elle a pas mal d’importance pour moi. En outre, comme c’était un premier écrit, elle avait pas mal de défauts. J'ai enfin terminé de la corriger et même si vous devriez trouver quelques (rares) fautes d'orthographe, il n'y aura normalement plus aucune incohérence.
Une question qu’on me pose : pourquoi avoir gardé la même fic et remplacé les chapitres, plutôt que faire carrément une nouvelle fic ? Plusieurs raisons :
- D’une, j’aime les reviews. Et tel un écureuil accumulant les noisettes dans le même coin (c’est même pas vrai en plus mais on va dire que si, sinon mon argumentation tombe à l’eau), j’aime accumuler mes reviews au même endroit. Et j’ai pas envie de supprimer 2300 reviews d’un coup, je trouve ça triste. Vous imaginez un écureuil qui jetterait toutes ses noisettes ? Ce serait tellement affreux. En plus, sur hpf, il y a une liste des 10 fics les plus reviewées du site et j’en fais partie. C’est donc un bon moyen d’attirer de nouveaux lecteurs et partager cette histoire.
En parlant de ça, pour que cette fic apparaisse dans les nouveautés, j'ai supprimé le dernier chapitre et l'ai remplacé par le nouveau dernier chapitre (corrigé). Et du coup... j'ai supprimé toutes les SUPER REVIEWS que les lecteurs m'avaient laissé pour me donner leur point de vue global sur toute la fic et sur l'expérience qu'ils avaient vécu en la lisant. Je ne vous raconte pas à quel point je me sens profondément stupide.
- De deux, une fois que la nouvelle fic sera postée, qui lira l’ancienne ? Quel est le malade qui lira 84x2=168 chapitres répétitifs pour comparer ? Autant ceux qui ont lu à l’époque où je postais voudront peut-être lire la nouvelle version, je comprends. Autant ceux qui commenceront par la nouvelle et voudront lire ensuite l’ancienne version, là, ce serait quand même un peu flippant. (Oui, ces phrases sont difficilement compréhensibles, mais vous avez lu très vite donc c’est pas grave.) (Et si certains veulent toujours lire l'ancienne version, contactez-moi, je l'ai conservée.)
- De trois, jamais deux sans trois.
Quelques trucs que vous avez envie de savoir (ou pas) :
- Je tiens à remercier XAcanthaX, Menthe-Sauvage, Kiliwatch, Matsuo, Thechanelloveuz et Jeanne pour leur formidable travail de bêta-readage, et qui m’ont fait apprécier ma fic une seconde fois ! (Même s'il n'y en a qu'une qui a eu le courage de mener le boulot jusqu’à la fin !) On les applaudit bien fort ! Et si vous voulez vous pouvez leur envoyer des fleurs, elles le méritent.
- Je tiens aussi à remercier les modos de ne pas avoir supprimé mon histoire malgré les quelques problèmes rencontrés par le passé. J'ai été super gonflée et je n'en reviens toujours pas de mon impolitesse, donc je voulais faire passer mes excuses les plus sincères. Pour régler tout problème futur hypothétique : d’une part, poster la 2000e ou la 555e review ne vous apportera aucun super pouvoir. Une revieweuse a testé. Elle est juste devenue un peu plus dingue. Et d’autre part, le mur à reviews n’est pas un forum. Ne répondez pas à mes réponses à vos reviews, sauf si vous avez un truc à dire par rapport à la fic. Mais si vous tenez vraiment à engager la discussion avec moi, envoyez-moi un MP, je me ferai un plaisir de vous répondre. Je vous préviens, je suis bavarde.
- On est sur un site de fanfiction donc je ne vais pas me fouler à faire un disclaimer. Les OC sont mes OC, et pour le reste, vous savez.
- Merci à tous les anciens lecteurs qui reviennent lire, merci à tous les nouveaux qui ont cliqué sur cette histoire (et si vous avez lu toute la note d’auteur jusqu’ici, vous devez commencer à vous demander si vous ne feriez mieux pas de lire autre chose), merci à ceux qui vont dépasser le stade de la note d’auteur et commencer à lire… Merci aussi à toutes les reviews passées, jamais je n’aurais cru que j’aurais un tel succès avec ma p’tite histoire à deux balles qui devait compter vingt chapitres (hihi), merci à toutes les critiques qui m’ont aidée à avancer et à écrire moins de trucs pourris.
- Un cinquième tiret parce que ça porte bonheur.
Voilà, c’est fini. J’arrête de vous embêter ;) Bonne lecture !
1. Incendie Initial by Mak
2. Sorcière Sceptique by Mak
3. Rencontres et Répartition by Mak
4. Dictionnaire et Discrétion by Mak
5. Infirmière Insultée by Mak
6. Le Professeur Pendleton by Mak
7. Invitation Inatendue by Mak
8. Epouvantables Essayages by Mak
9. Fugue dans la forêt by Mak
10. Duos et Duels by Mak
11. Début de Débandade by Mak
12. Dîner Désastreux by Mak
13. Lecture et Légendes by Mak
14. Les Jumelles Jones by Mak
15. Amitié Avortée by Mak
16. Norvégienne Nocive by Mak
17. Entraînement Eprouvant by Mak
18. Envolées et Escapade by Mak
19. Interlude Improvisé by Mak
20. Ivrognes Idiots by Mak
21. Party et Patronus by Mak
22. Mythe Nordique et Magie Noire by Mak
23. Gondul la Gaffeuse by Mak
24. Nuit de Noël by Mak
25. Souvenir Scandinave by Mak
26. Médicomage et Métamorphomage by Mak
27. Baiser et Bagarre by Mak
28. Les Poignards Pétrifiés by Mak
29. Béryl et Beauxbâtons by Mak
30. Triche par Télépathie by Mak
31. Evaluation Explosive by Mak
32. Le Plan Pas Pratique by Mak
33. Lettres et Larmes by Mak
34. Le Bâteau pour Beauxbâtons by Mak
35. Dîner et Dispute by Mak
36. Rupture Rêvée by Mak
37. Les Astuces d'Amélie by Mak
38. La Vieille Ville by Mak
39. Festivités à la Française by Mak
40. Vestige Vénitien by Mak
41. Une Journée avec James by Mak
42. Baiser et Bagarre, le retour ! by Mak
43. Changement de Chambre by Mak
44. Les Ecrits d'Elsa by Mak
45. L'autre Légende by Mak
46. Tout sur Tove by Mak
47. Une Fin Foudroyante by Mak
48. Les Révélations Rapiécées by Mak
49. Poursuite avec Potter by Mak
50. La Gryffondor Gênée by Mak
51. L'Inflitré Indiscret by Mak
52. Le Réveil de Roxanne by Mak
53. La Française Furieuse by Mak
54. Curiosité et Combat by Mak
55. Confessions aux Cuisines by Mak
56. En Charmante Compagnie by Mak
57. Amour Aveugle by Mak
58. A Bas Armand Béryl by Mak
59. Cry, Beryl, Cry by Mak
60. Punition Parfaite by Mak
61. Amorce d'Amitié by Mak
62. Des Infos Importantes by Mak
63. Bataille à la Bibliothèque by Mak
64. Les Amis d'Amélie by Mak
65. Mist et Mystère by Mak
66. Potter le Prétentieux by Mak
67. Recherches sur Ragnarök by Mak
68. Sortie Surprenante by Mak
69. Fourmis et Facéties by Mak
70. Formidable Freddy by Mak
71. Illumination Inavouable by Mak
72. Défenses Dangereuses by Mak
73. La Chasse au Corbeau by Mak
74. Le Commencement du Cauchemar by Mak
75. Apocalypse Assurée by Mak
76. Intervention Inespérée by Mak
77. Angoisse et Anxiété by Mak
78. Harry et la Harpie by Mak
79. Albus l'Attrapeur by Mak
80. Noyade Nocturne by Mak
81. Guérison de Gryffondors by Mak
82. La Patience du Psychomage by Mak
83. A Deux Doigts by Mak
84. Sépulture Sylvestre by Mak
Author's Notes:
Pas beaucoup d'action dans les trois premiers chapitres, désolée... Mais ça viendra bientôt, promis.
Cette histoire commence en 2004, dans le salon d’un vieux couple de Londoniens. Plus précisément un 24 décembre. Il n’était pas loin de minuit.
Maureen leva les yeux de l’assiette qu’elle essuyait avec un torchon à carreaux. Son mari, Bob, seul dans le salon, lisait un quotidien. Elle poussa un petit soupir de contentement, puis retourna à son assiette. Cela faisait plus d’une trentaine d’années qu’elle était mariée ; comme on pouvait s’y attendre, la routine s’était installée. Mais ça ne la dérangeait pas.
Elle était tout de même un peu triste que sa fille unique n’ait pu venir pour le repas de Noël. Mais celle-ci avait malheureusement déjà prévu de le fêter chez ses beaux-parents ; du coup, elle et son mari s’étaient retrouvés seuls, une fois de plus.
Ses pensées glissèrent alors vers sa voisine de palier, Mrs. Andres, une vielle dame qui logeait là depuis quelque mois. Elle, elle avait dû passer un Noël encore plus déprimant, seule dans son petit appartement. Maureen avait vaguement songé à lui proposer de dîner avec eux, mais à peine en avait-elle parlé à son mari qu’elle avait réalisé qu’après tout, ce n’était peut-être pas une si bonne idée. Malgré le fait que personne ne vienne jamais rendre visite à Mrs. Andres, la vieille voisine était toujours souriante, ses yeux pétillaient de malice ; et dans l’immeuble, tout le monde affirmait que ce n’était qu’une vieille folle. Ses phrases étaient énigmatiques, disait le mari de Maureen, comme pour l’excuser. Elle pensait plutôt qu’elles n’avaient aucun sens.
Et puis, trois jours plus tôt, elle avait réalisé que ces rumeurs au sujet de la folie de Mrs. Andres n’étaient peut-être pas que des rumeurs. Maureen était sortie sur le palier pour prendre le courrier. La porte face à la sienne s’était ouverte au moment où Maureen se penchait pour ramasser ses lettres, et le visage souriant de Mrs. Andres était apparu dans l’entrebâillure de la porte. Maureen avait eu la curieuse impression que sa voisine l’attendait. Derrière la vieille dame, Maureen parvenait à voir son appartement … qui n’avait pas l’air meublé. Quel genre de personne pouvait vivre six mois en plein cœur de Londres, dans un appartement vide ?
– Bonjour, Maureen ! Belle journée, n’est-ce pas ? s’enjoua-t-elle.
Maureen n’avait pu s’empêcher d’avoir l’air étonnée. Il pleuvait dru, ce matin-là. Et puis, comment savait-elle son prénom ?
– Euh, oui, si on veut.
Elle aurait bien voulu mettre un terme à cette conversation déjà étrange au bout de deux phrases, mais la vieille voisine reprenait déjà, d’un air soucieux :
– Je suis désolée, mais je crains de gâcher quelque peu votre Noël.
– Pourquoi donc ?
– Les jours sont comptés. Tout ce que je vous demande, c’est de prendre soin de la petite
Ginger Enderson…
Et, sans plus de cérémonie, elle avait claqué sa porte.
Etonnée, Maureen avait fixé un long moment l’endroit où se situait Mrs. Andres quelques secondes plus tôt, se demandant ce qu’elle voulait dire par là. Et puis finalement, elle avait haussé les épaules. Elle devait perdre la boule, sans doute. Pauvre vieille femme, avait pensé Maureen.
En rentrant chez elle, elle avait lancé sans ménagement son courrier sur une table basse du salon en se disant qu’elle avait vraiment bien fait de ne pas l’inviter pour ce Noël.
Mais maintenant, en train d’essuyer sa vaisselle, elle se sentait triste pour la vieille voisine. Après tout, Mrs. Andres vivait ses dernières années, peut-être même ses derniers mois. Elle méritait bien un peu de compassion. Maureen réalisa alors qu’elle essuyait la même assiette depuis dix bonnes minutes. Elle la reposa lentement sur une pile de vaisselle propre et se tourna vers son mari :
– Je vais vois si Mrs. Andres a besoin de quoi que ce soit.
Un peu étonné, Bob leva la tête de son journal, puis acquiesça en grognant et retourna à sa lecture.
Plus tard, Maureen dirait qu’en enfilant ses chaussures, devant la porte d’entrée, elle avait eu un mauvais pressentiment. Toujours est-il qu’en ouvrant sa porte, elle resta bouche bée pendant une bonne trentaine de secondes. Mais après tout, on peut excuser Maureen. Peu de gens réagissent rapidement face à une telle situation. Une grande majorité ne se met pas à hurler, comme on le croit trop souvent, mais reste silencieuse. Les informations n’arrivent plus à accéder au cerveau, tout simplement.
Maureen devait faire partie de cette catégorie de population, car elle fut incapable d’esquisser le moindre geste, incapable de formuler dans son esprit la moindre pensée cohérente. Elle ne put que regarder les longues flammes silencieuses lécher la porte de Mrs. Andres.
– Chérie ? s’enquit Bob, inquiet de ne plus la voir bouger depuis un bon moment.
Maureen ne répondit rien, fascinée.
Bob se leva de son fauteuil et passa derrière sa femme. Sa mâchoire se décrocha quand il vit ce que Maureen regardait avec tant d’insistance.
Ils restèrent une bonne minute à fixer l’incendie.
Dans la tête de Maureen, le vide était total. Elle entendait l’horloge faire « tic-tac » dans le salon, mais à par ça et le crépitement léger du feu, rien. Les flammes se mouvaient avec élégance et légèreté, comme des voiles agités par une brise légère.
Enfin, un long hurlement d’enfant terrifié la fit réagir.
Ca venait de chez Mrs. Andres.
Maureen se retourna brutalement et bouscula son mari sans s’en rendre compte et sans qu’il ne semble s’en rendre compte non plus. Elle décrocha le téléphone et composa le numéro des pompiers.
OoOoO
L’appartement de la vieille voisine avait été complètement carbonisé. Il n’en restait rien, pas le moindre meuble, tout avait disparu dans de grands tas de cendre. Le corps de Mrs. Andres n’avait même pas été retrouvé. Maureen frissonna en l’apprenant de la bouche des pompiers. Mais ce qu’elle apprit par la suite l’étonna plus encore.
– Le bébé, en revanche, était intact. La petite n’a rien eu.
– Un … un bébé ? Quel bébé ?
– Vous ne saviez pas que Mrs. Andres gardait un bébé chez elle ?
– Non, je… je ne m’en serais jamais doutée. Je croyais qu’elle n’avait pas de famille. Intacte, vous dites ?
– Oui. Le berceau dans lequel elle était, lui aussi, était intact. On dirait de la sorcellerie, vraiment !
Maureen frissonna. De la sorcellerie, vraiment ? Etait-ce effectivement le cas ?
– Vous avez une idée de l’identité du bébé, madame ? ajouta-t-il.
Elle s’apprêta à lui répondre par la négative, mais se rappela d’un détail juste avant.
Les jours sont comptés. Tout ce que je vous demande, c’est de prendre soin de la petite Ginger Enderson…
Les jours sont comptés. Mrs. Andres savait-elle que le jour où elle prononçait cette phrase précédait de peu les derniers moments de sa vie ? Et… la petite Ginger Enderson. Se pourrait-il que… ?
– Oui, répondit-elle finalement. Je pense qu’il s’agit de Ginger Enderson. Mrs. Andres m’en avait un peu parlé, il y a trois jours…
Le pompier hocha la tête, puis eut subitement l’air très gêné.
– Qu’y a-t-il ?
– Eh bien, fit le jeune pompier en rougissant, embarrassé. Je sais que ce serait trop demander, mais on peut toujours espérer… Votre voisine, on ne sait pas trop d’où elle sort, et elle n’avait aucune famille. En fait, on ne sait rien d’autre d’elle que son nom de famille. Et… on ne sait pas à qui confier la petite.
Il se tut, puis repris précipitamment :
– Elle n’a que quelques jours, la pauvre, et ce serait quand même triste de la placer dans un orphelinat à un âge pareil. Elle ne serait pas bien traitée… C’est Noël, et je me demandais si… vous voudriez bien vous occuper d’elle… Peut-être juste pour un temps…
OoOoO
Maureen était plongée dans ses pensées depuis que le pompier était parti. Elle avait dit qu’elle réfléchirait à sa proposition, et le rappellerait quand elle aurait pris une décision.
S’occuper d’un enfant ? Avec la retraite de son mari et la sienne, ils avaient juste de quoi vivre à deux dans ce grand appartement. Adopter une petite fille, c’était renoncer à un niveau de vie dont ils avaient pris l’habitude depuis longtemps. Non, ce n’était pas une bonne solution. D’un autre côté, elle s’en voudrait de faire de la vie de la petite Ginger un enfer en l’envoyant dans un orphelinat.
Distraitement, elle jeta un œil au courrier qu’elle avait reçu trois jours plus tôt. Pour la plupart, il s’agissait de factures. Son regard s’égara sur une enveloppe un peu jaunâtre, comme vieillie par le temps, écrite à son nom. Etonnée, elle l’ouvrit et en sortit un tout petit papier, sur lequel une écriture penchée, qui semblait venir d’un autre siècle, disait :
Pour l’éducation de Ginger à Hestia.
Hestia était l’école pour filles où Maureen avait envoyé sa propre fille, avant d’apprendre qu’elle devrait la transférer à Poudlard. C’était un très bon pensionnat, qui accueillait des enfants de tous les âges. Mais c’était surtout un pensionnat très cher.
L’enveloppe n’était pas encore vide. Maureen en sortit un chèque. Elle écarquilla les yeux quand elle en découvrit le montant. Il y avait là largement de quoi payer la scolarité de n’importe quelle petite fille à Hestia, songea-t-elle, au moins jusqu’à l’âge adulte. La réponse à la question que se posait Maureen était donnée par cette lettre. Pour une raison ou pour une autre, Mrs. Andres avait décidé de mettre la petite fille dans ce pensionnat, mais n’avait pas eu le temps de faire les démarches nécessaires pour l’y inscrire. C’était donc à elle de s’en occuper.
Sans lâcher le petit morceau de papier des yeux, Maureen souleva le combiné du téléphone pour appeler l’institut Hestia.
OoOoO
Trois jours plus tard, Maureen, en avait enfin fini avec l’inscription de Ginger Enderson. Elle avait préféré ne pas en parler à son mari ; ni à qui que ce soit, en fait. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Peut-être parce que la lettre que Mrs. Andres avait envoyée n’était destinée qu’à elle seule ? Peu importait, maintenant que tout était fini. La vie allait reprendre son cours, et elle allait pouvoir oublier l’affreux incendie qui avait eu lieu quelques jours plus tôt à peine. Elle pourrait définitivement oublier le sourire joyeux de Mrs. Andres et l’existence de Ginger, le bébé rescapé des flammes.
En soupirant de soulagement, Maureen Granger saisit une assiette déjà propre, et entreprit de la nettoyer.
-X-X-
DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING –
Oh non… Pas déjà…
Lasse, j’abats ma main sur le réveil, qui fait alors un « crac » pas très réjouissant.
Ce 21 août 2016, un réveil rejoignit le paradis des réveils. Requiescat in pace, petit réveil.
Je me force à m’asseoir sur le bord de mon lit et fixe le mur en face de moi. Il est d’un blanc un peu bleuté. Un tableau y est accroché. Je crois que ça représente un lac. Ou la mer. Ou une vache. Je n’en sais trop rien, je suis trop fatiguée pour réfléchir. Finalement, je me lève, et fais un panier en envoyant le réveil décédé dans une corbeille en métal. Ça fait DOONG et les filles du dortoir se réveillent en grommelant.
– Ginger, c’est pas parce que t’es punie que tu dois réveiller tout le monde avec toi, fait remarquer Ashley Hoggs, une de mes adorables camarades.
Tout le monde est détestable, à Hestia. Juste avec moi, en fait.
– Et l’esprit de groupe, alors ? » je crie bien fort, pour que celles qui ne sont pas réveillées puissent profiter de ma voix mélodieuse.
Ashley marmonne que je peux me mettre mon esprit de groupe à un endroit de mon anatomie dont elle n’oserait jamais parler devant la vieille Wilson. La vieille Wilson, c’est la directrice de notre cher pensionnat. Ses cheveux gris sont toujours attachés en chignon serré, et ses petites lunettes rectangulaires lui donnent un air sévère. Son corps anguleux la fait ressembler à une araignée, le genre d’araignée qu’on a tendance à fuir en courant. Je ne l’ai jamais vue sans son tailleur noir ; on dirait qu’elle n’a rien d’autre. Peut-être qu’elle en a des tas, comme ça, dans son armoire, tous les mêmes. Je n’ose même pas l’imaginer avec autre chose sur le dos. Personnellement, je suis sûre qu’elle dort avec.
Son image colle complètement avec son caractère. Sèche et autoritaire, elle n’aime pas que les choses n’aillent pas comme elle l’a décidé. C’est pourquoi, moi, je l’exaspère particulièrement. Je passe ma vie à faire des bêtises. Mais je suis la seule à en être amusée. Mes camarades me regardent toujours comme un alien, et elles me font régulièrement savoir que je n’ai rien à faire ici.
En effet, je suis orpheline. Je n’ai jamais vraiment su d’où je sortais, d’un incendie paraît-il. Toujours est-il que j’ai atterri ici. On a refusé de me dire qui avait pris en charge mon éducation. Souvent, je songe amèrement qu’il n’aurait pas dû prendre cette peine, qui que ce fût.
C’est ce à quoi ce songe, ce matin, en tachant vainement de coiffer ma tignasse rousse. Ca fait des années qu’on essaye de discipliner mes cheveux ; encore quelque chose chez moi qui met la vieille Wilson sur les nerfs. Finalement, je crois que je vais les laisser comme ça, et tant pis si ça ne plaît pas à la directrice.
Une fois habillée de mon éternel uniforme gris, je frappe trois coups à la porte de Wilson. Deux secondes plus tard, une voix glaciale m’ordonne d’entrer.
Le bureau est propre et bien rangé, il est pratiquement vide. Deux meubles, trois piles de papier nettes, un ordinateur portable dernier cri, et une chaise en métal design qui supporte la directrice. Ce n’est pas la première fois que je viens ici, et je suis certaine que c’est loin d’être la dernière. A chaque fois que je fais une bêtise, cette vieille chouette s’occupe personnellement de me donner une punition très désagréable, et toujours de bon matin. Je suppose que c’est sa façon à elle de s’amuser.
Sadique.
– Bonjour, Madame Wilson.
– Miss Enderson. »
Petite pause.
– Vous copierez cinq cent fois « Je ne dois pas essayer d’enflammer la chevelure de l’une de mes chères camarades, afin d’éviter de créer autour de moi des inimitiés ».
Je ne regrette rien. La tête d’Ashley Hoggs entre le moment où je lui ai fait remarquer que ses cheveux étaient encore plus flamboyants que les miens, ce jour-là, et le moment où elle s’est rendu compte de ce qu’il se passait sur son crâne, c’était vraiment impayable. Ca vaut toutes les lignes de copie que j’ai faites jusque-là. Et ce n’est pas peu dire.
Je commence ma punition en silence, en écrivant sur un petit cahier prévu à cet effet. Je ne dois pas essayer d’enflammer la chevelure de l’une de mes chères camarades, afin d’éviter de créer autour de moi des inimitiés. Je ne dois pas essayer d’enflammer la chevelure de l’une de mes chères camarades, afin d’éviter de créer autour de moi des inimitiés…
Je tourne la page pour continuer et je me fige. Ce n’est pas possible, je dois être en train de dormir. Une écriture un peu brouillonne envahit la page. Cette écriture, c’est la mienne, et elle dit « Je ne dois pas essayer d’enflammer… » etc.
Je suis certaine de n’avoir jamais copié cette phrase avant aujourd’hui. Pourtant, incontestablement, c’est mon écriture. Je feuillette le reste du cahier et en reste bouche bée. Toutes les pages sont couvertes de mon écriture.
Je ne trouve pas de solution rationnelle pour expliquer ce phénomène. Comment le cahier a-t-il pu se remplir tout seul ? Peut-être que je perds la mémoire, que j’ai déjà fait cette punition… Mais non, la directrice ne me donnerait jamais un cahier utilisé, avec une punition déjà faite. Mais alors comment…
– Miss Enderson, m’interrompt la vieille Wilson.
Surprise, je resserre brutalement le poing sur mon stylo. Celui-ci se brise entre mes doigts, et l’encre noire se met à goutter sur le bureau bien propre de la directrice.
Oh, oh. Pas bon, ça.
Elle se met à regarder très, très bizarrement mon cahier de brouillon. Elle aussi, elle a vu que les pages étaient déjà remplies. Finalement, elle jette un regard méprisant à mes doigts poisseux avant de planter ses yeux gris acier dans les miens.
Wow. Ce qu’elle a à me dire doit être vraiment très important, si elle se fiche du fait que j’aie complètement fichu en l’air son bureau. Je crains le pire.
« Vous savez qu’à la fin du mois, c'est-à-dire dans une semaine, un représentant d’un collège pour filles viendra choisir les nouvelles élèves ici même. Je vous ai dit que, faute de moyens, vous ne pourriez aller dans cette école. »
Bien dommage, d’ailleurs. J’aurais échappé aux punitions, aux remarques incessantes des autres filles du pensionnat. Ç’aurait été le paradis, en fait.
– Je vous ai menti.
Ça, ce n’est pas nouveau : on me ment depuis que je suis née. Pas une personne n’est fichue de me dire d’où je viens ! Il y a quelque chose de pas net là-dessous, c’est certain.
« Vous ne pouvez pas y aller parce que je refuse qu’un élément de mon pensionnat, sous ma tutelle de surcroît, puisse donner une mauvaise réputation à l’établissement Hestia. »
Ah, je ne vous ai pas dit le meilleur ? Comme personne ne voulait de moi, Wilson s’est proposée pour être ma tutrice. Mon responsable légal.
Quelle vie merveilleuse.
– Mais je vous laisse une chance.
Hein ?
Attends. Ça veut dire que je pourrais m’échapper de cet enfer, m’en aller loin de cette vieille furie. Je pourrais me faire des amies, m’habiller comme je veux, laisser mes cheveux faire ce qu’ils veulent. Je pourrais être normale.
Evidemment qu’elle me laisse une chance, à la réflexion. Plus je suis loin d’elle, mieux elle se porte. Et son bureau aussi.
– Si vous êtes exemplaire cette semaine, vous pourrez paraître devant le représentant du collège. Je vous conseille de bien vous tenir. Cette chance ne se représentera peut-être plus. Bien, allez en cours, maintenant, ajouta-t-elle après une courte pause.
Je n’en reviens pas. Je n’ai même pas fait la moitié de ma punition !
D’un autre côté, je ne dois pas faire de mauvaises farces de toute la semaine aux sales petites filles qui me tiennent lieu de camarades. Ce qui va être très, très dur.
– Vous pouvez disposer, répète-t-elle, voyant que je suis figée sur ma chaise, ne comprenant toujours pas ma chance.
Je vais pouvoir quitter ce pensionnat de malheur et toutes ses Ashley, je ne vais plus voir la tête de grenouille morte de la vieille Wilson. Et le meilleur, c’est que ma punition est terminée alors que j’ai écrit, quoi, une trentaine de lignes ? sur les cinq cents que je devais faire.
La journée commence vraiment bien.
OoOoO
Maintenant que je suis bien réveillée, je peux me présenter. Je suis Ginger Enderson, et j’ai onze ans depuis le 24 décembre dernier. Mes yeux sont bleus-gris, comme le ciel londonien quand il va pleuvoir, et j’ai des cheveux roux très emmêlés, assez longs, qui ont l’air de hurler « Dieu m’a prise pour une carotte ». Encore quelque chose qui énerve la vieille Wilson chez moi.
Il y a autre chose qui embête la directrice, c’est le fait que je sois systématiquement présente quand des phénomènes bizarres se produisent. Elle aimerait bien pouvoir m’accuser, mais malheureusement elle n’a aucune preuve. Par exemple, le jour où son bureau s’est renversé tout seul, comme ça, sous mes yeux, alors qu’elle venait de me donner la plus énorme punition de ma vie. J’avais étrangement l’impression d’y être pour quelque chose, mais… on ne peut pas faire tomber un bureau aussi lourd sans le toucher, non ? Ou le jour où l’alarme incendie s’est déclenchée et qu’il s’est mis à pleuvoir dans toute la classe ; c’était le jour où mes chaussures préférées ont été teintes en rose répugnant. Toutes les filles se sont retrouvées trempées de la tête aux pieds…sauf moi. Ce qui est bizarre, vu que j’étais dans la même pièce qu’elles. Etrange, tout ça, hein ? Mais j’ai l’habitude d’être bizarre. Ca fait partie de ma personnalité, ou quelque chose comme ça, je suppose.
Comme je vous l’ai dit, on ne sait pas vraiment ce qui est arrivé le jour de ma naissance. Vraisemblablement, mes parents ont été emportés dans l’incendie qui m’a épargnée, le soir même du début de mon existence sur Terre. Quel joyeux Noël que celui où je suis née, n’est-ce pas ?
Je ne sais pas vraiment pourquoi ni comment, mais trois jours plus tard, les pompiers me laissaient ici, entre les mains rachitiques de la vieille Wilson. Il me semble avoir hérité de pas mal d’argent, argent qu’évidemment je ne pourrai toucher qu’à ma majorité. En attendant, une partie de cet héritage revient tous les mois à Hestia pour payer ma scolarité. Si vous suivez bien, alors vous avez compris qu’en gros, je suis la seule pauvre dans cette école de riches.
– Alors Ginger, tu t’es bien amusée ce matin ? braille Amber Gordon, la meilleure-amie-pour-la-vie d’Ashley Hoggs.
– Génial, je rétorque. Savoir que tu t’es réveillée avec moi en signe de soutien a suffi à illuminer ma matinée.
Elle grimace.
– Vivement la semaine prochaine, quand on changera de collège, fait Ashley. Quand on ne verra plus ta sale tête décoiffée.
– Navrée que ma coupe de cheveux te gêne tant que ça, dis-je d’un air qui est tout, sauf navré. Mais je ne serais pas si sûre de moi à ta place.
– Comment ça, tu veux dire que je ne pourrai pas y entrer ? Mais Ginger, qui refuserait la fille du grand industriel George Hoggs ? Si belle, si douce, si sage ?
Et si modeste ?
– Hoggs, je n’ai jamais remis en doute tes qualités, je réplique avec sarcasme. Ce que je cherche à te dire, c’est que, moi aussi, je suis autorisée à participer à la sélection des nouvelles élèves.
Amber et Ashley blêmissent.
– Co…comment ? Mais… De toute façon, reprend Amber Gordon d’un air qui se veut plus assuré, personne ne voudra de toi.
– Tu sais très bien que si.
Car contrairement à ces deux imbéciles qui ne sont capables que de minauder, mes notes sont plutôt bonnes. Après tout, je n’ai pas vraiment d’amies ici, alors que me reste-t-il à faire à part travailler ? Quand des représentants du gouvernement viennent prendre le thé avec la directrice, ils finissent toujours tôt ou tard par dire que je suis une « adorable petite fille ». La tête de la vieille Wilson dans ces moments-là vaut toujours le détour.
En face de moi, les deux idiotes me regardent d’un air dégoûté. Je leur fais un grand sourire hypocrite et m’exclame : « Bon appétit ! » avant de me lever de table et de me préparer pour le premier cours de la journée.
OoOoO
Je pense pouvoir affirmer que cette semaine a été la pire de ma vie. Toutes les pensionnaires se sont alliées pour me mettre sur les nerfs, dans le but de me voir faire d’énormes bêtises et ne plus pouvoir changer d’école. J’ai été surprise de voir à quel point je pouvais être patiente. Les autres aussi d’ailleurs, et elles ne se sentaient plus de m’insulter, vu que je ne réagissais pas. Toute la semaine, on m’a fait des croche-pieds, des cartouches d’encre ont « malencontreusement » explosé sur mes copies, et j’ai trouvé un matin ma guitare – l’instrument que j’ai choisi d’apprendre il y a trois ans – toute abîmée.
Mais mes efforts pour rester patiente ont payé : aujourd’hui vient Mr. Smith, un représentant du collège pour filles, et je pourrai paraître devant lui. Je me lève donc plus tôt, ce matin-là, ôtant la vie à un réveil au passage.
J’arrange autant que je peux mon uniforme, et surtout, je me coiffe. Une mèche de cheveux particulièrement mal venue, à l’arrière de mon crâne, a décidé de prendre son envol, mais personne ne lui a expliqué qu’elle devait rester fixée sur ma tête. Du coup, elle est immobile, suspendue au-dessus de mon visage. J’ai vraiment l’air ridicule. Je m’applique des tonnes de gel, mais rien à faire, elle ne veut pas s’aplatir.
– Mais mince, pourquoi tu ne veux pas descendre ? lui dis-je en la fixant sur le miroir mural, à bouts de nerfs.
Aussitôt, la mèche s’abaisse gentiment, toute seule.
Wow. J’arrive à donner des ordres à mon cuir chevelu. Appelez-moi « La fille qui murmurait à l’oreille des cheveux ».
OoOoO
Nous entrons en classe. Toutes les filles sont bien habillées, bien coiffées, bien propres, et arborent un grand sourire. Nous nous asseyons à nos places ; je suis seule, au dernier rang, comme d’habitude. La leçon commence : nous faisons de la biologie. Je suis seule pour les travaux pratiques, mais depuis le temps, j’ai appris à me débrouiller sans aide.
Quelqu’un toque à la porte. Tout le monde retient son souffle, et d’une voix un peu tremblante, le professeur dit « Entrez. »
La porte s’ouvre, laissant le passage à la vieille Wilson et à deux hommes. Nous nous levons aussitôt, dans un même mouvement.
– Mesdemoiselles, je vous présente Mr. Smith, directeur de Browers, le collège pour filles, et Mr. Smith, son frère, qui l’accompagne aujourd’hui. Messieurs Smith et Smith assisteront au cours.
– Bonjours, messieurs, murmure la classe.
Ce qui veut dire que pour ce cours-ci, j’ai intérêt à m’y mettre bien sérieusement. Tandis que je réunis les instruments dont j’aurai besoin, j’observe à la dérobée les deux hommes. Ils sont blonds tous les deux, pas spécialement vieux. L’un a une quarantaine d’années, et a l’air terriblement sérieux avec son costume de marque et ses lunettes en fer. L’autre est plus proche de la trentaine, et … et il me regarde, une lueur amusée dans les yeux.
Gênée, je détourne la tête en piquant un fard.
Les deux hommes se promènent dans les rangs en observant le travail de toutes. Devant moi, Amber et Ashley font n’importe quoi. La souris qu’elles étudient va bientôt perdre la tête – littéralement, seul un lambeau de peau la rattache encore à son corps.
– Alors, ça avance ?
Surprise, je lève la tête. C’est le jeune Mr. Smith, celui qui a l’air moins sérieux. Je hoche la tête et retourne à mon travail. Il reste un moment, et repart en marmonnant « très bien, tout ça ».
Une heure plus tard, ça y est, j’ai fini ! Ma souris est parfaitement bien préparée, ouverte de tout son long, avec les organes disposés sur le bord comme il est demandé dans l’exercice. Je suis fière de mon travail. Les autres sont loin d’avoir terminé. Devant, Amber et Ashley galèrent de plus en plus. Leur souris, telle Charles Ier, a été décapitée, et maintenant sa queue et ses pattes essaient elles aussi d’obtenir leur indépendance par rapport au corps. Elles se disputent à voix basse, chacune rejetant la faute sur l’autre.
Et puis soudain, elles se retournent vers moi, une lueur mauvaise dans le regard. En trois secondes, elles me piquent mon compte-rendu et le bac contenant ma souris et posent les leurs à la place.
– Mais… ! je crie, surprise et outrée.
– Silence ! dit la vieille Wilson d’un ton sévère.
– Qu’est-ce qui te prend, Ginger ? murmure Ashley, moqueuse.
Je n’en reviens pas. Elles m’ont volé mon travail ! Elles vont aller à cette école paradisiaque grâce à mon boulot, et moi je vais rester dans cet enfer, à cause d’elles. Et le pire, c’est que je ne peux rien faire pour empêcher ça. Si je les dénonce, personne ne me croira. Et j’aurai encore moins de chance d’aller à Browers.
Les deux pintades me regardent avec un air victorieux.
Saletés. Saletés, saletés, saletés ! Je les déteste !
Je sens vaguement un regard dans mon dos, mais je n’y fais pas vraiment attention. Parce que c’est à ce moment là que mon compte rendu, sur la table des deux gourdes, prend feu. Littéralement. Amber et Ashley se mettent à hurler.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que c’est moi qui ai déclenché ce début d’incendie. Pourtant, c’est idiot. Comment peut-on déclencher un incendie à distance ?
Mais quand je tourne la tête et que je rencontre le regard du jeune Mr. Smith, je vois qu’il pense lui aussi que c’est de ma faute. Je vois qu’une foule de sentiments se battent dans ses yeux alors qu’il réfléchit à toute vitesse. Finalement, il fronce les sourcils et se dirige à grandes enjambées vers la vieille Wilson, sous la pluie de l’anti-incendie. Il l’emmène en-dehors de la salle de classe, alors que la panique se répand à cause du rapport enflammé.
Mon avenir est fichu.
OoOoO
– Miss Enderson ?
Lentement, je lève la tête que j’ai posée contre mes genoux repliés. Je suis sur le lit de mon dortoir, et ça fait une bonne heure que je pleure. C’est le jeune Mr. Smith qui me fait face. Il a l’air franchement désolé.
Ca y est, il va me dire que non seulement je ne viens pas à son école, mais en plus je suis virée d’Hestia. Après avoir dit à la vieille Wilson que l’incendie était de ma faute, je ne vois pas pourquoi elle me garderait. Je vais vivre dans la rue, et je mourrai dans quelques mois, de faim ou de froid. Ma vie est finie.
Je m’assois sur le bord de mon lit et efface mes larmes avec le peu de dignité qu’il me reste. Puis je le regarde dans les yeux, et attends qu’il prenne la parole.
– Miss Enderson, je dois vous parler de quelque chose d’important. Au sujet de votre orientation.
– Je suis virée, c’est ça ? dis-je d’une voix un peu tremblante.
Je suis prête à partir, de toute façon. J’ai rangé la totalité de mes vêtements dans une malle (piquée à une fille, tant pis pour elle), certaine de ne pas devoir passer une journée de plus ici.
– Non.
Alors quoi ?
– Je ne vous l’ai pas dit, mais je suis professeur, et pas à Browers. Et je pense que vous allez venir dans mon école.
Une seconde. Il doit vraisemblablement me prendre pour une folle, non ? Alors son école, ça ne peut-être que…
– Vous allez m’emmener dans un asile ?
Je ne sais pas si je suis mécontente d’aller dans un asile. Après tout, peut-être que j’ai vraiment une araignée au plafond… Toutes les bizarreries qui m’arrivent depuis si longtemps auraient alors leur explication.
Mais Mr. Smith éclate de rire. Peut-être que c’est lui, le fou.
– Mais non. Je pense que vous avez votre place à Poudlard.
Jamais entendu parler de cette école. C’est mauvais signe.
– Normalement, reprend-il, vous auriez dû recevoir une lettre à votre nom au début de ce mois-ci, mais il semble que votre courrier ait été intercepté par votre tutrice.
– La viei… euh, Mrs. Wilson ? Pour quelle raison bloquerait-elle mes lettres ?
– Elle a lu votre courrier, et a refusé, peut-être par peur que vous vous rendiez dans cette école-là. Elle a tout fait pour que vous alliez ailleurs. Mais aujourd’hui, je me suis rendu compte que vous étiez faites pour Poudlard… J’ai voulu en savoir plus sur votre situation, et elle a fini par me révéler ce qu’elle avait fait. Elle voulait vous placer ailleurs, avant que la réputation de son établissement ne soit ternie, au cas où les gens viendraient à apprendre qu’une pensionnaire d’Hestia devait aller à Poudlard.
Et c’est pour ça qu’elle m’a permis de pouvoir être choisie pour aller à Browers. Je commence à comprendre… Mais il y a encore un ou deux détails pas très clairs.
– Pourquoi ne voulait-elle pas que j’aille à Poularde ?
Mr. Smith me regarde avec un air très sérieux, et dit alors :
– Poudlard est une école de sorcellerie. Et vous êtes une sorcière, Miss Enderson.
Sorcière Sceptique by Mak
Haha.
Ce type est barge. Je localise d’un bref coup d’œil la porte de sortie. Bien, il ne la bloque pas. Vu que je suis plutôt rapide, je devrais pouvoir le semer en cas de problème. Je le regarde à nouveau et dis, hésitante :
– Euh, oui. Oui… Bien sûr…
– Vous ne me croyez pas, n’est-ce pas ?
– Hmmm, comment dire… Non.
– Que dois-je faire pour que vous me croyiez ?
– Oh, je ne sais pas, dis-je en plaisantant, transformez ce tableau en grenouille avec votre baguette magique, par exemple !
Il me regarde un court moment, puis sourit, et sort un bâton en bois de sa poche.
Soit il va « faire de la magie », soit il a l’intention de me taper avec. Oh, là, là. Qu’est-ce que j’ai encore été raconter ? Je suis tendue à l’extrême. Il va me frapper, c’est certain. Demain, vous lirez dans les faits divers : « Une jeune fille de l’établissement de Hestia battue à mort par un fou dangereux ».
Il dirige sa baguette en bois vers le tableau qui représente un lac, ou la mer, ou une vache, je n’y ai jamais vraiment fait attention, à vrai dire. Et là, il se passe un truc dingue.
Un éclair blanc qui part du bout du bâton de Mr. Smith traverse le dortoir et frappe le tableau. Aussitôt, on entend un coassement. Une petite grenouille verte sautille au pied du mur.
Je me pince le bras. Je dois rêver, ce n’est pas vrai.
Mais Mr. Smith est toujours là, souriant, et le tableau est toujours absent. La grenouille, elle, coasse de plus belle.
– Mais… que…
– Vous me croyez maintenant ?
Je ne sais vraiment pas quoi dire. On ne transforme pas les tableaux en grenouille, ce n’est pas dans l’ordre des choses… Mais Mr. Smith n’a pas l’air de se soucier de l’ordre des choses.
Il me tend alors une lettre, écrite à l’encre verte. Le papier ressemble à du parchemin.
COLLEGE POUDLARD, ECOLE DE SORCELLERIE
Directrice : Minerva McGonagall
Chère Miss Enderson,
Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d’ores et déjà d’une inscription au collège de Poudlard. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.
La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou le 31 juillet au plus tard.
Veuillez croire, chère Miss Enderson, en l’expression de nos sentiments distingués.
Filius Flitwick
Directeur-adjoint
– Hm, il doit y avoir une erreur.
– Vous n’êtes pas Ginger Enderson ?
– Si, si. Mais je ne suis pas une sorcière. Ça… ça n’existe pas vraiment, les sorciers, non ? Il y a un truc, dans ce que vous venez de faire, n’est-ce pas ?
Si j’étais une sorcière, je ne vous raconte pas le nombre de fois où la vieille Wilson se serait transformée en grenouille.
– Et tout à l’heure, quand la copie que vos voisines vous avaient volée a pris feu, qu’est-ce que c’était, sinon de la magie ?
J’ouvre la bouche, mais ne dis rien. Oui, c’est vrai, ça. Comment est-ce que ça a pris feu ? Sa théorie de magie est plausible, après tout. Ca expliquerait aussi les lignes de copie qui se sont écrites d’elles-mêmes le jour de ma punition. Et aussi mes cheveux qui m’obéissent quand je leur demande de se coiffer tous seuls. Et le bureau de la vieille qui s’était renversé, l’autre fois. Et toute la série d’événements bizarres qui me sont toujours arrivés, aussi loin que je me souvienne.
Je regarde dans l’enveloppe. Il y a une liste de bouquins et de matériel de sorcier à acheter. Mince. Tout ça serait vrai, alors ?
– Juste pour savoir… Comment avez-vous forcé la directrice à parler ?
– Je lui ai simplement révélé ma condition de sorcier.
Et elle a gobé ça, la vieille Wilson, bien sûr.
D’un autre côté, je la vois mal capituler sans problème. Soit il l’a menacée avec un couteau…mais non, impossible, jamais elle ne m’aurait laissée seule en compagnie de Mr. Smith, aussi horrible soit-elle. Elle ne tient quand même pas à avoir un enlèvement, un meurtre ou je ne sais quoi dans son super établissement.
Ca veut dire qu’elle l’a cru. Or la vieille Wilson est une personne intelligente. Et puis, j’ai confiance en Mr. Smith ; je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais ce type a vraiment l’air d’être gentil.
Pour l’instant, je décide que la magie existe vraiment. Ce serait tellement mieux ! Je me ferais des amies, bizarres comme moi, je pourrais transformer Mrs.. Wilson en grenouille, le rêve, quoi…
Soit tout est vrai, soit je fais le plus beau rêve de ma vie, et je ne veux pas qu’il s’arrête.
En attendant, je regarde à nouveau ma liste de fournitures. Non seulement je me demande où je vais me trouver un chaudron, mais en plus un problème matériel se pose.
– Monsieur, je n’ai pas d’argent. Je ne peux pas toucher à mon argent à la banque.
– Curieusement, à Gringotts, la banque des sorciers, il y a une certaine somme d’argent à votre nom, répondit Mr. Smith ; vous pourrez la toucher dès que vous irez là-bas. En revanche, il va falloir vous prévoir un logement. Votre directrice ne veut plus vous voir dans son établissement.
– Elle s’imagine que je vais coller ma sorcellerie à tout le monde, n’est-ce pas ?
– Quelque chose comme ça, répond-il en souriant. Je pense que l’on devrait pouvoir vous obtenir une bourse pour vous loger dans un hôtel, pour les trois jours où vous attendrez de prendre le train pour Poudlard.
– Euh… Bien, monsieur.
– Avez-vous des affaires à emporter ? Nous devons partir tout de suite acheter vos fournitures scolaires. Vous avez perdu assez de temps.
Je me saisis de ma malle et jette un œil autour de moi pour être sûre de n’avoir rien oublié.
– On peut y aller, lui dis-je finalement.
Il hoche la tête et sort du dortoir. Avant de partir à mon tour, je fixe l’endroit où le tableau était. Un coassement retentit. Je souris en songeant à la tête des filles, quand elles trouveront une grenouille dans leur chambre. Tout ce que je regrette, c’est que je ne serai pas là au moment où elles commenceront à paniquer.
Je me donne une baffe, histoire d’être sûre que tout ça est vrai. Le batracien coasse à nouveau.
Oui, je suis bien réveillée, oui, le tableau s’est bien transformé en batracien. Oui, tout ça est vrai.
Oui, je pars définitivement d’Hestia.
Je rejoins Mr. Smith dans le couloir. Il fixe ma joue rougie d’un air un peu étonné.
– Je peux vous poser une question, Monsieur ?
– Bien sûr.
– Ca veut dire quoi, « Nous attendons votre hibou ? »
OoOoO
Mr. Smith pousse la porte d’entrée du pensionnat. Dehors, l’air est frais, pur, le ciel d’un bleu estival. En sortant, je me sens légère, j’ai l’impression que je pourrais m’envoler.
Je trottine, ravie, aux côtés de mon sauveur. Si ça se trouve, il m’a vraiment raconté des âneries de bout en bout. Et il va me prendre en otage au bout de cette rue. Ce qui serait bête, personne ne voudrait payer pour me récupérer. Alors il me tuerait, ce qui serait fort dommage pour moi.
Mais j’ai vraiment envie d’y croire. Sinon, ça voudrait dire que je retournerai au pensionnat, avec toutes ses Ashley et Amber.
Ce qu’il m’a raconté sur le monde de la sorcellerie en descendant les étages pour sortir d’Hestia me pousse à croire en lui. Ses raisonnements sont logiques.
Je suis en train de me demander si mes parents étaient moldus ou sorciers, quand je réalise que Mr. Smith s’est arrêté dans une ruelle sombre.
Oh, oh. Je le savais. Il va sortir un couteau et m’éventrer. Tout ça, c’était n’importe quoi. Wilson ne voulait plus de moi, elle l’a laissé m’emporter. J’aurais peut être mieux fait de rester au pensionnat, après tout.
Mais, au lieu de sortir un couteau, il lève haut sa baguette magique devant lui.
Je me retiens de lui faire remarquer qu’il a l’air particulièrement stupide comme ça, et demande d’une voix polie :
– Monsieur… Que faites-vous ?
– On va prendre le Magicobus, répond-il, comme si tout le monde prenait régulièrement le Magicobus.
– C’est quoi, le …
Mais la fin de ma question est noyée dans un grand bruit de fracas venant du bout de la rue. Je tourne la tête, étonnée. C’est un cul-de-sac, pourtant…
Et puis, dans un grand BANG !, un bus à deux étages apparaît devant nous. Un type en livrée en sort et commence un discours qu’il a l’air de réciter régulièrement, mais je ne l’écoute pas.
Ce n’est pas possible. Techniquement, un bus ne peut pas apparaître comme ça au milieu d’une rue. D’où sort-il ?
– Eh bien, Miss Enderson, vous ne montez pas ?
Surprise, je regarde Mr. Smith. Il est déjà entré dans le véhicule. J’abandonne là le fil de mes pensées et grimpe en vitesse, traînant la valise dans mon dos. Les portes se referment derrière moi.
OoOoO
BANG !
Ca fait cinq minutes que je suis dans ce bus et j’en ai déjà marre. Apparemment, Mr. Smith, dont le teint a pris une couleur verdâtre inquiétante, a également hâte de descendre.
– Monsieur ?
Il me regarde et hoche la tête sans ouvrir la bouche. On dirait qu’il a peur de vomir.
– Monsieur, vous m’avez dit tout à l’heure que vous étiez professeur. Quelle matière enseignez-vous ?
Il répond, d’une traite, comme s’il avait peur de garder la bouche ouverte trop longtemps :
– Métamorphose.
BANG !
Le décor à l’extérieur du Magicobus a changé. Mr. Smith a l’air ravi. Je suppose que ça veut dire que nous sommes arrivés.
Nous descendons rapidement du bus, qui disparaît dans un grand BANG ! juste après que nous en sommes sortis.
Alléluia ! C’est la dernière fois que je prends le Magicobus. Je ferais bien une petite danse de la joie, mais nous nous tenons devant une rue piétonne très fréquentée à Londres donc je n’ai pas l’intention de m’humilier en public. Cette rue me dit quelque chose… J’y suis déjà allée une fois, il me semble. Mais je n’avais jamais remarqué ce pub miteux. Il est exclu qu’il soit nouveau, vu l’accumulation de poussière sur les vitres. On ne voit rien à l’intérieur. Ca a l’air vide, presque hanté.
Mr. Smith époussette ses vêtements et marche tout droit vers l’échoppe. Je m’engage à sa suite et il pousse la porte grisâtre du pub.
Je suis surprise de constater que le pub, finalement, est très propre. On dirait un peu l’intérieur d’un chalet de montagne. Au fond de la pièce, un bar, et un ou deux serveurs derrières en train courant d’un bout à l’autre pour répondre aux commandes. Ca, c’est ce qu’on remarque en observant attentivement les lieux, ce qui n’est pas facile avec la foule de sorciers à l’intérieur – avec des capes, des chapeaux et tout – j’ai même vu un petit garçon portant un balai – qui se bousculent.
– Ceci est le Chaudron Baveur, m’explique Mr. Smith. C’est le point de passage entre le Londres moldu et le quartier sorcier. On va vous réserver une chambre ici, mais d’abord on devra retirer votre argent à la banque de Gringotts.
Il traverse la foule et je reste dans son sillage. Je capte des fragments de conversation :
« …c’est sa première année à Poudlard… »
« …devrait venir de Beauxbâtons, non ? … »
« …un vrai champion de Quidditch… »
– … préfet-en-chef, tu te rends compte ?
– Oui, ma chérie, je sais, il me l’a dit lui-même.
– Ses parents seraient si fiers !
Je me tourne vers le couple qui vient de parler. L’homme a des cheveux noirs, en bataille, et des yeux vert émeraude, caché derrière d’épaisses lunettes rondes. On dirait qu’il s’est dessiné un éclair sur le front. Etrange pour un adulte, si vous voulez mon avis. D’ailleurs, tout le monde le regarde. La femme quant à elle a des cheveux roux, encore plus incandescents que les miens ; depuis l’entrée, je l’avais repérée dans la foule. Il faut dire que j’aurais été aveugle si je n’avais pas vu sa chevelure carotte, malgré le monde qu’il y a ici.
– Ginny ! Harry ! s’exclame Mr. Smith en voyant le couple. Comment allez-vous ?
– Zacharias ! le salue le dénommé Harry. Comment vas-tu ?
– Mais très bien, merci. Alors, ton premier fils vient à Poudlard cette année ?
– Eh oui, dit Ginny avec un petit air triste. Il me semble qu’hier encore, James était un bébé…
Elle a les larmes aux yeux.
Voici l’une des raisons pour lesquelles je suis ravie de ne pas avoir de mère.
Elle pose alors sa main sur une tête de cheveux noirs de jais, appartenant à un garçon à lunettes qui doit avoir à peu près mon âge. Il me regarde droit dans les yeux. Les siens sont bleus et marrons. Drôle de mélange. A part la couleur de ses yeux, il est le portrait craché de Harry.
– Ginger, dit Mr. Smith en me montrant le garçon, je vous présente James Potter. Il a votre âge, vous intégrerez en même temps Poudlard.
James me fait un léger signe de tête.
Je traduis, pour ceux qui ne parlent pas le langage des asociaux : Signe de tête = Enchanté.
– Bon, allons chercher vos affaires scolaires.
Je suis mon professeur jusqu’au fond de l’échoppe, et nous nous retrouvons dans une petite cour. En face de la porte, un mur de briques. Mr. Smith sort sa baguette. Il l’approche du mur, tandis que je me manifeste à nouveau :
– Monsieur ?
– Oui ?
– Vous aviez dit que vous étiez professeur de métamorphose. En quoi ça consiste ?
Il me sourit, puis tapote sur une brique trois fois, et le mur se sépare en deux de lui-même.
Bon. Je suppose que je ne devrais plus être surprise, maintenant.
Derrière, une grande avenue bordée de magasins en tous genres, où les sorciers se bousculent. Nous avançons dans l’allée. Je dévore du regard ce monde inconnu. Les devantures éclatantes attirent en premier mon regard : je vois des animaux en chocolat sautiller dans une pâtisserie, des glaces de toutes les couleurs, une boutique d’accessoires pour balai volant. Je me demande si je pourrai un jour monter sur l’un d’eux… Tous les sorciers portent de grands chapeaux comme dans les contes, et de lourdes capes noires les couvrent intégralement.
– La métamorphose, commence Mr. Smith en rangeant sa baguette dans sa poche, c’est une matière où on apprend à modifier la nature et la forme d’un objet ou d’un être vivant.
– Ah…, je souffle, guère avancée, en me concentrant à nouveau sur lui. Et quelles sont les autres matières ?
– Vous aurez Défenses contre les Forces du Mal, Botanique, Soins aux créatures magiques, Potions… Plus tard, vous pourrez postuler pour devenir membre d’une équipe de Quidditch.
Je n’ose pas demander ce qu’est le « Quidditch ».
– On va commencer par la banque de Gringotts , décide-t-il.
OoOoO
Je suis assise sur un lit du Chaudron Baveur. Mes achats reposent à côté de la porte. Mr. Smith m’a laissée ici il y a une demi-heure, en me disant qu’on se reverrait à la rentrée. Alors je me suis assise sur le matelas, et j’ai regardé dans le vide.
Ce n’est que maintenant que je réalise vraiment que tout ça est vrai. Que je suis vraiment une sorcière.
Oui, j’en suis une, sinon, la baguette de 29,5 cm, plume de Vivet et bois de pin, que je tiens en ce moment entre mes mains, n’aurait pas vibré, tout à l’heure, dans la boutique du marchand de baguettes.
Une baguette.
J’ai une baguette magique.
Cette histoire devient vraiment abracadabrante… sans mauvais jeu de mots bien sûr.
Je jette un œil à la cage à côté de ma cape toute neuve. Dedans, un tout petit oiseau rond vole dans tous les sens, à toute vitesse. C’est une chouette chevêche, aux plumes brunes et parsemées de taches blanches, qui s’agite en hululant à qui mieux mieux depuis tout à l’heure.
Je me lève et m’approche de la cage ; instantanément, l’oiseau se calme. J’ouvre la petite porte en métal, mais la bestiole ne sort pas. Je fais entrer ma main dans la cage, et la chouette s’y pose pour se blottir dedans.
C’est plutôt mignon, en fait.
Je retourne m’asseoir sur mon lit, et caresse distraitement son plumage chaud et doux en regardant par la fenêtre… Je continue à m’interroger. Est-ce que tout cela est vrai ? Si ça se trouve, je suis en train de dormir, et quand je me réveillerai, je serai encore au pensionnat, et je devrai encore mettre fin à la courte vie électronique d’un réveille-matin.
L’oiseau entre mes doigts pousse un petit sifflement qui ressemble à un soupir de contentement. Je baisse la tête. Il me regarde avec ses grands yeux noirs.
– Il va falloir te trouver un nom, fais-je remarquer à haute voix. Que penses-tu de… Pilpel ?
Il ne réagit pas, il continue de me regarder. Oui, bien sûr, les oiseaux ne parlent pas, réveille-toi Ginger. Va pour Pilpel alors.
Je regarde à nouveau par la fenêtre et observe le soleil se coucher. La silhouette sombre d’un jeune garçon à califourchon sur un balai se déplace de gauche à droite, faisant des allers-retours devant le Chaudron Baveur, inlassablement. Le quartier sorcier prend des teintes jaune orangées, l’effervescence de l’après-midi s’atténue doucement. Bientôt, le ciel devient violet, puis noir. Le gamin qui volait au-dessus de la foule sur un balai n’est plus là : il a dû rentrer chez lui.
Quelqu’un toque à la porte. Je me lève lentement, fait rentrer Pilpel dans sa cage et vais ouvrir.
C’est Mrs.. Londubat, la patronne de l’établissement.
– Bonsoir ! Je viens pour savoir ce que tu veux manger au dîner. Qu’est-ce qui te ferait plaisir ?
– Je ne sais pas, je suis née-moldu, je réponds un peu timidement. Y a-t-il des spécialités sorcières ?
Mieux vaut dire que je suis née-moldu plutôt que « je suis orpheline et je n’ai jamais connu mes parents, plaignez-moi. » Je déteste faire étalage de ma vie à des inconnus. Même si l’inconnue en question a l’air plutôt aimable.
– Bien sûr ! Je vais te faire des œufs de Botruc au plat, alors. Descends à huit heures, ce sera prêt.
Elle referme la porte derrière elle.
Bon, faisons le point.
Soit j’ai rencontré un bon millier de fous pendant cette journée, comprenant Mr. Smith, le contrôleur d’un bus qui apparaît et disparaît à sa guise, un type qui vend des bâtons qui émettent des lumières de toutes les couleurs, et les balais volants et le mur qui s’ouvre tout seul sont de formidables hallucinations.
Soit tout est vrai.
Jamais je n’aurais cru penser avec autant de certitude que l’explication la plus crédible soit l’existence de la magie.
OoOoO
Trois jours plus tard, je descends dans le pub pour régler ma note, accompagnée d’une grosse valise remplie d’habits et de matériel sorciers, de la cage enfermant Pilpel et de quelques vêtements moldus achetés dans une boutique de déguisement du Chemin de Traverse. Il est dix heures et demi, nous sommes le 1er septembre. C’est la rentrée.
Je suis plutôt angoissée. Hier, j’ai réalisé que je serai probablement la seule à ne rien savoir sur le monde des sorciers. Les autres élèves, même s’ils sont nés-moldus, ont eu un bon mois pour s’habituer à l’idée d’être sorciers et pour s’informer. Moi, j’ai eu trois jours.
– Tu es prête, Ginger ?
C’est Mrs. Londubat, qui a accepté de m’accompagner à la gare. Je vois mal comment on sera à l’heure. Je dois être à King’s Cross à onze heures, et la gare n’est pas la porte à côté.
Elle me fait signe d’approcher devant une cheminée éteinte.
– On va prendre la poudre de cheminette.
– C'est-à-dire ?
– On va voyager par la cheminée, me dit-elle en me regardant comme si je n’étais pas saine d’esprit (comme si voyager par les cheminées était quelque chose d’habituel. Elle m’a prise pour qui, le père Noël ?)
– Je n’ai jamais utilisé la … poudre de cheminette.
– Ce n’est pas compliqué, me dit-elle avec un grand sourire. Tu prends cette poudre (elle me tend une bourse remplie de poussière verte), tu rentres dans la cheminée, et tu lâches la poudre dans l’antre en disant clairement et distinctement l’endroit où tu veux aller. Tu as compris ?
– Oui, je crois.
– C’est une chance que le ministère ait enfin décidé d’installer des cheminées à la gare ! Transporter les valises est bien moins compliqué, maintenant. Vas-y d’abord, je te rejoindrai avec tes affaires dès que tu seras arrivée.
Je m’avance dans la cheminée, couvrant mes chaussures de suie. Je me retourne vers Mrs. Londubat. Elle me fait un grand sourire. J’essaie de sourire à mon tour, mais je n’arrive qu’à grimacer.
Je lance la poudre par terre, et m’exclame :
– Gare de King’s Cross !
Rencontres et Répartition by Mak
De grandes flammes vertes jaillissent autour de moi, et je me sens tournoyer. Je ferme étroitement les yeux pour ne pas avoir le tournis. Puis, au bout d’un moment, je sens que je suis à nouveau immobile. J’ouvre les yeux : je suis dans une pièce remplie de cheminées. Des sorciers y sortent et entrent sans arrêt.
Mrs. Londubat apparaît dans une autre cheminée, avec ma valise et la cage de Pilpel, qui semble terrorisé et ne bouge pas d’un poil – étrange, vu que cet oiseau a la fâcheuse habitude de se cogner contre les barreaux à tout bout de champ. Je commence à penser que je suis tombée sur le seul oiseau timbré de l’animalerie, d’ailleurs.
– Tu vois, ce n’était pas si difficile que ça ! Suis-moi.
Docilement, je lui emboîte le pas. Nous sortons de la pièce, et nous retrouvons sur le quai de la gare de King’s Cross.
Lors d’expéditions scolaires, nous avons souvent pris le train. Généralement, c’était le TGV. Mais je suis certaine de n’avoir jamais vu un train pareil. Il est long, rouge et noir, rutilant, et ses cheminées crachent de la fumée.
Une locomotive à vapeur ! Je ne savais pas que ça existait encore.
– Bon ! s’exclame la patronne du Chaudron Baveur. Je dois te laisser, j’ai une journée chargée. Tu n’as pas peur ?
– Non, je mens.
– Très bien. Alors bon voyage et passe une bonne année scolaire !
Et aussitôt dit, elle fait un tour sur elle-même et disparaît dans un craquement sonore.
Comment elle a fait ça ?
Je secoue la tête, puis jette de rapides coups d’œil autour de moi. Les sorciers sont réunis en familles. Je vois les Potter, sur le quai, parlant avec animation à un homme roux et une femme noire qui se tiennent la main. A leurs côtés, une fille à la peau mate, qui doit avoir mon âge regarde avec appréhension James Potter, le garçon à lunette qui m’avait observée bizarrement au Chaudron Baveur. Celui-ci a l’air tellement à l’aise que ça me laisse penser qu’il doit surjouer et avoir aussi peur que la fille de la rentrée scolaire.
Les gens se retournent quand ils passent près de Harry Potter. Bon, c’est vrai, il a cette marque bizarre sur le front, mais pas la peine d’en faire tout un cirque, non ?
Je traîne ma valise et ma cage à l’intérieur du train, parcours un long couloir et trouve, tout au bout, une cabine vide. J’envoie sans ménagement la valise sur le porte-bagages, un peu plus délicatement la cage de Pilpel, et je m’assois sur la banquette en velours rouge.
Bientôt, il n’y a plus que des adultes sur le quai, des hommes qui ont vaguement l’air tristes et des femmes en larmes. Les enfants, mes futurs camarades, sont penchés à leurs fenêtres et font adieu de la main à leurs parents agglutinés près des vitres.
Personne n’est venu dans ma cabine. Tant mieux, ça m’évite les questions du style « Où sont tes parents ? », vu que moi-même, je n’en sais rien. Le train démarre, le quai s’éloigne progressivement, et les adultes disparaissent dans un tournant.
Mes parents. Où sont-ils ? Soit ils sont morts, dans l’incendie ou avant… Soit ils sont vivants et m’ont abandonnée. Ils ne m’aimaient pas… ou alors ils ne pouvaient pas me garder. Si ça se trouve, ils étaient de dangereux criminels échappés de prison et ils ne voulaient pas que je grandisse dans leur cavale…
C’est toujours plus amusant de m’imaginer un passé digne d’un film.
S’ils étaient sorciers, ils ne seraient pas morts d’un incendie, ils auraient pu l’éteindre… On les aurait tués un peu avant… Alors ils seraient moldus. Ils auraient pu s’échapper de l’appartement en flammes.
Je quitte la fenêtre du regard et sursaute violemment. Une fille blonde est assise devant moi et lit tranquillement un bouquin. Je ne l’ai pas vue entrer.
Elle lève la tête, étonnée de ma réaction.
– Je ne t’avais pas vue, c’est tout, je marmonne en rougissant.
Elle hausse les épaules, et retourne à sa lecture.
Je la détaille. Ses longs cheveux blonds sont droits et bien coupés, et ses yeux d’un bleu très pur. Ses traits harmonieux et fins s’accordent à sa minceur, et arborent l’air de la personne qui déteste se faire déranger dans sa lecture. Je la laisse donc tranquille.
Cependant, après un petit moment, elle lève la tête ; je continue de la fixer, quoiqu’un peu décontenancée. Elle me détaille à son tour. Au bout de quelques secondes de réflexion, elle se décide à mettre un marque-page dans son livre, qu’elle pose à côté d’elle avant de me sourire amicalement.
– Comment tu t’appelles ?
– Ginger Enderson. Toi ?
– Judith Thomson.
Silence.
– Tu es née-moldue ? me demande Judith.
Je ne sais pas trop quoi répondre. Si je lui dis brutalement « Mes parents sont morts à ma naissance donc je ne sais pas », la conversation va s’arrêter. Si je me mets à raconter ma vie, elle va me prendre pour une fille égocentrique, et ce serait idiot de mal me faire voir à cause de ça dès mes premières minutes de discussion avec une autre élève de Poudlard. Et d’un autre côté, ce serait bizarre de lui répondre quelque chose de faux pour lui donner plus tard une explication radicalement différente. Elle me prendrait pour une mythomane.
Heureusement, la porte s’ouvre à ce moment-là, coupant court à mon dilemme. C’est James Potter et la fille à la peau mate.
Potter me remarque :
– Salut, Ginger.
La fille à côté de lui pâlit.
– Tu… tu la connais… vraiment ?
– Bien sûr ! On s’est vus, cet été, ajoute-t-il avec un air de conquérant. Roxanne, tu veux dire
que tu ne connais vraiment personne de Poudlard ? Mais tu ne vas jamais te faire d’amis…
Elle semble sur le point de pleurer et je ressens un élan de compassion pour elle.
Ça fait seulement deux minutes que je connais ce type et je le déteste déjà. Il se dégage de lui une telle suffisance que c’en est insupportable.
– Excuse-moi, je l’interpelle.
Il me fixe avec étonnement et j’ajoute :
– Qui es-tu, au juste ?
Je me souviens très bien de lui. Mais ça vaut le coup de faire semblant de ne pas le reconnaître, vu la tête qu’il tire. Il devient tout rouge et balbutie :
– Mais… au Chaudron Baveur… tu ne te souviens pas ?
Je fais mine de réfléchir.
– Mais bien sûr ! je m’exclame au bout d’un petit moment en claquant des doigts. Oui, comment t’oublier ? Avec des yeux comme les tiens…
Il reprend son sourire de conquérant. J’ajoute :
– La couleur de tes yeux… on dirait vraiment de l’eau sale. Comme les marécages, tu vois ?
Roxanne explose de rire. Le sourire de Potter s’est effacé. Il a l’air furieux.
Judith ajoute avec flegme :
– J’aurais plutôt dit l’eau des toilettes, mais bon…
Fou rire général, sauf pour le garçon, dont le visage est devenu rouge tomate.
– On ne t’a rien demandé, à toi, siffle-t-il à Judith.
– A toi non plus, on ne t’a rien demandé, réplique-t-elle du tac au tac. Tu nous as dérangées, et on a eu l’extrême générosité de te répondre.
– Oui, un minimum de respect, tout de même ! je m’exclame à mon tour.
Il ne répond rien et tourne les talons pour retourner dans sa cabine. Roxanne s’apprête à le rejoindre, mais je l’arrête :
– Non, sérieusement, tu vas retourner voir cet imbécile ? Tu ne veux pas rester avec nous, plutôt ?
– Si tu t’en vas, je me sentirais vexée, ajoute Judith. Ça voudrait dire que tu préfèrerais la compagnie de M. Eau-des-toilettes-dans-les-yeux à la nôtre.
Roxanne se retourne vers nous avec un grand sourire.
– On dirait que je n’ai pas vraiment le choix…
Et elle vient s’asseoir sur ma banquette.
OoOoO
Pendant le voyage, on discute de nos origines. Judith était dans un pensionnat très cher du même genre que le mien. Roxanne Weasley, fille de sorciers, a grandi chez elle avec son grand frère et sa multitude de cousins. Parmi eux, James Potter. La pauvre.
– Et toi, Ginger ?
– Eh bien…
J’opte pour la méthode « allons-y cash ».
– Je ne sais pas qui sont mes parents, mais ils sont vraisemblablement morts le jour de ma naissance, dans un incendie.
Silence.
– Oh, souffle finalement Roxanne.
– Désolée, ajoute Judith.
– C’est rien, je réponds. Je ne me souviens pas, de toute façon. Et donc j’ai atterri dans un pensionnat un peu comme le tien… La majorité des pensionnaires me méprisaient, les autres m’ignoraient. Je suis contente d’en être sortie.
– Tu m’étonnes. Je te plains.
– Je pense que Roxanne est plus à plaindre, non ? Onze ans avec Potter, quelle horreur…
Judith se fige.
– Potter ? Comme Harry Potter ? Harry Potter est le père de ce petit prétentieux ?
– Oui, marmonne Roxanne.
J’ai dû louper un truc. J’interviens :
– C’est qui, ce Harry Potter ?
Elles se tournent vers moi de concert et me dévisagent comme si je venais de dire une énorme bêtise.
– Ben quoi… Je ne connais pas le monde des sorciers, moi…
– C’est juste, concède Roxanne. Dans les années 70, un grand sorcier, un sorcier très maléfique, a commencé à prendre du pouvoir. Son objectif, c’était de conquérir le monde.
– C’est d’un banal, je commente.
– En tout cas, poursuit-elle, il a recruté des sorciers pour se former sa propre armée. La terreur régnait à cette époque là, tous les sorciers rentraient chez eux avec la peur de trouver des morts … Et puis, un jour, il a tué les Potter. Il a assassiné le père, puis la mère, et en lançant le sort mortel sur le bébé… Le sort a rebondi et est allé droit sur lui.
– Et le bébé, c’était…
– C’était Harry Potter, poursuit Judith. Il a toujours gardé une cicatrice sur son front, à l’endroit où le sort avait rebondi.
Aaah, d’accord. CQFD.
– Mais Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom n’était pas vraiment mort…
– C’est quoi ce nom à coucher dehors ?
– Les sorciers l’appelaient comme ça parce qu’ils avaient peur de lui. Rien que son nom était synonyme de souffrance.
– Et… c’était quoi, son vrai nom ?
– Voldemort, dit Roxanne. Mais même si on n’a plus peur de le dire, l’habitude est restée. Quand on l’évoque à la maison, Papa l’appelle par son nom, mais maman n’ose pas.
– Voldemort, je marmonne, songeuse. Drôle de nom. C’était un pseudonyme ?
– Je présume… A vrai dire, je n’en sais rien. Voldemort, donc, n’était pas vraiment mort. Je n’ai jamais tout à fait compris pourquoi, mais ça impliquait beaucoup, beaucoup de magie noire et beaucoup, beaucoup de meurtres. Mes parents n’ont jamais voulu m’expliquer ça clairement. Peut-être qu’eux-mêmes ne savent pas vraiment. En tout cas, au fil des années, il a petit à petit retrouvé sa puissance, jusqu’en 1995, où il est, euh, re-né.
– René ? C’est qui ?
– Mais non. Re-né, dans le sens « né à nouveau ». Renaissance. Grâce à un de ses anciens fidèles.
– A partir de ce moment-là, il a repris beaucoup de forces. Mais finalement, en 1998, au terme d’une énorme bataille à Poudlard, Harry Potter l’a tué. A 17 ans. Et n’oublie pas que Voldemort était quand même le plus puissant mage noir du siècle…
– …Wow.
– Comme tu dis. Ce type a du courage.
– Et pourtant, il avait l’air plutôt modeste. Il se courbait un peu, sur le quai de la gare, comme s’il voulait se faire oublier... Comment un type discret comme lui a pu avoir un gamin avec des chevilles aussi enflées ?
– Hein ? Mais ses chevilles sont normales, pourtant… s’interroge tout haut Roxanne.
– C’est une expression moldue, explique Judith, ça veut dire qu’il a la grosse tête. Je suppose que le succès de son père lui est monté à la tête, un truc comme ça.
A ce moment-là, une fille plus âgée que nous ouvre la porte du compartiment et nous lance un regard plein de condescendance. Je remarque un insigne brillant sur sa robe de sorcière.
– Nous allons bientôt arriver à Poudlard, dit-elle d’une voix douce, comme si elle parlait à des handicapés mentaux. Enfilez vos robes.
Elle referme la porte et Roxanne nous dit avant que nous ne nous énervions :
– C’est l’amie d’une de mes cousines, elle vient de temps en temps pendant l’été. Depuis qu’elle est préfète, elle est assez insupportable. Je ne l’aime pas beaucoup, elle fait toujours comme si elle était supérieure aux plus jeunes.
– Entre elle et James Potter, tu as dû bien t’amuser…
– Oh, tu n’as pas idée !
OoOoO
Après s’être habillées, nous descendons nos valises des porte-bagages, ainsi que nos cages. Roxanne est passée chercher ses affaires dans son ancienne cabine tout à l’heure.
– Tu as un animal ? je demande à Judith.
– Oui, Pepsi. C’est un croup, je l’ai acheté à l’animalerie magique, précise-t-elle.
– C’est quoi, un croup ?
Elle ouvre sa cage. Un fox terrier en bondit et se met à me lécher le visage.
– Hé !
– Il est mignon, non ? dit-elle en le forçant à rentrer dans sa cage. Sauf qu’il est très agressif avec les moldus. J’aurais dû y penser avant de le ramener chez moi, mes parents ne sont pas sorciers. Et toi, Roxanne ?
– J’ai Plumasil, mon hibou.
Elle nous montre l’intérieur de sa cage. Un grand-duc nous observe d’un air hautain.
– Et toi, Ginger ?
– J’ai Pilpel, ma chouette chevêche.
– Oh ! Elle est trop mignonne !
Elles s’extasient devant la petite cage contenant la minuscule boule de plumes qui constitue mon animal de compagnie et qui, inquiet, s’est arrêté de se frapper la tête contre la cage.
Le train ralentit progressivement, jusqu’à s’arrêter complètement. De nous trois, je suis la première à sortir du wagon. Dehors, l’air est glacé, mais il n’y a pas un souffle de vent. Le ciel est sombre, le soleil vient de se coucher ; à cause du brouillard, on ne voit pas à plus de cinq mètres. Je devine dans la brume les formes de petites maisons en bois ; nous sommes au milieu d’un village qui a l’air de sortir d’un conte. Je tourne la tête, regarde au loin…et c’est le choc.
Je n’ai jamais vu un bâtiment de cette taille. Vu la tête de mes nouvelles amies, elles non plus. Le brouillard empêche de le distinguer nettement, mais sa structure imposante apparaît vaguement dans la nuit.
– Bienvenue à Poudlard ! fait une grosse voix derrière moi.
Je fais volte-face et manque de tomber à la renverse ; un géant à la barbe noire et hirsute me regarde en souriant. Ses yeux noirs brillent comme des scarabées.
Oui, comme des scarabées. Quand je panique, je fais des comparaisons bizarres, vous avez remarqué ?
– Suivez-moi, dit le géant en s’adressant aux autres élèves en première année.
Le géant marche vraiment très vite. Tous les élèves doivent courir à petites foulées, derrière lui, pour suivre la cadence. Certains d’entre eux sont très rouges, de fatigue. Au bout d’un moment, alors qu’une fille se demandait tout haut si on avait l’intention de nous entraîner pour un marathon, le géant s’arrête brusquement. Les étudiants qui couraient juste après lui lui foncent dedans et tombent par terre.
– Où sommes-nous ? je demande.
On ne voit strictement rien ici, le brouillard est extrêmement épais.
– Au bord du lac du parc de Poudlard, répond le géant. On va le traverser en barque. Ne vous penchez pas trop, le calmar géant n’apprécie pas les intrus dans son territoire.
Un calmar géant. J’espère que c’est une blague.
Roxanne, Judith et moi nous installons les premières dans une barque. Bien au milieu, histoire de ne pas tenter le calmar. Les autres élèves font de même. Je crois même qu’une des filles dans la chaloupe à côté de la nôtre, une petite blonde, est en train de pleurer de terreur sur l’épaule de Potter, qui a l’air de se prendre pour un héros.
– Barbie et Ken, en chair et en os, commente Judith.
J’éclate de rire, mais Roxanne la fixe d’un regard un peu étonné.
– Barbie et Ken ? C’est qui, ça ?
Pendant qu’on lui explique, les élèves finissent de s’installer dans les petites embarcations. Le géant nous regarde tous, arborant un sourire ravi, puis monte dans notre barque, qui s’enfonce un peu dans l’eau sous son poids. D’un même mouvement, Judith, Roxanne et moi nous serrons les unes contre les autres.
– Ne vous en faites pas, glousse le géant, cette barque a vu pire.
En effet. Qu’est-ce qui a fait ces traces de griffes au fond du bateau ? Ce n’est pas que j’ai peur, mais…
– Comment vous appelez-vous ? je demande, pour oublier ce que je viens de remarquer.
– Je suis Hagrid, le gardien des Clés et des lieux à Poudlard, déclare-t-il fièrement. Je m’occupe des cours de Soins aux Créatures Magiques, et je suis également le garde-chasse.
Il se met à ramer, et toutes les autres barques avancent en même temps que la nôtre. Personne ne parle sur les embarcations, pas même Potter, qui n’a plus du tout l’air de Ken. En fait, il pleure autant que la fille qu’il consolait tout à l’heure.
Nous non plus, on ne parle pas. On frissonne et on se colle un peu plus entre nous quand on voit un tentacule émerger de l’eau noire et calme, au loin, et Hagrid pouffe de rire, avec l’air de se dire « Ces premières année, quels froussards. » Du coup, la terreur me fait complètement oublier le spectacle du château. Je le remarque à peine, car mes yeux sont fermement fixés à la surface ondulante du lac.
Les barques arrivent finalement dans une pièce souterraine. Nous débarquons sur la terre ferme ; Hagrid nous abandonne là, et repart dans une barque. Les autres navires le suivent, à la queue leu leu. Personne ne bouge. Jusqu’à ce que quelqu’un dans le groupe dise, au bout de deux bonnes minutes :
– On fait quoi, maintenant ?
Il n’a pas tort. On nous a laissés là, en plan, et on ne sait pas où on est censés aller. Quelle organisation. Un brouhaha commence à remplir le souterrain tandis que je demande :
– Tu sais ce qu’il va se passer, Roxanne ?
– Oui, on va être répartis dans nos maisons.
– Oh là là, j’espère que je ne serai pas à Serpentard, fait Judith.
Je regrette vraiment de ne pas avoir pu en apprendre plus sur Poudlard avant d’y venir. Je demande, un peu honteuse de mon manque de connaissance :
– C’est quoi, la répartition ? Et les maisons ? Et Serpentard ?
– Une question à la fois, répond Roxanne en souriant. L’école est divisée en quatre maisons. Au début de l’année, on décide pour toi dans quelle maison tu iras. Ensuite, tu pourras jouer dans l’équipe de Quidditch de ta maison, lui rapporter des points, ou lui en faire perdre.
Encore ce mot ! C’est quoi, au juste, le Quidditch ? Mais avant d’avoir pu demander, Judith ajoute :
– Les quatre maisons sont Serpentard, la maison des rusés et des ambitieux ; Gryffondor, les courageux ; Poufsouffle, les persévérants et les loyaux ; et Serdaigle, les intelligents.
– On dit, précise Roxanne, que Poufsouffle est la maison des cancres, que les sorciers de Serpentard trempent dans la magie noire, que…
– Ce n’est pas une légende, que les Serpentards trempent dans la magie noire. C’est la réalité.
Potter vient de prendre la parole. Il se croit où, lui, à s’inviter comme ça dans les conversations ?
– Bonsoir, Œil-de-Marécage, lui dis-je avec un grand sourire. Tu as apprécié le voyage en barque?
Il grimace :
– Toi, par exemple, je suis certain que tu finiras à Serpentard.
– Parce que tu ne m’aimes pas ? Mais rassure-toi, c’est réciproque.
Judith, qui regardait les murs en pierres grossières, l’air très intéressée, semble soudain se rendre compte de la présence du garçon.
– Ca alors, tu es encore là, toi ? Je pensais que tu serais mort de trouille avant la fin de la traversée du lac.
– Je ne t’ai rien demandé, toi, dit Potter en rougissant.
– Je me trompe ou ce n’est pas la première fois que tu me dis ça aujourd’hui ?
Il rougit de plus belle et s’éloigne, sans avoir oublié de lui décocher un regard noir.
Judith et moi nous retournons vers Roxanne.
– Quoi ? demande-t-elle, surprise.
– Pourquoi tu ne te défends jamais de lui ?
– C’est marrant de le rabaisser, tu sais. Tu devrais essayer, toi aussi.
– Je ne sais pas trop, dit-elle, songeuse. Maman m’a toujours interdit de dire du mal de mes cousins, alors…
– Justement, elle n’est pas là, c’est le moment d’en profiter, non ?
Elle sourit timidement.
– Bon, votre exposé de tout à l’heure était vachement bien, jusqu’à ce que Potter nous interrompe. Mais je n’ai pas compris comment on était répartis.
– Moi non plus, fait Judith. Je n’ai pas bien compris. Tu peux nous expliquer, Rox ?
– A vrai dire, je … ne sais pas non plus.
– Mais… Tes deux parents sont des sorciers ! Ils sont allés à Poudlard, non ?
– Oui, mais… Ils n’ont pas voulu me dire. Papa m’a dit qu’on nous balançait au calmar : ceux qui en ressortent le plus vite vont à Serdaigle, ceux qui se battent contre le calmar vont à
Gryffondor, ceux qui coulent vont à Poufsouffle, et ceux qui réussissent à ne pas se faire lancer dans le lac vont à Serpentard.
Je la regarde, horrifiée.
– Mais Maman m’a dit qu’il racontait n’importe quoi, ajoute-t-elle précipitamment.
– Si ça se trouve, elle t’a dit ça pour ne pas te faire peur…
Avant d’avoir pu ajouter quoi que ce soit, une énorme porte au fond de la salle s’ouvre. Un homme minuscule… Non, je retire ce que j’ai dit. Ce n’est pas un humain, on dirait… Je ne sais pas. Je n’ai jamais vu de créature pareille de ma vie.
– Bonsoir, dit-il d’une petite voix haut perchée. Je suis le Professeur Flitwick, et je vous enseignerai les Sortilèges. On va vous répartir dans vos maisons dans quelques minutes. Mettez-vous en rang !
Je me place à côté de Roxanne, et Judith va se mettre près d’un garçon aux cheveux châtains. Elle lui sourit et lui devient tout rouge. Elle sait très bien s’y prendre pour intimider les gens ! J’aimerais bien avoir comment elle fait.
Une fois tout le monde en place, le professeur Flitwick se met en tête du rang et s’avance vers la grande porte. Nous le suivons de près. Il sort sa baguette, l’agite de haut en bas, et la porte s’ouvre…
Je me sens alors toute petite. La salle est immense, éclairée par des bougies qui flottent à quelques mètres au-dessus de ma tête. Le plafond ressemble à un ciel étoilé. Autour de quatre très longues tables, des élèves plus âgés que nous nous observent. Certains sont morts de rire, à nous voir trembler de terreur, d’autres nous regardent avec compassion. Tout au bout, perpendiculairement aux quatre tables, il y en a une cinquième, occupée d’adultes ; les professeurs, je présume. Au milieu de leur table repose un vieux chapeau de sorcier tout rapiécé et noirci, comme s’il avait brûlé.
Peut-être que chez les sorciers, les chapeaux font office de pots de fleurs.
Le professeur Flitwick nous conduit entre deux tables d’élèves, au centre de la pièce, puis nous laisse en plan et va rejoindre les autres professeurs. Une femme se lève alors, au milieu de la table des adultes ; elle a pris le vieux chapeau dans ses mains et le tend à bout de bras.
– C’est l’histoiiiire de la viiiie, chantonne un élève assis à une table toute proche, déclenchant les rires de quelques-uns de ses camarades.
Plus âgée que les autres, elle me rappelle étrangement la vieille Wilson. Je mettrais ma main à couper que c’est la directrice. Je continue d’observer la salle, quand, brusquement, je me rends compte qu’une voix éraillée chante. Je cherche l’origine de la voix.
Oho. Je crois que ça vient du chapeau. Il n’y a pas à dire, les pots de fleurs des sorciers sont bien plus intéressants que les nôtres.
J’ai du mal à me concentrer sur ce que le chapeau raconte, je n’en reviens toujours pas qu’un bout de tissu puisse parler. A la fin de la chanson, un murmure s’élève de la masse d’élèves de première année.
Euh… Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je crois que je viens de louper un truc important… J’aurais mieux fait d’écouter. A côté de moi, Roxanne fulmine.
– Et dire que tout ce qu’on a à faire pour la répartition, c’est juste enfiler ce chapeau ! Papa s’est bien fichu de moi !
Je me sens plus légère. C’est tout ? Tu parles d’une épreuve !
La presque-vieille Wilson dit alors :
– Bien, je vais appeler les élèves un par un. Vous mettrez le Choixpeau magique sur votre tête et quand vous connaîtrez votre maison, vous vous installerez à la table correspondante. Abercrombie, Thomas !
Un petit garçon aux cheveux bruns sort de la foule. Il a l’air proprement terrorisé. Il dirige vers le Choixpeau, s’assoit sur un tabouret et la directrice pose le chapeau sur sa tête.
Aussitôt, le Choixpeau beugle : « Gryffondor ! »
Les Gryffondor applaudissent à tout rompre tandis que Abercrombie, Thomas rejoint leur table.
– Bowl, Vanessa !
Une fille à l’air un peu idiot s’avance à son tour vers le Choixpeau.
– POUFSOUFFLE !
A leur tour, les Poufsouffle acclament la nouvelle arrivante.
Les uns après les autres, les élèves défilent. Je commence à sentir la panique dans mon ventre.
Et si le Choixpeau m’envoyait à Serpentard ? Je n’ai pas envie de tremper dans la magie noire, moi…
– Enderson, Ginger !
Je prends mon courage à deux mains et m’avance à mon tour vers les professeurs. Quand je m’assois sur le tabouret, la directrice m’enfonce le chapeau sur la tête, jusqu’aux yeux.
J’entends alors une voix dans mon crâne :
« Hmm… Tu n’as rien à faire ici, tu n’es pas une petite fille comme les autres. Pourquoi m’a-t-on posé sur ta tête ? »
Hein ? Ce chapeau est fou.
D’un autre côté, c’est un chapeau. Je ne vais pas accorder de crédit aux propos d’un chapeau, non ?
« Je suppose que la directrice sait ce qu’elle fait… Bon, procédons… Hmm. Tu as la logique d’un Serdaigle, mais aussi la loyauté du Poufsouffle… »
Pitié, pas Poufsouffle. Pas avec les cancres. Pas avec Bowl, Vanessa.
« Pas Poufsouffle ? (Comment… Ce chapeau lit dans les pensées ?) Ce serait dommage… Tu as aussi le courage des Gryffondors. Voilà un cas compliqué. Voyons, où vais-je te mettre… »
Je croise les doigts.
– GRYFFONDOR !
Je pousse un petit cri en même temps. Je n’avais pas réalisé à quel point le chapeau hurlait fort. La moitié des élèves est écroulée de rire.
Rouge de honte, je m’avance vers la table des Gryffondors et m’installe à côté de Thomas Abercrombie.
– T’as eu peur du chapeau ?
– Tais-toi, Zara.
– C’est Abercrombie, mon nom. Thomas Abercrombie.
– T’as un nom de vêtement, c’est pareil pour moi.
Il rougit à son tour et n’ajoute rien.
Qu’est-ce que voulait dire ce satané chapeau par « Tu n’es pas une petite fille comme les autres » ? Certes, je n’ai jamais vu de filles avec des cheveux aussi indomptables que les miens, mais ça ne fait pas de moi une personne si différente…
Les élèves sont appelés les uns après les autres. J’attends les noms de mes amies, mais, arrivée à P :
– Potter, James !
Tout le monde devient silencieux.
– Potter ? Comme Harry Potter ? murmure quelqu’un à la table des Poufsouffles.
Potter s’avance avec fierté, d’un pas rapide. J’aimerais bien qu’il trébuche dans sa cape et s’étale par terre, ça ferait du bien à son égo surdimensionné. Malheureusement, il arrive sans problèmes à l’estrade où la directrice tient le chapeau.
– GRYFFONDOR ! crie le Choixpeau magique, en ayant à peine effleuré ses cheveux bruns.
Zut. Je vais passer ma scolarité avec cet idiot. Il rejoint la table et échange un regard furieux avec moi.
Les élèves continuent de défiler. Enfin…
– Thomson, Judith !
Elle s’avance à son tour. Sa démarche est assurée et élégante ; elle est la seule depuis le début à n’avoir pas l’air de craindre sa répartition.
– GRYFFONDOR !
Elle nous rejoint et s’assoit à côté de moi, extatique.
– Weasley, Roxanne !
Elle est à son tour envoyée à Gryffondor et arrive à la table, suivie par Wright, Arthur, lui aussi envoyé dans notre maison.
La directrice commence alors un discours long et ennuyeux, que ni moi ni mes amies n’écoutons. Nous sommes trop excitées. J’aurais été triste que nous soyons séparées, mais là, toutes les trois dans la même maison, c’est génial !
Des plats apparaissent devant nous, et tous ont l’air plus succulents les uns que les autres. Je prends garde à ne pas toucher à l’omelette d’œufs de Botruc et me sers de tout, en devisant joyeusement avec mes nouvelles amies.
Je lève la tête et voit Potter discuter avec animation avec Arthur Wright et Thomas Abercrombie. Il croise alors mon regard. Ses yeux me disent : « Saleté. Ta vie va devenir un enfer. »
Charmant.
Je lui lance un regard de défi : « Essaie toujours, mais ne rêve pas trop. »
De concert, nous détournons la tête et reprenons nos conversations respectives.
Alors comme ça, ma vie va être un enfer ?
Rira bien qui rira le dernier.
Dictionnaire et Discrétion by Mak
Cinq ans plus tard. Nous sommes le 1er septembre, et je m’assois entre mes amies à la table des Gryffondors, dans la Grande Salle. C’est la rentrée.
Je repense à mes vacances. D’habitude, je les passe chez Judith, ou chez Roxanne, ou bien avec les deux à l’étranger, parfois avec leur famille, parfois sans. Roxanne et Judith sont en effet devenues mes meilleures amies. Mes seules amies aussi, grâce à mon caractère de cochon ; mais je n’ai pas besoin de plus.
Cette année cependant, je ne les ai pas vues de toutes les vacances. Le premier mois, Judith partait en Norvège, à cause d’une histoire de business où son père avait besoin d’une fille aimante et cultivée pour hâter la signature d’un contrat. Le second mois, elle partait à Venise avec des cousines moldues plutôt barbantes. Et Roxanne, elle s’en allait en Afrique du Sud voir ses arrières-grands-parents, auxquels elle n’avait pas rendu visite depuis une dizaine d’années.
J’étais donc seule, avec nulle part où aller. Le 1er juillet dernier, sur le quai de la gare de King’s Cross, je fis au revoir de la main à mes amies, puis quand elles disparurent, me demandai : « Je vais où, maintenant ? ».
Je repensai à une idée qui s'était forgée petit à petit pendant l'année dans mon esprit. Je pourrais chercher mes origines. Je savais depuis bien longtemps que le seul moyen par lequel j’aurais l’occasion d’en savoir plus sur mes parents, ce serait soit en volant les archives de Poudlard, soit en volant des documents chez la vieille Wilson. Comme, pour ce faire, j’avais absolument besoin de ne pas être vue, et comme je n’avais pas de cape d’invisibilité, il me fallait être capable de me lancer un sortilège de désillusion. A force d’entraînements, au bout de mes cinq années d’études à Poudlard, j’y étais plus ou moins arrivée : mes pieds et le bout de mon nez s’obstinaient à ne pas disparaître, mais dans la pénombre, j’arriverais bien à me cacher. Je pouvais donc appliquer mon plan. Comme on était en vacances, je décidai de commencer par Hestia, mon ancien pensionnat.
Vers minuit, le soir même, j’étais devant la bâtisse grisâtre dans laquelle j’avais passé une bonne partie de mon enfance. J’eus un haut-le-cœur en la comparant avec Poudlard. Elle m’avait l’air minuscule. Comment avais-je pu entrer dans un tel placard à balais ? Je secouai la tête pour chasser mes pensées, et, invisible ou presque, je rentrai dans l’établissement.
Tout était silencieux, et plongé dans le noir. Le couvre-feu était largement dépassé, ce qui m’arrangeait bien. De toute façon, qui aurait eu l’idée de chercher une ancienne élève échevelée cinq ans après son départ de Hestia ?
Je passai devant la chambre de la vieille Wilson, et, curieuse, j’ouvris la porte. La directrice, droite comme un piquet dans son lit, dormait. Elle avait l’air de réfléchir, pour ne pas changer. Et son visage était le même que cinq ans plus tôt : ridé, mais avec des traits durs. Même en plein sommeil, elle avait l’air sévère.
Je refermai doucement la porte de la chambre derrière moi, puis me dirigeai vers son bureau. Les couloirs étaient sombres, la lune éclairant faiblement l’intérieur du pensionnat. J’arrivai finalement devant la porte du bureau de Wilson, qui n’était heureusement pas fermé à clef. Tout était net, propre et bien rangé. J’eus un sourire en voyant la tache d’encre que j’avais faite sur le bureau, quelques années auparavant. Je fis le tour du bureau, m’assis dans le siège de la directrice, et ouvris quelques tiroirs avant de trouver celui que je cherchais, dans lequel des dossiers concernant les élèves étaient classés par ordre alphabétique. J’entrepris de chercher mon nom.
– Ecre, Jordana… Elvira, Scarlett … Ah ! Enderson, Ginger.
Je sortis le dossier et le posai sur la table. Il était constitué de trois feuillets. Maintenant, je devais faire vite : j’avais toujours la Trace, et il ne fallait absolument pas qu’on me prenne ici en train de faire de la magie. Je lançai un sort de copie sur le dossier, rangeai l’original dans le tiroir à toute vitesse et, serrant les copies contre moi, je m’enfuis dans la nuit.
Le lendemain, je me penchai sur ma découverte. La première feuille était un formulaire d’inscription. La date de mon arrivée dans l’établissement était le 27 décembre, soit trois jours après ma naissance. Qui s’était occupé de remplir ces papiers ? Je regardai partout, mais aucun nom n’était indiqué. A la place de « tuteur », il était écrit « Mrs. Elisabeth Wilson ».
Et à « adresse », il n’y avait que celle du pensionnat. Dans « modalités de paiement », il était inscrit « Endwich Bank », suivi d’une adresse. Je pouvais toujours chercher de ce côté-là, mais je savais qu’à seize ans, étant mineure, on ne me dirait jamais qui s’était occupé de payer.
Un peu dépitée, je lus la seconde page.
Elle concernait les formalités d’une adoption. Je lançai la page derrière moi, un peu énervée. Et puis je tombai sur la troisième feuille, totalement blanche, avec, au beau milieu, une adresse. Une simple adresse.
Elle ne me disait rien.
C’est toujours un début, pensai-je.
Après être passée par la banque (« Nous sommes absolument navrés, mademoiselle, mais nous n’avons pas le droit de révéler le nom de nos clients, blablabla… », non mais quels crétins…), je me rendis à l’adresse indiquée par la troisième page. Mais au numéro 9 de l’immeuble, qui était indiqué sur la feuille, il n’y avait qu’une porte noircie par de la cendre.
Comme si elle avait pris feu…
Je devinai que c’était là qu’on m’avait trouvée.
Curieuse, je poussai la porte. Comme je m’y attendais, elle était fermée. Je regardai autour de moi. Personne. Je murmurai un Alohomora et la porte s’ouvrit sans difficulté.
Tout était noir, mais vide, et le sol était recouvert de cendre. Je frissonnai, et observai la pièce. Aucun meuble, aucune porte. Il n’y avait qu’une pièce dans cet appartement, c’était celle-ci. Furtivement, je crus voir les flammes lécher la porte d’entrée. Mais ce n’était qu’un mirage.
Ou un souvenir.
Dans un coin de la pièce, il y avait une énorme cheminée. Visiblement, l’incendie n’était pas parti de là : quelques morceaux de bois pas encore brûlés s’y trouvaient encore. Si le feu avait pris sa naissance dans l’âtre, ces bouts de bois auraient disparu les premiers.
Je regardai une dernière fois autour de moi. Vraiment rien. Cette visite aurait été inutile. Un peu déçue, je sortis. Peut-être que les voisins en sauraient plus…
Je frappai à la porte en face, et attendis un peu. Rien. Je baissai la tête, et remarquai une pile de lettres. Les gens qui habitaient ici, dont je pus lire le nom (qui ne me disait rien) sur une carte postale, étaient sans doute partis en vacances.
Quant aux autres voisins, ils n’étaient là que depuis quelques années. Ils voyaient mal qui pourrait vivre ici pendant plus de quinze ans… A part ceux qui étaient partis en vacances.
Lasse, je rentrai dans l’hôtel moldu où j’avais posé mes affaires, les transférai au Chaudron Baveur et passai là le reste de mes vacances. Tous les jours, j’étais revenue à la porte en face de l’adresse que j’avais trouvée, mais je n’en vis jamais les propriétaires.
Pour m’occuper, j’ai accumulé les petits boulots sur le Chemin de Traverse. J’ai successivement travaillé à la boutique de balais (qui m’a virée quand j’ai commencé à insulter une cliente qui n’arrivait pas à se décider entre ces lunettes de vol rouges et celles-ci, qui sont si mignonnes, vous comprenez, elles iraient tellement bien avec mes bottines pourpre… bref, vous voyez le genre), puis je bossai chez un petit marchand de baguettes concurrent d’Ollivander. Il m’a renvoyée quand il a appris que ma baguette ne venait pas de sa boutique. Ensuite, je travaillai chez Florient Fortarôme. Pas d’incident, mais ça m’énervait de servir autant de glaces délicieuses sans pouvoir jamais en manger. Je démissionnai au bout de deux semaines. Puis j’eus un job vraiment flippant chez Barjow et Beurk, qui consistait à nettoyer des crânes humains. Souvent, le sang dessus n’était pas tout à fait sec.... Au bout de trois jours, je m’en allai pour rendre visite au magasin de farces et attrapes, Zonko. Une semaine après, je ne pouvais plus supporter les blagues que les employés n’arrêtaient pas de me faire. Mes cheveux, source inépuisable d’inspiration aux farces, ont changé trois fois de couleur en sept jours. J’ai terminé mon séjour avec Mrs. Londubat, adorable comme toujours, à travailler au Chaudron Baveur.
Retour dans le présent.
La répartition est terminée, et maintenant, McGonagall prononce un discours à périr d’ennui. En face de moi, Potter complote je-ne-sais-quoi avec ses amis.
Pendant ces cinq années, avec Potter, on a passé notre temps à nous chamailler, à nous envoyer des pétards dans nos chaudrons, à nous lancer des sorts, à nous changer de couleur. C'est-à-dire qu’un jour, je me suis réveillée avec la peau bleue. Il me manquait juste un bonnet et un slip blancs et je serais passée pour un schtroumph. Du coup, lui, il a passé le reste de la journée avec un bec de canard à la place de la bouche. Barbara Hobbers, sa fan hystérique de Serdaigle, était moins hystérique, ce jour-là.
Oui, Potter a une fan hystérique. Pas qu’il soit particulièrement beau, ni drôle, ni sympathique, ni rien : en fait, j’ai plutôt un doute sur l’état de santé de Hobbers. Elle doit vraiment avoir une vie affreuse pour se rabattre sur lui. De temps en temps, pour tromper son ennui, il sort avec elle ; puis, une semaine plus tard, il se souvient pourquoi il ne sortait pas avec elle auparavant et la largue. La fille pleurniche pendant trois semaines, puis revient à la charge. Vous connaissez l’expression « avoir une mémoire de poisson rouge » ? Je suis sûre qu’elle a été inventée pour elle.
Je me secoue de ma rêverie et retourne à des pensées plus sérieuse. Je pourrais aller ce soir même dans le bureau des archives, au troisième étage, pour retrouver le nom de mes parents, des fois qu’ils aient été sorciers. Les archives réunissent sous forme de registres tous les sorciers venus dans toutes les écoles de sorcellerie d’Europe depuis la fondation desdites écoles, ça devrait suffire. De plus, à en croire les expressions réjouies des trois abrutis d’en face, j’ai nommé Potter, Wright et Abercrombie – ses deux meilleurs amis – un gros coup est en préparation pour ce soir. Si je procède à mes recherches après le dîner, tout le monde sera concentré sur l’énooorme bêtise qu’auront faite les trois idiots. Ils vont me servir de couverture.
Je reçois un gros coup de coude de ma voisine. Je lance un regard indigné à Judith.
– Hé !
– Ecoute un peu !
– … et pour cette occasion, nous organiserons un événement qui n’a pas eu lieu depuis bien longtemps : un voyage pour les sixièmes et septièmes années.
Brusquement, tout le monde se met à parler. Les élèves de cinquième année se lamentent, tandis que ceux de sixième et de septième discutent entre eux, marquant leur ravissement ou bien pariant sur la destination choisie. La directrice finit cependant par réclamer le silence et nous nous taisons, attendant impatiemment la suite.
– …Un voyage, donc, où vous passerez deux semaines à Beauxbâtons. Nous avons aussi de nouvelles activités extra-scolaires, dont vous trouverez la liste sur vos lits dès ce soir. Enfin, une soirée sera organisée à la toute fin de l’année pour les élèves de cinquième, sixième et septième année. D’ici là, vous aurez le temps de bien préparer vos ASPICs et vos BUSEs ! Je n’ai plus que deux mots à vous dire : bon appétit !
Et les plateaux d’argents sur les tables se remplissent instantanément.
Les conversations éclatent toutes en même temps, et, tout en vidant nonchalamment mais discrètement le contenu d’une salière dans les pommes de terre de Potter, je demande par trois fois à Roxanne de répéter ce qu’elle vient de dire.
– T’as vu la nouvelle ? dit-elle en se servant des frites.
– Y en a tous les ans, des nouvelles, je remarque.
Elle lève les yeux au ciel et s’exclame :
– Une fille en septième année ! T’as pas suivi la répartition ?
Non. La seule chose que je suis en train de suivre, c’est le chemin de la fourchette de Potter. Il vient innocemment de la planter dans une pomme de terre.
– Regarde ! s’écrie Roxanne par-dessus le bruit. Elle est assise à la table des Serpentards, là-bas…
Je regarde dans la direction qu’elle me montre. En effet, une superbe fille aux cheveux blonds et au teint pâle est assise entre deux armoires à glace qui essaient désespérément d’attirer son attention. Je me demande quand ces deux gorilles comprendront que si on ne les remarque pas, c’est qu’on ne veut pas les remarquer.
Soudain, elle tourne sa tête vers moi et ses yeux bleus me fixent. Mal à l’aise, je tourne la tête et me penche vers Judith. L’odeur du parfum à la lavande dont elle s’asperge tous les jours me parvient tandis que je lui demande :
– D’où elle sort ? Elle s’appelle comment ?
– Hedvig Virtanen, venue tout droit des froides contrées de Finlande !
– Rien compris !
Potter recrache sa pomme de terre dans son assiette et boit d’un trait son verre, puis ceux de ses voisins. Il me lance un regard furieux.
Hou, comme j’ai peur !
– Hedvig Virtanen, Finlande ! crie Judith.
– Hedvig ? je répète en me tournant vers Judith. Mais c’est un nom de chouette, ça !
Oh, oh, je crois que j’ai crié un peu trop fort. Je n’aime pas la lueur dans les yeux de Hedvig.
Pour ne plus la voir, j’attrape une frite dans mon assiette et la fourre dans ma bouche. Aussitôt, un incendie brûle mon palais. Je jette un œil au poivrier : il est vide. Vu le regard victorieux et prétentieux de cet abruti de Potter, je mettrais ma main à couper qu’il vient de se venger de son plat trop salé.
OoOoO
Une heure plus tard, nous sommes assises sur nos lits, en train de regarder les brochures relatives aux activités extra-scolaires. Je caresse Pepsi, le chien de Judith, qui émet une sorte de ronronnement de plaisir. Oui, un ronronnement. Les croups ne sont vraiment pas des chiens normaux.
– Vous allez prendre quelque chose, vous ?
– J’sais pas trop… Avec le Quidditch…
Roxanne et moi faisons partie de l’équipe de Gryffondor, depuis la troisième année. Roxanne est, à mon avis, une très bonne poursuiveuse. Elle est vive et précise ; le seul problème, c’est que parfois, elle se perd dans ses pensées et oublie qu’elle est sur un terrain de Quidditch. Dhani Shankar, un autre poursuiveur, était toujours rapide à la réveiller avant que Charles Woles, le redoutable capitaine, ne s’en rende compte. Malheureusement, Dhani n’était plus à Poudlard cette année, ayant terminé ses études de sorcellerie. D’ailleurs, il faudra lui trouver un remplaçant…
Enfin, je dis de Chuck qu’il est « redoutable », mais disons plutôt que Roxanne a un faible pour lui depuis un bon bout de temps et s’il se mettait à lui faire des remontrances, elle désespérerait. Elle prend tout trop à cœur.
Nos deux batteurs sont Theodore Carter, cinquième année, et Frederic Kreeps, septième ; je ne me suis jamais particulièrement concentrée sur le jeu, mais il me semble qu’ils arrivent plutôt bien à faire tomber les plus tricheurs des Serpentards de leur balai quand ils sont énervés. Le poste de gardien est tenu par l’homme le plus stupide du monde, j’ai nommé James Potter, et moi, je suis l’attrapeuse.
– Lisez-moi ça, dit Roxanne, me sortant de mes rêveries. Il y a des tonnes d’activités !
– Personnellement, fait Judith, pensive, je ne sais pas si je vais prendre quoi que ce soit. Je veux dire, on a déjà tellement de travail… A la rigueur, peut-être l’élevage de dragons. Les profs sont Hagrid et… un certain McLionel. Ca vous dit quelque chose ?
– McLionel, c’est un ami de mon oncle Charlie, ça, soupire Roxanne. Il était en Roumanie aux dernières nouvelles… L’Angleterre a dû lui manquer. Je me souviens de lui. Il est tellement beau…
Elle se perd dans ses pensées.
– Euh, Roxanne ? On est encore là.
– Ah oui ! s’écrie-t-elle brusquement, revenant à la réalité. Désolée, je pensais à, euh, autre chose. Tu es complètement folle de vouloir élever des dragons, Judith, ajoute-t-elle. C’est hyper dangereux. Quand tu verras le visage de McLionel, tu comprendras. Il est brûlé et griffé de partout… Tellement sexy… murmure-t-elle.
Et voilà, on l’a encore perdue.
– Quelque chose te tente, Roxanne ?
– Hein ? Ah, non… Pas particulièrement. Et toi, Ginger, tu as trouvé quelque chose d’intéressant ?
– J’en sais rien. Je n’ai pas envie de me faire mutiler par des lézards cracheurs de feu.
Je continue à regarder les activités. Non, aucune ne me tente.
– Vous imaginez, prendre Médicomagie ? je m’exclame soudainement.
– Qu’est-ce que tu as contre ça ? s’étonne Judith.
– A notre niveau, tout ce qu’on pourrait apprendre, c’est arrêter les vomissements et moucher les gens. Passionnant ! Non, vraiment, je pense que je vais prendre ça, dis-je très ironiquement.
– Tu vas bien t’amuser, alors, dit Roxanne en bâillant.
Je me rends compte à quel point je suis fatiguée à ce moment-là, et la même pensée a l’air de traverser l’esprit de mes amies.
– Au dodo ! dit Judith en riant.
– Pas pour moi ! je rétorque.
– Et pourquoi ?
– Je dois sortir, cette nuit. Je veux savoir si mes parents étaient sorciers.
Je leur explique en détail ce que j’ai prévu.
– Tu n’as pas de cape d’invisibilité, je te signale, dit Roxanne.
– Non, mais je sais me lancer le sort de Désillusion. Pas super bien mais ça ira.
– Ça ne marchera jamais. Ça peut marcher pour berner des moldus, mais avec le concierge, tu peux toujours courir…
Oui, je leur ai parlé de mes découvertes dans le bureau de la vieille Wilson. Découvertes totalement inutiles, soit dit en passant.
– Il est Cracmol… On ne sait jamais, peut-être que ça marchera ?
Je ne crois pas une seconde à ce que je viens de dire, mais maintenant que j’ai cette idée dans le crâne, il me serait impossible de l’abandonner.
OoOoO
Lentement, je referme le battant du tableau derrière moi, en m’efforçant de faire le moins de bruit possible. Le concierge n’est pas dans le coin pour l’instant. J’entends le murmure des tableaux autour de moi, mais je n’y prête pas attention ; sans doute qu’ils n’ont pas l’habitude de voir se balader dans les couloirs des paires de pieds et des bouts de nez.
Il fait très noir, et j’ai du mal à me déplacer sans lumière. Je poursuis difficilement mon chemin, à chaque fois à deux doigts de me perdre, mais j’arrive finalement devant la salle des archives.
Enfin.
Je vais savoir.
Je m’apprête à poser la main sur la poignée, quand un hurlement me fait sursauter violemment. Je me retourne, paniquée ; personne. Le cri de rage venait sans doute du concierge. D’ici, je l’entends clairement grogner à propos de quelques douzaines de bombabouses posées dans le couloir des Serpentards.
Merci, Potter, de faire diversion. Je te revaudrai ça, un jour.
…ou pas.
– Alohomora.
La porte s’ouvre sans un bruit, et je pénètre à l’intérieur de la pièce.
Des rayons d’étagères sans fin s’étirent dans l’immense salle. Je m’avance et regarde autour de moi. Malheureusement, comme je le craignais, c’est classé par année d’entrée dans les collèges de sorcellerie, et non par ordre alphabétique. Je n’aurai jamais le temps de tout regarder. Ce n’est pas comme si je connaissais l’âge de mes parents…
Bon, il doit exister une formule pour trouver un nom précis. Je m’assois contre une étagère et réfléchis. Accio Enderson ne devrait pas fonctionner.
– Accio registre d’Enderson, je tente, mais rien ne se passe.
Ce n’est pas un Accio qui fera venir le bon registre, alors. Je sors un dictionnaire anglais-latin que j’ai pris la précaution d’emmener avec moi, justement dans le cas où je ferais face à ce petit problème.
Et maintenant, appliquons la méthode Flitwick pour inventer un sort ayant un but précis.
Ce que je cherche, c’est quoi, exactement ? Le nom de mes parents, bien sûr. Ou plutôt, le nom du registre contenant le nom de mes parents. Ce que je veux, c’est trouver mes origines… J’essaie quelques formules de mon cru, en vain. Bon, essayons autre chose. Je cherche une formule qui permette à ma baguette de parcourir les registres simplement en passant devant, comme au super marché quand une vendeuse analyse le code-barre avec sa machine. En fait, ma baguette doit lire… C’est ça !
– Legensego, je murmure, et la pointe de ma baguette émet alors une lumière rouge.
Je sais alors que je suis sur la bonne piste. Je passe ma baguette devant la côte des livres, leur conférant brièvement une teinte écarlate. Merci Flitwick ! Promis, demain, j’écoute son cours jusqu’à la fin.
Au bout de dix minutes de traversée des rayons, la lumière devient enfin verte. Je sors rapidement le livre et murmure, fébrile Pagina legensego. Les pages tournent à toute vitesse, et s’arrêtent finalement à un tiers du livre. Je parcours les listes de nom. Mais je ne trouve rien. Ma baguette n’a pu se tromper… Je relis plus lentement. Quelques noms, sans que je sache vraiment pourquoi, attirent alors mon attention. Astrid Naïa et Gerta Andersen. Sans comprendre pourquoi, je suis prise d’un étrange malaise. Assurément, ce sont des souvenirs qu’Astrid et Gerta m’évoquent… Mais des souvenirs trop lointains pour pouvoir les toucher du doigt ou en deviner les formes. Et si c’étaient des personnes de ma famille ? Andersen, Enderson, ça se ressemble.
Je note les livres dans un coin de mon dictionnaire, puis replace le livre et murmure : Accio Legensego. Une dizaine de gros registres noirs foncent vers moi, et se posent doucement devant mes pieds. Un par un, je prononce Pagina legensego, et note les noms qui me semblent familiers. Etrangement, seuls les noms de femmes m’interpellent.
Je suis en train d’écrire un nouveau nom, en me demandant quand est-ce que j’arrêterai de trouver des noms familiers, et surtout si tout ça a un véritable intérêt, lorsque j’entends un bruit.
Je rêve ou la porte vient de grincer ?
Infirmière Insultée by Mak
Paniquée, je me lance à nouveau un sort de Désillusion dans l’espoir de renforcer le premier, et me terre dans l’ombre des étagères.
Silencieusement, Potter, Abercrombie et Wright, qui a l’air de profondément regretter de s’être fait embarquer dans la combine de ses deux amis, entrent dans la pièce, et se serrent dans un coin. Je cesse de respirer quand Potter sort de sa poche un vieux morceau de parchemin et sa baguette. Il la pointe sur le papier et murmure :
– Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises.
Le parchemin brille, puis redevient normal. Drôle de parchemin.
– Lumos.
Avec sa baguette devenue lumineuse, Potter examine le parchemin. Il a l’air satisfait.
– Personne ? murmure Wright.
Son ami à lunettes secoue la tête. Il tire alors de sa poche un long morceau de tissu fin. Il la pose sur sa tête et sur celle de ses amis, et ils disparaissent tous les trois.
Potter a une cape d’invisibilité ? Bon à savoir.
La porte s’ouvre alors violemment, et je vois le visage du concierge apparaître dans l’entrebâillure de la porte. Il regarde à gauche, à droite, grogne, puis referme la porte tout aussi violemment.
Très lentement et très silencieusement, en faisant bien attention à me déplacer dans l’ombre, je me dirige vers la sortie. Bientôt, une baguette surgit de nulle part, un peu devant moi, et une voix murmure un Alohomora. La porte s’ouvre. Je sors avant que les garçons ne la referment.
J’attends cinq bonnes minutes près de la porte, dans l’obscurité totale, pour laisser du temps à Potter et ses amis de partir. Le moindre bruit me fait sursauter. Je meurs d’envie de regarder dans mon dictionnaire de latin et réfléchir à ces noms, pour essayer de m’en rappeler ; mais le moindre sort pour éclairer mon livre pourrait alerter le concierge. Finalement, je sors de mon immobilité et me dirige vers ma salle commune, serrant mon précieux dictionnaire contre mon coeur.
– Epsilon, je murmure à l’intention de la Grosse Dame.
Elle marmonne dans son sommeil quelque chose à propos de « ces satanés gosses », puis me laisse passer. J’annule mon sort de désillusion, monte directement dans mon dortoir et m’assois sur mon lit, épuisée.
Le nom de ces femmes m’évoquait quelque chose, mais quoi ? J’aimerais bien savoir. Et j’aimerais bien savoir, également, quel était ce parchemin bizarre que Potter avait sorti de sa poche. Peut-être que cela permet de mettre au courant son possesseur de la présence d’intrus.
Son parchemin fonctionne mal, dans ce cas : j’étais dans la même pièce, et ils ne m’ont pas repérée.
Mes pensées se font alors de moins en moins cohérentes, et sans m’en rendre compte, je glisse dans le sommeil.
OoOoO
Je suis réveillée par un doux murmure :
– Gin, debout, il faut se lever…
Je grogne et me retourne. Laissez-moi dormir…
D’un seul coup, quelqu’un me tire ma couverture et une autre personne ouvre les rideaux en grand, laissant le soleil darder ses puissants rayons de lumière sur mon pauvre visage endormi. Mais pas longtemps, parce que Pepsi se met à me lécher la figure en jappant d’allégresse.
Mes amies sont formidables.
Bon gré mal gré, je m’assois sur mon lit en repoussant Pepsi avec plus ou moins de douceur, et bâille à m’en décrocher la mâchoire. Judith me parle, mais, encore dans les vapes, je ne comprends rien à ce qu’elle raconte.
– Enfin réveillée, La Belle au Bois Dormant ! dit-elle en se mettant son parfum à la lavande qui m’agresse le nez, mal réveillée comme je suis.
– La Belloquoi ? demande Roxanne.
– C’est un conte moldu. Ca raconte l’histoire d’une fille qui a dormi pendant un siècle…
Je m’habille lentement, sans faire attention à ce que j’enfile, tandis que Judith et Roxanne poursuivent leur conversation. Elles se tournent vers moi et pouffent de rire.
– Quoi ? je marmonne.
– C’est juste que… tu as mis ta jupe à la place de ton pull, dit Judith sans réussir à retenir un gloussement.
– Et ton pull à la place de ta jupe !
Ah, c’est pour ça que j’ai eu du mal à les mettre.
Une demi-heure plus tard, nous sommes dans la Grande Salle, autour d’un copieux petit-déjeuner. Je me ressers du café alors que Roxanne dit :
– J’espère qu’on aura un meilleur emploi du temps que l’année dernière… On avait à peine le temps d’aller aux entraînements de Quidditch.
– Ca devrait aller, vu que tu as arrêté la divination.
Trelawney commençait vraiment à lui taper sur les nerfs ; et pourtant, Roxanne est plutôt calme de nature. Elle nous avait assuré qu’une année de plus avec elle, et on aurait retrouvé la prof morte dans sa tour, étouffée dans ses écharpes.
Bientôt, des bruissements d’ailes retentissent dans toute la pièce, et en levant la tête, j’aperçois des centaines de chouettes et de hiboux voletant dans la salle pour déposer le courrier et les emplois du temps.
Plumasil, le hibou austère de Roxanne, se pose devant elle et lui tend sa patte droite d’un air guindé. Son emploi du temps y est accroché. Elle l’arrache sans ménagement de son oiseau, qui hulule d’indignation puis s’envole avec grâce.
Une chouette rousse, de même, a donné son emploi du temps à Judith. Elle le lit, l’air concentré, puis lève la tête vers moi.
– Tu n’as pas encore ton emploi du temps ?
– Tu sais bien que Pilpel attend que le gros des hiboux soit passé avant de me donner mon
courrier.
A ce moment précis, une tache brune et blanche, très rapide, entre dans la Grande Salle, fonce sur notre table puis dévie sa trajectoire au dernier moment. Malheureusement, il ne redresse pas assez vite et Pilpel s’écrase lamentablement sur la table des Gryffondors, renversant les bols des première années. Les autres sont habitués au comportement de mon hibou hyperactif et avaient retiré leurs affaires de la table pour éviter tout problème.
Je prends mon emploi du temps et ne peux m’empêcher d’écarquiller les yeux.
Option : Médicomagie, de 17h30 à 18h30, tous les mardis.
Mais… Mais mais mais…
Oh non, pas ça par pitié. C’est une blague ? Je ne veux pas faire médicomagie, moi !
Sans ménagement, j’arrache son emploi du temps des mains de Roxanne. Je ne fais même pas attention à son « Eh ! » indigné. De 17h00 à 18h30, le mardi, elle n’a rien du tout.
– Et toi, Jude, je suppose que tu n’as pas cours non plus le mardi soir ?
– Bien vu. Pas toi ?
– Non, je gémis, les joues rougies d’indignation. J’ai médicomagie !
– Cette école est toujours aussi surprenante, commente Roxanne.
– Eh bien, tu vas apprendre à moucher les gens, cette année, dit Judith sans réussir à s’empêcher de sourire.
– J’arrangerai ça tout à l’heure…
Je reprends mon emploi du temps et regarde le reste de mes cours.
8h-9h : Arithmancie
9h-10h30 : Métamorphoses
10h30-11h : Botanique
11h-12h : Histoire de la Magie
13h30-14h30 : Sortilèges
14h30-17h00: DCFM
L’année sera rude, sans parler des entraînements de Quidditch. Je jette un coup d’œil aux noms des profs, en bas de la page.
Directeur de maison : N. Londubat
Arithmancie : S. Vector
Botanique : N. Londubat
DCFM : O. Pendleton
Histoire de la Magie : C. Binns
Métamorphoses : Z. Smith
Médicomagie : P. Pomfresh
Sortilèges : 6h F. Flitwick
On a un nouveau prof de Défenses Contre les Forces du Mal, cette année ; celle des années passées, qui a pris sa retraite, me manquera. Je me demande si le nouveau est un homme ou une femme… On ne peut jamais savoir, à cause de ces initiales à la noix.
Au moins, ça nous permet de jouer à notre jeu débile qu’on fait à chaque rentrée :
– Oreste, je propose. Ovide, Othello, Océane.
– Odile ? dit Roxanne, incertaine. Ophélie ? Odilon ?
– Octavius, affirme Judith.
Le but est d’essayer de deviner le mystérieux prénom du professeur mystère. La gagnante se voit offrir une plaquette de chocolat de la part de chacune des deux autres.
– C’est tout ce que tu proposes ? je demande à Judith. Un seul nom ?
– J’ai un bon feeling pour Octavius, dit-elle d’un air assuré.
Le problème avec ce jeu, c’est que parfois on ne sait jamais qui a gagné. C’est ce qui a failli se passer la première année avec Londubat : il n’avait pas dit son prénom le premier jour de cours, ni par la suite. C’est James Potter qui a fini par nous le dire après avoir intercepté un bout de notre conversation.
– Il s’appelle pas Nazaire, bande de nulles, il s’appelle Neville !
– Ca restera Nazaire pour moi, ai-je rétorqué, par pur esprit de contradiction.
Du reste, je n’arrive toujours pas à trancher. Entre Neville et Nazaire, c’est quoi le pire ?
Je repense à ce que j’ai « découvert » hier. Il faudrait que je fasse des recherches sur ces noms que j’ai trouvés. Plus je réfléchis là-dessus, plus je me dis que c’est débile. Je devrais abandonner cette piste. Mais ma conscience me dit de ne pas lâcher l’affaire…
– Alors, Ginger … Qu’est-ce que tu as trouvé hier soir ? me demande justement Jude à voix basse, en se rapprochant de moi.
– Pas grand-chose. J’ai déniché un sort pour trouver des noms, mais…
Je leur raconte tout, en détail, sans oublier le passage avec Potter, Wright et Abercrombie. Quand j’en arrive au parchemin bizarre de Potter, Roxanne m’interrompt :
– Ca me dit quelque chose… Je crois savoir ce que c’est, mais… c’est vraiment improbable… Je dois écrire une lettre.
Elle se lève et se dirige vers les dortoirs, plongée dans ses pensées.
Je n’y fais pas trop attention. Notre Roxanne est du genre rêveuse ; quand elle se perd dans ses pensées, elle n’a plus aucun sens de la réalité. Ou de la courtoisie.
– Je me demande à quoi elle pensait, marmonne Jude en se levant.
– Moi aussi, dis-je en attrapant mon sac avant de quitter la Grande Salle avec elle. C’aurait été sympa de nous en parler…
– Bah, tu la connais. C’est son caractère de garder ses secrets.
– Qu’est-ce que vous cachez, toutes les deux ?
C’est Charles Woles, notre poursuiveur et capitaine d’équipe de Quidditch, qui marche à mes côtés, un grand sourire aux lèvres. J’aperçois, du coin de l’œil, trois ou quatre filles de Poufsouffle que j’appelle intérieurement « le poulailler », et qui me regardent d’un air dédaigneux. Dès qu’elles voient passer un mec beau à proximité, elles se mettent à caqueter comme des poules.
– Salut, Chuck.
– De quoi vous parliez ? insiste-t-il.
– De notre plan pour peindre ton balai en jaune fluo.
Il éclate de rire, et les Poupoufs, je veux dire, les Poufsouffles, se mettent à glousser. Attention, transformation en dindon !
Il reprend :
– J’étais venu te voir à propos des entraînements. On fera ça tous les samedis, à partir de 15h dans les vestiaires. Ca te va ?
– Tu n’organises pas des essais pour reconstituer l’équipe ?
– Si, mais ça ne te concerne pas ! Il me reste juste à engager un poursuiveur et le compte sera bon.
Je hoche la tête.
– Ça marche. A samedi alors.
Il se tourne et se retrouve nez-à-nez avec Roxanne, qui vient d’arriver. Elle rougit très fortement et marmonne :
– Euh… Salut…
Chuck sourit, essayant tant bien que mal de cacher sa gêne, lui touche deux mots sur les entraînements, puis s’éloigne.
J’ai remarqué que depuis l’année dernière, Roxanne devient rouge quand elle le voit, et arbore un petit sourire un peu bête à chaque fois qu’elle lui a parlé. Je ne suis pas stupide, je sais très bien ce que ça veut dire. Ce qui m’inquiète, c’est que Roxanne est une incurable romantique ; quand il rompra, elle sera vraiment dévastée, persuadée qu’il était son prince charmant ou une ânerie du genre.
Vu la tête des Poupoufs, je sens qu’il va y avoir de l’orage. En effet, la cheftaine du gang, Angèle Champrun, s’avance vers nous avec sa horde d’oies, et se plante devant Roxanne avec un air menaçant.
C'est-à-dire qu’elle a l’air aussi menaçante qu’une fille avec un petit pois à la place du cerveau peut l’être.
– Weasley, murmure-t-elle d’une voix grave et sifflante. Ne touche plus à Charlie, ok ? T’as aucune chance, au-cune.
Je pouffe de rire. Elle passe un concours pour les répliques les plus nullissimes du monde ?
Elle se tourne vers moi, et ses disciples font de même. Elles me lancent un regard noir, mais ça me donne encore plus envie de rire… Je m’arrête tant bien que mal, essuie une larme imaginaire qui a coulé sur ma joue et dit :
– Excusez-moi, mais vous êtes vraiment pathétiques…
– Pathétique ? C’est toi qui va l’être, dans deux secondes, s’écrie Lola Darby, une autre Poupouf. Collaporta !
– Protego ! je réplique, en réagissant au quart de tour. Dentesaugmento !
Le sort ne rate pas, et Lola Darby se retrouve avec des dents qui grandissent à toute vitesse. Effarée, elle porte les mains à la bouche.
Pauvre lapin.
– Finite Incantatem, énonce une voix coupante et froide.
Nous nous tournons toutes vers Hedvig Virtanen, surprises. Les dents de Darby ont cessé de pousser.
– Reducto, ajoute-t-elle, et à mon grand malheur les incisives de la Poupouf reprennent une taille normale.
– Mêle-toi de ce qui te regarde, Virtanen, je grommèle en me tournant vers la blondasse.
Elle se contente de me lancer un regard noir, et, contrairement aux Poupoufs, son regard obtient l’effet escompté. Je sens mon sang se glacer dans mes veines.
– Je me mêle de ce que je veux. Et c’est pas une petite rouquine dans ton genre qui va m’arrêter.
Elle s’éloigne de son pas rapide et élégant. Les Poupoufs me regardent avec un air victorieux, comme si c’étaient elles qui venaient de me donner la frousse puis se détournent de moi et partent en direction du cours de Divination. Du coin de l’œil, je vois le professeur Londubat m’observer. Je vais me prendre une énorme punition pour ce que je vais faire, mais tant pis.
– Rhododermo ! je murmure.
Vanessa Bowl, membre du Poupouf-club, se rend compte la première de la couleur de sa peau. Elle se met à hurler, attirant l’attention de toute la salle. Ses amies se mettent à crier à leur tour. Forcément, elles ne s’attendaient pas à se retrouver avec une peau rose. Et quand je dis rose, c’est rose vif. Moi qui croyais que le rose était une couleur de Barbie… Ca n’a pas vraiment l’air de leur plaire.
Furieux, le professeur Londubat se dirige vers moi avec l’air d’avoir envie de commettre un meurtre.
Tant pis. Je ne regrette rien.
OoOoO
– C’est une honte pour notre maison !
Je suis dans le bureau du Professeur Londubat, Nazaire pour les intimes. Il a préféré éviter un scandale, je suppose, en ne me criant pas dessus dans un couloir.
– 20 points en moins pour Gryffondor ! Je n’en reviens pas d’avoir besoin de venir à de pareilles extrémités !
– Il n’appartient qu’à vous de nous pénaliser, professeur, je fais remarquer. Les vingt points, c’est vous qui les enlevez, pas moi.
J’ai fait exprès de dire ça. Maintenant qu’il est énervé à ce point, autant voir quelles sont ses limites. Ce n’est pas la première fois que je vois M. Londubat en colère à ce point (l’année dernière, au 1er avril… hum, c’est une longue histoire) (1) mais je n’ai jamais eu l’occasion de le voir de près dans cet état-là. Mais, alors que j’attends l’explosion, il se passe une main sur le front et s’effondre sur une chaise. Zut.
Le spectacle est terminé, vous pouvez rentrer chez vous…
– Je ne sais pas quoi faire de vous, Miss Enderson, dit-il en levant la tête. Ce n’est que le premier jour, et vous ôtez déjà des points à votre maison.
– Un peu d’indulgence, professeur, je rétorque. Vous n’avez jamais attaqué des camarades haïssables ?
Il réfléchit. Ce qui m’étonne, vu que j’étais à peu près sûr qu’un type aussi à cheval sur les règles que lui aurait tout de suite répondu par la négative.
– Oui, dit-il finalement. Bon, je n’enlève que dix points à Gryffondor. Et vous aurez une heure de colle pour avoir manqué le cours du professeur Vector.
– Mais… ! Monsieur ! C’est vous qui m’avez retenue pour me sermonner !
– Je n’aurais pas eu besoin de vous sermonner si vous vous étiez tenue tranquille. Il est bientôt neuf heures ; je crois que vous avez cours avec le professeur Smith. Allez-y.
Je pousse un lourd soupir pour bien montrer que je ne suis pas très contente de mon sort – mais il ne réagit pas. Je crois qu’il doit commencer à avoir l’habitude. Il va falloir que je trouve d’autres parades pour l’attendrir. J’ajoute :
– Juste une chose, s’il vous plaît… On m’a mis Médicomagie dans mon emploi du temps… Mais je n’ai pas du tout envie de faire cette activité !
– Vous avez changé d’avis, du jour au lendemain ?
– Mais non ! Je n’ai jamais voulu faire ça !
– Bien sûr.
Mais… !
– Et tant pis pour vous si ça ne vous plaît pas. Ce sera le reste de votre punition. Filez en cours, maintenant.
J’hallucine ! Je vais vomir.
– Bonne journée, professeur.
– Bonne journée, Miss Enderson.
Une bonne journée, tu parles. Une heure de retenue et une heure de cours par semaine en plus dès le premier jour de cours, l’année commence bien. Merci, Nazaire.
OoOoO
Je me dépêche d’entrer en classe. Je suis la dernière à m’asseoir.
– Bonjour à tous ! nous salue gaiement le professeur Smith. J’espère que vous avez passé de bonnes vacances, parce que cette année, vous serez surchargés de travail.
J’adore son entrée en la matière.
– En effet, nous devons vous préparer au rythme d’études de la septième année, l’année des ASPICS.
– Mais c’est l’année prochaine, professeur ! On a encore du temps ! s’écrie Potter, au fond de la classe comme toujours.
– Pas tant que ça, réplique-t-il.
Moi qui croyais que M. Smith était le seul prof sympa. Lui aussi s’est converti à la secte « Assommons-nos-élèves-de-devoirs ».
– Pour commencer l’année, vous allez transformer ces tasses en souris blanche.
Il agite sa baguette, et les verres à thé posés sur sa table s’envolent et atterrissent devant chaque élève.
– Vous pouvez commencer !
OoOoO
A la fin du cours, à force d’acharnement, j’ai fini par transformer ma tasse en souris. Mais au lieu d’être blanche, elle avait sur sa fourrure les mêmes motifs floraux que les tasses.
N’empêche, j’étais l’une des seules à avoir réussi. La souris de Roxanne, à côté de moi, n’était vraiment pas terrible : elle était en porcelaine, comme le verre, et restait immobile.
Nous allons tout de suite après en Botanique. En traversant le parc, je songe amèrement que c’est tout à l’heure que j’aurai mon premier cours de Médicomagie. Je n’ai vraiment pas hâte d’y être. J’écoute à peine le cours, et mon inattention vaut un autre point en moins à Gryffondor.
Un jour, il faudra que j’explique à Mr. Londubat que les points qu’il enlève, il les enlève à sa maison.
L’heure d’Histoire de la Magie qui suit passe très vite : j’envoie des boulettes de papier dans les cheveux de James Potter en essayant d’en faire tomber par terre le moins possible, puis, vers la fin, je lui verse de l’eau glacée dans le dos. Il m’a répondu en me glissant du poil à gratter dans ma chemise en sortant de cours et j’ai dû aller chercher un onguent dans ma valise pour en dissiper les effets.
Après le cours de Sortilèges, on nous apprend que notre professeur de Défenses contre les forces du mal est absent aujourd’hui mais sera là demain. Pendant l’heure de libre, Roxanne, Judith et moi partons travailler dans notre dortoir. Si c’est pas une honte ! Bosser le premier jour de cours ! Qu’est-ce que ça va être pendant le reste de l’année…
Je laisse ensuite mes amies dans la quiétude du dortoir studieux, et je sors de la tour Gryffondor, me dirigeant au rez-de-chaussée.
Quand j’arrive devant la porte de l’infirmerie, je regarde les élèves autour de moi. Je reconnais une petite bande d’intellos, composée de Lucy Ackerley, une jeune Serdaigle, ainsi que de deux petits Gryffondors, Rose Weasley, la cousine de Roxanne, et Albus Potter, le petit frère de James. Albus, au contraire de son frère, n’est pas du tout vaniteux, ce qui en fait une personne plus agréable. Je lui ai déjà parlé, une ou deux fois, dans l’espoir d’apprendre de nouveaux points faibles de son frère, mais je crois qu’il a peur de moi, vu comme il m’évite dès qu’il me croise.
Je remarque un autre élève, et je me pince le bras pour être sûre de ne pas être en plein cauchemar. Malheureusement, ce que je vois n’est pas un mauvais rêve.
Abercrombie et James Potter ont aussi choisi de faire Médicomagie. Je savais que cette journée n’augurait rien de bon.
La porte de l’infirmerie s’ouvre brutalement et la tête ronde et fripée de Mrs. Pomfresh sort de l’entrebâillure.
– Tout le monde est là ? demande-t-elle. Bien ! Nous n’allons pas avoir cours dans l’infirmerie, mais dans une salle du couloir des Métamorphoses. Je vous demanderai de vous rendre là-bas à chaque fois pour les cours de Médicomagie. Mettez-vous en rang par deux et suivez-moi en silence !
En rang par deux ? Pitié. Je n’ai plus deux ans.
Heureusement, nous sommes un nombre d’élèves impair. Je me mets donc dans la queue du rang, toute seule, et suis nonchalamment la petite troupe d’élèves. Deux élèves en troisième année, devant moi, chuchotent, l’air excité.
– Tu crois qu’on va soigner quelqu’un ? Et… ça pourrait être un blessé grave, c’est possible, non ? Tu crois pas ?
Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel.
Nous arrivons devant la salle. Mrs. Pomfresh pousse la porte et nous nous engouffrons à l’intérieur. Chacun s’assoit. Une fois de plus, et à mon plus grand bonheur, je me retrouve seule, au fond de la classe.
Pomfresh s’avance jusqu’au tableau noir de la salle de classe, se retourne vers nous et nous observe un instant, puis dit finalement, un grand sourire peint sur son visage rond :
– Pour commencer, je vais vous demander de dire votre prénom, nom, votre année d’étude et votre maison – car je ne vous connais pas tous – puis la raison pour laquelle vous avez choisi Médicomagie. Alors ? ajoute-t-elle en se tournant vers la petite brune au premier rang.
Les oreilles de la fille prennent une teinte rouge brique.
– Je-je m’appelle Lucy Ackerley, marmonne-t-elle, je suis en cinquième année à Serdaigle. Je veux faire devenir Médicomage depuis toute petite.
– Très bien, très bien, dit Pomfresh en souriant de plus belle. Et toi ?
Le voisin de Rose Weasley marmonne :
– Je m’appelle Albus Potter, je suis en cinquième année à Gryffondor. Je veux faire Médicomagie pour pouvoir aider les gens.
Comme c’est mignoooon. Pomfresh en a presque la larme à l’œil.
Un par un, les élèves parlent en donnant une ambition bidon, jusqu’à arriver à Abercrombie.
– Je m’appelle Thomas Abercrombie, sixième année à Gryffondor, claironne-t-il d’une voix assurée. Je veux être capable de me soigner seul après un combat.
J’ai du mal à retenir un fou rire. Il se prend pour un soldat alors qu’il a la carrure d’un gamin de douze ans ! Il faudrait qu’il voie la réalité en face.
– James Potter, sixième année à Gryffondor. Pareil, je veux savoir me soigner et guérir les blessures de mes proches.
Il achève sa courte tirade en faisant un sourire éclatant, qui font glousser quelques Serdaigles dans un coin de la salle. Je suis la seule à ne pas avoir encore été interrogée.
– Et vous, comment vous appelez-vous ? me demande Pomfresh gentiment.
Dommage pour elle et pour la classe, mais je suis de mauvaise humeur, et ma mauvaise humeur est souvent contagieuse… Je lance tranquillement :
– Je suis Ginger Enderson, même année et même maison que les deux crétins devant moi.
Potter et Abercrombie se retournent, furieux.
– … Et je ne veux pas faire Médicomagie, j’ai été contrainte et forcée, c’est pour moi une punition.
Pomfresh devient très rouge. Haha, on dirait une fraise.
– Et qu’est-ce que vous faites ici, alors ?
– Le contact quotidien avec des médicaments a-t-il modifié vos capacités intellectuelles ou ça a toujours été comme ça ? Je viens de le dire, c’est une punition.
Je ne savais pas qu’on pouvait devenir rouge à ce point. Va-t-elle exploser ? Comme je regrette de ne pas avoir de pop-corn avec moi ! Bon, c’est vrai que j’y vais un peu fort. Mais avec un peu de chance, elle va m’exclure du cours et je n’aurai pas à continuer Médicomagie le reste de l’année.
– 10 points en moins pour Gryffondor pour votre insolence ! Et vous aurez deux heures de retenue !
– Quoi ? je m’écrie.
Au comble de la surprise et de l’indignation, je me suis levée, faisant tomber ma chaise avec grand fracas – très théâtral, mais c’est le but.
– Vous n’êtes même pas prof, vous ne pouvez pas enlever des points ou mettre des retenues !
– Là, je suis en train de donner un cours, vous avez remarqué ? hurle-t-elle.
– Ah bon ? Je pensais que vous étiez juste en train d’imiter le cri du cochon qu’on égorge ! D’ailleurs, tant au point de vue du bruit que de votre physique, la performance est excellente !
– CA SUFFIT ! DEHORS !
– Mais avec plaisir !
Je ramasse mon sac et sors de la salle à grands pas, sans oublier de claquer la porte derrière moi le plus bruyamment possible. YES. Libre !
Bon, a priori, maintenant, Londubat devrait accepter de me dispenser de Médicomagie. Sinon, vraiment, je ne vois pas ce que je peux faire de plus.
Je n’ai vraiment rien à faire, et la perspective de retourner au dortoir pour travailler me déprime, donc je me balade un moment dans les couloirs vides. Je m’arrête une ou deux fois près des fenêtres pour regarder un élève s’entraînant sur le terrain de Quidditch, ou les quatrième années en train de flâner dans le parc.
Voyons, que puis-je faire ? Comment vais-je occuper mon temps libre ? Je pourrais commencer par mettre un Scroutt à pétard dans le lit de Potter, il paraît que Hagrid en a reçu pas mal pour faire ses cours.
End Notes:
(1) Si vous voulez en savoir plus sur ce fameux premier avril – du reste, ce n’est pas la première fois que vous en entendrez parler – je vous invite à lire les chapitres correspondants dans mon recueil de fics « OS en tous genres ». Au début, ce 1er avril devait être un OS. Il s’est transformé en 2-shots… Et au final, c’est un 4-shots. Une vraie petite fic ! Les gens qui l’ont lu ont apprécié. Vous avez aussi le droit de me dire ce que vous en pensez ;)
Le Professeur Pendleton by Mak
Le soir, je suis affalée dans un des vieux canapés de la salle commune des Gryffondors, regardant le feu de la cheminée crépiter devant moi. A côté de moi, Jude raconte ses vacances d’été :
– … et alors que nous venions d’arriver à l’aéroport, j’ai entendu quelqu’un m’appeler. Et vous savez qui c’était ?
Roxanne fait non de la tête, buvant ses paroles. Je continue songeusement de regarder les flammes dansantes, en me demandant comment Londubat va me punir. Je ne devrais pas tarder à être convoquée, maintenant ; il est presque vingt heures.
– C’était cette saleté de Perry ! s’exclame Judith. Elle était verte de rage quand elle a vu mon bronzage. Je n’aurais jamais cru qu’elle serait dans le coin, mais ça m’a fait plaisir de l’énerver. Elle est tellement stupide. Et donc ensuite…
Je vous explique. Perry, c’est Lenny Perry, une brune prétentieuse de Serdaigle qui a pour but dans la vie d’avoir embrassé – et plus si affinités… – tous les garçons de Poudlard. Malheureusement pour elle, Judith est en compétition directe : elle aussi, dans le genre « mangeuse d’hommes », n’est pas trop mal non plus. Son argument ? « Je n’aime pas être seule. Mais je n’aime pas non plus traîner sans arrêt avec la même personne, c’est lassant. » Je lui ai déjà fait remarquer qu’elle traînait avec Roxanne et moi depuis des années, mais elle m’a rétorqué que « les mecs et vous, c’est pas pareil ». Bonne réponse !
Judith se préoccupe de son apparence, choisit ses habits avec soin, hésite le matin entre ses gloss, et n’oublie jamais de mettre son parfum à la lavande. Attention, elle n’est pas superficielle du tout. Elle est juste coquette. En tout cas, les gens sont toujours étonnés de la voir avec Roxanne, timidité incarnée qui ne parle à personne et rougit quand un garçon lui adresse la parole (« Ca pourrait être LBG ! » m’a-t-elle dit un jour. « Pardon ? » ai-je demandé, incrédule. Le plus naturellement du monde, elle m’a répondu que ça voulait dire « Le Bon Garçon »… Enfin bref), et moi, qui ai souvent des comportements de gamine insupportable, alors qu’elle est posée, sûre d’elle, sérieuse.
Enfin, sérieuse, tout est relatif. Je ne vous raconterai pas la fois où elle a fait s’envoler un steak jusqu’à une certaine Serdaigle lors d’un déjeuner à la Grande Salle.
Je n’écoute qu’à moitié le reste du discours de Judith. Roxanne se met à parler, et, en écoutant un mot sur deux, je crois comprendre que tout ce qu’elle a fait pendant ses vacances, c’est caresser des animaux et dormir chez ses grands-parents. Bref, elle s’est plutôt ennuyée.
A un moment, elles cessent de parler. Je tourne la tête vers elles ; elles ont l’air sévère.
Ce qui veut dire qu’elles vont me gronder. Elles sont absolument certaines que, n’ayant pas eu d’autorité paternelle ou maternelle, j’ai besoin d’être prise en main… Et elles se sont portées volontaires pour me faire la morale.
– Qu’est-ce que tu as fait, Gin ? Tu as la même tête que quand tu as fait une bêtise.
– Même pas vrai !
– Ginger, tu devrais avoir honte de mentir aussi mal.
– Hum… hé bien… comment dire… J’ai été virée du cours de Pomfresh.
– QUOI ?
– Qu’est-ce que tu as fait, au juste ?
– Ben… Je… J’ai un tout petit peu critiqué Pomfresh…
Je sens la culpabilité monter en moi. Mes joues chauffent, je dois être rouge tomate.
– Oh, tu l’as juste traitée de cochon stupide, précise une voix narquoise derrière nous.
Nous nous retournons de concert vers Potter et Abercrombie. C’est ce dernier qui vient de parler.
– Moi aussi je t’aime, Pimkie.
– Abercrombie, corrige-t-il, vexé.
– J’imagine que tu t’es bien ennuyé après mon départ ? Tu as regretté ma présence, non ?
– Tu réalises l’énormité des âneries que tu peux sortir, parfois, Enderson ? dit Potter.
– Tu réalises que vous ressemblez à un couple, à vous défendre l’un l’autre ? fait remarquer Judith.
– Moi, je trouve ça mignon, marmonne Roxanne, songeuse.
– Ca alors, Potter, tu es gay ? je m’écrie, et tous les autres Gryffondors dans la salle se tournent vers nous, étonnés.
Jusqu’à ce qu’ils remarquent que c’est moi qui vient de parler. N’accordant que peu de crédit à ce que je peux raconter, ils se détournent et reprennent leurs activités.
– En fait, t’es juste jalouse de mon succès, déclare Potter avec un sourire en coin.
– Euh… Hein ?
– T’es jalouse du fait que moi, j’ai des filles qui me courent après, et que toi, aucun mec ne veuille de toi, même pas le plus stupide de notre année.
– C’est-à-dire toi, je rétorque. Me voilà rassurée !
– Le truc, poursuit Potter avec un sourire malin, c’est que cette situation ne changera pas. Je resterai aimé, je me marierai, j’aurai une vie remplie. Toi, tu deviendras une vieille dame frigide et cynique et tu passeras ton existence seule.
– Encore faut-il que tu puisses te contenter d’une seule épouse. T’es incapable de garder une copine plus de deux mois.
– On parie ? me défie-t-il très sérieusement, fronçant les sourcils.
– Je sais que tu connais tous les passages secrets du château… Si tu perds, tu devras m’en révéler un.
– Et si tu perds, tu devras me faire publiquement une déclaration d’amour, affirme-t-il.
– Pari tenu.
– Alors tu peux préparer ton discours.
Il me lance un dernier sourire victorieux et s’éloigne, suivi d’Abercrombie. J’entends la porte de son dortoir claquer.
Un long silence s’ensuit.
– Euh… Pourquoi il a dit tout ça ? demande Judith. Je veux dire, le truc de « personne ne t’aime mais moi j’ai le monde à mes pieds » ? Aucun rapport avec ce dont on parlait, non ?
– Et en plus, comme d’hab’, c’était pour dire des âneries, soupire Roxanne. Je sais que c’est mon cousin, mais parfois, je ne peux pas m’empêcher d’avoir honte pour lui.
– Ce n’étaient pas tellement des âneries.
Jude et Rox se tournent vers moi, surprises.
– Pardon ? Tu veux dire que tu crois aux bêtises qu’il vient de dire ?
– Ce ne sont pas des bêtises. Pas tout, je veux dire. Mais le fait que je sois seule, ça, c’est vrai.
– Mais tu n’es pas seule ! On est là, nous !
–Tu vois très bien ce que je veux dire, Jude.
Elle reste silencieuse. Roxanne intervient :
– Et alors ? C’est pas un drame de n’être jamais sorti avec personne, tu sais. Regarde-moi, je suis vivante et saine d’esprit.
– Saine d’esprit, j’en suis pas si sûre… murmure Judith, taquine.
Elle se prend un coussin dans la figure.
– Hé !
– Tu l’as mérité !
– Ce n’est pas ça qui m’embête dans ce qu’il m’a dit. C’est juste que j’ai réalisé… j’ai réalisé que je n’ai jamais été amoureuse. Ni jamais ressenti quoi que ce soit pour un garçon.
– Ah bon ? fait Roxanne, désolée pour moi.
– Et alors ? ajoute Judith, qui n’a pas l’air de s’en inquiéter.
– Ca ne fait rien, tu sais. Regarde, moi non plus, je ne…
– Roxanne, je la coupe, arrête de parler avant de mentir.
– De quoi tu parles ? demande-t-elle en rougissant un peu.
A ce moment précis, un hurlement de petite fille terrorisée retentit depuis le dortoir des garçons. Tous les élèves dans la salle commune se retournent, étonnés. La porte du dortoir s’ouvre puis se referme en claquant. Potter, appuyé sur la porte, soufflant comme s’il venait de courir un marathon, lève la tête, me fixe les yeux dans les yeux et m’assassine du regard.
« Tu vas me le payer », puis-je lire sur ses lèvres.
Puis il fait volte-face et retourne dans le dortoir en claquant la porte.
– Zut, je marmonne. Et moi qui croyais lui faire plaisir en lui mettant un bébé Scroutt à pétard dans son lit…
– Pourquoi ne suis-je même pas surprise ? marmonne Judith.
– Ginger ! s’exclame Roxanne, choquée. Tu as fait ça ?
– De toute évidence, oui. Ne dévie pas la conversation comme ça, toi. On parlait de Chuck Woles, non ?
– Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-elle en rougissant à nouveau.
– Tu vois très bien de quoi je parle ! Ne dis pas que tu ne ressens rien en voyant Chuck.
– Mais… mais pas du tout, balbutie-t-elle, son visage virant à l’écarlate.
Jude éclate de rire.
– Continuons donc cette conversation dans notre dortoir, voulez-vous ?
Laissant mes soucis dans la salle commune, je suis mes amies dans notre chambre, le cœur léger.
OoOoO
Le soir, après de grands délires et gros éclats de rire avec mes amies, je repense à ce qu’a dit Potter. Frigide.
C’est vrai, je n’ai jamais rien ressenti pour les garçons. Mon cœur ne bat plus vite que quand je fais du sport, je ne rougis que quand j’ai chaud – ou quand Jude et Rox me grondent –, ma respiration n’est irrégulière qu’après un sprint. Alors que, d’après ce que proclament les romans à l’eau de rose dont Roxanne raffole, ces signes sont les symptômes de l’amour.
Je n’ai jamais trouvé plus de qualités à un garçon qu’à un autre, jamais senti mes entrailles faire des loopings, et aucun ne m’a jamais rendue triste, à part le capitaine de Quidditch de ma maison, quand j’étais en deuxième année, et qu’il m’avait refusée dans l’équipe.
Puisqu’on parle de Quidditch… En quatrième année, j’ai embrassé Frederic Kreeps, notre actuel batteur. Il voulait rendre jaloux une fille pour qui il en pinçait. Quand il a pris mon visage dans ses mains, mon cœur a continué à battre à son rythme normal, et je me suis demandé ce qu’il me voulait. Puis il m’a embrassée, et j’ai simplement constaté que ce n’était pas désagréable, mais rien à voir avec les fourmillements d’excitation dans le ventre dont parlent les bouquins de Roxanne. Et quand il a écarté son visage du mien, moi, j’ai juste remarqué le regard flamboyant de la brunette que Kreeps désirait séduire.
Suis-je vraiment incapable de ressentir de l’amour ?
Ce n’est pas tellement un mal. L’amour rend idiot et impotent. Il n’y a qu’à voir Roxanne quand elle croise notre capitaine de Quidditch : elle devient totalement incapable d’aligner deux mots. Je n’aimerais pas me ridiculiser comme ça.
Je pense à autre chose, notamment à mes recherches de l’autre soir. Il faudra que je trouve un moment entre deux cours pour approfondir tout ça à la bibliothèque. Peut-être que je croiserai les noms au détour d’une page, dans un des nombreux livres de Mme Pince.
Assommée de fatigue, je finis par m’endormir.
OoOoO
Le lendemain, au petit déjeuner, je me ressers du café pour la cinquième fois (je suis toujours dans les brumes du sommeil), quand je réalise que mes chaussures ne sont pas les mêmes. Je porte une chaussure en toile au pied gauche, de couleur gris-rouge, à cause de la terre qui s’est accumulée dessus au fil des ans, et une ballerine noire au pied droit. Oups.
Je ne fais pas attention au bruissement d’ailes qui indique l’arrivée du courrier, et demande d’une voix endormie à Roxanne :
– On commence par quoi déjà ?
– Arithmancie, Métamorphoses, Botan… Oh !
– Botano ? C’est un surnom affectueux pour la Botanique ?
Roxanne ne répond pas. Elle décachète en vitesse la lettre qu’elle a arrachée de la patte de Plumasil qui hulule d’indignation, et la lit avec empressement.
– Ça vient de son père, commente Judith en lisant par-dessus son épaule.
Intriguée, je commence à tartiner un morceau de pain avec de la confiture de framboise, tout en observant les réactions de Roxanne ; elle passe de l’étonnement, à l’incompréhension, puis à la joie.
– Ginger, tu tartines ton assiette, remarque mollement Judith.
Je lâche distraitement mon assiette à la framboise et, n’y tenant plus, demande :
– Alors ? Y a quoi dans cette lettre ?
– C’est bien ce que je pensais, hier.
De quoi elle parle ?
Devant nos airs intrigués, elle demande, un peu surprise :
– Je ne vous en ai pas parlé ?
– Non.
– Le parchemin de James !
– Tu veux dire, le parchemin qui a signalé à Potter que je n’étais pas là, l’autre soir ?
– Oui ! Mon père m’a expliqué ce que c’était. Il l’a possédé pendant un moment…
– Il a possédé le parchemin?
– Oui ! Il avait réussi à la voler dans le bureau du concierge. En fait, c’est la carte des Maraudeurs.
– Ah, la carte des Maraudeurs, tout s’explique…commente Judith en regardant en l’air. Bon, c’est quoi ?
– C’est un plan de Poudlard, qui indique plein de passages, salles secrètes, mais surtout… Elle indique en temps réel qui se trouve où. Mon père s’en servait pour faire des farces sans se faire prendre par le concierge. C’était plus facile, vu qu’il savait où il se trouvait…
– Mais comment Potter l’a-t-il eue en sa possession ?
– Mon père l’a donnée à son père, pendant sa cinquième année, vu qu’il la connaissait par cœur. L’oncle Harry a dû la lui léguer… Ou bien James a volé la carte à son père.
– La carte doit être vieille, maintenant, je commente. Peut être qu’elle ne fonctionne plus aussi bien qu’avant, ça expliquerait pourquoi je n’y étais pas indiquée.
– Je suppose. Peut-être que le maléfice qui l’anime s’est estompé, à présent.
A ce moment-là, je me prends une boule de plume dans la tête et je tombe du banc. Quand je rouvre les yeux que j’avais fermés dans le feu de l’action, j’aperçois un tout petit hibou s’envoler à tire-d’aile vers un mur qu’il se prend en pleine figure, avant de retrouver son chemin vers la volière en zigzaguant. Je ramasse la lettre tombée à côté de moi en râlant contre cet imbécile de Pilpel. L’enveloppe est signée au nom du professeur Londubat.
– Ma punition, je marmonne.
Je décachète l’enveloppe. Judith attrape la lettre à l’intérieur et commence à lire.
– « Miss Enderson, je suis très déçu de votre comportement immature d’hier soir. Vous serez en retenue avec le professeur Smith, tous les soirs à vingt et une heures, pendant un mois. Et si vos insultes avaient pour but de vous faire exclure du cours de Médicomagie, sachez que vous continuerez à le suivre jusqu’à la fin de l’année. »
– QUOI ? J’ai insulté Pomfresh pour rien ?
– On dirait bien, répond calmement Judith. Tu as intérêt à ne pas tomber malade, parce que s’il t’arrive quelque chose, Pomfresh risque de te laisser mourir.
OoOoO
13h55. Après six heures de réflexion, je pense pouvoir affirmer que je détesterai cordialement chaque jour de la semaine, cette année. L’Arithmancie, de bon matin, c’est dur. Suivie d’une heure de Métamorphoses, avec un Professeur Smith qui adore se moquer de nous. Encore heureux qu’on ait la pause déjeuner, après avoir passé une heure avec les mains dans des pots remplis de substances non identifiées pour la Botanique.
Nous attendons devant la classe de Défenses Contre les Forces du Mal, impatients de voir notre nouveau professeur. Personne ne l’a encore vu : il ne mange jamais dans la Grande Salle. J’aperçois Potter, adossé au mur, papoter avec Barbara Hobbers, la Serdaigle de notre année particulièrement débile et à fond sur Potter. Elle parle, elle parle, elle parle, elle dit une ânerie dans son flot de paroles, mais on n’ose pas l’interrompre, alors elle continue de parler. Je pense qu’elle parle de mes chaussures mal assorties, vu les regards hautains qu’elle me jette.
Potter, avec l’air de s’amuser autant qu’un dépressif coincé dans une salle avec le professeur Binns, lève la tête et croise mon regard. Il sourit largement.
Ca, ça veut dire qu’il va faire quelque chose de trèèèèèèèès bête.
Il se penche nonchalamment vers Barbara Hobbers et lui murmure quelque chose, avec un sourire de playboy, qui la fait rougir. Il prend alors son visage dans ses mains et l’embrasse sauvagement.
Urk.
Roxanne, dégoûtée, observe la scène.
– Il ne peut pas se retenir, cet animal ? dit Judith.
– Ce pauvre garçon essaie de me faire comprendre qu’il peut embrasser qui il veut, je crois, dis-je d’un air totalement désintéressé. Franchement, c’est immonde.
Il s’écarte de Barbara Hobbers avec un grand sourire victorieux (pour moi, bien sûr), tandis qu’elle lui sourit amoureusement.
– Ou peut-être qu’il veut essayer de gagner notre pari. Sauf qu’avec Hobbers, c’est mission impossible. Il ne la supportera jamais.
Du moins, moi, je ne l’ai jamais supportée. Une fois, elle m’a donné une baffe, comme ça, sans raison. Elle a dit « C’est pour tout ce que tu fais subir à James ! » avant que je ne lui réponde de façon un peu plus musclée. C’est bien ce que je dis : elle n’avait aucune raison de le faire.
La porte de notre salle de classe s’ouvre, coupant court à mes souvenirs.
Nous entrons dans la pièce. Le pupitre du professeur est vide. Intriguée, je m’assois à côté de Roxanne, tandis que Judith s’assoit seule derrière nous. Mais pas pour longtemps : Arthur Wright la rejoint. Elle lui adresse un grand sourire candide et le salue. Wright devient rouge ketchup et lui répond dans un murmure gêné quelques secondes après.
Marrant, je ne me souvenais pas qu’il était aussi gêné avec elle les années précédentes…
La porte d’entrée claque, et nous sursautons tous.
– Silencio ! rugit une voix grave et rauque dans le fond de la classe.
Tout le monde se retourne alors. Personne. Du moins, personne il y a une seconde… car un homme vient d’apparaître.
Je crois que j’aurais bien poussé un petit cri de terreur si on ne m’avait pas jeté un sortilège de silence avant. Visiblement, c’est le cas de toute la classe.
– Bonjour. Je suis Octavius Pendleton, votre nouveau professeur de Défenses contre les Forces du Mal, et ancien directeur du bureau des Aurors.
Il fait un rapide mouvement de baguette pour lever le sortilège.
– Yesss, murmure Judith, derrière Roxanne et moi.
Elle a deviné son prénom. On lui doit du chocolat maintenant… N’empêche, elle est vraiment forte.
Maintenant qu’il est sorti de l’ombre, je peux le détailler. Cheveux longs poivre et sel, barbe de trois jours, yeux gris acier ; son corps filiforme me fait penser à un serpent venimeux. Son visage est recouvert de cicatrices et il porte un gant en métal à la place de l’une de ses mains, qu’il a dû perdre dans une bataille.
Il fait bon vivre d’être un Auror.
– Le passé nous a appris que nous ne sommes jamais en temps de paix, reprend-il. L’ennemi se cache toujours, et c’est VOUS – il hurle en disant ce mot, et tout le monde sursaute – qui le chasserez. Je me ferai un devoir de vous rendre moins incapables que vous ne l’êtes, mais je vous promets que vous serez encore bien vivant d’ici la fin de l’année, ajoute-t-il avec un sourire cruel. Par contre, que vous restiez en un morceau, ça, je ne peux le garantir.
Gloups.
– VOUS ! s’écrie-t-il en pointant sa baguette sur Roxanne, qui se tasse sur sa chaise, terrorisée. Levez-vous.
Tremblante, elle se dresse sur ses pieds en louchant sur la baguette de notre professeur.
– En garde, dit-il.
Elle lève timidement sa baguette, et s’immobilise dans cette posture.
– Eh bien ? aboie notre vénéré professeur. Vous n’attaquez pas ? Vous attendez votre tour ou quoi ?
– Expelliarmus !
– Protego !
Il a réagi à une vitesse hallucinante.
– C’est nul. Un tel niveau en sixième année, c’est pitoyable ! Vous ne savez rien faire d’autre ?
– Waddiwasi ! crie-t-elle, envoyant un livre dans la tête du Professeur Pendleton.
Au dernier moment, il attrape le bouquin avec son gant en métal. Il a fait ça tellement vite que je n’ai pas vu son bras bouger. Moins d’une seconde après, le livre fonce droit sur Roxanne, qui, grâce à ses réflexes de Poursuiveuse, le rattrape juste avant qu’il ne la touche.
– Je préfère ça, marmonne le professeur. Mais ça reste pitoyable. Retournez vous asseoir.
Roxanne revient piteusement à sa place, à côté de moi.
Pendleton se tourne alors vers la classe et dit :
– Toutes les deux semaines, l’un de nos cours sera exclusivement composé de duels. Je vous noterai sur vos performances, plutôt que sur votre classement. De même, vous aurez deux épreuves écrites par mois.
Il marque un silence, puis ajoute :
– Vos livres, pages 24. DEPECHEZ-VOUS !
En réprimant un sursaut, je me hâte de sortir mon livre de mon sac et déchire un peu une page en l’ouvrant. Tant pis.
Cette année, ça va pas être de la tarte.
Invitation Inatendue by Mak
– Gin, réveille-toi…
La voix qui me parle est douce, agréable… Je souris et m’enfonce dans mes couvertures, inconsciente du danger qui me guette comme à chaque fois que je sors des vapeurs du sommeil de cette façon.
– Gin, je vais devoir te réveiller un peu difficilement… Pardonne-moi.
Je n’écoute pas, ne comprends pas ce que la voix me dit, et essaie de me rendormir.
Mais c’est dur de se rendormir, quand on vous a enlevé votre couverture, qu’un chien vous lèche le visage en jappant joyeusement et qu’un réveil magique vous hurle dans les oreilles avec un accent espagnol de vous bouger les fesses.
Retenant un grognement indigné, je repousse Pepsi un peu violemment – de toute façon ce chien est incassable – et m’assois sur mon lit en plaquant ma main contre le cadran du réveil infernal pour qu’il se taise.
– On est quel jour ? je demande en bâillant.
– Le 20 octobre, répond Roxanne.
Ah oui, le 20 octobre. Soit une semaine avant la rencontre de Quidditch Gryffondor-Serdaigle. C’est d’ailleurs à cause de ce match stupide qu’on me réveille à six heures du mat’. Pour un entraînement. Je regarde Judith s’enfoncer dans ses draps. Cette bienheureuse ne fait pas partie de l’équipe.
– J’aurais jamais dû m’engager là-dedans, je soupire.
– Moi non plus, marmonne Roxanne.
OoOoO
Vingt minutes plus tard, à peine plus réveillées, nous sommes sur le terrain avec notre équipe chérie : Theodore Carter et Frederic Kreeps, les batteurs, James Potter, le gardien, moi-même, l’attrapeuse, Roxanne et Daniel Robins, les poursuiveurs, et Charles Woles, troisième poursuiveur et capitaine de l’équipe.
– Bien ! s’exclame le capitaine. On va commencer par des échauffements. 20 pompes chacun pour se réveiller. Allez, on y va ! s’écrie-t-il en ignorant nos protestations.
1, 2, 3, 4, 5, … Mes muscles hurlent de douleur, mes bras m’ordonnent de m’arrêter, mais j’ignore les cris d’indignations de mes membres fatigués et continue de compter silencieusement mes pompes.
– Roxanne, je pourrais te parler en privé ?
Je tourne la tête. C’est Chuck qui vient de lui parler. Roxanne est devenue rouge tomate.
– Euh, bien sûr…
Elle fait encore deux pompes, puis saute sur ses pieds et le suit. Ils s’arrêtent à vingt mètres du groupe. 6, 7, 8, 9… Chuck parle à voix basse à Roxanne, en souriant, mais il a l’air de flipper. Qu’est-ce qu’il lui veut ?
10, 11, 12, 13, il a cessé de parler et la regarde fixement. Connaissant ma petite Roxanne, je me demande où elle a trouvé le courage de ne pas s’évanouir. Au moindre regard de Chuck, elle rougit et se met à balbutier. Mais là, 14, 15, 16, elle lui répond sans trembler, et termine sa phrase avec un sourire charmeur. Sacrée Gryffondor que cette Roxanne ! 17, 18, 19, qu’est ce qu’il a bien pu lui dire ? Il rougit un peu, puis revient vers nous, Roxanne à sa suite.
Je fais ma vingtième pompe et me remets debout.
– Vous avez tous terminé ? Bien, on va pouvoir commencer. Weasley, Robins et moi, nous allons essayer de marquer des buts à Potter. Je vais aussi lâcher les cognards et le vif d’or. Enfourchez vos balais !
Je passe une jambe par-dessus le vieux Comète 290 de l’école.
– C’est parti !
Il défait les liens des cognards, qui s’élèvent dans le ciel en même temps de Frederic Kreeps et Theodore Carter, batte en main. Potter rejoint les trois anneaux d’or qu’il devra protéger et Daniel et Roxanne s’envolent également.
– Vas-y, je lâcherais le Vif quand tu seras là-haut, me lance Woles.
J’acquiesce, donne un coup de pied dans le sol et monte en chandelle. Mes sensations se décuplent, comme à chaque fois que je m’envole. Le froid me caresse le visage, l’odeur du bois de mon balai m’envahit. Je ferme les yeux pour me laisser prendre par ce pur bonheur que je ressens en vol.
Au bout de cinq minutes de cabrioles aériennes, je me décide à regarder en bas. Chuck est sur son balai, en train de faire des passes harmonieuses avec les deux poursuiveurs. Il a déjà lâché le Vif d’or.
Ce ne sera pas facile de le repérer, vu comme il est tôt : le soleil ne s’est même pas encore levé. Le reflet des lunettes de Potter me trouble, je me retiens de justesse de lui foncer dessus ; je les ai confondues avec le Vif. Décidément, je ne suis pas du matin.
Je regarde autour de moi, les pieds pendant dans le vide, scrutant l’espace. Je ne vois rien de particulier. Je commence donc à décrire de grands cercles au-dessus du terrain.
Cela fait quinze bonnes minutes que nous nous entraînons ; Frederic Kreeps et Theodore Carter s’acharnent sur les Cognards ; ils sont en sueur. Je dois dire que l’entraînement matinal de Chuck Woles est plutôt bon ; Kreeps et Carter se débrouillent toujours mieux d’année en année. Quant à Potter, il a arrêté quasiment tous les buts de nos poursuiveurs, ce qui n’est pas peu dire : ils constituent le meilleur élément de notre équipe.
Moi, par contre, toujours rien…
Rien…
Et puis quelque chose traverse mon champ de vision. Quelque chose qui se déplace très rapidement, quelque chose à l’éclat doré si particulier… Mon cœur fait un bond, je me mets à chercher frénétiquement autour de moi.
Et là, je le vois. Minuscule, brillant comme un petit soleil, le Vif d’Or, près des gradins, bat des ailes à toute vitesse.
Sans réfléchir davantage, je fonce dessus. Le Vif semble m’avoir remarquée ; il parcourt les gradins, puis plonge dans les fondations. Je le poursuis, évitant les poutres et les planches qui manquent de me décapiter. Mieux vaut attendre de sortir de là avant d’essayer de tendre la main ; je risquerais de m’arracher un bras. Le Vif slalome une dernière fois entre deux poutres et s’envole vers le ciel, sortant des gradins. Je m’engage à sa suite.
Je suis éblouie par la lumière du soleil qui vient de se lever, mais je continue de foncer. Le vif est juste devant mon balai. Je m’allonge dessus, puis détache une main du manche tout en essayant de garder mon équilibre. A cette hauteur et à une telle vitesse, une chute serait mortelle.
Lentement, centimètre par centimètre, je tends mon bras vers le Vif. Quand je sens les battements d’aile de la balle dans la paume de ma main, je referme mon poing.
Je ne peux retenir un sourire ravi. Je l’ai attrapé ! Je sais, c’est stupide, mais à chaque fois que je l’attrape, j’éprouve une sacrée joie. J’entends alors des acclamations. Je baisse la tête : Roxanne et les autres joueurs m’applaudissent.
Chuck Woles me rejoint avec un petit sourire :
– Pas mal, Enderson. A priori, on n’aura aucun problème contre les quiches de Serdaigle !
– T’es un peu optimiste, non ? je remarque, tandis qu’un grand sourire contradictoire s’étale sur mon visage.
Il se tourne vers les autres et ajoute :
– Les autres aussi, c’est pas mal du tout jusqu’ici ! Vous voyez que ça valait le coup de se lever à six heures !
– J’irais pas jusque-là, mais bon… marmonne Freddy Kreeps.
Je tends le Vif à Woles et il… le lâche. L’artefact magique disparaît aussitôt à tire-d’aile.
– Ne prends pas cette mine choquée, Enderson, me console Chuck Woles en me tapotant l’épaule. Tu ne croyais tout de même pas qu’on allait s’arrêter là pour aujourd’hui, non ? Le match est dans sept jours !
Il s’éloigne et rattrape le Souafle que Daniel Robins vient de lui envoyer. Fichu capitaine hyper-stressé. Pourquoi est-ce qu’on a mis un sadique à la tête de l’équipe ? Je suis crevée, moi !
OoOoO
Vestiaires.
– C’était super, les filles ! nous félicite Judith, qui est venue à la fin de notre entraînement pour nous encourager.
– Je sais, je sais, je suis exceptionnelle, dis-je.
– Et modeste avec ça ! rigole Roxanne.
– Sérieusement, les filles… Vous êtes tellement douées sur un balai ! Et vous jouez d’une façon tellement synchronisée !
– Tu étais là au moment où je me suis pris le Souafle dans la figure ? ricane Roxanne.
– Oui, mais tu l’as fait avec beaucoup d’élégance !
– Faut dire que Chuck joue super bien aussi, fait remarquer Roxanne.
Le bruit de l’eau qui coule s’arrête dans la cabine à ma gauche ; Roxanne a fini de se doucher.
– Dis-moi, Rox, qu’est-ce qu’il te voulait, tout à l’heure, Woles? je demande.
Silence.
– Roxanne, réponds quand on te parle ! s’écrie Jude. C’est quoi, cette histoire ? Qu’est-ce qu’il t’a demandé ?
Je sors à mon tour de ma cabine en enroulant une serviette autour de mon corps. Roxanne et Judith sont face à face ; la première est très rouge, la seconde fronce les sourcils, mais sourit.
– Te fais pas prier, dis-je en attrapant ma baguette.
– Eh bien… Vous savez, la soirée d’Halloween… Il m’a invitée à être sa cavalière !
– C’est génial ! je m’exclame, en lançant un sort de séchage sur mes cheveux trempés, sans prendre la peine de les coiffer.
Normalement, la soirée d’Halloween se déroule dans la Grande Salle et consiste en un dîner à base de citrouille, éclairé par des lanternes taillées dans des légumes.
Normalement.
Parce que James Potter a publiquement déclaré qu’il irait à la soirée d’Halloween accompagné de Barbara Hobbers. Arthur Abercrombie a aussitôt ajouté qu’il aurait également une escorte, et pour ne pas faire la cinquième roue du carrosse, Arthur Wright a également cherché une cavalière. Les amies de la cavalière ne voulaient pas être en reste. Bref, une chose entraînant l’autre, tout le monde doit venir accompagné pour la soirée d’Halloween à moins de vouloir passer pour l’asocial de service.
– Qu’est-ce que tu vas te mettre ? demande Judith, pragmatique.
– Eh bien, je me disais qu’on pourrait acheter quelque chose à Pré-au-Lard. Vu qu’une sortie est organisée demain…
Ses cheveux à elle sont déjà secs et forment des boucles harmonieuses. Je croise mon reflet dans un miroir ; les miens sont emmêlés et forment une masse indistincte autour de mon visage.
Y a pas de justice.
– Mais alors… Tu m’abandonnes ?
On avait prévu, avec Roxanne, d’y aller toutes les deux en célibataires, vu que Judith s’y rendait déjà avec un certain Robert Peterson, Serdaigle en septième année un peu crétin sur les bords – mais beau, c’est l’essentiel.
– Oh, c’est vrai… souffle-t-elle. Bon, je pense que je vais annuler avec Chuck, alors…
– Tu plaisantes ? je m’écrie, scandalisée. L’occasion ne se représentera pas deux fois ! Tant pis, je resterai dans le dortoir, j’ajoute en souriant.
– Toute seule ?
– Mais oui ! Je pourrais réfléchir au calme à propos des noms des filles des archives…
Je n’ai, en effet, rien trouvé dans la bibliothèque se rapportant à ces femmes. Et pourtant, ce n’était pas faute d’avoir cherché ! James Potter commençait même à m’appeler « rat de bibliothèque », moi qui n’ai jamais été particulièrement fan de livres.
Judith fait la moue :
– T’es sûre ? Tu pourrais venir sans cavalier et rester avec nous…
– Pour que Potter me charrie sur le fait que je n’ai trouvé personne ? Non merci. Vous en faites pas, je m’occuperai.
Et je leur adresse un grand sourire, cachant parfaitement – du moins je l’espère – ma déception.
OoOoO
A midi, morte de fatigue, je sors de la Bibliothèque. Roxanne, Judith, et Freddy Kreeps et Chuck Woles, qui sont venus travailler avec nous, tirent aussi une tête de trois pieds de long. Je marche d’un pas vif vers la Grande Salle (il y a toujours des embouteillages devant les portes à cette heure-ci), mais suis rattrapée par Chuck.
– Enderson ?
– Je peux t’aider, capitaine de mon cœur ?
– Je pense que oui. C’est à propos de Thomson.
Je ralentis un peu et le laisse me rattraper, étonnée. Que veut-il à Judith ?
– Qu’est-ce qu’elle a ?
– Elle sort avec Peterson, déclare-t-il.
Peterson. Ah, oui. Aurais-je oublié que le bellâtre est également capitaine de Quidditch des Serdaigles.
– Tu l’accuses de pactiser avec l’ennemi, c’est ça ? je souffle d’un ton las.
Chuck Woles est tellement parano avec le Quidditch, il est persuadé que tout le monde tente d’espionner son merveilleux entraînement made in Gryffondor. Pas si merveilleux que ça, si vous voulez mon avis, puisqu’on s’épuise à la tâche mais qu’on ne gagne que trop rarement nos matches.
– Woles, quand Judith vient dans les gradins, elle ne nous espionne pas. Elle ne fait que nous attendre pour nous raccompagner.
– Je sais bien, je ne remettais pas en doute sa fidélité aux Gryffondors ! s’exclame-t-il, choqué.
Je mets un instant à saisir ce qu’il veut me faire comprendre.
– Tu veux qu’elle espionne les Serdaigles à ton compte ? Woles, sérieusement ?
– C’est effectivement à ça que je pensais, décrète-t-il d’un ton quelque peu pompeux.
– C’est de la triche.
– Pas du tout, je suis sûr qu’il la laisserait venir regarder ses techniques.
– Woles ! Elle ne va jamais le faire. Judith est une personne droite. Et pourquoi ne vas-tu pas le lui dire toi-même ?
– Parce qu’elle se laissera plus facilement corromp… euh, convaincre par toi. Tu es son amie, après tout.
– Tu es un grand garçon, Woles. Va essayer de la convaincre toi-même.
Il soupire et retourne en arrière pour discuter avec Judith. Roxanne, voyant Woles se diriger vers son groupe, est distraite, perd l’équilibre et tombe au beau milieu du couloir. Je m’apprête à la rejoindre quand j’entends une voix douce m’appeler.
– Ginger… Ginger ?
Je me retourne, et me retrouve nez-à-nez avec… Albus Potter.
Il rougit brusquement. La dernière fois qu’il m’a vue, c’était mardi soir, pendant le cours de Médicomagie, et j’en étais presque venue aux mains avec un élève de première année qui avait mal au ventre ; ce crétin refusait de comprendre que sa douleur venait de la quantité de nourriture qu’il avait ingurgitée, et non d’une tentative d’empoisonnement comme il le pensait. Car oui, après deux mois insupportables de cours théoriques, nous avons diagnostiqué notre premier patient. C’était plutôt amusant de mon point de vue, quand je l’ai menacé de lui arracher une jambe pour qu’il arrête de se plaindre ; sa tête était impayable. Mais les autres élèves avaient l’air terrorisé. Même James Potter a évité de me parler après.
Je me demande bien pourquoi.
Je souris gentiment à Albus, en réalisant qu’il est un peu plus grand que moi, alors qu’il n’est qu’en cinquième année. Aucun respect pour les aînés !
Il a vraiment l’air terrorisé, maintenant. Il croit que je vais le bouffer, ou quoi ? Ou que je vais lui arracher une jambe ?
– Euh, j’aimerais bien te parler en privé…
Je fronce les sourcils. Qu’est-ce qu’il me veut ?
Il se dirige vers une salle de classe vide et je le suis, alors que Roxanne et Judith sont trop occupées par la chute de la première pour remarquer mon départ. J’entre dans la pièce, m’assois sur le bureau du professeur et attends qu’il me parle.
Mais tout ce qu’il fait, c’est me regarder, l’air effaré. On dirait quelqu’un qui vient de réaliser qu’il a fait la pire bêtise de sa vie.
– Qu’est-ce que tu veux ? je demande, un peu brutalement.
– Eh bien en fait, dit-il en parlant à toute vitesse, j’aimerais rendre un service à quelqu’un et pour ça j’aurais besoin de ton aide mais si tu veux pas c’est pas grave je trouverai quelqu’un d’autre…
– Moins vite, moins vite, je le coupe. Quel genre de service je pourrais te rendre ?
Il prend sa respiration, puis lâche d’une traite :
– Voudrais-tu être ma cavalière pour la soirée de Halloween ?
– Euh…
Je ne m’attendais pas vraiment à ça…
Epouvantables Essayages by Mak
– Tu vois qui est Rose Weasley ? reprend-il.
– La cousine de Roxanne ?
– Oui, dit-il, en essayant de sourire, mais il stresse tellement qu’il n’arrive qu’à grimacer. En fait, elle va à la soirée avec quelqu’un que mon frère n’aime pas, mais alors pas du tout…
– Super, je commente.
– … et elle va se faire démonter par James s’il l’apprend. Et Rose ne mérite pas ça… Je voudrais faire quelque chose. Donc j’ai décidé…
– Tu es amoureux d’elle ? je le coupe.
– Non ! s’écrie-t-il, scandalisé.
– Alors pourquoi tu veux l’aider ?
– C’est comme une sœur, pour moi, on a pratiquement été élevés ensemble. Donc… j’aimerais faire une diversion en invitant quelqu’un que mon frère déteste encore plus…
… c'est-à-dire moi…
– … pour qu’il crie sur moi, et pas sur elle. Alors, tu acceptes ?
Je m’apprête à lui dire : « Mon coco, t’es bien mignon mais la vie de Rose, perso, je m’en tamponne le coquillard », quand je réalise quelque chose. Non seulement j’aide un ennemi de Potter – le cavalier de Rose – mais en plus je sors avec quelqu’un pour la soirée. Et pas n’importe qui : son propre frère… J’ai déjà hâte de voir sa tête quand il me verra arriver au bras d’Albus. D’un autre côté, ça me dégoûterait d’aller à Halloween avec le sosie de James Potter, à ceci près que celui-ci ne porte pas des lunettes et a des yeux verts.
– Je dois y réfléchir. Mais si c’est oui, je te pose deux conditions : n’en parle à personne avant le 31 octobre…
Il hoche la tête.
– … et aie l’air moins terrorisé quand tu me croises. Tu n’es pas très appétissant, tu sais, je ne vois pas pourquoi je voudrais te manger.
Il rit. Alleluia ! Il sait rire !
– Bon, décide-toi vite. J’espère que tu accepteras.
Il s’éloigne vers la porte, puis se retourne et me dit, le visage illuminé de bonheur :
– Merci !
Il a l’air tellement content que je ne peux pas m’empêcher de sourire, moi aussi.
Il est mignon, ce petit.
Je pense que je vais dire oui. Mais peut-être pas seulement pour embêter Potter.
OoOoO
Jude enfile un jean et un T-shirt bleu pâle assez décolleté, alors que nous nous préparons pour aller à Pré-au-Lard.
– Tu sais, Jude, il fait cinq degrés maximum dehors, je lui fais remarquer.
– Et ?
– Et ce T-shirt n’est pas du tout adapté à une température de cinq degrés.
– Et ?
– Laisse tomber…
– Tu vas avec quelqu’un à Pré-au-Lard ? demande Roxanne.
– On s’est donné rendez-vous là-bas avec Bob…
Bob, c’est Robert Peterson, son petit ami du moment, Serdaigle de septième année, et c’est également son cavalier pour la soirée de Halloween. En outre, c’est un abruti, mais il paraît que ce n’est pas trop handicapant lorsque la seule activité qu’on envisage avec lui est de l’embrasser à pleine bouche.
– D’ailleurs, Ginger, je t’ai raconté ce que m’a demandé Woles l’autre jour ? De l’espionner pour vous rapporter la victoire en Quidditch ! C’était vraiment grossier de sa part.
– C’est ce que je lui ai dit en substance quand il m’en a parlé.
– Quoi ? Il t’en a parlé ? s’étonne Judith.
– A la base, il voulait que ce soit moi qui te corrompe. J’ai refusé.
– Merci, Ginger.
– J’ai droit à un cadeau en guise de ta gratitude ?
– Oui, ma reconnaissance éternelle. Ne soupire pas comme ça, Ginger, c’est le plus beau des cadeaux. Quoi qu’il en soit, je ne retrouve Bob qu’à 17h, aux Trois Balais, et on rentrera ensemble. Je ne vais pas vous lâcher pendant le choix des robes !
Roxanne sourit, je soupire de dépit. Je les ai prévenues du fait que j’allais peut être à la soirée d’Halloween ; mais je ne leur ai pas encore dit avec qui. « C’est la surprise ». Elles avaient l’air moyennement contentes de ne pas savoir qui serait mon cavalier, mais elles sont quand même ravies que je vienne.
Arrivées à Pré-au-Lard, nous nous ruons chez Honeydukes. J’achète trois paquets de chocogrenouilles, et mes amies prennent une boule de chocolat à modeler. J’ouvre l’un des paquets en sortant, et nous mangeons chacune une friandise avant d’entrer dans la boutique récemment ouverte des Farces pour Sorciers Facétieux, chaîne de magasins du père de Roxanne.
Nous passons à côté de la bande des Poupoufs qui s’extasie sur une cage remplie de Boursouflets, et, tandis que Judith et Roxanne se sont arrêtées devant le rayon des philtres d’amour – la première avec un air sceptique, la seconde avec un air rêveur – je commence à refaire mon stock de « cadeaux » pour Potter.
Je me ballade dans les rayons, et aperçoit Albus Potter, en train de discuter avec Rose Weasley et Lucy Ackerley. Discrètement, je me cache derrière une pile de Crèmes Canari.
– James va me tuer, murmure Rose.
Elle a l’air terrorisée. Je remarque des cernes énormes sous ses yeux. Elle se fait fouetter par son cousin pour être aussi paniquée par lui ?
– T’en fais pas, j’ai trouvé une solution, dit Albus.
– Ah bon ?
Albus esquisse un sourire rassurant.
– Ouais. J’invite quelqu’un qu’il déteste encore plus que Scorpius.
Scorpius, Scorpius Malefoy. Elle sort avec Scorpius Malefoy ? Ah oui, ça explique tout. Effectivement, Potter verrait rouge s’il voyait une Gryffondor – sa propre cousine qui plus est – s’approcher d’un Serpentard. Cet imbécile est le seul à continuer de croire en la rivalité entre Serpentard et Gryffondor. Les seules tensions encore existantes à Poudlard sont entre Trelawney et McGonagall, Potter et moi, et les fantômes et Peeves.
– Qui ça ? demande la cousine des Potter, curieuse.
– Ginger Enderson.
– Elle a accepté ? demande Lucy, étonnée.
– Eh bien, j’ai eu du mal à la convaincre, mais je suis pratiquement sûr qu’elle va dire oui, dit-il en souriant.
Il est malin, ce petit.
– Wow, font les deux autres, impressionnées. T’as réussi à la dompter !
Dites tout de suite que je suis un monstre !
Un peu vexée, je m’éloigne du petit groupe de cinquième année et m’approche de la caisse, où Roxanne et Judith paient leurs achats. La vendeuse empile des tonnes de flacons dans un sac en velours avant de le tendre à Roxanne, puis commence à compter la myriade de poudres et de rouges à lèvres magiques que Judith a choisie.
– Tu ne comptes pas aller à cette soirée sans te maquiller, tout de même ? me demande Jude tandis que nous sortons de la boutique.
– Euh… si.
– Je te maquillerai, de gré ou de force. Je ne te laisserai pas rejoindre ton cavalier comme une souillon. Redis-moi le nom de ton cavalier, déjà ?
– Je ne te l’ai pas dit, et je ne compte pas te le dire, Jude. Bien essayé, mais je ne vous révèlerai pas son identité avant l’heure.
Jude et Roxanne ont l’air profondément déçues. Mais elles retrouvent leur sourire alors que nous entrons chez Gaichiffon, le magasin de prêt-à-porter des sorciers.
Le cauchemar commence.
OoOoO
– Et ça, qu’est-ce que tu en penses ?
Judith me montre une minirobe bleue au décolleté plongeant.
– C’est pas une robe, c’est un T-shirt, je rétorque. Tu ne me feras pas mettre ça.
Jude fait la moue et repose la robe sur son portant.
– Les filles, regardez-moi !
Roxanne vient d’ouvrir le rideau de sa cabine. Elle a choisi une robe bustier en soie rouge, serrée au niveau de la taille par un ruban blanc.
– Tu es magnifique !
J’essuie une larme d’émotion fictive.
– Notre petite Roxanne est devenue une vraie femme !
– Parce qu’avant tu me considérais comme un homme ?
– Bon, lance Judith, je vais essayer ma robe.
Elle attrape une robe bleue au tissu soyeux et tire le rideau de la cabine derrière elle. Roxanne s’en va regarder des chaussures à talon avec intérêt.
Poussant un soupir à fendre l’âme, je me mets sur mes pieds et commence à regarder les robes. Trop décolleté, trop courte, trop longue, trop trop… Je m’apprête à baisser les bras, me disant qu’un jean et un T-shirt, après tout, ne seraient pas si terribles, quand j’aperçois quelque chose qui manque cruellement d’originalité mais qui, au moins, me fera passer inaperçue.
Impec’. Je vais l’essayer.
– Jude, t’as bientôt fini ?
– Oui ! Regarde un peu comme je suis belle !
Elle porte une robe sans manche bleu foncé, plutôt longue, et très décolletée. Une ceinture bleu pâle faite dans un tissu léger repose sur sa taille.
– … Je me sens vraiment moche, tout à coup, dit Roxanne.
– Mais nooon, la rassure Jude, t’es superbe.
Avant qu’elles ne me remarquent, je file dans la cabine et tire le rideau. Je commence à me déshabiller.
– T’as trouvé quelque chose ? réalise soudain Roxanne.
– Ouaip !
– C’est quoi, c’est quoi, c’est quoi ? s’écrient-elles d’une voix aigüe.
– Vous allez voir ! je crie en me débattant avec la fermeture éclair de la robe (qui est le crétin qui a inventé ces trucs ?).
– Dépêêêêêche !
– Patiente un peu, ce n’est qu’un vêtement ! je réponds en me tortillant dans la robe. Voilà, j’ai fini !
J’ouvre le rideau d’un geste théâtral et attends la réaction de mes amies.
– Euh… Elle est un peu… simple ? dit Judith d’une voix hésitante en penchant la tête sur le côté.
– Jolie, tempère Roxanne, mais… simple.
– C’était le but. Vous allez me laisser tranquille, maintenant ?
– Ah, les joies du shopping avec Ginger… soupire Roxanne.
Je me regarde dans le miroir. La robe, noire et sans manche, descend jusqu’aux genoux. Elle est vraiment toute simple, mais finalement, je pense qu’elle me plaît.
– Bon, maintenant, les chaussures !
– Pitié, non ! je geins.
– T’as pas le choix, Ginger…
OoOoO
Une heure plus tard, je suis assise à une table des Trois Balais, sirotant une Bièraubeurre en compagnie de Roxanne, l’air vaguement traumatisée. Une heure à choisir des chaussures. Une heure. Et oui, je parle bien d’objets en bois quelconque à mettre au bout des pieds ! Je n’en reviens pas d’avoir tenu aussi longtemps. Je crois que Roxanne avait prévu de me faire la tête devant ma mauvaise volonté plus qu’apparente, mais ça a dû lui sortir de la tête ; elle me parle tranquillement de l’évolution de sa relation avec Woles, en tâchant d’oublier Judith qui embrasse Robert Peterson depuis bientôt vingt minutes, à la table à côté.
– …et quand il est venu me chercher en sortant du cours, hier, j’ai vraiment cru que j’allais m’évanouir.
Je plisse les yeux.
– Ça te fait ça aussi, quand Judith et moi venons te chercher ?
– Non, évidemment ! C’est totalement différent et tu le sais très bien. Je ne sais pas très bien comment exprimer ça, mais…
– Si tu sais pas t’exprimer, cousine, tais-toi, dit une voix narquoise dans son dos.
Je lance un regard noir à Potter qui vient de débarquer avec ses deux meilleurs amis. Trois tables plus loin, les Poupoufs éclatent de rire comme si Potter venait de sortir la blague de l’année.
– Comme c’est spirituel. Applaudissez Potter et son humour décapant ! Sérieusement, j’ai rencontré des géraniums en pot plus drôles que toi.
– Toi, je ne t’ai rien demandé, alors tais-toi, répète-t-il, pour moi cette fois-ci, en fronçant les sourcils.
– Y a de l’écho, par ici… remarque Roxanne, qui n’a pas digéré la moquerie de son cousin.
– Pourquoi tu n’es pas avec ta Hobbers adorée ?
– T’es jalouse d’elle, pas vrai ?
– Bien sûr. Je tuerais pour pouvoir te tenir la main à longueur de journée.
Il grimace. J’ai remarqué qu’il garde ses mains dans ses poches, depuis qu’il sort avec elle. Barbara Hobbers aime le « romantisme », comme elle dit : ça comprend le fait de s’envoyer des lettres d’amour chaque jour, s’embrasser toutes les trois minutes, se mettre des fleurs dans les cheveux, se coller l’un à l’autre, et se tenir la main. Pour l’instant, la seule chose qu’il réussit à éviter, c’est de lui tenir la main.
On voit bien que Potter déteste sortir avec cette fille, et pourtant ça va bientôt faire deux mois qu’ils sont ensemble. Je crois que Potter a essayé de lui faire comprendre subtilement qu’il ne l’aimait pas et qu’il ne voulait plus d’elle, mais apparemment c’était trop subtil pour Barbara Hobbers.
Si ça continue comme ça, il va gagner notre pari. Et s’il le gagne, je devrais lui faire une déclaration d’amour publique.
Ma vie sociale serait fichue.
– Tu vas avec elle pour la soirée, n’est-ce pas ?
– Oui, j’avais beaucoup de choix, mais finalement je me suis décidé sur elle.
– Ta façon de faire des choix me dépasse, Potter…
– Au moins, je peux me permettre de choisir. Toi, tout ce que tu peux faire, c’est rester dans ton dortoir et pleurer.
– Non, j’ai un choix, je réplique. Le choix entre rester dans mon dortoir et pleurer, comme tu dis, ou accepter l’invitation d’un très gentil garçon. J’ai pris le second choix.
Son visage se décompose et je ne peux m’empêcher de sourire.
– Tu… tu y vas avec quelqu’un ? s’étonne-t-il. Je suis sûr que tu as pris le premier imbécile venu. Il faut vraiment avoir un problème congénital pour accepter d’aller à un événement avec toi, quel qu’il soit.
– Figure-toi que non, mon cavalier à moi, ce n’est pas un abruti sans cervelle. Tiens, bonjour Barbara…
Hobbers vient d’arriver, et a attrapé la main de Potter avant qu’il n’ait pu la fourrer dans sa poche. Elle m’ignore totalement, et souffle amoureusement à l’oreille de Potter :
– Bonjour mon roudoudou… Je t’ai cherché partout, t’étais où ?
– Il cherchait une corde et un tabouret.
Elle se tourne vers moi, l’air furieux :
– Laisse Jimmy tranquille !
– Oh, pardon Jimmy, je ne voulais pas te faire de peine, dis-je d’une petite voix ridicule. Tu me pardonnes, Jimmy ?
– Ca suffit, Enderson, dit Abercrombie.
– Le silence te réussissait, Lee Cooper. Alors retournes-y.
– C’est Abercrombie !
– De toute façon, on s’en va, dis-je. Ca sent trop le thon, ici, j’ajoute en regardant Hobbers.
– Qu’est-ce que tu veux dire ? demande-t-elle innocemment, alors que Wright fait un effort surhumain pour ne pas exploser de rire.
– N’essaie pas de comprendre, Hobbers. L’effort serait trop difficile pour ton cerveau, il exploserait. Viens, Roxanne.
Nous sortons du pub en ignorant les commentaires narquois de James Potter qui me traite de lâche, et nous commençons à rentrer à Poudlard. Cet abruti de Potter avec sa petite amie digne de son intelligence m’ont coupé l’envie de finir ma Bièraubeurre et à Roxanne aussi. Au milieu du chemin, j’entends :
– Roxanne ! Ginger ! Attendez-moi !
Je fais volte-face. C’est Judith.
– Pourquoi tu n’es pas restée avec Peterson ?
– Honnêtement, je m’ennuyais un peu… Et puis je vous ai vues vous disputer avec Potter et sa bande. Qu’est-ce qu’ils vous ont encore fait ?
– Oh, rien. Mais je te raconte pas sa tête quand il a su que j’allais à la soirée.
– Ah, tu vas lui dire oui ? Et tu y vas avec qui, déjà ? demande Roxanne innocemment.
– Avec… quelqu’un !
– Ginger ! Dis-nous !
– Non !
OoOoO
Le soir, j’écris en vitesse sur un bout de parchemin : « A Albus. C’est oui, RDV 31 octobre 20h dans la salle commune. ». Je sors de la tour de Gryffondor et me dirige vers la volière. Parmi les chouettes et hiboux des élèves, je repère mon petit hibou qui essaie de détruire un mur en pierres de cinq cent kilos à coups de griffe.
– Viens, Pilpel, je l’appelle.
Mon hibou fonce sur moi et j’ai juste le temps de faire un pas sur le côté avant qu’il ne s’écrase contre le mur derrière moi. Je retiens un soupir de lassitude, le ramasse, lui lisse les plumes puis attache ma lettre à la minuscule patte de l’oiseau, complètement sonné.
– Apporte ça tout de suite.
L’oiseau émet un léger sifflement, et s’envole par la fenêtre, pas avant d’avoir raté son premier décollage et de s’être aplati contre le mur à côté. Je souris et retourne dans mon dortoir.
OoOoO
Je m’habille en vitesse. Il est huit heures moins cinq, le match de Quidditch commence dans quelques minutes. Je viens à peine de me réveiller… J’enfile la première chose qui me tombe sous la main, c'est-à-dire un maillot de bain et des chaussures de ski, et me dépêche de sortir. Mais mes jambes refusent de m’obéir, et je marche lentement, très lentement…
Quand j’arrive enfin devant le terrain de Quidditch, le match a déjà commencé depuis vingt bonnes minutes. Qu’est-ce que l’équipe adverse joue mal ! Les poursuiveurs ne sont pas fichus de s’envoyer la balle, ils n’arrivent jamais à la rattraper. Et leur gardien est nul ! Il n’arrête pas un seul Souafle… Leurs batteurs sont effondrés par terre, ils sont tombés de leurs balais, attaqués par les Cognards.
Et leur attrapeur… Ils n’ont même pas d’attrapeur !
…
Oh, non…
C’est mon équipe…
A ce moment là, la foule se tourne vers moi comme un seul homme et hurle de rire en voyant ma tenue. Certains sifflent. On m’envoie des hiboux dans la tête, que je suis incapable d’éviter, à cause de mes jambes trop lourdes et de mes chaussures de ski. Je tombe à la renverse, et la dernière chose que je vois, c’est Robert Peterson, l’attrapeur de Serdaigle, tenant fermement le Vif d’Or dans le poing…
J’ouvre les yeux, la respiration haletante. Je suis dans mon lit, et il fait encore nuit. Le match n’a pas commencé. C’était juste un cauchemar. Un cauchemar super bizarre.
Je m’assois sur mon lit et jette un œil au cadran de ma montre phosphorescente, achetée chez Derviche et Bang il y a trois ans. Il est sept heures, le match est à huit heures. Ce qui veut dire qu’il est l’heure de se lever.
Et mes amies ne sont pas réveillées.
Un grand sourire s’étire sur mon visage. Enfin. Ma vengeance a sonné.
Je prends délicatement le réveil espagnol de Roxanne et le pose exactement entre les deux lits de mes amies. Le pied derrière le réveil, chaque main tenant un bout de couverture d’une des filles, je me prépare mentalement à la scène bruyante qui va suivre.
Je donne un petit coup de la pointe de mon pied sur le réveil qui bascule en avant.
– CARAAAAAAAAAMBA ! hurle le réveil, furieux d’avoir été malmené.
Judith et Roxanne poussent un cri en ouvrant les yeux. Je tire leurs couvertures d’un coup sec tandis que Pepsi, le croup de Judith, parfaitement réveillé, se met à aboyer en courant dans tous les sens.
– Debout les filles ! je hurle. C’est le jour du match !
– … t’aurais pu faire preuve d’un peu plus de délicatesse, non ? grommèle Roxanne.
– C’est le juste retour des choses ! Vous me faites subir ça tous les matins !
– T’es inhumaine, Ginger, dit Jude en repoussant son chien qui lui lèche le visage en jappant. Eteins ce fichu réveil, il va me briser les tympans.
– Comme tous les matins, soupire Roxanne en se laissant tomber de son lit pour donner un coup sec sur la caboche de l’instrument infernal afin de le faire taire.
Cette journée commence super bien.
Il faut bien ça, vu l’épreuve qui nous attend. Un match de Quidditch devant toute l’école. Je pars à la recherche d’un pantalon, alors que mes entrailles se serrent à cause du stress.
OoOoO
– Vous êtes en forme ?
Je tourne la tête vers Chuck Woles, blasée. Sa grande inquiétude, depuis qu’il est devenu capitaine, c’est que quelqu’un tourne de l’œil pendant le match.
– Mange du bacon, Ginger, dit-il en versant toute une plâtrée de viande dans mon assiette.
Je mordille une tranche pour lui faire plaisir, puis la repose dès qu’il tourne la tête.
– Robins, nourris-toi !
Mais Daniel Robins continue de regarder dans le vide, l’air terrorisé. Il n’a rien mangé. Ses yeux sont cernés, son teint pâle comme la mort. Le stress ne lui réussit pas.
Je regarde les batteurs. Frederic Kreeps et Theodore Carter, eux, n’ont aucun problème pour manger. En fait, on dirait qu’ils s’apprêtent à jeûner pendant une semaine, tellement ils mangent.
Je jette un œil à mes amies. Roxanne mange le même bout de pain depuis un quart d’heure. Judith, la sérénité incarnée, boit du chocolat chaud aussi normalement que si on s’apprêtait à aller en cours de Botanique. Ne peut-elle pas compatir et faire semblant de stresser un peu ?
Quant à James, il fait comme si il était parfaitement à l’aise, tout en ignorant copieusement les œillades de Barbara Hobbers à la table des Serdaigles. Mais en réalité, sous la table, il est en train de déchirer en tous petits morceaux son napperon.
– Bon, on y va, dit Woles en se levant.
Il n’a pas touché à son assiette.
OoOoO
Dans les vestiaires, notre capitaine essaie de nous encourager avec un discours. Mais, effet du stress, il n’arrive pas à s’arrêter de parler.
– On va les écraser comme des mouches, Robins, tape fort dans les cognards comme aux entraînements…
Robins est poursuiveur, mais il reste apathique.
– Ginger, garde bien les anneaux…
– Je suis l’attrapeuse…
– Ah ? Ah oui, c’est vrai. Alors, euh…
– On a compris le message, dit calmement Potter. Les gars, on s’est bien entraînés et on n’a aucune raison de perdre. Alors on y va, et on les écrase !
Kreeps et Carter sourient. Moi, j’en suis incapable, alors je grimace.
– Allons-y !
Nous sortons des vestiaires, et arrivons sur le terrain ; la foule d’élèves dans les gradins se met à hurler. J’ai tellement peur que je n’arrive plus à contrôler ma respiration. Mon cœur s’affole.
Je vais faire une crise cardiaque avant d’avoir pu m’envoler.
Fugue dans la forêt by Mak
Author's Notes:
Coucou ! Tout d'abord je voulais vous remercier pour toutes vos reviews super-gentilles. J'espère que ce chapitre vous plaira autant que les précédents !
By the way, j'ai toujours eu un peu de mal à me représenter les personnages des fics et parfois c'est chiant de pas pouvoir mettre un visage sur un nom. Donc j'ai remédié au problème --> maksstories.skyrock.com, je mettrai dessus les visages des persos de cette fic'. Pas besoins de commentaires ou quoi que ce soit, ce sera juste plus pratique pour vous.
Ok, j'me tais. Bonne lecture !
– Serrez-vous la main, dit M. Picsec, notre arbitre de Quidditch.
Woles écrase la main de Robert Peterson, capitaine de l’équipe de Serdaigle.
– Enfourchez vos balais !
Je passe une jambe par-dessus le manche, plus paniquée que jamais.
Je n’y arriverai pas. Je ne verrai pas le Vif d’Or, je vais tomber de mon balai, je vais me taper la honte…
Avant que ma conscience ait pu rajouter quoi que ce soit de plus pour me démoraliser, M. Picsec siffle le début du match et, par réflexe, je donne un grand coup de pied dans le sol.
Aussitôt, je me sens mille fois mieux. Le vent passe ses longs doigts fins dans mes cheveux, caresse chaque pore de ma peau. L’odeur du bois occulte ma panique, la paix s’insinue en moi. Le bonheur m’envahit.
Je tourne la tête vers nos buts, et je vois bien que c’est aussi le cas de Potter. Notre gardien est souriant, avec une lueur de défi dans le regard.
– Les Serdaigles ont le Souafle ! dit la voix de la commentatrice, Ella Filps, une Poufsouffle de quatrième année. Ackerley envoie à Starkey, qui passe à Selwyn, et… non, c’est Woles, le capitaine des Gryffondor, qui l’intercepte, qui l’envoie à Daniels – le nouveau poursuiveur, voyons ce qu’il vaut ! – Weasley, Daniels, beau rattrapage, qui l’envoie à nouveau à Woles, mais – aïe – un coup de Cognard, il lâche le souafle mais Starkey le rattrape, elle s’approche des buts des Gryffondors, elle tire et… Potter BLOQUE !
J’expire bruyamment, me rendant compte que j’avais retenu ma respiration pendant tout ce temps. J’arrête de me concentrer sur le commentaire du match et commence à décrire de larges cercles avec mon vieux Comète 290, à la recherche du Vif d’Or. A une vingtaine de mètres de moi, Robert Peterson, l’attrapeur adverse, fait de même en jetant de brefs coups d’œil vers moi.
Soudain, il plonge en piqué. Il a repéré le Vif avant moi ? Sans réfléchir, je fonce à sa suite. Le sol se rapproche à toute allure. J’espère vraiment qu’il a trouvé la balle en or, sinon, je vais m’écraser en beauté. Peterson jette alors un regard en arrière, et je comprends. Un cours théorique de vol me revient soudain en mémoire.
– Feinte de Wronski, disait Woles. L’attrapeur fonce vers le sol, faisant semblant d’avoir repéré le Vif d’Or : l’adversaire s’engage à sa suite, puis l’attrapeur remonte au dernier moment en chandelle, laissant l’adversaire s’écraser au sol. Enderson, tu m’écoutes ?
– Euh… oui ?
– Résume-moi ce que je viens de dire.
– Euuuuh…
– ENDERSON ! ECOUTE QUAND ON TE PARLE !
La preuve que j’ai écouté, c’est que maintenant je m’en souviens. Et toc ! Malheureusement, dans l’immédiat, je ne peux pas aller le voir pour le lui dire et lui tirer la langue.
Je m’apprête à ralentir, quand un mouvement très rapide retient mon attention. Je tourne la tête, continuant à foncer vers le sol, et aperçoit alors la petite balle, immobile devant un des étendards jaune-doré de Gryffondor, voletant au ras du sol.
Alors que Peterson remonte en chandelle, comme je l’avais prévu, je redresse légèrement le manche de mon balai et accélère vers les tribunes, en direction de la bannière de ma maison.
Je me suis souvent demandé si le Vif d’Or était capable de penser. En tout cas, on dirait qu’il m’a vue avancer vers lui, parce qu’il réagit alors que je suis à une dizaine de mètres de l’étendard. Il s’élève en ligne droite à une vitesse époustouflante. Je fais de même ; mon balai est à présent à la verticale. Il n’y a plus dans mon champ de vision que la petite balle et le ciel d’automne. Je m’accroche du mieux que je peux au manche de mon bon vieux Comète et m’apprête à lâcher une main, quand, du coin de l’œil, j’aperçois un bout de manche à balai surgir à ma droite. C’est Peterson, qui a un Nimbus 3001, bien plus rapide que mon vieux machin. Plus de temps à perdre. Sans réfléchir, je tends la main le plus vite possible, manquant de me déboîter le bras, et referme le poing sur le Vif d’Or.
Trois secondes plus tard, je réalise que je continue de foncer vers le ciel et ralentit. Je prends alors conscience des acclamations des Gryffondors, dans le stade, une centaine de mètres en bas. Je pousse un cri de joie, et, tendant le bras en l’air, la main toujours refermée sur la balle magique, je redescends lentement vers le terrain, alors que les membres de mon équipe de Quidditch se ruent sur moi, un air ravi plaqué sur le visage.
– Enderson a attrapé le Vif d’Or, s’exclame la voix de Filps la commentatrice, faisant remporter cent cinquante points à l’équipe de Gryffondor ; avec 330 à 150, GRYFFONDOR GAGNE LE MATCH !
OoOoO
Quelques heures plus tard, dans notre chambre, j’effectue une petite danse de la joie devant Jude et Roxanne, qui éclatent de rire.
– On a gagné ! Vous vous rendez compte ? Ga-gné !
– Ah bon ? fait mine de s’étonner Jude.
– J’avais pas remarqué, ajoute Rox. C’est pour ça que tu glapis depuis la fin du match ?
– Et que les Gryffondors ont fait la fête toute la journée ? Je me disais, aussi…
Je lui envoie un coussin dans la tête, et elle répond en m’envoyant un polochon au visage.
– Bon, on va manger ? demande Judith après s’être vaporisé du parfum à la lavande dans le cou.
Je m’apprête à acquiescer quand je vois Pilpel à la fenêtre. Il tient un parchemin à la patte et a l’air un peu sonné. Il vient sans doute de foncer contre les carreaux.
– Avancez, je vous rejoins, dis-je précipitamment, en espérant qu’elles seront parties au moment où il recommencera à tambouriner la vitre avec sa tête de piaf.
Elles quittent la pièce, non sans un regard étonné derrière elles. Je me lève et vais ouvrir à mon oiseau. Il sautille sur le rebord de la fenêtre et tombe par terre. Je décroche avec hâte le parchemin à sa patte sans faire attention à son hululement fatigué, et déroule la lettre, très courte, écrite d’une écriture ronde et soignée, tandis que Pilpel trottine jusqu’à l’écuelle de Pepsi pour lui piquer sa nourriture.
A Ginger. Merci d’avoir accepté. Nous devrons faire semblant de sortir ensemble. On se voit dans quatre jours.
Mais… Il a changé les règles du jeu !
Je m’apprête à lui renvoyer une lettre d’insultes, mais ma conscience murmure alors : « C’est l’occasion rêvée de montrer à Potter que tu n’es pas frigide. »
Vu comme ça…
Je lance un Incendio sur la lettre, qui forme alors un petit tas de cendre dans mes mains. Je lance le tout par la fenêtre, dans le noir de la nuit.
Je m’apprête à partir, quand je vois, sur la table de nuit de Judith, un petit livre à la couverture en cuir. Intriguée, je m’en empare ; Judith aime lire, certes, mais ses goûts à elles se trouvent plutôt parmi les livres moldus… Et clairement, ce livre n’en est pas un.
Mythes et légendes scandinaves. En dessous, une étiquette précise : «Appartient à la bibliothèque de Poudlard. » Ce n’est même pas un roman ! Pourquoi a-t-elle emprunté ça ?
J’ouvre le bouquin à une page au hasard, et tombe sur un chapitre nommé : «Les Valkyries. »
Poussée par ma curiosité, je commence à lire.
Le terme Valkyrie, ou Walkyrie, qui signifie « celles qui choisissent les morts au combat », illustre bien la fonction de ces femmes dans la mythologie nordique moldue. Servantes et messagères du dieu Odin, ce sont elles qui décident du dénouement des batailles.
Le nombre et les noms des Valkyries varient selon les légendes ou les poèmes. Si les moldus en retiennent treize, nous pouvons remarquer qu’elles sont, en réalité, sept : Brynhildr (destinée de la bataille), Hrist (effroi), Mist (brouillard), Hildr (bataille), Prudr (pouvoir), Kara (courage) et Gondul (baguette magique).
Odin, puissant sorcier, créa les Valkyries à partir d’animaux. Cela fait des Valkyries un genre d’animagi très particuliers : des animaux capables de se transformer en humains. Odin les avait créées dans le but de protéger son trésor le plus cher après sa mort. On dit du cœur des Valkyries qu’il est « intouchable » : tant que personne n’a découvert leur véritable identité, elles sont incapables du moindre sentiment. Seule une Valkyrie, la première, a échappé à cette règle.
Les Valkyries sont immortelles ; aucune arme ni aucun sort ne peut les tuer définitivement. En effet, elles ressuscitent continuellement, tant que leur identité n’est pas découverte. Une fois leur secret révélé, leur destin est scellé : elles sont destinées à mourir à la fin de leur dernière vie.
Je me demande quel genre de trésor Odin le sorcier pouvait avoir. Une baguette indestructible, ou quelque chose comme ça, peut être ? Mettant fin à mes interrogations, je tourne la page. Il y a une description de chacune des sept Valkyries, accompagnée d’une illustration, mais pas une illustration immobile ; ce sont des photographies de tableaux sorciers.
La première, Brynhildr, est une femme aux longs cheveux noir corbeau, portant une robe en lambeaux. Elle possède des ailes, squelettiques, dont les pointes ressemblent à des lames, et les agite avec lenteur en me fixant d’un air curieux.
Brynhildr est la Valkyrie décidant du destin de la bataille. Elle était la favorite d’Odin. Cette guerrière n’a de pitié que pour les enfants. A l’origine, Brynhildr était un corbeau.
Je regarde l’image de Brynhildr une dernière fois et tourne la page.
Une jeune femme aux cheveux roux attachés en chignon, portant une armure et brandissant une lance acérée et enflammée, occupe pratiquement toute la page. Elle a l’air redoutable et fait jouer son arme entre ses mains, les yeux remplis d’un air de défi.
Hrist a été créée pour inspirer l’effroi aux hommes, afin de choisir les plus valeureux d’entre eux. Elle est la plus belliqueuse des sept. Odin a transformé un loup pour la créer.
Je tourne à nouveau la page. La Valkyrie aux longs cheveux roux et aux yeux rouges m’observe, imperturbable. Elle porte une cape bleu foncé qui ressemble à des ailes, et est enfoncée dans la brume jusqu’aux genoux.
Selon la légende, Mist enveloppe les guerriers de brouillard pour les transporter dans l’au-delà scandinave, afin qu’ils ne retrouvent jamais le chemin pour revenir sur terre. En réalité, son pouvoir de faire surgir la brume autour d’elle permet d’avantager ou au contraire de nuire aux guerriers ; elle décide du destin des hommes. Elle fut créée à partir d’un corbeau.
A la page suivante, une femme aux cheveux blonds attachés me lance un regard très dur, puis fait mine de m’ignorer. Je remarque qu’elle est la plus immobile de toutes les images que j’ai vues jusqu’ici. Elle porte une robe bleue, couverte de dentelle, s’arrêtant au niveau des cuisses, et tient fermement une épée longue et effilée, couverte de sang.
Hildr, Valkyrie de la bataille, est la seconde louve transformée. Sa cruauté est mythique ; elle tue sans raison, comme les loups déciment, pour s’occuper, des troupeaux entiers. La légende dit que la voir est signe de mort.
Le personnage de la page d’après, aux cheveux roux recouverts d’un drap blanc, est vêtu d’un tissu blanc en lambeaux, entourant sa poitrine. Ses jambes et ses bras sont recouverts de tissu noir. Dans sa main gauche, elle tient une lame courte, pointée vers son cœur ; du manche du petit poignard s’échappe une fumée bleue, dessinant des crânes dans le vide. Ses yeux sont de la même couleur peu naturelle que la fumée et regardent un point derrière moi. Elle non plus ne bouge pratiquement pas.
Gondul, la Valkyrie à la baguette magique, fut également créée à partir d’un corbeau. Elle fut la seule dotée du pouvoir des sorciers par Odin. Les Scandinaves la considèrent généralement comme la créatrice de la magie noire.
En tournant la page pour découvrir l’avant-dernière Valkyrie, je me demande si toutes ces légendes sont vraies. D’un côté, le livre parle d’elles en utilisant le présent, comme pour laisser entendre que leur existence est véritable. D’un autre côté, ces légendes ont plusieurs siècles ; non seulement elles ne sont pas dignes de confiance, mais en plus, les Valkyries, si elles existent, sont sans doute mortes à présent.
Le livre offre à ma vue une dame souriante, d’une grande beauté, aux cheveux d’argent et à la robe blanche. Dans ses mains flotte une boule d’énergie pure.
Prudr, la Valkyrie du pouvoir, donne aux guerriers la force de se battre. A l’origine, elle était un loup blanc. Sa puissance magique est la plus grande de celles de toutes les autres Valkyries.
La dernière Valkyrie représentée a des cheveux blancs attachés dans une longue queue de cheval. Toute de bleu vêtue, elle a trois paires d’ailes blanches dans le dos et une couronne d’argent au sommet de son crâne. Elle tient un sabre en acier à l’aspect tranchant, et virevolte dans les airs, les yeux fermés, concentrée.
Kara inspirait le courage aux hommes sur le champ de bataille. Elle est la seule à avoir été créée à partir d’un cygne ; symbole de l’amour, elle peut éprouver des sentiments pour les humains. Odin, en la créant, prédit que par affection pour un homme, Kara lui révèlerait elle-même sa véritable nature, faisant basculer son destin vers la mort.
Joyeux.
– Ginger, qu’est-ce que tu fabriques ?
Surprise, je lâche le livre qui tombe par terre dans un bruit sourd. Je lève la tête ; Judith, l’air inquiète, se tient dans l’encadrement de la porte.
– Tu as dit que tu nous rejoignais, et ça fait vingt bonnes minutes qu’on t’attend. Qu’est-ce que tu faisais ?
– Oh, je suis tombée sur ce livre... Pourquoi tu lis les Mythes et légendes scandinaves ?
– Ca ? Je l’ai emprunté pour faire plaisir à mon père.
– Comment ça ?
– Tu te rappelles les industriels norvégiens avec lesquels mon père devait faire affaire, cet été ? Eh bien, il n’a pas réussi à les convaincre, en tout cas ils n’ont pas encore signé. Il voulait donc que je fasse des recherches de mon côté sur la culture norvégienne, histoire d’avoir un peu plus de trucs à dire au prochain dîner. Ce qui est ridicule, puisque tout ce que je trouve ici est écrit du point de vue des sorciers. Mais bon, ça ne me dérange pas, si ça me permet d’aller là-bas !
Elle marque une pause, puis ajoute :
– Au fait, pourquoi mon chien essaie-t-il de bouffer ton hibou ?
– Encore ?
– On dirait bien.
– J’arrive, dis-je en arrachant Pilpel des griffes de Pepsi qui n’a vraiment pas l’air content qu’on ait essayé de lui piquer sa nourriture, avant de lancer le hibou par la fenêtre.
Je le regarde tomber en chute libre, puis agiter des ailes au dernier moment et s’envoler vers la Volière. Je ne m’inquiète pas de son état : ce hibou est indestructible, ça fait des années qu’il se brise les os contre tout ce qu’il peut trouver, c’est pas un chien qui lui donnera du fil à retordre. Puis je suis Judith en-dehors de la chambre.
En arrivant à table, la seule place disponible est en face de Potter et Hobbers, sa petite amie stupide. Dès qu’il m’aperçoit, il se tourne vers Barbara et se met à l’embrasser. Abercrombie, assis à côté de lui, les regarde pendant cinq secondes puis repousse son assiette, dégoûté.
Quand ils se décollent enfin l’un de l’autre, Barbara reprend son babillage incessant :
– Pour le bal, j’ai prévu de mettre ma petite robe verte à manches courtes, et je porterai des bas de soie noire, qu’en penses-tu ? D’ailleurs, ajoute-t-elle sans donner l’occasion au pauvre Potter de répondre, je ne sais toujours pas quoi mettre comme chaussures, les talons ou les ballerines, parce que les talons me grandiraient, mais j’ai toujours trouvé les ballerines plus classes que les talons, pas toi ?
– Tu voudrais pas l’embrasser, James ? marmonne Roxanne. Histoire qu’elle arrête de parler.
Barbara Hobbers continue de piailler ; elle n’a pas entendu Roxanne, au contraire de James qui lui lance un regard noir.
– Tu vois, Potter, j’ajoute, ça me fait une raison de plus de ne pas être jalouse de toi. Au moins, moi, je ne subis pas les monologues de Hobbers.
Hobbers s’arrête brusquement et me lance un regard outré. Cool ! J’ai trouvé le moyen de l’arrêter !
– Laisse-le tranquille, soupire Abercrombie.
– Oh, comme c’est mignon, Lacoste protège son chéri.
– Abercrombie, grince-t-il.
– Pourquoi tu l’appelles toujours différemment ? demande innocemment Wright.
– J’ai du mal avec les noms de vêtements.
– Comment ça ?
– Tu ne connais rien à la culture moldue, toi, pas vrai ? demande Roxanne.
– Non.
– Abercrombie est un nom de pull, lui apprend-elle.
– Personnellement, dit Potter, je préfèrerais avoir un nom de pull que ne pas avoir de parents.
– Dommage, tu n’as pas un nom de pull, je réponds du tac-au-tac.
– Arrêtez de vous disputer, tous les deux, nous coupe Wright. Pourquoi passez-vous votre temps à vous envoyer des piques ?
– Parce qu’elle est complètement débile.
– Mauvaise réponse, ta copine est complètement débile aussi, je réplique.
Il y a un blanc.
– Vous parlez de qui ? demande Hobbers en fronçant les sourcils.
On parlait trop vite pour qu’elle ait pu comprendre, d’autant plus qu’elle était déconcentrée parce qu’elle était en train de chercher quelque chose à me répondre après que j’ai parlé de ses monologues.
– D’un thon assis à côté de James, répond Roxanne.
Barbara regarde Abercrombie, installé de l’autre côté de Potter.
– Ne traites pas Thomas de thon, dit-elle d’un air menaçant.
Roxanne se frappe le front du plat de la main, l’air affligé, et Hobbers a l’air encore plus furieuse.
– Rassure-toi, on ne parlait pas de Thomas, dis-je avec un petit sourire. En tout cas pas que de lui. (Je murmure à Roxanne :) Je crains que la bêtise de Potter déteigne beaucoup sur ses amis…
– Ca suffit, dit Judith.
Je la regarde avec des yeux ronds.
– Depuis quand tu prends la défense des poissons sans cervelle ?
– Depuis que tu te comportes comme un poisson sans cervelle.
– PARDON ?
– Tu as très bien entendu.
Elle ne sourit pas du tout. Judith ne plaisante pas. Elle me prend vraiment pour un poisson sans cervelle ?
Je me lève, choquée, et sors de la Grande Salle à grands pas, sans me retourner. J’espère que Judith va m’arrêter, me dire qu’elle est désolée de m’avoir insultée, mais rien ne se passe. Alors je sors du château et cours vers la forêt.
Je ne sais pas depuis combien de temps je cours. Je cours à perdre haleine, je veux courir jusqu’à ne plus me souvenir, jusqu’à oublier ce qu’il vient de se passer. Je veux qu’il fasse si noir que je ne puisse plus voir autour de moi, et que je ne puisse plus faire face à la réalité. Je ne me suis jamais disputé avec Judith. Qu’une de mes amies dise du mal de moi, c’est mon identité qui s’effondre.
Quand mes larmes se tarissent, je regarde autour de moi. Je suis enfoncée dans le bois, je ne sais pas du tout où je suis. Sans que je ne m’en sois rendu compte, j’ai grimpé à un arbre. Je suis debout sur une branche et observe la forêt alentour.
J’aimerais rester perchée ici pour toujours. Mais je sais que je dois redresser la tête et continuer à avancer dans le chemin de la vie.
Mais qu’est-ce que j’ai dit de mal ? J’ai critiqué les amis stupides de Potter. Rien de nouveau par rapport à d’habitude… Ou alors elle déteste ça depuis le début ? Jour après jour, mon comportement l’a insupportée jusqu’au point de non-retour…
– Ginger !
– Ginger, où es-tu ?
Ce sont les voix de mes amies. J’ai bien envie de descendre les rejoindre mais… une vision m’arrête net.
– Ginger ! Je pensais pas du tout à ce que je racontais ! Le poisson sans cervelle, c’est moi !
– Allez, viens…
– … Les Acromentules risquent de te trouver avant nous si tu ne viens pas, Gin. Allez, viens…
J’entends un sanglot. Je suis toujours glacée, perchée sur ma branche. C’est quoi, ce délire ?
– J’aurais jamais dû lui dire ça. Je ne le pensais même pas, en plus, souffle Jude.
– T’en fais pas, vous allez vous expliquer, et ça va s’arranger, la rassure Roxanne.
Malgré tout, l’inquiétude perce dans sa voix.
Je les vois s’avancer vers mon arbre. Elles ne lèvent pas la tête et ne m’aperçoivent donc pas. Tant mieux. Judith, le visage ravagé, s’adosse contre le tronc et enfouit sa tête dans ses mains. Ses épaules se secouent silencieusement.
A ce moment-là, j’ai failli signaler ma présence. Jude m’inspirait de la pitié. Et je savais qu’elle cesserait de pleurer si je descendais. Mais j’étais trop choquée par la découverte que je venais de faire pour envisager cette alternative.
Mes pieds … ne sont plus des pieds.
D’énormes griffes noires surgissent du bas de ma jupe, terminant de longues jambes ébène et trop maigres pour être humaines. Je passe ma main devant mes yeux : rien ne change. Je ne rêve pas.
Au pied de l’arbre, Roxanne prend le bras de Judith, dont le visage est encore baigné de larmes, et l’entraîne plus loin, pour me chercher sans doute.
Quand je n’entends plus les feuilles mortes craquer sous leurs pieds, je ferme les yeux, et compte jusqu’à trois. Je les rouvre.
Mes jambes sont tout à fait normales.
Je ne sais que penser. Soit j’ai eu une hallucination – ce serait bien le genre de Potter de me mettre une potion de confusion dans mon verre – soit cet arbre, ou cette forêt, a des propriétés bien étranges, soit Potter m’a lancé un sortilège pendant que je sortais de la Grande Salle.
J’entreprends de descendre de l’arbre, très lentement, de branche en branche, pour ne pas me casser la figure. Je me demande comment j’ai pu monter là-haut sans m’en rendre compte.
Enfin, je pose mes pieds sur le plancher des vaches. J’expire bruyamment… puis je regarde autour de moi. Les arbres se ressemblent tous. Comment vais-je trouver la sortie ?
Cette forêt est flippante, en plus. Il paraît qu’un loup-garou y rôde tous les mois… Si ça se trouve, je vais me faire bouffer… Soudain, j’entends les feuilles mortes bruisser derrière moi. Un lourd regard pèse sur mes épaules.
C’est le loup-garou, j’en suis sûre ! Il va me bouffer, je vais mourir !
Prenant mon courage à deux mains, je me retourne lentement.
End Notes:
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Une paire d’yeux dorés me scrute avec curiosité. C’est un chat. Un simple chat.
Il y a des chats dans la forêt ?
– Mais qu’est-ce que tu fais ici ? s’écrie une grosse voix.
Mon cœur fait un bond. Je fais volte-face et étouffe un cri ; je suis nez-à-nez avec Hagrid, le garde-chasse. Il a l’air furieux. Et je n’aime pas trop mettre les demi-géants furieux.
– Il est interdit aux élèves de pénétrer dans la forêt sans être accompagné d’un adulte ! Et en plus, le couvre-feu est passé depuis longtemps ! Tu as conscience du nombre d’animaux dangereux qui vivent ici ?
Terrorisée, je balbutie des paroles incohérentes, et finit par fondre en larmes – ok, je surjoue un peu, mais faut dire qu’il m’a vraiment fait peur. Aussitôt, l’attitude de Hagrid change.
– Bon, calme-toi, dit-il d’un ton bourru. Je vais te ramener au château. Mais n’espère pas te tirer de là sans punition !
J’acquiesce en essuyant mes larmes – ça marche plutôt bien, technique à retenir. Il se met en marche, et avant de le suivre, je jette un regard par-dessus mon épaule.
Pas de chat.
Ai-je rêvé ?
Ça ne ferait jamais qu’une hallucination de plus…
OoOoO
– Mais qu’allons-nous faire de vous, Miss Enderson ! crie Londubat. En deux mois, vous avez fait perdre plus de points à vous seule que l’ensemble des Gryffondors !
T’exagère, Nazaire. Jusque-là, je n’ai fait perdre qu’une quarantaine de points. Quoi que maintenant, prise à minuit dans la Forêt Interdite, je pense que je vais battre mon record de cette année…
Là, il m’accompagne chez la directrice, qui s’occupera en personne de mon cas. Je ne suis jamais entrée dans son bureau. On la dit sévère au possible. En attendant, je regarde mon prof de botanique vociférer, sans l’écouter. Je suis sereine. J’ai remarqué, au fil de mes années, que plus j’étais calme, plus il s’énervait sur moi. C’est assez amusant. Mais j’ai un minimum de respect pour lui, donc j’évite de rire quand il me crie dessus. Ce qui est assez difficile.
Nous arrivons finalement devant une gargouille qui semble avoir connu des jours meilleurs.
– Mot de passe ? demande-t-elle.
– Olive, dit Nazaire.
La gargouille acquiesce, puis s’écarte, nous délivrant le passage. Je grimpe sur la première marche de l’escalier en colimaçon, et l’escalier se met à monter tout seul.
Faut pas croire qu’on n’est pas évolués à Poudlard, on a même des escalators.
Nous arrivons devant une lourde porte en chêne. Mon professeur toque trois fois.
– Entrez, dit une voix froide à l’intérieur.
Il actionne la poignée et pousse la porte.
Le bureau est aussi bien rangé que celui de la vielle Wilson de mon ancien pensionnat. Tout est net et propre ; les papiers sur le bureau en bois clair sont arrangés en piles et aucun ne dépasse du paquet ; dans un coin de la pièce, une énorme armoire aux vitres en verre se tapit dans l’ombre. Je me demande ce qu’il y a à l’intérieur… A côté, un feu d’enfer ronfle dans l’âtre d’une cheminée en marbre. Juste derrière le bureau de la directrice se trouve le tableau d’un certain « A. Dumbledore ». Près du vieil homme à la longue barbe blanche est peint un drôle d’oiseau rouge particulièrement misérable. Il ne lui reste presque pas de plumes. Il est d’autant plus remarquable qu’il s’agit du seul animal peint dans cette pièce.
– Merci, Neville. Je vais m’en occuper, à présent.
M. Londubat hoche la tête puis quitte la pièce, fermant la porte derrière lui.
Ah, c’est vrai qu’il s’appelle Neville. Bah, je préfère Nazaire.
Je regarde la directrice. Elle me fixe droit dans les yeux, sans parler. Au bout de trente secondes, n’y tenant plus, je me tourne vers le tableau et dit, tout à trac :
– Euh… j’aime beaucoup cet oiseau.
Brusquement, l’oiseau s’enflamme en poussant un cri d’agonie, me faisant sursauter.
– Ne vous en faites pas, dit-elle calmement. C’est normal.
Oh. J’ai failli m’inquiéter. Bon, l’oiseau dans le tableau prend feu régulièrement, mais c’est normal ! Il doit sûrement être commandable à distance : un mot de passe comme « j’aime beaucoup votre oiseau » et il s’enflamme tout seul… Je veux le même !
En tout cas, il y a encore deux ou trois choses du monde sorcier que j’ai du mal à assimiler.
– C’est un phénix, précise-t-elle.
– Aaaaah…
Elle doit vraiment me prendre pour une abrutie, maintenant. Effectivement, elle a un air un peu surpris pendant une microseconde.
– Que faisiez-vous à une heure pareille dans la Forêt Interdite ? dit-elle d’une voix sévère, son visage se figeant à nouveau dans une expression impénétrable. Vous savez que vous n’avez pas le droit de vous y rendre, et encore moins après le couvre-feu, n’est-ce pas ?
Bigre, elle est intimidante, quand elle veut. Incapable de parler, je hoche très vite la tête.
– Et pourquoi y étiez-vous ?
– Je… n’en sais rien, dis-je d’une voix tremblotante.
Pas question de lui parler de ma dispute avec Judith. Ce serait vraiment ridicule.
– Je récapitule : vous êtes allée impunément dans un endroit où vous n’avez pas le droit d’aller, et… vous ne savez pas pourquoi.
Oups. C’est encore plus ridicule.
Mais je ferais mieux de ne pas me contredire, sinon, elle va comprendre que je mens et peut-être me faire avaler du véritaserum ou que sais-je encore… Et là je ne pourrai rien lui cacher. Ce serait encore plus ridicule.
– Oui.
Elle me fixe bizarrement, mais je ne cille pas. Au bout d’un temps infiniment long, elle m’annonce d’un ton sans appel :
– Je retire cinquante points à Gryffondor. Et vous serez collée pendant deux semaines, avec M. Potter.
– Pardon ?
Elle veut vraiment faire de ma vie un enfer ! Pourquoi avec lui ?
– M. Potter a été pris lui aussi dans la Forêt Interdite, ce soir.
– Pourquoi était-il là-bas ?
– J’aimerais bien le savoir. Il m’a dit qu’il n’en avait aucune idée.
Elle me lance un regard lourd de sous-entendus.
Oh, non. C’est pas vrai. Maintenant, elle doit penser que j’ai fait des trucs avec Potter dans la forêt.
Cette situation est encore plus gênante que je ne l’aurais cru.
– Bien. Vous pouvez disposer.
– Bonne soirée, madame.
Je m’approche de la porte, et, en jetant un dernier coup d’œil dans la pièce, je remarque un œuf, dans le tableau, au milieu des cendres de l’ancien phénix.
OoOoO
J’arrive devant la porte de ma chambre. Je reste un instant sur le pas de la porte, hésitante, puis j’entre.
Roxanne est assise dans son lit, ses bras serrant ses jambes repliées contre elle. Judith est en tailleur, par terre. Ses yeux sont rouges, son visage strié de larmes. Toutes deux redressent la tête en me voyant entrer, mais gardent le silence.
Je ne parle pas non plus, et reste adossée contre la porte, regardant nonchalamment la fenêtre au fond de la pièce. En réalité, mon cœur bat la chamade, et je sens mes yeux me brûler, comme avant de pleurer.
Finalement, Judith rompt le silence.
– Tu n’es pas un poisson sans cervelle, Ginger.
Je suis surprise de constater que sa voix est ferme, sans une once d’hésitation. Tout l’inverse de l’air qu’elle arbore.
– Ah bon ? dis-je naturellement, d’un air étonné.
Judith fait un pauvre sourire, et deux larmes lui échappent.
– Je suis vraiment désolée. Je ne le pensais pas…
– Si, tu le pensais. Mais tu avais parfaitement raison. Je suis bête de me disputer avec un abruti pareil, c’est une perte de temps.
– Si tu veux bien l’admettre…
Judith se lève brusquement et me serre dans ses bras.
– Si tu savais comme je suis désolée… sanglote-t-elle.
– Ca va, ça va, dis-je maladroitement.
Je sens des bras m’entourer. Je tourne la tête ; Roxanne s’est jointe à nous.
– Bah quoi, j’ai pas droit aux câlins, moi ?
– Nan, tu pues.
Elle s’écarte brutalement, et deux secondes plus tard, je sens un coussin percuter mon crâne.
– Hé ! Je te permets pas ! je m’exclame.
– Viens te battre si tu l’oses, morue !
OoOoO
La punition était horrible. On devait nettoyer l’intégralité des coupes de la Salle des Trophées, sans magie. Et ça fait beaucoup de coupes. Silencieusement, je prends une coupe au hasard et commence à la frotter. Le métal terni révèle peu à peu des lettres gravées à sa surface.
Coupe de Quidditch, 1975.
J’astique un peu plus fort, et découvre le nom des joueurs. Tous me sont inconnus. Sauf un.
James Potter, poursuiveur.
Ça doit être son grand-père, ou quelque chose comme ça. Je finis de nettoyer et passe à la coupe suivante. Encore une coupe de Quidditch, datant cette fois-ci de 1996.
Harry Potter, attrapeur.
Décidément !
Je repose la coupe plus loin. Je ne vais pas nettoyer toute la famille, quand même. J’attrape donc un trophée plus petit, en argent terne, au nom de Tom Jedusor. Enfin quelqu’un qui n’a pas de rapport avec les Potter !
Tout en frottant, mes éternelles interrogations refont surface. Et comme à chaque fois, je n’y trouve aucune réponse.
Qui sont mes parents ? Sont-ils morts ou vivants ? Sorciers ou moldus ? J’en sais rien. J’interrogerai les voisins de palier de l’appartement en flammes où j’ai été trouvée, peu de temps après ma naissance.
Si je n’ai aucune famille, ou que personne ne veut de moi, qui a payé mon pensionnat hors de prix pendant toutes ces années ? Peut-être une erreur administrative, ou quelque chose comme ça ? Et d’où sort mon compte à la banque de Gringotts ? Bon, je laisse ces questions en suspens aussi.
Que penser des noms qui m’évoquaient des souvenirs, lors de ma fouille des Archives ? Et si ce n’étaient que des noms de personnes célèbres dont je ne me souvenais qu’à moitié ?
Que s’est-il vraiment passé dans la forêt ? Hallucination ? Sort lancé par Potter ? Ou propriétés magiques de la forêt ? Je n’en ai pas parlé à Judith et Roxanne, j’avais peur d’avoir l’air ridicule. Mais je me demande…
Et qu’est-ce que Potter fabriquait dans la forêt ? Pour ça, par contre, je peux avoir une réponse !
– Potter, je l’appelle sans quitter ma coupe du regard.
– Qu’est-ce que tu veux ?
– Juste une question. Qu’est-ce que tu faisais, dans la forêt ?
– Euh… Et qu’est-ce que toi tu faisais ? réplique-t-il, fier de sa répartie.
Il est bête ou il le fait exprès ?
– Je venais de me disputer avec Judith. Je me suis cassée, c’est tout. Et toi, alors ?
Un ange passe. Je me retourne. Il est dos à moi, immobile.
– Ça me regarde, dit-il finalement.
– Merci pour cette réponse très utile et informative.
– La ferme.
Une question de plus à la liste de mes interrogations.
– Moi aussi, j’ai une question, dit alors Potter.
– Je ne vois pas pourquoi j’y répondrais, tu n’as pas répondu à la mienne.
– Tu as préparé ta déclaration d’amour ? Dans une semaine, ça fera deux mois que je sors avec
Barbara…
Crétin.
M’emmurant dans un silence obstiné, je frotte la coupe de Jedusor avec plus de force, jusqu’à ce que je sois capable de voir se refléter mes cheveux flamboyants dedans.
Ce fut la seule conversation de ma première semaine de colle avec Potter.
OoOoO
– Et ensuite, si on n’y arrive pas, on fait quoi ?
– Tu tournes trois fois la baguette en l’air, me répond Wright.
C’est malheureusement Flitwick qui a décidé des binômes pour le reste de ce premier trimestre. Je suis donc avec Wright, tandis que Roxanne et Judith sont ensemble.
Je tourne trois fois ma baguette comme il me l’a conseillé, mais rien ne se passe. Je ne suis pas prête de mettre le feu à mon petit tas de bois. Je réessaie plusieurs fois mais la méthode du livre est vraiment nulle !
Arthur, lui, enflamme allègrement tout ce qui passe à sa portée : plume, cours d’Histoire de la Magie, etc.
– Y a pas d’autres conseils ? «Pensez à quelqu’un que vous n’aimez pas. »
– Vraiment ? C’est écrit comme ça ? s’étonne-t-il en se penchant vers son livre.
– Non, mais ils devraient le mettre, dis-je en enflammant enfin le boisseau.
J’ai pensé très fort à la cape de Potter.
– Flitwick nous a demandé de faire autre chose ?
– Non, c’est tout pour aujourd’hui. Dis, tu vas vraiment à la soirée avec quelqu’un, ce soir ?
– Bien sûr, dis-je tout en mettant le feu à la trousse de Potter tandis qu’il drague une Poufsouffle. Tu me prends pour une mythomane ?
– Eh bien, comment te dire ça poliment… dit-il en souriant.
– Nom d’un chien, tu as de l’humour.
– Qui l’eût cru, n’est-ce pas ?
– Et toi, avec qui tu y vas ?
– Angèle Champrun. J’ai pas vraiment eu le choix.
– Pauvre homme, dis-je, sarcastique.
– Elle m’a menacé ! proteste Wright.
– Tu baisses dans mon estime. Contraint de sortir avec une Poupouf, je veux dire, une Poufsouffle, sous menace ! Ca craint. Elle t’a menacé de quoi, d’ailleurs ?
Pas de réponse. Je lève la tête : Wright est tout rouge.
– Quoi ? J’ai un peu chaud, c’est tout.
– Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu…
– Et la marmotte… quoi ?
– Oh, laisse tomber.
– Bien ! s’exclame notre professeur, à l’autre bout de la salle. Voyons ce que ça donne !
OoOoO
Avant d’entrer en cours de Défense Contre les Forces du Mal, toutes les filles du cours piaillent à propos de la soirée d’Halloween, prévue dans quelques heures à peine… Et nous n’y faisons pas exception.
– Tu dois voir ton cavalier à quelle heure, Ginger ?
– Huit heures pile, salle commune des Gryffondors.
– AHA ! Ça veut dire que c’est un Gryffondor !
– Quelle perspicacité.
– Bon, souffle Judith. Voilà mon plan. Quand on termine les cours à dix-sept heures, on remonte vite à la tour Gryffondor, on se rue sur les douches avant que les autres n’arrivent, et ensuite on …
– … on ligote et on bâillonne Jude, je complète.
– Non, s’impatiente-t-elle. On s’habille et on se maquille. Et on se coiffe, ajoute-t-elle en fixant mes cheveux emmêlés.
– Ca va être juste ! s’exclame Roxanne.
– Trois heures pour se préparer, ça va être juste ? je m’écrie, surprise.
– Ben oui. Il faut que tout soit parfait.
– Ne parle pas comme ça, Roxanne, on dirait Barbara Hobbers.
Celle-ci déblatère d’ailleurs son tissu d’âneries habituel à Potter, avec plus d’emphase que d’habitude. S’il n’était pas aussi insupportable, je crois que je le plaindrais.
La porte de la salle de cours s’ouvre toute seule, et nous entrons dans la pièce. Aujourd’hui, c’est une journée « tests » : on commence par un contrôle écrit, en une heure, puis une évaluation sur notre pratique des sortilèges. Je pense que j’ai bien réussi le test à l’écrit, à part cette question sur les caractéristiques des loups-garous.
Pour les évaluations pratiques, il nous fait faire des duels. Pour le premier duel, je me retrouve face à Barbara Hobbers.
– Je vais t’écraser, déclare-t-elle.
– C’qu’il faut pas entendre.
– Vous pouvez commencer !
– Serpensortia ! crie Hobbers.
Un ver de terre sort de sa baguette. Ridicule.
– Evanesco ! Tarentallegra !
Mon adversaire se met à danser et ne réagit pas. Elle fixe ses jambes, l’air incrédule.
– Aguamenti !
Une gerbe d’eau l’arrose. Sa tête est trempée.
– Mes cheveuuuuuuuuux ! J’en ai pour des heures !
– Pauvre chérie. Expelliarmus !
Sa baguette lui saute des mains, et je l’attrape en vol. Je la lui tends avec un grand sourire.
Elle me lance un regard meurtrier.
Pour mon deuxième duel, je me retrouve face à Roxanne.
– Désolée, dis-je avec un air triste, mais je vais devoir te battre.
– Ne t’en fais pas, tu n’y arriveras pas. Avis ! Oppugno !
Une myriade de canaris apparaissent et me foncent dessus.
– Evanesco !
Ils disparaissent presque tous dans un petit « plop ».
– Incendio !
Un long jet de flammes sort de sa baguette, mais je saute sur le côté pour l’esquiver. Elle l’a appris drôlement vite, son sortilège ! On l’a à peine vu ce matin !
– Expelliarmus ! crie-t-elle.
– Protego !
Le bouclier que j’ai créé fait rebondir son sort, qui la touche. Sa baguette s’envole.
– Désolée. Je crains bien être plus forte que toi !
– Je t’ai laissé gagner, avoue-t-elle en souriant.
– Quelle mauvaise foi !
Les duels se succèdent. Judith combat cinq élèves plus ou moins bien, mais se fait battre à plate couture par Wright. Lui-même fait un duel avec Potter, qui l’écrase, puis gagne le duel suivant avec Abercrombie. Quant à moi, j’ai vaincu tous mes adversaires.
Mon dernier combat est avec Potter.
– Salut, le poisson sans cervelle.
– Salut, M. Mes-cheveux-sont-mon-trésor-le-plus-cher.
Il fronce les sourcils en s’efforçant de ne pas passer sa main dans sa chevelure de jais.
– Oh, je t’ai fâché ? je demande d’une petite voix ridicule.
– Tu vas morfler.
– J’ai peur…
– Expelliarmus !
– Protego !
Il évite l’attaque et revient à la charge :
– Rictusempra !
Je suis prise d’une crise de fou rire. Entre deux gloussements, et tout en slalomant entre ses sortilèges, je m’écrie :
– Patanasus !
Le sort l’atteint de plein fouet, donnant à son nez une forme de patate. J’arrive enfin à m’arrêter de rire, et ajoute avant qu’il n’ait le temps de dire quoi que ce soit :
– Silencio !
Il ne peut plus parler. Et voilà ! Un duel gagné sans problème par…
Ma baguette m’échappe des mains et atterrit droit dans la paume de Potter, qui m’adresse un sourire goguenard.
Oh, non. Les sortilèges informulés. Mais c’est pas juste, on vient à peine de les apprendre en cours !
– Ce n’était pas épouvantable, Potter, dit Pendleton, notre prof de Défenses Contre les Forces du Mal. Mais j’ai vu mieux. Quant à vous, Enderson, c’était complètement idiot de votre part ! Même silencieux, l’adversaire reste dangereux. Bon, ajoute-t-il en s’adressant à la classe, vous me rendrez trente centimètres de parchemin sur le sortilège du silence pour la prochaine fois. Vous pouvez disposer.
Rouge de honte – comment j’ai pu me faire avoir comme ça ? – je réunis mes affaires et m’apprête à partir quand j’entends dans mon dos :
– Miss Enderson, M. Potter, restez, j’ai deux mots à vous dire.
Début de Débandade by Mak
Curieuse, je pose mes affaires sur une table et m’avance jusqu’au bureau du professeur. Potter fait de même. Quand le dernier élève est sorti, M. Pendleton se tourne vers nous et dit :
– Vous êtes parmi mes élèves les plus talentueux.
Oh là là, je crois que je suis en train d’hyperventiler. C’est la première fois qu’il complimente qui que ce soit. Je dois graver ce jour dans ma mémoire : « Le 31 octobre de ta sixième année, Pendleton a dit que tu étais talentueuse. »
– Au bureau des Aurors, nous avons besoin de jeunes comme vous, qui réagissent au quart de tour. Je vous propose deux heures d’entraînement par semaine, si vous voulez devenir Auror.
Potter a l’air ravi. Il va marcher dans les pas de son papa, le petiot, faut le comprendre.
Moi, par contre, est-ce que j’ai envie de risquer ma vie à chaque seconde pour poursuivre de dangereux criminels ? Ne pas savoir si je respirerai encore le lendemain ?
Je n’hésite pas une seconde.
– J’accepte.
– Je veux bien.
– Parfait. Tous les lundis, à partir de la semaine prochaine, de dix-sept heures à dix-neuf heures. Vous pouvez partir.
OoOoO
– Aïïïïïe ! Arrête de me tirer sur les cheveux !
– J’y peux rien si ça fait trois ans que tu ne te coiffes plus !
– Même pas vrai ! J’ai essayé de me coiffer il y a trois semaines !
– Humpf !
Désabusée, je regarde le reflet du miroir. Derrière moi, Judith s’escrime à me donner une coiffure convenable. Trois dents de la brosse se sont cassées dans mes cheveux ; elle a abandonné et s’essaie maintenant à des sortilèges de coiffure qui ne font vraiment pas l’affaire. Je vois alors Roxanne surgir derrière ma coiffeuse, baguette en main : d’un tour de poignet, elle rend mes cheveux plus plats qu’une conversation avec Barbara Hobbers.
– Mais comment tu fais ? s’écrie Judith, rouge d’épuisement.
– Tout est dans le poignet, répond Roxanne d’un air mystérieux.
J’ôte la robe noire du cintre et l’enfile.
– Bon, j’suis prête !
– Tu plaisantes ? Et le maquillage ?
Je grimace. Je pensais qu’elle avait oublié. Cette fille est démoniaque.
Au bout d’une heure, Roxanne et moi, on se regarde. Judith nous a peinturlurées. Je trouve ça ridicule. Mais Jude a l’air tellement ravie que je ne dis rien.
– Vous êtes si belles !
Tu parles, j’ai l’air de Bonzo le clown. Enfin, c’est mon cas. C’est vrai que Roxanne est jolie dans sa robe rouge. Et Judith, je n’en parle pas : elle a l’air d’un top model. Pourquoi je suis amie avec elle, déjà ? Pas pour me mettre en valeur, ça c’est sûr.
– Allez, on descend.
– Attendez, dit Roxanne. Je vais mettre un miroir dans ma pochette, histoire de pouvoir me remaquiller en cas d’émotion forte.
Dans le monde de Roxanne, chaque jour est digne d’un épisode de 24h chrono.
– Excellente idée, je l’encourage. Tu me le prêteras ? Je vais pouvoir enlever toute cette peinture de mon visage.
– Si tu oses faire ça, on retrouvera ton corps éparpillé dans tout le château demain matin, me menace Judith. J’ai passé trop de temps à te maquiller pour voir tout disparaître.
– Où rejoins-tu Peterson, Jude ? demande Roxanne, changeant de sujet.
– Dans la salle commune des Gryffondors. Je lui ai donné le mot de passe, de toute façon il change demain. J’espère juste qu’il s’en souviendra, la mémoire n’est pas son fort…
Je jette un coup d’œil à la pendule de notre chambre. Il est huit heures.
– Allons-y maintenant, je propose.
– On va enfin savoir qui est ton prince charmant ! jubile Judith.
– Prince charmant ? fait Roxanne, étonnée.
– Oui, c’est… oh, je t’expliquerai plus tard.
Nous descendons les escaliers du dortoir. En contrebas, les garçons, sur leur trente et un, regardent Judith limite en bavant. Tous les mêmes, c’est navrant.
J’aperçois Peterson, plus beau que jamais – finalement, il se sera souvenu du mot de passe – et Charles Woles, souriant gentiment à Roxanne. Bon sang, c’est la première fois que je le vois sans son air sadique des entraînements de Quidditch.
Pas trace d’Albus. S’il me pose un lapin, je le lapide.
Judith et Roxanne me lancent un regard interrogateur.
– Nan, il est pas encore arrivé.
Arrivée en bas, je m’adosse aux escaliers, les bras croisés contre ma poitrine. Je fixe le dortoir des garçons, mais la porte ne s’ouvre pas.
– J’en étais sûr, dit une voix narquoise.
Je tourne la tête : ô surprise, c’est James Potter.
– Ravie de le savoir. Pour une fois que tu es sûr de toi ! j’ironise.
– C’était du mytho. Tu n’y vas avec personne !
– Je ne suis pas personne, fait remarquer une voix dans son dos.
Il se retourne : c’est Albus.
– Ne te mêle pas de ça, Al.
…
– Attends, qu’est-ce que tu viens de dire ?
Faut le temps que l’information monte au cerveau…
– Bonsoir, Ginger. Tu es magnifique, dit Albus en me souriant, ignorant superbement son frère.
Je jette un œil à Potter et manque de me fêler une côte en me retenant de rire. Il a les yeux écarquillés, et ouvre et referme sa bouche, comme s’il essayait de parler. Mais aucun son ne sort.
– On y va ? me demande Albus en me prenant la main.
Je jette un dernier coup d’œil à Potter, histoire de graver sa tête dans ma mémoire, puis nous nous éloignons bras dessus bras dessous.
– C’était génial, lui dis-je une fois que nous sommes seuls. Tu connais d’autres façons de mettre ton frère dans cet état ?
– Je n’essaie pas vraiment, à vrai dire, répond Albus. Généralement, quand il fait cette tête-là, tu peux compter environ une heure tranquille avant qu’il ne vienne s’acharner sur toi.
– On verra ça.
Je souris. On va bien se marrer, ce soir.
– Il n’a pas été nécessaire de s’embrasser pour l’énerver, mais on risque d’avoir besoin de le faire dans la soirée. Je suis vraiment désolé de ne pas t’avoir prévenue plus tôt…
– C’est pas grave, ça ne me dérange pas.
Il devient tout rouge. Je ne savais pas que physiquement c’était possible de devenir aussi écarlate.
– Ginger ! Attends !
C’est Roxanne. Je me retourne lentement.
– Quoi ?
– Je peux te parler en privé ?
– Allez-y, dit Albus.
Roxanne me tire par le bras dans le renfoncement d’un mur.
– Alors c’est lui ton amoureux ? Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit ? J’aurais pu t’arranger un coup il y a longtemps…
– Ecoute Roxanne, ce n’est pas mon amoureux, on est juste… euh… amis.
Je ne sais pas comment elle va réagir si elle sait que sa cousine sort avec le dernier Malfoy. Mieux vaut ne pas lui en parler.
– Tu as forcé Albus à t’inviter à cette soirée ?
– Non, je l’ai invité, nuance.
– Pourquoi lui ?
– Parce qu’on sort ensemble.
– Ah oui, et depuis quand ? demande-t-elle, surprise.
– Depuis… Une semaine.
– Ce sont les garçons qui sont censés t’inviter, pas l’inverse ! s’énerve-t-elle.
– Hmm. Si tu le dis. Au fait, tu n’aurais pas oublié de prendre « quelque chose » avec toi ? Parce que « quelque chose» risque de mal le prendre si tu l’abandonnes tous les quarts d’heure.
– Chuck ! Je l’ai complètement oublié !
Oublier son cavalier, un soir de bal… Typique de Roxanne. Elle s’en va en courant à moitié. Oui, à moitié. Vous avez déjà essayé de courir en talons aiguille, vous ?
– Désolée, dis-je en revenant vers Albus.
– Qu’est-ce qu’elle voulait ?
– Oh, rien … Rien d’important.
Les elfes de Poudlard se sont surpassés pour décorer la Grande Salle. De grandes tentures orange ornent les murs, et des citrouilles énormes sont disposées dans tous les coins de la salle.
Je guide Albus vers la table des Gryffondors, où Judith est déjà installée avec son cavalier. Je préciserai même qu’elle est collée audit cavalier.
– Judith… Coucou…
Elle ne répond pas.
– Judith, tu m’entends ?
Apparemment non. Albus se tortille sur sa chaise, gêné. J’aurais dû m’asseoir à une autre table, à chaque fois c’est la même chose.
– Coucou ! On peut s’asseoir ici ? demande Roxanne, surgissant derrière moi avec son cavalier, quelque peu froissé d’avoir été aussi facilement oublié.
– Bien entendu, répondis-je avec un grand sourire.
Elle coule un regard sournois vers Judith, puis dit innocemment :
– Tiens, Arthur Wright vient par ici…
Jude se décolle instantanément de Peterson, qui a l’air un peu vexé, et nous adresse un grand sourire.
– Oh, salut ! Je ne vous avais pas vus !
Jude a le béguin pour Wright ? Comment Roxanne a-t-elle deviné ça ?
– Bonsoir, dit poliment Albus.
Il fait une drôle de tête, comme s’il était sur le point de prendre ses jambes à son cou, en regardant le mince fil de bave entre la bouche de Judith et celle de Robert Peterson.
– Je m’appelle Judith. Enchantée !
Elle tend sa main par-dessus la table. Albus la lui serre très brièvement, on dirait qu’il a peur qu’elle lui saute dessus. Je le rassurerais bien en lui disant qu’il n’est pas son genre, mais le voir faire cette tête est nettement plus amusant.
– Bonsoir ! On peut s’installer ici ? dit une voix enjouée dans mon dos.
– Tu plaisantes ? piaille une autre voix, plus aigüe. Pas avec cette… chose !
– Bonsoir, Arthur. Bonsoir, Champrun, dis-je en me retournant, un grand sourire hypocrite plaqué sur les lèvres. Mais bien sûr que vous pouvez venir vous asseoir.
– Hors de question !
– La chose est méchante quand on refuse ses ordres, je chantonne. J’ai même entendu que quand la chose s’énerve, elle colore les cheveux des gens en … en vert.
Je lance un regard appuyé sur les cheveux blonds de Champrun, qui pâlit.
– Bon, pourquoi ne pas s’installer ici, après tout ? dit-elle d’une voix chevrotante.
Wright s’installe à côté de moi, et sa cavalière à côté de lui.
Comment une abrutie pareille a réussi à avoir un moyen de pression sur lui ? Elle ne le menace pas avec un sortilège ; ça, j’en suis à peu près sûre, Arthur a quand même un bon niveau. Cacherait-elle des talents dans les enchantements derrière ses trois tonnes de maquillage ? Ou alors elle sait quelque chose sur son compte, qu’il ne veut vraiment pas qu’on révèle… De quoi et de qui peut-il s’agir ?
Je suis tirée de mes pensées par un brun à lunettes, qui prend une chaise de notre table en disant :
– Arthur, tu ne devineras jamais avec qui j’ai vu Enderson…
– Désolée, Potter, mais je crois qu’il a deviné, fais-je calmement remarquer.
Potter se fige. Il ne m’avait pas vue. Il devrait changer de lunettes.
– Qu’est-ce que tu fiches ici ? lâche-t-il d’un ton sec.
– Eh bien, j’étais tranquillement assise. C’est tout. Je te signale que c’est toi qui viens d’arriver, n’échange pas les rôles, s’il-te-plaît.
– Pourquoi tu t’es assise à côté d’Arthur ?
– En fait, c’est lui qui s’est assis à côté de moi.
– Viens, on se casse.
Champrun se lève d’un bond, ravie.
– Sans moi, dit Arthur Wright.
Toute la tablée le regarde avec des yeux ronds (sauf Judith et « Bob », s’embrassant passionnément).
– Je veux dire, James, tu peux aussi ignorer Ginger, non ? insiste Arthur.
– Tu l’appelles par son prénom ? s’étouffe Potter, choqué.
– La chose aime bien qu’on l’appelle par son prénom.
– Enderson, la ferme. Et je ne sais pas si je pourrai ignorer longtemps que mon frère, mon propre frère, sort avec ce…ce cageot !
– Attends, c’est toi qui dis que je sors avec un cageot ? s’écrie Albus, indigné. Et toi, tu sors avec quoi ?
– Avec moi, claironne Barbara Hobbers, surgissant de nulle part dans une robe qui la boudine de partout.
Et elle a l’air contente. Sans commentaire.
– On se pose ici ? ajoute-t-elle en s’asseyant à notre table.
Potter est en plein dilemme. Il se trouve au cœur d’une situation délicate : lui dire non, risquer une scène de ménage qui le conduirait à se faire larguer par Hobbers, perdre son pari avec moi (sortir avec une fille pendant plus de deux mois) – et, accessoirement, se faire descendre par une tête de piaf, pas génial pour un type orgueilleux comme lui –, ou dire oui et manger à ma table. Je le vois peser le pour et le contre pendant de longues secondes, puis dire finalement :
– Ok.
On dirait qu’Angèle Champrun va faire une crise cardiaque. J’espère qu’il y aura du popcorn !
– Salut les gars… Mais… Pourquoi vous vous êtes assis avec Enderson ? demande Abercrombie qui vient d’arriver, l’air étonné.
Vous ne devinerez jamais qui est sa cavalière ? Ce n’est autre que Lenny Perry, la Serdaigle canon, rivale de Judith, et qui convoitait le poste de petite amie de Robert Peterson. La beauté fatale lance un regard noir à son ennemie – et Judith la fusille du regard également, se décollant une bonne fois pour toutes de Peterson – puis tire une chaise et s’assoit.
Cette soirée commence super bien.
Author's Notes:
Hello ! Tout d'abord merci beaucoup pour toutes vos reviews. J'espère que vous passez de bonnes vacances, etc etc...
Et que ce chapitre vous plaira autant que moi, j'ai pris de plaisir à l'écrire.
Bonne lecture !
Je résume la situation :
Pour cette soirée, je suis la cavalière et la petite amie d’Albus, afin que son frère déverse ses foudres sur nous plutôt que sur sa cousine qui sort avec Malfoy. Heureusement, la furie de Potter est moins forte qu’elle ne devrait l’être. Ca doit faire un bon quart d’heure qu’il regarde dans le vide, ignorant l’interminable discours de Barbara Hobbers, sa petite amie qu’il déteste : autant dire qu’il est aussi réactif qu’un rat mort.
Judith sort avec Robert Peterson, et Lenny Perry est prête à tuer pour prendre sa place. Littéralement.
Arthur Wright a amené une Poupouf capable de faire du chantage (spécimen très rare). La Poufsouffle en question, j’ai nommé Angèle Champrun, veut assassiner Roxanne. Motif du meurtre : mon amie est la cavalière de Charles Woles.
Tout ce joli monde, évidemment, est réuni à la même table. Joyeux Halloween !
Abercrombie, comme d’habitude, n’est mêlé à aucune de ces histoires marrantes. Ce garçon ne sert décidément à rien.
– On mange ? demande celui-ci innocemment, histoire de détendre un minimum l’atmosphère.
– Tu vois de la nourriture quelque part ? je réplique.
– Euh… Non.
– Alors on ne mange pas.
Silence autour de la table (si on excepte le babillage de Hobbers). Il me fusille du regard mais ne dit rien.
La porte, située dans le dos de Potter, s’ouvre : c’est Hedvig Virtanen, la Serpentard en septième année. Ses longs cheveux blonds sont relevés en chignon, dévoilant sa nuque délicate, et sa robe bleu pâle de princesse s’accorde parfaitement avec la couleur de ses yeux glacés.
– Cette fille fait un peu peur, non ? fais-je remarquer.
– C’est sûr que tu ne dois pas souvent voir la beauté, fait remarquer Potter qui s’est retourné pour voir Hedvig. Pas dans ton miroir en tout cas.
– Non, elle ne me fait pas tellement peur, à moi, dit Albus d’une voix douce en ignorant son frère.
Potter jette négligemment un œil vers nous, et se retourne pour observer les arrivants, quand je réalise qu’un jeune garçon aux cheveux blonds, presque blancs, vient de passer la porte d’entrée de la Grande Salle. Il regarde derrière lui et s’arrête ; il semble attendre que quelqu’un arrive.
Oh, oh. C’est Malefoy. Et il y a toutes les chances pour qu’il soit en train d’attendre Rose Weasley.
Je donne un léger coup de pied sous la table à Albus et m’écrie :
– Chéri, tu ne veux pas te rapprocher un peu de moi ?
Potter se retourne à une vitesse effrayante. Il a l’air complètement dégoûté.
Juste à temps : Rose Weasley entre dans la salle et va droit vers Malfoy.
– Mais, on est déjà collés l’un à l’autre, mon lapin, répond gentiment Albus, qui a compris mon manège.
Potter grimace quand son frère m’appelle « mon lapin ». Derrière lui, Rose et Scorpius s’embrassent tendrement. Ils ne veulent pas se cacher, ces idiots ? S’ils se font attraper par Potter, tant pis pour eux.
– Alby, s’il te plaît…
– Alby ? marmonne Potter en se retournant. Ridicule.
– NON !
Il nous regarde, surpris. Albus et moi avons crié en chœur. Je jette un œil au-dessus de son épaule : les deux amoureux sont partis voir ailleurs.
Mission accomplie.
– Quoi ? dis-je, agressive, à Potter qui continue de nous regarder, intrigué.
Il hausse les épaules et se retourne.
– Votre attention, s’il-vous-plaît !
A la table des professeurs, dans une robe violette, la directrice vient de parler. La salle devient silencieuse.
– En ce 31 octobre, je vous demanderai de bien vous tenir afin que nous passions tous une agréable soirée. Bon appétit et joyeux Halloween !
Des plats surgissent alors au milieu de notre table. Je ramasse quelques pommes sur la table et commence à en grignoter une. Abercrombie me regarde avec étonnement.
– Tu ne manges que des pommes ?
– Oui.
– Toujours ?
- Non. Seulement quand je suis à table avec des imbéciles. Les pommes sont d’excellents projectiles. Regarde un peu.
Je lance ma pomme en l’air, la rattrape, puis l’envoie de toutes mes forces vers la table des Poufsouffles. Elle rebondit sur la tête de Lola Darby, la fille que j’ai attaquée en début d’année, lui enfonçant sa tête dans son assiette. Elle se retourne et me lance un regard furieux. Son visage est couvert de sauce tomate.
– Mince, je marmonne. Et moi qui croyais que mon maquillage était bizarre… Le sien est vraiment horrible !
Albus me regarde avec des yeux ronds.
La Poupouf qui accompagne Arthur, Angèle Champrun, ne s’indigne même pas du traitement que j’inflige à son amie. Elle est trop occupée à dévisager Charles Woles, qui est légèrement mal à l’aise.
– Alors, comment vont les entraînements de Quidditch ? susurre-t-elle.
– Euh… Bien…
– Je pourrais y assister, un jour ? J’aime tellement te voir voler sur ton balai…
– Et moi, dit Roxanne sur le même ton mielleux, j’adorerais te voir, de là-haut, gesticuler comme un troll…
Elle fronce les sourcils.
– Je ne te parle pas à toi, Weasley, lui assène-t-elle dédaigneusement. Quand je parlerai de courges, je te réveillerai.
Pendant ce temps, je jette des petits bouts de pain dans la chevelure de Champrun, en me demandant si elle va finir par le remarquer. Albus, à côté de moi, très concentré, compte le nombre de morceaux de pains qui arrivent à destination.
– 18… 19… 20…
James Potter écoute d’une oreille distraite le babillage de sa cavalière, qui n’a pas touché à son assiette tellement elle parle. Finalement, il lui dit sans préambule :
– Je te quitte.
Quoi ? Surprise, je manque complètement ma cible et la boulette de pain tombe par terre.
– Quoi ? Oh, tu as trop mangé, mon chéri, je t’avais pourtant dit de ne pas trop manger. Tu ferais mieux de…
– Non, Barbara, je n’ai pas trop mangé. Je suis parfaitement sain d’esprit et je veux te quitter.
Barbara prend une mine choquée.
Yessss. Ce n’est pas aujourd’hui que je ferai une déclaration d’amour à Potter.
Abercrombie s’ennuie comme un élève au cours de Binns. Du côté de Judith, Lenny Perry et Robert Peterson, la situation s’envenime.
– Alors Eleanor, quoi de neuf ? demande innocemment Peterson.
– Trois fois rien, dit sensuellement Perry en se penchant sensiblement en avant, montrant son décolleté plongeant à Peterson.
Celui-ci semble captivé par le spectacle. Judith lui donne un coup de coude.
– Tu pourrais te retenir un minimum ! Je suis là, je te signale !
– Oui-oui…
Il continue de fixer la poitrine de Lenny Perry, qui envoie un grand sourire satisfait à Judith. Jude fulmine.
– Chucky, dit Champrun, parlons sérieusement. Avec quoi Weasley t’a menacé pour sortir avec toi ?
– Euh… De rien du tout, c’est moi qui…
– Mais oui. Tu peux tout me dire, tu sais. Tu ne peux décemment pas sortir avec une pouffe pareille de ton plein gré.
Roxanne s’étouffe avec le riz qu’elle mangeait.
– Alors ça, c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! C’est toi qui dis que je suis une pouffe ?
– Oui ! s’écrie l’autre en se levant, mais aucun morceau de pain que j’ai envoyé dans sa chevelure ne tombe ; ils sont collés par la laque sur ses cheveux.
Ca va être plus dur de lui en envoyer dans la tête si elle bouge tout le temps…
– Ah, loupé, dit Albus en voyant mon dernier missile voler au-dessus de la tête de la Poupouf.
Cette abrutie n’arrête pas de bouger, aussi !
– Bon, à toi, je fais en lui tendant mes bouts de pain.
J’attrape une pomme pour la grignoter et Albus commence à lancer sa mie de pain sur la tête d’Angèle Champrun. Il vise vachement bien, et pourtant la Poupouf ne cesse pas de faire de petits mouvements de tête irrités.
Quant à Barbara Hobbers, elle s’exclame :
– Mais, choupinou, tout allait bien entre nous, non ? Pourquoi tu veux casser ? On va faire des efforts pour sauver notre couple…
Potter retire vivement sa main de la table avant que celle de Barbara n’arrive à l’attraper.
– Je m’appelle James, pas « choupinou », fait-il remarquer d’un air lugubre. Je veux casser parce que j’en ai marre de toi. Et je ne veux surtout pas faire un quelconque effort si c’est pour passer plus de temps avec toi.
– Tu… tu es sérieux ?
– Non, dis-je d’un ton joyeux en m’incrustant dans la conversation, son vrai nom, c’est choupinou, et non pas James comme il le prétend.
– J’ai rarement été aussi sérieux, dit Potter sans sourire, en m’ignorant totalement.
Le ton monte entre Lenny Perry et Judith.
– Dégage, morue, siffle mon amie.
– Je suis ici avec mon cavalier, sale garce, s’écrie-t-elle. Et c’est moi qui aurais du sortir avec Peterson, alors c’est toi qui n’as rien à faire à cette table.
– Euh, calmez-vous, les filles, marmonne Robert Peterson.
– LA FERME ! hurlent-elles en chœur.
Le beau gosse de Serdaigle se tasse sur sa chaise.
Arthur Wright regarde sa cavalière, et se retient d’exploser de rire : des morceaux de pain manquent de tomber de la chevelure de celle-ci. Mais tous restent en équilibre.
– Quoi ? demande-t-elle avec férocité.
– Rien, rien…
Albus s’apprête à lancer un nouveau morceau de pain, mais je l’arrête au dernier moment alors qu’Angèle se tourne vers nous. Je croise alors les yeux de Potter, qui fixe d’un air dégoûté ma main sur celle d’Albus. Mais une seconde plus tard, il doit se lever et quitter la salle, poursuivi par son ex-petite amie qui piaille : « Au moins un dernier baiser ! ».
– Où sont Rose et Scorpius ? je lui demande discrètement.
– Ils mangent. Ils sont au fond de la salle, et ils sont dos à la place de James. Il ne pourra pas les voir.
Je souris, et il me sourit à mon tour. Il est sacrément mignon. Une pensée étrange me vient à l’esprit : si j’étais une fille normale, je serais sous son charme, je tomberais très vite amoureuse de lui. Mais rien ne se passe dans mon cœur tandis que je plonge mon regard dans ses yeux vert émeraude. Si on était ensemble, Potter serait furieux. Ce serait tellement bien de sortir avec lui…
Ou pas.
Je viens de tourner la tête et j’ai croisé le regard de Lucy Ackerley, l’amie de Rose et d’Albus, qui est assise à la table des Serdaigles à côté d’un jeune garçon aux cheveux bruns. Elle avait l’air triste et en colère à la fois.
Il me semble qu’on appelle ça la jalousie. Ca alors. Lucy est jalouse de moi ?
– Tu es amoureux de Lucy Ackerley ? je demande brusquement à Albus.
Celui-ci rougit.
– Hein ? Non non, non, pas du tout… C’est comme une… une sœur, oui, une sœur, pour moi…
– Beurk. Elle est incestueuse, ton histoire.
– Je t’assure que je ne suis pas amoureux d’elle.
– Mais oui, c’est ça.
Je retourne la tête et aperçoit alors Lucy, en train d’embrasser son cavalier.
Ca sent mauvais, tout ça.
Albus suit mon regard et voit lui aussi son amie. Il devient très pâle, et me lâche la main.
– Euh, Albus… Ca va ?
Il ne répond pas et se penche vers moi. Quand ses lèvres touchent les miennes, je comprends que je ferais mieux de ne jamais tomber amoureuse : ça rend vraiment très bête et ça vous crée des disputes avec tout le monde – et j’en ai déjà suffisamment sans l’être. Heureusement, donc, que le rythme de mon cœur ne s’accélère pas, que mes entrailles restent en place, que ma tête ne me tourne pas. Heureusement que je ne ressens rien quand Albus m’embrasse.
Aussitôt qu’il éloigne sa tête de la mienne, il murmure :
– Désolé.
– Tu réalises l’ampleur de la bêtise que tu viens de commettre ?
– Mais Lucy vient de…
– Et tu crois qu’elle a fait ça pour quoi ?
Silence.
Je jette un coup d’œil vers l’entrée de la Grande Salle. J’y croise le regard horrifié de Potter, et je ne peux m’empêcher de sourire. Lucy passe très vite devant lui pour quitter la pièce. Je crois bien qu’elle est en larmes.
Heureusement que réconcilier Albus et Lucy ne fait pas partie de mon contrat. Parce que là, je pense que c’est mission impossible.
Potter se rassoit en silence à sa place.
– Qu’as-tu fait de Barbara ? demande poliment notre capitaine de Quidditch.
– Je l’ai semée, déclare-t-il d’un air mauvais.
Demain, si on retrouve le corps de Barbara écartelé dans une salle désaffectée du collège, je ne serai pas étonnée.
– Tu as perdu ton pari, tu te souviens ? je m’écrie soudain. Tu étais sensé sortir avec elle pendant deux mois. A trois jours près, c’est bête…
– Tant pis.
Il fouille dans sa poche, en sort une petite plume et un morceau de parchemin déchiré, et écrit à la va-vite avant de le rouler en boule et de me le jeter.
Je l’ouvre. Il est simplement écrit : « 7ème étage, sorcière borgne, dissendium, Honeydukes ».
– Je suis sûre que même une fille sans neurones comme toi pourra deviner, me fait remarquer Potter.
On verra ça plus tard. Je fourre le bout de papier dans ma poche.
– Jude ? fait soudain Roxanne. Où est Peterson ?
Elle fait un vague signe de tête vers le fond de la salle, l’air boudeur. Je regarde dans cette direction : Robert Peterson est en train de peloter Lenny Perry à la table des Serdaigles, d’une façon plus qu’indécente. Les élèves autour laissent une distance respectable entre eux et le nouveau couple.
– De toute façon il n’avait pas de conversation. Je ne me souviens déjà plus du son de sa voix.
Elle ajoute, de très mauvaise foi :
– Et en plus, il embrassait comme un pied.
– Immonde, je commente en repoussant mon assiette vide en détournant enfin les yeux de la scène limite porno qui se déroule à une dizaine de mètres d’ici.
– Je n’avais jamais remarqué comme ce mot s’accordait à merveille avec ton apparence, dit une voix derrière moi.
Je me retourne : c’est Hedvig Virtanen, la blonde en septième année. Que vient-elle faire ici ? Je la préfère loin de moi, mais son air mauvais m’indique qu’elle ne va pas se laisser déloger si facilement. Je jette un regard en direction de Potter : c’est une Serpentard, lui aussi devrait vouloir l’éloigner… Mais il est trop occupé à fixer son frère d’un œil noir. Je vais devoir me taper tout le boulot.
– Tu dois être aussi dégoûtante que moi, si personne ne veut de toi à sa table.
– Crois-moi, tu préfèrerais ne jamais savoir le genre de saletés que j’ai commises.
Quand elle dit ça, j’ai la nette impression que les saletés, chez elles, ne correspondent pas à de bête taches d’encre. Je réprime un frisson, et je comprends soudain, en voyant un sourire cruel se dessiner sur ses lèvres, qu’elle est venue exactement pour cette raison. Elle sait que j’ai peur d’elle et elle s’en amuse.
Contre toute attente, elle s’assoit à notre table, à la place qu’occupait Lenny Perry.
– Quelqu’un est assis ici, dit sèchement Jude.
– Justement, « quelqu’un » est parti embrasser ton cavalier. Ce qui me laisse deux places. Mais une me suffira amplement.
– On ne veut pas de Serpentard avec nous, fait remarquer Potter d’une voix glaciale, se réveillant enfin de son silence obstiné. Jamais des Serpentards avec des Gryffondors.
– C’est drôle que tu dises ça, parce que justement, je connais quelqu’un de ton entourage…
ALERTE ROUGE ! Elle va lui parler de Malefoy et de Rose ! Sans réfléchir, j’attrape une de mes pommes et la lui lance à la figure avant qu’elle n’ait le temps de terminer sa phrase. Mais, au lieu de se la recevoir en pleine tête avec peu d’élégance, elle la rattrape et me la renvoie tout aussi vite. Je baisse la tête, et la pomme file au-dessus de moi. J’entends un bruit sourd : elle a touché quelqu’un. Je me retourne ; c’est encore Lola Darby qui a pris la pomme en pleine poire. Décidément, elle n’a pas de chance, ce soir.
– On dirait que je ne suis pas la bienvenue, fait-elle remarquer avec froideur.
Je sens la peur me gagner, mais je n’en laisse rien paraître et me contente de répondre :
– Tu es rapide à comprendre, toi. Ca fait cinq minutes qu’on te le répète.
Elle me lance un regard noir, et je me force à lui sourire.
– Bonne soirée ! Et, quand je dis « bonne soirée », au cas où tu ne l’aurais pas compris, ça veut dire « Dégage ».
Elle se lève avec grâce, et dit d’une voix dédaigneuse :
–James Potter te lance des regards furieux depuis le début de la soirée. Au cas où tu ne l’aurais pas compris, ça aussi, ça veut dire « dégage ».
Avant que je n’aie le temps de répliquer, elle se retourne et s’éloigne vers la table des Serpentards.
– Qu’est-ce qu’elle est venue faire ici ? demande Champrun, qui vient d’arriver de la table des Poufsouffles où elle était partie discuter avec ses amies.
Ca tient drôlement bien, dis donc ! Sa chevelure est toujours aussi parsemée de miettes et de boulettes de mie de pain.
– Elle avait besoin d’une pomme, je crois, dit Roxanne.
– Quand on aura besoin de l’avis des courges, je t’appellerai.
– Maintenant, ça suffit, dit Roxanne en se levant, rouge de fureur.
Elle dégaine sa baguette et siffle :
– Avis.
De petits oiseaux jaunes surgissent de nulle part et foncent droit vers la tête de Champrun pour lui picorer le pain sur son crâne.
– Aaaah ! Monstre ! Je vais te dénoncer ! Arthur, aide-moi au moins !
Mais Arthur ne bouge pas d’un pouce, il fait celui qui n’a rien vu. Quand à Roxanne, elle n’entend pas la menace : elle vient de franchir la porte de la Grande Salle. En courant, Champrun quitte la salle à son tour en agitant les bras au-dessus de sa tête, espérant chasser les oiseaux.
– Bon, euh… Je vais rejoindre mes amis, dit Charles Woles, visiblement gêné.
– Gin, allons chercher Roxanne avant qu’elle ne fasse quelque chose de vraiment stupide.
Je me rappelle soudain du jour où elle avait voulu sauter de la tour d’astronomie, pour quelque chose de tellement bête – une mauvaise note en Histoire de la Magie peut-être ? – que je ne m’en souviens même plus.
– Très bonne idée.
Un détail me revient en mémoire : mon cavalier.
– Euh, ça ne te gêne pas si je…
– Y a pas de problème, dit Albus en souriant. Bonne soirée, mon cœur.
Etrange. Il sourit, certes, mais ses yeux ne sourient pas du tout. Une ride soucieuse barre son front. Il est concentré, il réfléchit, et la lueur au fond de ses prunelles est étrangement froide. Sans doute à cause de Lucy.
– Bonne soirée, chéri.
J’attrape la main de Judith et la tire légèrement. Elle détourne la tête d’Arthur Wright, avec qui elle vient d’avoir une conversation silencieuse, semble-t-il.
Avec Arthur Wright ? Il se passe des choses vraiment bizarres, par ici. Et je ne parle pas de la mie de pain qui tient dans les cheveux d’Angèle Champrun.
Lecture et Légendes by Mak
– Et comment on va la trouver, maintenant ?
– Elle doit être aux toilettes du septième étage.
– Les toilettes du septième étage… Celles avec les miroirs qui datent du XVe siècle ?
– C’est tout à fait son genre.
Au pas de course, nous grimpons les étages. Vu tout le sport que je fais, je n’ai pas trop de mal. Judith, quant à elle, est franchement essoufflée.
– Dis-moi, me demande Judith alors que nous grimpons les escaliers entre le quatrième et le cinquième étage, Albus était ton cavalier ce soir… Comment ça se fait ?
– J’ai trouvé des drogues très efficaces pour le convaincre…
– Sérieusement, Gin. Tu sors avec lui ou… ?
– Je sors avec lui depuis une semaine, mais je ne pouvais pas t’en parler, il… il préférait que ça reste secret.
– Mais je suis supposée être ton amie ! T’aurais pu me le dire !
Elle se tait, renfrognée.
– Et maintenant, tu vas m’expliquer pourquoi tu sors – enfin, tu sortais – avec Peterson, vu que clairement tu n’éprouvais rien pour lui ?
– Bah, il était beau. Et puis gentil.
– Ce n’est pas « gentil » que tu voulais dire mais « complètement crétin » je crois. D’habitude tes petits copains sont moins idiots que ça. Alors ? Motif ?
– C’était juste pour énerver Perry. Je voulais me venger.
– Te venger de quoi ?
– Secret défense. Ne me harcèle pas de questions.
Nous arrivons au septième étage et nous rendons aux toilettes. Il n’y a personne. Nous ressortons, dépitée. Où a-t-elle bien pu se cacher ?
– Je suis là ! s’exclame-t-elle en sortant de nulle part. Vous ne devinerez jamais ce que je viens de découvrir !
Je jette un coup d’œil derrière elle : nous nous trouvons devant la tapisserie de Barnabas le Follet.
– Que Barnabas était idiot de vouloir apprendre la danse aux trolls ? je tente.
– Non. Encore mieux. Regardez un peu.
Elle se met alors à faire des allers-retours devant la tapisserie.
– Tu te sens bien, Rox ? demande Jude, faisant mine d’être inquiète.
– En pleine forme. Regarde ça !
Je suis la direction qu’elle me montre. Une porte est apparue à la place de la tapisserie de Barnabas. D’où est-ce que ça sort ?
– C’est quoi ?
– Viens voir.
Je la suis. La pièce est remplie de canapés et fauteuils en tous genres. Je m’assois dans un sofa et regarde Roxanne.
– Bon, c’est quoi ? je répète.
– J’en sais rien. Je faisais les cents pas en me disant que j’aimerais bien une chaise pour réfléchir au calme, et cette porte est apparue…
– J’aimerais bien savoir ce que c’est que cette salle, marmonne Judith.
Aussitôt, un petit écriteau se matérialise à côté d’elle.
– « La Salle sur Demande », lit-elle. « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, devant Barnabas passez trois fois, la Salle sur Demande toujours vous fournira. » Note à moi-même : ne jamais lui demander de fournir des poèmes en vers.
– Pratique, je commente. Tu crois qu’elle peut fabriquer des guitares ?
Je jette un œil derrière moi. Une magnifique guitare acoustique est posée sur une chaise.
– Cool !
– Rox, pourquoi as-tu fait ça à Champrun ? demande Jude. Tu vas te faire descendre par Londubat, et toutes les Poufsouffles de sa bande vont s’acharner contre toi…
– Je m’en fiche. Elle le méritait. (Silence). Pourquoi je ne peux pas être heureuse avec Chuck ?
Je roule des yeux mais garde le silence. Ce n’est pas le moment d’ironiser sur les penchants un peu trop mélodramatiques de Roxanne. Pendant ce temps, je fais quelques accords sur ma super guitare. Elle a un son d’enfer.
– Simplement parce qu’il est populaire, répond Judith. Fallait choisir quelqu’un d’autre.
– Robert Peterson par exemple ? rétorque Roxanne.
– Chut.
– Calmez-vous les filles, dis-je d’un ton inspiré. Ce soir, il y a quelqu’un d’encore plus malheureux que vous. Une fille qui n’a pas eu de cavalier, et que les autres ont ridiculisée sans qu’elle ne puisse rien y faire. J’aimerais dédicacer cette chanson à… Lola Darby. La fille qui s’est retrouvé avec de la sauce tomate à la place de son maquillage.
Roxanne et Judith sourient toutes les deux, et je commence à jouer Lola des Kinks. Quand Judith reconnaît l’air, elle explose franchement de rire avant de m’accompagner en chantant. Roxanne la regarde avec étonnement.
J’aime bien cette musique. Et l’histoire qu’elle raconte, même s’il elle n’est pas vraiment applicable à Lola Darby (dans la musique des Kinks, Lola est un travesti), est assez marrante, dans un sens.
OoOoO
Une heure plus tard, je pose la guitare contre ma chaise. On a discuté, ri, chanté, dit du mal de Peterson, Lenny Perry, Potter, Champrun et tous les autres. Ca fait du bien de déverser son venin sur les autres, y a pas à dire. Même quand les critiques sont injustifiées.
– Quelle heure est-il ?
Je tourne la tête, et ne suis même pas surprise de trouver une horloge murale, qui n'était pas là avant que Judith ne demande l'heure.
– Minuit. La soirée va bientôt se terminer.
– Ca aura vraiment valu le coup d’acheter cette robe, remarque Judith en souriant ironiquement.
– Vous pensez que je peux ramener la guitare avec moi ?
– Je ne crois pas que cette salle soit connue de beaucoup de monde. Je ne vois pas trop qui va remarquer la disparition d’une guitare qu’il n’aura jamais vue.
– Il me faudrait un étui.
D’ailleurs, il y en a un sur ce fauteuil. Il n’y était pas deux secondes plus tôt. Je range la guitare dedans.
– Je vais me lancer un sortilège de désillusion. Ou les gens que nous croiserons vont se demander ce que je fabrique avec une guitare sur le dos.
– Comme tu veux…
Je me jette le sort sur moi-même. Comme prévu, mon nez et mes pieds ne disparaissent pas tout à fait. Je me place donc derrière les filles.
– On y va ?
Nous passons la porte. Avant de descendre les escaliers pour rentrer dans notre dortoir, je jette un œil derrière moi : il n’y a plus que Barnabas et ses trolls en tutu. La porte a disparu.
Je suis mes amies, qui discutent entre elles en m’ignorant copieusement. Il faut dire que si elles se mettaient à me parler, alors que nous croisons autant d’élèves, ceux-ci se poseraient des questions, vu que je suis invisible – ou presque. Nous sommes quasiment arrivées devant le portrait de la Grosse Dame quand une voix narquoise retentit dans mon dos :
– Vous avez abandonné Enderson ?
Je me retourne, main sur le nez pour qu’il ne soit plus visible, et recule dans l’ombre pour dissimuler mes pieds. Comme il fallait s’y attendre, c’est Potter.
– En fait, c’est elle qui nous a lâchées, corrige Roxanne. Elle avait parlé de refaire la peinture de ta chambre, je crois… J’espère que tu aimes le rose fuschia.
– Pourquoi sort-elle avec mon frère ? interroge-t-il de but en blanc.
– Tu as déjà entendu parler du mot « sentiment » ?
– Cette vieille chouette n’en a pas, tu le sais bien.
La vieille chouette apprécie.
Judith hausse les sourcils, genre « voyez-vous-ça ».
– Où est-elle ? continue-t-il.
– Si je savais, soupire Roxanne. L’interrogatoire est terminé ?
– J’aurais aimé avoir une petite discussion avec elle.
Quel genre de discussion ? Ma curiosité est éveillée.
– Super, commente Judith en roulant les yeux.
– Tu ne sais vraiment pas où elle est ?
– Pas plus qu’il y a trente secondes.
Il les fixe un court moment, puis passe à travers le portrait. Roxanne attend quelques instants, puis le suit, suivie de Judith. Mais je reste dehors.
Je suis à peu près certaine de la raison pour laquelle il souhaite me parler : il veut me dire que je n’avais rien à faire avec son frère et qu’il me décapiterait, quelque chose dans le style. Ca risque d’être amusant. Ou ennuyeux. On parle de Potter, tout de même.
Je passe une jambe à travers le tableau, mais je suis brusquement tirée par le bras à l’extérieur. Je suis pratiquement invisible, pourtant. J’aurais dû ne pas être repérable… Je tourne la tête. Quelle n’est pas ma surprise de voir que mon agresseur n’est autre que…
– Albus ! je chuchote. Qu’est-ce qu’il te prend ?
– J’aimerais te parler, murmure-t-il. Suis-moi.
Intriguée, je m’engage à sa suite dans les couloirs du château. Finalement, il entre dans une salle. Je ferme la porte derrière moi.
– Comment m’as-tu vue ? Mon sortilège de désillusion n’est pas super mais j’ai fait gaffe à ne pas être vue, pourtant, non ?
– Il fonctionnait à merveille, dit-il d’une voix dure.
Je suppose que le fait que Lucy Ackerley le déteste lui reste en travers de la gorge.
– Je voudrais prolonger notre contrat, annonce-t-il sans préambule.
– Euh… Quoi ?
– Tu continues de sortir avec moi. De faire semblant, en tout cas.
– Si c’est pour faire revenir Lucy, laisse-moi te dire que tu es en train de faire une belle bêtise. Et de toute façon, je crois que je n’ai pas envie de continuer le jeu.
– Tu n’en as peut être pas envie, mais tu n’as pas vraiment le choix.
– Comment ça ?
– Je suis préfet, tu te souviens ? Eh bien, le premier soir de l’année, je suis resté debout pour attraper mon frère, qui était sorti après le couvre-feu pour déposer des Bombabouses dans les cachots des Serpentards. Et une fois que je les ai punis, je suis resté un peu plus longtemps dans la salle commune. J’ai bien fait.
Oh, non. Le soir où je suis allée aux archives.
– Tu avais utilisé un sortilège de Désillusion, ce soir-là. Et tu es rentrée beaucoup, beaucoup plus tard qu’eux. Je me suis demandé ce que tu faisais à une heure pareille dans le château. J’ai mené ma petite enquête, et je suis tombé sur ça.
Il me tend un livre. Oh, c’est pas vrai. C’est mon dictionnaire de latin. Celui où j’avais marqué des noms qui m’évoquaient un souvenir lointain…
– Tu es allée aux Archives, n’est-ce pas ? exulte-t-il, sans chercher à réprimer un sourire malsain. Je suis allé y faire un tour, dans le cadre d’un cours d’Histoire de la Magie, et j’ai trouvé quelques livres mal rangés. Dans lesquels j’ai repéré ces noms. Les archives sont strictement interdites d’accès aux élèves, et tu y es allée à une heure à laquelle le seul endroit où tu avais le droit d’être, c’était ton dortoir. Si je te dénonce, tu risques le renvoi définitif.
Ce sale môme me fait du chantage !
– Mais si je sors avec toi, poursuit-il, ce serait sacrément louche de dénoncer sa petite amie… Donc je me tairais.
Je suis furieuse. Contre lui et contre moi-même. Pourquoi n’ai-je pas attendu de rentrer dans le dortoir pour enlever le sortilège de désillusion ? Je n’ai pas le choix, maintenant. Ca m’énerve de me laisser me manipuler comme ça. Je prends une grande inspiration, et me force à dire :
– Je serais ravie d’être ta petite amie.
– Bien… Content de le savoir, « chérie ». Bonne nuit.
Il se dirige vers la porte, l’ouvre, jette un regard en arrière, m’adresse un sourire cruel, mais au moment de refermer la porte derrière lui, je me souviens de quelque chose.
– Albus.
Il tourne un visage légèrement surpris vers moi.
– Je ne marcherai pas dans ta combine.
– Alors je te dénoncerai, réplique-t-il du tac au tac.
– Et je dénoncerai Rose et Scorpius.
– Tu mettrais ta scolarité en péril ?
Euh… ok, changeons de tactique.
– Je te propose un marché. Je trouve un moyen de te faire sortir avec Lucy… et tu ne dis rien de ce qu’il s’est passé le soir de la rentrée. Ca marche ?
Pourvu qu’il dise oui, pitié, pitié, pitié…
Son air cruel change et son visage se radoucit à la mention de Lucy. Etrange comme l’amour peut vous changer. Faites que ça ne m’arrive jamais.
– D’accord, dit-il finalement. Ca me va. Bonne nuit.
– Bonne nuit.
Alors qu’il referme la porte derrière lui, je me demande comment je vais réconcilier Albus et Lucy. Parce que ça, c’est carrément mission impossible. Dans quoi me suis-je encore fourrée ?
OoOoO
Je finis par remonter dans mon dortoir, et je tombe sur mes deux amies en train de parler dans le vide.
– Ginger, tu vas répondre à la fin ?
– C’est vraiment pas drôle. Parle, bon sang !
Evidemment. Elles ont dû croire que je les avais bien sagement suivies, et vu qu’elles ne me voient pas, elles ont pensé que j’avais décidé de rester silencieuse, plutôt que j’avais été victime de chantage.
Je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu’il vaudrait mieux qu’elles n’en sachent rien. Roxanne serait un peu perdue si elle savait que son gentil cousin était un crétin, peut-être même qu’elle refuserait de me croire. Et Judith… Je ne sais pas. Je crois qu’elle ne comprendrait pas. Mieux vaut faire comme si rien ne s’était passé.
– Bon, j’arrête, dis-je finalement.
J’annule le sort et apparaîs à leurs yeux.
– Désolée, j’ajoute en voyant leurs mines furieuses, mais j’adorais vous voir vous énerver comme ça sans savoir où diriger votre colère.
Je pose ma guitare par terre, à côté de ma valise, et me déshabille lentement, songeuse, en ignorant leurs insultes – et celles du réveil de Roxanne qui déteste être dérangé pendant qu’il veille. Dans quel pétrin je me suis fourrée ? Je vois mal comment je vais réconcilier les deux amoureux. Lucy avait l’air prête à le décapiter à la hache. Et Albus a un minimum de fierté – c’est le frère de Potter tout de même, il ne s’abaissera jamais à s’excuser ou s’écraser.
J’enfile mon pyjama. Je pourrais commencer par parler à Albus. Le calmer, lui expliquer le fonctionnement des filles. Ensuite, j’irais discuter avec Lucy, je me débrouillerais pour la rendre jalouse et la faire réagir. Après, je…
– Gin ?
Je sursaute, interrompue dans mes pensées. Je lève la tête et croise le regard curieux de Roxanne.
– Quoi ?
– Tu avais l’air hyper concentrée. Tu pensais à quoi ?
– A… A ma punition de demain, avec Potter. Vivement la fin de la semaine prochaine, j’en aurai enfin terminé avec lui !
– Pas sûr, maintenant que tu sors avec Albus.
Hein ? Comment peut-elle déjà être au courant ?
Oh, c’est vrai. Je lui ai dit que je sortais avec Albus au début de la soirée. J’ai bien anticipé, décidément.
– Ouais… ouais, c’est vrai. Tant pis. Pour lui.
Judith étouffe un énorme bâillement.
– J’suis crevée. Je vais me coucher. Bonne nuit !
– Bonne nuit, dit Roxanne en bâillant à son tour.
– Je ne suis pas fatiguée… Je pense que je vais lire un peu.
– Comme tu veux. Ne tarde pas trop… DS d’Arithmancie demain…
– Oui oui. Bonne nuit.
J’attrape le livre des Mythes et légendes scandinaves et part pour la salle commune, que je trouve vide. Je m’assois dans un fauteuil moelleux en face d’une cheminée, et ouvre le livre à la première page.
C’est une façon comme une autre d’oublier ses soucis, n’est-ce pas ?
Odin, pour les moldus, était le dieu principal de la mythologie nordique ; nous savons parfaitement quant à nous qu’il était sorcier. Voyageur, il était Zeus chez les Grecs, Jupiter chez les Romains, Toutatis chez les Gaulois. Il se maria plusieurs fois et eut de nombreux enfants dont il ne s’occupa guère. Si Odin était un mauvais père, il était tout au moins un excellent sorcier, aux pouvoirs et au savoir sans commune mesure.
Odin, qui ne considérait pas ses enfants comme méritant son enseignement, décida de créer une descendance digne de lui : ainsi naquirent les Valkyries [cf p. 247]. La création même des Valkyries était une preuve de sa puissance en magie : Odin avait réussi à donner une âme humaine à des animaux.
Les Valkyries n’étaient pas en proie aux sentiments amoureux, ce qui faisait d’elles de véritables guerrières. Celles-ci devaient permettre à Odin de se constituer sa propre armée : envoyées sur les champs de batailles magiques sous leur forme animale, elles devaient choisir les sorciers les plus talentueux afin de les recruter.
La légende dit qu’Odin ne les avait pas réellement créées pour se faire une armée, mais plutôt pour protéger son bien le plus cher : tant qu’elles étaient vivantes, personne ne pouvait l’utiliser, à part Odin. Celui qui serait capable d’obtenir l’objet d’Odin était digne d’être son descendant(1).
Odin eut huit enfants : …
Mais ! Je m’en tape du nombre d’enfants qu’il a eu. C’est quoi son « bien le plus cher » ? Je me reporte à la note "1" en bas de page : cf p.231. Je m’y rends de suite.
L’anneau de Nibelung
Oh non, pas ça ! C’est cet opéra pourri de Wagner qu’on a vu quand j’étais encore en pensionnat. Enfin, peut être serait-il temps de refaire mon jugement. Tout ce qui est écrit dans ce bouquin est différent de ce qu’on m’avait appris dans mon école moldue.
Odin fit fabriquer un anneau magique par le gobelin Alberich Nibelung : cet anneau transportait tous les pouvoirs et tout le savoir magiques d’Odin. Odin pensait que son seul descendant serait celui qui serait capable de le posséder, c’est-à-dire celui qui tuerait les sept Valkyries pour pouvoir l’utiliser ; dans le cas où l’anneau serait détruit, il prit une autre précaution pour sauvegarder ses pouvoirs : il prédit Rahgnarök [cf p.430]. Nibelung, comme il est de tradition chez les gobelins, voulu récupérer l’anneau qu’il avait fabriqué : il se heurta aux armes des Valkyries.
Nibelung abandonna et se maria quelques années plus tard. Il confia à sa femme l’histoire de l’anneau. Celle-ci, avide de pouvoir, tua son mari et partit à la recherche de l’anneau ; elle fut tuée par Brynhildr. Ainsi, le secret de l’anneau d’Odin fut emporté dans sa tombe. Il est cependant possible que leur descendance existe encore.
– Qu’est-ce que tu fabriques ici ? dit brusquement une voix dans mon dos, m'interrompant dans ma lecture.
Les Jumelles Jones by Mak
Je sursaute violemment et lâche mon livre qui tombe par terre. Je lève la tête : c’est ce crétin de Potter qui vient de me parler.
– Je faisais de la pâte à pain, ça ne se voit pas ?
Il s’avance vers mon fauteuil et regarde ce que je viens de laisser tomber.
– Ça alors, tu sais lire ? Mythes et légendes scandinaves. Tu es sûre de tout comprendre tout ce que tu lis ? Ça doit être difficile pour toi…
– Ne confonds pas tes problèmes avec les miens, Potter, je rétorque, irritée d’avoir été interrompue dans ma lecture.
– Pourquoi tu sors avec mon frère ? demande-t-il de but en blanc.
– Oh, il me fait du chantage, je réponds laconiquement.
– Pourquoi tu sors avec lui ?
Vous voyez ? Quand je suis sérieuse, personne ne me croit.
– Il faut une raison pour sortir avec quelqu’un ?
– Oui. Un minimum d’attirance. Et tu n’en éprouves aucune.
– Merci, Monsieur le psy. Je suis assez grande pour savoir quand j’éprouve de l’attirance.
Par exemple, je n’en éprouve pas du tout pour Albus.
– Avoue. Tu n’aimes pas Albus.
– Entre amour et attirance, il y a de la marge. Ecoute, c’est pas que t’es super-ennuyeux, mais en fait, si. Je peux reprendre mon livre ?
– Comme tu veux.
Il s’assoit sur un fauteuil en face du mien et me fixe intensément. J’essaye de reprendre ma lecture, mais je ne comprends rien à ce que je lis. Pourquoi me regarde-t-il comme ça ?
Excédée, je lève la tête et dit finalement :
– Pourquoi t’es là ?
– J’arrive pas à dormir.
– Cool.
Le silence reprend, et son regard sur moi aussi.
– Bon, qu’est ce que tu me veux ?
– La vérité.
– A propos de quoi ?
– A propos de ce dont je te parle depuis tout à l’heure : pourquoi tu sors avec mon frère ? Tu n’éprouves rien pour lui.
– Je t’ai dit la vérité tout à l’heure. Ce que j’éprouve pour lui me regarde. De toute façon, qui te dit que je sors avec lui ? j’ajoute, espérant le troubler pour qu’il me fiche la paix.
– Ne fais pas l’innocente. Tu l’as embrassé !
Non, il m’a embrassée. Nuance.
– Ça ? Oh, c’était un accident. Quoi que…
Je fais un grand sourire hypocrite et ajoute :
– Mais pourquoi tu t’intéresses autant à ce qui peut nous lier, ton frère et moi ?
– Parce que c’est mon frère.
– C’est ça, dis-je en faisant mine de retourner à ma lecture.
– C’est la meilleure. Tu crois que je suis attiré par toi, c’est ça ? Ou pire, que j’ai des sentiments pour toi ? Mais tu prends tes rêves pour la réalité, ma pauvre Enderson.
– Cool ta vie. Ecoute, je suis fatiguée, maintenant. Bonne nuit, « choupinou ».
Je ferme mon livre dans un claquement sec et me lève en bâillant pour rejoindre mon lit, sans plus tenir compte de la présence du binoclard prétentieux qui m’a gênée dans ma lecture.
Avoir appelé Potter « choupinou » me fais penser à Barbara Hobbers, qu’il a jetée d’une superbe manière tout à l’heure. Et donc à l’enjeu du pari. Il faudra, un de ces quatre, que j’essaie le passage secret que Potter m’a révélé. En parallèle, je repense aux légendes liées à l’anneau de Nibelung. Existe-t-il ? N’est-ce vraiment qu’une légende ? Les Valkyries sont probablement toutes mortes ; a-t-il été découvert depuis ? Ca aurait pu être un instrument utile pour Voldemort ou Grindelwald… A-t-il été détruit ? Ou sert-il actuellement à quelqu’un ?
…
Pfff. Je me prends la tête avec des choses probablement fausses. Je ferais mieux de me préoccuper avec mes problèmes actuels, c’est pas comme si j’en manquais.
OoOoO
Le lendemain, en arrivant au cours de Médicomagie, je réalise, ennuyée, que je vais devoir rester avec Albus. Avant, je restais seule pendant ce cours, et ça m’allait très bien ; je crois que les autres avaient un peu peur de moi, et les élèves de mon année ne m’aimaient pas, tout simplement. En tout cas, la solitude me convenait à merveille.
Mais mon plan, aujourd’hui, est de me rapprocher ouvertement d’Albus. Ca va m’aider dans le plan que j’ai concocté toute la journée pour faire sortir Albus avec Lucy.
Je suis un peu en retard – j’ai accompagné Roxanne pour se faire crier dessus par Nazaire Londubat à cause de son comportement de la veille avec Angèle Champrun – donc je cours dans les couloirs jusqu’à arriver devant la salle de Médicomagie. J’époussette mon uniforme, remonte ma jupe afin de dévoiler mes jambes, tire mon T-shirt pour me faire un décolleté plongeant, passe une main dans mes cheveux – mes doigts sont aussitôt coincés dans des nœuds et j’ai un mal fou à les en sortir. Tant pis pour ma coiffure. Je respire un grand coup et pousse la porte.
Les élèves sont encore en train de s’installer ; la vieille mégère, Pomfresh pour les intimes, n’est pas encore arrivée. Albus, seul, est en train de s’installer à une table au troisième rang. Juste devant lui, Rose Weasley et Lucy Ackerley parlent bruyamment. Ce n’est que quand je me trouve à côté de lui que je comprends la raison de sa mine sombre : Lucy clame haut et fort à son amie comme Benjamin Finch-Fletchley, son cavalier au bal, embrasse bien, en faisant remarquer à quel point il est romantique, et comme il est merveilleux.
– Qu’est-ce qu’elle peut lui trouver ? fulmine Albus quand il remarque finalement ma présence. Il est hideux.
– Je ne sais pas, chéri, répondis-je en posant ma cape et mon écharpe rouge sur le dossier de ma chaise.
Je n’ai pas hurlé « chéri », et pourtant Lucy s’arrête net de parler, alors que son récit était à son point culminant : Benjamin lui demandait de sortir avec lui.
Tout espoir n’est pas perdu, on dirait.
Albus a tout de suite remarqué le fait que Lucy a arrêté de parler. Du coin de l’œil, je peux la voir nous dévisager, l’air de rien.
Je prends la main d’Albus, et il essaie de jouer le jeu en m’adressant un sourire niais au possible. On voit bien qu’il se force. Je fais de mon mieux pour sourire à mon tour d’un air idiot.
Si quelqu’un me prend en photo, là, maintenant, je l’explose.
Je tourne la tête et vois Lucy, rouge tomate, sortir ses affaires avec rage et les jeter violemment sur la table.
– Tu crois qu’elle nous a…entendus ? me chuchote Albus, plein d’espoir.
– P’t’être bien.
Je m’approche alors de son oreille, et, dans une pose langoureuse, je lui murmure précipitamment :
– Là, je ressemble plus ou moins à tout ce que Lucy déteste, non ?
– Totalement, répond-t-il à voix basse, tout en faisant semblant d’ignorer le « Hum-hum ! » bruyant de sa cousine Rose, qui n’a pas l’air très à l’aise avec mon comportement.
– Bon, c’est parfait.
Pomfresh entre alors en salle, et tout le monde s’immobilise. Elle me lance un bref regard assassin – comme d’habitude – puis se dirige vers son bureau.
– Asseyez-vous. Aujourd’hui, vous allez former des groupes de deux …
Merveilleux ! Et pour une fois je ne suis pas ironique. Je veux dire, je préfère la pratique à la théorie, et c’est plus ou moins tout ce qu’on a fait pendant deux mois, la théorie. Il était temps qu’on change un peu de programme.
– … Je lancerai un sort à votre partenaire, poursuit l’infirmière, un sort qui imitera les effets d’une maladie. Vous devrez diagnostiquer cette maladie et le soigner.
Elle passe entre les rangs et lance des sorts à un élève sur deux. L’un devient vert, un autre voit ses bras se recouvrir de furoncles. C’est assez comique.
Après avoir fait s’effondrer Rose Weasley d’un simple coup de baguette, elle se tourne vers nous et me lance un sort.
Je me sens brusquement nauséeuse. Mes bras me démangent, j’ai des fourmis dans les jambes, ma langue est pâteuse. Une immense fatigue me submerge.
Après quoi, Pomfresh retourne s’asseoir à son bureau et regarde les élèves malades se faire soigner.
– Bon, qu’est-ce que tu as ? Tu te sens fiévreuse ? me demande Albus, qui a l’air de prendre cet exercice très à cœur.
J’essaie de lui répondre que non, mais n’y parviens pas. Mes cordes vocales sont hors service. Je dois avoir une Vocinite, au vu des symptômes. Mais comme je suis muette, je ne peux pas le lui dire.
– Tu ne peux pas parler, hein ? C’est peut-être la dragoncelle…
Il va chercher une potion sur une étagère, puis revient et me la fait boire. Malheureusement, mon état s’aggrave ; le feu me monte aux joues, mes jambes se couvrent de boutons.
Je dois avoir une sale tête. Je veux dire, plus que d’habitude.
– Oh, là, là… marmonne Albus, désemparé.
Pendant qu’Albus se creuse les méninges, je vois du coin de l’œil Pomfresh accompagner un élève vomissant des grenouilles jusqu’à l’infirmerie. Apparemment, sa maladie à lui a bien dégénéré.
– Tu dois avoir un rhume beautriquiteux !
Mais non, imbécile. Dommage que je ne puisse pas parler. Il repart donc chercher une fiole. Malheureusement, il n’y en a plus ; il sort donc de la salle pour aller à l’infirmerie.
– Un problème, Enderson ? claironne alors une voix à ma droite.
Je tourne mollement la tête : c’est Lucy Ackerley. Je n’aime pas la lueur dans son regard. Ca ne lui ressemble pas… J’ai un mauvais pressentiment.
– Dis donc, on dirait que tu as une Vocinite aggravée par une potion contre la dragoncelle...
Je crains ce qui va suivre. Malheureusement, vu mon état, je ne peux rien faire… Je ne peux pas me lever et lui lancer un sort de mon cru. Je ne peux même pas sortir ma baguette. Je ne peux même pas essayer de fuir. Pourquoi fuir ? Je ne sais pas… Mon pouls s’accélère.
– Mais il pourrait y avoir pire. Imagine, par exemple… Imagine si tu tombais par terre ?
Elle me pousse légèrement, et je m’effondre au sol, sur le dos, incapable d’esquisser le moindre mouvement. Paniquée, je la vois s’accroupir à côté de moi, lentement. Elle sourit.
Ok, je connais à peine cette fille. Mais là, je doute qu’elle soit dans son état normal. Ou bien alors Albus est aussi fou que cette fille qui était son amie. Qu’est-ce qui lui prend ?
– Et imagine, encore pire… Imagine si ton écharpe tombait sur ton visage ? Pour parler avec des termes médicaux, tes cavités buccales et nasales seraient obstruées… Tu t’étoufferais… Tu imagines un peu ? J’espère sincèrement que rien de tel ne t’arrivera… Ce serait affreux.
Elle se relève lentement et se retourne pour revenir à sa place. Elle frôle ma chaise. Mon écharpe rouge glisse du dossier, et tombe.
Sur mon visage…
Mon cœur bat à toute allure. Je suis terrorisée. Si Albus ne revient pas bientôt, je vais vraiment mourir étouffée. Personne autour de moi ne se rend compte de ce qu’il se passe ; chacun s’occupe de son petit malade. L’air commence à manquer. Je vais mourir. Les images de ma vie ne se mettent pas à défiler devant mes yeux ; dommage, ça m’aurait sans doute distraite.
Cette fille est folle. Un meurtre pour une bête histoire d’amour ? Ce n’est décidément pas normal. Mais ce n’est pas le moment d’en juger : mon souffle devient vite saccadé, haché, mes poumons me brûlent, je n’arrive plus à sentir mes membres. Personne ne voit rien, des pieds passent près de ma tête sans s’arrêter ni même ralentir, comme si je n’existais pas. Je n’ai plus d’air maintenant ; mes yeux s’embuent de larmes. Mourir aussi bêtement… A cause d’une vengeance minable, par une gamine amoureuse et complètement cinglée, alors que je n’ai rien à voir dans sa petite histoire !
Une tête auréolée de cheveux noirs s’immisce alors dans mon champ de vision. J’entends ses cris comme s’ils venaient de loin, ses yeux verts brillent d’une lueur affolée.
C’est la dernière chose dont je me souvienne…
OoOoO
– Il est fou de l’avoir laissée toute seule dans un état pareil ! s’écrie une femme.
Sa voix est aiguë et désagréable. Faites-la taire !
– Ne vous en faites pas, Poppy, répond une voix grave et masculine, agacée. Elle devrait se réveiller, maintenant.
– Elle aurait pu s’étouffer, elle aurait pu mourir !
Je suis vivante, alors ferme-la.
J’émerge lentement. Finalement, Albus m’aura trouvée à temps… On m’a allongée sur un matelas. Je suis sans doute à l’infirmerie ; les voix résonnent et rebondissent contre les parois en pierre de la pièce. La voix aiguë appartient à Mrs. Pomfresh. L’autre voix, je n’en sais rien.
– Qu’est-ce qu’il s’est passé, au juste ? reprend l’inconnu.
– Son écharpe lui est tombée sur le visage. Elle ne pouvait pas bouger, elle avait une Vocinite et on lui avait donné une potion contre la dragoncelle... Et M. Potter était parti chercher une autre potion.
– Alors elle était paralysée, conclut l’autre voix. Et personne n’était là pour l’aider.
– Exact. Si Mr. Potter n’était pas arrivé à temps, elle se serait vraiment étouffée ! Je n’en reviens pas que personne ne s’en soit rendu compte… Cet exercice était décidément une mauvaise idée…
Au fur et à mesure de ses explications, la voix de Pomfresh devient plus lointaine. Finalement, une porte claque et les voix se taisent. Alléluia ! J’ouvre les yeux, et me redresse sur mon lit.
– Enfin partie, murmure quelqu’un près de moi.
Je tourne la tête : sur le lit à côté du mien, est allongée une fille aux cheveux courts, noirs et bouclés. C’est Jones, une Serpentard en même année que moi.
– Qu’est-ce que tu as eu, toi ? je demande, histoire de faire un minimum de conversation.
– J’ai fait un pari… dit-elle avec un petit sourire.
Emma Jones a établi un petit commerce à Poudlard. Les élèves viennent parier avec elle ; mettons, par exemple, « Je parie que tu n’es pas capable de mettre de la glue sur tous les cours de Untel ». Jones tient le pari et se débrouille pour le gagner en douze heures. En réalité, on la paye pour faire du sale boulot. Faire casser des couples, raser la tête d’un prof qu’on n’aime pas, se venger… Elle n’a pas d’amis, alors elle reste toujours avec sa sœur jumelle, Claudia, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Elles n’ont pas que leur physique en commun : elles sont aussi discrètes l’une que l’autre dans leurs entreprises. Claudia sait tout sur tout le monde, c’est hallucinant. Mais comme sa sœur, on doit la payer, et cher, pour obtenir ce qu’on souhaite. Je ne crois jamais les avoir vues discuter avec qui que ce soit – discrétion oblige, quand il s’agit de s’entretenir avec leurs clients qui désirent rester anonymes. Le problème, c’est que parfois, les élèves victimes des paris se vengent.
– C’était quoi, l’enjeu du pari ? je demande, curieuse.
– Rendre Lenny Perry belle comme un Scroutt à Pétard.
– Et tu as réussi ?
– A merveille. Peterson et elle ont cassé. Ca ne lui a pas plu, à la jolie Perry… Elle m’a lancé un sortilège d’aveuglement temporaire. J’ai dit à Slug que c’était à cause d’une potion ratée pour avoir des cheveux lisses que j’étais subitement devenue aveugle, il m’a crue.
– Pardon… « Slug » ?
– Oui, Slug, Slughorn. Notre directeur de maison, le prof de potions... Ca te dit quelque chose ? ironise-t-elle.
– Oui, ça va, je réplique, un peu agacée. Je dormais.
C’était donc ça, la deuxième voix. Le professeur Slughorn. J’ai arrêté les Potions après ma cinquième année, ça fait donc quatre mois que je ne l’ai pas eu en cours. Y a pas à dire, je me porte mieux sans les potions dans ma vie !
Une petite question me trotte dans la tête.
– Qui avait parié avec toi ?
– Désolée, secret défense, dit-elle avec un petit rire. Je ne révèle jamais le nom des parieurs.
– On parie que je devine ?
Elle semble réfléchir. Au bout d’un moment, elle dit finalement :
– Pari tenu. Mais tu n’as droit qu’à un essai. On parie combien ?
– On parie un service. Si je devine, tu devras me rendre un service. Sinon, je te dois un service. Ou dix gallions, si tu préfères.
J’espère que j’ai raison, parce que je ne suis pas particulièrement riche, moi.
– Dix gallions pour moi, un service pour toi, c’est ok. A qui tu penses ?
– Judith Thomson ?
Elle écarquille ses yeux noirs.
– Comment tu sais ?
– Ca l’aurait bien arrangée. Et elle n’avait pas l’air d’apprécier Perry, au dernier bal, tu ne trouves pas ?
– Oui. Bon, tu veux quoi, comme service ? dit-elle, renfrognée.
– Laisse-moi réfléchir.
Je m’assois sur le rebord de mon lit, puis me mets debout sur mes deux jambes : ça va, je tiens debout. Qu’est-ce que je pourrais lui demander ? Je pense aussitôt à Judith : pourquoi voulait-elle se venger de Lenny Perry ? De quoi, surtout ? Mais c’est idiot : je lui ai déjà demandé l’autre soir et elle m’a rembarrée un peu vertement, certes ; mais à force de la harceler, elle finira par craquer.
Bien sûr que c’est mon amie ! Pourquoi posez-vous la question ?
Evidemment, inutile de demander à Emma Jones de maltraiter Potter ; je suis tout à fait à même de m’occuper de son cas personnellement, comme l’ont prouvé les cinq dernières années.
Je ne dois pas prendre ce service à la légère. Je peux demander n’importe quoi à Emma Jones, elle le fera. Mais je dois réfléchir maintenant, et vite ; les Jones n’aiment pas attendre les dettes, ni celles qu’elles doivent (ce qui est très rare), ni celles qu’on leur doit.
– Ok… Je veux un compte-rendu détaillé sur Hedvig Virtanen, dis-je finalement. Je suis curieuse.
– Ca, c’est plus dans les cordes de Claudia…
– Où est-elle, d’ailleurs ? D’habitude, vous ne vous quittez pas d’une semelle.
– Elle ne pouvait pas attendre que je me remette de mes blessures… Elle avait une affaire urgente à … régler.
Je n’aime pas le ton sur lequel elle a utilisé le mot « régler ». Généralement, ceux qui ne payent pas leurs dettes le regrettent beaucoup… A vrai dire, je n’ai jamais rencontré personne ayant utilisé les « services » des jumelles Jones ; d’un autre côté, ces gens-là sont discrets et généralement personne ne découvre leurs petites affaires avec elles. La preuve avec Judith que je côtoie tous les jours. La réputation des jumelles Jones tient plus de la légende que des faits. Les histoires qu’on raconte sur le sort qu’elles réservent à leurs « clients » malhonnêtes sont assez flippantes…
– Je dois juste te dire quelque chose à propos de Virtanen, reprend Emma Jones. Cette fille est très … secrète. Tout le monde nous demande des infos sur elle, mais c’est toujours des trucs du style « est-ce qu’elle m’aime » ou « quel shampoing utilise-t-elle »… Et tant mieux parce que jusque-là, on n’a jamais rien eu de concret sur elle…
– Y a des gens qui vous payent dix gallions pour savoir un nom de shampoing ? je la coupe, stupéfaite.
– Oui. Ne fais pas cette tête, j’ai tenu des paris plus stupides que ça ! En tout cas, les rumeurs dont Claudia a entendu parler sont délirantes et probablement fausses. Ca va être intéressant de mener notre enquête… Quoi qu’il en soit, ça prendra plus que douze heures.
– De combien de temps aurez-vous besoin ? Une semaine ?
– Non ! s’écrie-t-elle, choquée. Nous ne sommes pas des gourdes, non plus ! Disons… une journée. Je te retrouve demain soir, à onze heures, devant la statue d’Helga Poufsouffle. J’ai un autre compte-rendu à faire une heure avant, ça m’évitera des déplacements inutiles.
Quelle fille efficace.
La porte claque, et je tourne la tête. C’est Claudia qui arrive, s’avançant d’un pas rapide vers sa sœur jumelle.
– Em’. Ca va mieux ?
– Très bien, Clo, merci. Comment ça s’est passé avec… tu-sais-qui ?
– Oh, il a regretté de ne pas m’avoir payée à temps, dit-elle avec un sourire mauvais.
Encore ce ton inquiétant. Je n’aimerais pas avoir de dettes envers les jumelles Jones.
– Ginger Enderson, dit-elle en se tournant vers moi, avec un sourire moins cruel peint sur le visage. Tu t’es faite attaquer par Lucy Ackerley pendant ton cours de Médicomagie ? La jalousie ne lui réussit pas…
– Surprenant comme les nouvelles vont vite ! je remarque, haussant un sourcil étonné.
– Non, c’est juste moi qui vais vite pour connaître les nouvelles. Tu connais notre sigle, je suppose ?
– O.O.O, dit Emma.
– Ce qui veut dire…
– Omniprésentes…
– Omniscientes…
– Omnipotentes !
– Ouais, dis-je, déjà au courant. Tu ne saurais pas où sont Judith et Roxanne ?
– Je ne sais pas, mais je pourrais te donner un conseil, dit malicieusement Emma.
– Lequel ?
Elle garde le silence.
Oh, j’ai compris.
– On parie deux noises que tu ne peux pas me donner de conseil, je soupire en sortant l’argent de ma poche.
Elle tend la main et répond le plus naturellement du monde :
– Tu es collée.
– Avec Potter, ajoute sa sœur.
– Dans les serres, complète Emma.
Zut ! J’avais complètement oublié !
– Vous avez l’heure ?
Elles restent silencieuses en continuant de sourire. J’attrape le poignet de l’une des deux.
– Hé !
– 19h55. Merci beaucoup !
Avant qu’elles ne me lancent des sorts, je prends mes jambes à mon cou et file en direction des serres.
J’arrive essoufflée dans la salle de cours de botanique. Le professeur Londubat et James Potter attendent tous deux.
– Cinq minutes de retard ! tonne Londubat. Quand allez-vous apprendre à lire l’heure ?
– Le jour où vous arrêterez d’enlever des points à votre maison…
– Un point en moins pour Gryffondor pour votre insolence !
– Qu’est-ce que je disais, je me marmonne à moi-même.
Les yeux de Potter me lancent des éclairs. Tandis que Nazaire s’éloigne vers le fond de la salle, mon cher camarade de classe me chuchote :
– Tu peux pas te la fermer un peu de temps en temps ?
Je ne réponds rien et suis le professeur. Il attend debout près d’un énorme bac immonde. Oh, non, pourvu que…
– Vous allez nettoyer ça.
Et zut.
– Ce sont les bassins des Scroutts à Pétard du professeur Hagrid. Et évidemment, pas de magie.
– Les bassins ? Pour qu’ils se lavent vous voulez dire ?
– Oui, répond Londubat. Seulement les Scroutts ont un petit réflexe quand ils sont en contact avec de l’eau…
– Les Scroutts vomissent beaucoup pendant leur croissance, dit Potter, pâlissant à vue d’œil. Surtout dans des milieux humides…
Oh, chouette. J’ai vraiment hâte de mettre les mains dans du vomi de Scroutt.
Londubat nous prend nos baguettes et sort de la salle. « Vous les récupérerez en passant dans la maison du professeur Hagrid », dit-il avant de fermer la porte, sans pouvoir retenir un petit sourire.
Je fixe les bassins. Impossible de nettoyer une horreur pareille. Et en plus…
– Il ne nous a rien laissé pour nettoyer, remarque Potter au moment même où j’y pense.
– Attends. Et ça ?
Je soulève deux bâtons de plastique posés sur la table du professeur et les mets devant mes yeux.
– Des… brosses à dent. C’est une blague.
– Ecoute, tout ça c’est de ta faute, s’exclame Potter. Alors c’est toi qui nettoies.
– Comment ça c’est de ma faute ? A croire que je t’ai lancé un sort pour que tu ailles dans la Forêt interdite !
– Peu importe. Je suis plus fort que toi. Alors tu m’obéis. Maintenant.
– Compte là-dessus et bois de l’eau fraîche.
Il s’approche d’un air menaçant. Plus vive que l’éclair, je lui donne un coup de pied dans les parties. Il tombe par terre, roulé en boule.
– Alors, c’est qui le chef ? Maintenant, tu te lèves et tu me donnes un coup de main. Non mais.
Les larmes aux yeux, il se relève difficilement et s’empare de sa brosse à dents.
– Tu plaisantes ? Avec la brosse à dents ? je m’exclame.
– Y a rien d’autres pour nettoyer, grogne-t-il.
– T’as fouillé la salle avant de pouvoir affirmer ça ?
Je commence à regarder dans les tiroirs du bureau du prof. Des truelles, des sceaux, des arrosoirs… Rien d’autre.
– Je te propose une trêve, dit finalement Potter.
– En quel honneur ?
– J’ai moyennement envie de me retrouver la tête enfoncée dans un bassin…
– …ce qui risque d’arriver si on continue à se taper dessus. Ok pour la trêve.
Nous continuons de fouiller la serre à la recherche d’une idée pour que la corvée soit moins pénible. Soudain, Potter arrête de s’agiter.
– J’ai une idée, dit-il lentement en fixant la chaise du prof.
– Potter, les chaises sont totalement inefficaces pour nettoyer, je sais que c’est difficile pour toi de ne pas confondre balai et chaise, mais quand même…
– Imbécile. Je parlais de son pull.
Je reconsidère la chaise. Un pardessus en laine est posé dessus.
– On dirait un peu un chiffon, non ? je murmure.
– On pourra toujours dire qu’on ne savait pas que c’était un vêtement…
Une demi-heure plus tard, Potter et moi marchons côte à côte en discutant de tout et de rien. Il tient à bout de bras le manteau du professeur Londubat. On s’est à peine salis pendant le nettoyage. Avant de récupérer nos baguettes, nous devons passer par le lac, où nous jetterons la victime du nettoyage, j’ai nommé le vêtement de Nazaire. Peut être que le Calmar mangera le manteau. Personne ne le retrouvera.
Le crime parfait.
– Quand même, je fais remarquer. Londubat est un vrai sadique.
– Pourtant, à la maison, il est beaucoup plus sympa…
– « A la maison » ? Qu’est-ce qu’il fabrique chez toi ? … Oh, beurk, je veux pas savoir.
– T’es bête, soupire-t-il. Il est ami avec mon père.
– « Le Survivant », dis-je.
Au fil des années, je me suis rendu compte combien son père était célèbre. C’est dingue de se dire que je parle avec son rejeton.
C’est encore plus dingue de se dire que je parle avec Potter sans me disputer.
– Ca fait quoi d’être le fils de Harry Potter ?
– Rien.
Clair, net et concis.
– Comment ça ? j’insiste.
– Bah, pendant des années il ne nous en a pas parlé. Il est super modeste, on n’en a jamais vraiment discuté…
Super modeste ? Dans les interviews de l’époque, et surtout celles d’une certaine Rita Skeeter, on dirait plutôt un super crétin, mais bon…
– Et le rapport avec Londubat ?
– Un ami de sa promo. Il a combattu avec lui pendant la Bataille de Poudlard.
Nous arrivons au bord du lac. Potter lance le manteau dans l’eau. Il flotte quelques secondes avant d’être emporté par un énorme tentacule.
Potter trempe ses mains dans le lac pour enlever les dernières traces de vomi. Là, par exemple, je pourrais lui donner un coup de pied dans les fesses et il tomberait la tête la première. Ce serait hilarant. Mais on a fait une trêve. Quel gâchis.
– Il était seul au moment où il a tué Voldemort ?
– Il a été soutenu par ses deux meilleurs amis, répond-il en se relevant. Il n’arrête pas de le préciser, mais les journaux en parlent rarement. Ron et Hermione Weasley.
– Ah, oui, dis-je, me rappelant vaguement une conversation avec Roxanne sur son immense famille. Et les parents de Roxanne, c’est qui pour toi ?
– George, son père, est le frère de ma mère.
Rien compris, mais je hoche la tête quand même.
Mon ventre gargouille en même temps que celui de Potter. Nous éclatons de rire.
– Je meurs de faim, dis-je, assez inutilement.
– Sans blague ? Juste un truc : si Hagrid te propose des gâteaux, dis non.
– Tu plaisantes ?
– Ils sont immangeables. Vraiment, ne te laisse pas tenter. Je sais de quoi je parle.
Nous nous arrêtons devant la porte de la cabane de Hagrid. Potter frappe trois fois. Des aboiements monstrueux résonnent à l’intérieur.
C’est le loup-garou de la forêt, j’en suis sûre ! Sentant la panique monter en moi, je murmure très vite :
– Cassons-nous, tant pis pour nos baguettes !
Il ne répond pas. Je pose un pied en arrière, mais il m’attrape le bras pour m’empêcher de fuir.
Je le savais. Cette trêve était un piège. Je vais me faire bouffer. Potter veut me tuer. Ma vie va s’arrêter dans quelques instants. Adieu, monde cruel.
La porte s’ouvre en grand et Hagrid apparaît dans l’encadrement de la porte.
– Bonsoir, James ! dit-il de sa voix tonitruante, un grand sourire sur les lèvres. Bonsoir, miss Enderson. Crockdur, couché ! Vous venez pour les baguettes ? Venez donc prendre des petits gâteaux…
Je jette un coup d’œil inquiet vers le coin de la maison où se terre un gros et vieux chien noir, qui n’a probablement plus aucune dent. Il a l’air totalement inoffensif.
Je tourne la tête vers Potter. Il m’observe d’un air amusé.
C’est ça, fous-toi de moi. N’empêche, on aurait pu se faire bouffer. S’il avait eu des dents.
– Non merci, répond James à Hagrid. On est déjà en retard pour aller manger… On doit rentrer à vingt-et-une heures au château.
– Oui, c’est vrai, fait tristement Hagrid. Bon, voilà vos baguettes. Comment va ton père, James ?
– Aux dernières nouvelles, il va très bien. D’ailleurs, il vous remercie pour les gâteaux que vous lui avez envoyés la dernière fois.
– Ah, oui ! J’ai changé la recette. Il a aimé ?
– Beaucoup. C’était délicieux, répond poliment Potter.
– Tant mieux. Je lui en renverrai.
Potter fait une drôle de grimace, puis se rattrape et fait un énorme sourire.
– Avec plaisir. A bientôt, Hagrid !
– A bientôt, James. Au revoir, Miss Enderson.
Une fois la porte fermée, nous marchons en silence vers le château. Au bout de deux minutes,
je lâche :
– Ton père connaît tout le monde ici ?
– Pas mal de monde, oui. Il a fait ses études ici, après tout… En tout cas, il est resté très ami avec Hagrid.
– Vous avez vraiment mangé ses gâteaux ?
– Non. Impossible de les croquer !
Nous éclatons de rire. Bientôt, le silence revient entre nous. Mais ce n’est pas un silence pesant. C’est un silence agréable et naturel. On n’a pas besoin de parler. Une fois dans le château, nous nous dirigeons vers nos dortoirs. Mes chaussures mouillées par l’humidité du lac couinent quand elles foulent le sol. Sans nous concerter, nous nous arrêtons au milieu d’un couloir, en même temps. Il se tourne vers moi.
– On approche de la tour Gryffondor. Fin de la trêve.
– Comme tu veux. On refait comme avant ?
– T’es lente à comprendre, toi. Mais c’est sûr qu’avec deux neurones…
– La ferme, pétasse, je lui lance.
– Mocheté.
– Comment je prends ça de la part d’un type dont la figure a l’air d’être passée sous un rouleau compresseur ?
Il passe devant moi et disparaît au détour d’un couloir sans se retourner.
Je regretterais presque. Il était sympa, pendant cette heure de colle. Est-ce qu’on est vraiment obligé de se refaire la tronche ?
Voyons. C’est quoi le mieux : A) l’insulter sans arrêt ou B) rire de bon cœur avec lui comme dans une série pour préados pourrie ?
…
Réponse A, sans hésitation !
Je me mets finalement en marche vers mon dortoir, enterrant définitivement dans mes souvenirs celui de mes rires avec James Potter. Je ne parlerai pas de ça à Roxanne et Judith : Rox, incurable romantique, me dira que c’est LBG, Le Bon Garçon. Que j’arrive à parler à quelqu’un d’autres qu’elles deux sans finir par lui hurler dessus relève du miracle ; et Roxanne sautera sur l’occasion pour me dire que « c’est un signe ». De quoi, je ne sais pas.
J’entends alors mon ventre gargouiller à nouveau.
Je sens que je vais jeûner, cette nuit.
OoOoO
– … et donc naturellement, le nombre de loups-garous a commencé à décroître. Vous m’expliquerez ça plus en détail sur 60 centimètres de parchemin pour la prochaine fois. Vous pouvez disposer.
Les chaises raclent contre le sol, les conversations reprennent. La journée est enfin terminée. Après un cours interminable de Défenses contre les Forces du Mal, nous voilà enfin libres. Je me retiens de faire une danse de la joie tout en jetant mes livres pêle-mêle dans mon sac. Mon cœur est léger jusqu’à ce que j’entende :
– Potter, Enderson, venez ici.
Oh non. Il a découvert le manteau de Londubat. On va se faire déchirer.
Sans regarder Potter, afin de ne pas nous trahir, je m’avance vers le bureau du professeur Pendleton et me plante devant, droite comme un piquet.
– Nous allons discuter de vos cours supplémentaires de Défenses contre les Forces du Mal. Je crois que les autres attendent à la porte.
Ah, donc il n’a pas vu le manteau. Mais attendez. C’est qui « les autres » ?
La porte d’entrée grince et je me retourne. Une demi-douzaine d’élèves de notre promotion entre dans la salle de cours. Alors Potter et moi ne sommes pas les seuls à avoir des heures sup’ de DCFM ?
Au total, nous sommes huit : deux élèves par maison. A part Potter et moi, je reconnais Angèle Champrun, adorable blondinette (ou pas) dans les cheveux de laquelle j’ai lancé des bouts de pain il y a deux jours pendant le bal de Halloween, et Gilbert Hoover, un no-life de première, tous deux dans la maison de Helga Poufsouffle. Côté Serdaigle, les deux choisis sont des garçons, Philip Downs, batteur de l’équipe de Quidditch, et Erik Gongs, grand timide aux cheveux bruns. Quant aux Serpentards, ce ne sont autres que les jumelles Jones, les Parieuses en chef.
– Bien, tout le monde est là, dit le professeur Pendleton sans un sourire. Je voulais juste vous donner quelques informations générales sur ce que nous allons faire cette année. Asseyez-vous.
Je tire une chaise et m’assois à côté de Potter.
– Personne ne sait ce qui nous attend dans le futur. Et nous avons besoin de jeunes comme vous, qui ne sont non pas puissant, mais vifs, et qui n’ont pas besoin de réfléchir quand il s’agit de se battre. Peu de gens savent réagir au quart de tour, mais j’ai repéré ce talent chez vous. Cependant, vous demeurez une belle bande d’incapables, sans aucune force ni la moindre tactique.
Je me disais. Ca faisait quand même un peu longtemps qu’il parlait de nous en bien.
– Vous ferez du sport pendant mes cours, pour que votre corps soit à l’écoute de votre esprit au moment des combats. Vous apprendrez de nombreux sortilèges qui feront de vous de puissants sorciers.
J’observe les élèves. Potter a le visage totalement fermé, aucune émotion ne transparaît. Gilbert Hoover écoute attentivement avec ses yeux grands ouverts derrière ses lunettes aux verres épais ; Champrun, à côté de lui, le regarde d’un air dégoûté (« Qu’est-ce qu’il est mal habillé », doit-elle se dire). Philip Downs est solennel, comme si c’était le ministre de la magie en personne qui lui parlait. Erik Gongs, trop grand pour sa chaise, se tortille, mal à l’aise.
Quand je regarde les Parieuses, je constate, surprise, qu’elles font exactement la même chose que moi : elles guettent les réactions des autres. Je croise alors le regard de l’une des deux : elle m’adresse un très léger sourire, qu’elle fait aussitôt disparaître, retourne rapidement sa tête et murmure très bas et très vite quelque chose à sa sœur. Elles arrêtent de scruter tout le monde.
Evidemment. La discrétion est de mise dans leurs affaires.
Je me demande qui veut en savoir plus sur nous ?
– Avant de commencer, je voudrais que vous vous présentiez brièvement. Potter, commencez.
– Je m’appelle James Potter, dit-il avec un grand sourire et une voix assurée, et mon père est Harry Potter. J’aime le Quidditch et suis prêt à me démener pour devenir un grand sorcier.
– Prêt à vous démener pour devenir un grand sorcier ?
– Oui, dit-il chaleureusement.
– Ce n’est pas ce qu’a fait Voldemort ?
Le sourire de Potter disparaît. Pan, dans les dents !
– Enderson, à vous.
– Je suis Ginger Enderson, je n’ai pas de parents, pas de famille, et euh… voilà.
– Downs, grommèle Pendleton.
– Je m’appelle Philip Downs, je suis à Serdaigle et ai bien l’intention de protéger les sorciers après Poudlard.
– Moi, c’est Erik Gongs, enchaîne son voisin en baissant la tête pour ne regarder personne. RAS.
– Je suis Angèle Champrun. Je suis d’origine française, et j’ai une tante vélane. Mon père a été expatrié à Londres pour exercer le métier prestigieux d’ambassadeur. Depuis, je…
– Ca suffit, dit Pendleton.
Champrun s’arrête net, et regarde le prof d’un air indigné. Celui-ci lui renvoie un coup d’œil blasé.
– Le voisin, allez-y.
– Je suis Gilbert Hoover. J’ai obtenu les meilleures notes de BUSES l’année dernière, ajoute-t-il fièrement.
– Les deux dernières, au fond, dit Pendleton en se tournant vers les jumelles.
– Nous sommes Emma…
– … et Claudia Jones. Nous n’avons…
– …certainement pas l’intention…
– …de devenir Aurors !
– Comment ça, pas Auror ? s’exclame Philip Downs, aussi surpris que les autres élèves. Et qu’est-ce que vous fabriquez ici, alors ?
– On vient pour l’entraînement, répondent-elles en chœur.
Elles font un grand sourire.
Je me demande si c’est une bonne chose de donner du pouvoir à des filles qui tueraient sans scrupule juste pour gagner de l’argent.
– Nous allons pouvoir commencer. Je vais vous faire faire un test de connaissances.
Il pointe sa baguette vers une pile de feuilles sur son bureau, qui s’auto-distribue sur nos tables. On en a quatre chacun.
– Vous avez une demi-heure.
Puis, comme si de rien n’était, le prof sort de la salle en prenant la porte qui mène à ses appartements.
Une demi-heure pour tout ça ? C’est de la folie ! Je m’empare de la première feuille.
« Pourquoi prescrire de la potion Tue-Loup à un sorcier ayant subi de nombreux sortilèges de Doloris est-il strictement déconseillé ? »
Ouh la la ! C’est même pas du programme !
Je saisis ma plume et m’apprête à la tremper dans mon encre quand j’entends un bruit étrange.
Je lève la tête. Personne n’a remarqué sauf moi. Je suis bien certaine d’avoir entendu. C’était un genre de gémissement… Comme quelqu’un qui souffre. Quelqu’un sujet à un Doloris par exemple.
Quelqu’un soumis à la torture.
Je sursaute ; le gémissement a repris, plus fortement. Cette fois-ci, les autres élèves ont entendu. En désignant la porte du professeur, Downs murmure :
– Ca venait de là…
– Qu’est-ce qu’on fait ? dit Potter à voix basse, visiblement inquiet.
Le gémissement, un peu plus douloureux, retentit encore à nos oreilles.
– On ne rentre pas dans le bureau du prof, décrète Champrun, peu sûre d’elle. On n’a pas le droit d’entrer dans le bureau des professeurs pendant les cours.
– On n’est pas en cours, Angèle, fait remarquer Gilbert Hoover.
Soudainement, un long hurlement nous glace le sang.
– C’est quoi ce bordel ? s’écrie Claudia d’une voix suraigüe, paniquée.
Sans m’en rendre compte je m’empare de ma baguette et la serre fort dans ma main. Presque aussitôt, la porte de la salle du prof s’ouvre.
Peut-être que je fais partie de ces gens qui remarquent des millions de détails aux moments les moins opportuns. Par exemple, dans l’autre pièce, il y a une commode en bois noir, et un bureau qui a l’air de dater du siècle dernier. Un grand fauteuil rouge trône derrière. Le bureau est couvert de piles de parchemins, de plumes, de pots à encre, et un grand tapis doré et noir, sur le sol, représente Hercule en train de se battre avec un lion. D’ici, je peux voir les détails des muscles du héros, la sueur perler de son front, et la fureur du fauve qui saigne déjà à l’épaule.
Je peux aussi voir un corps étendu dessus. Le corps de mon professeur.
Il y a autre chose que je vois, aussi, et je pense bien que c’est la première chose qui a attiré mon regard. Cette grande femme, dans l’encadrement de la porte, avec ses cheveux longs, noirs et emmêlés, retombant sur une robe de sorcier en haillons, ses yeux bleus complètement fous, ses paupières lourdes. Je l’ai déjà vue dans un livre d’histoire. Sauf qu’elle est censée être morte depuis plus de vingt ans…
Bellatrix Lestrange.
Et pourtant, à n’en pas douter, c’est elle qui nous observe avec un sourire cruel.
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Ce n’est pas possible. Elle est morte. Elle n’est plus sur terre, elle ne peut pas être là.
Elle ne peut pas avoir tué le professeur Pendleton.
Tout ça, je le réalise en une fraction de seconde. Aussitôt après, je me jette sous ma table pour éviter un éclair vert.
Ce n’est pas vrai. Elle est morte, morte, morte. Non mais qu’est-ce qui se passe ? Bellatrix Lestrange ne peut matériellement pas être présente dans cette salle à jeter des sorts à tout va !
– Stupefix ! hurle Erik Gongs.
Milliseconde par milliseconde, je vois le rayon rouge traverser la pièce, et Bellatrix l’observer d’un air mauvais et… avec intérêt. Au moment où le sortilège va la toucher, elle abaisse sa baguette d’un coup sec et se crée un bouclier.
Ca me rappelle quelque chose… Mais quoi ?
– A L’AIIIIIIIDE ! hurle désespérément Angèle Champrun.
– Stupefix ! crie Potter en même temps que Philip Downs.
A nouveau, Bellatrix Lestrange arrête le sortilège au dernier moment. Bon sang, qu’est-ce que ça me rappelle ?
– Waddiwasi ! s’écrient les jumelles en cœur. Deux livres très lourds s’envolent des étagères et foncent vers elle. Une fois de plus, elle rattrape les livres au dernier moment et les renvoie…
Rattrape les livre et les renvoie… Au dernier moment…
– Professeur Pendleton ! je m’exclame en sortant de sous la table.
La femme tourne son regard bleu acier vers moi et dit d’une voix froide, en m’adressant un sourire cruel, dévoilant ses dents jaunâtres :
– Il est mort. Tu veux le rejoindre ?
– Mort, vous en êtes sûr ? Specialis revelio ! je hurle en pointant ma baguette vers Bellatrix.
Le sortilège traverse si vite la pièce que je n’ai pas le temps de le voir. Personne n’a réagi quand il atteint Bellatrix… même pas elle. Elle se reçoit le sort de plein fouet et s’effondre sur la table, assommée.
– Il faut l’attacher, dit Gilbert Hoover en brandissant sa baguette.
– Je ne crois pas, répondis-je calmement. Regarde ça.
Tout le monde se tourne vers Bellatrix. Ses cheveux raccourcissent à une vitesse phénoménale, elle grossit, grandit, ses traits deviennent plus masculins…
– Professeur Pendleton ! s’exclame Champrun quand il s’est totalement transformé.
– Enervatum, marmonne Claudia Jones, pâle, en pointant sa baguette sur le front de notre professeur de Défenses contre les Forces du Mal.
Celui-ci cligne des yeux puis se redresse. Nous nous écartons tous du bureau et le regardons en silence, attendant une explication.
Il nous observe un à un. Ses yeux sont noirs et ont l’air inexpressif ; mais je sais qu’il est en train de nous juger. Finalement, il annonce, le plus naturellement du monde :
– Vous ne croyiez tout de même pas que le test, c’était une épreuve écrite ? Alors que je vous ai dit que vos entraînements étaient là pour vous aider à agir ? Ce n’est pas en théorie que vous avez besoin d’aide, c’est en pratique. Champrun, hurler, c’est bien, mais…
Nous rigolons tous doucement, mais le professeur s’arrête immédiatement de parler.
– Ce n’est pas une critique. La meilleure chose pour prévenir les gens autour d’un danger, c’est en parlant, ou en criant. Mais agir en m’attaquant aurait peut-être été plus utile. Quant à vous, Hoover, vous n’avez tout simplement rien fait à part vous cacher sous votre table.
– J’essayais de…
– …de passer dans mon dos pour profiter de la diversion et me lancer un sort ni vu ni connu ?
– Euh… En résumé, oui, dit Gilbert Hoover, déboussolé.
– Ce n’est pas une bonne méthode quand on est pris par surprise. Gongs, vous avez réagi le plus rapidement, et en premier. Vous êtes remarquablement à l’aise avec les sortilèges. Potter, Downs, c’était idiot d’avoir tenté la même chose que Gongs, vous avez très bien vu que ça ne marchait pas. Jones et Jones, pas mal. Mais ce n’est pas un livre qui vous aurait sauvés de Bellatrix Lestrange. Quant à vous, Enderson…
Il reprend son souffle et se tourne vers moi :
– … vous vous êtes cachée sous la table. (Je rougis jusqu’aux oreilles). Mais vous êtes la seule à vous êtes servi de votre tête à un moment critique, vous avez réfléchi au lieu d’agir stupidement. Dans une situation d’urgence, l’idéal est toujours de garder la tête froide. La panique ne fait jamais gagner. Mais il faut que vous soyez à même de réfléchir et de combattre en même temps.
– Au fait, je demande, curieuse, à qui appartient le corps dans votre chambre, si ce n’est pas le vôtre ?
– Un corps ?! couine Champrun, pétrifiée d’horreur.
– Personne d’autre ne l’avait vu ? Hmm. Je vais avoir du travail avec vous. Aucune tactique, incapables de se servir de son cerveau et d’attaquer en même temps, et aucun sens de l’observation. Quand même, j’aurais espéré que plus d’une personne se serait rendu compte que Bellatrix Lestrange est morte depuis une vingtaine d’années !
Potter baisse la tête, honteux, et Erik Gongs devient très rouge.
– Et… le corps, alors ?
– Juste une chaise transformée. Vous avez bien des cours de métamorphoses, non ? Voilà à quoi ça peut servir.
Il fait le tour de son bureau et s’assoit derrière. Une fois de plus, il nous jauge du regard.
– Ca va être difficile. On commencera par de l’entraînement physique intense, puis je vous apprendrai des tactiques, de nouveaux sorts, et vous vous battrez en duel. On se voit lundi à dix-sept heures, au terrain de Quidditch.
– De Quidditch ? demande Philip Downs, étonné.
– Oui. Je ne vois pas où d’autre je pourrais vous faire faire de la course à pied.
Champrun grimace. Ca ne va pas être du bonheur, cette affaire.
– Maintenant, dehors.
Gilbert Hoover se lève et, de sa démarche un peu gauche, traverse la salle de classe et sort. Un à un, nous le suivons.
– Wow, marmonne Potter en sortant de la classe. C’était vraiment… wow.
– Quel vocabulaire développé, dit dédaigneusement Champrun.
Je n’aurais pas mieux dit !
– A votre avis, on aura des notes ? demande anxieusement Gilbert Hoover.
Hoover, son truc, c’est les notes, les contrôles et les devoirs. Je suis certaine que vous vous en doutiez. Ce mec est un stéréotype sur pattes de l’intello. Bizarre qu’il ait atterri à Poufsouffle et pas à Serdaigle.
– Je ne crois pas, lui répond patiemment Erik Gongs, d’une voix si faible qu’on l’entend à peine.
Gongs, quant à lui, est toujours seul et silencieux. On ne le voit pratiquement jamais, malgré sa hauteur d’un mètre quatre vingt au bas mot. J’ai dû le remarquer une ou deux fois pendant toute ma scolarité, croisé dans un couloir ; quand je me retournais, histoire d’être sûre de n’avoir pas rêvé (« Ca alors, il est encore vivant ? »), il avait disparu de mon champ de vision.
– Ca va être diiiiingue ! s’écrie Philip Downs, surexcité.
Un truc bizarre chez Philip Downs : en présence d’adultes, il a l’air hyper sérieux. Mais sur le terrain de Quidditch – il est poursuiveur de Serdaigle – ou entre les cours, il s’agite et court dans tous les sens en glapissant comme un chien.
Etrange.
– Désolées de vous laisser…
– …mais on a des affaires urgentes à régler.
Les jumelles, fidèles à elles-mêmes, nous adressent un sourire diabolique et s’éloignent de nous. Nous nous sommes arrêtés au milieu d’un couloir.
– Ce prof est dingue, reprend Potter. Se déguiser en Bellatrix Lestrange ! Complètement malade.
– Je suis d’accord, l’approuve Champrun en recoiffant ses cheveux blonds et lisses. J’aurais pu mourir de trouille.
– Tu veux vraiment devenir Auror, Champrun ? je demande, ne cachant pas la curiosité perçant dans ma voix.
– Oui. Depuis toujours.
– Oh, marmonne Hoover, surpris. J’aurais cru que…
– … que quoi ?
– Ne le prends pas mal ou quoi que ce soit, dit-il précipitamment. Mais… J’aurais cru que tu voudrais exercer dans… la mode, ou quelque chose comme ça…
Il n’a pas vraiment de tact… Et venant de moi, ce n’est pas rien ! Champrun devient rouge tomate, créant un contraste intéressant avec ses cheveux très blonds.
– Tu me crois trop superficielle pour exercer le métier d’Auror ? murmure-t-elle.
Ok, elle fait un peu peur. Mais c’est quand même pas une raison pour Hoover de se ratatiner sur lui-même comme ça.
– Je ne le suis pas, siffle-t-elle. Pour qui tu me prends ? Pour une idiote sans cervelle ? Pour une fille superficielle ? Comme son nom l’indique, la superficialité c’est superficiel. Extérieur. Tu ne t’es jamais demandé qui je pouvais être vraiment, n’est-ce pas ?
Gilbert Hoover hoche la tête très vite, terrorisé. Elle lui lance un regard furieux, puis fait volte-face et s’éloigne.
– « La superficialité c’est superficiel », dis-je songeusement. Comment peut-on dire un truc pareil sans être bourré ?
– J’aurais dit « en ayant ton cerveau », mais je me suis souvenu que tu n’en avais pas, fait remarquer Potter.
– Tu ne confondrais pas ton cerveau et le mien, par hasard ? je rétorque mollement, tout en sachant qu’il a gagné cette confrontation avec sa réplique.
Il lève les yeux au ciel et, à son tour, s’en va, suivi par Hoover, qui a encore la tête rentrée dans les épaules. Je me tourne vers Gongs et lui demande, curieuse :
– Tu as vraiment réagi très vite quand Pendlatrix est arrivé. Comment as-tu fait ?
Il pâlit brusquement. Quoi, j’ai dit quelque chose de mal ?
– Je… je dois y aller, j’ai un devoir de… de divination à terminer pour demain, bégaie-t-il.
Il fait volte-face et s’enfuit à toute vitesse.
Il est vraiment très timide, cet Erik Gongs. Je pousse un petit soupir désabusé et monte dans mon dortoir.
OoOoO
Je viens à peine de pousser la porte de ma chambre que les questions commencent à fuser.
– Qu’est-ce qu’il voulait ?
– Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– Au fait, tu n’as pas vu mon fer à lisser ?
– Non, je réponds à Judith.
– Alors ? insiste Roxanne. Il est dix-huit heures trente. Qu’est-ce que tu fabriquais ?
– Pendleton nous a retenus pour notre première heure supplémentaire de DCFM…
Je leur raconte tout, du début à la fin, Roxanne assise sur son lit, caressant Pepsi, le chien de Judith, celle-ci ouvrant les placards, soulevant les coussins, se couchant par terre pour regarder sous les lits, espérant vainement retrouver son fer à lisser.
Les chambres s’adaptent à leurs occupants à Poudlard, c’est bien connu : c’est pourquoi il y a une place immense dans la nôtre, afin qu’elle puisse être constamment dans un bazar pas possible. De part et d’autre de chaque lit traînent nos valises, quelques capes, une trousse de maquillage et ma guitare récemment acquise ; des livres jonchent le sol par endroits, parfois en équilibre précaire, d’autres sont couverts par des robes, certains sont juchés sur des chaussures, je crois même qu’il y en a deux ou trois dans le panier de Pepsi.
En tout cas – et allez savoir pourquoi ! – nous avons, de temps à autres, du mal à trouver nos affaires. Rarement. Parfois. Souvent. Bon, ok, on ne trouve jamais ce qu’on cherche.
A la fin de mon récit, Roxanne dit :
– Ce prof est complètement taré.
– Rox, tu peux te lever ? demande Judith. Des fois que tu te sois assise dessus…
Exaspérée, Roxanne sort sa baguette de sa poche et lance :
– Accio fer à lisser !
Je sens un coup à l’arrière de mon crâne. Je me retourne : c’est l’instrument pour massacrer les cheveux de Judith qui vient de me foncer dans la tête. Apparemment, ça vient tout droit de la salle de bain.
Judith rougit et l’attrape.
– J’aurais dû chercher plus longtemps par là-bas…
OoOoO
Pendant le dîner, j’observe les élèves du « cours avancé » de Défenses Contre les Forces du Mal. Gilbert Hoover discute avec un autre no-life dans son genre assis derrière lui, à la table des Serdaigles. Champrun piaille à ses amies, écarquillant les yeux, faisant de grands gestes, témoignant de l’immense surprise qu’elle a eue à l’arrivée de Bellatrix Lestrange, pendant que ses amies prennent un air choqué et lancent des regards noirs à la chaise vide du professeur Pendleton. Erik Gongs n’est pas là – il fallait s’en douter, on parle quand même de l’homme invisible –, Philip Downs quant à lui semble raconter une chanson de geste dont il est le héros.
Chez les Gryffondors, Potter apprend à une tribu de groupies de troisième et de deuxième année comment il a réussi tout seul à désarmer le prof de DCFM, et a deviné en moins de trois secondes que Bellatrix Lestrange n’était autre que Pendleton. Une blonde de la maison des aigles à sa gauche a l’air particulièrement intéressée. Du côté de Serdaigle, Barbara Hobbers, désespérée, pleure sans retenue sur sa meilleure amie, une brune boutonneuse du nom de Lucinda. Et toutes les trois sont dans la même chambre, dans les dortoirs. Ca va être drôle, ce soir. Je regrette de ne pas pouvoir assister à ça.
Table des Serpentards, pas de jumelles en vue. Sans doute en train de « régler cette affaire » dont elles avaient parlé hier. J’ai rendez-vous à onze heures du soir avec les deux filles, tout à l’heure. Je me demande comment je vais arriver devant la statue d’Helga Poufsouffle en-dehors du couvre-feu sans me faire remarquer… et surtout sans que mes amies ne remarquent mon absence. Car il est bien sûr hors de question que je leur en parle.
D’ailleurs, il faudrait que je demande quelque chose à Judith.
– Dis-moi, Jude, c’est toi qui as mis Lenny Perry dans cet état l’autre jour ?
Judith sursaute violemment.
– Hein ? Non non pas du tout je ne vois pas de quoi tu parles…
– Tu mens très mal, fait remarquer Roxanne en attrapant un kiwi.
– Mais non je ne mens pas…
– Oh, arrête, dis-je. On te connaît très bien. Je sais que tu n’aimes pas cette fille mais… Elle avait vraiment une sale tête après.
– Mince alors, marmonne Judith en souriant.
– C’était une vengeance ?
Une fois de plus, Judith sursaute.
– Vengeance ? Une vengeance ? Une vengeance de quoi ? C’est ridicule, je n’ai aucune raison de me venger, elle n’a rien fait contre moi, ridicule, moi, me venger ? Ridicule.
– Tu aurais pu te venger du fait qu’elle a gâché ta soirée d’Halloween. En sortant avec Peterson.
– Hein ? Ah oui, en effet, peut-être que je me suis vengée alors…
Bien, maintenant une chose est sûre : Judith s’est bien vengée de Perry. Mais pas parce qu’elle sort avec Peterson.
Nous continuons de manger en silence. Au bout d’un moment, d’un air concentré, Roxanne chuchote :
– Cinq noises que James sort avec la blondasse avant la fin de la semaine.
Je me tourne vers mon mortel ennemi : la blonde de tout à l’heure, assise à côté de Potter, est littéralement collée à lui. Nonchalamment, je verse tout le poivrier dans son assiette.
Classique. Mais ça ne rate jamais.
– Pari tenu. Prépare-toi à perdre…
La blonde pique une frite couverte de poivre avec sa fourchette et donne amoureusement la becquée à Potter. Quelques secondes après l’avoir avalée, il devient tout rouge, se met à cracher, vide trois vers d’eau devant les yeux terrorisés de Blondie puis lui lance un regard noir.
– T’as triché, grommèle Roxanne.
– Non, j’ai juste été moi-même. Alors, ces cinq Noises ?
OoOoO
Une heure plus tard, nous sommes dans notre dortoir. Je suis en train de me demander comment je vais faire pour annoncer sans subir d’interrogatoire le fait que je veuille que nous nous couchions plus tôt, histoire de pouvoir filer à onze heures sans que Judith et Roxanne ne le sachent, quand Judith se met à bâiller largement et dit :
– J’suis super fatiguée ! On peut se coucher maintenant ?
Un miracle ! J’acquiesce avec empressement, tout comme Roxanne. Nous entrons dans nos lits, nous souhaitons mutuellement bonne nuit, puis Judith éteint la lumière.
J’ai rendez-vous à onze heures. La statue d’Helga Poufsouffle est à l’autre bout du château ; si je ne veux pas me faire repérer, j’ai intérêt à marcher le plus lentement et silencieusement possible ; ça me prendra au moins une demi-heure. Le temps de sortir du dortoir sans réveiller mes amies, il faudrait que je sorte d’ici à dix heures vingt.
Pour ne pas alerter Roxanne et Judith, je force ma respiration à ralentir, comme si je m’endormais, en me calquant sur le souffle de Judith qui m’a tout l’air de dormir à poings fermés. Je me retiens également de me retourner dans mon lit, afin que le bruit du froissement de mes draps n’empêche pas Roxanne de rejoindre les bras de Morphée. Pour patienter, j’essaie de deviner ce que les jumelles Jones pourront m’apprendre à propos de Hedvig Virtanen. Elles m’ont clairement dit que cette fille était secrète. Pourquoi ? Que peut-elle avoir à cacher ? Un sang impur ? Une marque de shampoing démodé ? Une pauvreté ingérable ? Des parents stupides, des petits frères collants ? Une grand-mère dingue ?
Je passe en revue les théories les plus farfelues. Au bout d’un moment, je jette un œil à ma montre phosphorescente. Il est dix heures vingt. La respiration de Roxanne et de Judith est très calme ; elles dorment. Je me lève le plus silencieusement possible, enfile une cape par-dessus mon pyjama et des ballerines qui ont l’avantage d’être l’une à côté de l’autre – j’espère qu’elles ne sont pas trop dépareillées –, attrape ma baguette et sors. Je descends les escaliers sans faire craquer une seule marche.
La salle commune est pratiquement vide. Pas d’Albus fouineur en vue ; juste deux ou trois élèves assoupis devant le feu d’enfer de la cheminée, en train de « réviser » leurs ASPICs. Je me lance un sortilège de Désillusion puis passe le portrait de la grosse dame.
Le froid des couloirs me fait frissonner ; tout en resserrant la cape contre moi, je m’avance d’un pas décidé vers les escaliers qui pourront m’amener devant la statue d’Helga Poufsouffle. Le moindre bruit me fait sursauter ; je crois entendre des pas dans les couloirs voisins ; prise de panique, je m’immobilise une bonne minute avant de repartir, certaine d’avoir été bernée par mon imagination. Bref, je mets un bon moment à arriver au lieu de rendez-vous.
Dans cette portion du château, les murs sont couverts de tapisseries représentant des festins et de peintures à l’huile de natures mortes. Il fait plus chaud que dans les autres couloirs. Soulagée d’être arrivée à bon port, je m’adosse à un mur et souffle.
– Je ne pensais pas que tu viendrais !
Surprise, je fais un bond sur le côté en poussant un petit cri.
Ce n’est que Claudia Jones.
– P-pourquoi ça ? je demande, en essayant de reprendre une respiration normale.
– Je pensais que tu n’arriverais pas à sortir de ton dortoir sans alerter tes amies.
Comment peut-elle savoir que je n’avais pas l’intention de leur en parler ?
– Emma ne devrait pas tarder à arriver. On a découvert pas mal de choses intéressantes. Suis-moi, elle nous rejoindra.
Elle fait volte-face et marche d’un pas vif dans le couloir, sans vérifier que je la suis. Je calque rapidement mon pas sur le sien et lui demande :
– Où allons-nous ?
– Aux cuisines. Nous n’avons pas encore mangé. On avait des choses à faire…
– Les cuisines ? C’est où, ça ?
– Ici, répond-elle en s’arrêtant devant un tableau représentant un panier de fruits.
Elle passe son doigt sur une poire. Celle-ci se met à glousser, puis le tableau s’ouvre comme une porte.
– Après toi, me propose-t-elle.
J’enjambe le cadre du tableau et entre dans la pièce. Des fourneaux s’alignent à perte de vue ; de minuscules créatures s’affairent en tous sens, semblant préparer le petit-déjeuner du lendemain. Je les identifie bientôt comme étant des elfes de maison ; ils sont au moins une bonne cinquantaine.
– Bonsoir, miss, dit l’un d’entre eux à Claudia Jones en s’approchant d’elle. Comment allez-vous ?
– Très bien, Toby, merci, répond-elle naturellement. Y a-t-il des restes ?
– Toby en a gardé pour vous, miss, répond celui-ci en s’inclinant respectueusement. Votre sœur ne vient-elle pas ?
– Elle ne devrait plus tarder.
L’étrange créature s’éloigne. Jones s’assoit sur une chaise, devant une large table. Je prends place à côté d’elle.
– Tu viens souvent ici ?
– Très. Avec toutes nos… affaires, on n’a pas vraiment le temps de dîner aux heures habituelles. Tiens, voilà Emma, ajoute-t-elle en se tournant vers la porte.
En effet, sa sœur jumelle, après avoir jeté un coup d’œil dans la pièce dans son ensemble, nous rejoint.
– Comment vas-tu, Enderson ? me demande Emma Jones en prenant place à côté de sa sœur.
– Vous êtes les seules à connaître l’existence des cuisines ? je demande, curieuse, sans répondre à sa question.
– Bien sûr que non. Regarde là-bas.
Je tourne la tête et constate, stupéfaite, qu’Erik Gongs, le grand timide de Serdaigle, mange silencieusement, seul.
– Pourquoi il ne mange pas aux heures normales ? Vous le savez ?
– Oui, il fait des recherches, me répond l’une des soeurs.
– Beaucoup de recherches, affirme l’autre.
– Sur quoi ?
Elles échangent un regard, puis se tournent vers moi.
– On n’a pas le droit de te le dire.
– Oh, je dois parier, c’est ça ? je souffle, blasée.
– Non.
– Pour une fois… Il vaudrait mieux que personne ne sache rien de ce qu’il cache. McGonagall nous a interdit d’en parler. Pas que nous ayons l’habitude de lui obéir, mais dans ce cas précis, je pense qu’il est mieux de n’en rien dire.
Je jette un œil au mystérieux garçon. Qu’importe, si elles ne veulent rien me dire, je découvrirai moi-même le secret d’Erik Gongs. Un jour. Quand j’aurai le temps.
– Et Hedvig ? Vous pouvez me dire ce que vous avez découvert ?
Elles échangent un autre regard, un peu plus paniqué. A ce moment-là, l’elfe Toby qui avait salué Claudia arrive, portant deux assiettes sur ses bras.
– Bonsoir, miss, dit-il en apercevant Emma. Bon appétit.
Et il repart s’occuper de ses fourneaux.
Claudia pique une demi-douzaine de frites sur sa fourchette, puis commence à les mâchonner.
– Alors ? Qu’avez-vous trouvé ?
– Eh bien… dit Emma à voix basse. Si je pouvais te donner un conseil… Reste aussi loin d’elle que possible. Elle est bien plus maléfique…
– … que les plus immoraux des Serpentards, complète Claudia qui a terminé sa bouchée. Cette fille est diabolique. Dangereuse. Psychopathe.
– Qu’est-ce qu’elle a fait, à la fin ?
– Elle est arrivée à Poudlard cette année. On a regardé son dossier… C’était une élève modèle dans son école en Finlande. Il y avait quelque chose, cependant, qui ne collait pas. La signature du directeur de l’école n’était pas tout à fait la même sur son dossier et celui de deux autres élèves, d’un an aînés de Hedvig et venus de la même école qu’elle il y a quelques années.
– Personne ne s’y serait laissé prendre… Sauf nous. La signature du directeur de l’école finlandaise est compliquée et très bizarre, elle ressemble à une série de boucles. Il y a une minuscule boucle en plus sur le dossier de Hedvig Virtanen, presque invisible, mais qui indique clairement que la personne qui a signé n’a pas pris le même point de départ pour dessiner les boucles.
– Euh… J’arrive pas à suivre…
– Regarde, par exemple, le P majuscule. Le P est constitué d’un demi cercle collé au bâton. En fait tu as plusieurs façons d’écrire un P.
Elle imite les gestes qu’elle décrit en remuant la pointe de son couteau en l’air :
– Tu peux commencer par le bâton, puis dessiner le demi-cercle de haut en bas, ou bien tu dessines le bâton puis le demi-cercle, de bas en haut ; ou alors commencer par le demi-cercle…Au fil des années, pour chaque lettre, tu prends l’habitude, pour le P, de commencer par faire le bâton, puis le demi-cercle, par exemple. Et il en est de même pour toutes les lettres de l’alphabet, et aussi pour ta signature. Celle sur le dossier de Virtanen a été tracée en partant d’une boucle un peu sur la droite, celle des autres dossiers commence vers la gauche.
– Elle s’est écrit son dossier toute seule alors ? je m’écrie, abasourdie, comprenant enfin où elles veulent en venir. Mais comment arrivez-vous à savoir par quelle boucle a commencé le directeur, et par laquelle a commencé Hedvig ?
– Quand tu auras intercepté des centaines de lettres et lu le courrier des autres, tu comprendras. Mais attends, ce n’est pas fini, la suite est plus intéressante…
– Tu as sans doute lu cette histoire dans la Gazette du sorcier, en septembre ?
Tandis que Claudia se ressert en frites, Emma prend le relais :
– On a retrouvé deux personnes, un homme et une femme, presque morts, dans un désert de glace en Finlande. Après les avoir soignés, on s’est rendu compte qu’ils étaient complètement fous. On les a identifiés : il s’agissait de Mika et Tara Kausmaki, couple marié avec un enfant, Tove, une jeune fille de l’âge de notre Virtanen.
– Tous trois avaient disparu de leur maison un mois plus tôt, en août. Les Aurors les avaient longtemps cherchés, mais ils ont eu du mal à mener leur enquête puisqu’on ne leur connaissait aucun ennemi… à part leur fille.
– Tove Kausmaki, reprend Emma avant que j’aie pu en placer une, était une étudiante brillante, mais son caractère était assez inquiétant. Les élèves de sa classe étaient terrorisés par sa seule présence, sans qu’ils aient jamais accepté d’expliquer pourquoi ; elle n’avait pas d’amis, et refusait catégoriquement de voir un psychomage. Tove s’intéressait de près à la magie noire. Cela inquiétait ses parents qui essayaient au mieux de la retenir de faire du mal.
– A quoi ressemblait Tove ?
Claudia fouille dans sa robe de sorcière, puis sort un vieil exemplaire de la Gazette du sorcier, datant du 13 septembre de cette année.
– Regarde en page 4, me dit-elle.
J’ouvre le journal, et mon regard tombe directement sur une colonne intitulée « On a retrouvé les Kausmaki », contenant toutes les informations que les jumelles viennent de me donner à propos de leur disparition. Le texte est précédé d’une photographie aux couleurs passées, représentant deux adultes entourant une jeune fille leur ressemblant beaucoup. Elle a un nez un peu épaté, des cheveux foncés et désordonnés.
– Votre théorie, c’est que Tove est Hedvig, c’est ça ? je demande aux Jones. Mais elle ne lui ressemble pas du t…
Je m’arrête en croisant le regard de Tove. Ses yeux sont très clairs, et l’éclat cruel qui s’y reflète est exactement le même que celui de Hedvig Virtanen. Je frissonne.
– Il existe un certain nombre de sortilèges permettant de modifier son apparence. Les Aurors les utilisent beaucoup pour faire des filatures. Tove était « brillante », comme le dit la Gazette, alors il n’y a aucune raison pour qu’elle n’ait jamais su comment employer ces sortilèges. D’ailleurs, vu son physique un peu, euh, disgracieux, ça ne m’aurait pas étonnée qu’elle ait opté pour quelque chose de plus avantageux, genre longs cheveux blonds et corps de rêve. Non ?
– Si, je murmure.
– Toutes les dates collent, ajoute Claudia. Notre théorie c’est que Tove Kausmaki, alias Hedvig Virtanen, a fait quelque chose de très, très mal de là d’où elle vient. Elle écarte ses parents de son chemin pour ne pas qu’ils la dénoncent, et file en Angleterre en ayant au préalable changé de tête. Ensuite, elle se crée un dossier pour pouvoir se présenter à Poudlard, ni vu ni connu… Et elle peut se couler des jours heureux dans une école dont la Réserve de la Bibliothèque abrite un certain nombre de livres de magie noire.
Je coupe Claudia dans ses révélations :
– Mais si McGonagall a envoyé des lettres au directeur de Finlande, ils ont du se rendre compte de la supercherie, non ? Elle a intercepté tout le courrier qui partait vers la Finlande, alors ? Ca me semble un peu compliqué… Et puis, comment a-t-elle pu faire pour rendre ses parents fous ? Ils étaient plus âgés, donc a priori meilleurs sorciers, non ?
Les jumelles Jones échangent un long regard, avant de se tourner vers moi et de dire en même temps :
– Tu as déjà entendu parler de l’Imperium ?
Entraînement Eprouvant by Mak
– L’Imperium ? Mais…
– Ça colle très bien, me coupe Claudia Jones. Ses parents ont essayé de résister à son sortilège, et comme elle était plus brillante qu’eux, le sortilège les a rendus fous. Elle les a abandonnés dans un désert, puis elle est allée s’occuper de son directeur.
– Ça, j’y crois pas, je rétorque. Les directeurs des écoles de sorcellerie en Europe sont tous d’excellents sorciers.
– Je n’en doute pas, rétorque Emma. Mais ce directeur précisément est connu pour son goût prononcé pour le Whisky Pur-Feu. Elle a dû l’attaquer alors qu’il était ivre. Il n’a sans doute rien vu venir.
– On a déjà eu l’occasion de la voir se battre, au club de duel des Serpentards, poursuit Claudia. Crois-moi, elle se défend bien.
– Mais pourquoi utiliser un sortilège Impardonnable si elle cherche à faire profil bas ?
– Qui croirait qu’elle a lancé un Imperium à trois sorciers adultes ? Personne à part des enfants qui seraient capables de concevoir tout le mal qu’elle peut faire.
– Et qu’est-ce qu’elle a fait ?
– On n’en sait rien. Et je pense qu’on ne veut pas savoir. De toute façon, ça finira bien un jour ou l’autre dans la Gazette du Sorcier, du moins je l’espère. Et si j’étais toi…
– …je ne chercherais pas à savoir de quoi il s’agit. Je sais que les Gryffondors sont téméraires, mais pas fous : alors ne te mets pas dans les affaires privées de Hedvig Virtanen… En tout cas si tu ne veux pas te prendre un sortilège Impardonnable dans la tête.
– Et nous aussi, nous allons arrêter de nous mêler de sa vie. C’est marrant de s’immiscer dans les petits secrets des élèves… Mais pas ceux des criminels. Ce n’est plus de notre ressort, maintenant.
– On ne tient pas à ce que tu deviennes folle. Pas parce qu’on tient à toi, mais parce que ce serait de notre faute et ça pourrait nous retomber dessus. Alors par pitié Enderson, pour une fois, tiens-toi tranquille.
– Compris, je murmure, sérieusement ébranlée.
OoOoO
Je mets deux fois plus de temps à rejoindre mon dortoir. Tremblante, je sursaute au moindre bruit, au moindre chuchotement de tableau. Le caquètement de Peeves me terrorise. La pleine lune crée des ombres effrayantes autour de moi, épiant le moindre de mes gestes, attendant que je défaille. Je m’attends à chaque couloir de voir Hedvig Virtanen, ses yeux clairs vrillant les miens, la baguette pointée sur moi, murmurant un sortilège impardonnable. Mais heureusement pour moi, j’arrive saine et sauve jusqu’au tableau de la Grosse Dame.
Je m’apprête à prononcer le mot de passe, quand une voix à ma gauche murmure :
– Pomme désaccordée.
Je sursaute et tourne si vite la tête que je m’en tords le cou. Il n’y a rien. Quoi que… Il y a une espèce de forme très floue qui bouge légèrement. Une personne désillusionnée. Pas très bien d’ailleurs car quelques mèches de cheveux noirs sont bien visibles… Je m’apprête à appeler, quand une autre voix à droite de moi murmure à son tour, stupéfaite :
– Roxanne ?
Je sursaute à nouveau, et la forme floue tressaille. A ma droite, une autre personne désillusionnée – dont seule la main droite est encore visible – observe, stupéfaite, la forme floue de Roxanne.
– Judith ? je murmure, pour le moins étonnée.
Mes deux amies sursautent en se tournant vers moi.
– Mais qu’est-ce que vous fichez dehors à une heure pareille ?
– On pourrait te retourner la question, chuchote Roxanne.
– Je ne vais pas rester ouverte cent sept ans, moi, déclare la Grosse Dame, irritée.
Nous nous empressons d’entrer dans notre salle commune. Celle-ci est vide. Le tableau se referme derrière nous.
– Qu’est-ce que tu fabriquais dehors, Ginger ? me demande Judith en se désillusionnant.
– Je… j’étais occupée, je réponds en me désillusionnant à mon tour. Un truc à faire, je peux pas t’en parler. Et toi ?
– Euh… pareil, et toi Roxanne ?
– Eh bien… c’est… c’est secret. Je peux pas vous en dire plus.
Nous nous regardons un long moment en silence, alors que Roxanne lève son sortilège d’invisibilité. Judith a l’air un peu énervée, et Roxanne a les yeux rougis. Qu’est-ce qu’elles peuvent bien me cacher ? Elles doivent se poser la même question. Mais moi, j’ai une bonne raison de ne rien dire : si j’en parle, si ça s’ébruite, je mets ma vie en danger – du moins si les jumelles m’ont dit la vérité. Et mes amies ? Après tout, je n’en sais rien. Si ça se trouve, leur cas à elles est pire. Même si j’en doute.
– En fait, je suis vraiment fatiguée, maintenant, dit Judith, brisant le silence. Allons-nous coucher. Il est tard.
Je jette un œil à une grande pendule près de la cheminée : il est plus d’une heure.
– Bonne idée, approuve Roxanne.
OoOoO
Deux jours plus tard, soit un vendredi, je déjeune tranquillement autour d’une paella, seule. Judith et Roxanne ont du travail en retard. Moi aussi, sauf que je ne compte pas le faire avant dimanche, onze heures du soir.
Je regarde à la table des Serpentards. Hedvig Virtanen, comme toujours, est entourée d’une nuée d’élèves ; on dirait qu’ils la prennent pour un gourou. Elle reste silencieuse, ses yeux de glace fixant tour à tour les professeurs en train de déjeuner. Son regard semble s’arrêter un instant sur la chaise vide de Pendleton, le prof de DCFM, avant de le tourner vers moi. J’essaie de ne pas laisser transparaître ma panique et la regarde droit dans les yeux, sans ciller. Jusqu’à ce qu’Albus s’asseye en face de moi et rompe le lien visuel que nous avions établi. J’expire bruyamment ; sans m’en rendre compte, je m’étais retenue de respirer.
– Hé. Comment ça va ? me demande-t-il.
– Pas trop mal. Pourquoi tu t’assois avec moi ?
– Je croyais qu’on sortait ensemble.
– Et Rose ? Où est-elle ? Elle t’a abandonné ?
– Je ne crois pas qu’elle m’en veuille, mais elle est à la table des Serdaigles.
Je laisse mon regard vagabonder derrière son épaule, en direction de la table bleue et argentée. Lucy Ackerley m’observe, l’air légèrement gêné – mais un peu énervé que je sois avec Albus. J’essaie de rester tranquille en oubliant qu’elle a failli me tuer il y a à peine deux jours. Je ne sais pas si je vais en parler ; je ne crois pas qu’elle ait l’intention de recommencer vu comme elle a l’air de se sentir coupable.
– Elle doit me prendre pour une garce, je marmonne en tendant la main vers la carafe d’eau.
Albus amorce un geste pour se retourner, mais je l’arrête :
– Ne regarde pas là-bas. Regarde-moi. Si elle voit que tu t’intéresses à elle, mon plan tombe à l’eau et il faudra tout recommencer.
– D’ailleurs, dit-il en se penchant vers moi. C’est quoi au juste ton plan ?
– Si je t’en parle, ça ne va pas marcher, je murmure en versant de l’eau dans mon verre.
Je lève une main et lui caresse tendrement la joue en souriant d’un air bête. Je crois que je suis bonne actrice : Lucy fulmine.
Quant à Albus, il est tout rouge.
– Fais pas cette tête, dis-je en soupirant. Ca fait partie du plan.
Je retire ma main, attrape mon verre et commence à boire.
Mais… !
Dégoûtée, je recrache tout dans mon assiette. Un poulpe de la paella flotte dans l’eau de mon verre. La carafe ressemble à un aquarium, rempli de feuilles de salade, de mollusques, de coquillages. Et c’est de cette eau dont je me suis servi. Potter, James veux-je dire, quelques rangs plus loin, est mort de rire. Il s’arrête bien vite et prend un air très sérieux quand la blondasse, qui est devenu sa copine depuis hier – zut, j’ai raté mon pari – s’assoit à côté de lui.
Crétin.
Je ne vais pas supporter les sourires moqueurs de toute la table des Gryffondors très longtemps.
– Et si on s’en allait ? je propose à Albus.
– Bonne idée, j’ai un devoir d’Histoire de la Magie à rendre pour lundi, je pense que je vais le faire.
– Moi aussi, je marmonne sans y faire attention.
– Parfait, on va travailler ensemble !
Hein ? Non non non, moi je travaille seule, dimanche, à onze heures du soir, c’était le plan. Je ne vais pas bosser maintenant alors que j’ai déjà un après-midi entier de cours devant moi ! Mais Albus est bien sérieux. Il est déjà debout, son sac sur le dos, un grand sourire aux lèvres. Il a l’air d’être heureux d’aller travailler. Non mais je rêve.
En soupirant intérieurement, je me lève et le suis vers la Bibliothèque.
Une fois arrivés, nous nous installons à une table à l’écart des autres. Je m’assois en face d’Albus et croise son regard. Je constate alors, surprise, que ses yeux expriment une profonde tristesse. Il n’avait pas l’air malheureux, pourtant, en allant à la bibliothèque.
– Qu’est-ce que tu as ? je murmure, de peur d’attirer les foudres de la bibliothécaire en faisant du bruit.
– Je… je voulais juste te dire. Tu n’es pas obligée de m’aider à récupérer l’amitié que j’avais avec Lucy. Tout est de ma faute. Tu peux partir. Je ne te dénoncerai pas.
Je suis tellement stupéfaite que je manque de m’exclamer « C’est une blague ? », mais vu sa tête, il ne plaisante pas. Pourquoi ce brusque revirement de comportement ? Pourquoi me dire ça après m’avoir menacée de me faire virer de l’école ? De plus, comme je l’ai déjà remarqué, il ne tirait pas cette tête tout à l’heure, malgré la gravité (pour lui, pour moi c’est plutôt une bonne nouvelle) de ce qu’il avait à m’annoncer.
– Tu te demandes pourquoi j’avais l’air insouciant il n’y a pas cinq minutes, pas vrai ? me murmure alors Albus en esquissant un pauvre sourire. Ce n’est qu’une apparence. Je sais bien dissimuler mes sentiments. (« Et être modeste, aussi », j’ajoute en pensée.) Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé le soir du bal… J’étais très en colère.
Il tourne légèrement la tête, pour ne pas rencontrer mes yeux, puis reprend :
– Je suis vraiment, vraiment désolé pour ça. C’était une réaction stupide… J’étais tellement… déboussolé, par ce qu’avait fait Lucy, que j’ai réagi comme un idiot. Et j’ai fait une chose horrible. Je t’ai menacée.
Il dit ça comme s’il m’avouait qu’il avait commis un meurtre. Ca va mon gars, c’est pas comme si t’avais lancé des Imperium sur tes parents.
– Faut pas exagérer, je murmure en posant une main sur la sienne.
Sa main tremble un tout petit peu au moment où je la touche.
– En tout cas, tu peux t’en aller si tu veux, poursuit-il. Et oublier toute cette histoire. Je suis désolé pour les ennuis que je t’ai causés.
Il me fait tellement pitié, en cet instant, que j’ai envie de le prendre dans mes bras pour le consoler. Son comportement odieux de l’autre soir est pardonné. Je suppose que c’est ma fibre de Gryffondor loyale qui me pousse à réagir comme ça.
Ou ma fibre d’imbécile.
– Ecoute, je lui murmure en tentant de prendre un air un peu énervé, sans arriver à complètement dissimuler un léger sourire. Je me suis décarcassée pour trouver un plan potable pour te caser avec ta Lucy à la noix. Alors c’est pas maintenant que tu vas me laisser tomber. Compris, gamin ? Je reste avec toi jusqu’à ce qu’elle soit dans tes bras.
Surpris, il relève la tête vers moi.
– Quoi ?
– T’es sourd, stupide, ou les deux ?
– Tu… Malgré tout ce que je t’ai fait, tu veux encore rester avec moi ?
J’espère que je ne fais pas une bêtise.
– Et t’aider à reconquérir ta belle, t’as tout compris. Décidément, t’es pas une flèche. Mais à une seule condition.
– Laquelle ? dit-il lentement en me regardant droit dans les yeux.
Une lueur d’espoir et de remerciement luit dans son regard vert émeraude.
– Ne me refais plus jamais, JAMAIS de coups comme l’autre soir. Plus de chantage, et on enterre cette histoire d’archives… Compris ?
– Chef, oui, chef ! s’écrie-t-il en me faisant un salut militaire, ce qui provoque chez moi un éclat de rire. Et maintenant, on fait nos devoirs d’histoire, continue-t-il, ce qui arrête net mon rire.
Il est pas drôle, ce p’tit gars. Mais je commence à sortir mes affaires d’histoire, le sourire aux lèvres, avec la nette impression d’avoir fait quelque chose de bien, sous le regard furieux de la bibliothécaire qui n’a pas apprécié le bruit qu’on a fait.
– Au fait, je dis à la fin de trois quarts d’heure de boulot intensif, rangeant mes affaires pour le prochain cours. Tu sais, l’autre jour, au cours de Médicomagie ?
– Oui, tu m’as fait une belle peur, me coupe-t-il en posant sa plume à côté de son parchemin. Tu aurais dû faire attention de mettre ton écharpe correctement sur ta chaise pour qu’elle ne tombe pas.
– Justement. Elle ne serait pas tombée si Lucy n’était pas passée me voir.
En quelques mots, je lui relate l’incident – la tentative de meurtre de Lucy. Je me suis dit qu’il ne serait pas sympa de ma part de ne pas lui parler du comportement inquiétant de sa future petite-amie.
– J’y crois pas, me dit finalement Albus, l’air hébété. Non, c’est pas possible. Tu aurais pu halluciner ou un truc comme ça à cause des médicaments, n’est-ce pas ?
– Je ne crois pas, non. Pas d’hallucination avec une Vocinite, j’ajoute en prenant un air professionnel.
– Mais… Non, ce n’est pas possible. Lucy n’aurait jamais, jamais fait ça en pleine possession de ses moyens.
– Très en colère, elle aurait pu le faire, non ?
– Non. Même quand elle s’énerve contre des gens, elle ne sort pas sa baguette. Elle déteste se battre ou faire du mal aux gens. Peut-être qu’elle a été droguée ou quelque chose comme ça ?
– La jalousie, ça me semble suffisant pour oublier ses plus grands principes, dis-je d’un ton philosophe.
– Elle n’est pas jalouse, Ginger. Puisqu’elle ne m’aime pas.
C’est cela oui.
OoOoO
Décembre. En un mois, l’eau a coulé sous les ponts…
A force de côtoyer Albus, qui s’est révélé être un garçon plutôt sympa bien qu’assez naïf et vaniteux – tel frère, tel frère, si j’ose dire – je me suis mise à rendre mes devoirs à l’heure (incroyable mais vrai). Je n’ai jamais pu savoir pourquoi Judith était hors du dortoir, le soir où j’ai appris que Virtanen était une criminelle. Et elles ne savent pas pourquoi je suis sortie non plus. Tove, alias Hedvig, ne semble pas avoir remarqué que je connaissais son secret – et c’est tant mieux pour moi.
Un soir, Roxanne est arrivée dans notre chambre, en larmes. Nous l’avons consolée au mieux ; elle ne tarissait pas. Quand elle se calma enfin, elle nous avoua que sa relation avec Chuck Woles venait de prendre fin. Elle nous expliqua que c’était lui qu’elle était allée voir, dans le parc, la nuit où nous étions toutes les trois de sortie, pour essayer de recoller les morceaux. Ca n’avait pas marché ; pire, ça avait empiré leur relation.
– Et vous ? dit-elle après un long silence. Vous faisiez quoi ?
– Moi aussi, fit Judith. J’avais rendez-vous avec quelqu’un.
– Moi aussi, ajoutai-je.
Mais nous ne dîmes rien d’autre. L’heure n’était apparemment pas encore venue pour Judith de révéler l’identité de la personne qu’elle devait voir. Et moi, je comptais ne jamais leur dire quoi que ce soit. Je tenais trop à ma sécurité pour ça.
A peu près au même moment, les entraînements de Quidditch devinrent de plus en plus intenses. Nos tours de terrain se multiplièrent, tout comme nos pompes. En plus, ici en Ecosse, le froid est pire que tout : comme il fait humide, il s’insinue dans nos vêtements, sous notre peau, dans nos os, et on ne peut plus s’arrêter de trembler avant des heures. Bref, c’est l’enfer. Tout ça pour la rencontre prévue demain, contre l’équipe de Serpentard. Les rivalités se sont certes atténuées depuis la bataille de Poudlard, mais elles restent tout de même symboliques, ce qui explique pourquoi le match reste si attendu.
Quand je dis « symbolique », c’est le cas pour la majorité des gens. Parce qu’ils y a certaines personnes comme Potter – je ne ferai aucun commentaire sur ses capacités intellectuelles – il est complètement abruti (je n’ai pas pu m’en empêcher, désolée) – cela dit il a finalement cassé avec la blonde, un bon point pour lui – sont persuadées que les tensions sont aussi présentes qu’il y a vingt ans.
Lucy Ackerley n’a plus jamais parlé à Albus, que je considère depuis ses excuses comme mon meilleur ami. Après, c’est mon seul ami de sexe opposé, donc on peut aussi dire que c’est l’ami que j’apprécie le moins. Quoi qu’il en soit, je suis devenue sa confidente : il me parle du moindre détail de la (non-) avancée de sa relation avec Lucy. Elle est toujours aussi jalouse de mes liens affectifs avec son bien-aimé. Le plan que j’ai concocté devrait bientôt fonctionner. Albus ne sait même pas en quoi le plan consiste, excepté le fait que nous devons faire semblant de sortir ensemble. Ce qui n’est pas si difficile vu que je passe une bonne partie de mon temps avec lui. Comment, je n’ai pas encore parlé de mon plan ? Une autre fois alors.
Promis.
Un jour, très en retard pour un cours de Botanique, je courais dans les couloirs vides quand, au détour d’un escalier, je tombai nez-à-nez avec Scorpius et Rose, serrés dans les bras l’un de l’autre.
Nous restâmes un moment à nous fixer sans savoir quoi dire, essoufflés, les joues rougies, les cheveux plus emmêlés que jamais, mais pour des raisons différentes. Eux étaient tellement emmêlés que je me demandai s’ils trouveraient le moyen de se dénouer l’un de l’autre. En tout cas, c’était dégoûtant de faire ça dans un couloir. Je ne m’appuierai plus jamais sur ce pan de mur.
Je n’oubliais pas que c’était en partie à cause d’eux, à cause de leur désir stupide d’aller ensemble au bal de Halloween, à cause de leurs envies égoïstes, que la dispute entre Albus et Lucy avait éclaté. Eux deux qui se connaissaient depuis tellement longtemps. Et dont l’histoire, qui partait d’une profonde et longue amitié, devait être beaucoup moins romantique que celle de ces deux-là, venant de familles opposées et ennemies et qui cachaient leur relation aux autres pour pouvoir s’aimer.
Je déteste les histoires d’amour à l’eau de rose.
– Salut, finis-je par souffler, d’une voix légèrement plus aiguë que je ne l’aurais souhaité.
– Salut, murmurèrent-ils en chœur en me fixant, toujours aussi immobiles.
Puis, sans cérémonie, je les dépassai d’un pas un peu lent. Au couloir suivant, je repris ma course de dératée.
Malgré la colère que je ressentais face à eux et leur comportement qui avait coûté une longue amitié à Albus, j’avais promis à celui-ci de ne rien dire. Alors je tins ma langue et n’en parlai même pas à Roxanne ou à Judith.
En parlant de Judith, Roxanne et moi n’avons toujours pas réussi à comprendre ce qu’il a bien pu se passer entre Arthur Wright et notre blonde préférée, qui ont un comportement extrêmement étrange quand ils sont proches l’un de l’autre. Roxanne a longtemps enquêté, en vain. De toute façon je présume qu’on finira par l’apprendre, alors…
Moi, pour ma part, j’ai continué d’éplucher la quasi-totalité des livres de la bibliothèque pour retrouver les noms des femmes relevés dans les registres des archives, avec l’aide bienvenue d’Albus à qui j’ai fini par tout raconter. En vain. Cela m’a plutôt découragée ; à la mi-novembre, j’ai abandonné cette piste qui de toute évidence ne me mènerait pas à mes origines.
Quant aux cours de Défenses Contre les Forces du Mal que je prends avec les rares élus de Pendleton, ils sont horriblement harassants. Nous faisons des tours de terrain à n’en plus finir, des parcours du combattant impossibles, avons des tonnes de travail en plus (qu’Albus m’aide à faire, bien entendu – je crois que ce gamin aime travailler, c’est assez inquiétant), et nos duels sont pour le moins surprenants. J’ai bien vite constaté que Potter, que je considérais comme plutôt doué, était particulièrement nul à l’échelle des autres, comme par exemple Angèle Champrun (aussi étrange que cela puisse paraître), qui ne sait pas garder son sang-froid : ses explosions présentent la qualité d’être efficaces, mais aussi l’inconvénient d’être imprécises.
Nos cours en commun m’ont permis de mieux connaître les autres. Si je continue d’insulter Potter et Champrun, et que je n’ai toujours pas reparlé aux jumelles Jones qui, je crois bien, ont une trouille bleue d’avoir affaire à Hedvig Virtanen, j’en ai néanmoins appris plus sur des gens à qui je n’aurais jamais parlé en temps normal. Gilbert Hoover, par exemple, le Poufsouffle intello, est assez sympathique, même s’il n’a aucun sens de l’humour et que ses conversations tournent trop souvent autour des ASPICs.
– Mais déstresse, mec ! m’exclamai-je un jour alors qu’il me parlait de l’épreuve de potions qu’il avait l’air de craindre. Les ASPICs, c’est que l’année prochaine !
– Seulement l’année prochaine, me corrigea-t-il.
– Et si toi tu t’inquiètes des notes que tu auras, qu’est-ce que tu nous laisses, à nous ?
– En tout cas, pour toi, rien du tout, fit Potter en entrant dans la conversation.
– On t’a sonné, tête à claques ?
Je passe sous silence le reste de cette discussion.
Erik Gongs, lui, ne parle à personne. J’ai essayé de l’intégrer un minimum au reste de la classe en lui parlant, mais il ne répondait pas, fuyait mon regard, amorçait des gestes pour se retourner et s’en aller. Bref, impossible de nouer une quelconque relation avec cet asocial.
Au bout d’un certain temps, lors de nos cours théoriques, nous nous mîmes à nous asseoir différemment par rapport au début de l’année. A part Emma et Claudia Jones, qui restaient invariablement ensemble, je m’asseyais auprès de Philip Downs, le batteur des Serdaigles, avec qui je m’entendais assez bien. Gilbert Hoover, qui préférait écouter sagement en cours, s’asseyait avec Erik Gongs dont la non-conversation lui allait à merveille. Potter, dommage pour lui, s’est donc retrouvé installé à côté d’Angèle Champrun, qui le déteste depuis le jour où il lui a mis un râteau en quatrième année.
Je pense à tout cela tout en achevant mes dernières pompes d’entraînement au Quidditch. Moi, pauvre petite chose, je me gèle les fesses tout en m’épuisant, les mains posées à même le sol couvert de neige. Bon, d’accord, j’ai des gants en peau de dragon, mais je peux vous dire que ça n’arrête pas le froid aussi bien qu’on aimerait le croire. En tout cas, à force de me faire des muscles dans la neige, je vais finir par ressembler à un Hulk albinos.
A la centième pompe, je me remets debout, puis fais deux tours de terrain d’affilée, à peu près en même temps que les autres joueurs de l’équipe, avant d’arriver auprès de mon balai.
– Bien ! s’exclame Woles, notre capitaine, tout en enfourchant son Nimbus 3000. Aujourd’hui, on va procéder autrement : on va se diviser en deux équipes. Equipe A, Potter aux anneaux, Robins, Weasley – Roxanne cille imperceptiblement – en poursuiveurs. Equipe B : Kreeps aux anneaux, Enderson, Carter et moi en poursuiveurs.
– C’est pas équitable ! crie Potter au-dessus du souffle lugubre du vent. Vous êtes quatre, on est trois !
– On est quatre, dont trois joueurs qui jouent à des places différentes, fait remarquer Woles. C’est nous qui sommes désavantagés. Peu importe, c’est juste pour s’entraîner. Ensuite, on reprend l’entraînement normal.
Nous nous envolons bien vite tout en luttant contre le vent. Je serre mes mains gantées mais glacées contre le manche de mon Comète, avant de me rappeler que les Poursuiveurs ne se tiennent à leur balai qu’à une main.
C’était épouvantable. Au bout de trois minutes de jeu, j’étais absolument certaine que je n’étais pas faite pour jouer avec le Souafle. Mais Charles Woles avait l’air ravi du jeu de Roxanne, Daniel Robins et Potter. Après une demi-heure, il change les règles :
– Maintenant, les batteurs, on va vous laisser vous entraîner. Et vous autres, dit-il en se tournant vers Roxanne, Robins, Potter et moi, vous allez jouer aux Attrapeurs. Je lâche le Vif d’or, vous décollez une minute après, et vous essayez de l’attraper.
– Pas besoin d’autres adversaires pour que je l’attrape, je fais remarquer.
– Non, mais ça te mettra un peu de pression.
Sadique.
Il lâche le Vif, et, une minute plus tard, nous décollons, sous l’œil diligent de Woles.
Je décris de larges cercles autour du terrain tout en inspectant la zone où le Vif d’or pourrait voleter. Je jette un œil aux Attrapeurs improvisés : Roxanne et Robins imitent gauchement mes mouvements. En revanche, et à ma grande surprise, Potter se débrouille très bien : son regard acéré parcourt tout le terrain, à l’affût du moindre éclat doré. Je me remets à chercher, et, au bout de quelques minutes, je vois la balle volante, scintillant près des trois anneaux à l’autre bout du terrain. Sans réfléchir, je fonce.
Aussitôt, les autres se lancent à ma poursuite. Très vite, Potter se retrouve à quelques mètres de distance, grâce à son Eclair de Feu aux vitesses époustouflantes. J’accélère du mieux que je peux, tout en avançant lentement mon bras vers le Vif d’or. Soudain, Potter me fait une queue de poisson et s’empare de la balle convoitée ; surprise, je tente de freiner en urgence, mais trop tard : je me prends le poteau de l’anneau central en pleine figure. Ensuite, le trou noir.
– Ca va, Enderson ? dit doucement mon entraîneur quelques instants plus tard, alors que je sors de ma torpeur.
– Espèce de crétin ! Tu aurais pu la tuer ! hurle une autre voix, que j’identifie comme étant celle de Roxanne. Qu’est-ce qu’il t’a pris de lui faire ça ? Tu voulais faire ton intéressant ? Idiot !
– Je… J’sais pas, balbutie Potter. Je pensais qu’elle arriverait à freiner à temps…
– Tout le monde n’a pas un Eclair de Feu, abruti !
– Weasley, arrête, l’interrompt Charles Woles. Je vous avais dit de lui faire des coups tordus pour que ça l’entraîne. Visiblement elle n’est pas encore au point…
– Pas encore au point ? PAS ENCORE AU POINT ? Noooon, bien sûr, tes tours de terrains sans fin ne l’auraient sûrement pas fatiguée, hein ? Ginger, de toutes façons, c’est un surhomme, on peut lui faire faire tout ce qu’on veut, c’est ça que tu penses, pas vrai ?
– Surfemme, s’il te plaît, pas « surhomme », je marmonne en me massant les tempes.
Elle s’arrête au milieu de ses hurlements furieux et me lance un regard inquiet et tendre.
– Gin, tu vas mieux ? Oh, là, là, j’ai eu tellement peur, si tu savais… Si seulement ce crétin…
Je la coupe, estimant que le ton de sa voix commençait à redevenir trop élevé :
– Ca va aller, t’en fais pas.
Je me remets debout sur mes pieds, à l’aide de Judith descendue des gradins après ma chute, entourée de toute l’équipe qui observe chacun de mes mouvements. J’esquisse un pas et grimace malgré moi. J’ai terriblement mal au genou droit.
– ESPECE D’IMBECILE ! hurle Roxanne en se retournant vers son cousin. Tu lui as cassé la jambe, avec tes acrobaties ridicules ! Et demain on a un match, j’te rappelle ! UN MATCH ! TU T’EN SOUVIENS ?
– Weasley, accompagne Enderson à l’infirmerie, dit calmement Woles, espérant sans doute éloigner les foudres de mon amie des autres joueurs. Enderson, tu es dispensée d’entraînement pour aujourd’hui. Weasley, euh… toi aussi.
Mieux vaut l’éloigner de Potter et des autres, en effet. Moi, je sais bien que c’est le match, surtout, qui la fait stresser. Elle avait besoin de se décharger sur quelqu’un. Nous cheminons lentement vers l’infirmerie, moi boitant lourdement en m’appuyant sur l’épaule de Roxanne.
Pendant que Roxanne continue de vociférer sur chaque membre de l’équipe, je marche tranquillement, avec un seul pied, sur la neige toute blanche. Personne n’a encore marché ici, et je suis ravie de voir la trace de mes bottes s’imprimer sur le manteau blanc à chaque pas.
– J’aime bien le crissement de la neige sous nos pieds, dis-je calmement. Pas toi ?
– Quel idiot, ce James ! fulmine Roxanne en ignorant totalement ma remarque. Si seulement il pouvait arrêter de faire son intéressant ! Et si Pomfresh n’arrivait pas à te soigner ? On n’aurait plus d’Attrapeur ! Oh, là, là, dit-elle en se prenant le visage entre les mains, s’arrêtant brusquement au milieu du couloir. C’est la catastrophe !
– N’exagère pas… Pomfresh a toujours réussi à nous soigner.
Nous entrons dans le château, et continuant de se lamenter, elle continue de me traîner tant bien que mal sur le chemin de l’infirmerie. A vrai dire, je me fiche un peu de mon état. Cela fait des semaines que Roxanne est déprimée en entraînements de Quidditch à cause de Woles qui lui a brisé le cœur (elle le prenait pour LBG), et pour la première fois, elle lui a crié dessus. Maintenant, elle devrait reprendre du poil de la bête. Enfin ! Ca faisait deux mois et demi qu’elle était à moitié dépressive.
– Ginger, qu’est-ce qui t’es arrivé ? Tu vas bien ?
Albus, l’air inquiet, vient d’apparaître au bout du couloir. Roxanne croit que nous sortons ensemble : je vais devoir reprendre vite-fait mon masque de petite-amie aimante.
– T’en fais pas, Al, dis-je en lui lançant un regard énamouré. Ca va aller… J’espère…
Il court vers nous et passe mon bras libre sur son épaule.
– Eh oh, ça va hein, je me suis blessé à une seule jambe ! J’suis pas handicapée non plus ! je m’écrie, indignée, en laissant tomber mon rôle de petite-amie aimante.
– Qu’est-ce que tu en sais ? Tu peux très bien être blessée de la jambe gauche aussi. On peut être blessé sans s’en rendre compte. Tu écoutes les cours de Médicomagie ou quoi ?
– Tu veux vraiment savoir ?
Roxanne et Albus soupirent en chœur puis me traînent jusqu’à l’infirmerie. Je ne suis pas surprise de tomber sur Emma Jones, avec un énorme œil au beurre noir, allongée sur un lit. Elle m’ignore totalement et moi aussi. Il ne faut pas que qui que ce soit apprenne un jour que j’ai déjà discuté avec les jumelles Jones. Et surtout, quel était le sujet de la discussion.
OoOoO
Le lendemain matin, je déjeune nerveusement avec le reste de l’équipe, mes deux jambes en parfait état. Comme d’habitude, Woles nous ressert cinquante fois chacun, les batteurs Carter et Kreeps mangent comme quatre, Potter regarde dans le vide, avec la tête de celui qui va passer à l’abattoir, et à côté de lui, Robins tire exactement la même tronche ; Roxanne grignote songeusement un quignon de pain, et moi, je ne mange pas, par peur de tout vomir après. Comme une somnambule, je suis le reste de l’équipe dès que nous avons fini de « manger », jusqu’aux vestiaires. Là encore, je me change, la tête vidée de toute pensée cohérente. Le froid me mord le visage et je frissonne.
Quand je sors, j’entends à peine le hurlement des supporters, largement couvert par celui du vent. Pétrifiée, sur le pas de la porte des vestiaires, je regarde, les yeux écarquillés, la tempête de neige qui s’abat sur le terrain. Comment va-t-on voler avec ça ?
Je me laisse dépasser par les autres membres de mon équipe, puis me ressaisis et les suis.
– Serrez-vous la main ! hurle Picsec, l’arbitre, aux deux capitaines.
Woles écrase les mains du capitaine des Serpentards, qui n’est autre que Scorpius Malefoy.
– Enfourchez vos balais ! crie l’arbitre.
Puis, il siffle de toutes ses forces dans son sifflet magique, et les deux équipes s’envolent.
Les flocons sont vraiment énormes et me brouillent la vue ; on ne peut pas voir à plus de deux mètres. Comment vais-je trouver le minuscule Vif d’or dans cette tempête ?
Envolées et Escapade by Mak
Je laisse mon balai se faire emporter par le vent pour m’élever dans le ciel, puis commence à effectuer des tours très lents au-dessus du stade. Evidemment, c’est inutile : je ne risque pas de voir le Vif de loin. Les gradins ressemblent à des montagnes sombres, cachées par la tempête. J’entends très vaguement le commentaire d’Ella Filps :
– Le Souaffle passe à Pollux Bulstrode, qui l’envoie à Paul Flint, qui le renvoie à Bulstrode, Flint, Bulstrode, qui l’envoie à Travis Parkinson, et – oh !, Charles Woles le rattrape et l’envoie à Roxanne Weasley, intercepté par Flint, qui le renvoie à Bulstrode – aïe, coup de cognard de la part de Theodore Carter, Bulstrode lâche le Souaffle, rattrapé par Daniel Robins, qui l’envoie à Weasley, Robins, Weasley qui tire et… MARQUE !
La foule côté Gryffondor se met à hurler, côté Serpentard, à huer. Je me détache des commentaires de Filps et reprends la recherche du Vif. Je croise Scorpius Malefoy, lui aussi Attrapeur, cherchant frénétiquement mais vainement la balle en or. Je le dépasse et continue de scruter dans la tempête. Je sais qu’il existe un sort pour mieux voir en cas de tempête, mais je n’ai jamais pris la peine de l’apprendre. Moi et ma paresse…
Il me vient alors une idée géniale. Dans ce genre d’occasions, les gradins sont abrités. A priori, de là-bas, je devrais pouvoir trouver plus facilement le Vif d’or. Je rejoins donc nos supporters. Quand j’arrive sous le grand dais blanc qui les recouvre, j’entends quelques cris au-dessous de moi – « mais elle est folle ! Qu’est-ce qui lui prend ? » – mais je n’en tiens pas compte et continue de les survoler. Je fais un petit coucou à Judith, qui est en train de discuter avec un séduisant Gryffondor de septième année – il faut bien qu’elle s’occupe pendant les matches. Je fais mine d’ignorer le commentaire acerbe d’Ella Filps à propos de ma concentration et me remets à scruter l’espace entre les flocons. En effet, c’est plus facile de voir, d’ici.
Tout en écoutant distraitement le commentaire du match – les Serpentards mènent 50 à 10 –, je regarde avec attention le moindre mouvement entre les joueurs, espérant trouver le Vif, tout en gardant un œil sur l’autre Attrapeur, des fois qu’il trouve la balle tant désirée avant moi. Malheureusement, avec toute cette neige en mouvement, ce n’est pas évident…
Jusqu’à ce que je voie une petite balle dorée, à quelques mètres du sol environ.
Mon cœur fait un bond, et, sans réfléchir, je donne un grand coup d’accélérateur à mon balai, espérant garder le Vif en vue avant qu’il ne rejoigne la tempête de neige.
– On dirait que Ginger Enderson a vu le Vif d’or ! s’exclame la commentatrice.
Je me mets en chasse. La balle vole devant moi à toute vitesse, et j’ai bien du mal à la suivre. Bientôt, j’aperçois Malefoy, averti par l’annonce de Filps. Le Vif est à peine à un mètre de mon balai. Je peux y arriver…
Brusquement, Potter, près des anneaux de Gryffondor, apparaît dans mon champ de vision, c'est-à-dire qu’il est à deux mètres de moi. Lancée à pleine vitesse, je ne peux pas ralentir. Je fonce droit sur lui ! Lui est pétrifié et n’aura jamais le temps de se déplacer suffisamment vite sans aucun élan. Je pousse un cri de terreur, et relâche la pression de mes mains sur le manche de mon balai sans m’en rendre compte. Tout tourne autour de moi : je me réalise que je tourne autour de mon balai. Je me retrouve la tête en bas, et passe ainsi en dessous du balai de Potter. J’achève ma roulade du paresseux improvisée et entend un bruit sourd derrière moi. Apparemment, l’autre Attrapeur a foncé dans Potter. Je jette un rapide coup d’œil en arrière : Potter est en train de tomber de son balai, face au Serpentard, qui a l’air un peu hagard. J’attrape le Vif, puis fait rapidement demi-tour et fonce vers le sol. Bientôt j’aperçois Potter, en chute libre ; je sors ma baguette, et lance le premier sort qui me vient à l’esprit :
– Wingardium Leviosa !
Aussitôt, Potter se retrouve suspendu en l’air par un pied, la tête en bas ; l’enchantement n’étant pas fait pour soulever des êtres humains, il se rompt juste au moment où j’apporte son Eclair de Feu à Potter, qu’il attrape des deux mains.
Une fois hissé dessus, il grimace et crie par-dessus le vent :
– Tu as utilisé ta baguette, imbécile. C’est interdit au Quidditch !
– Tu peux pas plutôt me remercier de t’avoir sauvé la vie ? Tu serais mort si je t’avais laissé tomber !
Je me concentre sur le commentaire du match, qui est presque inaudible entre les hurlements furieux des Serpentards, le rugissement de joie des tribunes de ma maison et le souffle puissant du vent.
– Apparemment, Enderson a attrapé le Vif ! Mais elle a utilisé un sort sur un autre joueur, ce qui pourrait pénaliser son équipe !
J’entends vaguement un sifflement : c’est Picsec qui nous appelle pour qu’on le rejoigne sur le terrain. Quand j’arrive, je vois Malefoy et Woles se disputer bruyamment.
– Elle a lancé le sort après avoir attrapé le Vif ! crie Charles Woles. Donc le match était fini quand elle a aidé Potter ! Ce n’est pas une faute de jeu !
– Qu’est-ce que tu en sais, qu’elle a attrapé le Vif après ? rétorque Malefoy. Si elle a un minimum de sens des priorités, elle aurait lancé le sort avant d’aller chercher le Vif !
– J’ai deux témoins ici, répond Woles en se tournant vers Potter et moi, qui pourront t’affirmer le contraire !
Malefoy éclate d’un rire froid et répond :
– Tu t’imagines que je vais vous croire ?
– Nous on a le sens de l’honneur, lui crie Potter par-dessus le vent. On n’est pas des langues de vipère, on n’est pas fourbes et on ne mentirait pas sur ça ! On a gagné, admets-le !
– De quoi tu nous as traités ? s’écrie Cedrella Beurk, une Batteuse de l’équipe de Serpentard. Répète un peu pour voir !
– SILENCE ! crie l’arbitre, et tout le monde se tait.
– Monsieur, tout le monde m’a vue lancer le sort à Potter, n’est-ce pas ? dis-je avant qu’il ne se remette à parler.
– Oui, mais…
– Alors dans ce cas tout le monde a bien vu que je n’avais aucune main sur mon balai. Une main était prise par ma baguette… Et l’autre par le Vif. C’est la preuve que je l’avais déjà attrapé !
– C’est pas une preuve du tout ! s’écrie Malefoy, indigné. T’aurais très bien pu faire ça pour nous induire en erreur, et attraper le Vif après !
– Par une tempête pareille, le coupe Picsec, je pense que personne n’aurait l’idée de détacher ses deux mains de son balai sans avoir peur de se faire renverser et de tomber. Sonorus ! ajoute-t-il en pointant sa baguette sur sa gorge.
La vois amplifiée, il annonce alors aux supporters :
– L’Attrapeur Enderson n’a pas commis de faute en attrapant lançant un sort, puisqu’elle a clôt le match en attrapant le Vif d’or avant de le faire. Avec 350 à 320, les Gryffondors gagnent le match !
Cette fois-ci, les hurlements qui viennent des gradins couvrent largement le souffle du vent, tandis que toute l’équipe m’étreint de joie.
OoOoO
– Et toi de ton côté, ça s’est bien passé ? je demande à la cantonade, dans les vestiaires pour filles, tout en m’habillant chaudement.
– Tu plaisantes ! me répond Roxanne en sortant de sa cabine de douche. Ils ont marqué trente-trois buts !
– Trente-trois ! reprend Judith. Potter a laissé passer trente-trois tirs ! Tu te rends compte ?
– D’un autre côté, avec toute cette neige…
– P’t’être bien qu’il neigeait beaucoup, me coupe Roxanne. Mais le gardien des Serpentards, lui, a arrêté bien plus de tirs. Et pourtant, il y en a qui étaient très réussis !
– Vous vous rendez compte, que j’ai sauvé la vie de Potter, et cet abruti m’a insulté quand je lui ai rendu son balai !
– C’est un crétin, ce n’est pas nouveau, soupire Judith.
– D’ailleurs, le type en septième année avec qui tu parlais avait l’air moins crétin que ça… non ?
Judith s’enthousiasme immédiatement :
– C’est Bob, il est génial ! Il est drôle, et viril, et tellement beau ! Et il embrasse très bien.
– Et comment tu sais ça ?
– Encore un Bob ? s’écrie Roxanne. Tu n’en avais pas déjà assez avec Peterson ?
– Il y a différents types de Bobs dans la vie, Roxanne. Celui-là est un bon Bob, j’en suis sûre.
J’enfile ma robe de sorcière et me tourne vers mes deux amies.
– Vous partez où pour les vacances ?
– Moi, je rentre à la maison, me répond Roxanne. Et je suppose que le 24 et le 31, on ira au Terrier. Encore une fois, Ginger, je suis désolée de ne pas pouvoir t’inviter, mais tu comprends, c’est une tradition dans la famille, ce serait bizarre que j’amène une amie…
– T’en fais pas, je comprends.
Le Terrier, c’est la maison des grands-parents paternels de Roxanne. Chaque année, pour la période de Noël, tous les enfants et petits-enfants de ses grands parents (et ça fait un paquet de monde) se réunissent.
– Et toi Jude ?
– On repart pour la Norvège, dit-elle d’un air un peu las. Mon père n’a toujours pas conclu ses affaires avec les industriels norvégiens. C’est bien sympathique comme région, mais je commence à en avoir marre de passer toutes mes vacances à me geler les côtes là-bas. Désolée Ginger, cette fois-ci je ne vais pas te tenir compagnie pendant les vacances de Noël…
En effet, depuis la première année, Judith et moi passions nos vacances de Noël toutes les deux au château, Roxanne partant rejoindre sa famille.
– Albus ne reste pas ? reprend-elle.
– Non, répond Roxanne à ma place. Lui aussi passe ses vacances avec la famille. Tu vas tenir le coup ? ajoute-t-elle en se tournant vers moi, l’air vaguement inquiet.
– Si j’essaie de me suicider, promis, je te tiens au courant.
Elle lève les yeux au ciel.
– T’en fais pas. Deux semaines, ça passe vite.
En tout cas je l’espère...
OoOoO
Deux jours plus tard, je reviens lentement de Pré-au-Lard, après avoir accompagné mes deux amies jusqu’au Poudlard Express. Autour de moi, le paysage est toujours aussi blanc, recouvert de son grand manteau de neige, et l’air, glacé, me transperce le moindre centimètre carré de peau à l’air libre. Je suis tellement couverte que la seule chose qui dépasse sous mes couches de vêtements, c’est mon nez. Le temps est clair, le ciel d’un bleu froid.
J’arrive au château, et, comme il fait bien plus chaud qu’à l’extérieur, je retire mon chapeau. Je regarde autour de moi : tout est vide. J’ai l’impression d’être absolument seule. Je marche dans les couloirs pour rejoindre ma salle commune ; mes bottes claquent sur le sol en pierre et le bruit se répercute à l’infini sur les murs, brisant le silence religieux du château. Jusqu’au tableau de la Grosse Dame, je ne rencontre personne.
Dans la salle commune, tous les Gryffondors restés à Poudlard pour les vacances de Noël sont réunis. Au total, huit élèves grattent leur plume sur du parchemin, jouent aux échecs version sorcier, lisent, ou regardent le paysage enneigé par les grandes fenêtres. Je repère Freddy Kreeps, le batteur en septième année, avec qui je m’entends plutôt bien : mais pour l’instant, il est occupé à ronfler bruyamment sur une table de travail. Sans doute qu’il révise ses ASPICS. Je monte donc rapidement dans mon dortoir.
Le bazar de ma chambre m’accueille chaleureusement. Je balance au hasard ma cape, mon chapeau et mon écharpe, et retire mes bottes avant de m’allonger sur mon lit en fixant le plafond. Que vais-je faire ? Nous sommes le 21 décembre, les cours reprennent dans deux semaines et demie, le 7 janvier.
A contrecœur, je prends quelques rouleaux de parchemins, m’improvise un bureau sur ma valise et commence à faire mes devoirs. Après tout, je n’ai rien de mieux à faire. Le problème, c’est que comme je suis habituée à bosser avec Albus, et que je me suis déjà avancée pour beaucoup de boulot, je termine tout le soir même, après avoir rapidement mangé dans la Grande Salle pratiquement vide. N’ayant rien d’autre à faire, je me couche très tôt.
Du coup, le lendemain, je me réveille à six heures. J’écris des lettres de Joyeux Noël en avance pour Roxanne et Judith, puis je pars à la recherche d’enveloppes dans le fouillis de la chambre. Peut-être y en a-t-il dans ce livre ? Non, rien que de vieux morceaux de parchemin. Sous l’armoire ? Non plus. Dans un des lits vides ? Pas plus. Dans cette cape ? Un simple petit morceau de papier. Je ne me souvenais plus avoir rangé quoi que ce soit dans cette poche ; je le déplie. Dessus, d’une écriture un peu bâclée, j’arrive à lire :
« 7ème étage, sorcière borgne, dissendium, Honeydukes ».
Mais bien sûr ! C’est Potter qui m’avait donné ça après avoir perdu un pari avec moi, le soir du bal de Halloween. C’est un passage secret. Depuis, je l’avais complètement oublié. Autant aller voir dès maintenant de quoi il s’agit. A six heures du matin, il y a peu de chances que je croise qui que ce soit. Je m’habille en vitesse et me rends au septième étage.
Je parcours tout le niveau. Rien de particulier, si ce n’est la Salle sur Demande dissimulée par la tapisserie de Barnabas le Follet, et la statue sans prétention d’une sorcière portant un bandeau cachant un œil. « Sorcière Borgne », ça doit être ça. Dissendium ? Je ne vois pas. A tout hasard, je sors ma baguette et murmure Dissendium en visant la statue : rien ne se passe. Je réessaye en tapotant la sorcière borgne : celle-ci se déplace légèrement sur le côté, laissant apparaître un passage secret.
Je me faufile à l’intérieur, et la statue revient aussitôt en place. J’ai à peine le temps de jeter un Lumos pour pouvoir voir à l’intérieur du tunnel, que je sens mes pieds déraper sur un sol lisse. Je m’assieds par terre et je me laisse glisser, comme sur un toboggan géant, pendant au moins une demi-minute. Quand je sens que je perds de la vitesse dans ma glissade, je me relève et marche, tenant fermement ma baguette dans ma main droite pour éclairer le passage. Je parcours pendant un long moment un couloir taillé dans la roche, trébuchant deux ou trois fois le long du chemin.
Finalement, je rencontre des escaliers. Comme il n’y a aucune autre voie, je m’engage dans celle-ci. Quelques dizaines de marches plus tard, ma tête rencontre un peu trop brutalement à mon goût le plafond. Tout en me frottant le crâne en marmonnant des jurons, je lève la baguette : c’est une trappe. Le plus silencieusement possible, je pousse le battant.
J’arrive dans une pièce poussiéreuse, peuplée de caisses et d’ombres. Personne en vue. J’aperçois d’autres escaliers au fond de la salle : je les grimpe sans faire grincer une marche, puis regarde à travers la serrure. Je reconnais très vite le magasin de friandises sorcières Honeydukes.
Et voilà qui explique le dernier mot du bout de parchemin de Potter. « Honeydukes ». Je connais donc un passage de Poudlard qui me permet de sortir de l’école et de me fournir en bonbons incognito.
Tant que j’y suis, autant en profiter… Le magasin est bien vide. Après tout, il est six heures trente du matin, les propriétaires doivent sans doute dormir. J’ouvre la porte, et une délicieuse odeur de sucre parvient à mon nez. Silencieusement, je me dirige vers un grand panier rempli de sachets de Chocogrenouilles à trois mornilles le batracien chocolaté. J’en prends trois. Puis je me déplace jusqu’au stand de chocolat à modeler ; j’en prends un bon kilo, que je fourre dans un petit sac plastique placé à côté.
Je m’apprête à repartir, mais j’ai brusquement l’impression d’entendre Roxanne me crier dessus, légèrement hystérique :
– Ginger, enfin ! Judith et moi ne t’avons pas élevée comme ça !
– T’es pas ma mère, je grommèle.
Donc… Trois fois trois, neuf mornilles pour les Chocogrenouilles, et un kilo de chocolat à modeler, ça fait deux gallions et demi à peu près. Je range trois gallions d’or dans le tiroir-caisse magique du magasin, puis je lance un sort dans le bac de chocolat à modeler pour qu’on ne voie pas que quelqu’un (en l’occurrence moi) s’y est servi.
Parfois, je me dis que je serais une personne vraiment immorale si je n’avais pas mes amies.
OoOoO
De retour à l’école, il est déjà sept heures. Je file dans ma salle commune ; personne n’est encore réveillé. Heureusement d’ailleurs ; les élèves se seraient posé des questions s’ils m’avaient vue arriver toute habillée, les joues et le nez rougis par le froid, avec des sacs de chez Honeydukes dans les bras. Je monte dans mon dortoir et m’assois sur mon lit.
Je prends le tas de chocolat à modeler, que je divise en deux grosses balles de tailles égales. Avec ma baguette, je donne une forme de chien à la première, et de hibou à la seconde. Je lance un sort de glaciation sur les deux ; le chocolat se durcit. Comme ça, il ne risque pas de se retransformer en gros tas informe.
Après le petit-déjeuner, je me rends au terrain de Quidditch et récupère mon balai. Il fait un froid pas possible, et ça risque d’être mauvais pour le bois de ce bon vieux Comète 290. Je fais quelques pirouettes dessus, pour passer le temps, puis, les mains gelées malgré mes gants, je retourne dans ma chambre et pose le balai sur mon lit. Bon, ça c’est fait. Comment vais-je m’occuper, maintenant ?
Je remarque sous une chemise traînant par terre une forme étrange. Je soulève le vêtement : c’est ma guitare ! Je l’avais complètement oubliée. Je la ressors et commence tranquillement à me jouer une ballade. Bientôt, une septième année ouvre la porte, furieuse.
– Y en a qui essaient de travailler, ici !
Bye bye la guitare.
OoOoO
Quelle journée horrible. Ce que je m’ennuie… Il est vingt et une heures. Je n’ai rien fait, strictement rien, de ma journée. J’ai l’impression d’être vide. Allons, ma fille, il est temps d’agir ! Tu ne vas pas te morfondre comme ça pendant deux semaines ? Deux semaines entières toute seule ! Non, je ne peux pas supporter deux semaines comme ça. Impossible.
Je me sens brusquement très seule. Je prends conscience du fait que je n’ai aucune famille. Ce n’est pas une grande découverte, mais cette pensée me frappe de plein fouet. Je suis seule. Tandis que mes amies peuvent passer Noël autour d’un feu de cheminée avec ma famille, moi, je n’ai que le souvenir d’eux périssant dans les flammes…
Je dois me ressaisir ! Non, la vie est belle, pas un nuage dans le ciel, le monde me sourit, je suis orpheline… Non, non, tout va bien, j’ai des amis, j’ai un souffre-douleur, je suis une bonne élève à l’école, que demander de mieux ?
Une famille, murmure la voix que je croyais avoir fait taire au fond de mon crâne.
Une idée stupide me vient en tête. Mais alors vraiment stupide. Il me reste encore une piste pour connaître ma famille. Il est temps de la suivre jusqu’au bout. Et tant pis pour tous les règlements que je transgresserai… Et puis ça fera un peu d’action pour ces vacances !
Le couvre feu est dans une demi-heure ; j’ai le temps d’aller aux cuisines. Arrivée devant une certaine nature morte, je chatouille la poire qui se met à glousser. Le tableau me libère le passage.
– Bonjour mademoiselle ! couine un elfe de maison. Puis-je vous aider ? Voulez-vous dîner ?
– Oui, vous pouvez m’aider, non, je ne veux pas dîner. J’aurais besoin… d’un gros morceau de pain. Et puis du fromage. Et… Et quelques pommes aussi. Oui, ce sera tout. Du pain, du fromage, des pommes. C’est possible ?
– Bien sûr, me répond l’elfe, qui n’a pas l’air surpris par ma requête. Je vais vous chercher cela tout de suite.
– Et au fait, j’ajoute avant qu’il ne s’en aille. Vous ne m’avez jamais vue. Compris ? Je ne suis jamais allée dans ces cuisines.
Docile, l’elfe acquiesce avant de partir me chercher ce que je lui ai demandé.
Une fois revenue dans ma chambre avec ma nourriture sous le bras, je lâche tout sur mon lit, vide un sac en le secouant, puis fourre à l’intérieur les pommes, le fromage, le pain, et mes chocogrenouilles achetées tout à l’heure, ainsi qu’un porte-monnaie contenant cinq gallions et vingt livres sterling, et un pull. Je regarde une seconde un petit miroir que m’a offert Roxanne il y a bien longtemps, et que je n’utilise jamais, puis le glisse lui aussi dans le sac. Ce sera comme si mes amies m’accompagnaient. Pourvu qu’elles puissent me guider… Ensuite, je m’habille avec un autre pull, un pantalon épais de Quidditch, des chaussettes en laine ; j’enfile une lourde cape noire, une écharpe rouge autour de mon cou ; je fourre mes gants en peau de dragon dans mes poches, et, une fois mes chaussures favorites aux pieds, j’attrape mon balai et lui lance un sort de Désillusion, ainsi qu’à mon sac. Je place des vêtements sur mon lit et les recouvre d’un drap, puis éteins la lumière : c’est parfait, on dirait vraiment que quelqu’un dort dans mon lit. J’attrape alors mes lettres pour Judith et Roxanne, et le chien et le hibou en chocolat, et sort de la chambre en un coup de vent.
Quand je descends dans la salle commune, je rencontre le regard étonné de la dernière Gryffondor encore debout.
– Tu vas où ? me demande la fille, qui me semble-t-il, est en troisième année.
– Ze vais bosder des leddres, je réponds mollement, feignant avoir un nez bouché, en les agitant devant moi.
– Le couvre-feu est dépassé, me prévient-elle en se levant, sans doute pour rentrer dans son dortoir et rejoindre son lit. Et visiblement tu es bien malade, ajoute-t-elle en fronçant les sourcils. Ca risque d’empirer si tu sors dans cet état.
– Ze b’en vige.
– Pardon ?
– Je-m’en-fi-che, je répète lentement, en faisant semblant de m’efforcer de parler intelligiblement.
Je sors en vitesse avant qu’elle ne dise quoi que ce soit d’autre, puis me rends à la volière. Pilpel, mon hibou, vole vers moi et j’évite juste à temps une collision entre mon crâne et lui. Je le ramasse et lui attache la lettre de Roxanne et le sachet contenant le hibou en chocolat sur une patte.
– Ne leur apporte pas ça avant deux jours, je murmure à Pilpel en lui caressant la tête avec mon pouce.
En réponse, l’oiseau frotte sa tête contre la paume de ma main, puis s’envole dans une petite niche tout en haut de la volière, et, miracle ! sans détruire les sucreries qu’il transporte.
La Grande Porte doit être fermée, à cette heure-ci. En effet, qui à part moi voudrait sortir du château à une heure pareille ? Après m’être lancé un sortilège de Désillusion, je me dirige vers le seul passage secret menant vers l’extérieur de Poudlard que je connaisse. Arrivée devant la statue de la sorcière borgne, je murmure Dissendium. Comme prévu, la statue se déplace sur le côté. J’enfourche mon balai, allume ma baguette, puis me lance dans le passage. Au bout de trois minutes, j’arrive à la trappe de Honeydukes.
Maintenant, ça va être coton. J’entends du bruit au-dessus de ma tête ; visiblement, les vendeurs sont en train de tout ranger avant la nuit. J’attends pendant un moment qui me paraît extrêmement long. Finalement, quand le moindre chuchotement s’est tu, j’ouvre la trappe le plus silencieusement possible, monte les escaliers menant au magasin, puis lance un Alohomora sur la porte bien évidemment fermée. La porte ne s'ouvre pas. J'aurais dû me douter que les magasins ne se servent pas de sorts si simples au point que l'on peut les ouvrir d'un sort appris en première année…
Je réfléchis quelques secondes, puis un sort enseigné par Pendleton pendant un de mes cours supplémentaires me revient en mémoire. Un peu compliqué. Ca devrait marcher... Je brandis ma baguette et essaie ce sort - je ne vais pas vous le révéler, vous risqueriez de vous en servir à mauvais escient... Bande de petits vicieux !
Il y a un déclic : la porte est ouverte. Je sors rapidement et lance le contre-sort derrière moi pour refermer la porte à clé, afin que personne ne découvre comment je suis sortie de l’école.
J’enfile mes gants en peau de dragon pour me protéger du froid hivernal. Autour de moi, pas un bruit, pas un souffle de vent. La lune, pleine, éclaire la rue commerçante et les diverses boutiques et échoppes de Pré-au-Lard. Le village dort.
L’elfe des cuisines que j’ai vu tout à l’heure ne dira rien si on lui demande quoi que ce soit. La fille dans le dortoir pense que je suis bien malade ; aussi, demain matin, quand elle verra que je ne me suis pas levée, elle passera rapidement dans ma chambre et me verra dormir tranquillement dans mon lit. Sans savoir bien sûr que la seule chose qu’elle pourra y voir, ce seront des vêtements roulés en boule recouverts d’un drap. Bref, on ne constatera ma disparition que dans un certain moment.
Satisfaite de mon travail, je rajuste mon sac sur mon dos, enjambe mon balai, puis, après avoir jeté un dernier regard vers l’immense silhouette du château de Poudlard, je m’envole vers d’autres horizons. Direction Londres. Plus précisément à l’appartement où on m’a trouvée, bébé, au milieu des flammes.
J’aurai peut-être la chance de croiser les Granger, ceux qui habitaient juste en face au moment de l’incendie… Et enfin, enfin, je saurai qui je suis.
Interlude Improvisé by Mak
Author's Notes:
Ce chapitre me plaît assez peu. J'ai eu du mal à l'écrire et le résultat est bien loin de me satisfaire. Plus court que les autres chapitres, il apporte un tout petit peu à l'intrigue principale de l'histoire.
Le jour du départ des élèves pour les vacances de Noël, Lucy Ackerley était restée à Poudlard, seule. Son amie Rose Weasley était partie, et Albus Potter aussi. Elle ne lui avait plus jamais parlé depuis le 31 octobre, ce fameux soir où elle avait voulu le rendre jaloux en embrassant un autre garçon. Elle pensait qu’il l’aimait – manifestement, elle s’était trompée. En se retournant pour voir la réaction du jeune Potter, elle l’avait vu en train d’embrasser cette rouquine insupportable qui avait un an de plus qu’eux.
Son cœur s’était brisé en mille morceaux en les voyant. Albus avait menti ; il n’avait pas invité Enderson au bal pour énerver son grand frère, mais pour pouvoir sortir avec elle par la suite.
Malgré elle, Lucy regrettait tous ces moments passés avec Albus, qui semblaient maintenant improbables, trop oniriques pour avoir réellement eu lieu. Albus avait toujours été son meilleur ami – maintenant, il était son pire ennemi. Du moins essayait-elle de s’en convaincre.
Restée seule dans sa salle commune, Lucy dessinait songeusement, ressassant ses souvenirs, les meilleurs comme les pires, les plus anciens mêlés aux plus récents, de ses moments passés avec Albus. Sans s’en rendre compte, elle esquissa les silhouettes de deux personnages.
Elle aurait aimé être celle qu’il avait embrassée le soir du bal, celle avec qui il aurait parlé des heures durant, celle pour qui aurait été destiné l’éclat de complicité dans ses yeux vert émeraude. Lucy regarda son dessin : l’un des personnages était devenu une fille, dont les cheveux relativement clairs bouclaient autour d’un cou de cygne. C’était une Lucy idéalisée, avec des traits fins et de grands yeux sombres, portant une superbe robe de princesse. L’autre personnage – son cœur se serra quand elle le réalisa – n’était autre qu’Albus, aux yeux clairs et aux cheveux noirs ébouriffés, dans une cape de chevalier, serrant sa baguette dans son poing, prêt à tout pour défendre sa belle.
Malheureusement, cela n’arriverait jamais, songea amèrement Lucy. Jamais il ne pourrait l’aimer après ce qu’elle avait fait à Ginger, au cours de Médicomagie. Si seulement, si seulement elle avait anticipé. Si seulement elle ne s’était pas retrouvée seule ce jour-là… Peut-être que la présence d’un condisciple aurait poussé Lucy à ne pas agir comme elle l’avait fait. Elle n’aurait pas été forcée de faire tomber l’écharpe rouge sur le visage paniqué d’Enderson. Mais elle l’avait fait. Et maintenant qu’Albus le savait, il devait la détester. Et elle aurait compris cette réaction : elle-même, en ce moment, elle se détestait.
Furieuse contre son sort, elle brandit sa baguette et déchira en deux le parchemin sur lequel elle dessinait à l’aide d’un sort de découpe. La coupure, nette, séparait les deux personnages. Elle roula en boule celui d’Albus et le lança dans une poubelle. Elle prit l’autre morceau de la feuille – qui était le brouillon d’un devoir de potions à faire pour la rentrée – le fourra dans son sac, et remonta dans sa chambre d’un pas vif.
Ce que Lucy ignorait, c’est qu’elle avait ensorcelé les deux morceaux de parchemin. Les deux personnages dessinés n’étaient plus immobiles ; ils étaient vivants.
Vers onze heures du soir, Albus de papier, encore froissé par le mouvement rageur de sa créatrice, regardait autour de lui, se demandant comment il ferait pour sortir de là. Il n’y avait qu’une seule chose qui comptait pour lui : retrouver sa belle, cette femme dont il ne connaissait pas le nom, mais dont le seul regard avait suffit pour lui voler son cœur. Il sentait, plus qu’il ne savait, de son côté, qu’elle l’attendrait coûte que coûte. Et le bonhomme de papier se sentait prêt à affronter tous les dangers pour elle, en bon chevalier servant qu’il était.
Il fit un effort considérable pour se propulser hors de son support de parchemin. Il essaya ensuite de faire exploser le mur que constituait la poubelle autour de lui, afin de sortir, avec sa baguette, mais cela ne marchait pas. Sa baguette ne fonctionnait que dans ses rêves. Ce n’était qu’une baguette en parchemin, après tout.
Avant qu’une autre idée ait pu lui venir dans sa tête de papier, un visage horrible apparut devant l’ouverture de la poubelle. Albus en papier voulut pousser un cri, mais aucun son de sortit de sa bouche grande ouverte.
Sans voir le personnage animé, l’elfe de maison prit la corbeille avec lui et transplana dans les cuisines du château. Une fois arrivé, la poubelle en main, il se rendit devant un immense sac en toile, contenant toutes les ordures du jour de Poudlard. Il fit léviter la corbeille au-dessus de lui, puis la fit basculer en avant pour la vider de son contenu.
Albus en papier se sentit glisser. Il se retint de toutes ses forces au bord de la corbeille, jusqu’à ce que la dernière boulette de papier soit tombée. En bas, l’elfe ne comprenait pas pourquoi ce morceau de papier restait accroché. Il secoua la poubelle, mais le parchemin tenait bon. C’est alors qu’il se rendit compte que le papier s’agrippait littéralement au rebord. Surpris, il laissa tomber la petite poubelle.
Albus en papier se laissa emporter par la corbeille, puis la lâcha au dernier moment ; alors que celle-ci percutait le sol dans un bruit sourd, lui atterrissait en douceur sur le sol dallé de la cuisine. A peine ses pieds de papiers touchèrent-ils la terre ferme qu’il se mit à courir pour échapper à l’elfe qui s’était lancé à sa poursuite. Passant sous les tables, se faufilant entre les pieds et sautant par-dessus les petits obstacles, le bonhomme de papier espérait que l’elfe ne le rattraperait pas. Celui-ci avait essayé de le ramener d’un simple Accio, mais avait dû se rendre à l’évidence : pour une obscure raison, les sorts ne fonctionnaient pas sur le personnage en parchemin animé.
Albus en papier courait à en perdre haleine, le long du mur, désespérant de trouver une porte. Les murs semblaient parfaitement lisses. Comment sortir d’une salle sans issue ? Il se ferait rattraper et finirait fatalement dans les ordures, loin de son aimée…
Penser à Lucy en papier fit naître en lui un sentiment mêlant amour, courage et volonté, balayant toute trace de désespoir. Non, il ne se laisserait pas abattre. Il devait la retrouver quoi qu’il arrive. Il n’aurait pu expliquer pourquoi – c’était comme ça, comme s’il avait été créé pour rester auprès d’elle.
A ce moment-là, un carré dans le mur pivota autour de l’un de ses côtés. Albus comprit : c’était une porte dissimulée. Il se jeta dans l’ouverture et continua de courir, sans faire attention aux cris de surprise des deux étudiantes, qui se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, qui avaient ouvert la porte.
– Emma ! Tu as vu ça ? Qu’est-ce que c’était ?
– Ça, Clo, je n’en sais rien !
Au bout de quelques couloirs, à bout de souffle, il se laissa tomber à terre, épuisé. Il jeta un coup d’œil derrière lui : l’elfe ne l’avait pas suivi. Quand il se sentit enfin prêt pour continuer son périple, il se leva et regarda autour de lui. Un problème de taille se posait : il ne savait pas du tout où il était, ni où il allait. Tant pis, il prendrait le chemin que le hasard lui offrirait.
Il se retourna et tomba nez-à-nez avec un rat. Surpris et terrorisé, il fit un bond de quelques centimètres et recula, brandissant sa baguette en parchemin devant lui – bien que ce soit parfaitement inutile. Oui, il était terrorisé : le rat faisait sa taille, mais était bien plus large que lui. Et les rats ne sont-ils pas connus pour grignoter le parchemin ?
-X-X-
Dès qu’elle entendit ralentir la respiration de la créatrice, la princesse Lucy en papier sortit de son support de parchemin du mieux qu’elle put. Avec une robe de cette taille, ce n’était pas si facile. Elle se retrouva donc en haut de la table de chevet de la créatrice, qui semblait à présent dormir à poings fermés.
Lucy en papier se jeta du haut du meuble, et se laissa porter par l’air jusqu’au sol en douceur. Dès que ses ballerines touchèrent le parquet de la chambre, elle se mit à marcher d’un pas vif, retenant les bords de sa robe devant elle pour ne pas trébucher.
Elle avait échangé un seul regard avec le jeune homme, mais elle savait qu’il l’aimait autant qu’elle-même. Ils avaient été séparés mais ils allaient se retrouver. Sans s’être concertée avec Albus en papier, elle savait qu’il la rechercherait coûte que coûte.
Elle arriva devant des escaliers. Se laissant tomber marche par marche, elle atteignit finalement la salle commune. Un feu ronflait dans l’âtre. Tout était calme : les étudiants de Serdaigle s’étaient couchés. Elle rejoignit l’endroit où se trouvait auparavant la corbeille, là où son aimé avait été jeté sans ménagement. Mais elle avait disparu.
Comment allaient-ils se retrouver ? Malheureusement pour elle, la petite princesse n’eut guère le temps de se poser la question. En se retournant, elle se retrouva nez-à-nez avec… un chat.
-X-X-
Tremblant, Albus en papier regardait le rat droit dans les yeux. C’est ainsi qu’il put lire dans les orbites noires de l’animal le sentiment qui l’habitait lui-même : la terreur. Oui, le rat avait peur de cette silhouette en papier animée, et qui surtout, tenait ce morceau de bois entre ses doigts. Le rat ne savait pas de quoi il s’agissait, il savait seulement qu’un gamin d’une taille plus conséquente s’en était servi pour le rendre jaune. La couleur s’était estompée au fil des semaines mais il se souvenait de la honte cuisante qu’il avait éprouvée en se retrouvant de cette couleur devant ses congénères.
Albus ne savait pas tout cela ; il était trop heureux de sa chance pour songer à le comprendre. Il venait de trouver un moyen de locomotion. Il avança d’un pas, et le rat esquissa un geste pour se retourner et détaler. Sans hésiter, Albus sauta sur le dos du rongeur. Celui-ci couina de terreur et se mit à tourner sur lui-même dans l’espoir de faire tomber le bonhomme de parchemin, mais Albus s’agrippait de toutes ses forces aux poils du petit animal. Finalement, tout en couinant de toutes ses forces, le rat se mit à courir. Il tourna à l’angle de quelques couloirs, grimpa une demi-douzaine d’escaliers, essuya les protestations des personnages des tableaux dérangés dans leur sommeil. Il avait tellement peur de son cavalier qu’il finit par rentrer dans un mur, tête baissée. Assommé, il s’effondra par terre.
Le chevalier improvisé sauta du dos de la bête et regarda autour de lui. Il était tout en haut d’un escalier, devant une porte. Malheureusement, il était loin d’avoir la taille requise pour pouvoir atteindre la poignée. Mais cette taille, justement, lui offrait une autre solution. La porte ne touchait pas tout à fait le mur : elle formait une ouverture très étroite avec celui-ci, suffisamment étroite pour pouvoir y glisser un morceau de parchemin. Le bonhomme se plaça de profil et entra par l’ouverture. Une dizaine de centimètres plus tard, il était entré dans la pièce fermée par la porte.
Il reconnaissant l’endroit : c’était ici que la créatrice les avaient dessinés, lui et la jolie princesse. Il promena son regard dans la salle, et tomba sur un gros chat persan blanc. Celui-ci se tenait presque couché, tendu comme un arc, prêt à sauter sur sa proie. Le félin était à la chasse. Albus eut un mauvais pressentiment : il courut de façon à voir ce qui se trouvait devant le félin.
Son cœur de papier manqua un battement. C’était la princesse Lucy.
-X-X-
Immobile, Lucy en parchemin regardait le fauve s’approcher d’elle. Il allait la mettre en pièces et elle mourrait avant d’avoir pu croiser à nouveau les yeux clairs de son aimé. Elle voyait son visage pâle et figé se refléter dans les yeux dorés du chat. Elle ne voyait rien d’autre que ces deux globes colorés s’approcher d’elle, indéfiniment… Enfin, le chat sembla prêt à se jeter sur elle. Il amorça un geste avec sa patte, mais s’arrêta au dernier moment et poussa un miaulement de douleur.
Lucy tourna la tête en même temps que le chat et regarda la silhouette qui venait de planter sa baguette de parchemin rigide dans la patte arrière de l’animal. Un sourire illumina son visage. C’était lui, c’était son sauveur. Elle savait qu’il la retrouverait.
Albus, face au chat, n’en menait pas large. Après avoir accompli cette diversion et retiré sa baguette, le petit héros de papier froissé se trouvait sans défense, et sans moyen d’attaque, devant le félin furieux. Celui-ci se jeta sur lui, toutes griffes dehors. Albus roula en avant et le chat sauta par-dessus lui. Il se retourna aussitôt, très en colère, et courut après la créature en papier. Le bonhomme de parchemin rejoignit en vitesse sa princesse, la pris dans ses bras et détala avant que le chat ne l’attrape. Il se réfugia sous un meuble couvert de poussière, où se trouvait un autre rat.
Terrorisé par l’animal, Lucy ouvrit la bouche pour pousser un cri mais, bien sûr, aucun son n’en sortit. Albus, lui, était ravi. Comme l’autre rat, celui-ci avait peur des silhouettes en papier. Le jeune homme s’avança vers lui, l’air menaçant, la baguette en avant. Le rongeur sortit de sous le meuble. Dehors, il poussa un couinement terrifié : il devait avoir croisé le chat.
Albus reposa Lucy au sol et celle-ci lui prit la main. Il lui sourit. Enfin. Ils s’étaient retrouvés.
– Fergus ! s’écria une fille dehors. Je t’ai déjà dit de ne pas poursuivre les rats, c’est dégoûtant !
Il y eut un miaulement indigné, un claquement de porte, et puis plus rien à part le crépitement léger des flammes de la cheminée. Albus vérifia qu’il n’y avait plus personne dans la pièce, puis fit sortir Lucy de sous le meuble.
Celle-ci s’époussetait ; sa robe était parsemée de poussière. Quand elle eut finit, elle se retourna vers son aimé. Il lui souriait. Elle se jeta dans ses bras et l’embrassa. Tout devint blanc autour d’eux, mais elle n’y fit même pas attention. A présent ils étaient réunis, plus rien d’autre ne comptait. Elle resta immobile dans cette position, et n’aurait su dire si c’était de son propre gré ou si elle avait été magiquement figée.
Les deux morceaux de parchemin étaient redevenus inanimés, et n’en formaient plus qu’un.
-X-X-
Au même instant, un étage plus haut, Lucy en chair et en os, allongée dans son lit, se repassait sa journée dans la tête, avec la nette sensation d’avoir manqué quelque chose. Elle se redressa en sursaut en se rappelant : elle avait oublié sa cape dans la salle commune. Elle décida de la récupérer à l’instant. Elle enfila donc les chaussons au pied de son lit et sortit de sa chambre sans un bruit. Il n’y avait personne d’autre qu’elle – toutes les autres étaient parties en vacances, ce qui faisait d’elle la seule fille de sa promotion à être restée dans la tour de Serdaigle. Elle descendit lentement les marches des escaliers du dortoir, essayant de n’en faire craquer aucune pour ne pas réveiller les autres filles de Serdaigle.
Elle s’approcha du canapé sur lequel elle avait posé la fameuse cape et fut soulagée. La dernière fois qu’elle avait oublié une de ses affaires dans sa salle commune, un devoir de Botanique en l’occurrence, elle l’avait retrouvé le lendemain peinturluré avec de très jolies couleurs, qui n’auraient pas fait plaisir au professeur Londubat si elle l’avait rendu dans cet état. Il existait une coutume propre aux Serdaigles : si quelqu’un oubliait une nuit ses affaires dans la salle commune, il ne pourrait pas la récupérer sans que les affaires en questions aient été légèrement arrangées par les soins des autres élèves.
Heureusement, elle était arrivée à temps ; la cape était en un morceau, et toujours aussi noire qu’avant. Une fois qu’elle fut certaine que personne n’avait touché à son vêtement, Lucy plia la cape sur son bras et s’apprêta à repartir dans sa chambre. Elle se figea en se retournant.
Près d’un fauteuil traînait un petit morceau de parchemin sur lequel elle reconnut aisément des personnages qu’elle avait dessinés. Mais quand elle les avait fait apparaître au bout de sa plume, elle ne les avait pas mis en scène ainsi. Le prince charmant Albus et Lucy la jolie princesse s’embrassaient tendrement, se serrant l’un contre l’autre comme après une longue séparation.
Lucy songea qu’on ne lui avait jamais fait de farce aussi épouvantable que celle-ci. Le couple continuait de s’embrasser, immobile, insensible à la douleur que ressentait Lucy. Plus elle les regardait, plus elle sentait la nausée l’envahir et son cœur se serrer. Car elle savait qu’à cause d’elle, uniquement à cause d’elle, jamais cette situation ne pourrait arriver dans la réalité.
Des larmes lui brouillèrent la vue. Elle n’en pouvait plus. Elle était trop triste pour pouvoir avoir des pensées claires. Elle se saisit du morceau de parchemin d’un geste vif, puis, dans un accès de colère contre elle-même, le jeta dans le feu brûlant de la cheminée de la salle commune.
Elle regarda les flammes lécher le parchemin et détruire lentement les deux personnages. Enfin, quand le papier fut entièrement consumé, elle se retourna et remonta se coucher.
Après m’être élevée d’une vingtaine de mètres au-dessus du sol, je réfléchis : comment vais-je me rendre à Londres alors que je ne sais même pas précisément où est situé Poudlard, au Royaume-Uni ? La solution me vient immédiatement à l’esprit : il me suffira de suivre les rails du Poudlard Express, faisant le lien entre Londres et Pré-au-Lard. Une fois située exactement au-dessus du chemin de fer, perchée sur mon balai, j’accélère. Le vent s’engouffre dans mes cheveux emmêlés, le froid s’infiltre dans mes vêtements et me frigorifie. Je resserre ma prise sur mon Comète et rentre la tête dans les épaules.
Je sens finalement que le balai a atteint sa vitesse maximale ; environ cent kilomètres à l’heure, si ma mémoire est exacte. Je regarde le sol ; les rails défilent à une vitesse impressionnante, quelques mètres plus bas. Le Poudlard Express doit voyager à une vitesse équivalente. A chaque début d’année, la locomotive démarre à onze heures tapantes, et on arrive au plus sorcier des villages de Grande-Bretagne vers dix-neuf heure : huit heures de voyage, donc. Je ne sais pas si je tiendrai le coup. Je commence déjà à avoir mal aux bras, crispée comme je suis sur mon balai. Et la rapidité des Comètes 290 ne garantit pas, mais alors pas du tout, leur confort. Bref, il va falloir songer à faire une pause pendant le voyage.
Tout en veillant à suivre scrupuleusement le chemin des rails, je repense à ma décision de fuguer de Poudlard. J’ai la nette impression d’avoir fait une très, très grosse bêtise. Mais tant pis ; maintenant que je suis partie, autant mener à bout la mission que je me suis attribuée. Avec un peu de chance, les voisins d’en face de l’appartement calciné où on m’a retrouvée, les Granger, seront là pour les fêtes. S’ils sont aussi vieux que les autres habitants de l’immeuble le prétendaient, ils n’ont pas dû partir loin pour les vacances d’hiver.
Au bout de quelques heures de vol, je n’en peux plus. Mon postérieur me fait affreusement mal (les balais sont vraiment TRES inconfortables), je suis (presque) littéralement congelée, je ne sens plus mes doigts de pieds ni le bout de mon nez. Je m’élève un peu plus dans le ciel et regarde aux alentours ; je repère, à environ une dizaine de kilomètres du chemin de fer, une large zone bien éclairée, sans doute une ville. Je retiens mentalement l’emplacement des rails par rapport à l’agglomération, puis je me dirige vers elle.
En me rapprochant de la ville, je me rends compte que, finalement, elle n’est pas aussi petite que je l’avais cru. Les rues sont encore animées, alors qu’il est plutôt tard ; trois heures du matin si j’en crois l’horloge d’une chapelle croisée sur mon chemin. Je me pose dans une ruelle sombre, et annule le sort de désillusion me concernant, tout en laissant mon balai invisible. Je range mon chapeau de sorcière dans mon sac, puis m’aventure dans une rue, et inspire une grande bouffée d’air.
Je me mets aussitôt à tousser. J’avais oublié comme l’air était pollué dans les villes moldues ! Ma tendre Ecosse, celle où se situe Poudlard, me manquerait presque. En revanche, il fait meilleur ici que là-bas ; l’air est légèrement moins froid, bien qu’il le soit suffisamment pour me tenir éveillée.
Je déambule, tout en observant les alentours. Où vais-je passer la nuit ? Cet hôtel-là m’a l’air bien cher ; je n’ai pas assez d’argent moldu pour me permettre de dormir là-dedans. Je pense vaguement à dormir à la belle étoile, avant de me rappeler que mes sorts de chauffages sont très médiocres, et que le bruit m’empêchera de me lover dans les bras de Morphée.
Mes pas m’amènent devant un immeuble de dix mètres de haut, datant sans doute des années cinquante, dont la porte est couverte par une quinzaine d’affiches indiquant toutes la même chose : « Démolition le 3 janvier ». Le bâtiment est désaffecté. Je suis assez peu tentée de dormir à l’intérieur. Ce n’est pas que j’ai peur des fantômes – ceux à Poudlard vous le confirmeront – mais… Je ne me sens pas spécialement en confiance. Prenant mon courage à deux mains, je pousse la porte. Après tout, je n’ai pas vraiment d’autre choix.
La porte de l’immeuble étant vitrée, la lumière de la lune filtre. Au rez-de-chaussée du bâtiment, il y a deux portes – deux appartements vides. J’ouvre celle de droite. A l’intérieur, un canapé avachi qui me rappelle vaguement celui dans la salle commune de Gryffondor, et un vieux réfrigérateur vide et débranché. La pleine lune, là aussi, éclaire la pièce. Je pense bien que je vais passer la nuit ici. Résignée, je pose mon balai à mes pieds, puis m’allonge sur le canapé tout en serrant mon sac contre mon cœur. Je trouve rapidement le sommeil.
OoOoO
Je me réveille brusquement quelques heures plus tard ; avant même d’avoir ouvert les yeux, je sais que quelque chose ne va pas. Mon sang se glace dans mes veines quand je me rends compte que quelqu’un tient mon menton entre ses doigts. Une odeur mêlant alcool, sueur et cigarette me parvient. J’ouvre les yeux, paniquée ; un visage rouge et luisant m’observe, m’adressant un large sourire aux dents jaunes. Un sourire carnassier mais un peu stupide. La lumière d’une lampe torche est braquée sur mon visage et fait briller ses cheveux gras.
– Mignonne, marmonne l’homme, et son sourire stupide s’agrandit.
J’étouffe une exclamation et repousse l’homme le plus loin possible en me redressant vivement ; l’homme retombe sur ses fesses, l’air hagard – visiblement, il a bu, et ce n’était pas du jus de citrouille. Je remarque alors, derrière lui, un autre homme, chauve et avec l’air d’être tout aussi éméché, tenant la lampe torche pointée vers mon visage. Je saute derrière le canapé.
– Bah alors, s’écrie Cheveux Gras, t’veux pas d’moi ? C’est pas’que ch’uis moche, hein ?
– T’es pas moche, je rétorque. T’as pas un physique facile, c’est différent.
Je dois me tirer d’ici au plus vite. Mon sac est bien sur mon épaule ; mais qu’ai-je fait de mon balai ? Je l’avais désillusionné pendant la nuit, et l’avais posé au pied du canapé. Il faut que j’en fasse le tour pour le récupérer, ensuite je me casse par la porte d’entrée et je me désillusionne rapidement dans le hall de l’immeuble avant que les deux poivrots ne me rejoignent, pour pouvoir filer en balai sans être vue.
Au bout de quelques secondes, Cheveux Gras comprend ce que je viens de dire.
– Hé. C’était pas sympa ça dis donc !
– PAS GENTIL DU TOUT ! hurle Mr. Chauve, derrière lui.
On dirait que Mr. Chauve a du mal à contrôler le volume sonore de sa voix. La puberté sans doute.
Cheveux Gras essaie de contourner le canapé vers la gauche, et moi je me déplace sur la droite. Il s’arrête, essaie de contourner vers la droite, je me décale sur la gauche. Il pousse un grognement de frustration et essaie de m’attraper en sautant par-dessus le canapé. Il se vautre lamentablement. Le temps qu’il reprenne ses esprits, je contourne rapidement le canapé, balance mon bras vers le sol, attrape mon balai invisible, et me mets à courir vers la sortie. Malheureusement, c’était sans compter Mr. Chauve qui m’attrape par le poignet. Il est bien trop costaud comparé à moi ; je ne peux pas m’en tirer.
Cheveux Gras se relève, et avec son grand sourire flippant, s’avance lentement vers moi. J’essaie de me dégager de la poigne de fer de Mr. Chauve ; en vain.
– ALORS, ON FAIT MOINS LA MALIGNE, HEIN ? crie-t-il.
Bon, il est temps de passer à l’action. La Constitution magique stipule clairement qu’un sorcier ne peut se servir de la magie en présence moldue qu’en cas d’extrême nécessité. Je suis sur le point de me faire tabasser – ou autre – par deux hommes ivres bien plus costauds que moi ; on peut considérer que je suis en cas d’extrême nécessité, non ? Je lâche mon balai, qui tombe dans un bruit mat à mes pieds. Puis, d’un geste vif et je l’espère discret, je sors ma baguette de ma poche et la pointe sur mon autre poignet endolori et maintenu par Mr. Chauve.
De toutes mes forces, je pense Lashlabask. Heureusement qu’on a appris les sortilèges informulés cette année ! Mr. Chauve est repoussé et tombe à la renverse. Profitant de la surprise des deux compères, je me baisse et ramasse mon balai, puis cours vers la porte et la claque derrière moi. Je me lance un sort de Désillusion et m’apprête à sortir quand j’entends derrière moi une voix stupéfaite :
– Mais ! Où qu’elle est passée la p’tite demoiselle ?
Je ne fais pas un mouvement, espérant passer inaperçue. Heureusement, les deux ivrognes ne doivent pas avoir les yeux en face des trous, car ils me dépassent en courant, d’une démarche mal assurée, sans me distinguer. J’attends deux bonnes minutes, le temps qu’ils se soient éloignés, puis je sors à mon tour.
Le ciel est violacé, légèrement rouge à l’horizon ; le soleil se lève. Les voitures font déjà un bruit d’enfer, les habitants de la ville marchent vite, pressés d’aller au travail. Je regarde ma montre : il est huit heures du matin. La rencontre avec ces deux abrutis m’a bien réveillée ; je ne risque pas de me rendormir. J’enfourche mon Comète 290 puis m’élève dans le ciel. Je retrouve rapidement le chemin de fer du Poudlard Express et reprends mon voyage.
OoOoO
Vers midi, morte de faim, je me pose au pied d’un gros chêne au milieu d’une forêt. Le moindre bruit est étouffé par la neige qui tapisse le sol et les branches des arbres dépourvus de leurs feuilles. Je rends à nouveau visible mon sac, puis en sors le fromage que j’avais demandé la veille à l’elfe, à Poudlard. J’en dévore un bon morceau en savourant le silence du lieu, appuyée contre un tronc – je n’ai pas vraiment envie de m’asseoir, après avoir passé quatre heures perchée sur un balai. Je me dégourdis les jambes, puis reprends mon chemin.
A peine une demi-heure plus tard, j’aperçois les premières maisons de la banlieue londonienne. Je retiens un cri de joie et commence à faire perdre de l’altitude à mon Comète. Bientôt, je pose le pied sur le sol bétonné de la capitale. Entre le bourdonnement désagréable des voix et le grondement des moteurs des véhicules, mes oreilles sont submergées par le bruit.
Je me cache dans une ruelle sombre, puis murmure un sort en pointant ma baguette sur mon balai après l’avoir rendu à nouveau visible :
– Reducto !
Aussitôt, le Comète 290 se met à rétrécir. Mais alors qu’il a atteint une cinquantaine de centimètres de longueur, le rétrécissement s’arrête. Je relance le sortilège, mais rien ne se passe. Sans doute une propriété magique du balai, un contre-sort lancé en usine pour ne pas que le balai devienne trop petit.
Résignée, j’essaie tant bien que mal de le mettre dans mon sac ; le manche dépasse. Tant pis. Je me lance le contre-sort pour le sortilège de Désillusion, puis sort.
Je me trouve dans une grande avenue que je ne connais pas. Je marche à tout hasard, sur les trottoirs couverts de neige sale, parfois dévisagée par les passants – avec une tignasse comme la mienne, j’ai parfois l’air d’un phénomène de foire – jusqu’à atteindre une station de métro. Descendue dans les tunnels, je finis par trouver un plan.
Je me trouve à la station de Paddington ; si je me souviens bien, l’appartement incendié se trouve pas très loin de Bond Street. J’ai un changement de ligne à faire. Je m’achète un ticket puis prend le métro. Au cours du changement, je croise un jeune d’une vingtaine d’année, avec des dreadlocks sur la tête. Il s’écrie :
– C’est quoi, cette cape ? C’est pas carnaval aujourd’hui !
Oups. J’improvise :
– Au moins, c’est original. Pas comme la perruque que tu portes !
Il me fait un geste obscène et passe son chemin. Pour cette fois-ci, ça va. Mais j’ai intérêt à me changer rapidement si je veux ne pas attirer l’attention.
Arrivée à destination, je marche dans l’avenue bordée de magasins, très fréquentée à l’avant-veille de Noël. Petit à petit, je m’enfonce dans des rues de plus en plus courtes, jusqu’à arriver à destination.
Comme dans mon souvenir, l’immeuble, haut de quatre étages, ne se différencie pas spécialement de ceux qui l’encadrent. Une jeune femme sort au moment où j’arrive sur le pas de la porte ; elle la garde gentiment ouverte, et je la remercie en entrant dans le hall de l’immeuble. Sans clés, je ne vois pas comment j’aurais pu entrer en me passant de ma baguette.
Je monte les quatre étages, et jette un œil à la porte des Granger ; non, c’est l’heure du déjeuner, je les dérangerais en sonnant maintenant et peut-être refuseraient-ils de m’aider. Je repasserai tout à l’heure.
Epuisée, j’ouvre l’autre porte de l’étage, celle de l’appartement brûlé. La pièce est toujours légèrement noircie, comme si la suie refusait de s’en aller depuis tout ce temps. Sans réfléchir, je lâche par terre mon sac, devant la cheminée éteinte, et retire ma cape. Je la plie soigneusement, la dépose sur le plancher, puis pose ma tête dessus. Je m’endors bien vite.
OoOoO
J’ouvre les yeux dans la soirée. J’essaie de déterminer la cause de mon réveil, quand j’entends un gargouillis : c’est la faim qui m’a tirée du sommeil. J’ouvre mon sac et termine le fromage. Ensuite, je mange une pomme. Puis une autre. Et encore une autre. Mais j’ai toujours faim. Je ne peux pas manger toutes mes réserves d’un coup… A contrecœur, je me lève, m’étire pour faire disparaître mes courbatures dues à mon périple en balai et à ma sieste effectuée à même le plancher en linoléum cramé de l’appartement.
Je sors de mon sac mon porte-monnaie. Je ne pourrai pas me servir de mes gallions : j’ai travaillé pour la moitié des commerçants du Chemin de Traverse, et ils seraient très étonnés de me voir en-dehors de l’école alors qu’ils savent que je n’ai pas de famille. Bref, je serais aussitôt grillée. Donc on oublie les gallions.
En revanche, j’ai une petite vingtaine de livres sterling. Ca ne me permettra pas de rester ici bien longtemps, mais j’aviserai plus tard. Je mets mon sac sur mon épaule, enfile un deuxième pull par-dessus le premier, met ma cape sur les épaules – tant pis si on me prend pour une originale, il fait trop froid pour se balader sans – puis je sors de l’appartement.
Il est à peine dix-huit heures, mais, à cause de l’hiver, il fait déjà nuit noire. Je marche à vive allure, tout en tenant mes bras serrés contre mon corps, espérant vainement me réchauffer. Bientôt je suis obligée de ralentir, pour ne pas glisser et m’étaler sur la neige boueuse qui recouvre les trottoirs. Je regarde attentivement mes pieds, marchant très lentement pour éviter la moindre chute. J’arrive finalement devant un magasin de sucreries. Je pousse la porte ; une petite cloche accrochée au-dessus de celle-ci signale mon entrée.
La moyenne d’âge dans le magasin doit être de dix ans. Des gamins courent dans tous les sens, d’un stand à l’autre, traînant derrière eux leurs parents dépassés par les événements. On se croirait dans une cour de récréation. Je me fraye un passage jusqu’à des portants de barres extra-nourrissantes au chocolat – exactement ce qu’il me faut. Une barre coûte deux livres cinquante ; j’en prends deux, puis repars en expédition vers la caisse.
Je dois faire la queue pendant au moins dix minutes avant de pouvoir poser mes achats devant la vendeuse. Elle doit avoir à peu près mon âge, mais elle a l’air profondément désabusée.
– Cinq livres s’il-vous-plaît, récite-t-elle d’un ton monocorde.
Je lui tends mon billet de vingt. Elle me rend mollement la monnaie. Ses gestes sont répétitifs, son regard éteint. Elle ressemble à un automate.
Je range mon porte-monnaie dans mon sac puis sors. Entre-temps, il s’est remis à neiger. Je regagne l’appartement d’un pas vif. Un homme sort au moment où j’entre et il me tend galamment la porte. Je bénis ma chance ; une fois de plus, je peux entrer sans problème, et surtout sans clé. A l’intérieur de l’appartement, il fait un peu plus chaud que dans la rue. Mon regard tombe dans l’âtre sombre de la cheminée, mais l’idée de lancer un feu disparaît de mon esprit aussi vite qu’elle m’est venue : la cheminée n’a pas été ramonée depuis des lustres, ça pourrait être dangereux.
Je pense à nouveau à mes mauvais sortilèges de chauffage. La dernière fois que j’ai voulu en lancer un, ma robe s’est enflammée. A éviter, donc. En parlant de sortilèges, j’ai lancé un Lashlabask quand les deux ivrognes me sont tombés dessus ce matin… J’aurais dû recevoir une lettre du Ministère me disant qu’on allait me détruire ma baguette ou quelque chose comme ça, non ? Sans doute la lettre est-elle arrivée à Poudlard. Quand ils verront qu’une lettre du Ministère est arrivée à mon nom, ils vont bien finir par se rendre compte que j’ai filé. Ils vont lancer des recherches, et, je le crains, me retrouver. Bref, j’ai intérêt à retrouver mes parents au plus vite. Il n’est que dix-neuf heures : il est temps de rendre visite aux Granger.
-X-X-
Maureen Granger vidait le lave-vaisselle. Elle sortait une assiette, l’essuyait, la rangeait dans le placard, puis passait à l’assiette suivante. Ce travail était répétitif, mais cette routine était agréable. Pas d’imprévus possible dans ce travail-là, à part éventuellement une assiette mal lavée par la machine. Parallèlement, cela lui permettait de penser à autre chose. On était un 23 décembre ; comme souvent à l’époque de Noël, les pensées de Maureen glissèrent naturellement vers l’incendie de 2004.
Après avoir confié la petite Ginger Enderson au pensionnat pour jeunes filles Hestia, elle n’en avait plus entendu parler et avait souhaité oublier toute cette histoire. Mais, et c’était bien dommage, songea Maureen, on ne pouvait pas décider des souvenirs que l’on gardait et de ceux que l’on oubliait. L’image des flammes léchant l’appartement de Mrs. Andres était encore très nette dans son esprit. En y repensant, elle frissonna, et frotta avec d’autant plus de force son assiette.
Pour occulter l’incendie de son esprit, elle pensa à autre chose. Cette année, elle allait voir sa fille, et toute sa belle famille, à l’occasion du dîner de Noël. Elle n’avait pas souvent l’occasion de voir ses petits-enfants, Rose et Hugo, parce qu’ils allaient à l’école de sorcellerie Poudlard pendant pratiquement toute l’année. Cela faisait au moins quatre mois qu’elle ne les avait pas embrassés. Elle sourit en s’imaginant entourée de sa fille et de ses enfants pour ce Noël.
Aussitôt, une autre image s’imposa dans son esprit : celle de Mrs. Andres, debout au seuil de sa porte, lui annonçant ces mots qu’elle n’avait jamais oublié après tout ce temps.
« Les jours sont comptés. Tout ce que je vous demande, c’est de prendre soin de la petite Ginger Enderson… »
Elle secoua la tête, espérant chasser ces phrases de son esprit ; en vain. Excédée, elle posa brutalement l’assiette qu’elle tenait sur la table de la cuisine. Il fallait qu’elle fasse quelque chose pour se changer les idées. Lire, par exemple. Le Daily Mail du jour annonçait des nouvelles déprimantes ; elle fut vite lassée et attrapa une ancienne lettre de sa petite-fille posée sur la table. Elle la lut de bout en bout, jusqu’à la connaître par cœur ; mais l’image de Mrs. Andres restait bien présente dans son esprit. Elle se leva et ouvrit la porte d’entrée pour voir s’il y avait du courrier.
Maureen eut alors le choc de sa vie.
Sur le seuil de la porte de l’appartement brûlé se tenait, dans la même pose que Mrs. Andres dix-sept ans plus tôt, une jeune fille qui lui ressemblait énormément. Celle-ci la regardait avec un air légèrement surpris. Elle s’avança vers elle ; par réflexe, Maureen essaya de fermer la porte. Mais elle fut bloquée par le pied de la jeune fille qui semblait avoir anticipé la réaction de Maureen. Elles poussèrent un cri en même temps ; Maureen de peur, la fille de douleur.
– Allez-vous-en ! s’écria Maureen en essayant de pousser la porte.
– Non, je dois vous parler.
Maureen remarqua alors un détail qui lui glaça le sang : l’autre tenait dans sa main un long bâton en bois, d’une trentaine de centimètres. Une baguette. Maureen savait qu’elle n’avait aucune chance face à une sorcière. La fille suivit le regard terrorisé de Maureen, puis releva la tête pour la regarder droit dans les yeux. Maureen n’essaya même pas de cacher sa panique.
– Vous savez ce que c’est ? dit-elle en levant sa baguette.
Maureen eut un mouvement de recul. Elle hocha la tête. La fille profita de ce moment pour se glisser dans l’appartement des Granger. Maureen balbutia :
– Ne rentrez pas chez moi, sinon…
– Sinon quoi ? la coupa-t-elle, sarcastique.
– Sinon… Sinon j’appelle ma fille. Elle travaille au Ministère, elle vous arrêtera si vous essayez de me lancer un sort. Vous n’avez pas le droit.
Il sembla à Maureen qu’elle avait touché juste. La jeune fille baissa légèrement sa baguette, mais les jointures de ses mains blanchirent, signe qu’elle la serrait plus fort dans son poing. Elle dépassa Maureen et lança un coup d’œil dans le salon. Son regard s’arrêta sur un cadre. Elle s’en approcha et contempla la photographie qu’il contenait.
– Qui êtes-vous ? Et qu’est-ce que vous voulez me dire ? demanda finalement Maureen.
– Je m’appelle Ginger Enderson. Je voulais savoir si vous connaissiez mes parents.
A ce nom, Maureen sursauta.
-X-X-
– Je m’appelle Ginger Enderson, dis-je simplement. Je voulais savoir si vous connaissiez mes parents.
Mrs. Granger sursaute violemment à l’énoncé de mon nom. Visiblement, elle me connaît. Elle devrait donc pouvoir m’aider. Enfin ! Le temps qu’elle se remette de ses émotions, et pour me distraire de l’excitation qui gonfle dans ma poitrine, je tourne à nouveau la tête vers la photographie, qui montre une petite fille et un petit garçon, aux côtés de Mrs. Granger, avec quelques cheveux blancs en moins. Les trois se ressemblent beaucoup ; elle doit être la grand-mère des deux. La fille me dit quelque chose. Son air m’est familier… Mais… ! C’est Rose Weasley !
Oui, à n’en pas douter, c’est Rose Weasley. Et la mère de Rose Weasley, c’est… Oh, je sais plus trop, un nom très étrange en tout cas. Mais cette femme, je sais qu’elle a aidé le Survivant à éradiquer Lord Voldemort. Si Mrs. Granger l’appelle, je suis fichue. J’ai intérêt à rester calme.
Je regarde à nouveau mon hôtesse. Celle-ci, très pâle, me fixe, l’air paniqué.
– Calmez-vous, je ne vais pas vous manger. Alors ? Vous étiez là le soir de l’incendie ?
Mrs. Granger sursaute à nouveau et me répond dans un murmure :
– Oui. C’est moi qui ai appelé les pompiers.
Brave femme.
– Et j’étais dedans, je complète. Vivante.
Elle hoche la tête sans répondre.
– Et mes parents étaient dedans, morts.
Cette fois-ci, elle secoue la tête.
– Non. On n’a retrouvé aucun … aucun corps.
– Vous connaissiez mes parents ? je demande, pleine d’espoir.
– Non. Je… Il y avait une vieille dame qui habitait là. Elle s’appelait Mrs. Andres. Et… C’est bizarre… Trois jours plus tôt, elle m’a parlé. De vous.
– Qu’est-ce qu’elle a dit ?
Je suis sur des charbons ardents. Mon cœur bat de façon totalement désordonnée. Elle inspire profondément, ce qui a le don de m'énerver encore plus, puis me répond :
– Elle m’a salué, puis elle m’a dit … (elle semble chercher dans ses souvenirs) Elle m’a dit qu’elle craignait de gâcher mon Noël. Je lui ai demandé pourquoi. Elle m’a répondu « Les jours sont comptés. Tout ce que je vous demande, c’est de prendre soin de la petite Ginger Enderson ».
Hm. Bizarre en effet. Les paroles énigmatiques de la vieille voisine me laissent espérer que cette histoire a une suite :
– Et après ?
– C’est tout. Après elle a claqué la porte. Trois jours plus tard son appartement prenait feu, et on vous retrouvait en train de hurler au milieu de l’incendie. Elle … elle vous ressemblait beaucoup, vous savez.
– Vous pensez que c’était ma grand-mère ? je demande, sentant une nouvelle vague d'excitation me parcourir.
– Je n’en sais rien. C’est possible. Vous lui ressemblez un peu.
– Que savez-vous d’elle ?
– Pratiquement rien. Elle habitait en face depuis quelques mois quand l’incendie a eu lieu. Elle disait des choses assez insensées la plupart du temps. Je ne l’ai jamais vue avec qui que ce soit. C’est comme si elle n’avait pas de famille.
Je suis bien avancée, maintenant. Je sens la déception poindre dans ma poitrine.
– Qui m’a mise à Hestia ?
– Moi, répond-elle.
– Pourquoi ? je demande, très surprise.
– C’était écrit… Une lettre. Attendez, je vais la chercher.
Elle sort de la pièce, me laissant ressasser ses paroles énigmatiques. Mrs. Andres n’avait donc pas de famille. Pourtant, on dirait bien que j’étais sa petite-fille. Mais d’où est-ce que je venais ? Je ne suis pas avancée du tout. C'est presque pire qu'avant...
– Voilà, dit Mrs. Granger en entrant dans la pièce, une enveloppe jaunie dans la main.
Elle me la tend et je la prends délicatement. Il est écrit, d’une écriture fine et penchée, le nom de mon interlocutrice. J’ouvre l’enveloppe : elle contient un minuscule bout de papier. « Pour l’éducation de Ginger à Hestia ». Je tourne et retourne le papier : rien d’autre. Juste cette courte phrase.
– Il y avait aussi un chèque, ajoute-t-elle avant que j'aie eu le temps d'en placer une. Je connaissais Hestia, j’y avais mis ma fille ; j’ai compris qu’elle voulait que je vous envoie là-bas.
Je ne sais pas quoi dire. Vers qui dois-je me tourner pour expliquer mon enfance détestable : la vieille Wilson, directrice de Hestia, Mrs. Granger, ou Mrs. Andres ? Ma quête pour la recherche de mes origines est loin d’être terminée. Mais foi d’Enderson, je n’abandonnerai pas ! Plongée dans mes pensées, je mets du temps à me rendre compte du silence de Mrs. Granger. Elle semble réfléchir à toute allure.
– Vous avez dix-sept ans, lâche-t-elle soudain au terme d'un rapide calcul mental, l’air méfiante.
Je ne réponds pas. Non, je n’ai que seize ans pour l’instant, dix-sept demain.
– Vous devez encore être à Poudlard. Qu’est-ce que vous fabriquez ici ?
Oh-oh. Grillée.
– Je… Je suis en vacances scolaires. Je, hum, je suis à Hestia pour les vacances. J’étais passée ici… par curiosité. Bon, maintenant que vous m’avez répondu, euh… Merci de m’avoir aidée, et, euh, joyeux Noël.
– Joyeux Noël, marmonne-t-elle en me fixant d'un air peu convaincu.
J’ouvre la porte d’entrée. Elle me suit du regard depuis sa porte alors que je descends les étages. Au bout d’une vingtaine de secondes, j’entends la porte claquer. Cependant je dois sortir du bâtiment ; je suis pratiquement certaine qu’elle veut vérifier que je rentre bien à Hestia ; elle va me surveiller de sa fenêtre. En sortant, je jette un œil ; en effet, elle me regarde fixement, derrière une vitre, une assiette dans une main, une serviette pour l’essuyer dans l’autre. J’enfonce mon nez dans mon écharpe et marche d’un pas vif loin de la rue. Elle regardera par la fenêtre pendant un bon moment, pour vérifier que je ne reviens pas... Autant faire un tour avant de rentrer.
Que faire maintenant ? Personne ne sait qui constitue ma famille. Le brouillard qui entoure ma naissance s’est davantage épaissi. Je pourrais essayer de découvrir qui est Mrs. Andres. Mais où ? Elle n’avait pas de famille ; Mrs. Granger était la dernière personne à qui je pouvais m’adresser. J’aurais l’air bête, à rentrer maintenant à Poudlard… Non, c’est décidé, je reste ici jusqu’à trouver une piste digne de ce nom.
Je lève la tête ; mes pas m’ont conduite devant une jolie maison du début du siècle, illuminée par des décorations de Noël. A l’intérieur, des gens de mon âge, intégralement déguisés – fantômes, pirates, princesses et j’en passe – dansent les uns contre les autres. La musique, qui ne ressemble à rien, filtre à travers la porte.
Soudain, une fille déguisée en fée sort de la maison et m’aperçois. Elle court vers moi.
– Salut ! Tu dois être Lauren, la cousine de Max ? Enchantée ! Moi c’est Mary, j’organise cette soirée déguisée. Max m’a dit qu’il ne pouvait pas venir, ça ne te dérange pas ?
Avant que j’aie pu répondre, elle enchaîne :
– Pas mal, ton costume de sorcière ! Très réaliste.
Je m’apprête à lui dire qu’elle fait erreur, mais je m’arrête. Après tout, pourquoi ne pas rester ? Je n’ai rien d’autre à faire. Et il doit y avoir un buffet. J’ai super-faim, et ça a le mérite d’être gratuit.
Et si Max, mon « cousin », n’est pas là, ça veut dire que personne ne me connaît. Je pense pouvoir m’incruster sans problème. Allez Ginger, ou plutôt Lauren, c’est parti, on joue le jeu.
– N’est-ce pas ? je réponds joyeusement en tournant sur moi-même pour faire virevolter ma cape. Attends, j’ai même le chapeau.
Je sors mon authentique chapeau de sorcière, un peu froissé, et le pose au sommet de mon crâne. Mary glousse.
– C’est génial ! Viens, je vais te présenter aux autres. Au fait, dit-elle en m’inspectant, tu ne t’es pas maquillée, c’est dommage… Je crois que j’ai un nez de sorcière dans un placard là-haut. On va finir de te déguiser.
Un nez de sorcière ? Ah, oui, sûrement un truc de moldu. Mais hors de question de porter un gros nez crochu couvert de pustules pendant toute la soirée. Je ne connais personne et je ne reverrais aucun de ces jeunes, mais j’ai quand même un minimum d’honneur.
– Non non, ça ira, merci.
Elle ouvre la porte. L’affreuse musique retentit d’autant plus fort à mes oreilles. Quelle horreur ! Comment peut-on danser sur ça ? Je retiens mes commentaires acerbes en voyant Mary secouer la tête en rythme.
J’accroche mes deux pulls et mon écharpe sur un portant à l’entrée. Je porte un pantalon noir et un T-shirt sombre avec ma cape et mon chapeau ; ça devrait aller pour le déguisement. Je garde quand même ma baguette dans ma poche… Simple mesure de sécurité. Je pose mon sac par terre, et aussitôt, Mary me prend la main et me guide parmi ses invités.
Dans quoi me suis-je encore fourrée ?
Author's Notes:
Bonjour bonjour !
Je voulais juste vous dire un tout p'tit truc avant de vous laisser lire : MERCI pour toutes les reviews, MERCI pour toutes les lectures, MERCI pour tous les passages sur maksstories.skyrock.com ! C'est juste que les chiffres sont impressionnants (je sais, je sais, ce ne sont que des chiffres... Mais quand même !), ce qui fait gonfler plus encore ma grosse tête de petite prétentieuse insupportable.
Bon. Place à la lecture !
Elle m’amène à un groupe d’une demi-douzaine de gens de mon âge, dont la moitié est bien éméchée, en train de rire ensemble.
– Coucou ! Je vous présente Lauren, c’est la cousine de Max.
Une fille de la bande se met à glousser. Je reconnais la caissière du magasin de sucreries de tout à l’heure, dans un costume de policière, complètement ivre. Mary me pousse au milieu des inconnus, puis prend la poudre d’escampette.
– Moi c’est Paul, fait un garçon pirate en me tendant la main que je m’empresse de serrer.
– Mina, dit la fille du magasin de bonbons en gloussant à nouveau, faisant un signe maladroit de la main.
– Violette, se présente une autre fille aux cheveux blonds, déguisée en ange, avec une robe blanche et une paire d’ailes dans le dos.
– Charlie, me salue un autre, habillé en Zorro.
– Wally, dit un autre garçon habillé comme Wally dans « Where’s Wally ? ».
– Laeticia, achève une fille aux cheveux noirs et courts, portant la robe jaune de Blanche-Neige.
J’ai rien retenu. A part Wally. Lui, je ne vais pas avoir trop de mal à me souvenir de son nom.
La fille-ange me dévisage. Je lui lance un regard plein de curiosité. Qu’est-ce qu’elle me veut ?
– Sympa, ton costume, lâche-t-elle finalement avec un fort accent français.
– Euh… Merci, le tien aussi. Vous êtes tous dans la même école ? je demande à tout hasard pour éviter le regard insistant de l’ange.
– Non, me répond Zorro. Paul, Laeticia et moi, précise-t-il en me montrant le pirate et Blanche-Neige, on est dans la même école que Max et Mary. Violette est dans une école en France – désolé Violette, j’ai encore oublié le nom de ton lycée, ajoute-t-il en se tournant vers l’ange. Et Wally et Mina ont terminé le lycée, dit-il en me montrant la policière et Wally, collés l’un à l’autre.
Ils éclatent de rire quand ils entendent leur nom.
– Wally fait des études de droit, me confie Blanche-Neige. Et Mina travaille dans un magasin de friandises.
Je hoche la tête, en me préparant mentalement à la question qu’on ne va pas manquer de me poser. Effectivement, l’ange me demande avec son petit accent français :
– Et toi, tu fais quoi ? T’es encore au lycée ?
– Oui, je réponds. Je sais pas si tu connais, c’est un lycée vraiment loin d’ici et pas très célèbre. (J’inspire un grand coup). Poudlard.
L’ange lâche son verre de bière qui se répand sur Mina, et celle-ci hurle de rire.
Bon, elle, elle connaît le monde de la magie. C’est bien ce que je pensais, vu comme elle regardait mon « costume » il n’y a pas cinq minutes. Les autres quant à eux ont l’air de chercher ce nom dans leur mémoire.
– Connais pas, avoue au bout d’un moment le pirate en haussant les épaules.
– Et toi Ange… euh… Violette, c’est ça ? Tu es dans quel lycée en France ?
Elle a un petit sourire et me répond :
– Beauxbâtons. Tu connais ?
– Ca ne me dit rien, je mens en souriant à mon tour. Tu m’accompagnes, Violette ? Je vais me chercher à manger.
– Tu ne veux pas que je t’accompagne ? me demande le pirate en essayant de me lancer un regard ténébreux.
Désolé mec, ça ne prend pas avec moi.
– Non, dit Violette en le repoussant. Tu sautes sur tout ce qui bouge, on ne voudrait pas que la cousine de Max parte d’ici avec une mauvaise impression, n’est-ce pas Paul ?
Le pirate grimace puis se retourne vers ses amis. Violette et moi nous dirigeons vers un grand buffet. Miracle, de la pizza ! Ca fait une éternité que je n’ai pas mangé quelque chose de cuisiné. J’en prends une part énorme et commence à la manger.
– Tu es vraiment la cousine de Max ? me demande Violette.
– Euh… Non. Je passais devant.
Violette a l’air amusée.
– Tes parents savent que tu es ici ?
– J’ai plus de parents, je lâche avant de prendre une énorme bouchée de pizza.
L’ange a l’air désolée. Ah, je crois que je viens encore de casser l’ambiance.
– Toutes mes condoléances, me dit-elle précipitamment.
– T’en fais pas, je m’en souviens même plus. Je suis partie de Poudlard pour savoir si j’avais de la famille ici, en fait. Et toi, tes parents savent que tu es ici ?
– Oui. Je suis amie avec Mary depuis très longtemps, et j’ai déménagé en France il y a une dizaine d’années maintenant. Mon père m’envoie ici tous les ans à Noël pour passer les fêtes avec mes anciens amis. Comment tu t’appelles, au fait ?
– Ginger. Ginger Enderson.
– De quoi vous discutez ? s’écrie Zorro. De moi et de ma beauté légendaire sans doute ?
– De ta stupidité légendaire plutôt, répond Violette, amusée.
La musique s’arrête – enfin ! mes oreilles vont pouvoir se reposer – puis reprend ; cette fois-ci, c’est un slow. Zorro se racle la gorge et demande alors à Violette en faisant une courbette :
– Mademoiselle, m’accorderiez-vous cette danse ?
– Mais avec plaisir, très cher, répond-elle en rosissant.
Ils s’éloignent tous deux sur la piste de danse. Je les regarde danser un moment. Malgré son masque, on voit aisément que Zorro est ravi. En croisant mon regard, Violette m’adresse un grand sourire.
Je détourne le regard et tombe nez-à-nez avec le pirate de tout à l’heure.
– Bien, dit-il avec un petit sourire. Maintenant que Violette ne te protège plus, accepterais-tu de danser avec moi ?
– Pourquoi pas, je dis en haussant les épaules, n’ayant rien de mieux à faire.
Je pose mon assiette en carton vide sur le buffet, puis me laisse guider jusqu’à la piste de danse. Le pirate pose ses mains sur mes hanches, je pose les miennes sur sa nuque, puis nous commençons le slow.
Au bout de dix secondes, j’en ai déjà marre. Qu’est-ce qu’on s’ennuie ! C’est quoi déjà l’intérêt de danser ? La dernière fois que j’ai valsé, j’ai détruit une amitié, celle entre Lucy et Albus. Penser aux deux apprentis sorciers, au milieu de tous ces moldus, me fait sourire. Le pirate l’interprète à sa façon et me serre un peu plus contre lui. Ca ne me dérange pas trop, donc je le laisse faire. Plus loin, Blanche-Neige essaie tant bien que mal de séduire Wally. Ca ne doit pas être trop dur, vu comme il est bourré.
Je sens alors les mains du pirate avec qui je danse descendre… un peu trop bas. Je m’approche de son oreille et murmure :
– Enlève tout de suite tes mains d’ici ou je t’égorge.
Ses épaules se secouent de rire puis il remonte ses mains.
Pourquoi riait-il ? J’étais sérieuse.
La musique prend fin, mais aussitôt un autre slow commence. Heureusement, je suis libérée par quelqu’un qui me tapote dans le dos. Je me retourne : c’est Mary, la fille qui organise la soirée.
– Je peux te l’emprunter une seconde, Paul ? dit-elle à mon cavalier, avec un sourire un brin crispé.
– Y a pas de problème, répond-il en essayant de ne pas avoir l’air trop déçu.
Elle me prend par la main et me conduit jusqu’à l’entrée. Au passage, je croise le regard alarmé de Violette. Qu’est-ce qu’il se passe ?
Mary me fait face, bras croisé et regard énervé. Au bout de cinq secondes, elle lâche :
– Max m’a appelée.
Je cherche dans mes souvenirs. Max, c’est mon « cousin ». Oups. Ca sent mauvais pour moi.
– Ah, je dis d’un air dégagé en essayant d’oublier le nœud dans ma gorge. Et qu’est-ce qu’il a dit ?
– Il a dit, énonce-t-elle lentement, que Lauren ne pourrait pas venir non plus.
Merrrr.. credi.
– Mince alors, je réponds, ne sachant pas quoi dire d’autre.
– Qui es-tu ?
– Eh bien en fait…
– Elle s’appelle Ginger.
Je me retourne : c’est Violette.
– Coucou, Violette, la salue sèchement Mary. Tu sais qui c’est ?
– Oui oui, c’est une cousine à moi. J’avais vraiment très envie de la voir et je l’ai invitée ici, mais j’ai oublié de te prévenir, et je ne savais pas comment tu allais réagir, alors je ne t’en ai pas parlé… Désolée…
– Et pourquoi elle a dit qu’elle s’appelait Lauren ? demande Mary en se détendant un tout petit peu.
– J’ai jamais dit que j’étais la cousine de Max, j’interviens. C’est toi qui es arrivée en me saluant et en me prenant pour elle.
Elle décroise les bras, l’air moins énervée.
– C’est juste. Tu aurais pu m’en parler, quand même, Violette. En tout cas, Ginger peut rester.
– Non, c’est bon, ça ira. Je vais rentrer chez moi maintenant, mes parents vont s’inquiéter.
Et puis j’en ai marre de cette fête. J’ai mangé, je n’ai plus aucune raison de rester ici.
Violette me fixe, étonnée.
– Violette, c’était un plaisir de te revoir, dis-je en me tournant vers elle. J’espère qu’on se rencontrera à nouveau un de ces quatre.
– Tu es sûre que tu ne veux pas rester ?
– Non, je suis un peu fatiguée, je réponds simplement. Bonne soirée !
J’enfile mes deux pulls, prends mon sac et sors. Dehors, il fait nettement plus froid. Je marche à pas rapides dans la rue. Comme elle est un peu retirée des autres magasins, elle est entièrement vide. Je resserre mon écharpe autour de mon cou tout en claquant des dents.
– Ginger, attends !
Je me retourne : c’est Violette, toujours dans sa tenue d’ange, qui me court après.
– Rentre, tu vas attraper froid habillée comme ça, je lui réponds.
– Où vas-tu ? Tu m’as dit que tu n’avais plus de parents.
– C’est vrai, je n’en ai plus. Mais je me suis trouvé un appartement vide en attendant.
– Chauffé, au moins ?
Non.
– Oui ! je mens, pour qu’elle me lâche la grappe. Maintenant, je vais rentrer. Et toi, tu devrais faire de même.
– Il fait vraiment très froid, tu ne trouves pas ? me dit-elle en claquant des dents.
– Forcément, on est en décembre. Et puis, t’as vu ce que tu portes ? Va te rhabiller, on en rediscutera après.
– Il fait plus froid que d’habitude, insiste Violette en se rapprochant de moi et en regardant autour d’elle, l’air vaguement inquiet.
Je m’apprête à lui rétorquer que non, quand je réalise qu’elle a raison. Oui, il fait sacrément froid. Et j’ai l’impression que même si je rajoute deux ou trois pulls à ceux que je porte, je serai toujours aussi gelée. Il n’y a pas un bruit, pas même celui des voitures. Les lumières des lampadaires se sont éteintes.
Je réalise que je mentais en disant que j’allais quelque part. Je ne vais nulle part. L’appartement est vide, je vais me retrouver seule, dans le froid. Et même si je retourne à la fête, je serai toujours aussi seule. Personne ne me connaît là-bas. Personne ne me connaît tout court. Pas même Roxanne et Judith qui m’ont abandonnée à Poudlard.
Non ! Elles ne m’ont pas abandonnée, Roxanne et Judith ne feraient jamais ça. Elles sont juste parties rejoindre leurs familles. Famille. Moi, je n’en ai pas. Et un soir de Noël, je me retrouve seule…
– Qu’est-ce qu’il se passe à la fin ? murmure Violette, juste à côté de moi. Ce n’est pas normal…
Elle pousse un petit cri et sort sa baguette en la tendant droit devant elle. Elle a l’air terrorisée. Je suis son regard… et comprend enfin ce qu’il se passe.
Des Détraqueurs.
Ils sont censés être piégés sur une île au large de l’Ecosse. Pourquoi y en a-t-il à Londres ? Pourtant, à n’en pas douter, ce sont bien deux Détraqueurs qui se tiennent devant nous. Nous les avons étudiés en troisième année. On dirait qu’ils glissent sur le sol, et leurs mains horribles sont à peine recouvertes par l’immense cape qui cache leur visage…
Violette marmonne à toute vitesse en français. Que faut-il faire déjà pour repousser un Détraqueur ? Le prof de DCFM de l’époque nous l’a dit : penser à un souvenir très heureux. Mais penser à quoi que ce soit d’heureux me semble tout simplement impossible. Et puis, je n’ai jamais essayé de lancer ce sort…
– Spero Patronum ! s’écrie Violette à côté de moi.
Une vague fumée blanche en forme de lapin apparaît au bout de sa baguette, puis se dissipe.
– Spero Patronum ! Spero Patronum ! Spero… Patronum !
En vain.
Un souvenir heureux, vite ! Les Détraqueurs se rapprochent de plus en plus. Je recule tout en réfléchissant à toute allure. Violette, elle ne bouge pas, clouée sur place. Un Détraqueur s’arrête près d’elle… J’essaie quelques sorts, en vain. Un autre se trouve juste en face de moi et pose ses mains immondes sur mes épaules. J’ai l’impression de prendre une douche glacée…
Et puis brusquement, mon souffle me manque. Je vois ma vie défiler, en noir et blanc, je ne vois que mes terreurs et mes tristesses, je ne vois que mon désespoir. Toutes ces années, j’ai été tellement, tellement malheureuse…
– SPERO PATRONUM !
Un lapin sort de sa baguette, et je sens aussitôt qu’un poids a disparu de mon cœur ; elle a réussi. Je m’effondre par terre, soulagée. Celle-ci ne jette pas un regard à son lapin et cours vers moi, tandis que les Détraqueurs glissent sur le sol puis disparaissent au loin.
– Ça va ? s’écrie-t-elle en se mettant à genoux près de moi.
– Ouais… Ca pourrait aller mieux, je balbutie, patraque.
– Tiens, mange un peu, dit-elle en me tendant un caramel récupéré à la fête. Des Détraqueurs… Je croyais qu’ils étaient reclus quelque part sur une île écossaise.
– Moi aussi. Je ne comprends pas. Tu veux que je te raccompagne à la fête ?
– C’est bon, je sais marcher comme une grande, dit-elle. Toi par contre, tu devrais venir avec moi. On ne sait jamais, ils pourraient revenir.
– Je sais me défendre, merci ! je réplique, même si ce qu’il vient de se passer me contredit. De toute façon, ça m’étonnerait qu’ils reviennent.
– Pourquoi ça ?
– Ce ne sont pas des idiots. Maintenant qu’ils ont vu qu’on pouvait se défendre, ils ne vont pas revenir. Sauf si on a affaire à une bande de Détraqueurs masochistes.
– Dis-moi, tu es majeure ? me demande-t-elle brusquement.
Je regarde ma montre : minuit passé. Nous sommes le 24 décembre.
– Oui, depuis cinq petites minutes.
– Bon anniversaire, alors. C’est juste que comme tu étais mineure, et que tu as lancé pas mal de sorts, le Ministère pourra te retrouver, maintenant. C’est assez embêtant pour toi, si j’ai bien compris ?
– Oui… Oui, plutôt. Je ferais mieux de ne pas m’attarder par ici. Bon, eh bien… Au revoir.
– Oui, au revoir. Et je te souhaite de retrouver ta famille.
– Moi aussi, je le souhaite.
Elle m’adresse un petit sourire triste, puis s’éloigne vers la maison de Mary où la fête bat son plein. Je me retourne à mon tour et repars en direction de l’appartement de Mrs. Andres.
Et moi qui pensais que j’allais passer une soirée banale.
OoOoO
Apparemment, il y a une fête ici aussi, au premier étage de l’immeuble. Un ivrogne de vingt-cinq ans me voit poireauter devant la porte et m’ouvre en éclatant de rire. Je le remercie froidement, puis monte silencieusement les escaliers jusqu’au quatrième étage, avant d’ouvrir la porte sans un bruit. Il ne vaudrait mieux pas prévenir Mrs. Granger de ma présence. Même si je doute qu’elle entende mes pas avec le vacarme en bas.
A cause de ma sieste de tout à l’heure et des événements de la fête de… Comment s’appelait-elle déjà, Mary ? En tout cas, je ne suis pas vraiment fatiguée. Je m’installe devant la cheminée et mon regard se perd dans le vide. Que faire maintenant ? J’ai beau me creuser la tête, je ne vois pas. Peut-être pourrais-je interroger la personne qui a vendu l’appartement à Mrs. Andres ? Mais comment la retrouver ?
Je me rends compte que mon regard est fixé depuis un moment sur un morceau de bois calciné dans l’âtre de la cheminée. Une seconde. Ce n’est pas un morceau de bois. C’est trop… rond pour être du bois. Je m’approche et attrape l’objet. Petit et circulaire, recouvert de suie. On dirait une bague. Je frotte pour enlever la fine pellicule noire.
C’est un anneau en argent, qui m’a l’air tout simple. Mais en l’approchant de mon œil, j’aperçois des disparités à sa surface. Ce sont en fait les lettres d’un alphabet que je ne connais pas. De toute façon, la pièce est plongée dans le noir. Même un Lumos ne me permettrait pas de bien voir.
Je remarque autre chose : dans le trou de l’anneau, au lieu de voir la cheminée éteinte, je vois un grand feu ronfler dans l’âtre. Cet objet est de toute évidence magique. A-t-il appartenu à un parent ? A Mrs. Andres ? La bague devant l’œil droit, comme un monocle, l’autre œil fermé, je regarde la pièce autour de moi. Je manque de faire tomber l’anneau de surprise : la pièce est en feu ! Mais quand je l’ôte de ma vue, le studio de Mrs. Andres est toujours aussi froid et plongé dans la pénombre. Entre les flammes, je remarque que la pièce incendiée est éclairée et entièrement meublée. Un lit confortable en train de flamber, un grand tapis rouge calciné, un berceau – vide – entouré par les flammes, une table au milieu de la pièce pour l’instant épargnée, avec une seule chaise devant ; l’habitant de cette maison n’était donc pas un habitué des visites. Devant la cheminée, un fauteuil marron à l’aspect confortable, entouré de feu. N’y tenant plus, je m’approche et laisse ma main traverser les flammes. Je ne sens qu’une légère chaleur se faufiler entre mes doigts glacés. En abaissant encore un peu le bras, je finis par toucher le cuir sous mes doigts. Mais quand je laisse tomber l’anneau, il n’y a plus rien ; j’ai à nouveau froid, et c’est comme si le fauteuil et l’incendie n’avaient jamais existés ; autour de moi, plus un seul meuble. Je ramasse la bague et l’enfile sur mon annulaire.
A nouveau, la pièce s’éclaire, et tout autour de moi les objets réapparaissent. Le feu se remet à ronfler dans toute la petite pièce, je peux à nouveau sentir le cuir du fauteuil sous mes doigts. Drôle d’anneau. A la lumière d’une lampe, j’essaie à nouveau de lire ce qui est écrit dessus ; c’est bel et bien un alphabet que je ne connais pas.
« Comment ça, tu ne connais pas cet alphabet ? »
Mon sang se glace ; je me retourne, baguette au poing. Aucun bruit, à part le crépitement du feu. Cette voix métallique me rappelle quelqu’un, mais je n’arrive pas à savoir qui. Pourtant il n’y a personne derrière le canapé.
« Personne, tu en es sûre ? », dit la voix, amusée.
Je me retourne à nouveau. Rien. Je me lève et tourne autour de moi-même : la pièce est vide.
« Arrête de tourner, tu vas perdre l’équilibre. »
– Qui est là ? je m’écrie, paniquée.
Ma voix ressemble à un glapissement. Mon cœur bat plus vite que d’habitude.
« Personne n’est là à part toi, Ginger. Personne. »
– Montrez-vous si vous n’êtes pas lâche ! je crie, ne me souciant plus de réveiller ou non Mrs. Granger.
« Comme tu veux. »
Je fais volte-face. Cette fois-ci, il y a quelqu’un.
Mythe Nordique et Magie Noire by Mak
Une jeune femme d’une vingtaine d’années, légèrement plus grande que moi, me fait face, un petit sourire aux lèvres. Son visage, d’une pâleur extrême, est marqué par des traits anguleux ; elle a le physique d’une personne qui a connu la faim, ou pire. Ses yeux brillants sont encadrés de cheveux roux et fins. Elle porte une… je ne sais pas ce que c’est, ses vêtements semblent sortis d’une autre époque. En tout cas, c’est en lambeaux.
Je brandis ma baguette et, sans réfléchir, lance un Stupéfix. L’éclair rouge lui passe au travers du corps. Je me rends alors compte du fait qu’elle est transparente ; on dirait presque un fantôme. Sa silhouette est mal définie, comme une brume colorée.
J’essaie de réprimer un frisson qui n’a rien à voir avec le froid. Je saute de l’autre côté du canapé pour mettre un peu plus de distance entre elle et moi, sans lâcher ma baguette. Son sourire s’élargit.
« Allons Ginger, tu n’as aucune raison d’avoir peur. Et comme tu peux le voir, ça ne sert à rien de m’attaquer », dit-elle de sa voix métallique.
– Qui êtes-vous ? je m’écrie, paniquée. Comment connaissez-vous mon nom ? Qu’est-ce que vous faites ici ?
« Je vais répondre à tes questions à l’envers. Je suis ici parce que tu m’as enfin réveillée. Je m’ennuyais ferme, dans cet anneau… Je connais ton nom parce que je te connais. Et je te connais parce que je suis toi. »
Je reste interdite, attendant qu’elle s’explique. Ses paroles n’ont aucun sens.
« Si, elles ont un sens. Je suis toi. Je suis un morceau de ton âme. Nous sommes une seule et même personne, Ginger. »
Elle peut lire dans mes pensées ?
« Oui. Tu n’es pas une lumière, toi, dis-moi », remarque-t-elle, moqueuse. « La dernière fois, elle était plus rapide à la détente. »
– De quoi parlez-vous ?
« Oh, je t’en prie, tu peux me tutoyer. Tu ne te rappelles pas ce que tu as lu dans les Mythes et Légendes Scandinaves ? »
– Comment savez-vous que j’ai …, je commence, les yeux écarquillés de stupeur.
« Encore une fois, tutoie-moi. Je lis dans tes pensées, je lis dans ton passé. Au premier contact avec cet anneau, tu as partagé tous tes souvenirs avec moi. Dans les Mythes et Légendes, ils parlaient d’un anneau gardé par des Valkyries. Fais un peu fonctionner ta mémoire. »
Je regarde la bague que je porte au doigt, incrédule. Tout se mélange dans ma tête.
« Mais non. », soupire-t-elle de lassitude. « Ce que tu as enfilé au doigt n’est pas l’anneau de Nibelung, c’est l’anneau de Gondul. Tu n’es vraiment pas très maligne. »
L’anneau de Gondul. Je fouille dans mes souvenirs. Gondul, la septième Valkyrie. Je me souviens de l’illustration qui accompagnait la description de la créature : Gondul était nettement moins maigre, ses traits plus doux. Rien à voir avec cette chose qui se tient devant moi.
« Alors pour toi je suis une « chose » ? Merci », dit-elle, sarcastique. « Oui, je suis Gondul. Oui, ce que tu as lu est vrai. En partie du moins. »
– Qui êtes-vous ? je répète.
« Je suis toi, je suis Gondul, combien de fois dois-je encore te le répéter ? » s’écrie-t-elle, exaspérée.
Ce qu’elle raconte est sans queue ni tête, illogique. Je m’éloigne encore un peu d’elle, baguette brandie devant moi, et lance :
– Je suis Ginger Enderson. Je ne suis pas une Valkyrie. Ca n’existe pas, c’est une légende. Et même si ça existait, et que j’étais une Valkyrie, si vous l’êtes aussi, ça voudrait dire qu’il y a deux Gondul. Ce n’est pas logique !
Elle marque un temps d’arrêt.
« Ah, ça. »
Elle reste silencieuse, comme si elle cherchait ses mots. Puis, lentement, elle commence à m’expliquer :
« Il existe un acte de magie, un acte de magie que j’ai employé il y a longtemps… Un acte qui permet de diviser son âme en deux parties. On garde une partie de l’âme dans son corps, et on peut entreposer l’autre partie dans un objet que l’on appelle Horcruxe. Comme ça, même si on meurt, l’autre morceau d’âme reste bien en vie, tant que l’Horcruxe est intact. Je ne t’ai pas tout à fait dit la vérité : je ne suis pas Gondul, je suis l’Horcruxe de Gondul. »
Trop d’informations d’un coup. Je réfléchirai à tout ça plus tard. Si cette femme me connaît, en tout cas, peut-être peut-elle m’aider pour chercher mes origines…
« Ah, oui, tes origines, j’avais oublié. Tu es Gondul, tu te souviens ? Tu es une Valkyrie. Comme toutes les Valkyries, tu es immortelle, comme les phénix qui ressuscitent à la fin de chaque vie. »
Une image fugace me vient à l’esprit : le phénix du tableau, dans le bureau de McGonagall, prenant feu, et renaissant de ses cendres.
« Ca y est, tu as enfin compris ? La dernière Gondul, celle avant toi, a brûlé le 24 décembre 2004. Elle était à la fin de sa vie. Tu es née à l’endroit même où elle est morte. »
L’appartement a alors brûlé. Et on n’a retrouvé aucun corps. Pas même celui de Mrs. Andres. Juste le mien, bien vivant.
« Gwena Andres était Gondul avant toi. Vous êtes une seule et unique personne. Et nous deux aussi, Ginger. »
Ca a l’air complètement fou. Mais c’est une théorie bien plus vraisemblable que toutes celles que j’avais envisagées auparavant. Si elle a raison… Si je suis une Valkyrie…
– Alors je n’ai pas de parents, dis-je d’une voix brisée. Pas de famille.
« Mais qu’est-ce que tu racontes. Tes parents – mes parents – étaient des corbeaux mais ils sont morts il y a des siècles. Je suis sûre qu’à l’heure actuelle tu – je – dois avoir des tas de cousins et de cousines éloignés. »
– Je n’ai pas de famille humaine, je reprends, c’est ça que je veux dire.
« Mais tu n’es pas humaine, Gondul. Tu n’es pas humaine ! »
Tu n’es pas humaine. Pourquoi m’a-t-on posé sur ta tête ? C’est ce que m’avait dit le Choixpeau Magique le soir de la Répartition, à Poudlard, quelques années plus tôt. Ses paroles ont maintenant un sens. Tout comme le soir où j’étais partie aux archives. Je ne suis pas apparue sur la carte de Potter, parce que sa carte ne montre que des humains.
Je ne suis pas humaine. Je suis un piaf.
« Pas ‘un piaf’, un corbeau, nuance. Et pas n’importe quel corbeau : tu es le seul oiseau capable de se transformer en femme. N’est-ce pas incroyable ? »
Si, justement, c’est assez incroyable.
– Si j’étais un corbeau, je le saurais, dis-je faiblement. Je suis humaine, je suis parfaitement humaine. Je parle anglais. Je sais écrire. Je peux tenir une baguette magique. Je marche sur deux pieds. Personne de plus humain que moi !
« Ah oui ? Et le soir où tu t’es enfuie du château parce que ton amie s’était retournée contre toi ? Tu as laissé tes émotions jaillir et tu es naturellement redevenue ce que tu as toujours été. Tu es redevenue un corbeau, tu t’es envolée et posée sur une branche. C’était tellement naturel que tu ne t’en es même pas rendu compte. »
J’ai un hoquet de surprise. Je n’avais en effet à ce jour aucune théorie permettant d’expliquer cette étrange transformation de mes pieds en pattes d’oiseau – à part celle d’un empoisonnement par Potter qui me semble à présent absurde. A-t-elle raison ? La légende des Valkyries serait vraie ?
Je garde un moment le silence, ressassant dans mon esprit cette avalanche de révélations en essayant d’y mettre un peu d’ordre.
Je suis une Valkyrie. Je ne suis pas humaine, je ne suis qu’un oiseau. Je n’ai pas dix-sept ans, j’ai quelques milliers d’années. Un peu dur d’assimiler tout ça en deux minutes, non ? Les mystères de ces derniers mois – et de ces dernières années – sont résolus. Le soir où je me suis retrouvée en haut d’un arbre. La nuit où on m’a retrouvée seule, bébé, au beau milieu d’un incendie. La répartition, où le Choixpeau a dit que je n’étais pas humaine. Le moment où je suis allée aux Archives, et où Potter ne m’a pas vue sur sa carte. Tout commence à s’éclairer.
En parlant des Archives…
– Ces femmes dont j’ai trouvé les noms le soir où je suis partie en expédition aux Archives… Ce sont… ?
« Oui, ce sont les autres Valkyries. »
– Elles sont encore vivantes ? Où sont-elles ?
Gondul s’assombrit.
« Ce sont des souvenirs qui me sont difficiles à évoquer. On s’est… un peu chamaillées, parfois. On s’est séparées, au fil des années. On n’avait pas toujours le même point de vue. Mist, Prudr et Kara adoraient les hommes. Je détestais l’espèce humaine. Ca nous a écartées les unes des autres. Finalement, j’avais raison. Deux d’entre elles sur trois sont mortes, tuées par la cruauté des hommes qu’elles aimaient. » Elle pousse un soupir triste, ses yeux se voilent. « Elles me manquent… Si seulement j’avais pu les empêcher de se mêler aux hommes… »
– Que leur est-il arrivé ?
« Elles ont fait confiance aux hommes. Elles leur ont dit qu’elles étaient Valkyries. Elles pensaient que l’amour valait plus que l’immortalité. Les hommes sont des monstres. »
– Pas tous...
« C’est ce que tu crois, pauvre innocente. Fais-moi confiance, j’ai deux mille ans d’expérience de plus que toi. Tous, tous les hommes, sans exception, ont un défaut terrible. »
– Lequel ? je demande, sarcastique.
J’ai vaguement l’impression que Gondul est un peu misanthrope sur les bords.
« Ils n’ont pas tous le même défaut, mais ils en ont tous un. L’avarice. L’ambition. Le sadisme. La jalousie. J’en passe, et des meilleurs. Parfois tout en même temps. »
– C’est normal. Personne n’est parfait. Nous avons tous des défauts.
« Chez les autres animaux, tu auras beau chercher, tu ne trouveras pas de ces défauts. Toi non plus, tu n’as aucun défaut. Tu n’es pas humaine, tu es un corbeau ; et crois-moi, c’est une bonne chose. »
– Mais j’ai des défauts ! je m’exclame. Parfois je suis impitoyable, j’ai des envies de meurtre. Je suis insupportable, irrespectueuse. C’est humain d’avoir des défauts. J’ai été élevée par la société anglaise. Même si à l’origine je suis un… un oiseau, je me comporte aujourd’hui comme une humaine.
Je n’ai jamais eu de conversations aussi bizarres de ma vie. Et Dieu sait si j’ai déjà eu des conversations bizarres avec Roxanne à propos de LBG.
« Quand tu parles d’envies de meurtre, tu parles de la petite Lucy Ackerley ? Elle, elle voulait te tuer par jalousie. Toi, tu as considéré le meurtre parce qu’elle était un danger pour toi. Si quelqu’un te fait obstacle, il ne faut pas hésiter à détruire. La vie, ta vie, vaut plus que tous les trésors. »
Je ris jaune.
– Ta théorie est bancale. Si tout le monde pensait comme toi, on s’entretuerait constamment, et la vie n’aurait aucune valeur.
Elle ne répond pas. Ses yeux sont étroitement fermés. Elle se concentre. Sur quoi ? Elle rouvre les yeux. Elle a l’air vaguement inquiète, mais garde son sourire insolent.
« Comme tu n’as pas arrêté de faire du bruit, tu as réveillé les voisins. Et si je me souviens bien, ou plutôt si tu te souviens bien, ils pensaient que tu étais partie. Ils vont bientôt débarquer. Il faut partir ! »
– Comment ça c’est moi qui n’ai pas arrêté de faire du bruit ? je chuchote, énervée. Tu n’arrêtes pas de parler depuis tout à l’heure !
« Oui, mais tu es la seule à pouvoir m’entendre. Parce que tu es la seule à porter l’Horcruxe à ton doigt. »
Une porte grince dans l’appartement d’à côté. Les Granger sont réveillés. S’ils viennent voir par ici, je suis fichue. Qu’est-ce que je fais, qu’est-ce que je fais ? Je reste tétanisée au milieu de la pièce, passant en revue toutes sortes de plans farfelus et impossibles à mettre en œuvre, tournant nerveusement l’anneau autour de mon doigt. Je me tourne vers Gondul :
– Si tu es… si tu partages la même âme que moi, alors peut-être voudras-tu bien m’aider ?
Elle hoche la tête, l’air décidé, et me lance :
« Désillusionne ton sac. Vite ! »
Sans réfléchir, je lance un sort, suivant ses ordres ; le sac disparaît. Je note mentalement son emplacement pour revenir le chercher après et me tourne vers Gondul, qui s’est déplacée entre temps. Elle se trouve près d’une fenêtre.
« Maintenant, ouvre cette fenêtre et saute. »
– T’es dingue ! je m’exclame, oubliant momentanément la présence de voisins sans doute en train de s’habiller pour jeter un œil par ici. On est au quatrième étage, je te signale !
Elle soupire lourdement en levant les yeux au ciel.
« Combien de fois dois-je encore te le répéter ? Tu es Gondul, tu es une Valkyrie, tu n’es pas une humaine, tu es un oiseau ! »
– Ah oui c’est vrai, où avais-je la tête ! je m’écrie cyniquement. Et comment on se transforme ?
Elle ouvre la bouche pour me répondre, mais est coupée dans son élan par un bruit. Le bruit d’une porte d’entrée qu’on ouvre. Les Granger sont sur le palier. Plus le temps de réfléchir ; je m’avance d’un pas décidé vers la fenêtre et l’ouvre en grand.
Aussitôt, un souffle d’air froid balaye la pièce ainsi que mon courage. Je regarde en bas, et suis prise de vertige. C’est beaucoup trop haut ! Je me retourne et lance un regard suppliant à Gondul, espérant qu’elle a un plan B en réserve. A nouveau, elle lève les yeux au ciel et pose sa main sur mon dos dans l’intention évidente de me pousser.
Pour la première fois, sa peau entre en contact avec la mienne, passant à travers ma cape et mes deux pulls. J’ai l’impression qu’on me plaque un gros morceau de glaçon dans le dos. Surprise, j’ai un réflexe stupide : cambrer le dos pour éviter qu’elle me touche plus longtemps. Je perds l’équilibre et bascule dans le vide à travers le cadre de la fenêtre.
Le sol se rapproche à toute vitesse. Je n’arrive même pas à hurler ; ma peur est coincée quelque part au niveau de la gorge, où je peux sentir mon cœur battre furieusement. A côté de moi, Gondul tombe, elle aussi. Mais j’ai la nette impression qu’elle ne risque pas de se faire aussi mal que moi.
Sauter par la fenêtre, quelle bonne idée. Je suis sûre que Roxanne m’a déjà dit quelque chose à propos de ce que racontent les inconnus. J’aurais mieux fait de l’écouter.
« Qu’est-ce que tu attends pour te retransformer en corbeau ? » me demande-t-elle, l’air innocent.
Comme si je savais me transformer ! je pense, acerbe, sentant la terreur me tordre le ventre.
« Eh bien bats des ailes ! »
Je ferme les yeux et agite les bras de haut en bas, bien consciente du fait que je dois avoir l’air passablement ridicule. Mais à vrai dire, mon souci majeur en cet instant précis, c’est plutôt que je vais m’écraser contre le sol d’ici à quelques secondes… J’attends l’impact, mais au bout de longs instants, toujours rien. J’ouvre les yeux, et je ne peux m’empêcher de hoqueter de surprise ; je vole ! Le toit des bâtiments défile sous moi. Mon hoquet de stupeur ressemble à un croassement. Mes bras, de part et d’autre de mon corps, sont à présent de grandes ailes noires, bien plus grandes me semble-t-il que mes bras quand je suis « normale », humaine veux-je dire.
« Eh bien, tu vois, quand tu veux. »
Je tourne la tête et lance un regard meurtrier au visage émacié mais rayonnant de Gondul, flottant à côté de moi.
Le vent souffle dans mes plumes, et je bats un peu plus vite des ailes. L’air glisse sur mon plumage noir ébène. C’est tellement agréable ! Une sensation de bonheur indescriptible me prend. Cela me semble incroyable que je ne me sois jamais rendu compte que je pouvais me transformer. Que j’étais un animagus.
« Une Valkyrie, pas un animagus. »
Oh, toi, tais-toi.
C’est très différent de voler sur un balai. Beaucoup mieux, en fait. Et si c’était ce que j’avais essayé de retrouver pendant toutes ces années ? Cette sensation de légèreté, de liberté, que je ne peux ressentir que dans les airs ?
« Me crois-tu, maintenant ? Quand je te dis que tu es une Valkyrie ? »
J’étais encore sceptique, mais je pense que l’ultime preuve est là. Je vole encore un peu au-dessus de la ville illuminée, puis me pose sur un toit.
J’observe Londres en contrebas. Je ne ressens pas le froid de l’hiver. C’est comme si j’avais un feu de joie dans le cœur. Je ressasse tout ce que j’ai appris ce soir. Il y a encore une chose que je n’ai pas comprise.
– Tu es Gondul ? je murmure sans me tourner vers elle.
Mais tout ce qui sort de ma bouche – ou plutôt de mon bec – est un croassement. Surprise, je sursaute.
« Une demi-Gondul, si tu préfères », dit-elle, un sourire dans la voix.
Nous sommes deux moitiés d’âme, alors.
« En effet. Je suis un Horcruxe. Tout ce que je peux faire, c’est te parler, à toi. Je n’ai aucun autre pouvoir. Je suis réduite à mon minimum, tu ne peux pas savoir comme c’est frustrant. »
Tu seras toujours comme ça ? je pense, en la regardant droit dans les yeux. Au plus bas de ta forme, comme un fantôme ?
Elle grimace à l’énoncé de son statut.
« Peut-être pas. Si tu me fais confiance, petit à petit, je reprendrai des forces. Et comme nous sommes la seule et même personne, je ne crois pas que cela puisse te faire du mal. »
Tu m’as dit tout à l’heure qu’un Horcruxe permettait de sauver son âme. Et si l’enveloppe charnelle est détruite, l’autre morceau de l’âme subsiste. (Elle hoche la tête.) Mais les Valkyries sont immortelles, non ? Pourquoi as-tu créé un Horcruxe ?
Elle soupire lourdement, comme si je lui avais rappelé de mauvais souvenirs, puis tourne la tête vers la ville encore animée à cette heure tardive.
« C’est un souvenir. Quand l’une de mes sœurs est morte, j’étais terrassée par la tristesse. C’était la faute des hommes, une fois de plus ! Je voulais me rappeler de ne jamais tomber dans le piège de l’amour qui l’avait perdue. Alors j’ai séparé mon âme en deux. L’une continuerait de traverser le temps. L’autre, l’Horcruxe, serait là pour lui rappeler de ne pas se faire avoir. Pour l’instant, ça a bien marché. Enfin, pas avec Andres… »
Celle qui était Gondul avant moi ?
« Exact. Elle aimait les hommes. Elle les protégeait. Nous étions toujours en désaccord. Au moment de sa mort, nous nous disputions. Elle m’a jetée dans l’âtre de la cheminée. Elle savait que le feu – enfin, ce genre de feu – ne pouvait pas détruire un Horcruxe. Je crois que ce qu’elle voulait, c’était simplement que je sois perdue. Que toi, la suivante, tu ne me trouves jamais. Et que tu vives une vie… d’humaine. »
Elle frissonne en prononçant ce dernier mot, comme si c’était le comble de l’horreur.
Moi aussi, je suis troublée. Qui a raison, de Mrs. Andres ou de Gondul, je veux dire de l’autre moitié de son âme ? Je me sens plus proche de Mrs. Andres que de l’Horcruxe. J’aime les hommes, j’aime leur société, je veux vivre avec eux. Mrs. Andres avait-elle raison de vouloir écarter l’Horcruxe de moi ? Si Gondul ne me ment pas – et je ne pense pas qu’elle le fasse, elle a été franche avec moi tout le temps que je lui ai parlé, elle m’a même aidé à m’échapper des Granger –, alors, comme elle me l’a dit, elle ne peut pas être dangereuse, ni pour moi, ni pour les autres. Elle n’a aucun pouvoir.
Au fait, comment crée-t-on un Horcruxe ?
« En tuant un homme. »
Je pousse un cri – croassement – horrifié et la regarde, bouche bée. Elle a annoncé ça d’un ton très léger, comme si elle me disait que le ciel était bien dégagé, ce soir.
Tuer, tuer un homme ! Et moi qui pensait que Hedvig Virtanen était maléfique parce qu’elle avait déjà lancé quelques Imperium… J’ai un assassin devant moi ! Par réflexe, je serre ma baguette magique dans mon poing – je me suis retransformée sans m’en rendre compte.
« Pas la peine de faire ta sainte-nitouche », soupire-t-elle en levant les yeux au ciel. « C’est comme ça dans la nature. Quand quelqu’un est dangereux, on le supprime, c’est tout. L’homme que j’ai assassiné avait tué plusieurs femmes, dont l’une de mes sœurs, et n’en éprouvait aucun remords. Il méritait bien sa mort. »
– Qui es-tu pour juger du droit de vie ou de mort des autres ?
« Je te signale que les hommes aussi décident de la vie ou de la mort des autres hommes. La pendaison, la guillotine. Les fusils, les pistolets, les canons, les bombes. A quoi servent ces inventions, sinon à tuer ? Et la guerre, c’est encore pire. Tuer des innocents, faire des hécatombes, en prétendant aider l’humanité. C’est tellement hypocrite. Tellement humain, comme comportement. »
Je ne sais pas quoi répondre. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose qui cloche dans son raisonnement, mais je ne trouve pas quoi.
– Combien d’hommes as-tu tué ?
« Dans ma toute première vie, une ou deux centaines. J’étais une des armes d’Odin. Je détestais ça, mes sœurs aussi. Nous l’avons tué pour nous libérer, puis nous nous sommes échappées pour vivre notre vie. Après cet épisode de ma vie, je n’ai pas tué grand monde. Un ou deux hommes qui me voulaient du mal, d’autres qui menaçaient mes sœurs. Mais pour être honnête, je ne compte pas vraiment ce genre de choses. »
– Vous… vous avez tué Odin ?
Dans le livre, ils ne disaient pas cela. Ils disaient qu’il était mort de vieillesse.
« Oh, je te le concède, Odin était vieux quand nous l’avons tué. Et lui qui prétendait être le sorcier le plus intelligent de tous les temps ! Il n’avait même pas remarqué que la menace était juste sous son nez. Comme c’était notre père, nous l’avons tout de même rendu à ses proches pour qu’il puisse avoir une sépulture. Mais nous ne leur avons pas parlé de la cachette de l’anneau de Nibelung. »
L’anneau de Nibelung. Je fouille dans mes souvenirs : c’est l’anneau qui contenait tous les pouvoirs d’Odin.
« Oui, c’est exact. Odin voulait qu’un autre sorcier, assez puissant pour pouvoir nous tuer, nous les sept Valkyries, puisse hériter de l’anneau et régner sur Terre comme lui l’avait fait. C’était vraiment stupide, et dangereux pour les autres hommes, moldus ou sorciers. Nous avons caché l’anneau pour protéger le monde de la folie d’Odin. »
Tu veux dire que vous avez fait ça pour protéger les hommes ?
« S’ils mourraient à cause de l’anneau, je serais responsable de meurtres inutiles. Or je ne tue pas en vain. »
Et… personne ne pourra s’en servir tant que je serai vivante, n’est-ce pas ? je demande – par la pensée –, repensant aux Mythes et Légendes Scandinaves, qui disaient que l’anneau n’était utilisable que si les Valkyries étaient mortes.
Silence gêné.
Qu’est-ce qu’il y a ?
« Je me suis beaucoup posé la question… Mais je ne sais pas. Il semble qu’un ou deux jours avant sa mort, Odin ait soupçonné quelque chose. Peut-être qu’il a levé le sortilège, et que l’héritier du trésor d’Odin n’a pas besoin de nous tuer pour pouvoir se servir de l’anneau. Peut-être a-t-il mis en œuvre un dispositif pour remplacer l’anneau et léguer ses pouvoirs. J’ai essayé de détruire l’anneau pour éviter qu’un autre mage noir ne monte sur le trône de la terre, en vain. Il est indestructible. »
– Quelqu’un s’en est-il déjà servi ?
« La dernière fois que j’ai vérifié, en 1999, l’anneau était toujours en place, dans sa cachette. Depuis, peut-être a-t-il été pris… Mais on en aurait sans doute déjà entendu parler. A mon avis, personne n’y a jamais touché. »
– Où est l’anneau ?
« Je ne sais pas si je peux te le dire. Tu es jeune… »
– Je suis une Valkyrie ; ça me concerne, je dis d’une voix assurée. Dis-moi. Où est-il ?
« Il est… Il est caché en France, dans le Rhin. Bien caché. Nous l’avons donné à des Sirènes du coin. Elles le surveillent et le protègent comme la prunelle de leurs yeux. Les Sirènes se déplacent sans arrêt, donc l’anneau est encore plus difficile à trouver. »
Toute cette histoire est vraiment loufoque. La dernière fois qu’on m’a raconté des choses aussi dingues, c’était… c’était il y a cinq ans, quand le professeur Smith m’a dit que j’étais une sorcière. Il s’est avéré qu’il avait raison. Alors, dois-je la croire ? Tout collerait, tout s’expliquerait. La dernière fois, j’ai décidé d’y croire, et j’ai bien fait. Je pense qu’il serait intelligent d’y croire, encore une fois.
La légende des Valkyries était vraie, alors.
« En grande partie, oui. »
Je suis une légende, alors. Une légende vivante.
Ginger la légende. Ca sonne bien.
Gondul la Gaffeuse by Mak
Gondul me propose de m’entraîner à me transformer en corbeau. J’accepte : ça pourrait m’éviter à l’avenir de devoir sauter par les fenêtres sans savoir quoi faire après. Je m’envole vers une forêt à une dizaine de kilomètres d’ici ; que penseraient les moldus s’ils voyaient une fille se transformer en corbeau sur un toit de Londres ? D’autant plus qu’avec ma chevelure de feu, je suis visible de loin. Une fois arrivées, nous commençons l’entraînement. Pendant ce temps, je lui pose des questions.
– Pourquoi, moi, je ne peux pas lire dans tes pensées ? je lui demande, curieuse.
« Tu connais l’occlumancie ? C’est le même principe. Je préfère te cacher ce que j’ai vécu. Tu n’es pas prête à voir ce genre de choses. Je te rappelle que j’ai tué, étripé, égorgé, pendant mes premières années de vie. C’était atroce, même pour moi. J’étais un oiseau comme un autre avant d’être transformée en arme. C’était insupportable. J’ai fini par tuer Odin dix ans plus tard. »
– Pourquoi dix ans plus tard, et pas tout de suite après avoir été transformée ? dis-je en me transformant en oiseau.
« Tout d’abord parce que c’était nouveau pour moi. Je ne comprenais pas vraiment ce qu’il se passait. Au début, nous étions toutes soumises à l’Imperium. Quand nous avons commencé à vraiment nous habituer à notre nouveau travail, Odin nous a plus ou moins libérées du sortilège. Au bout de cinq ans, il arrêtait de pratiquer la légilimencie sur nous. J’ai commencé à penser à le tuer, mais je n’étais pas encore assez libre de mes mouvements. Quand je le suis complètement devenu, un nouvel obstacle m’a empêchée dans un premier temps de lui ôter la vie : Brynhildr refusait catégoriquement de l’assassiner. »
Je veux demander pourquoi elle ne l’a pas tout de même tué tout de suite, mais tout ce qui sort de mon bec est un lamentable :
– Crôôôa ?
Je me retransforme, mais Gondul répond déjà à ma question :
« A cause de notre point commun, nous étions très proches. C’était comme si nous étions sœurs. Nous avions le même passé. Nous nous comprenions très bien, toutes les sept. Nous partagions tout. »
Je pense à Roxanne et Judith. Pas besoin d’être Valkyrie pour se faire des amies, ma chère.
« Je ne parle pas de cette pseudo-amitié que tu as avec ces deux humaines », me lance dédaigneusement Gondul. « A elles, par exemple, tu ne pourras jamais tout leur expliquer sur toi. Elles ne devront jamais apprendre que tu es une Valkyrie. Sinon, tu tuerais toutes tes futures vies. »
Elle a raison. Je ne pourrai pas leur en parler. Si une Valkyrie est découverte, elle redevient mortelle…
– Et alors ? Même si je ne leur en parle pas, elles restent mes amies. C’est normal d’avoir des petits secrets.
« Tu appelles ça un ‘petit’ secret toi ? »
Préférant abandonner ce sujet, j’essaie de me concentrer sur mes transformations. Je suis sous forme humaine, mais avec des ailes de deux bons mètres d’envergure à la place des bras. Je m’empresse de redevenir totalement humaine.
– Il faudra revenir à l’appartement de Mrs. Andres…
« … de ton appartement… » me coupe Gondul.
– Si tu préfères. J’ai laissé mes affaires là-bas. Où irai-je après ? Je n’ai pas vraiment envie de rentrer à Poudlard tout de suite.
« Parce que tu comptais y retourner ? »
Surprise, je ne me transforme en corbeau qu’au niveau des pattes. Je note distraitement que ça doit être très pratique pour courir vite.
– Bien sûr que j’y retourne ! Je te signale que je n’ai pas encore terminé mon éducation en sorcellerie.
Gondul semble amusée.
« Toi, la plus grande sorcière sur Terre – ou du moins une moitié de son âme – toi, tu as besoin d’éducation magique ? Tant que je suis avec toi, tu ne crains rien. Je connais tous les sorts de magie blanche et noire connus, et inconnus aussi d’ailleurs… N’oublie pas que tu es – que je suis – la maîtresse de la magie noire », ajoute-t-elle en bombant le torse.
– Tu as oublié d’ajouter que tu étais également la reine de la modestie, ma vieille. Et je te signale que tu ne peux rien faire, vu que tu n’es qu’un Horcruxe (elle grimace). En plus, je ne suis pas aussi habile que toi dans l’art de manier la baguette.
« La baguette ? A la base, nous sommes un artefact sorcier, je te rappelle ; pas besoin d’un autre pour se servir de magie. Et pour ma part, tout dépend du degré de confiance que tu m’accordes. Plus tu auras confiance en moi, et plus je pourrai disposer de tes pouvoirs. »
Rassurant.
« Le fait que je t’emprunte de ta magie ne te rendra pas moins puissante pour autant. Tant que tu es en vie, tu produis de la magie. Si je t’en prends, tu en créeras à nouveau. En somme, je ne pourrai jamais te vider de ta magie. »
– Et l’inverse ? Est-ce que moi, je peux te vider de ta magie ?
« Drôle de question ! » dit-elle en me lançant un regard curieux.
Je ne lui fais pas tout à fait confiance. Elle m’a l’air capable de tuer tous mes proches si elle estime qu’ils sont dangereux pour moi. Si je suis en mesure d’empêcher ses pulsions meurtrières, c’est une bonne chose.
« Malheureusement pour moi, oui. Quand on crée un Horcruxe, une partie de l’âme, la plus puissante, peut commander l’autre. Tu peux aisément deviner quel est le fragment d’âme le plus puissant. »
– Celui resté dans le corps, je marmonne en essayant de faire disparaître les plumes noires au bout de mes doigts.
Elle hoche lentement la tête.
« Ramenons tes affaires ici. J’ai repéré un nid pas très loin d’ici. »
Un nid ?!
« Tu es un oiseau, je te signale. Donc oui, un nid. Comme ça, tu pourras dormir. »
En quelques heures à peine, j’ai eu droit à une collection hallucinante des situations les plus étranges.
OoOoO
Je vole au-dessus de Londres. La ville est animée ; nous sommes à la veille de Noël. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. A part Violette, la Française d’hier, personne ne me l’a souhaité.
« A moi non plus et je m’en fiche », fait remarquer Gondul.
Je plonge en piqué dans la ville, puis file à toute allure entre les bâtiments, virevoltant dans les airs, jusqu’à arriver près de mon appartement. Je me pose sur la fenêtre toujours ouverte et suis surprise de constater que la pièce est occupée.
Mrs. Granger, près de la porte, parle à une femme d’une quarantaine d’années dos à moi. Ses cheveux emmêlés et bruns me font penser à la fois à Mrs. Granger et à Rose Weasley. Ce doit être Hermione Weasley (ça y est ! Je me souviens de son prénom !), la meilleure amie du Survivant.
Oh-oh.
– Je te jure que j’avais entendu du bruit, hier soir, dit Mrs. Granger à sa fille. On dirait qu’il n’y a plus rien…
– On dirait, en effet. Mais il faut toujours se méfier des apparences, répond-elle en lançant quelques sorts de détection. Tu peux me dire à quoi elle ressemblait ?
– Elle était rousse… Et pas coiffée du tout. Un peu plus grande que moi, à peu près de la taille de ton père. Je crois que ses yeux étaient bleu foncé. Oui, c’est ça, bleu foncé… Ma chérie, qu’est-ce qu’il y a ?
Hermione Weasley s’est figée.
– C’est exactement la signalisation de la fille qui a disparu de Poudlard.
– Euh… ah ? lui répond sa mère, déboussolée.
– Hier au Ministère, on a eu une alerte. Une jeune sorcière a mystérieusement disparu de l’école. La dernière fois qu’on l’a vue, c’était le 22 décembre au soir. On a lancé un avis de recherche dès qu’on l’a su et on en a parlé à la police moldue. On leur a dit que c’était une fugueuse et que ses parents la cherchaient. On ne devrait pas tarder à la retrouver ; au moindre mouvement qu’elle fera, on la rattrapera.
Oh, c’est pas vrai. En temps normal, j’aurais bougonné. Mais n’étant pas humaine, je n’ai rien pu faire d’autre que :
– Crôa !
… avant de me rappeler que je n’étais pas seule.
Les deux femmes se tournent vers moi. Avant que j’aie eu le temps de bouger la moindre plume, Mrs. Weasley s’écrie, baguette pointée vers moi :
– Humanum revelio !
Un éclair blanc me frappe en pleine poitrine, mais je ne sens rien.
« Evidemment. Tu es un oiseau, pas une humaine », me rappelle Gondul, dont la silhouette fantômatique est nonchalamment appuyé sur un mur juste à côté de Mrs. Weasley.
– Qu’est-ce que c’est ? demande Mrs. Granger, la voix légèrement tremblante.
– Rien… répond sa fille, en m’observant avec méfiance. C’aurait pu être elle ; même si elle est jeune, on a déjà vu des animagi moins âgés qu’elle... Ou un autre sorcier. Ce corbeau est plutôt louche.
Elle me lance un dernier regard, puis jette un coup d’œil circulaire. Ses yeux s’arrêtent sur la cheminée. Pourtant il n’y a rien… Une seconde. Si, il y a quelque chose. Mon sac. Je l’ai laissé ici mais il est désillusionné. Elle ne peut pas le voir, n’est-ce pas ?
– Il y a quelque chose ici, dit-elle en s’approchant de l’emplacement du sac. Regarde. Le lino est… flou. Tu ne trouves pas ? Aparecium ! s’écrie-t-elle en pointant sa baguette.
Aussitôt, mon sac apparaît à leur vue. Mrs. Granger pousse un petit cri de surprise. Hermione Weasley rayonne :
– Je pense qu’on a la preuve que Ginger Enderson est passée ici ! On va ramener ça au Ministère.
Ah non ! Pas mon sac ! Il y a mon balai dedans !
« Besoin d’aide ? » me demande Gondul, narquoise, en se redressant.
Plutôt, oui. Par exemple, en l’empêchant d’emporter mon sac. Tu vois une solution ?
« J’en vois une. Est-ce que tu me fais confiance ? »
Tant que tu ne tues personne.
« Je devrais pouvoir me retenir. »
Elle sourit en s’avançant afin de faire face aux deux femmes, tend les mains en avant et commence à se concentrer. Ses yeux deviennent rouges.
Je me sens alors très bizarre, comme si je me trouvais simultanément dans deux endroits différents. Je vois Gondul tendre les bras, depuis le cadre de la fenêtre, et je peux aussi voir Mrs. Weasley et Mrs. Granger, devant moi, un gros oiseau noir posé sur la fenêtre derrière elles. Je suis partagée dans mon corps de corbeau et dans la moitié d’âme de Gondul. Je comprends qu’elle se sert de ma magie.
Je ressens un afflux de magie dans mes doigts – ceux du corps transparent de Gondul – et quatre éclairs orange en jaillissent. Ils percutent de plein fouet les yeux des femmes. Elles poussent un cri et tombent par terre en se tenant la tête. Weasley cherche sa baguette à tâtons ; malheureusement pour elle, elle a roulé à l’autre bout de la pièce pendant sa chute.
Mais elle est dingue ! Qu’est-ce qu’elle leur a fait ?
« Du calme. C’est juste un sortilège d’aveuglement temporaire. D’ici à deux minutes, elles reverront clair. Allez, viens par ici, il n’y a pas de temps à perdre. »
Je vole vers elle, tandis qu’elle lance un sort à mon sac, puis un autre : rétrécissement et désillusionnement. Je n’arrive plus à voir depuis les yeux de Gondul ; je suis à nouveau dans un seul corps. Tant mieux ; c’était assez perturbant, comme expérience.
Pas que ce soit la première expérience perturbante de la journée, évidemment…
« Attrape avec tes pattes, m’ordonne-t-elle en me désignant le sac. On file et vite. Weasley est trop proche de sa baguette à mon goût. »
Je plonge en piqué vers le sac, referme mes serres sur la lanière, puis remonte en chandelle et file par la fenêtre toujours ouverte le plus rapidement possible.
Et je vais où, maintenant ?
« Par ici », me dit Gondul, qui flotte derrière moi. Elle me montre du doigt, en-dessous de nous, une rue étroite et peu éclairée par la lumière du jour. « Tu vas te re-transformer en humaine. »
Dois-je te rappeler que je suis recherchée dans toute l’Angleterre ?
« J’ai un plan. Il faut vraiment que tu me fasses confiance, d’accord ? »
Je me laisse tomber et étend mes ailes au dernier moment pour atterrir sur une poubelle. Gondul se dirige alors vers moi, puis tend son bras, qui me traverse le corps. J’ai l’impression de prendre la douche la plus glacée de ma vie ; je ressens des émotions qui ne sont pas les miennes. Je devine sans peine : ce sont celles de l’Horcruxe. Elle a l’air très amusée de ma surprise. Sans que je ne décide consciemment quoi que ce soit, comme si j’étais spectatrice, je me sens me changer en humaine… Je comprends alors. Gondul contrôle mon corps. Quand j’ai fini de me transformer, Gondul sort de mon corps et je ressens à nouveau la bise hivernale.
« Désillusionne ton sac et ramène-le à sa taille normale. On ne risque pas de te reconnaître, comme ça », ajoute-t-elle en me regardant droit dans les yeux.
Je dégaine ma baguette et lance les sorts appropriés, sans bien comprendre ce qu’elle veut dire. Le fait que je sois sous forme humaine devrait plutôt augmenter le risque de me faire démasquer…
« Il me semble que tu as un petit miroir dans ton sac. Utilises-le, tu vas immédiatement comprendre. »
Je lui lance un regard intrigué et fouille un moment dans le bazar à l’intérieur, accroupie à côté des poubelles. Je mets enfin la main sur le petit miroir offert par Roxanne. Je le sors et regarde la surface. Je ne peux pas retenir un cri stupéfait.
Ce n’est pas moi, ça. Ce n’est PAS moi.
Une fille aux traits pointus, ressemblant vaguement à un oiseau, m’observe d’un air stupéfait derrière la surface lisse du miroir. Ses cheveux courts, noir corbeau, encadrent un visage très pâle contrastant avec des yeux extrêmement sombres. Instinctivement, je pose ma main sur le dessus de mon crâne ; imitant mon geste, la fille dans le miroir fait de même. Mais au lieu d’une masse de cheveux secs et emmêlés, ma main rencontre des cheveux lisses et souples. J’attrape une mèche de cheveux et la porte à ma vue. Mes yeux s’écarquillent : mes cheveux sont noirs. Dans le miroir, la fille a l’air aussi ébahie que moi.
Je crois bien que la fille dans le miroir est mon reflet.
Tandis que je palpe mon visage déformé, Gondul m’explique :
« Je t’ai aidée à te transformer partiellement. Tu n’es pas complètement humaine, tu restes assez proche de ta forme de corbeau. D’où la couleur de tes cheveux et de tes yeux… »
Je balance le sac sur mon épaule, me relève et sors dans la rue d’un pas sautillant. J’essaie d’adapter mon pas – je n’y peux rien, je ne peux m’empêcher de sautiller, comme un oiseau qui marche sur le sol. C’est particulièrement ridicule.
C’est seulement une fois engagée dans la rue commerçante que je réalise que tout est différent. Les couleurs ne sont pas les mêmes que d’habitude ; elles sont plus vives. Je marche le long des étals. En passant devant un marchand de fruits et légumes, je m’arrête, fascinée par la couleur d’un fruit. Ce n’est pas seulement une couleur plus vive ; c’est carrément une couleur différente, que je n’avais jamais vue avant.
« Les ultraviolets, tu connais ? Les prunes sont ultraviolettes. Mais les humains ne peuvent pas le voir », m’apprend Gondul.
Je continue de marcher – de trottiner plutôt – en me demandant où je pourrais aller, maintenant. Mon appartement est proscrit. Le Chemin de Traverse, encore moins. Quoique sous cette forme, on ne risque pas de me reconnaître, je sais que je me trahirais en moins de deux.
Et en plus, maintenant, j’ai faim.
« Pour calmer ton appétit, aucun problème. Tu peux te nourrir de petits rongeurs, d’insectes ou de fruits. »
…
Bon bah des fruits alors.
J’entre dans une épicerie et achète des prunes. Quand la vendeuse me tend mon sac de fruits, je dis d’une voix qui n’est pas la mienne, sèche et métallique, un peu comme la voix de Gondul en fait :
– Merci.
– Je vous en prie, répond-elle en frissonnant et en regardant ailleurs.
En sortant, je me regarde dans la vitre du magasin. C’est vrai que je fais un peu peur à voir. Je ne suis pas particulièrement moche, mais mes traits sont durs et ma voix glaciale, alors je suppose que c’est normal que les gens ne soient pas en confiance quand je leur parle.
Je marche jusqu’à atteindre un parc. Je m’assois sur un banc et commence à manger mes prunes. Elles sont vraiment délicieuses. Elles ont un goût différent des prunes de d’habitude… Ou alors ce sont juste mes papilles gustatives qui ne sont pas les mêmes.
Je laisse mon regard planer sur les enfants qui jouent devant moi, insouciants. Je n’ai jamais vécu au jour le jour, et je dois dire que même si c’est assez inquiétant de ne pas savoir du tout de quoi la minute suivante sera faite, je trouve ça très excitant.
« Quelle gamine. »
Je ne t’ai rien demandé. Au fait, est-ce que j’ai un moyen de te cacher mes pensées ?
« Il y en a un. »
Silence.
Oh je vois. Tu ne veux pas me le dire. Tu veux toujours garder un contrôle sur moi, c’est ça ?
« Oui. La dernière fois que l’autre moitié d’âme m’a caché ses pensées, elle m’a jetée dans un feu de cheminée. »
Un détail de la nuit dernière me revient en mémoire. Je retire l’anneau de mon doigt et le place devant mon œil. Je l’ôte de ma vue. Puis je le remets. Aucune différence, alors que dans l’appartement de… dans mon appartement, il y avait le feu.
« Ah, ça… » soupire Gondul. « C’était juste une tentative désespérée de ma part. Au moment où j’ai compris qu’Andres avait l’intention de se débarrasser de moi, j’ai voulu fixer dans son esprit et celui des Gondul suivantes le souvenir de l’anneau. Ainsi, toi la première, tu devais pouvoir t’en rappeler et revenir me chercher. Malheureusement pour moi, Andres m’a privée de tous mes pouvoirs à cet instant. Tout ce à quoi je suis parvenu, c’est figer le souvenir de l’incendie qui a suivi. Elle m’a jetée juste avant de mourir », précisa-t-elle.
Alors j’ai failli ne pas connaître Gondul, les Valkyries et tout le toutim. Aurait-ce été une bonne chose ? Ou une mauvaise ? Je ne sais pas si j’aurais fini par trouver toute seule mes origines. C’est possible, vu comme je me suis acharnée pour découvrir le moindre indice. D’un autre côté, peut-être que j’aurais cherché toute ma vie sans rien trouver.
Je tourne distraitement la tête et croise le regard amusé de l’Horcruxe. Elle m’a écoutée !
« Je ne vois pas où est le problème. »
J’aimerais bien avoir un minimum de vie privée, voilà le problème ! C’est quand même assez gênant.
Pas de réponse. Bon, très bien, je devinerai comment faire toute seule, alors.
Au moment où je commence à réfléchir à cette question cruciale, un couple s’assoit sur le banc en face du nôtre. Ils se tiennent la main et se regardent dans les yeux, amoureusement.
Que c’est niais. J’espère sincèrement ne jamais tomber amoureuse.
« Ah, enfin une chose où nous sommes toutes les deux d’accord ! Tu ne risques pas de tomber amoureuse tant qu’aucun être humain ne sait que tu es Gondul. D’où la nécessité de n’en parler à personne. »
Les deux en face commencent à s’embrasser. Ca devient de plus en plus dégoûtant. Je veux changer de chaîne. Où est la télécommande ?
« Je vais m’en occuper. »
Sûrement pas ! Elle va les torturer ou quelque chose comme ça si je la laisse faire. A nouveau, je sens que je commence à me diviser en deux, comprenez que je me trouve à la fois dans mon corps de fille-corbeau et dans le corps de Gondul. Je retiens mon âme de toutes mes forces dans mon propre corps. La pression du côté de Gondul se fait plus forte, je me concentre davantage. Finalement, Gondul lâche tout et mon âme entre en moi comme un boulet de canon. Je retiens mon esprit en moi, histoire qu’elle ne réessaie pas de le reprendre.
Non mais ça va bien toi ? Tu n’as pas à te servir de moi comme ça !
Elle ne répond pas. Je commence à comprendre. C’est ça, le moyen pour qu’elle ne puisse plus lire dans mes pensées. Retenir mon âme. Faudra que je m’entraîne à faire ça. Tirer mon esprit vers moi devient de plus en plus difficile, et bientôt, je lâche tout. Je suis essoufflée ; sans m’en rendre compte, je me suis arrêtée de respirer.
« Tu as trouvé, n’est-ce pas ? »
Oui, dommage pour toi.
Je jette un œil au couple : ils me dévisagent, abasourdis. J’imagine que c’est pas tous les jours qu’ils voient les gens s’étouffer devant eux sans raison apparente. Rouge de honte, je me lève et marche d’un pas rapide et sautillant – cette démarche est vraiment ridicule – et m’assois cinq cent mètres plus loin, sur un banc occupé par des gamins d’une douzaine d’années. Je reprends mon souffle, puis tourne la tête vers les deux autres personnes assises à côté de moi. Je frôle l’arrêt cardiaque.
Il doit y avoir une bonne dizaine de parcs dans cette ville, il a fallu que j’aille dans CE parc. Il y a une bonne centaine de bancs dans ce parc, il a fallu que je m’assoie sur CE banc. Le SEUL banc occupé par deux élèves à Gryffondor.
Lily Potter et Hugo Weasley lisent tranquillement la Gazette du Sorcier, cachée à l’intérieur d’un journal moldu pour que les passants de ce parc ne remarquent pas les photographies mouvantes.
Je détourne vite la tête et essaie d’avoir l’air calme. Difficile. Gondul fronce les sourcils en m’observant, intriguée. Elle doit être en train de lire dans mes pensées.
« Je ne vois pas où est le problème. Tu ne ressembles pas du tout à la rouquine à laquelle tu ressembles quand tu revêts une apparence humaine. »
Oui mais quand même ! L’idée de me trahir commence à me faire paniquer.
Hugo prend la parole.
– A ton avis, qu’est-ce qui a pu les amener ici ? C’est quand même dingue, ils n’auraient pas pu arriver tout seuls…
– Qu’est-ce que tu en sais ? rétorque sa cousine. Si ça se trouve, ils se sont échappés et c’est pour ça qu’ils ont débarqué à Londres…
– Depuis leur île d’Ecosse ? Tu ne crois pas qu’ils auraient plutôt atterri dans une ville proche, et pas à l’autre bout du pays ?
Ils parlent des Détraqueurs ? Ceux que j’ai rencontrés hier ? Je me penche légèrement sur le côté. La Une de la Gazette est bien « Deux Détraqueurs à Londres ».
– D’autant plus, poursuit Hugo, qu’ils se sont attaqués à une sorcière. Une fille de Beaux…
Hugo s’arrête brusquement au milieu de sa phrase.
– Qu’est-ce qu’il y a ? demande Lily.
– Si ça se trouve, ils ont été envoyés par le ministère pour chercher Enderson !
Mon cœur s’arrête momentanément de battre à l’énoncé de mon nom, tandis qu’il appuie ses paroles en mettant le doigt sur une photo de moi particulièrement horrible, étalée sur une bonne moitié de page du journal, avec écrit en gros en dessous : « RECHERCHONS GINGER ENDERSON, 17 ANS, CHEVEUX ROUX, YEUX BLEUS, 1,7 METRES. » Sérieusement, ça fait des années que je ne porte plus cette coupe de cheveux. Et heureusement !
– N’importe quoi, soupire sa cousine en levant les yeux au ciel. Je te rappelle que c’est le Ministère qui a enfermé les Détraqueurs loin d’ici, c’est pas pour les libérer à tout bout de champ. Ils ont dû s’enfuir.
– C’est bien ton père qui a aidé à enfermer les Détraqueurs loin d’ici, non ? Tu crois qu’ils auraient réussi à s’échapper de la prison que ton père aurait créée ? (Lily se tait, renfrognée.) Je te le dis, quelqu’un les a fait sortir.
– Mais qui, alors ? je m’écrie.
Oupssss.
Les deux se retournent vers moi, les yeux écarquillés.
– Euh, désolée, bonne journée, je marmonne en me levant prestement du banc.
Je file très vite à l’autre bout du parc, sans me retourner une seule fois. Au bout d’un moment, je tourne la tête. Ils ne m’ont pas suivie. Ils ont dû me prendre pour une originale.
« Peut-être que le jeune garçon avait raison », dit Gondul, plongée dans ses pensées. « Les Détraqueurs ont peut-être été envoyés pour toi. »
Quelle délicatesse de la part de ceux qui les ont relâchés, alors. J’ai bien envie de leur dire : « Fallait pas ! ». Comme Lily Potter, je pense que les Détraqueurs n’ont pas été relâchés par le Ministère. Et comme Hugo Weasley, je trouve étrange qu’ils aient atterrit à Londres, à des centaines de kilomètres de leur île. La question, maintenant, c’est : se sont-ils échappés ou ont-ils été libérés, et si c’est le cas, dans quel but ?
Je m’assois finalement sur un banc, inoccupé cette fois-ci, et termine mon sachet de prunes, songeuse. D’où sortaient les Détraqueurs ? Pourquoi étaient-ils là ? Pourquoi n’avais-je pas reçu de lettre du Ministère, me disant qu’on me priverait de ma baguette ? Ca me fait penser, hier matin, je ne m’en suis pas vraiment rendu compte tellement c’était naturel, mais je me suis servie de deux ou trois sorts devant les deux ivrognes et j’étais encore mineure. Là aussi, j’aurais dû recevoir une lettre. Pas que je m’en plaigne ! Mais c’est quand même bizarre…
« Il y a une explication simple. »
Ah, laquelle ?
« Tu n’as pas la Trace, ce sort qui permet de repérer un sorcier de premier cycle où qu’il soit. Mrs. Andres t’a rendue incapable de te transformer tant que tu ne toucherais pas de baguette magique, et par conséquent elle a levé le sort qui te protégeait de la Trace. A partir du moment où tu as essayé la première baguette de chez Ollivander, la Trace a été relevée. »
Et comment peut-on lever la Trace ?
« C’est un peu compliqué pour toi, petite. Tu n’as pas vraiment le niveau pour pouvoir lancer des sorts pareils. »
Magie noire ?
« Non. Elle détestait ça, pour rien au monde Andres n’aurait lancé des sorts interdits. Je trouve ça assez ridicule… Après tout », ajoute-t-elle avant que je n’aie le temps de penser quoi que ce soit, « Magie blanche et magie noire, ce sont des termes que les sorciers ont inventés pour différencier les sorts qui font du bien de ceux qui font du mal. Or n’importe quel sort peut être bon comme mauvais… Tout dépend de l’intention du sorcier qui le lance. »
Je n’y trouve rien à répondre. Elle n’a pas vraiment tort sur ce point après tout…
Stop stop stop. Je ferme mon esprit à celui de Gondul. Je commence à devenir, à penser comme elle. Ce n’est pas possible. Cette fille est une meurtrière de sang-froid. C’est un monstre. Je ne suis pas Gondul. Je suis Ginger, Ginger Enderson ! La fille qui respecte la vie, pas celle qui use et abuse de la magie noire pour parvenir à ses fins…
Ce n’est pas vrai. Qu’est-ce que je deviens ?
Author's Notes:
Introduction d'un tout nouveau personnage que j'adore, et réapparition de Violette, la fille à la fête de cette fille dont j'ai déjà oublié le nom, à Londres. Mary je crois.
Bon, l'autre raison, c'est que la moitié de ce chapitre est dédiée à ce nouveau personnage, et vu le moment où j'ai coupé ça va beaucoup vous énerver.
Il fait pratiquement nuit. Ce soir, c’est la veille de Noël, et tout le monde a quitté le parc. L’heure est venue de se préparer pour un somptueux dîner. Moi, je n’ai plus qu’une malheureuse prune dans mon sac en plastique. J’ai faim.
Je réalise que, pour la première fois depuis ma naissance, je vais passer mon Noël parfaitement seule.
« Il y a moi », fait remarquer Gondul, faisant mine d’être vexée.
– C’est pas toi qui passes ton temps à me répéter que nous sommes la même personne ? je rétorque en resserrant mon écharpe autour du cou.
Les gens dans la rue me dévisagent, étonnés du fait que je parle dans le vide. Evidemment. Ils ne peuvent pas la voir.
Il fait un froid épouvantable. Comment vais-je faire ce soir ? Où dormirai-je ?
« Dans un nid. »
C’est ça, moque-toi de moi. Je sais qu’elle est sérieuse, mais je continue à ne pas me considérer comme un oiseau. Et franchement, les corbeaux ne portent pas de doudoune donc même sous une autre forme, j’aurai froid.
Cela fait un moment que je marche ainsi, les yeux balayant rapidement les rues, espérant trouver un quelconque abri. Je m’enfonce dans Londres sans calculer ma trajectoire, espérant vainement tomber au bon endroit, celui qui m’offrira un lit où passer la nuit. A regret, je mange ma dernière prune et tourne à une intersection.
Je me fige. C’est la rue du Chaudron Baveur. Mes pas m’ont conduite ici, inconsciemment. Je m’arrête devant la devanture poussiéreuse et évalue rapidement la situation. Il me reste suffisamment de gallions pour une nuit. J’ai toujours les cheveux noirs et courts, on ne risque pas de me reconnaître. Sauf peut-être Mrs. Londubat chez qui j’ai travaillé cet été ; je ne dormirai donc pas ici. Peut-être un autre hôtel au Chemin de Traverse ?
Décidée, je passe la porte.
La chaleur me frappe le visage de plein fouet. Après un froid pareil, c’est plutôt agréable. Le nez fourré dans mon écharpe, je file à l’autre bout de l’échoppe sans que personne ne m’ait remarquée, et ouvre la porte du fond. A nouveau, un courant d’air froid s’engouffre dans mes vêtements et je frissonne.
« Petite nature. »
C’est pas toi qui dois subir le froid. Je suis sûre que tu n’as même pas de sensations, en plus.
Je tapote ma baguette contre le mur. Les briques s’écartent, le Chemin de Traverse apparaît sous mes yeux. Habituée au spectacle, je descends la rue sans m’arrêter, en priant pour ne croiser personne que je connais. Ce qui est idiot : j’ai travaillé pour à peu près tous les commerçants de l’allée, et il est possible que je rencontre des élèves en vacances de Poudlard. Si je croise quelqu’un, je risque de me faire griller, d’une façon ou d’une autre ; pas par mon apparence, mais par mon comportement.
Nerveuse, je marche d’un pas rapide. Peut-être y aura-t-il de la place au Palais de Nausicaa, un hôtel qui est, bizarrement, plus proche du bâtiment désaffecté que de la maison des rois. J’avais entendu parler de cet hôtel dans l’Allée des Embrumes. Mal famé. Mais je m’en fiche : je suis de taille à me défendre, et puis, je suis accompagnée par une pro de la magie noire.
« Merci, je suis flattée. »
Je me retrouve devant Gringotts et m’apprête à tourner à gauche pour prendre un raccourci. Mais il y a un imprévu. Un imprévu de taille.
Sur les marches de la prestigieuse banque se tient Fred, le grand frère de Roxanne, regardant songeusement sa montre. Il ne m’a pas remarquée.
De trois ans mon aîné, je l’ai vu pendant quelques temps à Poudlard. Depuis, il travaille à Gringotts, en compagnie des gobelins. Il me connaît bien puisque je passe au moins une fois chez eux à chaque période de vacances, pour y séjourner.
Pétrifiée, je le regarde lentement lever la tête vers moi, et j’entends à peine les cris presque hystériques de Gondul. Ses yeux s’agrandissent. Nous restons à nous fixer une seconde. Une toute petite seconde. Une très longue seconde.
Puis je me rends compte que mes cheveux, contrairement à il y a deux minutes, me touchent le milieu du dos.
Oh non. Je me suis transformée sans m’en rendre compte.
Fred descend une marche.
« MAIS COURS BON SANG ! QU’EST-CE QU’IL TE PREND ENFIN ? IL VA T’ATTRAPER ! »
Sans hésiter, je tourne sur mes talons et cours vers l’Allée des Embrumes. Du coin de l’œil, je vois Fred s’engager à ma suite.
– GINGER ! Attends ! Reviens ici, je dois te parler !
« Tu parles, il veut t’attraper ! Tourne à gauche, plus vite, plus vite ! »
Les gens de l’Allée des Embrumes, peu nombreux, me regardent sans vraiment s’intéresser à moi. Ils ont presque l’air habitués de voir des gens recherchés dans tout le pays courir comme des dératés poursuivis par des employés de chez Gringotts. Obéissant à l’ordre de Gondul, je bifurque à gauche. La rue est vide et tourne ensuite vers la droite. Derrière moi, j’entends le souffle de Fred qui court à en perdre haleine, ses pas se répercutant en écho aux miens dans la ruelle déserte. Je tourne à droite en dérapant légèrement. Les murs n’ont pas de fenêtre. Cet endroit est vraiment oppressant… Je me sens mal à l’aise.
On le serait à moins. Je suis recherchée par toute l’Angleterre et poursuivie.
– Petrificus totalus ! s’écrie-t-il derrière moi.
Je me baisse juste à temps pour éviter le sortilège qui fonce dans un mur. Une brique explose. Je fais volte face et brandit ma baguette pour parer le sortilège qui suit.
J’ai besoin d’aide, là ! je m’écrie intérieurement, en espérant que Gondul me comprendra.
« Compris. Laisse-toi faire. »
J’acquiesce en lançant un nouveau sortilège du bouclier. Comme ce matin, mes forces me quittent soudainement, comme si je devenais l’ombre de moi-même. Fred, qui ne s’est rendu compte de rien, me lance un troisième sortilège de pétrification. Mais cette fois-ci, bien que je n’ordonne pas à mon cerveau d’effectuer ce mouvement, mon bras se lève tout seul pour parer d’un geste vif et élégant l’éclair blanc. Gondul a pris les commandes.
A peine a-t-elle effectué ce mouvement que je ressens ses sentiments. Elle est furieuse. Furieuse qu’on s’en soit pris à elle, et surtout à moi, la partie la plus importante de notre âme divisée. Et quand l’un puissant mage noir est en colère, ce n’est jamais une bonne chose pour son adversaire.
Je reprends aussitôt le contrôle de mon corps, renvoyant sans ménagement l’Horcruxe, et essayant de retenir le sort qu’elle a jeté. Trop tard ; un éclair bleu électrique sort de ma baguette et traverse le bouclier que s’est fabriqué le frère de Roxanne. Le rayon l’atteint de plein fouet. Il tombe à la renverse, les yeux fermés. Un filet de sang s’écoule de sa poitrine.
Ce n’est pas vrai. C’est un cauchemar !
– Mais tu es folle ! je m’écrie, désespérée, en retenant mon âme contre moi.
Pas question que cette tarée ne se serve encore de mon corps pour répandre le mal ou tuer les gens !
« Du calme, il n’est pas mort… » grommèle-t-elle. « Il aurait dû. Mais tu as arrêté mon sortilège. Dommage, il était plutôt réussi… »
Sans l’écouter, je me précipite sur le corps étendu du jeune Weasley et attrape son poignet. L’avantage d’avoir des cours de Médicomagie est de pouvoir réagir dans l’urgence. Son cœur bat faiblement, mais il bat encore. Je sors ma baguette et la passe sur la plaie étroite qui traverse sa chemise en murmurant une formule de guérison. Le sang s’assèche et la coupure se referme lentement.
Et quand il se relèvera, il rapportera au Ministère, et surtout à sa sœur, que j’ai utilisé contre lui un sortilège de magie noire dans le but de le tuer.
– Et comment je fais maintenant ? je hurle, hystérique. Ils vont tout savoir !
« Mais non, soupire-t-elle. Notre secret est trop bien gardé. Et si ce que tu crains, c’est qu’il se rappelle t’avoir vue comme une personne dangereuse, alors arrête de t’inquiéter. »
– Quand je suis avec toi, j’ai toutes les raisons de m’inquiéter, je murmure, encore choquée d’avoir failli tuer le frère de l’une de mes meilleures amies.
Elle s’approche du corps étendu de Fred Weasley et pose sa main sur son front. Une aura blanche lui entoure la tête et je ne peux retenir une exclamation de surprise. Quand elle retire sa main, la lumière disparaît.
– Qu’est-ce que tu lui as fait, encore ?
« Il a tout oublié. Je lui ai lancé un sortilège d’Oubliettes. Tu m’as fait confiance et j’ai récupéré un peu de ta magie en prévision de tes réactions démesurées. Voilà, tu es contente ? », me lance-t-elle, exaspérée.
Je la regarde un moment. Je réfléchis à toute allure. Mais elle ne peut pas entendre mes pensées ; je retiens trop mon âme contre moi pour qu’elle puisse y lire à son aise. Et tant mieux, parce qu’elle n’aimerait sûrement pas le plan que mon cerveau est en train d’envisager. Je sors mon balai de mon sac, lui rend sa taille normale d’un coup de baguette magique, me désillusionne et m’envole.
« Où vas-tu ? Qu’est-ce que tu fais ? »
Je ne réponds pas et m’élève haut dans le ciel noir. Les nuages sont bas, ce soir ; tout doucement, il se met à neiger. Je passe à travers deux masses cotonneuses pour ne pas me mouiller, et reste au-dessus des flocons de neige. Alors, j’accélère.
« Qu’est-ce que tu comptes faire ? Gondul ! Réponds ! » me crie la forme fantomatique flottant à côté de moi. Pour la première fois, je remarque que ses traits sont figés, comme si elle avait peur.
Et elle a bien raison.
– Je vais te balancer dans la Tamise. Le courant t’emportera dans la mer, puis dans l’océan. Et plus personne ne te reverra. Tu es une meurtrière ! Tu as failli tuer le frère de ma meilleure amie ! Je ne veux pas être comme toi, et d’ailleurs je ne suis pas comme toi ! Je suis Ginger Enderson, pas une Valkyrie à la noix !
« Tu n’est PAS une Valkyrie à la noix, espèce d’idiote ! Tu es Gondul ! Et tu ne peux pas me tuer. Je suis la moitié de ton âme ! »
– JE REFUSE DE T’ECOUTER PLUS LONGTEMPS ! je hurle.
Je retire les deux mains du manche de mon Comète, et, resserrant mes jambes autour du bois, je place deux doigts de ma main gauche sur la bague enfilée sur la main droite. Je commence à la faire glisser.
« Non ! » s’écrie Gondul, paniquée. « Ne fais pas ça ! NE FAIS PAS… »
Mais je n’ai jamais pu entendre la fin de son exclamation, car à ce moment-là, tout est devenu noir.
-X-X-
A des centaines de kilomètres de là, et un peu plus en contrebas, se trouvait une très jolie maison, un peu à l’écart du village situé deux cent mètres plus loin. La campagne provençale enneigée accueillait Noël dans le silence.
Au moment même où Ginger Enderson basculait de son balai, la porte de la maison s’ouvrait à la volée, et une jeune fille en sortait. Elle éteignit les lumières à l’intérieur, ferma la porte à clé, puis, fourrant ses mains gantées dans ses poches, s’éloigna de chez elle d’un pas vif. Cette jeune fille… c’était moi.
Tous les ans, ma mère et mon beau-père partaient en vacances à l’étranger, pour leur anniversaire de mariage. Pendant ce temps, ma demi-sœur, Violette, partait à Londres pour rejoindre sa meilleure amie moldue, qu’elle s’était faite avant que Robert, son père, ne revienne d’Angleterre. Et moi, je me rendais chez Cathy, l’une de ses meilleures amies, pour passer le dîner de Noël entourée d’une famille et ne pas passer les fêtes toute seule.
J’arrivai finalement au village. Toutes les maisons étaient illuminées, et en passant devant les fenêtres, je voyais des table apprêtées, avec parfois quelques convives autour, un sourire aux lèvres. J’atteignis finalement la porte de la maison de Cathy Saune, et frappai trois fois.
– Amélie, c’est toi ? s’écria une voix féminine un peu étouffée. Entre !
Je poussai la porte. A l’intérieur, il faisait nettement plus chaud. Je retirai mon manteau, que j’accrochai à l’entrée, et ôtai mes chaussures. Un agréable fumet s’échappait de la cuisine. La tête de la mère de Cathy apparut justement derrière la porte de cette pièce :
– Amélie ! Toujours à l’heure, comme d’habitude ! Ta mère va bien ?
– Très, répondis-je en souriant. Robert aussi. Ils m’ont appelée ce matin.
– Très bien, fit Mme Saune. Je discuterai avec toi plus tard, je n’ai pas tout à fait fini la dinde. Au fait, Cathy t’attend, elle m’a dit qu’elle avait quelque chose à te montrer.
Elle haussa les épaules, s’excusant de ne pas en savoir plus, et disparut à nouveau dans la cuisine. Intriguée, je montai les escaliers. Il n’y avait qu’une seule pièce à l’étage ; la chambre de Cathy. Je me demandais bien ce qu’elle pouvait vouloir me montrer...
Je toquai à la porte en bois recouverte de photographie de Cathy, tous âges confondus.
– Amélie ? Tu tombe à pic ! Entre !
J’ouvris la porte et me trouvai face à un capharnaüm inimaginable. La chambre de Cathy avait rarement été aussi mal rangée, et pour quelqu’un était aussi peu soigneux qu’elle, ce n’était pas peu dire ! Partout traînaient des vêtements moldus et sorciers, capes, chapeaux, bottes et ballerines, livres de cours ; ça, c’était normal. Mais au bazar habituel s’ajoutaient une demi-douzaine de cartons en équilibre instable les uns sur les autres, vomissant leurs contenus de jouets, album photo et peluches. Assise par terre à côté d’un vieux gâteau sec posé sur une impressionnante pile de papiers en tous genres, Cathy tournait les pages d’un carnet. Elle ne leva pas la tête à mon entrée.
J’enjambai deux cartons et m’assis tant bien que mal à côté de mon amie, posant mon sac à côté de moi. Cathy souriait.
– Regarde, dit-elle quand je fus inconfortablement installée à côté d’elle. C’est mon journal intime, je le tenais en… en 2010. Eh ben ! Ca nous rajeunit pas !
– 2010 ? dis-je en fouillant dans mes souvenirs. C’est l’année…
– …où on s’est rencontrées, compléta Cathy.
Le cahier était ouvert à la page du 17 juillet 2010. L’écriture était enfantine et pleine de fautes.
– « Aujourd’hui, il s’est passé des choses incroyables », lut Cathy. « Ca a commencé quand je suis arrivée chez Violette… »
Je repensai à cette journée en particulier. Celle où ma vie avait pris un tout autre tour. Une foule de souvenirs et de sentiments m’envahit, et je souris.
Aussi loin qu’elle se souvenait, Amélie n’était pratiquement jamais sortie de cette maison. A peine si elle pouvait aller dans le jardin ! Et quand Violette, sa demi-sœur et unique amie, invitait ses camarades de l’école à y jouer, elle devait rester cachée à l’intérieur. C’était pour son bien à elle, elle le savait bien – et aussi pour la santé mentale des petites filles qui jouaient dehors. Mais elle avait l’impression d’étouffer, elle qui vivait enfermée. Un carré de ciel bleu apparaissait dans les carreaux propres des fenêtres, dont elle devrait fermer les rideaux quand Violette arriverait avec l’une de ses amies, Cathy, qu’elle avait invitée à goûter.
Elles avaient toujours l’air de bien s’amuser. Elles grimpaient aux arbres, faisaient la course, mangeaient des tartines à la confiture sur l’herbe, profitant de la chaleur du soleil provençal. Tout ce qu’Amélie aurait aimé faire. Et puis, comme Violette, elle aurait aimé avoir des amies, elle aurait aimé aller à l’école.
Une mèche de cheveux bruns lui tomba sur le visage. Rageuse, elle fit un petit geste de la tête pour le retirer de sa vue. C’était à cause de ces fichus cheveux qu’elle ne pouvait pas sortir. Car ses cheveux, sans que personne n’ait jamais pu l’expliquer, changeaient chaque jour de forme et de couleur. La veille encore ses cheveux étaient courts, blonds et frisés. Ce matin, elle se réveillait avec des anglaises brunes et mi-longues. Elle ne pouvait pas sortir dans le village ; les gens se poseraient des questions s’ils voyaient une petite fille de sept ans changer tous les jours de coupe et de couleur de cheveux.
Officiellement, elle était malade et fragile ; c’était l’excuse parfaite pour ne pas avoir à se rendre dans des lieux publics. A part une vieille dame un peu folle qui l’avait rencontrée par hasard et qui n’avait pas fait grand cas des capacités étonnantes de ses cheveux, personne ne connaissait les soucis capillaires de la jeune Amélie.
La petite fille tourna la tête et regarda l’horloge de sa chambre. Celle-ci indiquait seize heures. Le temps que Violette et son amie Cathy reviennent de chez les Saune, qui habitaient dans le village voisin, à un bon kilomètre de là, Amélie avait le temps de sortir un peu dans le jardin.
Elle sortit de sa chambre en silence et descendit les escaliers sans faire craquer une marche. Au rez-de-chaussée, elle passa devant la porte de la chambre de sa mère ; elle dormait. Elle traversa alors la cuisine et ouvrit la porte qui donnait sur l’extérieur.
Le soleil inondait l’herbe. Amélie mit un certain temps pour habituer sa vue à l’extérieur. Elle marcha pieds nus dans l’herbe fraîche jusqu’au fond du jardin, savourant chaque bouffée d’air parfumée, et s’assit auprès d’un oranger. Elle n’avait pas souvent la chance de profiter de cette joie qu’était le simple fait de sortir dans le jardin, en vacances ; Violette passait du temps à la maison avec ses amies, et Amélie ne devait surtout pas être vue.
Elle entendit un éclat de rire, et elle rouvrit les yeux, paniquée, tous les sens en alerte. C’était le rire de Violette ; elle arrivait par ici. Amélie n’avait pas le temps de rentrer à la maison ; elle devait faire tout le tour du jardin, et elle serait vue entre temps. « Maman va me gronder », songea-t-elle. Elle se cacha en toute hâte derrière un arbre au tronc épais.
Pas plus de cinq secondes plus tard, Cathy et Violette poussaient le portillon du jardin. Elles riaient à gorge déployée. Les yeux bleus de Violette brillaient de malice, ses cheveux blonds reflétaient l’éclat du soleil. Elle échangea avec Cathy quelques mots inaudibles depuis la position d’Amélie. Puis sa demi-sœur s’éloigna vers la porte de la cuisine en chantonnant. Elle allait sans doute chercher leur goûter.
Amélie était catastrophée. Elle devrait rester ici tout l’après-midi, le temps que Cathy reparte chez elle. Sa mère finirait par remarquer son absence ; elle était sensée rester dans sa chambre. Elle allait se faire gronder… Mais la peur d’Amélie fut momentanément annihilée : pour l’instant, elle observait un frelon qui s’était posé sur le dos de sa main. L’aiguille de l’insecte était à moins d’un millimètre de sa peau, mais Amélie ne craignait rien ; elle savait qu’il ne la piquerait pas tant qu’elle ne lui ferait rien. De plus, les piqûres du frelon, même si elles étaient douloureuses, n’étaient mortelles qu’en très grandes quantités pour un être humain.
L’animal s’envola. Amélie laissa lentement retomber son bras le long du corps, puis regarda à nouveau dans le jardin. Cathy était à l’autre bout, et tentait de grimper en haut d’un arbre. Elle y arrivait plutôt bien. La fillette aux cheveux changeants se sentit alors légèrement mal à l’aise. Elle savait quelque chose – quelque chose qui avait beaucoup, beaucoup d’importance – mais elle était incapable de dire quoi. Elle regarda, impuissante, la petite fille aux cheveux bruns et courts s’agripper au tronc de l’arbre, cherchant de nouvelles prises. Le danger avait-il un rapport avec le fait que Cathy montait à l’arbre, ou avec le frelon ?
Ou alors les deux à la fois ?
Amélie poussa un petit cri d’horreur, que Cathy n’entendit pas, en comprenant soudain l’énorme danger que courait la fillette. A quelques dizaines de centimètres de Cathy, il y avait une branche à laquelle elle s’accrocherait à coup sûr pour poursuivre son escalade. Cette branche était frêle et elle risquait d’être dangereusement secouée. Suffisamment secouée pour réveiller et libérer tous les insectes vivant dans la ruche installée au bout. Et cette ruche était une ruche de frelons. Si les frelons étaient dérangés, ils viendraient la piquer. Et une centaine de piqûres de cet insecte aurait sans aucun doute des effets mortels sur un être de la corpulence d’une jeune fille de sept ans…
Au moment où cela revenait à l’esprit d’Amélie, le bras de Cathy eut un mouvement maladroit et elle se retrouva forcée de s’accrocher de tout son poids à la branche pour ne pas tomber. Amélie vit au ralenti un frelon sortir, puis deux… Puis trois…
Quand Catherine Saune se rendit compte de la présence des petites bêtes, il était trop tard. Elles lui fonçaient droit dessus, prêtes à en découdre. Cathy poussa un cri. Et c’est à ce moment-là que l’histoire devint complètement loufoque.
Sans réfléchir, Amélie sortit de sa cachette en courant le plus vite possible, et ne réalisa même pas, du haut de ses sept ans, qu’il était physiquement impossible pour un être humain d’atteindre les cinquante kilomètres heures par la seule force de ses jambes et sans élan ; pourtant c’est ce qu’il se produisit. Amélie se retrouva en bas de l’arbre en un clin d’œil, et avant que le moindre frelon se soit posé sur les bras nus de Cathy, elle écarta les bras et hurla de toutes ses forces :
- ARRETEZ !
Elle se rendit compte de la bêtise de cet ordre aussitôt qu’elle l’eût prononcé ; en petite fille élevée à la campagne, elle savait bien que les insectes n’obéissaient pas à ce qu’on leur disait. Sauf que cette fois-ci, fait extrêmement étrange, les frelons firent demi-tour et rentrèrent à nouveau dans leur ruche comme si de rien n’était.
Amélie ne comprenait pas. Comment cela avait-il pu être possible ? Mais elle n’eut pas le temps de répondre à cette question. Glissant le long du tronc de l’arbre, Cathy retomba par terre, juste devant Amélie, et la regarda fixement, droit dans les yeux, stupéfaite. Après tout, à jusqu’à cet instant précis, pour Cathy, Amélie était une petite fille très malade qui pouvait à peine marcher et que personne n’avait jamais vue dans le village.
Amélie sentit un frisson qui n’avait rien à voir avec le froid la parcourir. Et, en même temps, une sensation étrange qu’elle connaissait par cœur se manifesta, sur le sommet de son crâne…
Ses cheveux avaient décidé de changer de forme et de couleur. Sur les côtés de son champ de vision, elle comprit sans peine qu’ils étaient devenus verts et frisés. Cathy ouvrit des yeux ronds, sa bouche forma un grand « O » qui aurait été très comique si la situation n’avait pas été telle, et elle leva lentement sa main. Elle saisit une mèche de cheveux verts, et Amélie s’éloigna d’un geste très rapide, peu habituée aux contacts humains. Surprise, Cathy arracha quelques cheveux. Elle fixa les fils très fins de la couleur de l’herbe qui se trouvaient entre ses doigts. Puis elle leva à nouveau les yeux.
Amélie, qui jusque-là était figée par la peur, essaya alors de parler, dire quelque chose, n’importe quoi, un mensonge, la vérité, s’expliquer en tout cas.
– Euh…
Comme si elle reprenait soudain conscience, les yeux de Cathy lui lancèrent un regard vif, puis elle tourna les talons et détala.
– Attends ! ATTENDS !
– Amélie ! s’écria Violette en sortant de la cuisine, paniquée. Qu’est-ce que tu fabriques dehors ? Cathy est là ! Elle pourrait te…
Elle tourna la tête et vit la mince silhouette de son amie disparaître.
– Oh, non ! Amélie ! Qu’est-ce que tu as fait ?
Et Amélie, dépassée par les événements, fondit en larmes.
– Tu sais que tu m’as fait pleurer ce jour-là ? Je n’avais jamais autant pleuré de ma vie, fis-je remarquer à Cathy.
– Je sais. On s’est déjà raconté cette histoire des centaines de fois, en long, en large et en travers. C’était quand même une chance que ce soit moi, l’amie de Violette, hein ?
– Ouais. Si ça avait été une moldue… je ne sais pas ce que j’aurais fait.
– Oh, ils auraient envoyé des Oubliators, je suppose… dit Cathy, songeuse.
– Comme si je connaissais l’existence seule des Oubliators ! rétorquai-je. Et Maman m’a bien grondée, avant que tu ne reviennes… C’est ce journal intime que tu voulais me montrer ? je lui demande, me rappelant soudain la raison de ma présence dans sa chambre.
– Hein ? Ah non non, oui, oui, c’est vrai, fit brusquement Cathy. Tu vas trouver ça génial. Attends, je l’ai posée ici… Ou là… Quelque part…
Et moi qui pensais que sa chambre ne pouvait pas être encore plus mal rangée qu’à présent ! Je me trompais lourdement. Elle balança une ou deux robes de sorciers par-dessus son épaule, retrouvant des choses au cours de cette recherche – « Oh, ce collier ! Je croyais l’avoir jeté. Qu’est-ce qu’il est laid ! Allez hop, poubelle. » – avant finalement de remettre la main sur un morceau de carton jauni, au format d’une photographie d’appareil jetable, et légèrement déchiré sur le côté.
– Regarde un peu ça ! s’écria-t-elle en me tendant la photo, l’air très fier.
Je lui lançai un regard interrogateur, puis pris l’image et jetai un œil à l’image. Je ne pus retenir une exclamation.
La photographie représentait quatre filles d’une dizaine d’années assises sur une serviette de pique-nique étalée sur l’herbe, à l’ombre d’un arbre fleuri. La fille la plus à gauche portait un sweat-shirt large et des leggings vert bouteille, et était pieds nus, comme les trois autres. Ses cheveux bruns et courts étaient retenus en arrière par un serre-tête jaune qui n’empêchait pourtant pas quelques mèches rebelles de se balancer devant ses yeux.
– Ah, j’avais oublié que tu avais cette coupe de cheveux ridicule, dis-je en riant.
– Arrête ! gronda Cathy, en souriant toutefois. J’adorais cette coupe, à l’époque.
Juste à côté de la jeune Cathy, une jeune fille aux longs cheveux blonds et aux grands yeux bleus souriait à l’objectif. Elle portait un gilet vert et une petite robe blanche, qui, je m’en souvenais, lui plaisait énormément à l’époque. Je me demandai si nous l’avions encore à la maison ?
– Violette n’a pas changé, me fit inutilement remarquer Cathy. Elle est toujours aussi jolie.
A sa gauche, une troisième fille, aux longs cheveux noirs et soyeux, riait aux éclats. Ses yeux noirs en amande reflétaient le ciel vide de nuages. Ses vêtements montraient des formes naissantes, étonnantes pour une fille de son âge.
– Yune non plus, renchéris-je.
Yune Lee, Violette Carmin (ma demi-sœur qui a gardé le nom de son père), Catherine Saune et moi-même, Amélie Vermeil, nous formions un groupe très uni depuis un bon moment. Cette photo datait d’au moins sept ans. Je ne me rappelais pas du jour exact où nous avions pris cette photographie : nous faisions alors très souvent des pique-niques.
Quant à la quatrième fille…
– Bon sang ! Je me rappelle de ce pull. Quelle horreur ! Comment ai-je pu porter un truc pareil ?
Je passai la main dans mes cheveux courts et blancs, excédée par un tel manque de goût. Oui, mes cheveux étaient blancs, la plupart du temps. Tous les jours, ils changeaient de couleur, je vous expliquerai une autre fois pourquoi. Mais assez souvent, ils étaient couleur des nuages, et je ne savais que trop bien pourquoi. Violette trouvait que ça me donnait l’air mystérieux, je trouvais que ça me donnait l’air d’une petite vieille.
La dernière fille de la photographie, allongée sur la nappe, les jambes repliées et les pieds à plat sur le sol, regardait l’objectif avec un sourire niais au possible. Ses cheveux bruns et fous retombaient n’importe comment autour de son visage rond et juvénile. Mais surtout, elle portait une espèce de pull jaune à pompons avec un mini-short rose ridiculement épais.
– Ne sois pas trop dure avec toi-même ! fit Cathy en éclatant de rire. Moi, j’aimais bien jouer avec les pompons. Et je suis sûre que toi aussi tu les adorais.
« LES FILLES ! »
– OUI ? hurla Cathy à l’adresse de sa mère qui venait de nous appeler, depuis l’étage inférieur.
« VENEZ A TABLE C’EST SERVI ! »
– OK ON ARRIVE DANS DEUX MINUTES !
Je souris une dernière fois en regardant les visages de mes trois meilleures amies, enfants, de la photo, lançai un regard dégoûté à la fillette au pull jaune à pompons, puis tendit l’image à Cathy. Elle me regarda avec des yeux ronds.
– Mais enfin, c’est pour toi ! s’exclama-t-elle. J’ai la même de toutes façons, ajouta-t-elle avant que j’aie pu protester. Quelque part, je sais plus où. Je chercherai plus tard.
Emue, je regardai à nouveau la photographie.
– Merci, Cathy. C’est vraiment un super cadeau de Noël.
Son visage s’illumina.
– Ah, alors je peux garder celui que je te réservais pour moi alors ! Tant mieux parce qu’il est génial.
Nous éclatâmes de rire en cœur, puis descendîmes les escaliers pour prendre notre repas de Noël.
End Notes:
Pour tous ceux qui veulent voir la gueule de la photographie, direction maksstories.skyrock.com. J'essaierai de faire des avants-premières mais elles seront plutôt courtes.
Voilà. A très bientôt alors !
Souvenir Scandinave by Mak
Author's Notes:
Pour ceux qui auront oublié le nom de certaines en cours de route, je leur conseille de se référer au chapitre 9 de cette fiction, ou bien, encore mieux, au blog maksstories.skyrock.com où se trouvent les images de chacune des Valkyries. Ça vous aidera à vous retrouver !
J'arrête mon blabla. Bonne lecture !
Je ne suis personne, et je suis tout. Je ne suis nulle part, et je suis partout. Je ne ressens rien, et je ressens tout. Serais-je dans les limbes ? J’essaie de me souvenir de ce qu’il s’est passé, mais rien. Tout est noir autour de moi, ou tout est blanc, allez savoir. Lentement, je commence à prendre conscience de mon corps. Un centimètre carré de ma peau commence à me faire mal, un simple picotement. Puis la fraction de peau juste à côté me picote à son tour. Et, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire « Quidditch », tout mon corps hurle de douleur. Mais comme mes lèvres semblent scellées, je ne peux pas hurler.
Bien dommage.
Au moins j’ai toujours mon cynisme avec moi. Où suis-je donc ? J’arrive à ressentir les globes de mes yeux reposer sous mes paupières étroitement fermées. Si j’essaie d’ouvrir les yeux et si je n’y arrive pas, j’ai l’impression que la douleur va s’amplifier. Mais je n’ai pas d’autre moyen de savoir où je suis… et ce que je suis, aussi. Tentons le tout pour le tout.
Mes paupières se soulèvent lentement, presque indépendamment de ma volonté. La lumière m’aveugle ; le temps de m’habituer, je ne vois plus rien. Brusquement, la douleur disparaît, comme un souffle de vent qui aurait balayé la flamme d’une bougie, et je peux à nouveau bouger tout mon corps. Je peux remuer les lèvres, bouger les bras, tourner la tête. Le temps de faire ces quelques mouvement élémentaires, ma vue s’adapte à la lumière ; et je peux enfin voir autour de moi.
Je suis au milieu d’un village tout droit sorti du Moyen Age. Autour de moi, tout est recouvert de neige, mais je ne ressens pas le froid. En fait, je n’arrive pas à voir mon corps, comme si je m’étais désillusionnée… sauf que je n’ai jamais aussi bien réussi un sortilège de Désillusion. Les maisons, petites et serrées les unes contre les autres, sont construites dans un matériau sommaire, et surplombées par d’immenses conifères. Le calme ambiant me rappelle celui du matin : le village n’est pas encore tout à fait réveillé. Un ou deux hommes coupent du bois dans la cour de leur maison ; les coups de hache nets et saccadés troublent le silence.
Mais où suis-je ?
– En Scandinavie, me souffle une voix très douce que je ne connais pas.
Je me retourne et ne suis même pas surprise de me retrouver face à elle. Elle n’a pas changé. Le même air de candeur sur le visage, les mêmes yeux bleu foncé, les mêmes cheveux longs, blancs et soyeux.
– Kara, je murmure en souriant.
– Gondul, répond-elle simplement en souriant à son tour.
Je la regarde quelques instants. Puis, sans prévenir, j’ai l’impression qu’on vient d’accrocher une charge de cent tonnes à mon cœur, mon corps me fait mal de partout à nouveau, et mes intestins se découvrent une passion pour la valse. Je viens de me rappeler de tout : l’accident de Fred Weasley, la fuite en balai, la bague que j’ai laissé glisser au bout de mon doigt après m’être violemment disputée avec Gondul… Mais surtout, je viens de me rappeler que je ne connais pas cette fille à qui je parle.
– Mais qu’est-ce que…
– Ne t’inquiète pas, Gondul… Tu es dans ses souvenirs. Vos souvenirs, précise-t-elle. Vous partagez le même passé. Quand elle a scindé son âme en deux, ajoute-t-elle, son regard s’assombrissant légèrement, elle a divisé sa mémoire et sa joie de vivre. L’Horcruxe a gardé la mémoire, et l’original, toi, tu as hérité de la vie. Ton statut de Valkyrie t’a permis de reconstruire une vie entière à partir de cette demi-vie. C’est pour ça que tu n’es pas mentalement déséquilibrée. Ce qui serait sans doute arrivé si tu n’étais qu’une humaine.
– Je suis en train de rêver ?
– Oui. Tu voyages dans les rêves de la mémoire, la mémoire que tu as perdue depuis des années… Mais c’est bien la tienne.
Ce serait mieux si elle ne parlait pas chinois. Si je comprends bien, je ne rêve pas mais ne fais que découvrir les souvenirs de Gondul ?
– Et ça va souvent m’arriver de rêver de toi, maintenant ?
Elle sourit face à cet exposé simpliste de la situation.
– Pas seulement de moi. De tout ce qui t’es arrivé avant que tu ne naisses sous le nom de Ginger Enderson.
Je garde le silence, observant le village. Un gros chien des neiges trotte jusqu’à nous, et passe à côté de moi sans même me voir. Je commence à fouiller dans mes souvenirs, les souvenirs que l’Horcruxe m’a cachés. Je parle à Kara, l’une des sept autres Valkyries, la seule capable de se transformer en cygne. Je l’aimais bien ; elle était douce, gentille, et elle aimait les hommes. Je ressens un léger pincement au cœur en essayant de me rappeler ce que je sais d’autre sur elle, sans arriver à en savoir plus. Je regarde Kara, étonnée.
Elle me sourit tristement.
– C’est le souvenir que Gondul a essayé de se cacher à elle-même, m’explique-t-elle. Car il était terrible … Elle a voulu le supprimer de sa mémoire. Elle n’a pas réussi.
– Que t’est-il arrivé ?
– Je suis morte.
Nouveau coup de poing au cœur accompagné d’une vague de tristesse, que je ne peux m’expliquer. Seraient-ce les sentiments de Gondul quand elle ressasse son passé ?
– Mais… Comment puis-je te parler alors ?
– Nous sommes dans tes rêves, Gondul. Tout est possible. Et tant que l’une des Valkyries est encore en vie, les autres vivent un peu en elle. Un contact mental permanent est né avec notre création, et il est tellement puissant que même après notre mort, nous existons encore dans les souvenirs des autres.
Je ne comprends pas tout, mais je hoche la tête.
– Avant, je n’avais jamais pu lire dans les pensées de Gondul, alors qu’elle n’avait aucun mal… Et maintenant, je te reconnais alors que je ne t’ai jamais vue, c’est que j’arrive à lire dans ses pensées... Pourquoi ?
– Quand tu es tombée de ton balai, l’Horcruxe a fait de son mieux pour te sauver, m’explique-t-elle. Elle a puisé toute la magie qu’elle possédait et toute celle qui émanait de ton âme pour t’empêcher de t’écraser au sol. Cela a créé une ouverture entre vos deux morceaux d’âme.
– Et… ça a marché ? je demande, anxieuse.
Elle fait un petit sourire.
– Ca, je n’en sais rien, ce sera à toi de voir. Maintenant qu’elle t’a ouvert son âme, tu pourras lire à loisir dans ses souvenirs. Mais je doute qu’elle se laisse faire… ajoute-t-elle sur un ton amusé.
– Comment es-tu morte ? Je veux dire…, j’ajoute précipitamment, me rendant compte de la grossièreté de ma question.
– Il n’y a aucun problème. Suis-moi.
Et elle se met à marcher devant moi, d’un pas souple et aérien. Je reconnais la grâce du cygne dans sa façon d’être, dans la blancheur de son cou et de ses cheveux soyeux. Je la suis, mettant un pied invisible devant l’autre, un peu angoissée à l’idée de perdre l’équilibre et de tomber. Nous arrivons au cœur du village, qui me semble soudain très familier : chaque maison me rappelle une foule d’odeurs, de visages, de sentiments, de sensations. Le pas assuré de Kara m’informe qu’elle aussi connaît bien le village ; au bout d’une dizaine de maisons, elle tourne à sa gauche et s’enfonce dans les minces ruelles. Je m’engage à sa suite.
– Nous sommes en 738 après Jésus Christ, comme disent les moldus, dit Kara de sa voix douce. Environ quatre cents ans après notre création. Actuellement, nous sommes dans un village très au Nord de la Finlande, c'est-à-dire en Scandinavie.
Nous débouchons sur une rue un peu plus large, et nous arrivons devant une maison identique à ses voisines. Mais sa simple vue me serre le cœur. Si j’en crois ma théorie, il s’y est passé quelque chose de grave pour Gondul…
– Je suis née ici, dit Kara. Et toi aussi. Pour cette vie-ci, du moins.
Elle me jette un coup d’œil, puis se dirige droit vers la porte de la maison, l’ouvre et la referme derrière elle. Je m’empresse de la suivre. Je pousse la porte. Je ne peux retenir un cri d’horreur.
Le corps inerte de Kara repose au sol, dans une mare de sang. Un poignard est enfoncé dans sa poitrine, au niveau du cœur, et un flot de sang s’en échappe. Ses grands yeux bleu foncé sont ouverts, figés dans une expression de terreur éternelle, emplis de larmes immobiles. Sa bouche, légèrement entrouverte, ne laisse passer aucun souffle d’air.
– Je suis morte.
Kara, celle à qui je parlais il n’y a pas deux minutes, est debout près de moi, observant, le visage dénué d’émotion, sa copie conforme à terre, baignant dans le liquide carmin.
– Que s’est-il passé ? je murmure, horrifiée par cette vision cauchemardesque.
– Viens, dit-elle en me tendant le bras. Tu vas comprendre par toi-même.
Je pose la main sur son bras et autour de nous, le décor change légèrement. Une chaise dans la pièce est déplacée, un feu ronfle dans la cheminée qui jusque-là était éteinte, la lune brille par une fenêtre, et deux jeunes gens se tiennent à l’endroit exact où reposait le corps de Kara quelques secondes plus tôt. L’un a des cheveux roux et longs, une barbe courte lui pousse au menton. En face de lui se tient Kara, bien vivante, les yeux brillants de vitalité. Ils se tiennent les mains, face à face, et sourient, d’un air bienheureux pour l’un, folle de joie pour l’autre.
– Tu m’aimes, Luft ? Tu m’aimes vraiment ? dit-elle d’une voix mielleuse.
On se croirait dans un bouquin de Roxanne.
Je me rends compte que la langue qu’elle parle n’est pas l’anglais : c’est une langue chantante, ancienne, nordique, que je comprends toutefois. Je réalise que c’est dans cette langue que je parle depuis tout à l’heure avec Kara.
– Oui, répond-il d’une voix grave et chaude. Et quoi que disent mes parents, nous nous marierons. Je me fiche bien que tu sois de mauvaise naissance.
Ca, c’est vache.
– Et en plus, dit la Kara à côté de moi, celle qui regarde le couple d’un air peiné, il a oublié de lui dire qu’il l’épousait pour toutes les richesses qu’elle possédait. Il faut dire qu’elle avait été dotée par Odin en personne…
– Alors il faut que je t’annonce quelque chose, Luft, dit Kara, celle qui tient les mains du jeune homme roux.
Elle s’écarte un peu et lui fait un grand sourire. Il la regarde sans comprendre.
– C’est quelque chose de très important pour moi. Et quand je te le dirai, il n’y aura plus de retour en arrière, mais… je veux que tu saches. J’ai besoin que tu saches.
Elle ferme les yeux, respire profondément, se mordille la lèvre inférieure puis déclare :
– Je suis Kara. L’une des sept Valkyries d’Odin.
Elle referme les yeux, ou plutôt elle les plisse, comme pour oublier une douleur incommensurable. A côté de moi, l’autre Kara frissonne, une main sur le cœur, comme pour apaiser les élancements d’une ancienne blessure.
Pendant quelques secondes, le garçon la regarde, impassible. Puis il dit, lentement au début, d’une voix très grave et très basse, vibrante de colère :
– Gilda, ma sœur, est morte l’année dernière de l’un des messagers des Dieux, je l’ai vu de mes propres yeux sur son corps : ses blessures n’étaient pas normales, elles étaient divines. Tu es une envoyée des Dieux. Tu l’as tuée. C’est toi qui l’as assassinée ! hurle-t-il en brandissant un couteau.
– Non, s’écrie-t-elle, effarée par le retournement de situation. Bien sûr que non ! Je ne l’ai pas tuée, ce n’est pas moi ! Je n’aurais jamais fait ça ! Luft, écoute-moi !
Il se jette sur elle et lui plante son couteau dans le cœur. Un réflexe instinctif me fait m’avancer vers la brute, mais la main de Kara se pose sur mon épaule.
– C’est inutile, dit-elle. Ce n’est qu’un souvenir. Ils ne nous entendent pas, ils ne nous voient pas, et nous-mêmes, nous n’existons pas.
Malgré moi, mes yeux restent vrillés sur le meurtre. Les gouttes de sang perlent de sa poitrine, autour du poignard que Luft maintient enfoncé. Kara pleure à chaudes larmes, mais ne tente même pas de se défendre ; je réalise que c’est de chagrin et non de douleur ou de regret qu’elle pleure. Impuissante, je vois Luft lâcher le poignard, lancer un dernier regard désespéré sur sa fiancée, puis se retourner et s’en aller sans un mot de plus. Elle tombe alors sur le dos et ses larmes se tarissent, très lentement, jusqu’à ce que son souffle s’éteigne complètement. Elle est morte.
– Les souvenirs ne peuvent être changés, continue Kara. J’aurais pu me soigner, mais j’étais tellement triste, pleine d’amour pour cet homme que j’ai préféré mourir. Je ne voulais pas vivre avec un cœur brisé. Quelle bêtise, ajoute-t-elle comme pour elle-même en secouant la tête.
– Qui avait tué sa sœur ? je demande, presque malgré moi.
– Ca, tu le sais ; tu ne t’en souviens pas, voilà tout, me répond-elle. Mais attends de voir la suite.
Autour de nous, le décor a à nouveau changé, mais de peu. Il fait toujours nuit, cependant une journée s’est écoulée : le sang a séché sur le sol, tout comme les larmes dans les yeux éteints de Kara. Autour d’elle, cinq femmes se tiennent debout. Cinq Valkyries.
– Odin l’avait prédit, murmure une femme d’une quarantaine d’années, aux longs cheveux noirs d’ébène.
Je l’identifie immédiatement comme étant Brynhildr, la première Valkyrie créée.
– Qu’elle allait aimer, et que cela allait la tuer, complète une autre, aux cheveux roux et argentés, bien plus âgée que Brynhildr.
Il s’agit de Hrist. Une petite fille aux cheveux roux flamboyants s’accroche à sa robe et pleure dans les tissus souples de la vielle Valkyrie : il s’agit de Mist. Evidemment. Les Valkyries, si elles sont tuées par des hommes, ressuscitent tant que personne ne sait qui elles sont réellement. Comme les Valkyries ne meurent pas toutes au même moment, cela crée des différences d’âge.
Une jeune femme d’une trentaine d’années, d’une très grande beauté, et aux cheveux d’un blanc éclatant, efface une larme de sa joue. C’est Prudr, la plus belle des Valkyries, le loup blanc.
– Que fait Gondul ? demande-t-elle à la ronde d’une voix brisée.
Une voix glaciale s’élève près d’elle.
– Elle ne saurait tarder, je pense.
La jeune fille qui vient de parler, de l’âge de la jeune Kara étendue sur le sol, vient de prendre la parole. Ses cheveux longs, fins, blonds, son regard bleu et froid, l’épée effilée à sa taille ; je reconnais Hildr sans peine.
– Que s’est-il passé ? demande Mist, la fillette aux cheveux roux.
– Il faudra demander à la sorcière, lâche la cruelle Hildr d’un air ironique, un sourire mauvais sur les lèvres.
– Elle se fichait que tu sois morte ? je demande en me tournant vers la Kara bien vivante à mes côtés.
– Ce n’est pas tout à fait ça, tempère-t-elle. Elle ne s’attachait pas aux autres. Elle était aussi amie avec moi que les autres, mais elle se considérait, et elle nous considérait, toutes, comme des animaux. Elle était un loup, et il lui semblait normal que la mort vienne à un moment ou à un autre. Les loups ne peuvent pas faire preuve de pitié, à la chasse. Elle-même n’en avait jamais, à aucun moment, pas même pour nous.
A ce moment-là, un corbeau arrive dans un vol plein de grâce en passant par la cheminée. Au lieu d’atterrir, il se transforme en une jeune femme aux cheveux roux et emmêlés, aux joues rosies par le froid et à la peau très pâle.
Mon cœur bondit dans ma poitrine. C’est ma copie conforme.
– Oui, c’est bien toi, m’explique Kara. Gondul, la septième Valkyrie.
– Alors c’était vrai, murmure celle-ci en arrivant près du corps de Kara, les yeux troubles. Elle est vraiment morte.
– Tu peux nous dire ce qu’il s’est passé, Gondul ? demande Hildr sur un ton quelque peu ironique. Tu peux utiliser ta sorcellerie, non ?
Elle lui lance un regard noir qui ne semble pas atteindre la blonde aux yeux froids. Puis Gondul s’agenouille près de Kara. Les larmes aux yeux, elle caresse du bout des doigts son beau visage figé, ferme ses yeux, puis se tourne vers la blessure. Elle retire le couteau de la poitrine de son amie et sort une baguette d’une poche de sa robe. Elle lance un sort que je ne reconnais pas – un filament de lumière bleu pâle sort de l’extrêmité du morceau de bois et s’enroule autour du manche du poignard. Enfin, la fumée bleue s’élève dans les airs et forme, d’une écriture élégante et soignée, dans un alphabet qui m’est inconnu mais que j’arrive à lire, un nom que je n’oublierai plus jamais.
– Lui ? s’exclame Brynhildr. Luft ? Mais il l’aimait d’amour fou ! Il…
– Eh bien, c’était un menteur, lâche Gondul en passant rapidement sa manche sur ses yeux.
Elle lance un autre sort sur la silhouette inanimée étendue au sol. Une brume argentée apparaît autour du corps et fait disparaître toute trace de sang, tout en refermant la blessure de Kara.
– Ca ne sert à rien, maintenant qu’elle est morte, fait remarquer Hildr, indifférente.
Toutes les autres Valkyries se retournent vers elle.
– Elle ne méritait pas ça, répond simplement Gondul. Elle aura une sépulture.
Hildr éclate d’un grand rire froid.
– Une sépulture ? Mais ma pauvre, est-ce que tu deviendrais humaine toi aussi, par hasard ?
– Je ne serai JAMAIS humaine, Hildr, tu m’entends ? JAMAIS ! hurle Gondul, furieuse, les larmes striant ses joues rouges de colère.
Et elle tourne sur elle-même et disparaît dans un nuage de fumée.
– Transplanage, m’explique inutilement Kara. Viens, l’histoire n’est pas encore terminée.
Le décor change autour de nous, à nouveau. Nous nous trouvons dehors, devant une maison éloignée des autres. La nuit est tombée, la lune éclaire la neige du paysage. La lumière filtre par les fenêtres de la maison en bois. Nous entrons.
Luft est assis à une large table en bois et mange lentement. Je sens une bouffée d’indignation me monter à la gorge. Comment peut-il avoir l’air si peu préoccupé ? Il vient de tuer sa fiancée !
– Il ne « vient pas » de la tuer, précise Kara. Il l’a tuée ce matin. Mais il a la conscience tranquille parce qu’il pense avoir fait son devoir en vengeant sa sœur. Il était déçu de la façon dont l’histoire s’était terminée entre nous, mais il ne regrettait pas.
Elle se tait, et c’est comme si le silence avait avalé sa voix. On n’entend plus que les bruits de mastication de l’homme, et à chaque bouchée, je sens un peu plus la colère monter en moi. Pourtant, je ne connais pas Kara. Je viens à peine de la rencontrer… L’explication me vient naturellement : ces sentiments ne viennent pas de moi mais d’une autre Gondul, d’une autre vie.
Brusquement, l’atmosphère devient très froide. Le feu de la cheminée vacille, tout comme les flammes des bougies, puis s’éteint. Le silence qui règne est inquiétant, surnaturel. Luft le ressent aussi. Il se lève de sa table, avec les prémices d’une lueur de panique dans le regard.
– Il y a quelqu’un ? demande-t-il d’une voix forte, après s’être raclé la gorge.
Instinctivement, je me retourne. Je vois la poignée de la porte d’entrée s’abaisser, très doucement, puis le battant s’ouvrir en grinçant tout aussi lentement … Mais derrière, il n’y a rien d’autre que le paysage enneigé de la Scandinavie.
La porte claque sans que rien ni personne ne soit entré, mais il fait plus froid encore à l’intérieur. J’arrive à ressentir les sentiments de l’homme : une peur ancestrale entrave tous ses membres. Ses yeux sont écarquillés, terrorisés.
– Tu as tué une Valkyrie, annonce une voix glaciale, résonnant dans la maison.
Luft regarde de tous côtés : rien. Un fort vent souffle à l’intérieur de la bâtisse, sans raison puisque toutes les fenêtres et la porte sont fermées.
– Odin, sauvez-moi ! hurle-t-il, désespéré, les mains levées vers le ciel.
Eclat de rire frigorifiant. Les larmes perlent aux yeux du scandinave.
– Odin ? Tu veux l’aide d’Odin ? Pauvre idiot. Odin ne t’aidera jamais.
Gondul apparaît brusquement devant elle, les cheveux noirs et courts, les traits émaciés, ses yeux brillant de colère. Je reconnais la forme « mi-homme mi-corbeau » que l’Horcruxe m’avait appris à adopter, dans les rues de Londres. L’homme pousse un glapissement de terreur en remarquant qu’elle lévite au-dessus du sol, le dépassant d’une bonne tête.
D’une main, elle lui empoigne la gorge. Le visage de Luft devient très rouge, puis commence à devenir bleu. Il essaie de se défaire de la poigne implacable de Gondul ; en vain. Stoïque, elle le regarde suffoquer.
– Tu ne peux me vaincre. C’est inutile.
Il commence à se passer quelque chose d’étrange. Luft se met à convulser, sa peau se tend sur ses os. Ses muscles semblent fondre.
– Qu’est-ce que tu croyais, en la tuant ? murmure Gondul. Que sa vie n’avait pas d’importance ? Qu’elle ne méritait pas de vivre ?
Il ouvre et referme la bouche, sans pouvoir émettre le moindre son, alors que ses yeux s’enfoncent dans ses orbites. Horrifiée, je vois la peau se tendre de plus en plus fort sur le squelette de Luft, qui semble à l’agonie, puis, enfin, elle se déchire, et ce qui reste du corps retombe à terre alors que Gondul le lâche. Le cadavre ne ressemble plus qu’à une ridicule marionnette.
Elle l’observe un moment, impassible. Puis elle se retourne et, sans un regard en arrière, elle sort. Sans attendre l’ordre de Kara, je la suis avec hâte et appréhension. Celle-ci me lance par-dessus son épaule :
– Elle aime le spectaculaire, hein ? Elle aurait pu le tuer d’un sortilège, mais non, il a fallu qu’elle lui inflige ça. C’était gentil de sa part en tout cas.
– Gentil ? je relève, stupéfaite.
– Gentil de se donner la peine de me venger convenablement, oui, répond-elle le plus naturellement du monde.
Ah… On n’a pas la même conception de la gentillesse, alors…
Gondul fait quelques pas dans la neige, puis s’arrête. Elle ferme les yeux et inspire longuement.
– Hildr, lâche-t-elle de sa voix glacée en rouvrant les yeux.
J’entends le bruit léger du crissement de la neige et je fais volte-face ; Hildr est bien là, le sourire aux lèvres. Ses cheveux blonds et fins attachés au sommet de son crâne se balancent paresseusement dans son dos. Gondul reste dos à la louve métamorphosée.
– Tu as un bon flair, pour un oiseau, dit-elle, amusée.
– C’est toi, la meurtrière, ajoute Gondul sans prendre en compte la remarque de l’autre Valkyrie.
– De quoi ? La chose que tu as laissée sur le parquet de la maison ? Jamais de la vie.
– Kara. C’est toi qui l’as tuée.
Elle se retourne enfin vers son interlocutrice. Hildr fronce les sourcils.
– Et dire qu’Odin pensait que tu étais la plus intelligente ! C’est le garçon que tu viens de massacrer qui l’a poignardée, pas moi !
– Et il ne l’aurait pas poignardée si sa sœur n’avait pas été tuée. Tu sais qui a tué sa sœur, n’est-ce pas ? murmure-t-elle.
– Qu’est-ce qui te fait dire ça ? demande Hildr, les yeux plissés.
– J’ai lu dans son esprit avant de le tuer. Le corps de sa sœur portait les traces de tes coups, dans son souvenir…
– Si je ne l’avais pas tuée sur-le-champ, elle aurait compris que j’étais une Valkyrie, se justifie Hildr. Elle m’avait vue me transformer en femme. Si elle avait fait le lien, j’étais fichue.
– Tu aurais pu faire attention, dit Gondul, la voix menaçante. Les hommes méritent qu’on se soucie d’eux. Ils sont assez intelligents pour comprendre qui nous sommes. Mais toi, parce que tu les méprisais, parce que tu les considérais comme inférieurs à ton statut…
Je suis estomaquée. Gondul, qui hors de mes rêves passe son temps à m’expliquer comme elle déteste les hommes, vient de dire « Les hommes méritent qu’on se soucie d’eux » ! Comment a-t-elle pu changer à ce point ?
– … toi, tu as tué ta propre sœur, achève Gondul, les yeux brûlants de colère.
Hildr lui lance un regard hautain, qui me laisse pantoise. On vient de lui annoncer qu’elle a tué une des siennes, et elle s’en fiche ! De quel genre de femme s’agit-il ?
– Comme je te l’ai déjà dit, elle n’était pas vraiment attachée à nous, m’explique Kara. Et après que je lui ai dit que j’étais amoureuse d’un homme, elle m’a tout simplement reniée. Elle me considérait comme une moins que rien. De plus, elle réagit comme un animal et non comme un humain.
– On dirait que tu essaies de la justifier, je remarque.
Kara ne répond pas.
– Il reste encore six Valkyries, déclare simplement Hildr. Et la Valkyrie morte était, avouons-le, la plus inutile. Un stupide piaf amoureux ! On peut très bien s’en passer.
– Comment OSES-TU ! hurle Gondul, furieuse, les poings serrés à s’en briser les phalanges.
Hildr a un petit sourire méprisant et fait mine de se retourner. N’y tenant plus, Gondul sort sa baguette et s’écrie :
– Endoloris !
Le sort frappe Hildr de plein fouet. Mais au bout de quelques secondes à peine, elle se relève, difficilement certes, mais ne sentant plus les effets du sortilège impardonnable. Elle semble furieuse. Elle pousse un cri qui se mue en hurlement de loup, alors qu’elle se transforme. Moins d’une seconde plus tard, un gros loup noir fonce, babines retroussées, vers la silhouette chétive de la Valkyrie aux cheveux noirs.
Vive comme l’éclair, Gondul saute sur le côté, laissant le canidé déraper sur la neige, et dresse d’un geste gracieux et rapide du poignet une barrière invisible et magique entre Hildr et elle.
– Dorénavant, je considérerai que tu n’existes plus pour moi, annonce d’une voix claire et glaciale la Valkyrie à la baguette magique. Nos routes ne se recroiseront plus jamais. Et je romps tout contact mental avec toi.
A ces mots, Hildr vacille et s’effondre sur les genoux, la tête entre les mains, poussant un long gémissement. Gondul grimace légèrement mais reste droite, la baguette brandie devant elle.
– Tu te souviens ce lien mental entre les Valkyries dont je te parlais tout à l’heure ? Hé bien, Gondul a réussi à le supprimer entre Hildr et elle. Essayer de briser ce lien, c’est comme essayer de se scier un bras ; la volonté doit être très forte pour supporter la douleur.
– Visiblement, dis-je, Gondul le voulait vraiment. Mais si j’avais été à sa place, j’aurais fait de même.
– Tu crois ? me répond Kara d’une voix douce. En tout cas, maintenant, Gondul, tu n’as plus aucun autre moyen de savoir si Hildr est encore en vie que celui de la voir de tes propres yeux. Moi, tu pourras me rencontrer en rêve, et les autres aussi ; mais elle, ce ne sera plus jamais possible.
Le décor commence à disparaître autour de nous, très lentement, devenant de plus en plus sombre. Je médite tout ce que je viens d’apprendre dans ce rêve bizarre.
Gondul aimait les hommes, mais elle a nettement changé d’opinion. Est-ce à cause de ce Luft dont Kara était amoureuse ? Non, puisqu’elle a annoncé qu’il fallait prendre soin de l’humanité après l’avoir tué. Alors pourquoi ?
Quoi qu’il en soit, il vaudrait mieux que je ne tombe jamais sur Hildr dans cette vie. Elle me tuerait aussitôt qu’elle croiserait mon regard. Je sais bien que je renaîtrais… Mais pas avec la même vie. Adieu donc Roxanne, Judith et tous ceux qui animent mes journées.
A présent, je peux lire dans l’esprit de Gondul pendant mon sommeil. Je vais pouvoir apprendre mon passé. Et je dois dire que l’idée de connaître des sorts créés par une sorcière redoutable n’est pas pour me déplaire.
Grâce au lien mental entre les Valkyries, je devrais pouvoir savoir si elles sont vivantes… Kara est morte, j’ai même pu observer son assassinat. Si je rencontre les autres dans ce monde étrange, je serai enfin fixée.
– Pardonne à l’autre moitié de ton âme d’avoir failli tuer le frère de ton amie, me demande Kara, qui commence elle aussi à s’effacer. Cela fait près de vingt ans qu’elle tourne en rond dans son Horcruxe sans personne avec qui parler, et dénuée de tout pouvoir, elle, l’une des sorcières les plus puissantes … Il faut dire qu’elle a une estime d’elle-même assez grande. Elle devait être fébrile en sortant de la bague !
– Reste ! je m’écrie. Ne disparais pas !
Elle a tellement d’autre choses à me raconter… Et que se passera-t-il quand je serai à nouveau seule ?
– N’oublie pas qu’elle voulait te protéger, poursuit-elle comme si de rien n’était, alors qu’elle ne ressemble plus qu’à un fantôme. Elle m’avait conseillé de ne pas avouer mon identité à Luft, le savais-tu ? Mais finalement, elle m’a laissé faire. Elle s’en est terriblement voulu. Maintenant, elle ne prend plus de risque quand elle pense que l’un de ses proches est en danger… D’autant plus que la personne qu’elle protégeait en attaquant Fred Weasley, c’était l’autre moitié de son âme à elle.
– Ne t’en vas pas, ne m’abandonne pas, je m’exclame.
Sa silhouette fine est presque transparente. La peur puérile de me retrouver seule dans le noir et le néant me glace le sang. Kara me sourit et me dit avec douceur :
– Ne t’en fais pas, Gondul. Je serai toujours, toujours avec toi.
Je ferme les yeux, à moitié rassurée, et sombre dans le vide.
Médicomage et Métamorphomage by Mak
Cathy dévala les escaliers devant moi, un grand sourire aux lèvres, tandis que je les descendais plus tranquillement. Quand j’arrivai dans la salle à manger, le père de Cathy était déjà attablé tandis que sa mère posait sur la table une énorme dinde ruisselante de jus. Connaissant les talents culinaires de Mme Saune, je ne doutais pas que j’allais très bien manger ce soir-là.
– Bonsoir, monsieur Saune. Comment allez-vous ? m’enquis-je poliment.
M. Saune était médicomage dans l’hôpital Saint-Maquereau des blessures magiques à Paris – tous les matins, il prenait la poudre de Cheminette pour se rendre à l’hôpital.
– Très bien, et toi ? Tu n’as eu aucune manifestation inhabituelle ?
– Papa ! s’indigna Cathy, fronçant les sourcils.
– C’est rien, tempérai-je en souriant. Non, rien d’anormal.
Aux yeux de M. Saune, avant d’être l’amie de sa fille, j’étais un cas pathologique très rare et fascinant. Parfois, cela me gênait d’être dévisagée ainsi. Cela me rappelait toujours ma rencontre avec le père de Cathy, qui avait eu lieu juste après que j’ai rencontré celle-ci.
Cathy courut jusque chez elle et poussa la porte d’entrée, essoufflée. Elle était contente que son amie Violette ne l’ait pas suivie, car elle aurait été forcée de faire devant elle une chose que ses parents lui avaient formellement interdit de faire devant les petites filles comme Violette. Elle se dirigea directement vers la cheminée, prit la poudre verte dans un pot placé au-dessus et plongea la tête dans les cendres.
– Bureau de Papa ! cria-t-elle en lançant sur ses cheveux la fine poudre de Cheminette.
Elle sentit sa tête basculer dans tous les sens. C’était la première fois de sa vie qu’elle se servait de la poudre de Cheminette ; son père lui avait bien précisé qu’elle ne devait l’utiliser qu’en cas d’extrême urgence. Et bien que Cathy ne fût pas tout à fait sûre de la signification de cette expression, elle sentait bien qu’elle ferait mieux de rapporter à son père l’événement qui venait de se produire.
Bientôt, sa vision se stabilisa. Elle regarda autour d’elle : elle se trouvait dans une petite pièce aux murs blancs recouverts par des bibliothèques débordantes de livres et de fioles en tous genres.
– Ça alors ! s’écria une voix. Mais qu’est-ce que c’est ?
Une tête apparut devant la cheminée. C’était une jeune fille blonde dans une cape blanche de médicomage, d’une vingtaine d’années, le visage marqué par une grande surprise.
– Comment t’appelles-tu ? demanda-t-elle lentement, avec la voix douce et légèrement aigüe que certains adultes prennent pour parler aux enfants.
Cathy estima qu’elle avait déjà perdu assez de temps. Elle décida d’exposer sans ambages sa requête à la jeune femme :
– PAPAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !
L’interne fit un bond en arrière et tomba sur les fesses, sonnée. Quelques autres internes arrivèrent dans la pièce tandis que Cathy continuait de hurler.
– Ce doit être la fille de Saune ! s’exclama l’un d’eux en la regardant.
– PAPAAAAAAAAAAAAAAAAA !
– C’est son portrait craché.
– C’est vrai qu’il nous hurle souvent dessus…
– Je parlais de son visage.
– Ah.
– On ferait mieux d’aller le chercher, non ?
– Qu’est-ce qui se passe ici ? fit une voix plus grave, que Cathy identifia aussitôt.
– Papa ! Il faut que tu viennes à la maison TOUT DE SUITE ! Allez, allez, allez, viens !
Il ouvrit des yeux ronds en voyant la tête de sa fille dans l’âtre de la cheminée.
– Cathy ? Mais qu’est-ce qu’il se passe ? C’est une urgence ?
– C’est Amélie ! Elle courait et ses cheveux se sont transformés !
Le docteur Saune poussa un juron et se défit rapidement de sa cape pour prendre une veste moldue posée sur le dossier de sa chaise, derrière son bureau, tout en mitraillant sa fille de questions :
– Elle était essoufflée ? Est-ce qu’elle avait l’air fatiguée ?
– Non, non, non ! s’écria-t-elle joyeusement.
– Que se passe-t-il, docteur ? demanda enfin l’un des internes.
– C’est une petite fille du voisinage, expliqua rapidement le père de Cathy en amassant quelques fioles remplies de liquides arc-en-ciel dans ses poches. Elle est toujours malade, et je la soupçonnais d’être atteinte d’une maladie magique. Quand ça arrive à des moldus, ils ne comprennent pas et envoient leur progéniture dans un hôpital... ou la séquestrent. C’est dangereux pour le secret de notre communauté.
– Et vous pensez qu’elle a quoi, au juste ?
– Je n’en sais rien, avoua-t-il en attrapant un genre de stéthoscope. Officiellement, elle est très malade et ne peut pas bouger de chez elle. Et d’après ma fille, elle a pu courir sans être essoufflée ou fatiguée, ce qui signifie qu’elle n’est pas malade du tout. Cela cache quelque chose…
– C’est mal de mettre son nez dans les affaires des autres, fit un médecin qui s’était arrêté devant la porte, un sourire amusé aux lèvres.
L’interne blonde fronça les sourcils, sceptique :
– Et vous avez une bonne raison de penser qu’elle a vraiment une maladie magique ? Ses parents la cachent peut-être pour autre chose…
– Oui, et c’est pour ça que jusqu’ici je n’ai rien fait. Mais aujourd’hui, sa magie s’est révélée : ses cheveux ont changé de couleur, et ce n’est pas le genre de choses qui arrive aux petites filles moldues, nous sommes d’accord là-dessus, n’est-ce pas ? Je me porte garant de révéler à ses parents l’existence des sorciers …
– … Et de satisfaire ta curiosité concernant la fillette ! compléta le médecin à la porte en éclatant de rire. Tu ne changeras jamais, Ed. Toujours à chercher la petite bête.
– Maintenant, si vous permettez, j’ai des affaires à régler. Cathy, ajouta-t-il en se tournant vers la tête de sa fille dans la cheminée, tu saurais revenir toute seule à la maison ?
– Non, gémit-elle.
Cela faisait cinq minutes que les grands parlaient et elle n’avait rien compris. Elle s’ennuyait et puis elle avait mal aux genoux et au cou.
– J’arrive tout de suite.
Sur ce, Edouard Saune transplana. Cathy se sentit tirée en arrière quelques secondes plus tard, et, après s’être remise de son voyage par Poudre de Cheminette, elle ouvrit les yeux et remarqua qu’elle était de nouveau chez elle, son père la tirant par les pieds.
– C’est bon, tu es entièrement là ? Viens, nous y allons tout de suite. On va prendre la voiture. Montre-moi le chemin.
Catherine Saune se remit bien vite sur ses pieds, toute excitée.
-X-X-
– Mais qu’est-ce qui t’a pris ? s’écria une fois de plus Mme Elsa Carmin, la mère d’Amélie.
Celle-ci serra davantage ses petites mains sur son visage trempé par les larmes et sanglota de plus belle.
– Tu savais que tu n’avais pas le droit de sortir, tu étais assez grande pour le comprendre, non ? Pourquoi es-tu sortie ? Pourquoi ?!
Amélie leva la tête et aperçut à travers le rideau de ses cheveux verts et frisés le visage furieux de sa mère. Elle détestait se faire gronder, et ne se rendait pas compte qu’Elsa Carmin était surtout complètement paniquée.
Son mari posa une main qui se voulait rassurante sur son épaule.
– Allons, ça va aller… Personne ne croira la petite Saune. Tout ira bien.
– Mais je ne veux pas qu’on la prenne pour une anormale ! cria Elsa. On la mettra dans un laboratoire et on va la tuer…
– Mais non, mais non, qu’est-ce que tu vas nous inventer là ?
Trois coups furent frappés à la porte. Amélie, morte de peur, se réfugia derrière un large canapé gris, essayant de taire ses sanglots. Elsa et Robert se turent, tandis que Violette, assez effrayée par le remue-ménage, rejoignait sa demi-sœur. Elsa essuya une larme, lissa machinalement ses courts cheveux blonds, et se dirigea d’un pas assuré vers la porte. Sa prestance disparut aussitôt qu’elle l’ouvrit. Juste derrière se trouvait le père de Catherine Saune.
– Qu… Qu’est-ce qu’il y a ? dit Elsa, effarée, ne songeant plus à la politesse.
– Bonjour, répondit simplement M. Saune. Je suis venu voir votre Amélie. Catherine m’a dit que…
– Enfin vous n’allez pas croire tout ce que votre fille va vous raconter n’est-ce pas ? s’écria d’une traite une Elsa paniquée.
M. Saune eut un sourire rassurant.
– Ne vous en faites pas, ce genre d’événements est très normal. C’est à cet âge-là que se manifeste la magie.
Robert et Elsa le regardèrent avec des yeux ronds.
– Vous… vous connaissez le monde des sorciers ? fit Elsa d’une toute petite voix.
A ce moment-là, nul ne sut dire lequel des trois adultes était le plus surpris. Robert semblait suffoquer.
– Elsa, tu… tu… ?
– Vous connaissez tous les deux l’existence des sorciers ? s’étonna Edouard Saune.
Un silence de mort régna pendant quelques longues secondes dans le salon des Carmin. Finalement, Cathy s’exclama d’une voix réjouie :
– Alors, elle est où Amélie ?
Amélie se tassa contre le dossier du canapé.
– Comment savez-vous cela ? s’enquit le Dr. Saune, reprenant ses esprits.
– Ma première femme était une sorcière, expliqua brièvement Robert. Elle m’en a parlé après notre mariage.
– Et moi, c’est… Gary, qui me l’a révélé, murmura Elsa, alors que ses yeux se voilaient d’un sentiment mêlant regret et honte.
Robert s’approcha aussitôt de sa femme et entoura ses épaules de son bras.
– Puis-je voir Amélie ? Je suis médicomage.
Elsa hocha la tête, et Amélie, en voyant l’accord de sa mère, sortit timidement de derrière le canapé. Cathy pencha la tête sur le côté quand elle la vit, intriguée par la couleur étrange de ses cheveux.
– C’est la première fois qu’une telle chose se produit ? fit le médecin, souriant en voyant les cheveux verts et frisés d’Amélie.
– Non. Depuis qu’elle est née, ses cheveux changent de couleur à chaque fois qu’elle dort. C’est la première fois que ses cheveux changent en plein jour, cela dit. Les gens se seraient posé des questions, de toute façon, s’ils voyaient une petite fille de sept ans changer de coupe de cheveux une fois par jour… Qu’est-ce qu’il y a, docteur ? demanda Elsa, soudain inquiète, en voyant le visage stupéfait du médicomage.
– Ça alors. Des signes de magie dès la naissance. Ça, ce n’est pas banal…
Il sortit son stéthoscope de sa poche et s’approcha d’Amélie. Elle se laissa faire tandis qu’il écoutait battre son petit cœur à un rythme normal. Il rangea l’appareil et sortit sa baguette.
– Qu’allez-vous faire ? s’écria Elsa Carmin, alarmée.
– Ne vous en faites pas. J’aimerais juste vérifier deux ou trois petites choses.
Il se mit à tourner autour de la fillette, complètement déboussolée, en récitant des paroles incompréhensibles. Rien ne se passa. Edouard Saune se renfrogna.
– Il arrive que les signes de magie se manifestent un peu plus tôt, mais à la naissance… Non, ça, jamais. N’y a-t-il que ses cheveux qui changent ? Pas le reste de son corps ?
– Non, répondit la mère, dépassée par les événements.
– C’est tout de même étrange… A moins que… Ah ! Serait-il possible… ?
Un grand sourire éclaira son visage. Il agita sa baguette et deux balles apparurent devant lui : l’une était rouge, l’autre gris foncé. Il les déposa par terre. Ebahis, les habitants de la maison regardèrent la scène.
– Amélie, ramasse la balle rouge.
Amélie observa le père de Cathy avec étonnement, puis fixa les balles. Elle hésita longuement avant d’en ramasser une et de la tendre au médicomage.
Avant qu’Elsa, surprise, n’ait pu en placer une, M. Saune jubila :
– Une demi-métamorphomage ! Je savais que ce n’était pas une légende ! Jamais je n’aurais cru en voir de ma vie ! Un métamorphomage est un sorcier capable de se métamorphoser à volonté, expliqua-t-il sans même attendre qu’on le lui demande. Quand il se reproduit avec des Moldus, ses enfants sont soit métamorphomages, soit simplement sorciers, soit, fait très rare, Cracmols.
– Cracmol ? demanda Robert, qui n’avait apparemment jamais entendu ce mot.
– Mais le gène qui contrôle la sorcellerie et la métamorphomagie, continua M. Saune, m’a laissé penser qu’il pouvait muter et faire de l’individu un demi-métamorphomage… Un métamorphomage qui ne pourrait transformer qu’une partie de son corps. C’est bel et bien le cas ici ! s’écria-t-il en désignant Amélie qui ne comprenait strictement rien et qui n’aimait décidément pas ce gros doigt pointé sur elle.
– Mais Amélie ne peut pas transformer ses cheveux à volonté, elle ne le fait pas exprès, objecta Elsa. Ce doit être autre chose, non ?
– Non, non, je suis catégorique. Beaucoup de métamorphomages sont incapables de voir la couleur rouge et c’est vraisemblablement le cas ici. Je pense savoir pourquoi elle ne peut pas transformer ses cheveux à volonté, mais j’aimerais voir ça de plus près. Vous permettez ?
Sans attendre la permission qu’on lui aurait de toute façon accordée, le docteur Saune se dirigea vers la fillette aux cheveux verts et frisés et sortit sa baguette.
– J’aimerais juste faire quelques tests basiques, expliqua M. Saune, anticipant à nouveau les questions. Histoire de voir si c’est bien ce à quoi je pense…
Il fit apparaître un petit marteau et vérifia les réflexes d’Amélie, tous excellents. Il passa ensuite sa baguette, dont le bout émettait une lumière rose pâle, dans les cheveux verts de celle-ci. Rien ne se passa.
– Bien… dit finalement le père de Cathy en rangeant sa baguette dans sa poche. Bien. Ses cheveux auraient dû devenir invisibles, c’est un réflexe de métamorphomage. Mais rien ne s’est passé. Elle a donc bel et bien le Syndrome du Caméléon.
– Ah, répondit Elsa, guère avancée.
– Normalement, les métamorphomages peuvent se transformer selon leurs désirs, mais il arrive que cela se fasse de façon involontaire, sur le coup d’une grosse émotion ou tout simplement quand ils sont inconscients, par exemple pendant la phase de sommeil paradoxal – le moment de la nuit où on rêve, explicita-t-il en voyant les airs intrigués des deux adultes. Quand un métamorphomage est déprimé, il peut avoir le Syndrome du Caméléon : à ce moment-là, il ne peut plus se transformer volontairement, seules des métamorphoses incontrôlables ont lieu. C’est le cas de votre fille.
– Mais enfin, elle a sept ans ! s’exclama Elsa. Comment voulez-vous qu’elle soit déprimée ?
– On a eu des cas où les métamorphomages n’étaient pas déprimés mais ne pouvaient plus se transformer. Il y a deux ans, une femme métamorphomage était venue nous voir ; elle ne pouvait plus utiliser son pouvoir. Pourtant, elle n’était pas déprimée ! Elle avait tout ce qu’elle voulait dans la vie : un bon mari, un travail intéressant, une grande maison… Et deux mois plus tard, elle est tombée enceinte et elle a à nouveau pu user de ses pouvoirs de métamorphomage. Elle avait le Syndrome du Caméléon mais elle n’était pas déprimée !
– Donc il faut que ma fille tombe enceinte pour pouvoir contrôler ses métamorphoses ? fit Elsa en fronçant les sourcils.
– Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire ! Non, c’est simplement que cette femme était heureuse, mais il lui manquait juste quelque chose à son bonheur : un enfant. Une fois qu’elle l’a eu, tout est rentré dans l’ordre. Peut-être qu’Amélie n’est pas tout à fait heureuse.
L’intéressée fit la moue. Elle avait bien des raisons de ne pas être heureuse. Elle n’avait pas d’amies, elle ne pouvait pas aller à l’école, elle ne sortait jamais de chez elle, elle ne profitait à aucun moment de la journée ou du soleil.
Elsa, inquiète, se tourna vers sa fille et la dévisagea comme si c’était la première fois qu’elle la voyait vraiment.
– Ca s’arrangera avec le temps, dit le Dr. Saune, paternaliste. Quand elle pourra sortir, qu’elle se fera des amis à Beauxbâtons…
– Beauxbâtons ? s’enquit Robert. Qu’est-ce que c’est ?
– L’école de sorcellerie en France. Pour moi, il n’y a aucun doute : votre fille est une sorcière.
Depuis ce jour, j’étais devenue très amie avec Cathy, et avec ma demi-sœur Violette, nous formâmes un trio indissociable. Toutes deux montrèrent peu de temps après les premiers signes de magie, et ces phénomènes achevèrent de tisser un lien entre nous, bien plus solide qu’une quelconque amitié.
Depuis ce jour, aussi, j’avais passé plus de temps hors de la maison, mais à mon grand dam c’était aussi dans un intérieur : l’hôpital de Saint-Maquereau, où l’on m’avait fait passer une série de tests pour essayer de déterminer toutes les caractéristiques d’un demi-métamorphomage.
Mais j’étais toujours atteinte du syndrome du Caméléon, et mes cheveux changeaient toujours de couleur une fois par jour, ou plutôt une fois par nuit, pendant mon sommeil. La plupart du temps, ils étaient courts et blancs, comme aujourd’hui. Il avait été démontré qu’il existait un lien entre l’apparence d’un métamorphomage malade comme moi et ses pensées les plus profondes ; et en effet, cette coupe de cheveux était liée pour moi à une personne à laquelle je pensais souvent. Mais je préférais, pour l’heure, ne pas y songer, heureuse de pouvoir passer un Noël entouré de la famille de l’une de mes meilleures amies.
OoOoO
Le lendemain matin, une voix pressée me sortit du sommeil.
– Debout, debout, debout, debout, debout, debout, debout…
– T’as pas honte, Cathy ? grommelai-je en me passant une main sur les yeux. D’être encore aussi excitée par Noël à plus de seize ans ?
– Pas le moins du monde ! s’écria-t-elle, ravie que je sois réveillée. Allez, dépêche-toi, mes parents sont déjà en bas.
– Il est quelle heure ? demandai-je en me redressant sur le matelas posé à même le sol de la chambre de Cathy.
– Huit heures !
– Mais on est en vacances ! protestai-je.
– Mais c’est Noël ! répliqua-t-elle.
Comprenant que quoi que je dise, elle ne changerait pas d’avis, je m’assis sur le rebord de mon lit, bâillai à m’en décrocher la mâchoire, puis suivis du regard Cathy, toujours en pyjama, qui dévalait les escaliers. Je pris les deux paquets cadeaux dans mon sac, l’un destiné aux parents de Cathy, l’autre à celle-ci, puis, sans prendre le temps de m’habiller, je descendis les escaliers à mon tour, plus calmement.
M. Saune, blouse de médicomage sur le dos, prenait son café, assis sur une chaise de la table du salon. Il s’amusait du spectacle qu’offrait sa fille ; Cathy semblait littéralement bouillir en attendant que je daigne la rejoindre pour qu’elle puisse ouvrir ses cadeaux, au pied d’un sapin très décoré. Il sourit en me voyant entrer.
– Amélie ! Bien dormi ?
– Oui, merci, répondis-je.
Il m’observa quelques secondes de plus, et son sourire s’élargit. Comprenant de quoi il s’agissait, je m’approchai du large miroir près de la cheminée du salon. Mes cheveux étaient mi-longs et rose pâle. Je soupirai, désabusée.
– Bonjour Amélie ! fit Mme Saune en entrant dans la pièce, habillée de sa cape d’Oubliator, un plateau de viennoiseries dans les mains. J’ai déposé tes cadeaux au pied du sapin, à côté de ceux de Cathy.
Celle-ci sembla plus frénétique encore au simple énoncé du mot « cadeaux ». Je tendis un paquet à M. Saune.
– C’est pour vous remercier de m’avoir accueillie ici pour Noël, dis-je simplement.
– Oh, il ne fallait pas ! Ta présence est toujours un véritable plaisir, répondit-il, un grand sourire plaqué sur le visage.
Je n’eus aucun mal à comprendre, à voir son air, qu’il était extrêmement pressé, tout comme sa fille, d’ouvrir son cadeau.
– Allez, tu peux les ouvrir, dis-je finalement à Cathy en posant finalement mon paquet à côté des siens.
Elle poussa une petite exclamation de joie et se jeta littéralement sur un long et mince paquet emballé dans du papier bleu. Elle le déchira en moins de deux, laissant apparaître un balai flambant neuf.
– Oh, Papa ! Un Astéros 900 ! Merci, merci, merci !
En moins de deux secondes, elle courut jusqu’à son père, se jeta dans ses bras, lui plaqua un énorme baiser sur la joue et repartit comme une flèche jusqu’au cadeau suivant. A peine étonnée par sa conduite (la même depuis des années), je me tournai vers mes cadeaux. Il y en avait quatre : un emballé dans du papier journal, signature personnelle de ma mère quand elle envoyait des paquets depuis l’étranger ; un second dans un tissu bleu foncé, cerné d’un ruban pâle, dans lequel je reconnus l’élégance et la noblesse de Yune ; un troisième était couverts de petits mots, de l’écriture de ma sœur Violette. Le quatrième était blanc, cubique, de la taille d’une petite table de chevet. Ce devait être le cadeau des Saune.
Je commençai par le cadeau de Yune. Je défis lentement les rubans et dépliai une robe de soie bleue, brillante, qui s’attachait à l’aide de deux rubans foncés autour du cou ; elle était magnifique. Je lus la marque de fabrique du vêtement.
– Meego & Lee, souffla Cathy, éberluée, en lisant par-dessus mon épaule. Elle ne se moque pas de toi !
Yune était la fille d’un Sang-Pur chinois, descendant d’une très ancienne, très respectable et très riche famille sorcière. Sa mère, qui avait divorcé de son père quelques années après sa naissance, était une styliste renommée dans la mode de luxe sorcière. Elle avait monté avec sa sœur la marque Meego & Lee, qui avait connu un franc succès. J’étais ravie de posséder l’une de leurs créations. Je lus la lettre que Yune m’avait envoyée, puis je passai au cadeau de ma sœur.
Le paquet recouvrait, sans aucun doute, un livre. Je l’ouvris et fus ravie de découvrir le tout nouveau livre de mon idole : L’invention des sortilèges, tout un art de Filius Flitwick. Parfois, j’enviais les élèves de Poudlard qui avaient la chance de l’avoir comme professeur d’enchantements. Ses cours devaient être passionnants ! C’était ma matière préférée. Je feuilletai le livre aux belles images mouvantes et colorées, repérai deux ou trois sorts qui pourraient être utiles, puis reposai le livre au-dessus de la robe de luxe pour ouvrir le paquet venant de mes parents.
Cette année, ils étaient partis en Suisse, à Berne. J’avais reçu quatre paquets de mes chocolats préférés. J’en salivai d’avance. Et, à en croire le visage rayonnant de Cathy quand elle aperçut ce cadeau en particulier, elle aussi avait hâte de les goûter. J’ouvris un paquet et proposai un chocolat à Cathy, qui en prit deux. Ne m’en formalisant pas, je pris à mon tour un chocolat et regardait le cadeau de mes hôtes. Que pouvait-il y avoir à l’intérieur ?
Je tirai le paquet vers moi et regardait la boîte. Elle était entièrement blanche, avec une petite ouverture sur le côté, à peine plus grosse qu’une balle de golf. Etonnée, je retirai le couvercle.
Un minuscule chaton dormait au fond, sur un coussin en velours, un ruban rouge noué autour de son cou. Attendrie, je soulevai le coussin et le posai sur mes genoux. Le petit animal possédait une épaisse fourrure blanche et soyeuse, et le bout de son museau, de ses oreilles, de ses pattes et de sa queue étaient recouverts d’un léger duvet marron. Je sentis le félin ronronner et je ne pus m’empêcher de sourire.
– C’est un demi-Fléreur, m’expliqua Cathy. Ça… Ça te plaît ?
–Evidemment ! Ce qu’il est mignon !
Mon exclamation réveilla le petit être. Il ouvrit de grands yeux bleus et m’observa, intrigué, avec l’air de penser « Mais c’est qui celle-là ? ». J’éclatai de rire.
– Comment vas-tu l’appeler ?
– Bonne question ! Aucune idée. Ça va, j’ai tout mon temps. Alors, qu’as-tu reçu comme cadeau ? demandai-je avec un regard espiègle.
Cathy me répondit par un franc sourire.
– J’ai eu un balai de la part de mes parents, deux livres de mes grands-parents : Cuisine sorcière française et Sortilèges qui pourraient vous sauver la vie, une cape de chez Meego & Lee, des fondants au Chaudron de chez Honeydukes de la part de ta sœur, eeeet… des Hermès !
Elle avait l’air ravie. J’avais bien fait de les lui choisir ! C’étaient des chaussures de sports, sorties il y a quelques années, à présent vendues partout dans le monde. Le sportif qui les portait se sentait plus léger et courait plus vite. Pour quelqu’un qui adorait la course à pieds comme Cathy, je pensais bien que cela lui plairait un tant soit peu.
J’écoutai vaguement les remerciements du Dr. Saune pour les dix pots de confiture faite maison que je venais de lui offrir. Je regardai par la fenêtre le soleil se lever dans le ciel d’un bleu froid, tout en caressant la fourrure soyeuse de mon nouveau compagnon qui ronronna de bonheur. La vie était belle.
-X-X-
Et, quelques centaines de kilomètres plus loin, Ginger se réveilla enfin…
Ouille.
J’ai mal partout.
Ce sont les deux premières pensées cohérentes qui émergent de mon esprit embrumé. Je sors lentement du brouillard, respirant calmement, en me ressassant ce que j’ai appris de ma conversation avec Kara. Petit à petit, mes sens commencent à m’apporter quelques informations. Là où je suis, il fait chaud et doux. La pièce est faiblement éclairée, si j’en juge par la lumière qui passe à travers mes paupières. Je me trouve sur un meuble long et moelleux, et un tissu me recouvre.
Conclusion : je suis dans un lit.
Diable. Qui donc a bien pu me mettre dans un lit ? Je m’apprêtais à balancer l’Horcruxe, et là, plus rien… Faudrait qu’on m’explique.
« Si tu veux, je t’explique. »
Ah. Elle est encore là.
J’ouvre lentement les yeux. La pièce est sobre, aux murs vert et argent. Une commode en ébène près d’une porte noire à la poignée dorée et travaillée, juste en face de moi. Mon lit est relativement petit, les draps sont vert pâle. A côté du lit se trouve une chaise, et ma cape est accrochée au dossier. Dans un coin de la chambre, je remarque un bureau recouvert d’anciens grimoires. Je suis sans doute dans une maison sorcière, et Serpentard qui plus est à en juger par les couleurs.
Et, bien sûr, assise sur le rebord du lit, se trouve la silhouette fantomatique de Gondul, l’air passablement inquiet.
« Ça va ? »
Je n’oublie pas que tu as essayé de tuer le frère de l’une de mes meilleures amies, assassin.
Elle grimace, gênée.
« Ecoute, j’ai fait ça pour te protéger. Toi, tu n’as pas besoin de moi pour vivre… Mais moi, si. Tu peux me détruire sans problème. Ou même simplement m’abandonner. »
Sa voix n’est plus métallique et glacée, elle est presque douce, et emprunte d’une très grande tristesse. Ce détail me surprend.
« Mais je suis un peu de toi. Je suis ton passé… »
Ça, Kara me l’a dit. En face de moi, son visage s’assombrit.
« Tu as parlé à l’une des autres, alors. Que t’a-t-elle dit ? »
Plutôt que penser de longues phrases, je matérialise dans mon esprit l’image du corps ensanglanté de Kara, devant les six autres Valkyries. Puis les deux corps tendus comme un arc de Gondul et Hildr, séparées par un bouclier magique, dans la nuit noire de Scandinavie. L’Horcruxe ferme douloureusement les yeux.
« Maintenant, tu sais. »
C’est à mon tour de me sentir gênée. Je n’ai pas l’habitude de la voir triste et mélancolique. Pour changer de sujet, je lui demande par la pensée :
Où suis-je, alors ?
« Eh bien, tu t’es évanouie en vol, parce que tu retenais trop ton âme avec toi. Tu n’as pas encore la puissance de rester aussi longtemps dans cet état. J’ai puisé dans toutes mes forces pour te sauver, et ça a failli me détruire, mais ta vie passe avant la mienne. Ne me déteste pas d’avoir essayé d’anéantir ce sorcier. Tu ne peux pas imaginer ce que j’ai pu ressentir quand j’ai senti la magie entre mes doigts… La tentation était trop forte. Mais je saurai m’abstenir à l’avenir, je te le promets… Je ne te veux aucun mal… »
Tu t’es éloignée du sujet. Et je pense que je te pardonne. Mais je ne peux pas encore te faire confiance. Alors, que s’est-il passé après ?
« Je t’ai évité une chute trop dure, mais pas à ton balai. Il est en mille morceaux, il n’y a plus rien à faire. Tu es tombée dans la neige, dans un quartier peu fréquenté de Londres. Un garçon a apparemment suivi ta chute de sa fenêtre, parce qu’il est immédiatement venu de ramener à l’intérieur après. Je crois qu’il est le seul à t’avoir vue tomber. Heureusement, parce que si c’était un moldu… »
Je ressens un vague pincement au cœur à l’énoncé de la triste fin de mon Comète. Bah. Après tout, il était vieux. Je m’en rachèterai un autre…Et je le connais, ce garçon qui m’a ramassée par terre, au fait ?
« Oui. Il s’agit de James Potter. »
! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
« Du calme. »
! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
« J’ai dit du calme ! »
Non mais… ! ! ! Sérieusement, il fallait que je tombe devant SA maison ? De toutes les maisons de Londres ?
« Au moins, il t’a complètement soignée. Son elfe de maison s’en est chargé, du moins. »
J’entends un bruit de pas devant la porte. Sans réfléchir, je referme les yeux et essaie d’avoir l’air profondément endormie.
La porte s’ouvre tout doucement, sans un bruit. Le parquet grince légèrement sous les pas d’une personne qui s’assoit sur la chaise placée près du lit.
J’entends un soupir.
Mais qui c’est, bon sang ? Je suis hyper curieuse. Mais il ne faut surtout pas que j’ouvre les yeux. Sinon… En fait, je ne sais pas pourquoi il ne faut pas que j’ouvre les yeux. Peut-être que c’est surtout que je ne saurais pas quoi dire si l’individu en question me demande pourquoi j’ai quitté Poudlard. Je me vois mal répondre « Bah, en fait, je m’ennuyais un peu, alors… »
« James Potter », me prévient Gondul.
La porte grince à nouveau, faisant nettement plus de bruit que la première fois.
– Chut ! grommèle James. Elle dort encore.
– Elle a dormi toute la nuit, remarque inutilement un autre chuchotement venant de l’entrée.
« Lily Potter », m’avertit à nouveau mon Horcruxe.
Bieeeen. Il ne manque plus qu’Albus et le trio Potter sera au complet. Oh, non, pas Albus. Il ne doit surtout pas venir. Je n’ai pas envie de jouer les petites amies énamourées devant ses frère et sœur. Je n’en ai vraiment pas le cœur.
– C’était pour te dire que Papa revenait bientôt, murmure Lily. Je viens de recevoir un coup de Cheminée.
– Ah. Pourquoi n’était-il pas venu hier soir au repas de Noël ? Maman je veux bien, son père est malade, elle voulait rester près de lui. Comme Albus d’ailleurs. Mais Papa…
– A cause de cette histoire de Détraqueurs, tu sais ? Il a passé toute la nuit à les pourchasser, et ensuite il a dû les ramener en Ecosse… Il faut qu’elle reste ici, poursuit-elle. Papa veut lui parler à son retour.
Silence. Je n’ouvre toujours pas les yeux même si je meurs d’envie de voir leurs visages.
– Bon, eh bien, j’y vais, marmonne Lily.
D’un pas léger, elle franchit la porte et la referme derrière elle. A nouveau, un long silence s’installe.
Il ne voudrait pas s’en aller, lui aussi ?
– Ginger, tu es réveillée ? murmure-t-il enfin.
Je ne réponds pas, ne fais aucun mouvement. Qu’il se casse, c’est tout ce que je demande.
Le parquet sous la chaise grince, comme s’il se penchait. J’arrive à ressentir sa proximité. Son souffle chaud dans mon cou… J’entends sa respiration lente, régulière. Bientôt, j’arrive à sentir une légère odeur de menthe. Je l’inspire avec satisfaction, comme on savoure un excellent repas. J’aime tellement cette odeur. Son odeur.
Bon sang mais qu’est-ce qu’il me prend ? J’ai l’impression de me prendre une baffe quand je réalise que je suis en train de SENTIR l’odeur de ce crétin avec satisfaction. N’importe quoi !
J’ouvre les yeux, et pendant la fraction de seconde la plus étrange de ma vie, je me retrouve à fixer les yeux de Potter, à quelques centimètres des miens. Ses pupilles sont presque envoûtantes, ce dégradé de bleu et de marron est fascinant… La fraction de seconde suivante, je réalise que je suis bel et bien en train de m’extasier sur les yeux de l’abruti de service et me mets à hurler. Surpris, celui-ci a un large mouvement de recul et tombe de sa chaise.
– Non mais ça va pas bien ? je m’écrie, le cœur battant la chamade.
Qu’est-ce qu’il voulait faire cet imbécile ?
« Tu veux vraiment savoir ? »
Je tourne la tête vers le fond de la pièce où s’est réfugiée l’Horcruxe. Elle m’observe, narquoise.
– Non merci, je rétorque.
Potter tourne la tête, déboussolé, mais ne voit rien d’autre, évidemment, que le mur. Il me dévisage encore plus ébahi qu’avant. Maintenant, il doit me prendre pour une folle.
– Tu… euh… tu vas bien ?
– Oui merci, je réponds sèchement en commençant à retirer le drap.
Avant de réaliser que le vêtement que je porte n’est pas le mien. Je repère mes vêtements posés sur un bureau.
– QUI m’a déshabillée ? je rugis, hors de moi.
– C’est Toffy ! C’est notre elfe de maison, s’empresse de répondre Potter, visiblement inquiet pour sa vie. On n’allait pas te laisser dans tes vêtements sales et trempés !
Furieuse et honteuse, je saute de mon lit et me rue vers la porte dans une pitoyable tentative de fuite. Potter se place en travers de mon chemin. Je m’apprête à le pousser sans ménagement, quand il brandit sa baguette juste sous mon nez. Je me mets à loucher dessus et recule, incertaine.
– Tu n’iras pas plus loin, dit-il d’une voix légèrement tremblante, mais quand même bien plus assurée qu’avant. Tu restes ici. Mon père veut te parler quand il rentrera.
Il se recule lentement, pas à pas, vers la porte, baguette toujours pointée sur moi. Il finit par l’ouvrir dans son dos, et, sans me lâcher du regard, la fait pivoter sur ses gonds. Avant de passer l’encadrement de la porte et de la refermer. A clef.
C’est pas vrai ! Où est ma baguette ?
« Il l’a gardée dehors. Dans le salon, je crois. Habille-toi, je vais t’aider à t’évader. »
Je ne peux pas rester ?
« Sûrement pas. Pour trois raisons : la première, c’est que tu n’as pas envie de rester ici, et qu’on ne force pas une Valkyrie contre son gré impunément. La deuxième, c’est qu’une Valkyrie doit toujours être libre. La troisième, c’est que si Potter senior te voit, il va te soumettre à de nombreux sortilèges pour voir si tu n’as pas été manipulée ou quoi que ce soit et finira par se rendre compte que ta bague n’est pas un simple bijou mais un objet de magie noire. Et quelque chose me dit que Potter n’aime pas du tout les Horcruxes. »
Pourquoi les Horcruxes en particulier ?
« Pressentiment. Quoi qu’il en soit, il risque de découvrir le pot aux roses. On ne va pas prendre de risques ; il faut partir au plus vite. »
Ca me paraît sage. M’habillant en vitesse, je commence à penser à l’endroit où je compte aller.
« Il en est hors de question. »
– C’est moi qui commande ici, je rétorque en mettant mon sac sur mon dos. Et de toute façon, je dois bien y retourner un jour où l’autre.
« As-tu ne serait-ce qu’une seule bonne raison ? »
J’en ai trois. La première, c’est que je ne suis pas une sorcière accomplie et que tu ne seras peut être pas toujours avec moi pour me dire quoi faire. La deuxième, c’est que j’ai mes amies là-bas. La troisième, c’est qu’il y a là-bas des choses que j’aimerais encore apprendre et que même les études ne me révéleront pas. Qui est réellement Hedvig Virtanen ? Et que trafique Erik Gongs, le timide garçon des cours supplémentaires de DCFM ?
« Mouais. Comme tu veux. »
T’as pas l’air très emballée, si je ne m’abuse. Bon ! Je suis habillée. Comment je récupère ma baguette maintenant ? Tout est fermé.
« Une seconde. Je devrais pouvoir y arriver. Avec un peu de magie bien sûr. »
Trouve un autre moyen. Je ne me laisserai plus totalement contrôler par toi.
« Cette maison est très ancienne et pleine d’énergie magique. Je peux en puiser, comme je l’ai déjà fait sur toi. Et c’est comme ça que je compte ouvrir cette porte. »
Ah, et… tu peux faire tout ce que tu veux ?
« Non », soupire-t-elle, légèrement attristée. « Je ne peux que me contenter de sorts mineurs tels que Alohomora ».
Et, comme elle dit cela en pointant son doigt sur la poignée, il y a un déclic et la porte s’entrouvre.
Coooool.
Je me glisse à l’extérieur. Je débouche sur un couloir long et étroit, bordé d’au moins une dizaine de portes, recouvert au sol d’un long tapis rouge et or – des Gryffondors sont passés par ici – qui étouffe le bruit de mes pas rapides. Les murs sont couverts de tableaux magnifiques, la plupart représentant des paysages d’automne ou de printemps. Mais je n’ai pas le temps d’en observer les détails.
« En effet, concentre-toi un peu, s’il-te-plaît. Maintenant, tu tournes à gauche, tu descends ces escaliers et… stop. Attends. Il y a quelqu’un dans le salon », me signale-t-elle en marchant devant moi.
Le mouvement de ses yeux d’un coin à l’autre de la pièce m’indique que la personne en question s’agite en tous sens.
« C’est un elfe qui fait le ménage », m’explique-t-elle.
Au bout de trente secondes, elle m’ordonne d’avancer d’un simple geste de la main, me révélant que la créature est partie vaquer à d’autres occupations. Je reprends donc ma marche et entre dans le salon d’un pas rapide.
« ATTENDS ! »
Trop tard.
Potter vient d’entrer par la porte en face. Baguette en main.
Oh mer…credi.
Plus de temps à perdre. Je me jette sur la table où se trouve la mienne tandis qu’un sort fuse près de mon oreille gauche, explosant une assiette derrière moi. J’attrape ma baguette à temps et lance un formidable Bouclier qui repousse violemment Potter. Le temps qu’un elfe soit entré dans la pièce pour voir ce qu’il s’y passe, j’ai déjà filé.
– Et maintenant ?
« Tout droit, tourne à droite, puis à gauche, et derrière la cheminée, ouvre la porte. C’est la porte d’entrée. »
Je suis ses consignes à la lettre. Mais la porte s’avère être fermée. Cependant, comme par magie, sans mauvais jeu de mot, la porte s’ouvre tout de même. Sauf que derrière, il y a quelqu’un.
Je vous le donne entre mille : THE Harry Potter.
Il ressemble exactement à toutes les photographies de l’époque où il avait détruit Voldemort, avec quelques cheveux blancs en plus ; on dirait un mélange d’Albus et de James. Je l’ai déjà vu de près au Chaudron Baveur, juste avant ma première année, mais à l’époque je ne savais pas encore qui c’était. Mais là… C’est juste… Wow.
Il a l’air plutôt surpris, et n’a pas le temps de réagir alors que je sens mon bras s’abaisser dans un étrange réflexe acquis en cours avancé de DCFM pour le projeter en bas des marches du petit escalier devant l’appartement. Il atterrit lourdement dans la neige. A une vitesse hallucinante, il dégaine sa baguette.
Combat singulier avec l’homme qui a tué le plus grand mage noir du siècle. Ca devrait aller, non ?
« Cette fois-ci, tu vas être obligée de me laisser t’aider », me lance Gondul, assise au pied des marches, me voyant esquiver les sorts de Potter senior, non sans mal malgré les cours avancés du professeur Pendleton.
Hors de question. Tu ne le tueras pas !
« Mais non », soupire-t-elle, lasse.
Elle se lève et m’attrape le bras. J’ai l’impression de me recevoir une douche glacée à cet endroit du corps. Mon bras s’abaisse, créant simultanément un bouclier et lançant un sortilège d’aveuglement à Harry Potter. Pris par surprise, celui-ci tombe par terre.
« Transplane, vite ! Le sort ne durera pas longtemps. »
Je ne sais pas transplaner !
« Alors cours ! Par ici ! »
Je la suis à toute vitesse, mes pas résonnant sur la route déserte et déblayée. Je bifurque dans une ruelle étroite.
« Maintenant, tu te transformes et on file d’ici. »
Je lance les sorts de rétrécissement et de désillusion sur mes affaires et m’envole sans plus attendre. Il était temps ; Potter venait d’apparaître au bout de la rue, et ne m’a observé qu’une fraction de seconde sous ma forme de corbeau avant de repartir en courant vainement à ma recherche.
OoOoO
Après des heures et des heures de vol épuisant, qui furent tout de même bien moins solitaires qu’à l’aller, j’arrive à Pré-au-Lard. Je me pose sur un toit en tuiles rouges. Les muscles de mes ailes hurlent à la mort.
« Petite nature. »
C’est pas toi qui t’es fatiguée toute la journée, alors tais-toi.
Gondul hausse les épaules et se tourne vers la forme sombre du Château de Poudlard. Les tours se découpent nettement dans le ciel violacé. En regardant à mon tour la maison de mes cinq dernières années, je ne peux m’empêcher de me sentir heureuse. Home sweet home !
« Poudlard a bien changé », commente-t-elle simplement.
Pas depuis la dernière fois que je suis partie en tout cas.
« En ce qui me concerne, la dernière fois que je suis venue ici, c’était en 1607. »
Ah oui, quand même, ça ne date pas d’hier.
Après cinq courtes minutes de pause, je me force à repartir. Je m’envole de nouveau et vais droit vers le château. Quand je me trouve à quelques mètres de la façade, je commence à chercher une ouverture quelconque. Même si je me doute que personne n’aurait l’idée d’ouvrir une fenêtre par un temps aussi glacial.
Ah, si. Il y a un crétin qui a ouvert la fenêtre. Je me pose sur le rebord de celle-ci. A l’intérieur, un couple d’élèves de quatrième année s’embrasse fougueusement.
Beurk.
J’entre discrètement et file par la porte ouverte derrière eux, sans qu’ils me voient, trop occupés qu’ils sont à leur activité. Je m’élève jusqu’à me trouver juste en-dessous du plafond, pour que personne ne me voie. Je me pose en travers d’une arcade.
Personne dans les parages, Gondul ?
« Personne. Tu peux y aller. »
Je me transforme en humaine et me laisse tomber. J’atterris accroupie par terre et me relève rapidement, avant d’enchaîner les couloirs jusqu’au tableau de la Grosse Dame. Je prononce le mot de passe et celle-ci, étonnée, me laisse entrer dans la salle commune.
Pleine à craquer, bien sûr. Tous me dévisagent avec des yeux ronds. Un silence s’installe.
– Euh… Bonsoir !
Et je file à mon dortoir avant qu’on ne me pose de questions.
Je referme derrière moi ma porte à clef, en écoutant d’une oreille distraite les remarques de Gondul :
« La dernière fois, j’étais à Serpentard. Mais ça m’est déjà arrivé de jeter un œil côté Gryffondor. C’est vraiment différent. Autrefois, la décoration était plus sobre. Que c’est mal rangé, dans ta chambre ! »
Evidemment, j’ai déjà prévu ce que je vais dire à toute l’école pour expliquer ma fuite. C’est stupide, mais au pire, j’écoperai d’une grosse punition. Après tous, nous ne sommes qu’en vacances. Ce n’est pas comme si j’avais séché les sacro-saints cours de Poudlard.
Je me déshabille rapidement et prends une bonne douche, pour la première fois depuis ce qui me semble être des semaines. Ce que ça fait du bien ! Une fois propre, je revêts des habits secs et descends pour le dîner, évidemment certaine de me faire démonter par les profs. C’est donc avec une certaine appréhension que je franchis la porte de la Grande Salle.
Tous les regards se braquent sur ma petite personne et l’angoisse monte d’un cran. Je jette un très bref coup d’œil à la table des enseignants et remarque qu’ils sont tous plus abasourdis les uns que les autres. Ca aurait pu être comique, dans un autre contexte. Je marche très vite jusqu’à la table des Gryffondors, écoutant à peine les nouvelles remarques de Gondul sur ce qu’elle voit – « La table des professeurs est bien plus longue qu’avant. Par contre, le plafond magique n’a pas changé… » – et je m’assois à côté d’une tête connue. L’élève en question me dévisage, ébahi.
– Hey, dis-je en désespoir de cause, voyant qu’il ne me parle pas. Euh… Quoi de neuf ?
– Pas grand-chose. Et toi ? dit-il, un fin sourire aux lèvres. Quoi de neuf ?
– Oh, trois fois rien, je réponds à mon tour. On s’ennuie, ici.
– C’est pour ça que tu es partie ? me demande Freddy Kreeps.
Freddy Kreeps, le batteur de l’équipe de Gryffondor ! Rooh, ne me dites pas que vous l’avez déjà oublié.
– Ouais. Entre autres. Mais j’ai pas très envie d’en parler.
– Il y a quelqu’un qui meurt d’envie d’en parler, justement, dit-il en me montrant d’un léger signe de tête la table des professeurs.
Si les regards de McGonagall pouvaient tuer les gens sur place, je serai morte depuis un moment. Je soupire.
« Elle, tu vas être obligée d’aller lui parler. Pas de moi, bien sûr. »
Tu n’es pas le centre du monde, Gondul. Je ne comptais pas lui parler de toi.
Vexée, celle-ci ne répond pas.
– Et, euh… Tu vas rester ou tu repars bientôt ? me demande Freddy.
– Je voulais aller aux Bahamas, mais la directrice ne sera sans doute pas d’accord, malheureusement…
– En effet, c’est bien dommage… Oh !
Un petit papier atterrit dans sa soupe, accompagné d’une plume grise du hibou qui vient de l’apporter. Le plat gicle de partout. Je le ramasse, essuie le bout de mes doigts avec une serviette, puis ouvre le papier plié en quatre. D’une écriture fine et penchée, légèrement tremblante, il est écrit :
« DANS MON BUREAU A NEUF HEURES »
Coup d’œil à ma montre, neuf heures moins dix. Je lève la tête : la directrice vient de partir.
– Ca va barder, dit mollement Freddy en s’essuyant lentement son visage couvert de soupe. Bon courage.
– Merci… J’en aurai besoin.
A nouveau la peur au ventre, je me lève, glisse une pomme dans ma poche, puis sors de table. Répétons le discours que je vais tenir à McGo : Bonsoir madame, je suis vraiment désolée, je ne sais pas ce qui m’a pris, je me sentais très seule et j’ai essayé de savoir qui étaient mes parents, …
« Je parie que ce que tu vas lui dire ne ressemblera pas du tout à ça. »
Tais-toi ! C’est pas le moment de parier sur mon dos. Où en étais-je ? … j’ai essayé de savoir qui étaient mes parents, mais je n’ai rien trouvé. Et quand les Détraqueurs m’ont attaquée, j’ai eu peur et je suis tout de suite revenue. Je suis vraiment navrée de vous avoir inquiétée, je…
Oh, ça y est. J’arrive dans le couloir du bureau de McGo. Je m’approche de la gargouille en gardant l’entrée et rejoins de ce fait la vieille directrice qui m’attend d’un pas ferme.
– Bonsoir madame, je….
– Pas ici, m’interrompt-elle d’une voix implacable. Pégase, dit-elle en se tournant vers la gargouille.
Celle-ci s’incline, et un passage s’ouvre derrière elle. Nous montons les escaliers-escalators. Elle ouvre la porte et m’invite à l’intérieur. Tout est exactement comme la dernière fois.
« Non, la dernière fois, c’était plutôt vert », me contredit Gondul. « Le directeur était un Serpentard ».
Sans me préoccuper de cette remarque superflue, je m’assois nerveusement et regarde le tableau du professeur Dumbledore. Celui-ci m’observe avec un air amusé.
« Lui, il n’était pas là. »
Gondul, s’il-te-plaît, la ferme. Je suis hyper nerveuse, c’est pas le moment.
– Eh bien ? me demande McGonagall.
Je me force à tourner la tête vers elle et à regarder dans ses yeux insondables. Ses traits sont figés.
« On dirait une vieille chouette. »
Tais-toi !
« Oh, ça va. J’essayais de te détendre. »
Je dis alors très vite :
– Je suis absolument désolée, je sais pas ce qu’il s’est passé, j’étais seule et j’avais pas de parents, et les Détraqueurs sont arrivés, désolée de vous avoir inquiétée.
« Pari gagné ! » se réjouit Gondul.
La vieille chouette, euh, je veux dire, le professeur McGonagall, a haussé un sourcil. Voyant que je ne dirai rien de plus, elle pose ses poings sur son bureau et me dit très lentement, d’une voix grave :
– Vous avez inquiété toutes les autorités moldues et sorcières du pays pendant trois jours. Trois journées entières. J’aimerais des explications plus précises.
Son regard fixe me terrifie. Je me liquéfie sur place et balbutie :
– Je… euh… Je me sentais très seule, c’était Noël, j’avais pas de famille, et j’ai voulu savoir où elle pouvait être, ma famille je veux dire, je devais savoir, vous comprenez ?
« Manifestement, non », commente Gondul.
– Je serais curieuse de savoir comment vous vous y êtes prise pour sortir de Poudlard en pleine nuit.
Si je parle du passage secret, non seulement il sera fermé pour toujours, mais en plus je dénonce Potter qui m’en a parlé. Le pauvre n’a rien fait pour mériter ça.
« ‘Le pauvre’ ? Avant c’était ‘le crétin’. Dois-je conclure que ce changement est dû au fait qu’il ait failli t’embrasser ce matin ? »
Arrête ! Ne me reparle plus de ça ! Je dois rester concentrée.
Je garde le silence. La directrice soupire.
– Bien. Vous aurez donc deux mois de colle pour cette petite sortie. Et cent cinquante points en moins pour Gryffondor.
Je vais me faire défoncer par mes petits camarades. Je commence à me lever, croyant que l’entretien est terminé, mais McGo m’interrompt alors que j’ouvre la porte :
– Et vous ne participerez pas au voyage à Beauxbâtons.
Les Poignards Pétrifiés by Mak
– QUOI ?
« On dit pardon, quand on est polie », me signale platement Gondul.
– Vous avez parfaitement entendu, Miss Enderson, répond la directrice sans se départir de son calme. Vous méritez cette punition. Vous êtes sous notre responsabilité, vous ne pouvez pas vous en aller comme bon vous semble.
Je me retiens difficilement de rétorquer que s’il m’arrivait un malheur hors de l’école, ils n’auraient de compte à rendre à personne.
Le bruit d’une explosion détourne momentanément mon attention. Je regarde vers la cheminée où les flammes ont grandi et verdi. Un regard émeraude et furieux surgit du feu, bientôt accompagné d’une personne que j’aurais aimé ne pas revoir avant longtemps.
– Bonsoir, Mr. Potter, le salue, étonnée, la directrice. C’est toujours un plaisir de vous accueillir ici, mais pourquoi êtes-vous… ?
– Les Aurors ont été informés que Miss Enderson était revenue à Poudlard. Je suis donc venu pour lui demander des explications sur son comportement de ce matin.
McGonagall a l’air encore plus surprise.
– Vous l’avez rencontrée ce matin ?
– Oui. Mon fils l’a vue tomber avec son balai devant notre maison. Miraculeusement, elle a survécu. Notre elfe l’a soignée et une fois qu’elle s’est réveillée, elle s’est sauvée et m’a attaqué quand j’ai essayé de la retenir.
Je n’aime pas du tout le tour que prennent les choses…
McGonagall se tourne vers moi et me lance un regard ébahi.
– Vous avez vraiment fait ça, Miss Enderson ?
– Euh… oui, je réponds, la voix tremblante.
– J’ai du mal à y croire, Mr. Potter. Vous vous êtes fait désarmer, vous, directeur du bureau des Aurors, qui avez vaincu à deux reprises Lord Voldemort, par une étudiante en sixième année ?
Gondul explose de rire en voyant la tête de Harry Potter. Si je n’étais pas aussi nerveuse, j’aurais sans doute fait de même.
– Elle a refusé de me donner des explications, et cela m’étonnerait qu’elle accepte de se confier à qui que ce soit d’autre, ajoute la directrice.
– Je peux la faire parler, affirme-t-il.
– Il en est hors de question. Miss Enderson n’est pas une criminelle – juste une fugueuse. Du moment qu’elle est revenue et en bonne santé, c’est le principal. Nous ferons le nécessaire pour qu’elle ne s’en aille pas à nouveau.
Mr. Potter se renfrogne.
– Vous pouvez retourner à votre dortoir, Miss, me dit McGonagall en se tournant vers moi. L’heure du couvre-feu va bientôt être passée. Dépêchez-vous.
Je les salue tous deux d’un signe de tête, puis marche très vite devant Harry Potter en évitant son regard incandescent jusqu’à la porte. En descendant les escaliers, j’entends derrière moi un « Bonne soirée » avant que la porte ne claque.
Bonne soirée, tu parles ! Je vais être la seule fille en sixième année à ne pas partir à Beauxbâtons, je vais rester cloîtrée dans ce château pourri.
« N’exagérons rien. Il n’est pas si pourri que ça, ce château. »
Hmph !
Je suis accueillie par le bon feu de cheminée de la Salle Commune. Je m’allonge sur le canapé et ferme les yeux cinq bonnes minutes, essayant de me calmer. Quelle peau de vache, cette directrice ! Et moi qui la croyais sympa avec les élèves de sa maison… J’aurais dû me méfier.
« T’écouter penser est très intéressant, mais je crois que tu devrais arrêter un instant pour regarder ce qu’il se passe ici », m’avertit Gondul d’une voix amusée.
Je rouvre les yeux en me redressant et regarde la direction qu’elle m’indique. Quatre hiboux tambourinent furieusement contre une fenêtre de la salle commune. Je cours leur ouvrir, et tous lâchent leur parchemin à mes pieds avant de s’envoler à tire-d’aile. J’en déplie un, étonnée. Qui peut bien vouloir m’écrire ?
« A Ginger Enderson
Où es-tu ? Je t’en supplie, réponds. »
C’est l’écriture de Roxanne. Mince ! C’est vrai qu’elles ont dû s’inquiéter si elles ont lu les journaux. J’utilise la poudre de Cheminette posée sur le manteau de l’âtre et en jette une poignée en prononçant l’adresse de Roxanne. Puis je mets la tête à l’intérieur.
« C’est autorisé, ce que tu fais ? »
Bien sûr. Ca fait quatre ans qu’on a le droit d’utiliser les cheminées pour passer des coups de cheminette hors période scolaire.
« Et tu n’aurais pas pu t’en servir pour t’échapper ? »
On m’aurait tout de suite retrouvée.
Ma tête arrive dans la chambre de Roxanne. Celle-ci, assise sur son bureau, me remarque immédiatement et se jette par terre pour me faire face.
– Ginger ! Où es-tu ? Tu t’es fait enlever ? s’écrie-t-elle.
– Du calme, je la tempère. Je suis à Poudlard.
Elle fronce les sourcils.
– Et où étais-tu ces derniers jours ? Enfin, qu’est-ce qu’il t’a pris de t’évaporer dans la nature comme ça ? Judith et moi, on était mortes de peur ! Pourquoi es-tu partie, d’abord ? Est-ce que ce sont des gens qui t’ont enlevée ?
– Non, non… Je…
– Mais ça va pas bien dans ta tête !
« Sympathique, ton amie. »
Tais-toi.
– Tu te rends compte que tu as alerté tout le pays pour RIEN ? Pour un caprice ?
« C’était nécessaire. Dis-le lui ! »
Tais-toi !
– … Et qu’est-ce qu’il t’a pris d’attaquer Harry ? Il ne voulait pas te faire de mal !
« Non, mais il aurait pu ME faire du mal ! »
– Tais-toi !
Roxanne s’arrête dans sa tirade, surprise. J’ai vraiment parlé à voix haute ?
« Je me demande comment tu vas arranger ça. »
… Tais-toi.
– Je me sentais très seule, d’accord ? je m’écrie. Tu ne sais pas ce que c’est que de ne pas avoir une famille. Ne pas avoir de maison. Ne rien avoir à soi. Ne pas savoir d’où on vient, ne pas savoir où on va ! Tu sais ce que c’est ? C’est affreux ! Parfois je me sens à part parce que je n’ai pas eu la chance d’être élevée par des parents. Alors, oui, ce Noël, je me suis sentie encore plus seule et j’ai craqué ! J’ai essayé de retrouver mes parents. Et tu pensais que j’étais partie comme une gamine qui fugue pour un rien ? Tu ne crois pas que j’avais peur de ce que je faisais, que j’étais terrorisée par l’idée de peut-être tout sacrifier ? Je ne pouvais même pas vous contacter et vous faire part de mes pensées, parce que si je le faisais, j’aurais fait tout ça pour rien ! Quand j’ai vu les Détraqueurs, j’ai vraiment cru ma dernière heure arrivée… Tu trouverais ça normal, toi, si je restais calme et sereine après ça ? J’ai paniqué !
Ma voix se perd dans les aigus. Je m’étonne d’avoir été aussi sincère, alors que j’étais partie pour simplement me justifier. Je secoue légèrement la tête pour essayer de me calmer et marmonne :
– Désolée de vous avoir inquiétées. C’était important pour moi.
Je regarde à nouveau le miroir. Roxanne est mortifiée.
– Je… je suis désolée… Je ne savais pas…
Elle soupire.
– Pardon de t’avoir demandé des explications. Tu as trouvé des choses alors, en ce qui concerne ta famille ?
« Oui, plein. »
– Non. Rien.
Court silence.
– Comment était le chocolat ? je demande finalement, pour briser la glace.
– Hein ? s’exclame-t-elle, ahurie.
– Le chocolat que je t’ai envoyé par la poste pour Noël.
Son visage s’éclaire.
– Ah ! C’était super bon ! J’aurais voulu me le garder pour moi seule mais Hugo m’en a mangé la moitié en douce ! ajoute-t-elle en fronçant les sourcils, l’air vaguement énervée, ce qui me fait éclater de rire.
– Je vais appeler Judith, j’annonce. Pour la rassurer.
– Faites donc, me répond Roxanne en prenant l’air un peu guindé de la directrice.
– Au fait ! Cette saleté de McGo m’a privée de voyage scolaire ! Tu te rends compte ?
Roxanne me lance un regard qui veut clairement dire « Tu mérites cette punition ». Je déteste quand elle se prend pour ma mère.
« D’un autre côté, c’est toi qui demande à avoir des parents sans arrêt. »
Oh, la ferme.
Roxanne me lance un dernier sourire et je retire la tête de la cheminée.
En fait, mes amies avaient vraiment de bonnes raisons de s’inquiéter… Il m’en est arrivé, des choses, en si peu de temps ! M’échapper de l’école, manquer d’être tabassée par deux soûlots, aller à une fête où je ne connais personne, me faire attaquer par des Détraqueurs, mettre au doigt un dangereux objet de magie noire…
« Hé ! » s’écrie Gondul, fronçant les sourcils et croisant les bras sur sa poitrine.
… Sauter d’un immeuble de quatre étages, vivre sans argent et sans nourriture, m’attaquer à des sorciers, faire une chute de quelques centaines de mètres en balai, me mesurer à Harry Potter…
… me faire presque embrasser par James Potter…
Mais qu’est-ce qu’il lui a pris, à ce crétin ? Il ne m’aime pas, n’est pas attiré par moi, c’est évident. Pourquoi a-t-il voulu m’embrasser ?
« J’ai remarqué sur sa table de chevet un livre de contes moldus. Dedans, il y avait la Belle au Bois Dormant. Je suppose que ça doit être à cause de ça. »
Tu crois qu’il croit aux contes de fées ? C’est pas vrai… Ce type est un crétin fini.
« Détrompe-toi. Il y a sûrement des gens qui réussissent à triompher des plus grands mages noirs de tous les temps parce qu’ils connaissent les contes fées, du genre les contes de Beedle le Barde », réplique ironiquement Gondul.
Je lève les yeux au ciel. Comme si Harry Potter avait battu le grand méchant du siècle dernier avec des contes pour enfants.
Je prononce l’adresse de Judith en lançant de la poudre de Cheminette et replonge la tête dans l’âtre. J’ai la surprise d’arriver face à face avec mon amie, déjà à genoux devant sa cheminée.
– Roxanne m’a expliqué, me prévient-elle tout de suite. T’es complètement barge, ma pauvre.
Elle dit ça avec un grand sourire.
– N’empêche, je suis contente que tu sois de retour. Tu ne comptes pas repartir, n’est-ce pas ?
– Pas vraiment. Il fait plus chaud, ici, je précise, comme si c’était l’argument ultime.
Judith s’assombrit.
– Quelle chance. Moi, je vais me les peler. Je peux te dire que c’est la dernière fois que j’accepte de passer mes vacances de Noël à Oslo. Je vais passer toute la journée enfermée à la maison parce qu’il fait trop froid dehors.
Elle pousse un autre soupir.
– Qu’est-ce que je m’embête… Au moins, ta fuite avait fait un peu d’animation… Qu’est-ce que je vais faire maintenant ?
Elle fait mine d’avoir l’air très ennuyée.
– Le chocolat ne t’a pas fait plaisir, alors ?
– Si ! Petit rayon de soleil dans une journée toute grise. Et à Londres, le moindre rayon de soleil, crois-moi, c’est le paradis ! Et toi, tu as reçu notre cadeau ?
– Euh… Non ? Je viens à peine de rentrer, c’est quoi ?
– Roxanne et moi avons mis du temps à nous décider, mais je pense que ça devrait te plaire, me répond-elle avec un sourire espiègle. Je te laisse le découvrir… A demain !
Je retire la tête de la cheminée, étonnée.
Où met-on les cadeaux de Noël, d’habitude ? Au pied du lit. Je me précipite dans ma chambre et constate, dépitée, le bazar impressionnant qui y règne depuis la première année. Je ne sais même pas à quoi ressemble leur cadeau. Comment vais-je m’y prendre ?
Fidèle à mes habitudes, je cherche dans ce fatras mon dico latin-français pour appliquer la « méthode Flitwick ». Ca fait longtemps que je ne m’en suis pas servi ! La dernière fois, c’était le soir de la rentrée, quand j’étais passée aux archives…
C’est parti. Ce que je cherche, c’est quoi, exactement ? Un cadeau. Pour être plus précise, un cadeau de Noël, un cadeau de mes amies, un cadeau qui doit me revenir… Non, je pense qu’il vaut mieux regarder du côté « cadeau de mes amies ». Bien. Le sort que je recherche doit pouvoir trouver un cadeau venant de mes amies, donc que mes amies ont forcément touché à un moment ou à un autre. Et Roxanne adore préparer les paquets cadeaux, donc je suis sûre qu’elle a dû s’occuper de l’emballage. Ma baguette doit être capable de pouvoir voir cela, le fait que Roxanne a tenu ce paquet… Ou le sentir ? Oui, le sentir ! Exactement, comme les moldus qui utilisent des chiens pour pister leurs ennemis. Sauf que là ce sera un cadeau.
« Beau raisonnement », me complimente Gondul. « Le sort que tu cherches a un nom, c’est le Nasuflare. Et sinon, ton paquet est là ! »
Elle me montre du doigt un paquet carré et plat. Elle aurait pu me prévenir ! Ca m’aurait épargné la peine de me casser la tête à chercher un sort…
Je me jette presque sur le paquet. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Un tableau ? Non. Elles ne m’offriraient jamais un tableau. C’est pas mon genre et elles le savent très bien. Ou alors c’est encore cette manie stupide de Roxanne de donner des formes invraisemblables aux paquets cadeaux pour qu’on ne reconnaisse pas ledit cadeau…
Je déchire l’emballage d’un marron terne. A l’intérieur, il y a un étui d’une longueur d’un bon mètre et demi.
Oh.
Elles ne m’auraient pas acheté ÇA.
Une enveloppe est glissée juste en dessous de l’étui. Je l’ouvre rapidement.
« Tu n’arrêtais pas de te plaindre de ton « vieux Comète tout pourri » (je cite) … »
Paix à son âme. A l’heure qu’il est, il doit gésir sans sépulture devant la maison des Potter.
« … alors Judith et moi avons eu cette idée. J’espère qu’il te plaira ! Gros bisous et à très bientôt !
Roxanne »
Oh NON.
J’ouvre lentement l’étui, les yeux fermés, refusant de croire à ma chance.
« Tu es ridicule. »
J’ouvre les yeux.
…
…
WAOUH ! Il est TROP beau ! Je soulève le balai au-dessus de ma tête pour l’estimer. Léger, son bois est d’une couleur sombre et est verni, la forme est aérodynamique. J’ai reconnu le modèle, je l’ai vu dans le Balai Magazine de septembre dernier. C’est bel et bien un Astéros 900, de la compagnie de la Comète.
Je retrouve rapidement le numéro en question de Balai Magazine, et tourne les pages jusqu’aux « Fiches des balais du mois ».
« Avec ses 260 km/h atteints en seulement dix secondes, le dernier-né de la compagnie de la Comète est porteur de nombreuses promesses. Le sortilège de freinage appliqué au balai a été amélioré depuis le Comète 500. Il est également doté du classique vernis antimaléfices, et, nouveauté, d’un dispositif intégré de contrôle des vibrations. Points noirs chez Astéros 900 : il est destiné aux professionnels, comme le soulignent l’absence d’alarme anti-vol ou de correcteur de trajectoire, mais aussi sa sensibilité extrême. »
« Quel déplorable manque de tenue », soupire Gondul, affligée, en me voyant sautiller partout dans la chambre.
M’en tape.
Et c’est tout sourire que, une heure plus tard, je m’enfonce sous les draps chauds de mon lit à baldaquin.
OoOoO
Le lendemain, je descends dans la Grande Salle et me surprends à sourire. Le fait d’avoir du choix au petit-déjeuner est un plaisir auquel je n’ai pas pu goûter pendant quelques jours. Je m’assieds donc à côté du seul Gryffondor avec qui je suis plus ou moins amie resté pour les vacances de Noël.
– Hey, lui dis-je en tendant ma main pour attraper la tasse de café qui s’est matérialisée devant moi.
– Hey, répond simplement Freddy Kreeps.
– T’as eu quoi pour Noël ? je demande, histoire de faire un peu la conversation.
– Une cape, un casque de batteur, un set d’entretien de balai et des Hermès. Tu sais, les chaussures de sport… ajoute-t-il en voyant mon air étonné.
– Non, je ne sais pas. C’est quoi ?
– Des chaussures qui permettent de courir très vite ! C’est une marque française qui vient de naître, à ce qu’il parait.
Marque française-France-Beauxbâtons-je ne pars pas à Beauxbâtons.
Et voilà, je suis déprimée.
« A cause d’une simple association d’idée ? Tu ne dois pas être souvent joyeuse, alors », commente Gondul, s’exprimant pour la première fois de la journée.
Elle est installée à côté de Freddy, juste en face de moi. Celui-ci, évidemment, ne peut pas la voir. Elle l’observe un moment, l’évaluant brièvement du regard, puis se lève de table et commence à s’éloigner. Mais où va-t-elle ?
« Je ne compte pas rester avec toi pour t’écouter parler avec ce garçon inintéressant à propos de cadeaux de Noël. »
Quel tact. Merci, Gondul. Mais tu peux t’éloigner de moi, alors ?
« Oui, mais pas à un rayon de plus d’un kilomètre environ. Je vais voir s’il n’y a pas un moyen pour moi de recueillir de la magie ici. »
Comment ça ?
« Te souviens-tu, chez les Potter ? J’ai réussi à lancer un sort parce que leur maison suintait d’énergie magique et j’ai pu en récupérer pour moi. Mais ici, dans une école de sorcellerie et l’une des plus anciennes de surcroît, je n’ai pas réussi à en recueillir. Comme si on avait mis une protection autour de cette magie. »
Gondul ne tuera donc personne à Poudlard pour l’instant. Je crois que c’est une bonne chose.
« Fort amusant. »
Elle sort par la Grande Porte.
– Qu’est-ce que tu regardes ? me demande Kreeps, en regardant la porte de la Grande Salle à son tour.
– Euh, rien. Il fait très beau ce matin, je commente en regardant le plafond peu nuageux. Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ?
– Je comptais essayer mes Hermès, me répond-il. Tu veux venir ?
– Pourquoi pas. J’ai moyennement envie de passer ma journée toute seule.
OoOoO
J’ai donc passé toute ma journée dans le parc avec lui. En revenant, nous étions frigorifiés, et avons parlé de tout et de rien devant la cheminée de notre Salle Commune. Le lendemain, nous avons fait du Quidditch ; et le jour d’après je l’ai aidé à faire ses devoirs, puisque j’avais déjà terminé les miens. Chacun de ces trois jours, j’ai appelé mes deux amies ; et Gondul, qui avait l’air de détester Freddy, a passé bien peu de temps avec moi. La vie reprenait donc son cours.
Mais la nuit du 28 décembre fut tout ce qu’il y avait de plus anormale.
Je me retrouve dans le vide, j’ai l’impression d’être tout et rien à la fois, comme le soir où j’ai failli m’éclater la tête sur le trottoir londonien mais où Gondul m’a sauvée in extremis. Vais-je retrouver les Valkyries ? J’ouvre les yeux.
Je suis debout au milieu d’une étendue glacée et couverte de neige, au milieu d’une allée. Je marche lentement le long de celle-ci, me demandant où elle va me mener.
– Bonsoir, Gondul.
Je me tourne vers la voix qui vient de m’adresser la parole. Une grande femme d’une quarantaine d’années, à l’allure élancée, à la longue robe en soie noire et aux cheveux d’ébènes bouclés, marche à mes côtés. Un sourire étire ses lèvres fines. Ses yeux noirs sont aussi chaleureux que les ailes en forme de griffes dans son dos sont effrayantes.
– Bonsoir, Brynhildr, je réponds.
Je continue de marcher, ne pensant plus rien. Si je dois apprendre des choses dans ce rêve, alors autant laisser la Valkyrie mener la marche.
– Sais-tu où nous allons ? me demande-t-elle finalement.
–Pas la moindre idée.
A quelques centaines de mètres, au bout de l’allée, j’aperçois un édifice, mais d’ici, je suis incapable de dire de quoi il peut s’agir.
– Nous sommes sur la route des Poignards Pétrifiés. Cette route mène droit au tombeau d’Odin.
– Ah, dis-je en m’arrêtant net.
Je ne suis jamais allée dans un tombeau ou même un cimetière, et à vrai dire, l’idée même de me retrouver proche d’une personne sans vie me rebute.
– Et dire que c’est toi qui l’as tué, fait Brynhildr en souriant. Tu as beaucoup changé. L’Horcruxe ne doit pas être ravi.
– Pas vraiment, non. J’ai l’impression qu’elle me déteste, parfois.
– Il faut l’excuser, me répond-elle d’une voix douce. Elle en a vu, des horreurs, dans ses vies.
Elle tourne la tête et je regarde dans la même direction. Le corps de Brynhildr est par terre, ensanglanté, éventré. La neige se colore en rouge. Je porte la main à la bouche, choquée et écoeurée, avant de voir tout ses membres prendre feu. Autour, la neige fond. Bientôt, un bébé au milieu de l’eau gelée se met à pleurer à chaudes larmes.
Aussitôt, un deuxième personnage apparaît à côté d’elle en transplanant. Il s’agit de Gondul, qui me ressemble beaucoup, mais qui doit avoir une vingtaine d’années de plus, et dont les traits se sont durcis.
– Allons, allons, calme-toi, Brynhildr, shhh… Je parie que ce sont ces brigands qui t’ont attaquée, ajoute-t-elle, une lueur rouge dans les yeux, en regardant des silhouettes indistinctes en train de disparaître à l’horizon.
– Nous sommes en 1214, en France, annonce la Brynhildr adulte à mes côtés.
– Le tombeau d’Odin est en France ? je m’exclame, ahurie. J’aurais plutôt pensé qu’il se trouverait en Scandinavie.
– C’est le cas, dit-elle avec un petit sourire. Mais nous avons changé de décor, entretemps.
Gondul lance quelques sorts faisant apparaître un berceau. Elle pose le bébé à l’intérieur et transplane. Je tourne la tête et regarde à l’horizon : une nouvelle silhouette vient d’apparaître au loin, provoquant la terreur des brigands, dont j’entends les hurlements de peur et de douleur se mêler à ceux, de rage, de Gondul. Bientôt, il n’y a plus qu’une seule silhouette debout. Elle disparaît, et, moins d’une seconde plus tard, Gondul est de retour auprès du bébé. Ses mains sont couvertes de sang. Elle les nettoie d’un simple sort et transplane à nouveau avec l’enfant.
Le décor change. Une petite fille aux cheveux noirs joue dans un jardin fleuri. Dans la maison attenante, une vieille femme, Gondul, la regarde batifoler en souriant.
– Le prince de Suède devait rejoindre Paris pour y rencontrer le roi, m’explique Brynhildr. Il s’était arrêté dans notre village pour se reposer. Il en a profité pour se promener, seul, et s’est éloigné jusqu’à atteindre notre maison, un peu à l’écart des autres.
La petite fille se transforme en corbeau, croasse de bonheur et se transforme à nouveau en humaine. Elle éclate de rire et recommence ce manège plusieurs fois de suite. Le sourire aux lèvres, Gondul, derrière la fenêtre, quitte son point d’observation.
Quelques secondes plus tard, un jeune homme aux cheveux longs et blonds sort de derrière un arbre. Ses vêtements sont propres et luxueux.
– Le prince, m’annonce Brynhildr.
Il observe la petite Brynhildr rire, rire, et courir en tous sens. Soudain, la fillette se transforme en corbeau. Elle redevient humaine et tombe sur ses fesses dans l’herbe verte. Elle éclate de nouveau de rire.
Moins d’une seconde plus tard, elle est pliée en deux de douleurs, hurlant à la mort, les larmes coulant sur ses joues.
Et à peine une seconde après, le prince s’effondre, raide mort, ayant reçu un éclair vert de magie dans la poitrine venant de la baguette de la redoutable Gondul. Après l’avoir assassiné, elle ne s’y intéresse plus et se jette sur la jeune Brynhildr. Elle pleure elle aussi.
– Ça va aller, Brynhildr… Ça va passer… Calme-toi…
– Que s’est-il passé ? je demande.
– Le prince a compris que j’étais une Valkyrie. Quand quelqu’un l’apprend, tu ressens une douleur intense dans ton cœur ; c’est un moyen sûr de savoir si tu es découverte ou pas, affirme Brynhildr non sans ironie. Après, nous n’avons plus qu’une seule vie à vivre.
– Et après, qu’est-il arrivé ?
– Rien de très intéressant. Gondul a lacéré le corps du prince pour que les villageois croient qu’un loup l’avait attaqué, et nous sommes reparties en Scandinavie. J’ai passé le reste de ma dernière vie avec elle, après avoir reçu les visites de chacune des autres Valkyries, excepté Hildr bien sûr. Et quand je suis morte, elle m’a enterrée à l’endroit que je lui avais demandé.
– C’est-à-dire ?
– Près du tombeau d’Odin.
Je m’étonne. Odin ? N’étaient-elles pas sensées le détester ?
– Pas moi, m’explique-t-elle patiemment. Parce que je lui étais reconnaissante de nous avoir créées. Evidemment, nous existions avant. Mais je n’aurais jamais rencontré Gondul ou Kara s’il n’avait pas décidé de faire de nous des Valkyries. J’étais née auprès d’Odin, je voulais mourir auprès de lui.
Au fur et à mesure de ces explications, le décor change autour de nous. Nous sommes devant une superbe bâtisse qui semble être construite dans de la glace. Sans attendre, j’entre à l’intérieur. L’atmosphère est gelée. Au centre de la pièce de verre se trouvent deux longs cercueils de glace. Je garde mes distances.
Gondul, quinze ans, se trouve près de l’un d’eux. Elle laisse glisser sa main sur le cercueil, les larmes aux yeux.
– Adieu, Brynhildr…
– Qui va là ?
La Brynhildr de mon rêve, Gondul et moi faisons volte-face dans un même geste. Un garçon d’une trentaine d’années se tient dans l’embrasure de la porte. La lumière venant du dehors ne laisse apercevoir que sa silhouette.
– Oh, ce n’est que toi, Gondul. Bonjour.
Le garçon s’avance, et Gondul brandit sa baguette, menaçante. Le jeune homme aux longs cheveux noirs et épais lève les bras en l’air en signe de reddition et sourit :
– Voyons, je ne suis pas stupide au point de vouloir t’attaquer. Jamais je n’oserais me mesurer à toi.
– Que fais-tu encore ici ? Tu devrais être mort !
– Et si mon père ne t’avait pas ensorcelée, toi aussi, tu devrais être morte. Je suis un piètre lanceur de sorts, mais un excellent maître en potions. J’ai découvert la potion de jouvence. Cela fait plusieurs siècles que j’attendais ta venue… Mais ce n’est pas aujourd’hui que tu me donneras ce que je veux.
– Tu n’auras JAMAIS l’anneau de ton père, tu m’entends ? Jamais je ne te le donnerai.
– Tu me confonds avec l’un de mes frères, je pense ! Crois-tu vraiment que je veuille l’utiliser ? Je veux le détruire pour sauver les hommes de leur folie. Je suis le seul à savoir comment faire cela.
– Sottises ! crache-t-elle.
– Un jour, tu viendras, et tu me le donneras, annonce-t-il calmement. J’attendrai. Et quand l’anneau ne sera plus, je pourrai enfin mourir.
– Tu vivras alors encore quelques éternités ! s’écrie Gondul avant de transplaner.
L’homme hausse les épaules, puis s’en va, en marmonnant « je sais que j’ai raison ».
– Elle ne lui a jamais donné ? je demande, alors que le décor disparaît peu à peu.
– Jusqu’ici, non, répond Brynhildr. Mais tout est possible, après tout…
– Penses-tu qu’il mente ?
– Je n’en sais rien. Il avait l’air honnête ; mais les fils d’Odin avaient toutes les raisons du monde de vouloir récupérer ce qu’ils considéraient être leur héritage, au profit de celles qui leur avait volé leur père.
– De toutes façons, tant que les Valkyries étaient vivantes, ils ne pouvaient pas s’en servir… Non ?
– Tout n’est pas aussi simple. Des règles très anciennes de sorcellerie expliquent que les descendants d’un sorcier peuvent utiliser sa baguette sans problème ; le même phénomène était peut-être observable sur l’anneau de Nibelung.
– Et Gondul n’aimait ni les hommes ni Odin, donc elle n’avait aucune raison de faire confiance au fils de celui-ci…
– Exactement.
Elle se tait. Autour de nous, tout est devenu noir.
– Tu vas t’en aller ? je demande.
Elle me fait un triste sourire.
– Oui. Mais je reviendrai te voir, Gondul. Je te le promets.
Elle s’approche de moi et me prend dans ses bras. Je me blottis contre elle. Comme c’est étrange ; c’est presque comme avoir une mère. Comme avoir une famille.
– Les Valkyries sont ta famille, Gondul, murmure Brynhildr. Ne l’oublie pas.
Je n’ai plus de souvenir de cette nuit à partir de ce moment-là.
Béryl et Beauxbâtons by Mak
Author's Notes:
B'jour tout le monde ! Merci de vos reviews hyper sympathiques. Je suis contente de voir qu'au 29ème chapitre vous aimez toujours autant cette fanfic.
Dans ce chapitre, vous verrez surtout Amélie Vermeil. Certains pensent qu'elle est une autre Valkyrie (quelle théorie intéressante !) d'autres ne l'aiment pas et sautent les passages de son point de vue. Je vous garantis que cette fille est sacrément importante et qu'elle aura son "quart d'heure de gloire" au moment voulu.
Mais le chapitre commence avec un POV Ginger. Je vais maintenant arrêter de vous souler avec mon bavardage et vous laisser tranquilles. Bonne lecture !
Le lendemain matin, au petit-déjeuner, je médite mon rêve. Freddy, plein de tact, ne m’adresse pas la parole.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » me demande Gondul en s’asseyant à côté de moi.
Je fais défiler dans ma tête les images de cette nuit et observe sa réaction. Son visage s’assombrit.
« Tu m’as déprimée pour la journée », marmonne-t-elle avant de s’en aller sans plus d’explication.
– Tu es… triste, aujourd’hui ? me demande finalement Freddy.
– Nan, un peu dans les vapes, c’est tout. J’ai fait un rêve bizarre.
Voyant la question dans son regard curieux, j’improvise :
– J’ai rêvé que j’étais un gros serpent et que je me baladais dans un couloir interminable… Je voulais atteindre la porte tout au fond mais je n’y arrivais jamais…
– Carrément étrange, admet-il. Moi, cette nuit, j’ai rêvé que je dansais la salsa avec la directrice.
Je lui lance un regard horrifié et lui dis en grimaçant :
– J’espère sincèrement pour toi que ce n’était pas un rêve prémonitoire !
Nous jetons un œil à la table des professeurs et nos regards se posent sur la silhouette droite et le chignon serré de McGonagall. Nous éclatons de rire.
– Le jour où quelqu’un fera danser la salsa à McGo, les cours de Binns deviendront intéressants, déclare-t-il sentencieusement. C'est-à-dire jamais.
OoOoO
Pendant la journée qui précède le retour des élèves partis en vacances et (soupir) la rentrée, Kreeps et moi flânons dans le parc, emmitouflés dans nos capes. Freddy me demande :
– Alors… Tu sors vraiment avec Albus ?
– Oui, je mens. C’est si étonnant que ça ?
– Eh ben… dit-il en grimaçant. Theodore et moi avions parié que tu sortirais avec James avant la fin de l’année. Tu m’as fait perdre pas mal d’argent.
– Quoi ?!
L’image furtive des yeux bleu-marron de Potter à quelques centimètres des miens s’impose immédiatement dans mon esprit, et je la chasse aussi vite qu’elle est apparue.
– Il y a cette espèce de tension bizarre entre vous deux… Comme si vous étiez prêts à vous jeter l’un sur l’autre à tout moment…
– On appelle ça la haine, je réplique froidement. Tu as PARIÉ dans mon dos ?
– On s’ennuyait, dit-il simplement en haussant les épaules.
– C’est pas une justification !
– Par contre, c’est carrément étrange que tu sortes avec Albus. C’est tellement pas ton genre. Et c’est tellement pas son genre à lui non plus.
– Qu’est-ce que tu en sais, de nos « genres » ? je m’exclame.
– Rien qu’à vous voir, dit-il avec un sourire en coin. Lui, hyper timide et réservé qui rougit quand on lui adresse la parole, et toi, prête à sauter à la gorge de tout le monde…
J’ai le bon goût de rougir et d’essayer de calmer ma fureur.
– Et c’est sérieux ? fait-il.
– Eh bien, en fait… je n’en sais rien, je réponds sincèrement.
– C’est la première fois que tu sors avec quelqu’un, non ?
– Oui, mais pas la première fois que j’embrasse un garçon, je rétorque en le fusillant du regard.
– Oh ! s’écrie-t-il, un grand sourire aux lèvres. Tu m’en veux encore pour ça ?
– Oui. Je suis TRES rancunière.
– Oh, je t’en prie, c’était rien…
Nous continuons de nous chamailler gentiment tout l’après-midi, puis, vers dix-huit heures, nous nous séparons à l’entrée du château ; lui rentre dans son dortoir, moi, je vais accueillir mes amies à la gare de Pré-au-Lard.
Pour les élèves désirant retrouver leurs camarades rentrés chez eux pour les fêtes, les carrosses sans chevaux sont préparés et postés à l’entrée du château. Sauf que cette fois-ci, des animaux ont été placés pour tirer les voitures. Je n’ai jamais vu d’équidés aussi étranges : grands, noirs, avec des ailes aux allures reptiliennes. Leurs yeux sont blancs et vides.
Je frissonne. Des Sombrals. Nous les avons étudiés en troisième année, et notre professeur de Soins aux Créatures Magiques nous les avait longuement décrits. Pourquoi puis-je les voir ? Je n’ai jamais vu personne mourir, si ?
« L’intelligence n’est décidément pas ton point fort » soupire Gondul tout près de moi, si bien que, ne l’ayant pas remarquée, je fais un bond de trois mètres. « Tu as vu bien des gens mourir ! Odin, et tous les gens qu’il t’a ordonné de tuer, sans compter les Valkyries que tu as vues mourir… »
Oui, mais avant je n’avais jamais vu les Sombrals…
« Dans tes rêves, tu as bien vu le fiancé de Kara mourir de ta main, non ? »
Ce n’était qu’un rêve, justement.
« Non, ce n’était pas un rêve. C’était un souvenir. Nuance. »
Sans me poser plus de questions, je monte dans le carrosse en compagnie d’une jeune Poufsouffle en deuxième ou troisième année. Au bout de dix minutes de voyages, nous arrivons. Je marche légèrement en retrait du groupe d’élèves, flânant dans les rues commerçantes du village le plus sorcier d’Angleterre, jusqu’à la gare. Le train vient d’arriver, et un flot d’élèves se déverse déjà sur le quai.
Je cherche mes amies du regard pendant quelques secondes, avant qu’une chevelure blonde surgissant de nulle part m’empêche de voir plus loin ; j’ai l’impression de passer sous un rouleau compresseur.
– Ginger ! Tu m’as tellement manqué ! s’exclame Judith.
– Bonjour à toi, la Fugueuse, me salue sentencieusement Roxanne.
– Du calme, Judith ! On s’est vues à midi ! je m’écrie en me dégageant de son étreinte, faisant allusion à notre conversation inter-cheminée que nous avons tenue avant que je ne prenne mon déjeuner.
– Oui mais quand même !
Nous partons vers les carrosses en discutant gaiement. Je suis contente d’avoir retrouvé mes amies.
« Elles sont ridicules. », me dit Gondul en faisant la moue.
TU es ridicule, et même pathétique. J’ai le droit de me faire des amies normales.
Elle ne répond rien et disparaît.
Je hausse les épaules et poursuit ma conversation avec Judith et Roxanne. En passant près de Potter, je ne manque pas de l’assassiner du regard et celui-ci me le rend bien.
– Salut, bouse de gnou.
– Salut, abrutie congénitale.
– C’est moi l’imbécile ? Pourtant c’est toi qui crois encore aux contes de fées, je me trompe ? je souffle en lui lançant un sourire sardonique.
– Comment… Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
– On ne me la fait pas, à moi, je réplique d’un air mystérieux.
– La rouquine, soupire Abercrombie en me remarquant, n’ayant pas entendu la petite conversation que je viens d’avoir avec Potter. J’avais oublié comme la couleur de tes cheveux faisait mal aux yeux.
– Toujours un plaisir de te faire souffrir, H&M.
-X-X-
Chaque année et même à chaque vacance, l’emplacement de l’école changeait de lieu. Mais le point de rassemblement des élèves était toujours le même : Paris. Le père de Cathy refusant de l’accompagner en transplanage d’escorte, nous prîmes le train, seules ; Violette et Yune, qui étaient à l’étranger pendant les vacances, nous rejoindraient plus tard.
Une demi-heure après notre arrivée en gare, après avoir galéré dans le métro parisien, nous nous dépêchions de rejoindre le Palais du Louvre, et plus précisément la cour intérieur du Pavillon de l’Horloge. Il était presque six heures, et il ne fallait surtout pas que nous arrivions en retard. Nous dépassâmes quelques touristes émerveillés devant la pyramide en verre et arrivâmes bientôt devant une porte gardée par un homme habillé en noir.
– Il est interdit de passer ici, annonça-t-il. C’est fermé.
Blasée, Cathy montra l’insigne de Beauxbâtons cousu sur son uniforme qu’elle portait sous son manteau, et je fis de même. Le blason de Beauxbâtons était très classe d’après mon humble avis : deux baguettes croisées au bout desquelles apparaissaient trois étoiles.
– Bon voyage, marmonna l’homme en nous laissant passer.
Comprenez : il ne fallait pas que des moldus entrent ici et voient les carrosses. Seuls les élèves de Beauxbâtons pouvaient passer dans la cour du Pavillon de l’Horloge à la rentrée et après les vacances.
Comme à chaque fois, la vision des immenses chevaux ailés de l’Académie, chacun de la taille d’un éléphant, m’impressionna. Ils tiraient deux par deux des carrosses bleu pâle, grands comme des maisons.
– Vous voilà ! On n’attendait plus que vous pour entrer, fit une voix.
Yune et Violette étaient au pied de l’un des carrosses, et c’était la première qui venait de parler. Nous les rejoignîmes et montâmes à l’intérieur : dix compartiments, de la taille normale des cabines de trains, étaient répartis sur deux étages. Nous en trouvâmes un où nous pouvions toutes nous asseoir et où se trouvaient déjà André Béryl et Benjamin Laurent, élèves qui ne faisaient pas partie de notre école mais avec qui nous étions amies.
Je m’explique : Beauxbâtons a emprunté ce concept de différentes maisons à Poudlard. Ici, elles sont au nombre de cinq : Inventions, Potions, Enchantements, Arts et Sport. Chacune de ces « maisons » est appelée « école », et une école est composée d’un peu plus de quatre-vingt élèves, répartis sur sept années scolaires. J’étais moi-même en sixième année. Les nouveaux élèves, pendant leurs deux premières années, n’avaient pas d’école ; ils choisissaient la suite de leur scolarité en fonction de leurs résultats aux AIGLES.
A la fin de la deuxième année, en effet, avaient lieu d’importants examens, les Accumulations Impressionnantes de Gribouillages Laborieux par les Etudiants en Sorcellerie ou AIGLES (ne me demandez pas qui a décidé d’appeler ces examens comme ça…). Selon ses résultats, l’élève choisissait l’école dans laquelle il irait. Si ses résultats étaient trop mauvais, un jury choisissait à sa place et l’élève ne pouvait pas donner son avis.
Nous quatre avions réussi à entrer dans la même école : celle des Enchantements. Les Enchanteurs avaient une réputation d’hyperactifs, et chaque école, de même, avait sa propre réputation : les artistes étaient barjos, les sportifs « cools » (c’étaient de loin les plus populaires de l’académie), les maîtres de potions « mystérieux », et les inventeurs, farfelus ou particulièrement intelligents (l’école des Inventions était la plus difficile à intégrer).
Dans chaque école, les élèves pouvaient suivre différents cours, plus une option s’ils le désiraient. Mais le véritable intérêt d’être dans une école plutôt qu’une autre était les clubs. Chaque école avait trois clubs, que les élèves pouvaient joindre. Dans mon école, celle des Enchantements, nous avions Duels, Inventions de sorts et Entraînements fictifs. Cathy et Violette faisaient partie du premier, moi du second et Yune du troisième.
Nous venions donc d’arriver dans le compartiment d’André Béryl et de Benjamin Laurent. André était un Inventeur et Ben, un Maître de potions. Du fait de nos deux premières années passées ensembles, nous étions restés amis.
Nous nous saluâmes et commençâmes à ranger nos valises. Bientôt, le carrosse décolla. Rêveusement, je regardai la ville de Paris, au-dessous de nous, progressivement rapetisser.
Nous discutâmes pendant un long moment avec André et Ben, racontant tour à tour nos vacances. Je sortis Kalevala de sa cage et le chaton, de mauvaise humeur, grogna quand il remarqua les regards émerveillés de mes amies.
C’est à ce moment-là que la porte s’ouvrit. J’étais toujours assise près de la fenêtre, couvant du regard le demi-Fléreur d’un air maternel. Toutes les têtes se tournèrent de concert avec la mienne vers le visiteur. Mon cœur fit un looping.
Ses cheveux fous étaient blonds, presque blancs, et retombaient élégamment sur son visage de porcelaine. Sa peau diaphane contrastait avec ses yeux d’un bleu très pur. Ses traits bien dessinés formèrent un sourire, et ses lèvres laissèrent découvrir des dents d’une blancheur immaculée. On aurait dit un ange.
– Qu’est-ce que tu fiches ici ? fit simplement André, brisant la magie du moment.
– C’était juste pour te dire bonjour, je ne t’ai pas vu des vacances, répondit la créature merveilleuse. Bonne année, au fait, ajouta-t-il en se tournant vers nous.
J’avais toujours la main légèrement au-dessus du pelage fourni de Kalevala, la bouche entrouverte, les yeux écarquillés. Je devais avoir l’air stupide, et quand je réalisai cela, je me mis à rougir furieusement et m’empressai de refermer la bouche. Je recommençai à caresser Kalevala, mais un peu trop brutalement et rapidement pour que cela puisse paraître naturel. On aurait dit que j’essayais de l’aplatir contre moi. Le chaton miaula de colère.
– Ça s’est bien passé, merci de te soucier de moi, Armand, répliqua André avec un sourire espiègle. L’Espagne, c’était très sympa. Et toi ? Tu t’es bien amusé, seul avec Papa et Maman ?
Armand Béryl grimaça, mais il gardait malgré tout son insupportable beauté.
– Tu peux rire, rétorqua-t-il. L’année prochaine, quand je ferais des études supérieures, c’est toi qui seras tout seul.
Armand s’apprêta à sortir, mais s’arrêta au dernier moment et ses yeux bleus se fixèrent sur mon chat. J’essayai vainement d’arrêter de trembler. J’étais incapable de formuler une seule pensée cohérente. Pitié, qu’il ne me parle pas !
– Il… ou elle, est mignon, commenta-t-il en souriant. C’est un mâle ou une femelle ?
Bien ma veine.
– Je… je sais pas, bafouillai-je. On ne peut pas chavoir. Il est trop jeune.
– D’accord. Bon, eh bien… Salut, dit-il en regardant tous les occupants de la pièce, avant de refermer la porte derrière lui.
A ce moment-là, mes neurones entrèrent enfin en contact et je repassai dans ma tête ce qu’il venait de se passer. Pour la première fois de ma vie, Armand Béryl s’était adressé à moi, Armand que j’aimais secrètement depuis la première fois que je l’avais vu. Et j’avais bafouillé ! J’avais eu l’air d’une parfaite idiote. « Chavoir » ! Il avait dû croire que j’essayais de faire un jeu de mot débile. Chat-voir. Oh, là, là… J’aurais bien aimé mourir sur-le-champ. Je me sentais vraiment nulle.
– J’vais aux toilettes, s’écria Yune. Tu m’accompagnes, Amélie ?
Sans attendre ma réponse, elle m’empoigna et m’attira à l’extérieur du compartiment. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait ?
– Ecoute, fit-elle à voix basse en m’entraînant au fond du carrosse.
Elle s’arrêta devant les escaliers, s’assit dessus et m’invita à m’installer près d’elle en tapotant la marche en question. Je la rejoignis.
– Je veux bien comprendre que tu sois amoureuse de ce type depuis la première année, même si j’ai du mal à croire que l’on puisse rester aussi longtemps sous le charme d’un même garçon. Je veux bien comprendre que tu sois timide et que tu bafouilles devant lui.
Tout le monde avait remarqué ! C’en était fini de ma vie sociale.
– Mais pourquoi tu n’essaies pas au moins de l’ignorer ? De passer à autre chose ?
– Parce que je ne peux pas, répondis-je simplement. Je ne peux pas et je ne veux pas. Il est beau, il est sympa, mais il reste mystérieux… Je voudrais tout savoir sur lui. Et tant que ce ne sera pas fait, je ne pourrais pas me détacher de cet amour.
Elle leva les yeux au ciel.
– Je parie que tu l’as appris par cœur du dernier roman à l’eau de rose que tu as lu. On est dans la vraie vie, Amélie. Et il n’est pas « sympa ». Je te signale que depuis qu’on le connaît, il a dû changer de copines au moins vingt fois.
– Dix-huit, la corrigeai-je distraitement.
– Tu COMPTES le nombre de petites amies qu’il a ? s’étrangla-t-elle.
– Chut ! Non, je ne compte pas, je… J’ai bonne mémoire, c’est tout.
Elle leva une nouvelle fois les yeux au ciel.
– Il a changé dix-huit fois de copines, alors, si tu préfères. Il m’a tout l’air d’être un Don Juan.
– A mon avis, objectai-je, il est simplement romantique et il cherche la femme parfaite.
– Qui n’est autre que toi, bien entendu, répliqua-t-elle d’un air sardonique. Ça, c’est dans tes rêves. Tu ne le connais pas, c’est toi qui inventes sa personnalité. Mais il n’est sûrement pas aussi génial que tu te l’imagines. Ce n’est pas un prince charmant, c’est juste un garçon.
Je rougis jusqu’à la racine des cheveux. Elle avait raison. Dans mes rêves, il était timide, doux, attentionné, il volait sans cesse à mon secours et était subjugué par mes qualités. Il était romantique, et il voyait en moi la femme qu’il attendait depuis toujours. Chaque jour, je nourrissais cet espoir, et chaque soir, avant de me coucher, je me disais que, peut-être, le lendemain, il me remarquerait. C’était certes très fleur bleue, mais bon, ça me rendait heureuse de penser ainsi alors pourquoi changer ?
Ce jour-là, il m’avait remarqué, pour la deuxième fois de ma vie. Mais comme pour la première fois, je m’étais couverte de ridicule.
Ce jour-là, Amélie avait les cheveux courts et noirs. Elle marchait aux côtés de Cathy et de Violette, ainsi que d’une quatrième fille rencontrée dans le carrosse répondant au nom de Yune Lee. Bientôt, la foule d’élèves dans laquelle elles marchaient s’arrêta devant un immense lac, où se profilaient au loin deux silhouettes énormes mais indistinctes.
– Comment on va faire pour passer ? demanda pertinemment un nouvel élève en première année.
De grandes barques apparurent à la surface de l’eau et les élèves plus âgés montèrent tranquillement à bord. Les plus jeunes les imitèrent. Cathy, Violette, Amélie et Yune s’installèrent sur une barque sur laquelle se trouvaient déjà quatre autres personnes assises ; c’était une nuit sans lune, et il était impossible de distinguer leurs visages.
Quand tous les élèves furent dans les barques, celles-ci se mirent à glisser silencieusement sur le lac. Elles bifurquèrent en même temps vers l’une des deux immenses silhouettes sombres.
– C’est quoi ? demanda Yune en montrant du doigt la structure élancée.
– Le château de Beauxbâtons, répondit la voix d’un jeune garçon qui était assis avec elles sur la barque. L’autre montagne que tu vois là-bas, c’est la ville de Beauxbâtons. Dans le château, il y a l’Académie, et c’est là que vous allez étudier.
– On est bientôt arrivés ? demanda Cathy au mystérieux informateur.
Amélie était intriguée. La voix était douce et agréable, selon elle. Elle voulait savoir à qui elle appartenait.
– D’ici une minute, vous devriez pouvoir voir le château.
Tous les regards se focalisèrent sur la silhouette sombre, mais Amélie s’en fichait un peu. Qui parlait ainsi ? A quoi ressemblait-il ? Etait-ce un ange ? Cette pensée n’était pas si folle, compte tenu des événements. Les carrosses avaient atterri, si elle avait bien compris, sur une île volante, l’île de Beauxbâtons, qui survolait toute la France sans jamais s’arrêter. L’apparition d’un être céleste dans ce contexte avait presque l’air, du point de vue d’Amélie, logique et pleine de bon sens.
Soudain, le château s’illumina, et tout le monde put enfin le voir. Les élèves s’émerveillèrent face à tant de beauté, les exclamations fusèrent de toutes les barques. Amélie n’échappa pas à la règle, sauf qu’elle était surprise pour une toute autre raison. Elle avait vu le visage du garçon qui avait parlé. Ses cheveux blonds qu’elle voyait blancs à cause de sa demi-métamorphomagie, ses yeux bleus, son sourire charmant. Son cœur s’arrêta, et elle sentit ses cheveux changer de forme sur sa tête. Ils étaient devenus blancs. Elle tourna vite la tête vers le château, et personne ne remarqua quoi que ce soit.
Plus tard, ses amies avaient pensé que ses cheveux s’étaient métamorphosés à cause du choc de la vision de Beauxbâtons, ce que le Dr. Saune approuva par lettre quelques jours plus tard. En revanche, personne ne fit le lien entre les cheveux blonds presque blancs d’Armand Béryl, qui était assis sur la même barque qu’elle lors de son premier voyage vers le château de Beauxbâtons, et la coupe de cheveux, presque habituelle depuis ce jour-là, d’Amélie Vermeil : blancs et courts.
Evidemment, je n’aurais jamais parlé de cela au père de Cathy ; de toute façon, j’avais bien compris que mes cheveux imitaient ceux de la personne à laquelle je pensais sans arrêt.
Armand, Armand, Armand. Son nom résonnait comme une musique dans ma tête. Armand, Armand, Armand.
C’était la seconde fois de ma vie que mes cheveux se métamorphosaient en pleine journée. « Lors d’une très forte émotion, cela peut arriver », m’avait expliqué le Dr. Saune. C’en était une, assurément : puisque depuis ce jour, je ne pensais plus qu’à lui ou presque. En me levant, en me couchant, en marchant, en travaillant, en bâillant pendant les cours de Sortilèges, le souvenir me suivait partout, m’accompagnait dans le moindre de mes déplacements, de mes gestes ou de mes pensées, et son sourire me hantait littéralement.
Ce n’était pas un cauchemar. C’était un très beau rêve. Le genre de rêve douloureux quand il disparaît.
Triche par Télépathie by Mak
Author's Notes:
Hello guys ! Grâce à vous cette fiction a dépassé les 300 reviews et les 12000 lectures. Ça fait plaisir de voir que les gens aiment ce que j'écris ! Surtout ne vous arrêtez pas, vous êtes supers :)
La rentrée.
Tout le monde est là, prêt à reprendre les cours. Enfin, peut-être pas tous prêts. Et peut-être même personne. Dans la Grande Salle, ce matin, on dirait que les élèves ont passé la nuit à faire la fête vu les tronches qu’ils tirent. Moi, habituée que je suis à me lever tôt (quelle bonne blague), je sirote tranquillement mon café habituel en regardant mes deux amies. Elles ont les yeux cernés et ont l’air de revenir d’un enterrement. Je souris, et dans un geste malheureux de la part d’une personne qui n’est pas tout à fait en forme, je me renverse du café sur ma chemise.
« Pas douée. »
– Miss T-shirt mouillée ! s’écrie Freddy Kreeps, mort de rire, quelques tables plus loin.
Il se calme bien vite quand il intercepte le regard choqué de la prof d’Arithmancie. Quant à moi, je me dépêche de me lancer un discret Evanesco avant que quiconque ait eu le temps de tourner la tête vers moi.
– On commence par quoi, déjà ? demande mollement Roxanne en finissant de tartiner un napperon avec de la confiture.
– De l’Arithmancie, répond Judith en regardant Roxanne commencer à mordiller sa serviette, sans état d’âme.
– Roxanne, tu manges une serviette, je lui signale.
Prise de pitié, je lui tends mon propre toast. J’entends un ricanement à deux places de moi.
– Alors Enderson, on fait la charité ? Et moi qui croyais que tu étais sans-cœur.
« Ça dépend de ce qu’il veut dire par « sans-cœur » ».
– Détrompe-toi, mon p’tit Jimmy, il m’arrive d’être sympa avec les gens qui ont un minimum de cervelle dans le crâne, je réplique.
– L’intelligence c’est quoi pour toi ? Avoir de meilleures notes que les autres ?
– Simplement ne pas avoir un QI d’huître. Ce qui est manifestement ton cas, et j’en suis désolée.
– On parie que l’huître se débrouillera mieux que toi à l’évaluation de Défenses Contre les Forces du Mal avancées tout à l’heure ?
Mince ! J’avais complètement oublié ce contrôle stupide sur nos capacités que Pendleton nous a donné ! Mais je ne peux pas me laisser marcher dessus comme ça.
– Pari tenu.
Il me lance un sourire de vainqueur, puis se retourne vers Arthur Wright qui me fixait depuis un moment. Ou peut-être fixait-il Judith, assise juste à côté de moi.
Je suis dans la mouise. Potter a dû se faire entraîner par le chef des Aurors en personne, j’ai nommé son père le grand Harry Potter, et moi je n’ai rien fichu pendant les vacances pour me préparer.
« Tu t’es échappée d’une école aux défenses non négligeables, tu as fait face à un Détraqueur, tu as riposté face audit Harry Potter et tu as réussi à t’en échapper… » énumère Gondul. « Que veux-tu de plus ? »
Euh… Ton aide ?
« Hors de question. Je ne me mêlerai pas de tes petites affaires avec ce garçon arrogant. Je ne vois même pas pourquoi tu prends la peine de lui répondre. »
Alors tu veux vraiment que je perde mon pari contre lui ? Que je me rétame face à un type comme James Potter ?
« Je te fais confiance pour l’écraser dans l’humiliation. Un misérable petit sorcier face à une majestueuse Valkyrie, il n’y a aucune raison de parier sur le vainqueur puisqu’on sait déjà de qui il s’agit ».
Euh… ouais… Pour ‘majestueuse’, on repassera.
– Hé, Ginger, fait une voix douce derrière moi.
Je me retourne et fais face à Albus. Ses yeux verts trahissent son état d’âme : il a quelque chose à me dire.
– Coucou Al’, je réponds en me levant et en lui prenant la main.
Il me sourit et m’entraîne juste à la sortie de la Grande Salle, derrière une statue de Godric Gryffondor.
– Pourquoi tu t’es échappée comme ça de la maison ? me demande-t-il finalement.
Je le regarde droit dans les yeux, et j’ai l’impression d’apercevoir une lueur que je n’avais jamais remarquée dans son regard. Une lueur qui avant n’était réservée qu’à Lucy Ackerley. Ça ne va pas, ça ne va pas du tout. Je dois passer à la phase 2 de mon plan au plus tôt.
– J’ai vécu des choses… difficiles. Et après tout ça, je ne pouvais pas supporter d’être tenue en captivité.
– Dis-moi, insiste-t-il. Que s’est-il passé ?
– Je ne peux pas te le dire, je soupire.
Il me lance un regard étonné.
– Ce que j’ai vu ne regarde que moi. Moi, et moi seule. Je n’en ai même pas parlé à Judith et à Roxanne. Et je ne compte pas le faire.
« Tant mieux. »
Tu ne pourrais pas t’en aller pendant ces moments… intimes ?
« Ce n’est même pas ton compagnon, et de toute façon tu ne l’aimes pas. D’ailleurs, tu n’aimeras jamais personne, alors… »
Tu radotes, ma vieille. Et franchement, « compagnon » ? Au XXIe siècle, on dit « petit-ami ».
Gondul claque sa langue contre son palais, énervée.
– Bon, bah... marmonne Albus, interrompant ma conversation mentale avec l’Horcruxe. On se voit plus tard.
– Ouais. A plus.
Je le regarde s’éloigner, puis retourne à ma place pour prendre mon sac de cours et rejoindre les cachots.
OoOoO
Arithmancie ! Cette bonne vieille Vector nous dispose de façon à ce qu’il n’y ait qu’un élève par table. Oh non. Je pressens le pire…
– Contrôle surprise aujourd'hui !
– Mais m’dame ! s’exclame Selwyn, un Serdaigle, indigné. C’est la rentrée !
– Justement, vous avez eu toutes vos vacances pour vous reposer et pour réviser ! lui répond le professeur Vector, joviale.
Les profs pensent qu’en vacances, nous passons notre temps à dormir et à travailler. C’est faux ! Nous passons notre temps à dormir et à …glander.
– Vous allez devoir réétablir, de mémoire, un théorème que nous avons étudié en début d’année… Le théorème et sa démonstration de Kalmera !
Je laisse ma tête tomber sur la table. Evidemment, c’est la démonstration la plus longue, la plus compliquée, demandant le plus de connaissances, et la moins facile à retenir.
– Silence ! Vous commencez maintenant. Comme vous ne vous en souvenez peut-être plus, vous avez une demi-heure. Ensuite, nous ferons du cours. Allez ! finit-elle en tapant dans ses mains, l’air ravi.
Sadique.
Je ne me souviens quasiment plus de ce théorème. Ca faisait appel à des algorithmes… Et peut-être aussi à des équations magiférentielles… Mais je n’en suis même pas sûre. Oh, là, là… Comment je vais faire ? Bon. Du calme. Faisons déjà un truc utile : sortir mes affaires.
Une fois tous mes stylos et plumes alignés par ordre de taille sur ma table, je commence à me dire qu’il faudrait que je me mette à l’écriture dudit théorème.
Quels sont les autres théorèmes dont j’ai besoin ? Oh, je vais encore me taper une sale note…
« Tu veux l’énoncé du théorème ? ‘Un carré est magiflou si et seulement si ses côtés ne peuvent être mesurés que par une baguette.’ Tu utilises d’abord les logarithmes, puis une inéquation et une équation magiférentielle, et enfin tu introduis le théorème de Potobo. ».
Je suis abasourdie. Comment sait-elle tout ça ?
« Je te signale que j’étais vivante à l’époque où ce théorème a été rédigé pour la première fois. Allez, presse-toi. Tu ne peux pas te permettre de perdre davantage de temps. »
Tu… m’aides vraiment ?
« Eh bien oui ! Je ne vais pas te laisser comme une misérable ! »
Toujours aussi ébahie, je commence à rédiger l’énoncé du théorème. Ok. Et après ?
« Tu n’as vraiment aucun souvenir ? Bon… Commence par mettre en rapport les angles intérieurs du carré et les logarithmes. »
Petit à petit, tout me revient. Bon, je dois dire que le fait d’avoir une personne derrière moi pour me souffler toutes les réponses n’y est pas pour rien. Sans elle, je n’aurais pas écrit une ligne, c’était certain !
Je suis ses conseils. Ma démonstration prend forme, et, au bout de vingt minutes, je pose la pointe de ma plume sur le parchemin pour faire un beau point final. Hourrah !
Merci, Gondul.
« Je t’en prie. Je ne rends service qu’à moi-même, après tout. »
Tu ne veux pas te rendre service à toi-même pour mon évaluation de DCFM avancées tout à l’heure ?
« Je t’ai dit que non. Ce problème est celui de Ginger, pas de Gondul, alors débrouille-toi toute seule. »
Je lève la tête. Les autres galèrent. Tant pis pour eux. Ils n’avaient qu’à avoir un Horcruxe sous la main. Roxanne est bien pâle et écrit à toute allure ; elle a l’air de s’en sortir plutôt bien vu le nombre de lignes qu’elle a écrit, elle doit en être à la fin de la démonstration. En revanche, Judith n’a écrit que trois lignes et regarde sa copie d’un air désespéré, la tête dans les mains.
– Et le temps est… écoulé ! s’écrie Vector.
Les élèves commencent mollement à former une procession arrivant au bureau pour déposer leur parchemin sur la table du professeur. Je pose le mien, contente d’avoir bien réussi, et retourne à ma place pour ranger mes affaires en vitesse. Je m’installe alors près de Judith : elle s’inquiète souvent de ses notes, et elle a besoin de quelqu’un pour la consoler.
– Ça va, toi ? me demande-t-elle, le regard triste.
– Euh… J’ai fait n’importe quoi, je mens. Je sais pas ce que ça donnera.
« Ca donnera un Optimal. »
Oh, toi, la ferme. C’est pas vraiment le moment.
Judith soupire.
– J’ai totalement raté… Je vais encore me payer une mauvaise note…
– T’en fais pas, c’est juste UNE note. On t’aidera pour les prochains devoirs. Et je suis sûre que toute la classe a foiré. C’était vraiment dégueulasse de nous mettre un contrôle pour notre premier cours de l’année !
– Grave. Je déteste cette prof.
Et, pour appuyer ses dires, elle lance un regard noir à Vector. Maintenant, elle est beaucoup moins déprimée. Je souris, satisfaite.
– Aujourd’hui, nous allons étudier l’arithmancien Young ! annonce Vector sans préambule. Ouvrez vos livres page 54.
Gondul marmonne quelque chose de peu élogieux sur « ce crétin de Young » et flotte hors de la salle.
Je ne peux pas lui en vouloir de m’avoir abandonnée pendant cette demi-heure. On ne dirait pas comme ça, mais une demi-heure, ça peut être vraiment mortel. Dans le mauvais sens du terme, malheureusement. Puis suivent, à la vitesse de l’éclair, les cours de Métamorphoses et de Botanique – après tout, Smith et Londubat sont mes professeurs préférés… Puis l’Histoire de la Magie. Comme je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit, j’en profite pour rattraper du sommeil.
Après le déjeuner, avec Judith et Roxanne, nous nous levons de table et faisons un tour dans le château, discutant sans faire attention à l’itinéraire que nous empruntons. C’est une habitude que nous avons prise en deuxième année, alors que nous pensions finalement possible de s’y retrouver dans les dédales de couloirs du château. De cette façon, nous avons découvert pas mal de salles cachées et autres passages secrets.
Bon, d’accord, on a trouvé trois passages secrets. Dont un cul-de-sac. Mais on espère toujours en trouver d’autres…
Bref, nous nous baladons donc dans une partie du château que nous connaissons par cœur, et Roxanne et moi laissons Judith gérer la conversation :
– Et j’hésitais à sortir avec lui, parce que bon, quand même, on ne se connaissait que depuis deux jours, et on ne se reverrait plus après les vacances, du coup ce serait assez vain comme relation, vous comprenez ?
Nous hochons la tête. Un Norvégien rencontré sur place pendant les vacances lui avait fait des avances. Roxanne était très attentive, mais je dois avouer que je l’étais moins. Je pensais plutôt à toutes ces histoires de Valkyries. Dire que j’en faisais partie et qu’au lieu de me battre vaillamment dans la neige et de faire des massacres plein de sangs, je discutais d’histoires de cœur dans les couloirs d’un collège. Y a pas à dire : je gagnais au change. J’étais bien plus tranquille ici !
– Finalement, il était mignon et avait l’air gentil, et puis il me faisait un peu pitié…
– T’es méchante, le pauvre, je l’interromps en éclatant de rire.
– Bref ! s’exclame Judith. Finalement j’ai accepté de sortir avec lui, mais au bout de deux jours j’en pouvais plus. Il était collant… et lourd, mais à un point, vous n’imaginez pas !
– C’est passionnant, commente platement une voix froide derrière nous.
Nous faisons volte-face. Oh, non, pas elle…
– T’as passé de bonnes vacances, Virtanen ? je lance négligemment en essayant de ne pas avoir l’air nerveuse.
– C’était génial, Rouquine, surtout parce que j’étais loin de toi, rétorque-t-elle, déclenchant les ricanements de ses camarades Serpentards.
« C’est qui celle-là ? »
Tiens, une revenante !
« Pas de sarcasme, s’il-te-plaît », réplique Gondul en marchant devant moi et en se plaçant devant Hedvig et ses fades amis de Serpentard qui l’accompagnent.
Sans que je comprenne pourquoi, mes pensées me guident vers la soirée où je suis passée aux Cuisines. J’y avais rencontré les jumelles Jones…
Je sens brusquement que ma magie est utilisée. Oh, elle ne va pas recommencer, je lui avais interdit de se servir de moi ! Furieuse qu’elle me désobéisse, je fais un exercice que je n’avais pas fait depuis longtemps : retenir mon âme avec moi. Cependant, me rappelant à quoi cela m’avait conduit la dernière fois, je n’y mets pas toute mon énergie.
« Cette fille est une legilimens, je te signale », me prévient Gondul. « Tu as réagi comme je l’espérais. Reste ainsi, et elle ne pourra pas lire en toi. Elle était sur le point de se rendre compte que tu savais qu’elle était Tove et qu’elle avait un casier judiciaire dans son pays. »
Ah, euh… Bah merci.
« Mais je t’en prie. Sache-le, c’est comme ça que l’on fait l’occlumancie. En tout cas c’est une méthode pratique pour les gens possédant un Horcruxe. »
En face, Hedvig fronce les sourcils.
Hin-hin. Bien fait pour ta face, veracrasse.
– Un problème ? je demande d’une voix doucereuse. Vous êtes perdus ?
Ils prennent tous un air hautain, et me lancent un regard noir avant de reprendre leur marche et de nous dépasser. J’ai juste le temps, seule, d’entendre le souffle glacé de Hedvig Virtanen me murmurer :
– Moi, non. Toi, peut-être.
« C’est cela, oui », rétorque Gondul en la regardant s’en aller. « Elle adore jouer aux actrices, cette fillette. »
Cause toujours. Moi, je me méfie d’elle. Un frisson me parcourt les épaules, et pas à cause du froid.
« Tu n’as aucune raison d’avoir peur, voyons. Un peu de sérieux ! »
Mouais, si tu le dis… En attendant, je continuerai de rester sur mes gardes.
– Je l’aime pas, cette fille, dit Judith d’une voix blanche en jetant un coup d’œil inquiet derrière elle.
– Et moi donc !
– J’adore le tour de cette conversation, mais en fait, là, c’est bientôt l’heure, signale Roxanne. On a Sortilèges. Faudrait y aller.
Nous acquiesçons et toutes trois descendons de quelques étages, remontons deux volées d’escaliers et enchaînons d’immenses couloirs. Nous arrivons finalement devant notre salle de cours, juste au moment où tout le monde entre.
OoOoO
Une heure plus tard, le cours de Sortilèges prend fin et je suis la dernière à sortir de la salle. Même Flitwick n’arrivait pas à me débarrasser de la forme de pelle à tarte que mes pieds avaient pris ! Il a cependant finit par trouver une solution et j’ai dû courir pour me rendre à temps à mon cours de Défenses contre les Forces du Mal.
Je m’assois seule, juste derrière Roxanne et Judith. La salle se remplit vite, mais il ne reste plus qu’une place vacante, et c’est celle à côté de moi. Pourtant, cette salle de classe devrait être pleine : c’est donc qu’il manque encore un élève.
La porte s’ouvre et tout le monde tourne la tête vers le retardataire.
C’était quoi, le pourcentage de chance pour qu’il s’agisse de Potter et pour que la place libre soit exactement celle à côté de moi ?
Hum, en fait, je réalise que ça doit être assez élevé. Compte tenu du fait que seules Judith et Roxanne acceptent de s’asseoir à côté de moi en cours (et encore, pas tous), et que Potter adore embêter les petits Serpentards pendant les intercours, ce qui le met souvent en retard.
– Désolé, marmonne-t-il au professeur Pendleton qui le fixe d’un air menaçant.
Il file s’asseoir à côté de moi, sans remarquer l’identité de sa voisine, sort rapidement ses affaires, et tourne la tête vers moi. Il écarquille ses yeux, puis les ferme douloureusement et se prend la tête entre les mains.
Pauvre martyr. Je vis la même chose.
Je repense à son visage très près du mien, à ses yeux bleu-marron hypnotisants qui me dévoraient du regard, quand nous étions chez lui. Je réprime vite ce souvenir et essaie de l’enterrer à côté de celui où nous avions fait ensemble une retenue sympathique à récurer des bassines remplies de vomi de Scroutt.
« Vous êtes ridicules, tous les deux », me dit Gondul, assise sur le bureau du professeur qui fixe deux élèves en train de parler. « A prétendre que vous vous détestez. »
Mais on se déteste ! Je ne peux pas supporter cet abruti ! Et lui non plus. Qu’est-ce que tu vas t’imaginer ? Il a dû fumer un truc le jour où il a tenté de me réveiller en m’embrassant, c’est tout. Croire aux contes de fées… N’importe quoi.
Gondul hausse les épaules, indifférente à mon irritation.
Les deux derniers élèves qui discutaient se taisent quand ils remarquent le silence régnant dans la classe. Ils se tournent vers le professeur Pendleton, et quand ils croisent son regard indescriptible fixé sur eux, ils semblent rapetisser à vue d’œil. Pendleton attend encore quelques instants, puis il se redresse et commence à marcher sur l’estrade sur laquelle se trouve son bureau.
– J’espère que vous avez bien appris vos leçons, commence-t-il.
Ma théorie : la moitié des profs de Poudlard ont conspiré pour nous mettre des contrôles dans la première journée de cours de l’année juste pour nous pourrir la vie et nous déprimer. Bon, je vous l’accorde, ils n’ont été que deux à nous faire subir ça. Mais quand même !
A côté de moi, Potter a enfin retrouvé le sourire. Je connais quelqu’un qui a bien travaillé ses cours de DCFM pendant les vacances. Cool ! Je vais pouvoir copier.
« N’y pense même pas. »
Quoi ? Mais attends mais là, j’ai une bonne note servie sur un plateau d’argent.
« Et moi qui pensais que les Gryffondors étaient loyaux et honnêtes. Peut-être as-tu du sang Serpentard dans les veines, finalement. »
Avant que je n’aie le temps de m’offusquer, Pendleton reprend la parole :
– Ecoutez-moi bien, je ne vais pas répéter deux fois. Je vais vous donner un contrôle maintenant, et je vais me placer dans la pièce à côté. Je vous appellerai à tour de rôle et vous devrez affronter la créature que j’enverrai sur vous.
Gulp.
– Quand vous l’aurez combattue… ou pas, vous vous assiérez au fond de l’autre pièce et continuerez votre contrôle, termine-t-il en faisant voler une copie de contrôle devant chaque élève.
– Mais comment allez-vous faire pour nous surveiller dans les deux salles en même temps ? demande Barbara Hobbers en retournant sa copie.
Pendleton lui lance un regard glacial, puis dégaine sa baguette et l’agite négligemment. Aussitôt, son corps se dédouble – et la classe se retrouve face à DEUX professeurs Pendleton.
Ohmondieu. C’est pire que dans mes pires cauchemars.
« Enfantin », soupire Gondul en regardant les deux profs d’un air blasé. « C’est juste de l’esbroufe. »
Mais comment il a fait ça ?
« Il ne fait que vous impressionner. Et le plus triste, c’est que ça marche », ajoute-t-elle en jetant un regard circulaire très méprisant à la classe ébahie et limite terrorisée. « Sortilège du Miroir. C’est une illusion d’optique, il n’y a qu’une seule personne en face de vous. »
L’un des professeurs sonde les élèves du regard tandis que l’autre se déplace vers la porte et dit :
– Je vous appellerai les uns après les autres. Wright, vous commencez.
Wright se lève en tremblant et disparaît dans la salle attenante. Bon, alors, ma chère Gondul, comment tu m’expliques que les deux professeurs sont capables de faire des gestes différents ? Ce n’est pas un simple sortilège du Miroir.
Elle lève les yeux au ciel. « J’aurai beaucoup à t’apprendre, décidément. En effet, ce n’est pas un simple sortilège du Miroir, ce sont plusieurs simples sortilèges du miroirs, qui, combinés, permettent de faire se mouvoir l’illusion – ou de la garder immobile – comme on le souhaite. Rien de compliqué. »
Euh… ouais. Bien sûr. Rien de compliqué.
Je retourne ma copie de contrôle. Je réponds rapidement aux cinq premières questions – pas très difficiles – mais bloque à la définition du loup-garou. Je suis certaine qu’il manque un élément pour que ma réponse soit complète. Mince. Qu’est-ce que c’est ?
« Pleine lune », murmure Gondul.
Tiens, tiens. On m’aide à tricher ?
« Non, je m’aide à tricher. Allez, copie. Question suivante, la réponse est ‘sang de crapaud et bave de serpent. »
Euh, c’est pas l’inverse ? Bave de crapaud et sang de serpent ?
« Non, non. Les sorciers ont tendance à confondre. Fais-moi confiance et marque ce que je t’ai dit. »
Bon, bon, pas la peine de s’énerver…
J’écris donc sous sa dictée pendant une bonne heure et demi. Et arrêtez de faire cette tête, ce n’est pas de la triche ! Je m’aide moi-même, c’est tout. Décidément, avoir un Horcruxe apporte pas mal d’avantages. Pendant ce temps, un par un, le prof appelle les élèves dans l’ordre inverse de l’ordre alphabétique.
– Enderson, à vous, retentit la voix de Pendleton depuis l’autre salle.
Je me lève, attrape ma plume, mon encrier et ma copie et passe dans la pièce à côté, baguette en main. Barbara Hobbers, qui vient de passer, rejoint une place, tremblante de peur et le front couvert de sueur. Ouh-là. Qu’est-ce qu’il se trouve de l’autre côté ?
– J’attends beaucoup de vous, en tant qu’élève des cours supplémentaires que vous suivez, Miss Enderson, dit le professeur d’une voix froide en guise d’accueil.
Il pose une main sur la poignée d’un placard placé derrière lui et me dévisage. Je n’aime pas beaucoup ça…
– La créature est à l’intérieur. Vous devez la renvoyer dans le placard. Allez-y.
Il ouvre la porte, et une forte lumière sort du placard. Je prends quelques secondes pour habituer ma vue, puis ouvre les yeux.
Juste à mes pieds, étendu sur une couche de neige, se trouve un corps ensanglanté de femme. Ses cheveux sont rabattus sur son visage, mais je la reconnais immédiatement : il s’agit de Kara, comme dans mon rêve. Je ressens une fois de plus comme un coup de poignard dans le cœur. Gondul fait un pas en arrière, horrifiée, pâle comme la mort, sans dire un mot.
J’arrive à voir cela avec une certaine distance, parce que techniquement, moi, Ginger Enderson, je n’ai jamais rencontré la valkyrie-cygne. Je comprends donc très vite ce qu’il se passe et réagis :
– Riddikulus !
Le corps est soulevé dans les airs et commence un ballet gracieux, qui se termine dans le placard que je ferme d’un coup de baguette magique. Je tourne la tête vers Pendleton, qui me regarde d’un air ébahi. Il change cependant bien vite son expression et je me demande si j’ai imaginé cet air surpris sur son visage.
– Qu’est-ce que… Qui était-ce ? me demande-t-il d’un air désintéressé.
Compte sur moi pour te le dire, mon vieux.
– Une victime d’un film d’horreur moldu, je réponds en haussant les épaules, le visage impassible.
Il tique au mot « film » mais ne pose pas de question. Je présume qu’il ne sait même pas de quoi il s’agit.
Je m’installe à une table dans la pièce et surprends les regards étonnés de quelques autres élèves qui ont levé la tête pendant que je combattais l’épouvantard. Je me mets à suçoter le bout de ma plume, incarnation de la réflexion, sans lâcher du regard l’Horcruxe qui reste debout, complètement raide, le regard fixé sur le placard.
Gondul… Ça va ?
« Ça va », murmure-t-elle. « Je ne m’y ferai jamais ».
Je termine rapidement les dernières questions du test, sans son aide – de toute façon, elles étaient très faciles – et attends la fin du cours, qui annonce le début du suivant avec le même professeur : le cours avancé de DCFM.
Et donc mon défi contre Potter.
Zut.
Evaluation Explosive by Mak
– Prête à morfler ?
– C’est moi qui devrais te poser la question.
Potter me lance un ultime regard moqueur puis se concentre sur Pendleton, alors que la porte de la salle de classe vient de s’ouvrir sur les jumelles Jones, les joues rosies par le froid du dehors. Qu’est-ce qu’elles fabriquaient hors du château ? Peut-être vaut-il mieux ne pas savoir.
– Pour l’évaluation, commence le prof sans ambages, vous allez passer en duel singulier, puis double.
– Double ? interroge Philip Downs.
– Deux contre deux. Vous apprendrez à attaquer à plusieurs de cette façon. Evidemment, vous ne serez pas avec l’autre élève de votre maison.
Les jumelles lèvent automatiquement la main en même temps.
– Oui ?
– On ne pourrait pas être ensemble pour les doubles ? demande Claudia.
– On se connaît par cœur, renchérit Emma.
– Un affrontement serait inutile, poursuit Claudia.
– Très bien, les interrompt Pendleton. Vous serez donc ensemble. Je vais organiser des poules, et à la fin de chaque match, nous ferons des remarques constructives sur votre façon de vous battre. Pour commencer, Enderson et Champrun.
La blonde Poufsouffle se lève de sa chaise, l’air vaguement menaçant. Je retiens un rire et me place face à elle.
– Commencez.
OoOoO
« Gondul, j’ai honte de toi. »
Pas la peine d’en rajouter. Je suis déjà assez mal à l’aise comme ça. Visiblement, la Poupouf s’est bien entraînée pendant les vacances. En tout cas, elle m’a fait manger la poussière en bonne et due forme. Pour ma part, j’espère qu’elle va longtemps se trimballer son œil au beurre noir dans Poudlard. Ca lui fera les pieds.
Sincèrement, Angèle Champrun sait bien se battre. Elle manie les sorts avec aisance. Elle n’est pas d’un naturel belliqueux, mais quand il faut se défendre, elle a plus d’un tour dans son sac. Elle maîtrise les Informulés à la perfection, et, surtout, sa façon de penser est remarquablement différente de celle du commun des mortels. Ses associations d’idées pour passer d’un sort à un autre sont super bizarres. Ce que je veux dire, c’est que quand on est à fond dans un combat, on ne réfléchit presque pas, tout simplement parce qu’on ne peut pas dire à l’adversaire : « Une minute, je cherche ce que je vais t’envoyer dans la face ». On passe de façon automatique d’un sort à un autre ; par exemple, si votre adversaire s’essaye à un sortilège d’Aguamenti, vous êtes pratiquement sûr de vous prendre des flammes dans la tête très peu de temps après. Pourtant, après l’Aguamenti de Champrun, j’ai reçu un sortilège de Jambencoton auquel je ne m’attendais pas du tout.
– Alors, dit Pendleton, que pouvez-vous dire de leur façon de se battre ? Potter, interroge-t-il.
– Enderson ne réagit pas très vite, annonce-t-il avec un immense sourire.
Le mot « imbécile » lui brûle les lèvres. Crétin congénital.
– Elle ne sait pas s’adapter aux sorts des autres, dit Emma.
– Ou peut-être qu’elle ne s’adapte pas assez vite, concède Claudia.
– Elle ne lance pas souvent de sortilèges de Bouclier, remarque Philip Downs.
– Par contre, elle a un bon jeu de jambes et elle esquive bien, note Gilbert Hoover.
Hourra ! Quelqu’un qui m’aime bien !
– Et personne n’a rien à dire sur Champrun ? demande Pendleton.
Blanc. Il pousse un gros soupir.
– Bieeeen… Ce que vous pouvez être bornés ! Champrun ne se déplace pas assez, ne cherche jamais à esquiver, et ne fait qu’attaquer. Ce qui sont trois gros points faibles, Champrun. Il faudra arranger ça.
Inutile de dire que si Champrun ne se déplace ni n’esquive, c’est parce qu’elle porte des talons. Et qu’elle n’utilise pas de sortilèges de défense parce qu’elle a dû lire dans « Sorcière Hebdo » que ce genre de sorts pouvait abîmer le maquillage. Comment je suis au courant ? Je suis tombée sur le magazine en question aux toilettes du Dortoir des Gryffondors et je n’avais rien de mieux sous la main, c’est tout. N’allez pas croire que je suis accro aux âneries écrites dans ce torchon.
Ensuite, je me bats contre trois autres élèves – Philip Downs, Erik Gongs et Gilbert Hoover, mais je ne triomphe que de Downs et de Hoover… Pas du mystérieux Gongs qui est vraiment super doué – et plus tard, je m’amuse bien à critiquer Potter quand il passe à son tour sur le grill. Je ne me suis pas encore battue en simple contre lui ; mais notre pari tient toujours si nous nous affrontons en double. Je suis mise avec Erik Gongs, Philip Downs est avec Angèle Champrun, et Potter forme un duo avec Gilbert Hoover. Faute de temps, nous ne pouvons pas nous battre contre tout le monde, et, pour Erik et moi, il est décidé que nous ne nous battrons que contre les jumelles et le groupe de Potter.
Hahaha. Je vais lui latter la tronche.
Visiblement, la même pensée vient de passer dans le petit pois qui lui tient lieu de cerveau.
Nous commençons par les jumelles. Eh bien, la défaite a été cuisante. La façon de se battre d’Erik est très souple, et il s’adaptait sans problème à mes mouvements. On aurait dit qu’il avait été formé pour se battre aux côtés d’autres sorciers. Mais face aux Jumelles, à leurs mouvements coordonnés et leurs changements de stratégie toujours synchronisés sans qu’elles n’aient à en parler… Nous ne faisions clairement pas le poids.
– On n’aurait pas pu les battre, souffle Erik, et pour la première fois j’entends sa voix ; une voix très douce, et relativement aiguë pour un garçon. Les jumeaux sorciers ont un lien magique entre leurs cerveaux qui fait qu’ils peuvent se parler par la pensée.
Hum hum, ça me rappelle quelque chose.
« A moi aussi, comme c’est curieux et bizarre, et quelle coïncidence…»
Tandis que les jumelles partent avec un grand sourire vers leurs prochains adversaires – Philip et Angèle – Potter et Hoover se dirigent vers nous. Gilbert arbore toujours son air très professionnel ; quant à l’autre idiot, il me sourit, hautain.
– Gongs, je dois te demander une faveur, je marmonne tout en lançant un regard meurtrier au crétin en face de moi.
– Hmm?
– Fais tout ce que tu peux pour qu’on ne perde pas ce match.
Il rougit.
– Euh, j’ai fait de mon mieux aussi tout à l’heure pour qu’on gagne contre les jumelles…
Je lève les yeux au ciel.
– Il FAUT qu’on gagne ce match, d’accord ?
– D’accord, d’accord… souffle Erik.
Parce que Gongs est la seule personne qui est d’accord pour m’aider. N’est-ce pas ?
« Je t’ai dit que je ne changerais pas d’avis, ça ne sert à rien d’essayer de m’émouvoir. »
Hmph !
– Allez-y, dit Pendleton.
Je commence par lancer un gigantesque sortilège du bouclier pour repousser les attaques très rapides de nos adversaires. La seconde d’après, je fais un bond de côté pour éviter un sortilège de Jambencoton tandis que Gongs recule de trois pas pour éviter un sort de Hoover. On dirait que ça va se jouer en un contre un, finalement… Avec Potter, nous enchaînons les sorts sans discontinuer. J’arrive à l’atteindre avec un sortilège de Beigne – ma création, ma fierté – et lui me lance un Tarentallegra. Je ne peux plus empêcher mes jambes de danser et ne contrôle plus mes mouvements.
« Tu aurais pu l’éviter, celui-ci… »
Ignorant superbement ce commentaire superflu, j’implore du regard Gongs, qui tourne la tête juste à ce moment-là et me lance un simple Finite Incantatem. Je me charge de le protéger d’un Expelliarmus bien placé auquel Hoover ne s’attendait pas, puisqu’il tentait d’attaquer Gongs ; celui-ci vient de créer une barrière magique entre Potter et nous, arrêtant son Aguamenti ; et sitôt le bouclier disparu, nous lançons en chœur un Expelliarmus tellement puissant qu’il fait tomber Potter en plus de lui faire lâcher sa baguette.
Je fais un immense sourire à Potter et celui-ci me foudroie du regard. Il n’a pas l’air malin, avec son œil au beurre noir. Je vous ai déjà dit combien j’aimais le sortilège de Beigne ?
A ce point précis de mes réflexions, j’entends une immense explosion et Hoover, Potter, Gongs et moi nous retournons en même temps. Les jumelles sortent d’un énorme nuage de fumée, couvertes de suie, souriant de toutes leurs dents ; bientôt, la fumée se dissipe et je peux distinctement apercevoir les baguettes de leurs adversaires dans leurs mains. Philip fixe le vide, ébahi par cette attaque imprévue et assez surprenante, et Champrun, effondrée par terre, a l’air d’avoir envie de commettre un double-meurtre.
– Bien, dit Pendleton, pas le moins décontenancé du monde, en se lançant un sortilège que je ne connais pas pour nettoyer ses vêtements quelque peu abîmés par l’explosion.
« C’est un Essuie-suie », signale Gondul. « Pratique mais peu connu ».
Sans doute parce que les gens n’ont pas souvent l’habitude de se voir recouverts de suie par surprise.
– Intéressant, ce sortilège, reprend Pendleton en éteignant une flammèche sur son bureau. Vous l’avez inventé vous-même ?
– Oui, dit Emma en faisant un énorme sourire.
– En deuxième année, affirme Claudia.
– Très pratique, ajoute Emma.
Quelques minutes après, nous sommes libérés. Emma et Claudia, comme d’habitude, filent vers un nouveau rendez-vous anonyme. Champrun s’exclame qu’elle doit ab-so-lu-ment prendre une douche, que toute cette poussière est tout bonnement in-sup-por-ta-ble.
– Pau-vre-de-toi, ai-je scandé d’un air désolé.
Si les regards pouvaient tuer à distance, alors je serais sans doute morte. Et ressuscitée juste après, cela va sans dire. C’est tellement rassurant d’être une Valkyrie, parfois.
-X-X-
–Belle journée, hein ?
– Mer-veil-leux, me répondit mollement Cathy.
Elle s’étala sur son lit et ferma un instant les yeux, épuisée. Voyant qu’elle désirait se reposer, je sortis le livre que j’avais reçu à mon anniversaire et décidai d’apprendre quelques sorts. Kalevala vint de s’installer sur mes genoux alors que je m’arrêtais de feuilleter le livre, les pages ouvertes à un enchantement intéressant.
Essayons celui-ci : le sortilège d’Illusion. Je marmonnai les mots écrits sur le livre tout en agitant ma baguette. L’un des marque-pages posés sur mon bureau se transforma aussitôt en souris grise et immobile. Kalevala se jeta dessus, toutes griffes dehors, et la pauvre bête – la souris, pas mon chat – explosa en une myriade de morceaux de papiers. Le chaton miaula.
– Sale bête, murmura Cathy.
– Ne dis pas ça de mon chat. Et je te signale que c’est toi qui me l’as offert.
– Ce que je regrette davantage chaque jour.
Je me retournai vers mon livre. Le sortilège d’Illusion était en fait un sort permettant de transformer l’apparence d’un objet, mais pas sa nature. Le marque-pages était donc resté marque-pages, mais Kalevala et moi avions vraiment cru qu’il s’agissait d’une souris. Pas mal. Je ferais mieux de le retenir, ça pourrait être utile.
La porte s’ouvrit d’un coup, la poignée claquant contre le mur, et la fille qui venait d’entrer s’écria :
– Devinez ce qui sera affiché dans moins d’une semaine dans le Hall d’Entrée ?
– Je ne sais pas, un poster du directeur en bikini ? répliqua Cathy sans réfléchir.
– Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il se passe ? demandai-je, gagnée par l’excitation de Violette, tout en me levant de la chaise de mon bureau.
Elle ferma les yeux, inspira lentement puis expira pour reprendre son souffle, et s’écria en rouvrant les yeux :
– Les résultats. Dès lundi prochain, à midi !
Cathy se redressa brusquement, soudain très pâle, et en même temps presque verte, les yeux écarquillés de terreur. Elle balbutia :
– Déjà la semaine prochaine ? Mais… je… je croyais que c’était plus tard, en mars ou quelque chose comme ça…
– Oui, mais cette année, ils ont décidé de faire vite, s’exclama Violette.
Cathy devint plus verte encore.
– Je… je vais aux toilettes.
Elle sauta de son lit et fila à la salle de bain attenante à notre chambre sans un regard pour Violette.
Moi aussi, à présent, je sentais le stress monter en moi. Il était certain que Violette avait réussi ses examens. Yune aussi : elle était très bonne dans toutes les matières. Mais Cathy et moi, nous l’avions bel et bien raté et n’étions pas pressées d’avoir nos résultats.
Il paraissait que les élèves de Poudlard passaient leurs BUSES en 5ème année. A Beauxbâtons, nous les passions en décembre de la 6ème année. D’habitude, nous les recevions environ une semaine et demi après la rentrée. Pas aussi tôt après les vacances ! C’était sans doute à cause des élèves de Poudlard qui venaient cette année passer deux semaines à Beauxbâtons. Il fallait virer quelques personnes pour pouvoir en intégrer d’autres.
Je m’explique. A Beauxbâtons, en décembre, tous les élèves passent des examens. A partir de la cinquième année, les meilleurs peuvent recevoir des cadeaux. Animaux magiques et objets rares, ou bêtes livres, bourses et voyages pour les vacances, mais, aussi, pour les tout premiers du classement, des stages. D’authentiques stages dans des endroits prestigieux pour des métiers qui ne le sont pas moins, qui commencent à la mi-janvier et s’achèvent à la mi-avril, juste avant les vacances de Pâques. Bref, chaque année, une quinzaine d’élèves quittent l’école pour quatre mois de découvertes.
Evidemment, moi, je ne pensais pas avoir quoi que ce soit comme cadeau. Je savais que Yune et Violette étaient bien parties pour avoir les meilleurs résultats. Mais moi-même, je n’étais pas très pressée d’être confrontée à mes notes.
Yune arriva en courant dans la chambre, un grand sourire aux lèvres.
– Vous avez entendu la nouvelle ? s’écria-t-elle, la voix aiguë d’émotion.
– Moi aussi, j’vais aux toilettes, marmonnai-je, me sentant nauséeuse.
OoOoO
– Sérieusement, Amélie. Tu les as réussis, pas vrai ?
– Ne sois pas lourd, André. Pour la cinquième fois, non, j’ai complètement raté mes examens.
André Béryl, assis en face de moi, fronça les sourcils tout en se servant des pommes duchesse. Cathy, qui d’habitude se jetait sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à des frites, n’en avait pratiquement pas pris, ce qui était en soi assez inquiétant. Elle avait toujours l’air vaguement… verte. En tout cas, André releva la tête, et, plongeant ses yeux dans les miens, il dit, d’un air presque catégorique :
– Bien. Maintenant, toute modestie mise à part, tu as réussi, non ?
Je soupirai. Désespérant comme ce garçon manquait de tact. Mais malgré cela, il était assez sympathique, donc je me retins de lui envoyer une baffe dans la figure. Je fis semblant de balayer la Salle à Manger du regard – mouvement que j’avais perfectionné au fil des années pour repérer Armand Béryl à l’insu de tous parmi les nombreuses tables – et recommençai à manger.
– Non, André. J’ai raté, R-A-T-E, épelai-je. Et je suis sérieuse. S’il te plaît, arrête de remuer le couteau dans la plaie, maintenant.
– Mais…
Ben, assis juste à sa droite, lui donna un petit coup de coude pas très discret et le regard qu’il lui lança le fit taire, avant qu’il ne s’exclame :
– Désolée Amélie ! J’avais pas réalisé, pardon…
Il se passa la main dans ses cheveux bruns, chose qu’il faisait quand il était gêné, tout en me fixant avec ses yeux dorés en attendant de connaître ma réaction. Je levai les yeux au ciel et marmonnai :
– Tu sais que je t’adore, Andros… Je ne peux pas t’en vouloir plus de deux minutes.
Il me fit un sourire éblouissant. Ben eut l’air content de lui.
– Alors, qu’est-ce que vous avez fait pendant les vacances ? demanda Yune.
Chacun parla à tour de rôle. Armand Béryl était situé à une dizaine de mètres de notre table, exactement derrière André. Si je me penchai légèrement sur le côté, j’avais une vue remarquable sur lui et les autres penseraient que je regardais André. Quand je sortis de ma rêverie, quelques minutes d’observation plus tard, je remarquai que celui-ci – André, le frère d’Armand – était tout rouge. Gênée, je détournai le regard et sentis mes joues se colorer également.
Ce qui était sans doute du plus bel effet avec les cheveux roux que j’arborais ce jour-là.
– Qui s’est inscrit pour recevoir les élèves de Poudlard ? demanda Violette.
– Hm ? C’est quoi, ça ?
– Tu sors de quelle planète, Amélie ? s’esclaffa Cathy. Faut bien que quelqu’un fasse visiter l’île de Beauxbâtons aux élèves de Poudlard. Un élève de Beauxbâtons s’occupe d’un élève de Poudlard, et vice-versa. On peut s’inscrire si on va à Poudlard.
– Mais personne n’a envie de se trimballer un Anglais pendant deux semaines, remarquai-je.
– Sauf si ça nous permet de nous rendre à volonté dans la Vielle Ville, objecta Ben.
– Sérieux ? m’écriai-je, ravie.
– Après, faut savoir parler anglais. Moi, je m’y suis inscrit et je n’en parle pas un mot. Ca va être drôle, je le sens.
Justement, j’étais pratiquement bilingue. Ok, mon accent n’était pas super, mais on pouvait parfaitement me comprendre. Le père de Violette et ma mère avaient connus nos parents respectifs en Angleterre et nous avaient appris la langue de Shakespeare quand nous étions jeunes. Devoir faire la visite guidée n’était pas particulièrement enchanteur, mais avoir accès libre à la Vieille Ville, c’était un cadeau. La Vieille Ville, ou Ville de Beauxbâtons, était l’unique ville sur l’île. Elle était très ancienne – on disait qu’elle datait du XVIème siècle – et certains de ses habitants n’avaient jamais vu la terre ferme. Vous l’ai-je déjà dit ? Beauxbâtons est une île volante. Si ça vous rappelle un long métrage japonais, ne pensez pas à un heureux hasard. Ce film a été inspiré de la légende de Laputa, introduite par Jonathan Swift dans son roman Les Voyages de Gulliver. Swift était un célèbre Cracmol, qui du point de vue d’un moldu possédait une imagination débordante, mais, pour un sorcier, n’était qu’un homme qui décrivait le quotidien des êtres magiques. L’idée de Laputa, l’île peuplée et volante, lui a été directement inspirée de notre île à nous de Beauxbâtons.
La Vieille Ville regorgeait de mystères, de petites ruelles sombres et de passages secrets, d’objets aux pouvoirs immenses et oubliés, de civilisations discrètes mais toujours existantes à travers certaines ruines laissées en état. Et je ne parlais même pas des parcs du XVIIème siècle qui fleurissaient partout, des boutiques de mode et des cafés autour de la Grande Place de la ville, et du fleuve suspendu qui coulait de part et d’autre de l’île pour se jeter au bord de celle-ci, arrosant de pluie les régions de France par-dessus lesquelles nous passions.
Quartier libre pour la Vieille Ville, en résumé, c’était carrément géniallissime.
– Où est-ce que je signe ? m’exclamai-je.
– Le panneau, dans le Hall d’entrée, me répondit Ben. Je crois qu’il reste encore quelques places.
J’engloutis mon dessert en moins d’une minute et filai au panneau en question pour inscrire mon nom. Je ne manquai pas, au passage, de jeter un coup d’œil discret à la table d’Armand Béryl. Il riait à gorge déployée, ses lèvres rouges découvrant son sourire merveilleux, ses yeux bleus brillants de joie. La fille assise en face d’elle souriait modestement, et je ressentis une pointe de jalousie avant de reconnaître Psyché Verdoré, une fille sympathique mais un peu distante avec qui je me serais bien entendue si elle n’était pas aussi détachée des autres. Il faudrait que je lui parle, un jour, pour que je puisse m’immiscer dans son groupe et parler avec Armand. Quelle bonne idée ! Il fallait que je la mette en œuvre d’ici peu. Oui, excellente idée. J’irais lui parler dès que possible.
-X-X-
La routine reprend son cours. Les insultes échangées avec Potter fusent gaiement, et j’en oublie presque ce baiser heureusement évité avec lui. Nous avons commencé les cours de Transplanage et la prof est venue me voir en personne pour me féliciter… de ma nullité. Elle dit qu’elle n’a jamais vu ça de sa carrière. C’était très délicat de sa part de me l’annoncer comme ça, devant tout le monde – devant Potter – haut et fort.
Gondul semble désespérée quand je passe des tests en classe et me souffle systématiquement toutes les bonnes réponses. En une semaine, je n’ai jamais récolté d’aussi bonnes notes. Par exemple, ce vendredi matin, les profs de Sortilèges et d’Histoire de la Magie doivent nous rendre nos devoirs faits la veille. On appelle Flitwick et Binns les Speedy Gonzalez de l’école. Ils corrigent toujours tout du jour au lendemain. Certains trouvent ça impressionnant, moi je trouve que c’est plutôt flippant.
En Sortilèges, j’ai toujours globalement eu des bonnes notes (des E et parfois quelques O) donc mon O est passé presque inaperçu. Flitwick a bien souligné comme mon devoir était bon, mais il a tendance à s’épancher sur les talents des élèves, donc personne n’y a fait particulièrement attention. Par contre, en cours d’Histoire de la Magie, mes notes ont toujours été au ras des pâquerettes, comme dit Roxanne : quand je n’avais pas un P, j’étais aux anges. Et là, c’est le choc pour toute la classe.
– Enderson, O, dit-il en me désignant ma copie sur son bureau.
Toutes les conversations s’éteignent, toutes les paupières s’entrouvrent, tous les yeux s’écarquillent. Ca vaut aussi pour mes amies et moi. Un O ? Personne n’en a jamais vu de sa vie en Histoire de la Magie. Je me lève très doucement, m’attendant presque à voir Binns s’exclamer « Poisson d’avril ! » – même si nous sommes en janvier et que Binns ne fera des Poissons d’avril que quand ses cours deviendront intéressants, c'est-à-dire quand les poules auront des dents – c’est bien plus crédible qu’un O sur mon bulletin en Histoire de la Magie.
– Un O ? murmure quelqu’un sur mon passage. Il a dit un O ?
A mon passage, les élèves me couvent d’un regard révérencieux, comme s’ils voyaient en moi une nouvelle divinité. Je m’approche du bureau et mets précautionneusement ma main sur la copie. Rien de bizarre. Ce n’est pas une blague. Je me résigne enfin à regarder la note.
O.
Oui, c’est vraiment un O. Un rond, rouge, magnifique, glorieux, sur un coin de ma copie. Je n’ai jamais vu de O plus beau de ma vie.
« Je te signale que j’étais derrière toi pour te donner toutes les réponses. Ce n’est pas si glorieux. »
Non mais c’est un O, Gondul. Un O en Histoire de la Magie… Je crois qu’en fait tu peux pas comprendre.
« En tout cas, j’en vois un qui ne partage pas ta joie. »
En me retournant pour rejoindre ma place, je croise le regard brûlant de Potter.
– Potter, P, poursuit Binns, comme si la scène qui venait de se passer n’avait rien d’héroïque, ou même, pour rester dans le ton, d’historique.
Je retiens un éclat de rire mais ne peux m’empêcher de sourire. Il se lève sans détacher ses yeux des miens, et me souffle, très bas, en passant près de moi :
– Tu as triché, j’en suis sûr. Compte sur moi pour découvrir comment.
– Bon courage, mon vieux, je réponds tout aussi bas en élargissant mon sourire.
OoOoO
L’entraînement de Quidditch de l’après-midi est rude. Woles veut absolument que nous gagnions la coupe cette année – on est bien partis – et surtout, veut nous inscrire à l’équipe de Poudlard. Cette année, les meilleurs joueurs de Quidditch toutes équipes confondues du collège seront réunis dans une seule équipe et joueront sous le même drapeau contre nos condisciples de Beauxbâtons, sur leur terrain bien français. Malheureusement, moi, je n’y serai pas. Je peux vous dire que je regrette.
Potter est bien senti pour être pris comme gardien, et Chuck Woles a l’air d’être bien parti pour être sélectionné comme poursuiveur. Après, pour Roxanne, c’est pas dit. Et Daniel Robins n’est ni en sixième, ni en septième année, donc il est hors course. Quant aux batteurs, on en a de bien meilleurs à Poudlard ; ceux de Poufsouffle, par exemple, sont redoutables. Nos batteurs n’ont aucune chance.
Il va falloir songer à passer à la phase 2 du plan que j’ai concocté pour faire tomber Lucy Ackerley dans les bras de son Albus adoré… Dommage pour moi, mais tant mieux pour lui. Je crois que je pourrai me passer du garçon pour le reste de ma scolarité ici. Par contre, je vais avoir besoin de l’aide d’anciennes amies… Si on peut appeler ces filles des amies, bien sûr.
Le soir, vers 21h, j’ai déjà pris mon dîner et me dirige d’un pas assuré aux cuisines du château. Une fois arrivée, je cherche du regard les jumelles les plus craintes de Poudlard et je les retrouve sans peine. Je m’assois en face d’elles.
– Bonjour, Ginger ! s’exclame l’une des deux, peut-être Emma.
– Quoi de neuf depuis la dernière fois ? ajoute Claudia.
– Inutile de vous le dire, je suis certaine que vous le savez déjà, je marmonne en attrapant un bout de pain.
– Oui, confirme Claudia, les yeux brillants. Cette escapade à travers le passage de la sorcière Borgne était vraiment bien imaginée.
– Comment vous… ?
– Oh, c’était une soirée chargée, je me souviens, me coupe Emma. Tu te rappelles, c’était le soir où on avait vu un bonhomme en papier courir dans tous les sens.
– Carrément bizarre, dit Claudia en grimaçant légèrement.
Sans chercher à savoir de quoi elles parlent, je les interromps.
– J’aimerais faire un pari.
Elles se retournent vers moi, une lueur intéressée se reflétant dans leurs yeux noirs.
– Dix gallions que vous n’êtes pas capable de faire sortir Lucy Ackerley de sa chambre à dix heures moins le quart, ce soir, et qu’elle se trouve dans l’une des salles du couloir abandonné des Enchantements. Et sans qu’elle ait l’impression que quelqu’un l’y ait entraînée, je précise.
– Cela va de soi.
– Bien entendu.
– Pour qui nous prends-tu ?
– Et c’est tout ?
– Euh… Comment ça c’est tout ? je demande, légèrement dépassée.
– C’est assez simple, comme requête.
– Ah bon, je réponds, presque ahurie.
– Donc, dix gallions. Tu nous paieras quand ?
– Dès ce soir. Par hibou. Ca vous va ?
– C’est parfait, disent-elles en cœur, le même sourire sur les lèvres.
– Bonne soirée, alors.
Je me lève et repars sans me retourner. Je remarque du coin de l’œil Erik Gongs, penché sur un livre, marmonnant à toute vitesse. Je me demande bien ce qu’il fabrique.
Mais parfois, il est bon de freiner sa curiosité. Ce qu’il fait ne me regarde pas et même les jumelles refusent d’en parler. Dans ce cas, je ferais peut-être mieux de le laisser tranquille… pour le moment.
« Si ça t’intéresse, il lit un livre de magie noire », me prévient Gondul.
Je m’en fiche, je ne veux pas mettre mon nez dans ses affaires. Pas pour l’instant.
« Comme tu voudras. »
Concentrons-nous sur notre tâche, maintenant. La phase 2 est prête à être enclenchée. C’est parti.
Le Plan Pas Pratique by Mak
De retour dans la salle commune des Gryffondors, mes deux amies me tombent dessus.
– Qu’est-ce que t’as encore été faire ? demande Roxanne.
– As-tu une fois de plus essayé de t’échapper ? renchérit Judith.
– Du calme, je réponds en souriant d’un air assuré. J’avais juste un truc à faire.
– Et c’était quoi ? interroge Judith.
– Je te le dirais quand tu me diras, d’une, pourquoi tu en veux tellement à Lenny Perry – et ne viens pas me dire que c’est juste à cause de Robert Peterson – et, de deux, ce que tu étais partie faire le soir où on s’était toutes désillusionnées en même temps.
– Ça, je te le dirais quand toi, tu m’auras dit ce que tu fabriquais dehors ce soir-là, rétorque-t-elle.
– J’étais avec les jumelles Jones. Je n’en dirai pas plus.
Elles écarquillent toutes les deux les yeux, et je ne peux m’empêcher d’avoir un petit rire.
– Je dois parler avec Albus, je vous laisse… A plus tard !
Et, cela fait, je me faufile entre elles et me dirige d’un pas rapide vers l’escalier de mon dortoir. Je prends en vitesse dix gallions que je fourre dans la poche de ma cape, puis ressors et me rends au dortoir des garçons. Je me presse jusqu’à la porte du dortoir des cinquième années et vérifie que le nom d’Albus est bien indiqué dessus avant de frapper. Je regarde ma montre : neuf heures trente. J’ai intérêt à me grouiller.
Je toque à la porte et entre avant d’avoir eu une réponse. Deux garçons sont assis en pyjama et lisent tranquillement un bouquin. Un jeune homme aux cheveux noirs embroussaillés se tient au milieu de la pièce ronde, son pyjama à la main.
C’est encore plus parfait. Je me jette sur lui, et, dépassé par les événements, il ne fait pas attention à son vêtement de nuit qu’il laisse tomber sur le tapis. Je m’en empare prestement et cours à l’extérieur de la salle en gloussant.
« En gloussant ? » s’étonne Gondul avec une moue dégoûtée.
Oh, crois-moi, ça me coûte de jouer aux dindes.
Je descends quatre à quatre les marches des escaliers et file hors de la salle commune, en entendant les cris indignés d’Albus dans mon dos. Il me poursuit. C’est parfait. J’accélère.
– Ginger, qu’est-ce qu’il te prend ? Rends-moi mon pyjama !
– T’as qu’à me rattraper ! je m’exclame en continuant de pouffer de rire.
Si quelqu’un me croise, je considère que je n’ai plus de vie sociale. Déjà qu’elle était quasi-inexistante…
Arrivée au bout du couloir, je bifurque et descends les escaliers mouvants en glissant sur la rampe ; j’ouvre la porte de la première salle à ma droite à la volée, la referme à clé derrière moi et continue vers l’autre porte au fond de la pièce qui donne sur la salle de cours attenante. J’en sors et surprends Albus, la porte à côté, qui vient de réussir à ouvrir la porte close. Il pousse un juron et s’approche rapidement de moi. J’éclate de rire en reprenant ma course, le cœur lourd de ce que je vais devoir faire.
Je me suis attachée à Albus. Mais il vaut mieux faire ça maintenant, ou sinon : je vais le regretter, il va le regretter, et Lucy va le regretter.
« Beaucoup de regrets dans cette histoire. »
Tant qu’on y est, je vais avoir besoin de toi dans cette manœuvre.
« Dans quelle mesure ? »
Je prends le couloir menant vers la gauche. Plus que deux couloirs et on arrivera au couloir abandonné des Enchantements. Maintenant, il faut que je sache où est Lucy Ackerley. Précisément.
Gondul, comprenant la demande, cours au-devant de moi et disparaît à l’angle du fond du couloir. Elle revient très vite.
« Elle est dans la salle Alohomora », m’informe-t-elle.
Parfait. Merci, les jumelles Jones. Il est dix heures moins le quart, pile. Elles ont réussi à tenir le pari ; à vrai dire, le contraire m’aurait étonnée.
Je me laisse rattraper par Albus, faisant semblant d’être fatiguée par la course effrénée. Je sens brusquement sa main serrer la mienne comme dans un étau d’acier. Il me retourne, presque brutalement, me mettant dos au mur et face à lui. Nous sommes juste devant la salle Alohomora.
Avec tout le bruit qu’on a fait, elle a forcément entendu. Plus question de reculer. Il est désormais temps de briser tout contact avec Albus Potter. Mon cœur se serre à cette idée.
Je le regarde droit dans les yeux et tente un sourire innocent. Cela le fait sourire à son tour et il se penche vers moi, ses yeux verts étincelants. Alors que nos lèvres ne sont plus qu’à quelques centimètres les unes des autres, je lui demande :
– Est-ce que tu m’aimes, Albus ?
Son visage se décompose brusquement, et il a un petit mouvement de recul. Comment peut-il prendre sérieusement ce que je viens de dire ? Ca sonne tellement niais ! Cela dit, je ne vais pas me plaindre : sa réaction est exactement celle que j’escomptais. Il se met à balbutier :
– Je… euh… mais, tu… non… ?
– Tu aimes toujours cette salope de Lucy Ackerley, hein ? je grince en essayant de mettre toute ma haine dans l’énoncé de son nom.
C’est tellement peu crédible, et tellement peu naturel. Pourtant, il fronce les sourcils et s’écarte franchement. Il grogne alors, l’air furieux, en détachant chaque mot :
– Ne. Dis. Plus. Jamais. Ca. De. Lucy.
– Tu l’aimes, c’est ça ? Tu l’aimes, hein ? je m’écrie.
Transformation en Barbara Hobbers terminée.
– Oui ! Oui, je l’aime, t’es contente ?
– Je la déteste. Tu passes ton temps à parler d’elle. Lucy par-ci, Lucy par-là… Elle m’a volé mon petit ami. Une vraie salope, je répète en le regardant droit dans les yeux. Et je le pense sincèrement.
« Quelle menteuse. »
Gondul, tu réalises que je suis en train de jouer la scène la plus dramatique de ma vie d’actrice ? Alors prends du pop-corn et tais-toi.
« Tu massacres l’art du théâtre. Shakespeare se retourne dans sa tombe. »
On s’en fout.
– Alors on n’a plus rien à se dire, énonce lentement Albus.
– Plus rien, je répète en prenant un air assuré.
Je passe devant lui, arborant un visage de marbre, et disparais à l’angle du couloir. Je n’entends pas ses pas contre le parquet ; il ne m’a pas suivie. Et maintenant, voyons si Lucy Ackerley a quelque chose dans le ventre.
Une porte grince. YES. Elle a tout entendu, c’est parfait. Maigre consolation en regard du sacrifice d’une amitié qui m’était chère.
– Lucy ? dit Albus, l’étonnement transparaissant dans la voix. Tu… ?
Il n’acheva jamais cette phrase, quelqu’un s’étant visiblement jeté sur lui pour l’embrasser furieusement. Les bruits de succions me parviennent.
Dé-gueu-las-se.
« Je confirme », grimace Gondul debout près de moi ; de là où elle se trouve, elle peut voir le couloir. « C’est immonde. Oh. », murmure-t-elle, ses yeux s’écarquillant, puis ses sourcils se fronçant. « Ca devient encore pire. » Elle pince les lèvres, désapprobatrice, et ajoute : « Tu sais, ça me rassure que les Valkyries ne puissent pas faire… ça. On s’en va maintenant, ou je vais vomir. »
L’enchaînement très rapide de cette multitude d’expressions faciales exprimant toutes le même sentiment me font sourire. L’air vaguement…verte, Gondul prend la direction de la tour de Gryffondor sans attendre de voir si je la suis.
Mission accomplie, en tout cas. Ce plan n’était pas pratique parce qu’il me faisait perdre quelque chose d’important – mais au moins il marche. Et c’est le principal dans un plan visant à mettre deux personnes en couple, non ?
Maintenant, il est temps d’arborer un masque de circonstance. Je rentre dans les toilettes les plus proches de mon couloir (sur le chemin du retour), histoire de me composer un visage super-triste. Je vais voir Jude et Rox après, et vu la scène que j’ai jouée devant Albus, j’ai intérêt à avoir l’air malheureuse.
Une longue plainte s’élève derrière moi, alors que je me regarde dans le miroir.
Et crotte.
Les toilettes de Mimi Geignarde.
– QUI vient me gêner dans mes nuits solitaires ? gémit-elle.
« De qui s’agit-il ? »
Tiens, encore ici ? Si tu veux vomir, il y a des toilettes pour ça.
« Je m’en suis remise. Alors, qui est-ce ? »
Une fille fantôme qui a étudié à Poudlard il y a pratiquement un siècle. Elle est morte dans les toilettes et depuis, elle les hante.
« Quelle existence de rêve. »
N’est-ce pas.
– Bonsoir, Mimi, dis-je poliment en me frottant les yeux pour qu’ils aient l’air un peu rouge.
Celle-ci sort de la cabine des toilettes où elle était réfugiée, et met quelques secondes à me reconnaître.
– Tu es Ginger Enderson, c’est ça ? Qu’est-ce que tu fais ici ? … Mais… Tu pleures… ?
Cette fille n’a pas les yeux en face des trous. J’ai les yeux à peine rougis. D’un autre côté, elle est morte. Mais mieux vaut ne pas lui dire la vérité au sujet de la vraie cause de ma « rupture » avec Albus, elle pourrait la raconter à tout le monde et mon plan tomberait à l’eau. J’ouvre un robinet, m’asperge le visage pour qu’elle ne puisse pas remarquer qu’aucune larme n’a coulé, et murmure d’un souffle plein de trémolos :
– Albus m’a quittée.
« Très réussi. »
Merci. Je songe sérieusement à une carrière d’actrice.
« Après tes performances d’il y a dix minutes, j’aurais tendance à faire profil bas à ce sujet. »
Hé !
– Les amours sont éphémères, annonce Mimi d’un air docte qui la rend surtout ridicule. La seule chose qui dure, c’est la mort.
« J’adore cette fille », me dit joyeusement Gondul en flottant vers elle.
– Ça me rappelle le jour où je suis morte…
C’est le signal pour que je me casse. A partir de maintenant, elle va me dire à quel point sa vie était triste et comme une malheureuse du nom de Hornby était méchante et cruelle avec elle. Qui ne le serait pas avec une pleurnicheuse de première comme Mimi Geignarde de toute façon ?
– Ecoute, ne le prends pas mal, mais je vais devoir y aller. Je risque de me faire attraper par le concierge.
– Tu me trouves inintéressante, c’est ça ?
Comment diable a-t-elle deviné ? Mais je sais que c’est la question piège. Avant qu’elle n’ait eu le temps de se remettre à pleurer, je prends mes jambes à mon cou. J’ai le temps de m’enfiler trois couloirs d’affilée avant de me cogner dans quelque chose. Je m’effondre par terre, certaine d’être tombée sur Rusard. Or, devant moi,…
Il n’y a personne.
Je n’ai pas le temps de m’étonner de ce mystère qu’un bras surgit de nulle part, me force à me relever et me tire vers lui. Je me retrouve contre Potter qui n’était pas là il y a deux minutes.
– Hé ! Mais qu’est-ce que…
Il me bâillonne avec sa main et recule avec moi jusqu’à ce que nous ayons tous deux le dos contre le mur. Je m’apprête à protester quand un son m’immobilise. La voix du concierge. J’arrête de gigoter et, en regardant autour de moi, je remarque que ma vision est comme… troublée.
Bien sûr. La cape d’invisibilité. Potter m’a entraînée là-dessous pour me sauver d’une rencontre avec le concierge. Et c’est pour ça que je ne l’ai pas vu quand je lui ai foncé dedans.
J’entends des bruits de pas accompagnés de grommellements indistincts venir de gauche et Potter et moi nous retournons tout doucement pour que la cape d’invisibilité ne nous découvre pas et nous cache impeccablement. Le concierge surgit à l’angle du couloir ; il parcourt l’allée sans s’arrêter en passant devant nous et continue jusqu’à disparaître à l’autre bout. Nous attendons que le claquement de ses chaussures contre les dalles s’évanouisse dans le silence de la nuit. Enfin, quand il n’y a plus aucun bruit, je me permets de mordre – assez violemment – la main que Potter a gardée contre ma bouche.
– Aïe ! s’exclame-t-il en la retirant brusquement.
– Merci, je grince en dardant un regard noir sur lui.
– Merci pour… ?
– Pour avoir retiré ta main.
Il lève les yeux au ciel, exaspéré.
– Tu comptes rester ici ou rentrer au dortoir ? me demande-t-il.
– Rentrer. Ce que je voulais faire est terminé, je déclare.
Nous commençons à marcher vers la tour Gryffondor. Ma curiosité attisée par sa présence, je l’interroge :
– Qu’est-ce que tu faisais dehors ?
– Je devais voir ma petite amie.
–Euh… c’était bien ?
– On a cassé, m’annonce-t-il sèchement.
« C’est la soirée des séparations. »
Dis-donc, toi, t’aurais pas pu me prévenir qu’il y avait Potter dans les parages ?
« Je ne pensais pas que ça t’intéresserait… » murmure-t-elle avec un drôle de sourire.
– Et toi ? me demande-t-il.
Flûte ! Je suis sensée être abattue et tout ça, non ? Essayons de rattraper le coup. Je pousse un soupir à fendre l’âme et lui dis :
– Je voulais voir Albus et ça s’est mal passé… On a cassé.
– Bien.
– Comment ça, « bien » ? je m’énerve.
– Je me demandais quand est-ce qu’il allait réaliser avec quoi il sortait.
Je le fusille du regard et il éclate de rire. Crétin.
Je suis triste d’avoir sacrifié en deux minutes mon amitié avec Albus. Cela me tenait vraiment à cœur. Mais s’il est heureux avec Lucy, je suis heureuse pour lui. Après tout, c’est grâce à moi s’ils sont ensembles maintenant…
« Pas grâce à toi seulement… »
Mince ! Les jumelles ! Je leur avais dit que je les payais ce soir !
– En fait, je lance tout à trac, je ne rentre pas tout de suite au dortoir.
– Tu veux que je t’accompagne ?
– Je suis assez grande pour y aller toute seule, je sais me repérer dans le château, merci, je réplique en fronçant légèrement les sourcils.
– Oui mais tu n’as ni cape d’invisibilité ni... ni aucun moyen de savoir qui tu peux croiser dans les couloirs.
« A part un Horcruxe, bien sûr », fait judicieusement remarquer Gondul, ce qui me fait sourire.
– Parce que toi si ? je lui demande, moqueuse. Ah, oui, tu as cette carte des Marcheurs ou quelque chose comme ça, non ?
– Comment tu sais ça ? s’exclame-t-il, complètement ahuri.
Je m’apprête à lui dire que je l’ai vu s’en servir au début de l’année, mais le problème, c’est que si je lui révèle ça, il saura que j’étais aussi dans les Archives. Et je n’avais aucune raison d’y être. Il sera curieux et on n’en sortira pas.
– C’est, euh… Roxanne qui m’en a parlé.
– Etrange, parce que moi, je n’en ai jamais parlé à Roxanne. Et c’est la carte des Maraudeurs, au passage.
Oups.
– Mais, euh, c’est son père qui lui en a parlé. Il avait la carte, avant…
– Mais son père ne sait pas que moi, en ce moment, j’ai la carte, ajoute-t-il en commençant à sourire, ravi de m’avoir prise au piège.
– Il aurait pu penser que ton père te l’avait léguée, je tente d’une petite voix.
– Mais mon père clame haut et fort qu’il s’agit d’un trésor familial et qu’il refuse de le voir ailleurs que dans son bureau…
Je cherche désespérément une autre invention, mais Potter me coupe avant même que je ne puisse répondre :
– Quand est-ce que tu m’as vu avec ?
– Au début de l’année, dans la salle des Archives, je soupire. J’avais entendu du bruit et je m’y étais cachée.
Il fronce les sourcils.
– Marrant. Je ne t’ai pas vue dessus.
– Tu as du mal regarder… Ou alors c’est la carte qui commence à vieillir.
« Ou alors c’est que tu n’es pas humaine… »
– Mouais… ça doit être ça. Bon, je t’accompagne ?
– Non. J’y vais seule.
– Où vas-tu ? me demande-t-il.
– Ça me regarde.
– Tu sais très bien que je peux te suivre sur la carte des Maraudeurs, dit-il avec un grand sourire.
Sauf que s’il fait ça, il va se rendre compte que je n’apparais pas dessus. Et il risque de commencer à se poser des questions. Et il ne vaudrait mieux pas.
« S’il devine que tu es une Valkyrie, tu peux dire adieu à l’éternité. Ne prends pas de risque et laisse-le t’accompagner. »
Je vois mal comment il pourrait deviner que j’en suis une…
« Sait-on jamais. »
Je soupire lourdement et lève les yeux au ciel d’un air théâtral.
– C’est bon, Papa, tu peux m’accompagner.
Je me mets à marcher vite et il calque rapidement son pas au mien. Tels des fantômes, nous traversons le château désert. Mes ballerines noires claquent contre les dalles du sol et se répercutent contre les murs, tandis que ses chaussures à lui émettent un bruit léger et presque inaudible, froissant le silence ambiant.
– Qu’est-ce que tu faisais dans les Archives ? me chuchote-t-il, intimidé peut-être par les flammes des rares torches fixées aux murs qui se reflètent dans les miroirs couvrant ceux-ci, donnant un aspect surréaliste au lieu.
– Ça aussi, ça me regarde. Je me promenais, comme toi, non ?
Il ne répond rien. Nous arrivons finalement à la volière, et je m’approche d’un oiseau discret. Pas le mien, bien sûr. Si des gens voyaient une chouette hyperactive débarquer dans la salle commune des Serpentards en se cognant le crâne contre tous les murs, ils penseraient tout de suite à moi. Je suis la seule à avoir un tel animal dans l’école.
Je sors un morceau de papier de ma poche, pose dix gallions dessus, dos à Potter pour qu’il ne me voie pas, puis emballe le tout. Je tire un ruban de la poche de ma robe – sans doute une robe appartenant à Roxanne, elle se balade toujours avec des tas de rubans dans les poches – et m’en sers pour fermer le paquet.
– Qu’est-ce que c’est ?
– Ça me regarde, je répète en l’accrochant à la patte du hibou.
Je m’approche de l’oreille de l’oiseau et lui murmure de voler voir les jumelles Jones immédiatement. Il pousse un faible hululement et s’envole.
– C’était pour qui ?
– Je te l’ai déjà dit.
– Hein ?
– Ca me regarde !
Nous rentrons à la tour Gryffondor, le silence meublant notre voyage. Ce n’est qu’une fois devant la Grosse Dame que je réalise à quel point je suis proche de Potter. En me tournant vers lui pour le remercier, nos visages ne se trouvent qu’à quelques centimètres de distance. Mon cœur commence à battre la chamade.
Et pourtant il n’y a pas de raison, non ? Ce n’est pas comme si je venais de piquer un sprint.
Nous nous fixons quelques secondes, immobiles, foudroyés, avant d’avoir tous deux un brusque mouvement de recul. Je toussote et murmure, très gênée :
– Bonsoir, James.
Je me sens rougir. Zut. Vous avez déjà vu une rousse comme moi rougir ? Le résultat, c’est qu’on dirait que ma tête prend littéralement feu. Cela fait des années que j’essaie de ne plus rougir et j’avais bien réussi… jusqu’à aujourd’hui.
– Bonsoir, Ginger, marmonne-t-il, l’air affreusement gêné et choqué en même temps.
Sans un regard, je me retourne et donne le mot de passe au tableau qui me laisse entrer. James entrera dans cinq minutes, pour que personne ne sache que nous venons de rentrer ensemble.
« Tiens tiens, c’est « James » maintenant ? Plus de « Potter » ? »
Une seconde, j’ai dit James ? Ouh-là, je suis fatiguée moi. Je voulais dire Potter, bien sûr. Hé ! Attends une minute… Moi aussi, il m’a appelée Ginger et non Enderson ! … Ouais, il devait être fatigué aussi.
« Les amis s’appellent par leurs prénoms », remarque Gondul.
Ouais. C’est pour ça que c’est bizarre, parce que ce mec n’est pas mon ami. Vu ? Arrête de sous-entendre que je l’aime bien ou quoi. C’est mon pire ennemi.
« Pire ennemi ? Tellement puéril comme appellation. Moi, je pense plutôt que… » commence-t-elle avec un demi-sourire.
Je m’en fous de ce que tu penses, bonne nuit.
Et sur ce, je monte à mon dortoir. Dans les escaliers, je me frotte vigoureusement les yeux une fois de plus. Faut que j’aie l’air un peu triste. Je viens de casser, quand même.
J’ouvre silencieusement la porte de la chambre. Une lumière, posée sur la table de chevet de Roxanne, éclaire un peu la pièce plongée dans la pénombre. Judith lit un manuel d’Arithmancie, allongée sur le ventre sur son lit, les jambes pliées, ses pieds se balançant lentement d’avant en arrière. Ses coudes sont posés sur le matelas et sa tête, sur une main, l’autre entortillant une mèche de cheveux blonds autour de son index. Roxanne, quant à elle, est assise en tailleur sur son coussin et lit un roman à l’eau de rose, la couverture montrant deux tourtereaux en train de s’embrasser sous le titre, « Amour et Vérité ». Toutes deux lèvent la tête à mon entrée.
– Qu’est-ce que tu faisais ? demande aussitôt Roxanne.
Judith plisse les yeux.
– Attends… tu as pleuré ?
Je garde le silence et m’essuie machinalement mes yeux non-mouillés par les larmes avec la paume de ma main.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? s’écrie Roxanne en sautant sur ses pieds, debout sur son matelas.
– Chut, tu vas réveiller Pepsi, murmure Judith en désignant le Croup endormi au pied de son lit. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? s’exclame-t-elle pourtant moins d’une seconde plus tard, soudain alarmée.
Je souris tristement et murmure :
– Albus et moi on a… on a rompu. Il m’a dit qu’il était amoureux de Lucy Ackerley.
Judith fronce les sourcils.
– Quelle saleté ! Je vais la détruire.
– Tout de suite les grands mots, je marmonne en chassant un demi-sourire, ravie de voir que mes amies se préoccupent autant de moi. Non, ça ira. Je m’en remettrai.
– Tu l’aimes ? me demande Roxanne après un court silence.
– Non, je réponds après un petit instant de réflexion. Et je ne l’aimais pas. Je l’appréciais, c’est tout.
OoOoO
La semaine suivante fut la plus bizarre de m a vie. Outre mes excellentes notes dans toutes les matières, je devais avoir l’air triste quand je croisais le chemin d’Albus – alors que j’étais ravie de le voir au bras de Lucy. Celle-ci me lançait toujours un regard victorieux particulièrement agaçant quand nous nous voyions. Du coup, j’étais à nouveau seule en Médicomagie – vous savez, ce cours inutile avec Pomfresh – mais je n’avais plus besoin du petit frère de mon pire ennemi pour tout m’expliquer puisque j’avais un Horcruxe cultivé avec moi.
Avoir des bonnes notes sans travailler, ne plus être suspectée par les profs… Je crois bien que je commence à me faire à cette vie.
-X-X-
Le jour arriva où les résultats de l’examen furent affichés. Toute l’école fut sur des charbons ardents en attendant midi, heure où l’on devait enfin savoir ce qu’il en était. A la fin des cours, tout le monde se rua sur les panneaux du Hall d’Entrée. Tout le monde sauf Cathy et moi, qui prîmes notre temps pour sortir de la salle de classe. Nous rangeâmes très lentement nos affaires, peu pressées de savoir à quel point nous avions raté notre examen.
Nos bottes bleues claquaient contre le sol en marbre blanc des couloirs. Le soleil les inondait de lumière, les reflets bleus du ciel envahissant tous les recoins du Château. Les mouettes au-dehors criaient. Je voulais me sentir bien et oublier cette affreuse boule dans ma gorge.
J’attachai mes longs cheveux noirs, tout en discutant de tout et de rien avec Cathy, pour éviter de penser à l’endroit où nous nous rendions.
– Tu as une correspondante, toi ? me demanda Cathy.
– Oui, répondis-je. Je me disais que ça pourrait être sympa de faire ami-ami avec un Anglais.
– Avec une Anglaise, tu veux dire, me rectifia Cathy. Le directeur a ordonné que les élèves ne soient en charge que d’étudiants du même sexe qu’eux.
– Pourquoi ?
– Parce qu’ils dormiront dans le même dortoir, pardi.
Cathy était la seule personne que je connaisse à utiliser le mot « pardi ».
– Toi, tu en as une, de correspondante ?
– Ouais, répondit-elle. J’ai oublié son nom. Arrête de me regarder comme ça ! Je ne la connais même pas, alors qu’est-ce que ça change ? Je lui écris ce soir.
Le bruit s’accrut dans les couloirs ; nous nous approchions de notre but. Nous entendions des cris de joie et des pleurs. Tout résonnait contre les murs, ce qui créait un écho assez effrayant. Nous arrivâmes enfin dans le Hall d’Entrée.
Le Hall d’Entrée était une pièce relativement grande, et particulièrement haute. Des escaliers en colimaçons couvraient ses murs et conduisaient à diverses portes qui permettaient de se rendre dans plusieurs endroits du château. Deux immenses baies vitrées, l’une face à l’autre, baignaient le Hall de lumière. Cinq panneaux d’affichages d’au moins deux mètres de haut étaient dressés au milieu, juste à l’endroit où le carrelage bleu nuit changeait de couleur pour prendre des teintes moins sombres. Les élèves s’y pressaient, les yeux brillants d’excitation et d’appréhension. Je fus prise d’un malaise, et je sentis également Cathy se crisper près de moi. Nous échangeâmes un regard, puis rentrâmes dans la foule.
Cathy se dirigea vers le quatrième panneau, son nom de famille commençant par un S. Moi, j’allai vers le tout dernier. Je me fis deux fois marcher sur les pieds et dus jouer des coudes pour pouvoir traverser cette masse vivante et gesticulante. Enfin, j’arrivai devant les panneaux, couverts de feuilles remplies de noms. Je cherchai le mien du regard, nerveuse. Et enfin, je le trouvai.
VERMEIL Amélie 30/03/2005
Arithmancie : Bien
Créatures magiques et êtres humains : Médiocre
Défense face à la Magie Noire : Médiocre
Etudes de Runes : Passable
Sortilèges et Métamorphoses : Excellent
Physique de la Magie : Passable
Potions : Bien
Appréciation : PASSABLE
Prix : REFUSE
OUF. Il fallait avoir deux appréciation « Bien » ou mieux pour valider ces examens et j’en avais eu trois, et dans les matières que je considérais les plus importantes : Arithmancie, Sortilèges et Métamorphoses et Potions. Après, il n’était pas particulièrement surprenant que j’aie totalement raté mon épreuve de Créatures Magiques et Etres Humains et celle de Défense Face à la Magie Noire – j’avais toujours été nulle dans ces matières-là – mais j’étais quand même déçue pour la Physique de la Magie et les Etudes de Runes. Evidemment, je n’avais pas de prix, mais je m’y attendais bien.
Je me frayai un chemin jusqu’à Cathy. En peu de mots criés au-dessus de la foule, elle m’expliqua qu’elle avait elle aussi validé quatre AIGLES, en CMEH, DFMN, Sortilèges et Métamorphoses et Vol – c’était sa matière optionnelle. Nous sortîmes de la foule en parlant à grands bruits et Yune et Violette nous tombèrent dessus en hurlant quelque chose comme :
– HIIIIIIIIIIIIIIIIIII OnlézaüonnivahonagagnéyiiiiiiiiIIIIIIII !
– Tu peux parler intelligiblement ?
– On a été prises ! s’écria Yune. On va avoir nos stages ! Violette et moi partons au bureau des Chevaliers Sorciers !
– C’est génial ! hurla Cathy en les étreignant toutes les deux.
Les Chevaliers Sorciers étaient les policiers et les inspecteurs de la communauté sorcière française. Il en existait de toutes sortes avec des noms différents dans le monde. En Angleterre, il me semble qu’ils s’appelaient les Aurors, par exemple.
Bref, c’était vraiment génial pour elles. Evidemment, je n’allais pas les voir pendant des mois, mais j’étais ravie pour Yune et Violette. Elles allaient avoir beaucoup de portes ouvertes après leurs études.
Et puis de toute façon, ce n’était pas comme si j’étais seule. Il y avait Benjamin, André et Cathy, bien sûr.
Et puis il y avait Armand.
La date de l’échange avec Beauxbâtons approche. Les élèves de 6ème et de 7ème année peuvent correspondre avec un élève là-bas s’ils parlent sa langue. Roxanne et Judith se sont arrangées pour que leur binôme soit leur correspondante. Une explication s’impose : nous formons des groupes de deux avec un élève à l’étranger, et chacun doit s’occuper de l’autre, lui faire visiter et élargir sa culture G le temps du séjour dans son école. Et je dis correspondantE, parce qu’évidemment, les profs avaient insisté pour que les filles soient avec les filles, et les garçons avec les garçons.
Coincés, ces profs.
J’ai donc décidé, moi aussi, d’avoir une correspondante. Ca me permettra d’avoir quelqu’un avec qui rester, quand les frogs viendront ici, vu que mes deux amies seront avec leur binôme. On m’a attribué une fille au nom qui m’est totalement inconnu, mais qui, m’a-t-on assuré, parle anglais. Tant mieux, parce que je ne connais pas un traître mot de français.
Un soir, donc, je m’installe à une table de la salle commune à côté de mes deux amies qui écrivent déjà avec ferveur sur du parchemin neuf avec leurs plus belles plumes. Je m’empare de la mienne et commence à rédiger ma lettre.
‘Bonjour !’
Je repose ma plume, ne sachant pas trop quoi mettre d’autre.
« Bon début », commente Gondul. « Tu n’as fait aucune faute d’orthographe jusque-là, c’est très bien. »
Oh, tais-toi. C’est pas facile, tu sais.
« Mais j’en suis persuadée. Ce n’est pas facile de parler avec quelqu’un que tu n’as jamais vu. »
Sûr. Bon. Où en étais-je ?
« A ‘Bonjour !’ il me semble. »
Merci. Alors. Bien. Hm. Qu’est-ce que je vais marquer, maintenant ?
« Son prénom peut-être ? D’habitude, les gens écrivent ‘Bonjour Isobel ! Comment ça va ?’ »
Oui mais je n’ai pas son prénom sous la main ! Je sais qu’il y avait des A, des I et des E dans son prénom et son nom de famille. A la limite, je peux l’appeler AEIA.
« Aéia, c’est un prénom charmant », m’approuve Gondul.
‘Bonjour !
Je m’appelle Ginger Enderson et je suis en sixième année. Je ne vais pas venir à Beauxbâtons – j’ai été punie par ma directrice – mais je suis heureuse de te rencontrer.’
« Tu ne la rencontres pas, tu lui écris. »
Oh, ça va, hein ! Tant pis, je laisse.
‘Je joue beaucoup au Quidditch ; je suis l’Attrapeuse de l’équipe de ma maison. Je ne sais si tu sais comment on s’organise à Poudlard, mais ici, les élèves sont répartis le premier jour de leur première année dans quatre maisons différentes – Serpentard, Poufsouffle, Serdaigle et Gryffondor. Moi, je suis à Gryffondor. Il y a une grande rivalité avec les autres maisons.’
« A mon avis, elle s’en fiche. »
Hé bien tant pis pour elle.
‘C’est bizarre de parler à quelqu’un que je ne connais pas du tout, alors je vais arrêter cette lettre ici et attendre la tienne. J’ai hâte de te rencontrer. A bientôt !
Ginger’
Et voilà ! Pas besoin de parler de ma famille ou quoi que ce soit.
« Oui, sinon tu aurais été obligée de mettre ‘Je n’ai pas de famille parce que je suis une Valkyrie et je suis immortelle’ ».
Ç’aurait été embêtant, en effet.
En attendant, ma lettre est complètement bancale. Elle va me prendre pour une attardée mentale.
-X-X-
Deux semaines s’étaient écoulées depuis la rentrée. Nous étions alors le 24 janvier. Les rosbifs devaient venir le 3 février. Plus que dix jours ! J’avais incroyablement hâte de les rencontrer. En plus, ma correspondante avait vraiment l’air sympa.
Ce jour-là, Cathy avait une compétition de course d’obstacles. Une grosse compétition. C’était la compétition catégorie féminin pour adultes réunissant toutes les candidates de France. Cela avait lieu, comme tous les ans, au parc de Beauxbâtons. Des gradins immenses avaient été installés autour d’un stade semé d’embûches diverses et variées dont j’osais à peine formuler, même en pensée, l’utilité dans le cadre de cette course. Je l’avais accompagnée jusqu’aux lignes de départ.
Il faut savoir que Laputa, l’île de Beauxbâtons, se décomposait en trois zones : il s’agissait d’un lac, avec un château d’une part, la Vieille Ville d’autre part, et, enfin, le Parc. Immense, celui-ci était accessible via les barques que nous empruntions au Château. Au Parc, les habitants de la Ville de Beauxbâtons faisaient parfois des kermesses, élevaient des drandomiens – des sortes de chèvres ailées – et c’était pour nous un terrain de Quidditch et autres sports en tout genres. Et aussi, depuis 1904, c’était le lieu de cette compétition sportive : la course d’obstacles magiques.
Cathy avait quitté ses bottines bleues et sa robe couleur ciel, uniforme de Beauxbâtons, pour revêtir un short foncé et un T-shirt blanc, et porter à ses pieds les Hermès que je lui avais offertes à Noël.
– Ca va aller, lui assurai-je. T’es la meilleure.
Elle hocha la tête, peu convaincue, et sursauta à un coup de sifflet de l’arbitre qui voulait dire que le début de la course allait bientôt arriver.
– Bonne chance, lui souhaitai-je.
Elle ne me répondit pas et s’éloigna en tremblant un peu. Je me dirigeai vers les gradins et m’y assis à côté de Benjamin et André. Je pris mes multiplettes et les réglai sur Cathy. Elle finissait tout juste d’attacher ses cheveux dans une longue queue de cheval. Ses adversaires s’échauffaient.
L’arbitre sembla parler aux sportives sur le terrain. Elles se mirent en place.
– L’épreuve annuelle de course d’obstacles catégorie féminin commence dans quelques instants ! annonça le présentateur. Et c’eeeest… parti !
La baguette de l’arbitre fit un bruit de coup de pistolet moldu et les sportives démarrèrent au quart de tour, rapides et gracieuses.
– Pour l’instant, Catherine Saune est en tête ! s’exclama le commentateur. Et ce ne sont pas grâce à ses chaussures, puisque toutes les autres candidates portent des Hermès ! Son titre de cadette de la saison semble lui donner des ailes !
Cathy, concentrée, n’écoutait pas un mot de ce qu’il racontait. Cette course, à laquelle toutes les sorcières majeures de France pouvaient participer, ne réunissait que des femmes plus âgées qu’elle. Cathy avait en effet eu dix-sept ans il y a trois jours. Et il était vrai aussi qu’elle était la plus rapide du groupe. Elle se détachait plus ou moins des autres sportives.
– Les obstacles commencent ! Saune foudroie sans problème un Filet du Diable, sans même s’arrêter, quelle élégance ! Tandis qu’Elise Bourgeon tombe droit dedans… éliminée !
Les autres sorcières dépassèrent ce premier obstacle sans difficulté, excepté pour Bourgeon qui se releva lentement en poussant des jurons. Je continuai de fixer la course, les yeux rivés sur Cathy.
– Lucinda Sansuni vient de dépasser Saune ! Son expérience lui permettra-t-elle de maintenir sa place en tête de course ? Rappelons qu’elle a la médaille d’or dans ce sport depuis trois années consécutives !
Cathy commençait à ralentir et je réglai mes multiplettes sur elle. Elle était bloquée par une plante qui s’enroulait autour de ses pieds. Mon cœur se contracta. Elle n’allait tout de même pas perdre maintenant ? Aussitôt qu’elle s’en rendit compte, elle enchaîna plusieurs sorts différents jusqu’à ce que le végétal se détache d’elle. Elle se remit à courir et dépassa les autres concurrentes qui avaient plus de mal à se défaire de l’emprise des plantes.
La course se passait bien, et Catherine dépassait les obstacles avec aisance. Elle courait vite et agilement, et la championne Sansuni fronçait les sourcils, visiblement peu heureuse qu’une jeune la surpasse. Enfin, le sprint final. Je me levai pour encourager Cathy à haute voix – bon, d’accord, je hurlai – et au dernier moment elle… dépassa la championne ! J’applaudis à tout rompre, alors que les gradins éclataient en vivats pour la nouvelle championne de France. La course s’arrêta bien vite, les autres candidates rejoignant la grande gagnante – mon amie ! – de l’autre côté de la ligne d’arrivée.
Je quittai les bras de Benjamin pour me jeter dans ceux d’André Béryl, mon deuxième meilleur ami. Il se tendit imperceptiblement, mais je ne m’en rendis qu’à peine compte, obnubilée par la victoire de Cathy. Cela faisait tellement longtemps qu’elle s’entraînait pour cette course ! Je savais qu’elle devait être ravie, et je me sentais aux anges pour elle aussi.
– Il y a un truc bizarre… dit Benjamin, mais sa voix ressembla à un marmonnement dans les applaudissements de la foule.
– Quoi donc ? demandai-je en quittant tout sourire les bras d’André.
Je me tournai vers Cathy, encore en bas sur la piste. Elle parlait à une femme habillée d’une belle robe de sorcière très à la mode avec animation. Je ne l’avais jamais vue.
– Elle a fait une erreur ? paniquai-je.
– J’en sais rien, fit Ben. Je ne crois pas. Regarde la tête de Cathy. Elle a l’air encore plus heureuse qu’avant. Elle a dû recevoir une bonne nouvelle.
Je me sentis euphorique pour mon amie, sans savoir que j’allais bientôt déchanter.
OoOoO
Trois heures plus tard, elle put enfin me rejoindre dans notre chambre en semant les journalistes qui la mitraillaient de photos pour relater ses exploits dans la rubrique Sport de leurs périodiques respectifs. La chambre était étrangement vide, depuis que Violette et Yune étaient parties. Elles nous envoyaient régulièrement des lettres extatiques de leur apprentissage dans le bureau des Chevaliers. Deux des lits étaient donc vides, et occupés à tour de rôle par Kalevala qui passait là le plus clair de son temps. Il miaula à l’entrée de mon amie et je lâchai aussitôt le livre que je tenais dans les mains pour me jeter à son cou.
– Bravo ! Championne de France, m’exclamai-je. J’arrive toujours pas à y croire !
Elle répondit brièvement à mon étreinte. Elle avait l’air surexcitée.
– Attends Amélie, s’écria-t-elle, c’est pas la meilleure ! Tu sais qui m’a parlé tout à l’heure ?
– La dame, là ? Non, on se demandait qui c’était, avec Ben et André. Alors ?
Elle ménagea une pause théâtrale et énonça lentement :
– C’était Jeannette Jeancotton. La directrice des Fileuses Lumière !
Je hoquetai de surprise. Les Fileuses Lumière était un club de Marathoniennes sorcières qui participaient à toutes sortes de compétitions internationales.
– Et elle m’a dit, murmura-t-elle, qu’elle voulait absolument me voir rejoindre ses rangs pour la prochaine compèt’ !
Je hurlai de joie d’une voix suraigüe en cœur avec Cathy. Nous ressemblions probablement à des pré-adolescentes attardées mais ça m’était complètement égal.
– Tu commences quand ?
– La semaine prochaine, souffla-t-elle.
Mon cœur s’arrêta. Puis il s’enfonça au fond de ma poitrine et se remit à battre douloureusement, alors que je réalisai ce que cela voudrait dire.
Je serais seule.
Pour les trois mois à venir, aucune de mes amies ne serait là.
Je ne fis même pas attention au fourmillement caractéristique d’un événement jamais agréable pour moi sur mon crâne. Mes cheveux changeaient de forme et devenaient gris sale sous les yeux ahuris de Cathy qui venait d’interrompre sa danse de la joie. Elle m’observa pendant quelques secondes en silence et comprit avant que je n’aie eu besoin de lui expliquer son malaise.
– Je ne vais pas y aller, souffla-t-elle. C’est pas grave, je reste avec toi.
– Sûrement pas ! m’exclamai-je en réprimant du mieux que je pouvais un sentiment de déception grandissant. C’est la chance de ta vie. Tu veux être dans le sport depuis que tu es toute petite ; déjà que tu n’as pas pu entrer à cause de nous dans l’école des Sports…
J’eus un rire qui se voulait joyeux mais qui ressembla plutôt à un gargouillement étrange.
– Non, tu y vas. Et puis, ajoutai-je pour essayer de me convaincre moi-même, il y a toujours André et Ben. Je resterai avec eux, c’est tout…
Cathy me fixa pendant quelques secondes. Je sentis quelque chose contre mon pied ; c’était mon chat.
– Et puis il y a Kalevala, dis-je en souriant.
– Tu parles d’un lot de consolation, fit Cathy.
Je réussis à ménager un sourire : j’avais refoulé ma tristesse. Ce n’était que temporaire, mais c’était le rêve de Cathy et je n’avais pas l’intention de lui barrer la route pour l’empêcher de l’atteindre. Et puis, je n’allais passer que quelques mois seule, qu’est-ce que c’était en regard de ma vie ? Elle s’approcha de moi et me prit dans ses bras. Je la serrai fort contre moi.
– Tu vas me manquer, chuchota Cathy après un long silence.
-X-X-
Ce matin, en lisant mon courrier, je suis plutôt mécontente. Judith et Roxanne se tournent vers mon visage bougon, l’air intrigué.
– C’est ma correspondante de Beauxbâtons, Catherine Saune, leur expliquai-je. Je ne m’occuperai pas d’elle quand elle sera ici, parce qu’elle a été engagée dans une équipe de foot.
– Du foot ? fit Judith. Chez les sorciers ?
– Du foot ? demanda Roxanne. C’est quoi ?
– Un truc comme ça, du sport quoi. Bref, je vais passer mes deux semaines toute seule. C’est pas cool.
– Alors comme ça, même les gens qui ne te connaissent pas en chair et en os ne peuvent pas te voir en peinture ? raille Potter, qui a entendu notre conversation, assis un peu plus loin. Ca ne m’étonne qu’à moitié que tes lettres suffisent à faire fuir les gens.
Je lui lance un regard noir. Une autre lettre tombe devant moi, mais je n’entends pas le bruit de chute caractéristique qui l’accompagne habituellement quand Pilpel s’écrase contre la table en m’apportant le courrier. Intriguée, je regarde le vol lent du hibou qui s’éloigne de ma table en essayant de me rappeler où je l’ai vu. Bingo ! Il vient tout droit de…
… la directrice…
– J’ai encore fait une bêtise ? je me questionne à haute voix, étonnée.
– C’est un Alzheimer, il me semble, dit Potter en hochant la tête d’un air grave.
Sans me soucier de lui, je me tourne vers mes deux amies.
– Qu’est-ce que t’as encore fait ? me demande Roxanne, les sourcils froncés, l’air sévère.
Voyons. Peut-être que c’est à cause de l’empoisonnement très accidentel de la nourriture des Poufsouffles la semaine dernière et qui a fait pousser des plumes sur le dos de ceux qui en avaient goûté. Ou alors la disparition mystérieuse de toutes les portes des toilettes des garçons, juste après que Potter ait annoncé qu’il allait au petit coin. Ou bien s’agit-il de la porte de la salle d’Astronomie qui force les élèves à chanter « God Save The Queen » avant de les laisser entrer…
– Rien, je t’assure ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé.
J’ouvre la lettre et la parcourt rapidement du regard. Un rendez-vous dans une demi-heure dans le bureau de la directrice. C’est le temps qu’il me faut pour rentrer dans mon dortoir pour récupérer mes affaires de cours puis aller chez McGonagall. Pas de précision de plus, à part le mot de passe, « Panthère ».
Roxanne et Judith m’abandonnent devant la gargouille menaçante et filent en cours. Je déglutis. Je ne suis pas vraiment à l’aise. Ce n’étaient que de petites blagues bon enfant, mais après tout, la majorité des gens n’ont pas la chance de partager mon sens de l’humour…
– Panthère, dis-je d’une voix étranglée.
La gargouille acquiesce et laisse apparaître une porte. C’est quand même la troisième fois dans cette année scolaire que je vais dans ce bureau !
« Jamais deux sans trois ! »
Tiens, bonjour toi ! Je ne t’ai pas vue ce matin.
« Non, j’observais les faits et gestes d’Erik Gongs, ce garçon qui ne parle à personne. Impossible de savoir ce qu’il trafique. Si seulement j’avais mes pleins pouvoirs… Je pourrais faire de la légilimencie… »
Elle me lance un regard suppliant alors que je monte les marches de l’escalier-escalator en colimaçon.
Désolée, c’est hors de question, je te l’ai déjà dit. Tu n’utiliseras pas mes pouvoirs pour tes petites affaires.
Elle soupire lourdement, mais cela ne m’atteint pas. Je lui lance un dernier regard réprobateur, puis frappe trois coups à la porte.
– Entrez, fait une voix à l’intérieur.
J’obéis et tourne la poignée. A l’intérieur, tout est comme les dernières fois. La grande armoire mystérieuse, le feu dans la cheminée, la directrice et les lunettes sur son nez.
– Bonjour, professeur McGonagall, je la salue.
Elle lève la tête vers moi et me dévisage un court instant avant de me dire :
– Asseyez-vous, Miss Enderson. J’ai deux mots à vous dire.
– Ce n’était pas moi, je vous le jure, je m’écrie brusquement.
Elle me regarde d’un air interloqué.
– Je ne vous ai pas invitée ici pour vous punir une fois de plus, mais… Qu’avez-vous fait ?
– Rien, rien du tout, dis-je très vite. J’ai cru que vous m’aviez donné rendez-vous pour me punir, et en l’occurrence je n’ai rien fait de répréhensible… Enfin, de mon point de vue…
La directrice me lance un regard soupçonneux.
– Bon. Si vous le dites. La raison de votre présence ici est toute autre. J’ai reçu une lettre.
– Ah…
Cool sa vie ! Mais qu’est ce que j’en ai à faire qu’elle ait reçu une lettre ? Moi aussi j’en ai reçu une, de lettre, ce matin. Je ne convoque pas des élèves dans mon bureau pour leur en parler. Oui, bon, je n’ai ni élèves ni bureau mais…
« Cette lettre te concerne, triple idiote », lance Gondul, de l’autre côté de la pièce, admirant le feu brûler dans l’âtre.
– Cette lettre vous concerne. Elle vient de Beauxbâtons.
– Ah, c’est sans doute pour me donner une autre correspondante ? (Devant son air surpris, je m’explique : ) Ma correspondante m’a annoncé ce matin que je ne pourrais pas l’accueillir dans trois semaines et demi, quand elle viendrait en Angleterre, parce qu’elle a annulé… Donc j’ai une remplaçante ? Mais je ne comprends pas, pourquoi me faire venir dans votre bureau pour cela ?
– Cela ne concerne pas votre correspondante, Miss Enderson.
– Ah et ça concerne quoi alors ?
Elle me lance un regard tellement froid que j’ai l’impression de me congeler sur place. La politesse, bon sang. J’ai oublié d’être polie.
– Le directeur m’a écrit pour me parler de vous.
– Et… comment me connaît-il ? je demande en fronçant légèrement les sourcils, ne comprenant toujours pas où McGo veut en venir.
– Tous les mois, les directeurs de toutes les écoles de sorcellerie européennes s’échangent les bulletins scolaires de leurs meilleurs élèves et les étudient. Cela permet de surveiller les activités de ceux qui pourraient… mal tourner.
Passer du côté obscur de la force, quoi.
Et c’est donc pour ça que Hedvig Virtanen a absolument dû changer de nom et d’identité en venant à Poudlard. Elle ne devait pas avoir un super dossier en Finlande.
– Cette initiative a été prise il y a quelques années… Au vu de l’excellence de vos notes, j’ai dû envoyer votre dossier aux autres directeurs. Et celui de Beauxbâtons, en voyant en quelle année vous étiez, s’est enthousiasmé et m’a annoncé qu’il avait hâte d’accueillir « d’excellents élèves comme vous », je cite, à Beauxbâtons.
Elle grimace légèrement. Je commence à comprendre.
– Et donc, je complète, vous vous êtes sentie gênée et n’avez pas su comment lui expliquer que je ne pourrais pas y aller… donc vous avez décidé de… ?
– De vous y envoyer quand même, oui, lâche-t-elle de la même façon qu’elle aurait pu cracher un aliment immangeable.
Un ange passe…
– Hein ? Euh, je veux dire, pardon ? Vous êtes sûre ?
« Je croyais que tu voulais y aller. Réalises-tu que tu es en train de tenter de la convaincre de maintenir sa punition ? »
Ah oui, mince.
– Enfin, je suis ravie d’y aller, merci beaucoup, mais…
– Oui, vous partez, je n’ai pas de raison de changer d’avis, me coupe-t-elle, d’un air las. Allez en cours, Miss Enderson. Je ne voudrais pas que vous manquiez vos heures avec le professeur Binns.
– Moi, si, je marmonne.
– Pardon ? demande McGonagall en fronçant les sourcils.
– J’ai dit, moi aussi.
– Hm. Bien. Je compte sur vous pour être exemplaire à Beauxbâtons. Bonne journée, Miss Enderson.
– Bonne journée, professeur.
En sortant de son bureau, je me retiens difficilement jusqu’au bas des escaliers. Mais de l’autre côté de la gargouille, je n’y tiens plus et je fais une danse de la joie.
Je pars à Beauxbâtons !
OoOoO
– Tu m’abandonnes ? s’écrie Freddy Kreeps quand je parle à nouveau de mon départ à mes amies, à l’heure du déjeuner. Je vais rester tout seul à Poudlard, alors ?
Nous sommes alors réunies autour de la table des Gryffondors et je m’intéresse assez peu au contenu pourtant délicieux de mon assiette. Je suis trop excitée pour pouvoir y toucher.
– Ouais, lui dis-je en souriant de toutes mes dents. J’ai hâte !
Tu es déjà allée à Beauxbâtons, Gondul ?
« Non. C’est une école trop récente. Elle n’a été créée qu’au XVIIème siècle. »
Ah bon ? J’aurais cru qu’elle était millénaire comme Poudlard…
– Et moi qui espérais que je ne te verrais plus pendant deux semaines, soupire quelqu’un à ma droite.
Je tourne la tête vers cet abruti de Potter. Nous ne nous sommes plus reparlés en seul à seul depuis ce moment super bizarre où on a failli… je sais pas. Je préfère ne pas savoir ce qui a failli se passer, le soir où j’ai rompu avec Albus.
D’ailleurs, depuis que j’ai fait cela, Lucy passe son temps à la table des Gryffondors, bien loin de moi, avec son cher et tendre et sa meilleure amie Rose Weasley. Ils m’ignorent royalement. Quant à moi, je ne peux m’empêcher de les trouver assez mignons, tous les deux. Je veux dire, ils vont bien ensemble, et ça se voit comme un nez au milieu de la figure qu’ils s’aiment profondément. Ce n’est pas, mais alors vraiment pas mon genre de tenir ce genre de discours romantico-poétiques, mais c’est la vérité.
Revenons au temps présent. Potter vient d’ouvrir sa bouche pour dire des âneries, comme d’habitude, et je ne compte pas le laisser faire.
– Et moi de même. Quoique je sois heureuse d’y aller. Je vais pouvoir apprendre de nouveaux noms de marques françaises pour trouver le surnom idéal de Levi’s.
Abercrombie, assis en face de Potter, me lance un regard dédaigneux.
– Comment va-t-on retrouver nos correspondants ? je demande à mes amies en me retournant vers elle, sans écouter les autres piques de Potter.
– Je crois qu’on doit les rencontrer dans le Hall d’Entrée de leur école, m’explique Roxanne. La mienne ne m’a pas dit à quoi elle ressemblait. Je n’ai que son nom, Amélie Vermeil.
– En tout cas, j’ai hâte d’y aller, s’exclame Judith. Plus que neuf jours avant de partir loin de la grisaille écossaise !
-X-X-
Cathy était partie, et je demeurais seule au château, restant avec Ben et André. Evidemment, je m’entendais bien avec eux, mais… je me sentais assez abandonnée. Ce n’étaient pas des filles, je ne pouvais pas parler avec eux comme avec mes amies.
J’errais dans le château, en me disant que tout irait bien, que les correspondantes viendraient, que ça me remonterait le moral… mais je ne me leurrais pas trop. Je savais que je supporterais pas de rester ici jusqu’à la fin de l’année toute seule, ou tout du moins jusqu’aux lointaines vacances de Pâques. J’envoyais des lettres à tout le monde et sans arrêt pour tromper mon ennui, à mes parents, à mes trois amies qui m’envoyaient des lettres enthousiastes et qui me déprimaient quand je les comparais avec ma vie morne. Je me sentais nulle par rapport à Cathy, championne, et Yune et Violette, génies de notre génération. Je n’étais pas jalouse ; je me sentais simplement très petite et inutile.
J’avais envie de partir. Loin.
Sans parler de cette abrutie de Greta Lebrun, une sportive populaire en sixième année qui adorait me rabaisser et se moquer de moi avec ses amies. D’ordinaire, cela me passait au-dessus de la tête. Mais depuis qu’elle se mettait à flirter avec Armand Béryl, mes dernières défenses vacillaient. Surtout qu’il ne la repoussait pas, cette pouffe dévergondée et vulgaire ! Etait-il vraiment ainsi, ou ne la renvoyait-il pas sur les roses par pure politesse ? J’essayais de me persuader que c’était la seconde option.
Je commençais à comprendre ce qu’essayait de me dire Yune le jour de la rentrée : après tout, qu’est-ce que j’en savais ?
Le Bâteau pour Beauxbâtons by Mak
Aujourd’hui, c’est le jour J : on débarque à Beauxbâtons.
Une équipe de joueurs de Poudlard a été formée : Potter a été pris gardien, comme je l’avais prédit, et Chuck Woles, mon capitaine de Gryffondor, est poursuiveur. Contrairement à ce que je croyais, les batteurs de Poufsouffle n’ont pas été pris, en revanche, au profit de l’un des Serdaigle, Philip Downs (qui suit les cours avancés de DCFM avec moi) et Cedrella Beurk, une Serpentard à l’air dédaigneux en septième année. Robert Peterson est l’attrapeur et capitaine de l’équipe. Enfin, les autres poursuiveurs sont Hamish Selwyn, un Serdaigle de ma promo, et Tiphany Parker, une Poufsouffle d’un an mon aînée.
Ce qui fait donc trois Serdaigles, deux Gryffondors, une Poufsouffle et une Serpentard. Autant vous dire qu’il y a eu des cris pour le nombre important de joueurs de Serdaigle, surtout de la part des Serpentards. Mais la décision a été prise et rien ne pouvait empêcher McGonagall de la retirer. C’était elle qui avait choisi quels élèves formeraient l’équipe de Poudlard avec l’aide de Mr. Picsec, arbitre aux matches et professeur de Vol.
Le matin du 3 février, quand mon réveil sonne, je saute sur mes pieds en même temps que mes amies. D’un regard, nous comprenons qu’aucune de nous trois n’a dormi. Je file à la douche et range mes dernières affaires de toilettes dans ma valise. Celle de Judith est pleine à craquer de vêtements, et cette pensée me fait sourire intérieurement. Elle n’aura jamais le temps de porter tout ça…
Je m’habille très vite de vêtements chauds et descends avec ma valise et Pilpel, mon hibou, dans sa cage de voyage, mes deux amies avec leurs animaux et leurs sacs sur mes talons. La salle commune est en effervescence. La vingtaine d’élèves qui partent en voyage sautillent dans tous les sens. Sans regarder plus longtemps le spectacle, je passe le tableau de la Grosse Dame et lui dis au revoir en tournant à peine la tête vers elle.
Il est six heures du matin, et la Grande Salle n’est occupée que par deux professeurs et deux Aurors qui doivent nous accompagner, et bien entendu tous les élèves qui partent. Ils ont l’air bien réveillés et discutent joyeusement, quelle que soit leur maison. Une fois que nous avons terminé de déjeuner – et après que j’ai entreposé quelques pommes et des corn flakes dans mes poches – les élèves sont conduits par les professeurs et les Aurors dans le Parc de Poudlard pour nous guider vers notre moyen de transport. Pour les curieux, nos professeurs sont Zacharias Smith et Neville Londubat, et je ne connais aucun des deux Aurors. Ils semblent être un peu plus jeunes qu’eux.
Nous allons droit vers le lac, où se trouve un immense bateau à voiles, flottant sur l’eau brillant à peine ; c’est l’aube, le soleil ne s’est pas encore levé, et le ciel a pris une teinte bleu-gris, exactement la couleur de mes yeux.
Nous embarquons à l’intérieur. Ça tangue, et j’ai peur pendant un petit moment de rendre mon petit déjeuner pendant le voyage. Une fois sur le pont, nous sommes redirigés vers une pièce à l’intérieur, où se trouvent diverses cabines, un peu comme dans le Poudlard Express.
– Qu’est-ce que j’ai hâte qu’on arrive ! je m’exclame.
– Oh, moi aussi, dit Judith. Et Pepsi aussi.
Son chien n’arrête pas de japper de bonheur depuis ce matin. C’en est presque insupportable, mais j’ai l’impression que rien ne peut altérer ma bonne humeur.
« Tiens, tu utilises des mots comme ‘‘altérer’’ maintenant ? »
Bonjour à toi aussi.
– Je n’en dirais pas autant de Plumasil, marmonne Roxanne en regardant son hibou à l’air sévère.
On jurerait qu’il nous fait la tronche. Quel casse-l’ambiance, cet oiseau… Le mien dort profondément, pour une fois. Je me demande si je dois m’inquiéter.
Au décollage, nous sommes priés de nous asseoir sur les sièges et d’attacher nos ceintures, merci de votre attention. Oui, vous avez bien lu : décollage. Le bateau a été construit dans les dix jours qui ont précédé le jour de départ, de telle sorte que deux immenses ailes blanches se déploient de part et d’autre de la coque. Un sort d’invisibilité a été appliqué sur le navire pour éviter d’être vus par des Moldus. Dans notre cabine, nous sommes cinq : Roxanne, Judith, Philip Downs et John Crease, les batteurs de l’équipe de Serdaigle, et moi-même bien sûr.
– Alors, c’est qui, vos correspondants ? demande Crease.
– La mienne, c’est Amélie Vermeil, déclare fièrement Roxanne. Elle m’a écrit qu’elle était dans l’école des Enchantements.
– L’école des quoi ? demande Philip, intrigué.
– Des Enchantements, répète docilement Rox. Là-bas, à Beauxbâtons, ils sont répartis dans cinq écoles différentes à la fin de leur deuxième année selon leurs résultats à des examens, et leurs études ne sont pas les mêmes d’une école à l’autre.
– Et c’est quoi, les quatre autres écoles ?
– Je ne sais plus. Et toi, qui est ton correspondant ?
Philip sort un morceau de parchemin tout déchiré de sa poche.
– An… And… André Bé… Béryl, lit-il avec difficulté.
– Mon dieu, Downs, murmure Judith d’une voix blanche, ne me dis pas que c’est une lettre ?
Il lui lance un regard vaguement désolé :
– Bah, euh… si.
J’éclate de rire avec Crease et Roxanne.
– Et toi, demande Roxanne à Judith, c’est qui, déjà ?
– Lumina Belleroy, répond Judith en haussant les épaules. Elle a l’air plutôt sympa, mais elle ne parle pas très bien anglais.
– Je ne te parle pas du mien, Lucien de Lescanvre, dit John en levant les yeux au ciel et en prononçant ce nom avec un accent français ridicule.
– C’est incompréhensible ?
– Non. On a échangé deux lettres. Je lui en ai envoyé une en français, en essayant de me souvenir de mes cours de cet été. Ca ne voulait probablement rien dire, c’était un gros délire. Il m’en a renvoyé une dans un anglais parfait et très sobre. Je n’ai pas osé lui répondre.
– La rencontre va être marrante, je suppose, dis-je d’une voix qui se voulait compatissante.
– Et toi, finalement, avec qui tu vas rester ? me demande Judith.
Je sors moi aussi un morceau de parchemin de la poche de mon pull rouge et or, mais ce morceau-là est propre et bien plié. Je lance un regard éloquent à Philip Downs et l’ouvre.
– Sy… roh là là comment tu prononces ce truc ? je demande en montrant le papier à Jude.
– Saï-ki, énonce-t-elle. Psyché Verdoré. Tu ne connais pas le conte de Psyché ? Une histoire très intéressante…
– Je la connais aussi, dit Downs. Je l’ai trouvée dans la bibliothèque sorcière de mon père. Vraiment très bien.
– Ah bon ? dit Judith en fronçant les sourcils. Je croyais que c’était un conte moldu…
– Apulée était un sorcier, explique John.
– Vous pouvez parler en anglais, s’il-vous-plaît ? geint Downs, et tout le monde se met à rire.
OoOoO
Une demi-heure avant la fin du voyage, nous entendons beaucoup de bruit autour de notre cabine. Nous décidons de sortir. Dans les couloirs du bateau, tout le monde s’agite et se précipite vers l’extérieur.
– J’ai l’impression de jouer dans un remake du Titanic, marmonne Judith, mais personne n’y prête attention.
– Qu’est-ce qu’il se passe ? crie John par-dessus le vacarme.
Chuck Woles daigne lui répondre avant de repartir dans la foule en mouvement :
– Il paraît qu’on peut voir Beauxbâtons depuis le pont !
– Comment ça ? je m’écrie, mais il est déjà parti. On est au-dessus des nuages, on ne peut pas voir la terre !
– Mais qui t’a dit que Beauxbâtons était sur terre ? me crie Claudia Jones avant de se faire entraîner par sa sœur.
Intriguée, je me précipite dehors, mes camarades et mes amies sur mes talons, ressentant le frisson de l’excitation me parcourir les épaules.
Nous sortons par la porte que tout le monde emprunte, et un vent frais me frappe le visage et emmêle davantage si c’est encore possible mes longs cheveux roux. Je m’approche de la rambarde et me fraye un chemin parmi les élèves, jusqu’à arriver à la proue du bateau. Et là, je ne peux rester que stupéfaite.
Oui, Beauxbâtons n’est pas sur terre. C’est une île volante.
L’île vogue élégamment parmi les nuages. Une eau bleue qui la recouvre scintille sous le ciel sombre ; il est tard, nous avons voyagé toute la journée. Sur l’eau se distinguent trois zones différentes : un point vert qui doit être un parc, une espèce de petit champignon dont la tête est un enchevêtrement de toits, et enfin, une structure élancée et blanche. On ne voit pas très bien d’ici, mais je suis trop curieuse.
Je ferme les yeux et me transforme partiellement en corbeau. Je ne l’ai plus fait depuis ma fugue. Je sens mes yeux se modifier sous mes paupières, et j’arrête là la transformation. A présent, mes iris sont sans doute noirs. Et ma vision doit être décuplée, pareille à celle d’un oiseau.
J’ouvre les yeux, et je perçois nettement les détails de l’île. Le champignon est une petite ville aux rues sinueuses, bordée d’un côté d’une forêt touffue, pas aussi grande que notre Forêt Interdite. Le point vert est un grand parc, où je distingue un stade, des pâturages peuplés de quadripèdes – impossible de préciser de quel genre d’animaux il s’agit vu d’ici – et des champs. Et puis il y a le château.
Le château de Beauxbâtons est circulaire, et comme troué au centre. Le bâtiment serpente de façon à former une large boucle blanche. Les tours sont fines et s’élèvent haut, les architectures mêlent différentes époques, différents styles, différentes sortes d’élégance. L’édifice est absolument superbe. Je n’ai jamais rien vu de tel.
J’entends quelqu’un prendre sa respiration et je me tourne vers Potter, juste à côté de moi, qui s’apprête à me lancer une réplique cinglante. Il s’arrête au dernier moment et ses yeux fixés sur les miens se figent de surprise.
Oh non. Mes iris sont noirs. Il a du remarquer la différence de couleur. Je bats des paupières pour la rendre bleue à nouveau, et ma vision devient soudainement moins forte.
– T’as un chat dans la gorge, Potter ? je lance cyniquement en espérant qu’il pensera qu’il a simplement divagué.
– Tes yeux…
– J’ai de jolis yeux, je sais, merci, dis-je très vite, mais je ne te retournerai pas le compliment. Je déteste mentir.
Je lui lance un sourire éblouissant et m’enfuis aussitôt vers les cabines en me frayant à nouveau un chemin dans la foule.
« Toutes mes félicitations ! Tu as failli te faire prendre ! Dois-je te rappeler que toutes les précautions sont à prendre, entourée comme tu es ?»
Merci, j’avais remarqué ! Mais je ne me ferai plus avoir. Dorénavant, je ferai attention.
-X-X-
Tous les élèves qui avaient un correspondant attendaient dans le Hall d’Entrée où nous devions retrouver les Anglais. Les autres élèves étaient aussi surexcités que nous – enfin, excepté moi qui vivais depuis le départ de Cathy dans un état apathique – mais s’ils venaient tous dans le Hall, on n’aurait pu accueillir personne de plus. Je restai avec Ben et André, faute de mieux, et observai mollement par l’immense fenêtre ronde qui donnait sur le Parc de Beauxbâtons ; entre celui-ci et le château, il n’y avait rien de plus que le lac.
– A ton avis, comment vont-ils arriver ? me demanda André.
– Par la voie des airs, je suppose, soufflai-je de mauvaise grâce.
– Evidemment, fit André. Mais je veux dire : tu penses qu’ils vont eux aussi venir en carrosse ?
– Bah, oui. Je ne vois pas vraiment de quelle autre façon ils pourraient parvenir à l’île…
– Sait-on jamais, marmonna Benjamin.
– Oh, regardez ! s’écria quelqu’un, et la fébrilité des élèves autour de moi s’accrut.
Je me retournai vers la fenêtre et plissai les yeux pour mieux voir. Un point noir qui grandissait à vue d’œil s’approchait du château, planant relativement haut dans les airs. Mais…
– Ce n’est pas un carrosse ! s’exclama André, et un bruissement de conversations parcourut la foule d’étudiants.
– C’est un bateau ! s’écria alors un autre, et cette fois, le vacarme envahit la pièce, se répercutant contre les murs à l’infini.
En effet, c’était un voilier. Il dépassa le Parc, puis se posa sur le lac dans une grande gerbe d’eau, déclenchant les exclamations de tous. Je ne pus empêcher mes yeux de s’écarquiller. Je devais admettre que c’était assez impressionnant.
Le bateau vogua jusqu’à la Grande Tour où nous nous trouvions, et s’arrêta auprès de l’un de ses pieds, en dessous de nous. Les élèves ne tarderaient pas à s’y déverser pour emprunter les APM (Ascenseurs à Propulsion Magique) qui les mèneraient jusqu’à nous.
L’atmosphère était électrique, et malgré mon manque d’entrain, je devais admettre que je ressentais en moi une pointe d’excitation. Les professeurs Lombrat et Balatoile s’escrimèrent pendant quelques minutes à ramener le calme dans le Hall.
Enfin, les portes des ascenseurs s’ouvrirent, laissant passer des élèves vêtus de longues robes noires sobres qui observaient un silence religieux. Les quatre adultes qui les accompagnaient se dirigèrent vers nos professeurs et engagèrent une conversation polie.
Tout d’abord, tout le monde resta figé, ne sachant que faire. Puis, une fille des rangs en face aux cheveux d’un roux flamboyant s’avança vers nous et demanda en anglais au premier élève qu’elle croisa :
– C’est toi, Saïki ?
Je ne connaissais personne portant ce nom. L’élève en question secoua la tête et partit vers le groupe d’élèves français à la recherche de sa correspondante. Et tout le monde se mit en mouvement pour trouver le sien ou la sienne. J’aperçus brièvement Armand Béryl passer une main dans ses beaux cheveux blonds – ce qui me rappelait que les miens étaient restés d’un blanc pur les semaines dernières, jusqu’à aujourd’hui, sans que j’aie pu avoir le moindre contrôle dessus, comme d’habitude – puis il se tourna vers ses amis, Psyché Verdoré, Théophile Frégate et Stéphane Larmaret, et échangea quelques mots avec eux.
– Bonjour, me dit une fille blonde à l’air parfaitement débile avec un fort accent anglais, en souriant de toutes ses dents. Tu Céline ?
– Non, répondis-je en anglais. C’est la fille brune, là-bas, ajoutai-je en la montrant du doigt.
Elle partit sans me remercier.
– Bonjour ! Tu es Amley ?
Je fronçai les sourcils et me tournai vers la fille qui venait de me parler dans sa langue natale. Elle avait la peau mate et de longs cheveux noirs qui formaient de lourdes boucles. Ses yeux brillaient d’un éclat bleu singulier.
– Amélie, la corrigeai-je en insistant sur chaque syllabe. Et toi, tu es Roxanne ? demandai-je.
– Roxn, dit-elle en souriant.
Drôle d’accent.
– Si tu préfères, soupirai-je, toujours dans sa langue. Enchantée.
– Moi aussi. Tu as un très bon accent anglais !
– Merci.
– Quelque chose ne va pas ? m’interrogea-t-elle en fronçant les sourcils.
Tiens, elle avait l’œil. Ou alors c’étaient Ben et André qui étaient totalement aveugles et n’avaient pas remarqué mon mal-être de ces derniers jours.
– C’est… compliqué.
– Viens, je vais te montrer mes amies, s’écria-t-elle en me tirant par le bras.
Elle m’entraîna vers une fille aux longs cheveux blonds et aux yeux clairs. Elle avait l’air d’une beauté fatale. Elle était accompagnée de Lumina, une fille qui était de l’école des Potions.
– Coucou, me salua Lumina avec un sourire emprunt de pitié qui me repoussa.
N’allez pas croire que je ne l’aimais pas, mais je détestais qu’on me prenne en pitié. J’avais un minimum d’orgueil, quand même.
– Ta correspondante est sympa ?
– Son nom est Judith, m’expliqua Roxanne en anglais. C’est l’une de mes deux meilleures amies.
– Elle parle anglais ? demanda celle-ci à « Roxn ». La mienne ne comprend pas un mot de ce que je lui raconte, c’est désespérant.
Lumina fit un grand sourire :
– Qu’est-ce qu’elle vient de dire ? J’ai rien compris.
Je ne pus m’empêcher de sourire à mon tour.
– Je crois qu’elle t’aime bien, répondis-je simplement.
Roxanne me tira à nouveau par le bras et rejoignit la fille rousse qui avait brisé la glace la première quelques minutes plus tôt, en zigzagant parmi les groupes qui se formaient. La rousse avait des yeux sombres, un visage pâle, et ses cheveux étaient excessivement emmêlés. Je n’avais jamais vu rien de tel.
– C’est épouvantable, je ne trouve pas cette Saï-ki à la noix, maugréa-t-elle en anglais en voyant Roxanne arriver. Oh, tu as ta correspondante ? Elle a vraiment des cheveux bizarres.
Roxanne se raidit.
– Euh, Gin… Elle comprend très bien l’anglais.
« Gin » pâlit et se tourna vers moi.
– Oh, euh… Euh… Hem… Désolée, je savais pas, ça m’a échappé, j’le pensais pas du tout ! Je m’appelle Ginger, tenta-t-elle en me tendant la main pour me la serrer. Tu dois être Amley ?
Je regardai sa main sans faire un geste, et au bout d’un certain moment, elle la retira lentement, l’air effroyablement gênée.
– Amélie, la corrigeai-je d’une voix glaciale.
Quand on disait du mal de moi, je ne prenais pas de gants.
-X-X-
Wow, la gaffe ! A présent, cette Amélie risque de me détester. En fait, je crois qu’elle me déteste déjà. Roxanne échange un regard désolé avec moi.
« Même moi, j’ai un minimum de savoir-vivre… »
Toi, tu es la fille qui a fui la société donc tu n’as aucune leçon à me donner sur le savoir-vivre.
– Tu ne connaîtrais pas une fille qui s’appelle Psyché, par hasard ? je demande à Amélie.
Elle fronce les sourcils.
– Personne à Beauxbâtons ne s’appelle comme ça, me répond-elle.
On entend à peine son accent français. Elle parle un anglais quasiment parfait. En attendant, moi, je suis bien avancée. Je sors la lettre de Psyché Verdoré de ma poche et la lui tend. Elle me l’arrache des mains d’un petit geste sec et la parcourt des yeux.
– C’est Psyché, ça se prononce Psishé. Pas « Saï-ki. »
Ca m’apprendra à écouter les âneries de Judith !
– Ah, d’accord. Tu la connais ?
Elle se tourne vers une fille aux cheveux bruns et courts, au fond de la salle, près d’une immense fenêtre ronde, discutant avec un garçon aux cheveux blonds très pâles.
– C’est elle, là-bas, me dit-elle.
Je remarque que le rouge colore ses joues. Serait-elle amoureuse de la fille ? Ou du garçon ? Oui, c’est plus probable, il n’est vraiment pas trop mal, voir carrément super beau.
– Merci beaucoup, je m’écrie en souriant.
Aucun muscle de son visage ne tressaille. J’ai entendu dire que les Français disait des Anglais qu’ils étaient flegmatiques. C’est un comble.
Je me dirige vers la fille aux cheveux bruns et m’arrête devant elle. Elle interrompt sa conversation avec le garçon blond qui me regarde d’un air intéressé.
– Tu es Ginger ? me demande-t-elle dans ma langue, avec un accent pas trop mauvais.
– Comment t’as deviné ? (1)
Elle fait un petit sourire et se tourne vers le garçon pour lui dire un truc en français.
« Elle vient de dire ‘‘Elle a le sens de l’humour, c’est déjà ça’’ », me traduit Gondul.
Tiens, tu parles français, toi ?
« Entre autres. D’une vie à l’autre, j’ai eu l’occasion de vivre dans divers endroits, principalement en Afrique et en Europe. »
Psyché a les yeux verts, des traits aristocratiques et un air noble, et porte des vêtements punk. Quant au garçon, il est plutôt grand, musclé, et ses yeux sont bleu clair, comme un ciel d’été. Ses traits sont fins et ses dents très blanches. J’appelle ça un sourire de dentifrice.
– Salut, me dit-il en exposant ses incisives, ses canines et ses molaires.
« Tu connais le nom des dents. Je suis impressionnée. »
Pas de sarcasme !
Non, sérieusement, c’est ridicule. En un mot, il a réussi à me montrer à quel point il parlait mal l’anglais. En plus, je ne suis pas spécialement belle. Qu’est-ce qu’il me veut ?
– Tu parles anglais ?
– Non.
– Ah, parce que je trouve navrante la façon que tu as de draguer tout ce qui passe.
Il me sourit, et la brunette explose de rire.
– S’il-te-plaît, ne lui explique pas, je prie la Française alors que le garçon demande quelque chose à ma correspondante dans sa propre langue, sans doute pour lui demander une traduction.
– Comme tu voudras, me répond-elle.
– C’est qui, son correspondant ? je demande pour meubler la conversation.
Elle fronce les sourcils et pose la question au blond. Pas besoin d’être bilingue pour comprendre ce que « James Potter », en français, veut dire en anglais.
– Je te préviens tout de suite, on restera avec mes amies, pas les tiens, je m’exclame.
– Ah, et pourquoi ?
– Parce que je ne peux pas blairer James Potter.
– « Blairer » ? répète-t-elle, circonspecte.
– Supporter.
Elle hoche la tête pour marquer sa compréhension.
– Si ça se trouve, moi, je ne peux pas « blairer » tes amis à toi, je ne vois pas pourquoi tu serais prioritaire.
– Euh… Parce que je suis l’invitée ?
– Et moi, je suis sur mon territoire, réplique-t-elle.
« J’aime bien cette fille, elle a du répondant. »
– Hé, la rousse ! T’as pas bientôt fini d’embêter tout le monde ?
Inutile de dire qui vient de lancer ceci.
– Psyché, je te présente James Potter, je soupire en lui montrant le crétin binoclard.
Elle grimace légèrement.
– Appelle-moi « Dal ». Dahlia, c’est mon deuxième prénom. Nettement moins ridicule. Il ressemble beaucoup à Harry Potter, remarque-t-elle en l’observant.
– Normal, annonce-t-il d’un air très fier. C’est mon père.
Il attend quelques secondes dans cette posture orgueilleuse les compliments, les exclamations ou les questions empressées habituelles. Mais rien.
– Vaniteux donc stupide, résume sobrement Dal.
– Tu es quoi, pour me dire ça, toi ? s’écrie-t-il, furieux, en dardant un regard brûlant sur elle.
Elle laisse passer un silence glacé
– Je suis, répond-elle lentement, la fille de Persée Verdoré et Iris Verdoré, anciennement Iris Corolla. Tout plein de suffisance que tu es, je suppose que, comme tu es obnubilé par toi, toi et toi, tu ne t’informe pas des familles importantes du monde sorcier autres que celle de ton père. Eh bien imagine-toi que les Corolla et les Verdoré sont les deux familles les plus nobles de France, que ses branches s’étendent sur tout le continent et rejoignent quelques branches royales moldues ; imagine-toi que mon père a bâti une fortune immense, et que tous les riches sorciers lui lèchent les pieds pour qu’il leur jette ne serait-ce qu’un regard ; imagine-toi que ma mère est trois fois championne d’Europe de Duels ; imagine-toi que je suis la fille des personnalités les plus éminentes de la France magique et l’héritière de la plus grosse fortune européenne. Voilà ce que je suis.
Potter est figé. Ha ! C’était bien envoyé, quand même. Même si moi aussi, je suis impressionnée par ses origines qui sont assez… sympas. James Potter la fixe pendant quelques instants, puis lui dit finalement :
– J’espère que tu n’as rien contre les gens qui n’ont pas de pedigree, parce qu’Enderson n’en a aucun.
« Ah, tu crois ça ? »
– Même si Enderson n’avait pas de parents et était née dans la misère, je continuerais de penser qu’elle sera toujours mieux que toi, gamin.
– Ça tombe bien, je n’ai pas de parents et je suis née dans la misère.
Elle se tourne vers moi :
– Tu permets ? Je suis en train de le descendre.
– Je suis sérieuse. Je suis orpheline.
Ses yeux s’écarquillent.
– Oh ! Désolée. Je ne savais pas… Enfin, ça n’a pas l’air de te faire beaucoup de peine…
– Nan, répondis-je en souriant. Après dix-sept ans, on a l’habitude.
End Notes:
(1)En anglais, « Ginger » est le surnom donné aux filles rousses. Et c'est là que vous comprenez à quel point l'auteur est super-original dans le choix des noms des personnages.
Je regarde autour de moi. Roxanne et sa correspondante qui me déteste discutent toutes les deux, et Judith essaie vainement d’engager la conversation avec la sienne, qui n’a pas l’air de comprendre grand-chose. Je me tourne vers Psyché Verdoré, aliais Dal, ouvre la bouche, puis la referme. Je ne sais pas quoi lui dire.
– Serais-tu en train de te transformer en poisson, Enderson ? me raille Potter. Tu en as déjà l’intelligence…
– Tu as déjà prouvé que tu n’en avais pas tellement plus, d’intelligence, riposte mollement Dal à ma place. Si j’étais toi, je me tairais.
Potter lui lance un regard noir et accepte de se taire. Je souris de contentement mais n’ajoute rien. Cette fille est vraiment géniale.
Qu’en penses-tu, Gondul ?
« Je n’en pense rien du tout. Il y a quelque chose de très curieux dans cette école », me confie-t-elle d’un un drôle d’air, flottant quelques mètres au-dessus des élèves et plissant les yeux.
Dans quel sens ?
« Dans le sens que c’est étrange. Je serais incapable de te dire de quoi il s’agit mais… quelque chose ne tourne pas rond. »
Mouvement de foule ; nous nous dirigeons vers les mêmes ascenseurs étranges que nous avons empruntés pour monter dans ce Hall d’Entrée. Je ne me préoccupe pas plus des paroles inattendues de l’Horcruxe.
– Maintenant, on va au Réfectoire, m’explique Dal sans se soucier que je la suive ou non.
A côté d’elle, ses amis discutent tranquillement. Il y a le blond qui avait l’intention de me draguer tout à l’heure, un beau brun ténébreux et un troisième, qui a l’air plus jeune que les deux premiers, aux cheveux blonds et foncés, mi-longs et assez gras. Leurs correspondants respectifs les suivent : Potter, Arthur Wright et… Robert Peterson.
– On ne restera pas avec eux, je rappelle immédiatement à Dal.
Elle se tourne vers moi et me lance un regard froid, alors que nous venons d’entrer dans les ascenseurs de verre. Les portes se referment sans bruit sur la trentaine d’élèves entrés à l’intérieur et la plate-forme coulisse pour nous entraîner vers le bas.
– Oui, mais ce sont mes amis et je n’ai pas envie de rester avec les tiens. Je te l’ai déjà dit. Peut-être que le garçon à lunettes a raison ; tu as la mémoire d’un poisson rouge.
Je manque de m’étrangler d’énervement. Mais elle a l’air de plaisanter.
– Bon, eh bien on n’a qu’à manger tous ensemble, je soupire.
– Si ça t’amuse.
-X-X-
Roxanne Weasley était très sympa. Elle parlait avec les mains, un sourire avenant plaqué aux lèvres. En dix minutes de conversation, elle avait brièvement essayé de me présenter Poudlard. Ce que ça avait l’air bien ! Les points pour les maisons, les salles communes, les passages secrets, les salles cachées depuis un millénaire…
– Un millénaire ? m’exclamai-je, ahurie.
– Oui! Poudlard a été construit il y a à peu près dix siècles par quatre sorciers.
– Beauxbâtons, c’est beaucoup plus récent, lui répondis-je. L’école n’a été construite qu’au XVIIème siècle.
– Rox !
Nous nous tournâmes toutes deux vers la nouvelle arrivée : la rousse de tout à l’heure à qui j’avais sèchement parlé.
– Les amis de Psyché ont pour correspondants Potter et Wright, je n’y survivrai pas, s’écria-t-elle d’un air très théâtral en posant sa main sur le cœur. Bref, tu viens. Tu as vu Jude ?
– Non… Attends, elle est peut-être avec cet attroupement, là-bas ?
Je reconnus immédiatement une chevelure bleue caractéristique dans le groupe d’étudiants.
– C’est le groupe de Perséphone Verdoré, leur révélai-je. Elle a pas mal d’amis et Lumina Belleroy en fait partie.
– Oh, Verdoré ! Comme ma correspondante ! s’exclame la rousse.
Elle arrivait à faire des connexions entre ses neurones ! Bieeen…
– C’est sa sœur, lui dis-je en me retenant d’y ajouter « triple idiote ».
La blonde sortit du groupe en voyant ses amies près de moi et s’approcha.
– On mange ensemble ? lui proposa Roxanne. Ginger nous invite à dîner avec elle.
– C’est adorable de votre part, Miss Enderson, sourit Judith. Mais j’ai bien envie de faire connaissance avec ma correspondante, voyez-vous ? Ce sera pour une autre fois…
– Il y aura Arthur Wright à notre table, insiste Ginger.
– Je ne vois pas du tout ce que tu insinues, s’écria Judith en rougissant furieusement, avant de filer rejoindre le groupe de Perséphone.
Roxanne haussa les épaules en souriant et Ginger la tira par la manche pour qu’elle la suive. Toutes les trois, nous nous dirigeâmes alors vers une table occupée par…
Par…
…oh mon dieu… oh mon dieu… oh… mon…
-X-X-
Le blondinet – le beau, pas celui avec les cheveux gras, qui était parti manger ailleurs avec Robert Peterson et sa clique – me fait un clin d’œil quand je m’assieds en face de lui, ce qui me vaut un regard noir de la part d’Amélie Vermeil.
Charmant l’ambiance. Et puis, qu’est-ce qu’il me veut, celui-là ?
Quant à Roxanne, elle semble être complètement sous le charme du brun ténébreux assis devant elle, à côté du blond. Le brun regarde dans le Réfectoire comme s’il était en train de chercher quelqu’un.
– Comment tu t’appelles ? me demande le blond avec le même grand sourire et un accent épouvantable, me tirant de mes pensées. Moi, je m’appelle Armand Béryl.
Amélie, assise à côté de Roxanne, s’agite sur sa chaise, soudainement mal à l’aise.
– Moi, c’est « va voir ailleurs si j’y suis, véracrasse libidineux », je réplique nonchalamment en regardant la salle autour de moi.
Le Réfectoire est constitué d’un très grand nombre de tables rondes et rectangulaires dispersées un peu partout, et d’une autre posée sur une plate forme lévitant à une cinquantaine de centimètres du sol pour les professeurs. Son plafond est en verre et comme la salle à manger est située juste en dessous du niveau du lac, on voit à travers une mince couche d’eau la lune se lever et projeter sa lumière pâle sur le Réfectoire.
Amélie jette de rapides et discrets coups d’œil vers la place d’Armand Béryl. Amoureuse transie ? Lui, en tout cas, cherche désespérément à savoir ce que veux dire « vavoirailleurssijysuisvéracrasselibidineux » en français. Dal, qui a à peu près compris, arbore un sourire mystérieux et refuse de lui répondre.
Le brun remarque enfin le regard insistant de Roxanne posé sur lui. Une lueur étrange brille dans ses yeux ; on dirait qu’il a trouvé ce qu’il cherchait. Il lui adresse un immense sourire, ce qui fait rougir Roxanne.
Je soupire. Ce sera à Jude et moi de recoller les morceaux, quand il l’aura jetée.
– Arthur, dit Potter en se tournant vers son ami assis en face de Psyché, à l’autre bout de la table. Dis-moi que je rêve. Mon correspondant – un garçon qui a pourtant l’air normal – est en train de draguer Enderson ?
– Où est le problème ? je demande, sur la défensive. Il y en a bien qui tombent amoureuses de toi. Comme quoi, rien n’est impossible.
Le silence tombe brusquement dans toute la salle, et Potter est obligé de retenir sa remarque acerbe pour tourner sa tête, en même temps que le reste du Réfectoire et moi, vers le fond de la pièce, où, à la table des professeurs, un vieil homme sec à la barbe courte et grise vient de se lever, tendant les bras de part et d’autre de son corps.
Il imite vraiment très bien l’avion.
– Bienvenue à tous ! s’écrie-t-il en anglais, avec un air terriblement sérieux.
Je pressens le discours d’arrivée ennuyeux à souhait. Amélie écoute attentivement, James me lance un regard meurtrier – sans doute en train de se répéter mentalement la réplique qu’il comptait me lancer pour ne pas l’oublier, le pauvre, ça doit être dur d’avoir une mémoire comme la sienne –, Armand me fixe à la dérobée – discret… – et le brun lance des œillades appuyées à Roxanne dont la peau est de plus en plus colorée. Arthur a le regard vague, et Dal joue avec ses couverts.
Heureusement qu’Amélie est là pour nous donner l’exemple.
– Je suis ravi d’accueillir ce soir, et pour deux semaines, dans l’enceinte de l’Académie de Beauxbâtons, des élèves d’une autre école de sorcellerie. La dernière fois que cela était arrivé, c’était en 1822, il y a pratiquement deux cents ans…
– Je ne l’aime pas, ce directeur, murmure Dal à côté de moi.
– Pourquoi ?
– C’est un gros… je sais pas comment on dit ça en anglais. Il dit quelque chose en souriant mais en réalité il pense le contraire…
– Hypocrite ? je propose.
– Exactement.
Elle me fixe intensément pendant quelques secondes, puis me demande :
– T’es pas la fille qui a fugué de Poudlard pendant les vacances de Noël ?
-X-X-
Le directeur était lancé, on ne pouvait plus l’arrêter. Je n’aimais pas beaucoup le directeur, comme pratiquement tous les élèves de Beauxbâtons. Il était sang-pur, et, même s’il ne l’aurait jamais avoué, chacun savait qu’il n’adorait pas vraiment les moldus et les nés-de-moldus. C’était même carrément le contraire. Il souriait et conversait aux enfants de politiques dans la communauté sorcière, comme par exemple les triplées Verdoré, dont les parents étaient riches et nobles.
Je jetai un coup d’œil à Armand Béryl, l’air de rien. Il était assis en face de cette pétasse qui l’avait envoyé sur les roses alors qu’il lui avait gentiment demandé son nom, cette rouquine qui m’avait prise pour une imbécile et qui s’était fichue de la couleur de mes cheveux. Elle se prenait pour qui, au juste ? J’avais bien envie de lui fermer son clapet. Et en plus, avec son accent à deux balles, je comprenais un mot sur deux de ce qu’elle racontait, ce qui m’énervait au plus haut point. Et ne parlons pas de ses cheveux ! Leur couleur était agressive. Cela me rappela un conte lu à la maison il y a bien longtemps, dans un livre rempli d’images, sur Barberousse. Les deux avaient le même roux.
Certes, je m’énervais assez vite contre cette pauvre fille que je ne connaissais que depuis un quart d’heure. Mais je n’y pouvais rien. Je ne la supportais pas, c’était viscéral.
– T’es pas la fille qui a fugué de Poudlard pendant les vacances de Noël ? lui chuchota alors Psyché.
Je réprimai un sursaut : Violette m’en avait parlé. Elle avait passé ses vacances chez son amie Mary, et elle s’était fait attaquée par des Détraqueurs – je ne pus m’empêcher de frissonner en repensant à ce point de son récit – en compagnie d’une fille de Poudlard qui s’était échappée et qui était recherchée à travers tout le pays. Une orpheline.
Elle se croyait tout permis parce qu’elle n’avait pas de famille ? Oui, c’était sans doute difficile à vivre, mais ça ne lui donnait pas le droit de se mettre à insulter Armand. MON Armand !
Stop, Amélie, stop. Armand ne m’aimait pas, ne me connaissait sans doute pas, et c’était absolument ridicule de coller à son nom un adjectif possessif. Ou sinon, cela voudrait dire que je n’étais que l’une de ces greluches sans cervelle genre Greta Lebrun, qui gloussait, j’insiste sur l’emploi de ce mot, elle gloussait comme une dinde avec sa correspondante anglaise, une blonde platine à l’air tout aussi stupide, quelques tables plus loin.
Je me tournai vers la rousse, appelons-la Barberousse, et la vis hocher lentement la tête à la question de Psyché. Violette me l’avait décrite comme une fille sympa. Ce qu’elle n’était assurément pas. En tout cas, elle avait l’air du genre à se jeter la tête la première dans les ennuis et à parler sans mesurer ses paroles.
– Pourquoi t’étais-tu enfuie ? chuchota Psyché.
– J’avais mes raisons, répondit-elle avec un petit sourire suffisant.
Pff. Comme si ça intéressait qui que ce soit.
OoOoO
Un peu plus tard, le dîner était servi. A chaque fois que, plein de douceur et de politesse, Armand lui posait des questions sur elle, Barberousse le rembarrait sèchement avec un grand sourire. Elle alternait cela avec des messages de haine échangés avec le garçon assis en face de moi, plutôt mignon, aux cheveux noir de jais et aux yeux bleus. Mais pas d’un bleu aussi beau que ceux d’Armand, pensai-je en jetant un rapide coup d’œil à Ses iris couleur de ciel. Non. Vraiment pas aussi beau.
Théophile Frégate, le septième année brun meilleur ami d’Armand, faisait la cour à Roxanne, qui rosissait de plaisir à chaque compliment. Cela me gênait un peu. Il fallait absolument que je lui explique que Théophile était un tombeur, un coureur de jupons. Je me demandais souvent pourquoi Armand traînait avec un garçon pareil.
Au bout d’un moment, je décrochai complètement de la conversation entre Ginger et le mini sosie de Harry Potter, le héros britannique du siècle. Je jetai un coup d’œil à Armand, de façon tout à fait habituelle.
Il me regardait.
…
I L me regardait.
Il me R E G A R D A I T.
Mais surtout, il M E regardait.
Mon cœur fit un bond magistral dans ma poitrine, ce qui me coupa momentanément le souffle.
– Tu es Amélie Vermeil, c’est ça ? sourit-il.
Je restai sans voix pendant quelques secondes. Il connaissait mon nom. Il me connaissait !
– Euh, ouais, balbutiai-je.
Oh non, je devais avoir l’air ridicule. Si seulement j’avais quelque chose d’intéressant à dire. Si seulement j’étais une fille intéressante.
– Tu es amie avec mon petit frère, c’est ça ?
En fait, c’était très tendu entre nous en ce moment, parce qu’André Béryl, qui était l’un de mes meilleurs amis, avait commencé à vouloir se rapprocher de moi, c'est-à-dire qu’il désirait que nous soyons plus qu’amis. Non, il ne m’en avait pas parlé. Mais comme toujours avec André, la moindre manœuvre était aussi peu visible qu’un éléphant en justaucorps rose dansant le mambo. J’avais donc commencé à m’écarter de son chemin, et aussi de celui de Benjamin Laurent qui passait son temps avec lui et qui tentait de me faire accepter l’idée.
Mais je ne pouvais pas. Pour plusieurs raisons : la première, c’est que je ne pouvais pas du tout l’envisager comme plus qu’un ami. La seconde, c’est que j’étais amoureuse de quelqu’un d’autre et que c’était carrément immoral. La troisième, c’est que ce quelqu’un dont j’étais amoureuse était son propre FRERE, et ça, c’était encore plus immoral.
Depuis quelques jours, j’avais pris la décision de l’éviter, en me débrouillant pour me noyer dans des groupes d’élèves dans les couloirs pour le croiser. Parfait pour ne pouvoir qu’échanger des salutations banales et polies. Tout ce que je craignais, c’était qu’un jour, André ne débarque et ne me demande de sortir avec lui. Parce que là, je serais obligée de lui dire non, je lui briserais le cœur et nous ne serions plus amis. Et cela voudrait dire que je n’aurais plus un seul ami à Beauxbâtons.
– Ouais, lâchai-je au bout d’une demi-seconde.
Pourquoi n’avais-je pas dit « oui » ? C’aurait été beaucoup plus élégant que ce misérable borborygme aussi gracieux qu’un hippopotame. Oh, comme je me détestais… Si seulement j’arrivais à réfléchir quand j’avais un semblant de conversation avec lui.
– Tu as toujours été une métamorphomage ? me demanda-t-il en jetant un coup d’œil à mes cheveux blancs aujourd’hui.
Je grimaçai. Je détestais cette couleur de cheveux, qui me faisait ressembler à une grand-mère.
– Juste pour les cheveux, le corrigeai-je.
Sans le faire exprès, j’arrivais à dire des bêtises. Je méritais un prix. En tout cas, Armand haussa un sourcil étonné, signe qu’il n’avait pas compris grand-chose à ce que je venais de lui expliquer en quatre mots.
– Je veux dire, marmonnai-je, il n’y a que mes cheveux qui sont métamorphomages. Pas le reste.
– Ah, dit-il au bout de quelques secondes en plissant les yeux. Je vois. Et tu changes tous les jours de coupe de cheveux parce que tu aimes la nouveauté ou… ?
– Ouais, le coupai-je.
Bon sang mais faites-moi taire ! Oui, il était évident que je faisais mieux de lui dire que je contrôlais mon pouvoir, plutôt que de lui avouer que j’étais incapable de le maîtriser parce que j’avais un syndrome bizarre. Mais le couper, non, c’était juste complètement idiot. Je devais avoir l’air d’une rustre.
– Ah ouais ? s’écria une voix à l’autre bout de la table en anglais.
Je me tournai et découvris sans surprise la rouquine débile, rouge de fureur. Elle dardait des regards noirs à mini-Potter en face de moi. Je la maudis intérieurement. Pour la première fois de ma vie, je discutais avec Armand Béryl – Armand Béryl discutait avec moi. Même si ce n’était pas brillant. Et elle nous avait arrêtés.
– On parie ? lui lança mini-Potter, qui semblait lui aussi assez énervé. Le premier qui sort avec quelqu’un d’ici.
– Ca marche. Qu’est-ce que tu veux qu’on parie ? répondit-elle avec un sourire mauvais.
Il eut exactement le même sourire. La ressemblance était frappante. Il se leva au-dessus de la table pour être plus proche d’elle et lui dit très bas, dans un souffle :
– Toi, tu devras me dire ce que tu fabriquais au début de l’année aux Archives.
Barberousse se figea et jeta un coup d’œil appuyé à un point au-dessus de la tête d’Armand. Je regardai à mon tour : il n’y avait rien. Pourtant, elle l’avait fixé comme s’il quelqu’un se trouvait là. Cette fille était complètement barje.
Elle ramena son regard bleu-gris sur celui de mini-Potter, l’air légèrement plus irritée qu’avant.
– Toi, tu me diras ce que tu fabriquais dans la Forêt Interdite.
Mini-Potter, pris de court, se figea à son tour. Il réfléchit pendant quelques longues secondes, pesant le pour et le contre. Alors, très lentement, il énonça :
– D’accord. J’espère que ton secret n’est pas trop gênant, parce que JE vais gagner.
Ils étaient vraiment en train de parier sur lequel se ferait le plus rapidement un(e) petit(e) ami(e) ici ? Quels gamins !
Barberousse attrapa une pomme verte dans le panier de fruit en face d’elle, mordit rageusement dedans et se leva avant de s’en aller.
– Elle ne sait même pas où elle va, commenta sobrement Psyché.
– Tu vas la laisser se perdre ? demanda Théophile Frégate, taquin.
– Nan, soupira-t-elle. Je suis responsable d’elle. J’ai l’impression d’être à la charge d’un enfant de trois ans. A demain, les gars, fit-elle en se levant à son tour pour suivre Barberousse.
Frégate adressa un grand sourire à Roxanne et se tourna vers moi :
– Tu me laisses la raccompagner dans ta chambre ? Je te la laisse juste après.
J’étais bien tentée de dire non. Cette pauvre fille se faisait sans doute des illusions sur l’attachement que lui portait Théophile Frégate. Ca allait la détruire, parce que je n’avais pas l’impression que cette fille était du genre à protester et à se révolter, à être psychologiquement forte en somme. Mais son meilleur ami était juste à côté et lui souriait, et je ne voulais pas qu’Armand ait une mauvaise image de moi. Je me sentais terriblement égoïste.
– D’accord, soufflai-je, le cœur au fond de l’estomac.
Roxanne me sourit et se tourna vers son cavalier. Ils se levèrent en même temps et prirent la direction des Ascenseurs à Propulsion Magique. Je me levai à mon tour, histoire de ranger un peu la chambre avant que ma nouvelle colocataire ne s’y installe, et marchai tranquillement vers les APM, situés dans une grande pièce ronde et vide. Et une fois que j’y fus, un étau d’acier se referma sur mon petit poignet. Je poussai un cri et envoyai mon bras à l’aveuglette derrière moi. J’entendis le bruit d’une claque violente alors que ma main tendue rencontrait une joue. Je me tournai alors. Mini-Potter se tenait la joue en me lançant un regard assez énervé.
– Qu’est-ce que tu veux ? demandai-je très sèchement, avant que je ne me souvienne qu’il s’agissait du correspondant d’Armand Béryl : Qu’est-ce que tu veux ? répétai-je d’une voix bien plus douce. Désolée, tu m’as fais peur.
Il lança un regard par-dessus son épaule, puis me regarda droit dans les yeux.
– Est-ce que tu veux sortir avec moi ?
-X-X-
C’était vraiment la honte, tout à l’heure. Je suis sûre que cette Amélie Vermeil a remarqué quelque chose. Le long regard que je t’ai lancé n’était vraiment pas naturel.
« De quoi veux-tu qu’elle se doute ? Il serait fort étonnant qu’elle fasse le lien entre un Horcruxe de Valkyrie et une fille qui regarde au-dessus de la tête d’un élève un peu trop longtemps. »
Mais aussi, de quoi tu te mêles à te préoccuper de mes petites affaires ? Ça me regarde si je parie avec Potter, t’es pas ma mère !
« En effet, je ne suis pas ta mère, je suis TOI. Je te signale que si Potter apprend ce que tu faisais dans les Archives … »
Et bien quoi ? Tout ce qu’il pensera, c’est que j’essayais de trouver des noms dans les annuaires. Il n’est pas prévu dans le pari que je doive lui dire si j’ai dégoté quelque chose ou quoi que ce soit. Et puis de toute façon, c’est pas comme si j’allais perdre !
« Le premier d’entre vous qui charmera une autre personne, entre une sauvageonne comme toi et le jeune homme le plus charismatique de ta promotion ? Es-tu sérieuse ? »
Euh… Peterson est plus charismatique que lui.
« Bien sûr. Nous savons aussi bien l’une que l’autre ton avis personnel sur Robert Peterson. »
Et tu connais très bien mon avis personnel sur Potter, je suppose ?
« Oui », répond Gondul en me souriant. « Autrement, comment expliques-tu l’augmentation de ton pouls de l’autre soir ? »
Non… Non ! Tu m’as dit toi-même que je ne pouvais pas… Les Valkyries ne peuvent pas…
« Tout de suite les grands mots ! » dit-elle en éclatant de rire. « Je te taquinais. »
Je marche à pas vifs. Je me suis paumée dans les couloirs de ce château. Impossible de retrouver mon chemin. Ce n’est pas comme si j’y étais allée une quelconque fois, du reste. En tout cas, je suis bien loin du « Réfectoire »… J’aurais dû attendre Dal.
« Non, tu n’es pas amoureuse », reprend-elle en appuyant sur le dernier mot pour que je grimace. « Mais attirée… »
Mon regard se perd dans le lointain. Est-il possible que je sois attirée par James Potter ? Je repense à toutes les fois où je l’ai vu torse nu dans les vestiaires du match de Quidditch. A toutes les fois où, en première année, nous nous sommes jetés l’un sur l’autre pour nous battre comme des chiffonniers. A ce propos, il me semble qu’un jour il m’a fichu une baffe que je n’ai jamais eu l’occasion de lui rendre, vu que Londubat nous avait séparés. Hm. J’ai une revanche à prendre.
« Vous vous battiez ? » s’étonne-t-elle.
Ça te surprend vraiment, venant d’un garçon pareil ? En fait, je crois qu’il ne m’a jamais considérée comme une fille, donc c’est pour ça qu’il se le permettait. Il n’a vraiment pas les yeux en face des trous. Franchement, tu trouves que j’ai l’air d’un homme ?
Gondul ne répond pas mais esquisse un sourire.
Super.
Revenons à nos moutons. Je n’ai jamais été attirée par ses muscles bien dessinés. Jamais été attendrie par ses yeux dont je déteste la couleur. Donc comment expliquer mon cœur qui battait la chamade ce fameux soir ?
…
…
… Je sais !
« Ah oui ? » me demande Gondul, haussant un sourcil interrogateur et légèrement moqueur.
– C’était juste une crise de spasmophilie ! C’est causé par le stress et ça peut être déclenché par une grosse frayeur, et ça fait augmenter le pouls de façon considérable. Le stress venait sans doute du fait que j’avais foncé pour éviter le concierge et que j’étais tombée sur Potter alors que je ne m’y attendais pas !
– Ravie de le savoir…
Je fais volte-face. Dans la pénombre du couloir, je distingue à peine Psyché Verdoré. Elle soupire et marmonne quelque chose en français avant de me dire dans ma langue :
– Ecoute, même si je considère comme un peu inquiétant de partager ma chambre avec une psychopate qui hurle dans les couloirs des diagnostics de maladie comme spasmophilie, j’aimerai bien que tu me suives, maintenant. Histoire que tu ne te perdes plus.
« Cela faisait un moment que j’essayais de te prévenir qu’elle arrivait, soupire Gondul. Mais évidemment, tu ne m’écoutes jamais… »
Je hoche la tête et suis Dal. Nous empruntons un long dédale de couloirs Je m’arrête devant un mur composé d’une unique fenêtre. Elle donne sur l’extérieur du château. D’ici, on voit le bout de l’île. Derrière s’étend le ciel, parsemé de quelques larges morceaux de nuages couverts de la lumière de la Lune.
– C’est beau, je constate en m’arrêtant un instant.
A côté de moi, la silhouette de Gondul se déplace jusqu’à parvenir à mes côtés. Elle aussi s’arrête, et je me permets de regarder son visage un instant, tout en tournant la tête dans la direction de Psyché pour qu’elle ne se doute de rien.
Le visage de la Valkyrie est parfaitement calme, stoïque, mais ses yeux brillants trahissent les sentiments qu’elle ressent. Les nuages se reflètent dans ses pupilles bleues, éclairées par la lumière éclatante de la pleine Lune, et une multitude de sentiments et de souvenirs s’y profilent en quelques secondes, si vite que j’ai l’impression de les rêver – mais je sais que ce n’est pas le cas. Je ne serais jamais capable d’imaginer de telles choses prendre vie dans les iris froids de Gondul.
Elle bat des paupières, et à nouveau ses yeux ne révèlent plus rien.
« Tu veux ma photo ? »
Je hausse les épaules.
Elle s’éloigne, et je la suis lentement en me repassant la scène en boucle dans ma tête, cherchant une explication à la réaction de la Valkyrie. Gondul n’est pas du tout du genre à laisser révéler ses sentiments. Qu’est-ce qui a pu … ?
Et c’est à ce moment précis que je comprends. La nuit où Kara est morte et où elle a rompu tout contact avec Hildr, c’était une nuit de pleine lune.
Le vide.
Je suis suspendue dans le vide. Je suis tout, je ne suis rien. Je danse et chante, je suis immobile et muette. Je peux tout voir, mais mes yeux sont fermés…
– Bon retour dans tes rêves, Gondul, dit une petite fille, un sourire dans la voix.
J’ouvre les yeux, et brutalement je me retrouve assise sur un chemin de terre, en plein soleil, au beau milieu de la campagne. Des oiseaux sifflent, le bourdonnement des abeilles me fait l’effet d’une musique douce. L’air sent les fruits mûrs et me réchauffe la peau.
Je tourne la tête vers la fillette. Elle a une douzaine d’années, la peau mate, et ses cheveux brun-roux relevés dans des couettes se balancent quand elle bouge la tête. Ses yeux marron chaleureux me saluent du regard.
– Bonjour, Hrist... ?
Elle m’adresse un grand sourire révélant des dents blanches.
– C’est juste ! Tu as bonne mémoire… ou bien est-ce celle de ton Horcruxe ?
Elle a bien appuyé sur ce dernier mot, et subitement toute trace de jeunesse a disparu de ses yeux, bien qu’elle garde le même sourire. A présent, elle me lance un regard froid d’adulte teinté d’une colère contrôlé. Pourquoi ?
Elle pousse un soupir à fendre l’âme.
– Oh, c’est vrai, ce n’est pas vraiment toi… Je suis heureuse de te voir, mais je n’oublie pas ce que tu m’as fait.
– Ah, euh… désolée.
– Tu ne sais pas, hein ? Elle ne t’a rien dit ?
– Qui ça ?
– L’Horcruxe.
Je secoue la tête, attendant qu’elle éclaire ma lanterne. Elle hoche brièvement la sienne, puis me prend la main et le décor change autour de nous. Alors que nous étions dans un champ, nous sommes maintenant au milieu d’un village très animé. C’est l’heure du marché, et d’un étal à l’autre, les paysans échangent des ragots. Je m’approche de deux d’entre eux.
– Tu ne sais pas qui elles sont, alors ? demande une femme ronde et potelée, un panier dans la main.
– Pas la moindre idée, lui répond l’autre en haussant les épaules. Elles sont arrivées hier, la mère et la fille, dans la nuit. J’ai jamais vu de personnes aussi rousses qu’elles. Même la petite ! Et elle ne doit pas avoir plus de deux ou trois jours…
– On ne va pas passer la journée à écouter ces mégères, non ? dit Hrist, la fillette rousse, debout à côté de moi. Elles parlent de Mist et moi. A l’époque, Mist avait environ une vingtaine d’années d’humain, et je vivais avec elle en Espagne. A ma renaissance, elle a décidé que nous vivrions dans ce petit village paisible. Le temps a passé, tranquillement. Et puis un jour…
Autour de nous, le décor a changé : nous sommes toujours dans le village, mais il n’y a plus de marché. Les deux ragotteuses de tout à l’heure sont exactement au même endroit, plus vieilles d’une vingtaine d’années que tout à l’heure.
– Tu as entendu ça ? Le prince d’Espagne qui est ici ! Tu penses que c’est vrai ?
– Et comment que c’est vrai ! s’écrie l’autre. Je l’ai vu, de mes yeux vu, descendre à l’auberge d’Alonse, hier soir… Jamais je n’aurais cru que quelqu’un de la famille royale daigne poser le pied ici.
– Chut, ne dis pas ça ! la réprimande la première. La famille royale a passé des années difficiles…
– Ce n’est pas elle qui a vécu la disette, poursuit-elle en fronçant légèrement les sourcils.
– Regarde celle-là, la coupe l’autre en voyant une jeune fille sortir de l’une des maisons. Cette Hélène, si… hautaine, à agir comme si nous n’étions que des moins que rien.
Il s’agit de Hrist. Ses cheveux flamboyants et fins sont attachés dans un chignon élégant, et elle porte une longue robe fabriquée dans une belle étoffe blanche. Sa démarche est princière et son port de tête, altier. Elle promène devant elle un regard plein de condescendance, comme si le village lui appartenait.
– Il faut dire que Hrist n’était pas vraiment humble, concède une voix à côté de moi.
Je me retourne, stupéfaite, vers quelqu’un que je n’ai pas vu depuis bien longtemps. La jeune fille, dont les cheveux blancs lâches sont bercés par le vent, adresse un sourire d’excuse à la Hrist de douze ans à côté de moi qui la foudroie du regard.
– Je peux m’incruster ? demande Kara avec un grand sourire innocent.
Hrist effectue un petit reniflement méprisant.
Je suis du regard la fière rousse, âgée d’une vingtaine d’années. Elle entre dans une large maison à deux étages, qui doit être l’auberge dont les commères parlaient. Sans un mot, Kara, la petite Hrist et moi marchons jusqu’au bâtiment. Je passe à travers la porte, tel un fantôme.
A l’intérieur, l’atmosphère chaleureuse me rappelle immédiatement celle du Chaudron Baveur, qui me paraît bien lointain. Cependant, ici, le calme règne ; trois fermiers attablés discutent ensemble sans vraiment s’écouter. L’aubergiste nettoie un verre en sifflotant. Le chant des oiseaux filtre à travers les fenêtres ouvertes. Rien à voir avec l’empressement qui envahit toujours le Chaudron Baveur à l’époque de l’année où je m’y présente, avant la rentrée des classes.
Hrist discute avec l’aubergiste. Sa voix est coupante comme un couteau et elle parle vite. L’homme répond par des onomatopées ou de vagues signes de tête.
Des pas résonnent dans les escaliers tassés contre un mur, et les têtes se tournent vers le nouvel arrivant. Avec ses beaux habits et ses traits nobles, il ne fait aucun doute qu’il s’agit du Prince. Les yeux marron et froids de Hrist rencontrent ceux, verts et séducteurs, du jeune homme. Il lui adresse un léger sourire tout en la détaillant des pieds à la tête. Celle-ci fronce les sourcils, lève le menton, effectue le même reniflement hautain que celui qu’a fait la petite Hrist quand Kara est arrivée et détourne la tête pour continuer sa conversation avec l’aubergiste. Celui-ci ne lui répond alors pratiquement plus, concentré sur le Prince.
Le futur roi garde son petit sourire supérieur et sort de l’auberge.
– C’est vrai qu’il était beau, commente Kara.
– J’aurais préféré qu’il ne le soit pas, réplique sèchement Hrist en faisant claquer sa langue contre son palais.
– Pourquoi ? je demande, ma curiosité attisée.
– Oh, tu sais… c’est toujours la même histoire. Ou plutôt c’est ce que… quelqu’un… a cru.
Le décor change, une fois de plus. Il fait nuit noire, et nous sommes dans une modeste chaumière. Mist, quarante ans, prépare à manger. Hrist lui parle avec animation en faisant les cent pas.
– … si tu avais vu le regard qu’il m’a lancé ! On aurait dit que j’étais un bout de viande ! Je lui aurais bien dit ma façon de penser…
– … et tu as bien fait de te taire, achève calmement Mist, toujours le dos tourné à l’autre Valkyrie. Te connaissant, cela se serait finit dans un bain de sang.
Hrist fulminait.
– Il l’aurait mérité ! Ce n’est pas de cette façon qu’on traite Hrist, la Valkyrie !
– Hélène ! Je t’ai déjà dit qu’il ne fallait pas hurler ce genre de choses ! Imagine si quelqu’un passait à côté et t’entendait…
Elle s’arrête brusquement en entendant un hoquet de douleur. Mist se retourne vivement et voit Hrist, effondrée, les larmes aux yeux, paraissant souffrir le martyr. Son regard se porte alors sur la fenêtre. Le visage blême d’un homme se trouve juste de l’autre côté. En un éclair, Mist dégaine une baguette magique de la poche de sa robe et un sortilège vert s’abat sur le soldat. Il s’effondre contre le cadre, immobile, les yeux toujours ouverts.
– Il n’y a pas que Gondul qui était une sorcière ? je m’interroge tout haut.
– D’une génération à l’autre, il arrivait que nous en soyons une. En l’occurrence, à cette vie-là, Mist avait eu don de la magie.
Mist accourt vert la jeune femme, mais celle-ci se relève difficilement en la repoussant. Elle efface rageusement les larmes coulant de ses yeux, et, tremblante, de colère ou de douleur, elle tourne son regard vers le soldat mort. Un rictus mauvais étire ses lèvres.
– C’est ce crétin de Prince… Je savais dès le début qu’il avait l’intention de me piéger comme toutes les autres filles qu’il a mises dans son lit …
– Hélène, ne soit pas vulgaire, murmure Mist, les larmes aux yeux.
– Arrête de m’appeler comme ça ! lui hurle Hrist. C’est la vérité, ce type est pire que Don Juan ! C’est lui qui a envoyé ce messager pour m’espionner… Oh, il va me le payer…
– Hrist, non, ne fais pas ça, balbutie l’autre. Ne me fais pas ça. Je devrai porter les conséquences de tes actes, après…
– Quitte le village. Fuis, va vivre ailleurs. Transforme-toi et reprends forme humaine à ta vie suivante. Quand j’aurai tué cet homme, je n’aurai plus rien à faire d’autre que mener une vie d’errance.
– Je…
– Vas-t-en ! crie Hrist.
Mist lui lance un regard désolé, puis se transforme en corbeau et s’envole par une fenêtre. Elle disparaît bien vite dans la nuit sans lune.
– Adieu, Mist, murmure alors Hrist en regardant, les yeux embués, le ciel étoilé où s’est fondu le plumage noir de la Valkyrie.
Elle se transforme en loup, un loup énorme de bien plus d’un mètre au garrot, puis sort de la maison. Je m’apprête à la suivre, mais la jeune Hrist pose une main sur mon épaule pour m’arrêter.
– Âme sensible s’abstenir, me prévient-elle. Après ça, j’ai déchiré le corps du soldat pour qu’on croie à une attaque d’animaux sauvages.
– Ensuite, dit Kara alors qu’autour de nous, les murs de la chaumière laissent la place à une plaine verdoyante bercée par le regard d’une lune croissante, elle a envoyé une lettre au Prince lui disant de la retrouver ici. Pour se venger.
Hrist fait claquer sa langue contre son palais.
Une silhouette à peine éclairée marche prudemment à quelques mètres de nous. Je reconnais bien vite le Prince, un air ravi peint sur son beau visage.
– Hélène, vous êtes là ?
– Ne vous en faites pas, vous allez bientôt me trouver, claque une voix glaciale.
Le Prince tourne la tête, nullement inquiété par le ton de Hrist. Il se fige en voyant un loup en face de lui. Un loup vraiment énorme. Je reconnais la forme animale de Hrist, que j’ai vue un peu plus tôt.
Le Prince dégaine son épée, terrorisé, et Hrist se transforme en jeune femme. Ses yeux marron brillent, furieux, dans la lumière de la lune.
– Vous… vous… bégaie le jeune homme en lâchant son arme dans l’herbe fraîche.
– Oui, je suis une sorcière, lui dit Hrist, manifestement amusée de son comportement, un rictus méprisant étirant ses lèvres. Pour votre arrogance, vous allez payer de votre vie. Je me suis déjà occupé de l’un de vos hommes l’autre soir…
– C’était vous !
Son sourire s’étire davantage, dévoilant des dents pointues. La respiration de l’homme s’accélère.
Hrist se transforme à nouveau et pousse un long hurlement lugubre. Elle se jette sur le Prince mais celui-ci… est déjà mort. Déjà lacéré de puissants coups de griffes. Le loup lève la tête et voit devant lui une troisième silhouette, debout, baguette en main, dos à la lune. Je suis incapable de dire qui c’est ; mais la personne semble familière au loup qui se retransforme et qui lui crie :
– Pourquoi tu as fait ça ? Je voulais le tuer ! Je voulais me venger !
Hrist se jette sur l’inconnu, bras en avant. L’autre, dans un rapide mouvement du poignet que je connais par cœur, dresse une barrière magique.
– Gondul ? Mais que fabrique-t-elle ici ? je demande, franchement surprise.
– Ah bon ? dit justement celle-ci, l’air aussi surprise que moi, à Hrist. J’ai cru que… que tu l’aimais, ou…
– Que je l’aimais ? gronde l’autre d’un ton effrayant. Que je l’AIMAIS ? Tu te moques de moi ? Il m’a privé de ma vie de Valkyrie !
– Ça, j’avais compris ! s’écrie l’autre, dont l’énervement transparaît dans sa voix. Mais j’ai cru que tu le lui avais dit pour la même raison que…
– Tu crois sincèrement que j’aurais fait la même erreur que Kara, Gondul ? hurle Hrist. Je n’aime pas les humains, je les hais, je les abhorre !
– Oh, je t’en prie, arrête tes plaisanteries ! dit Gondul, agacée. Si c’était le cas, tu ne vivrais pas dans un village !
– Je te hais, murmure Hrist.
Court silence.
– Ne dis pas ça.
– Je comprends pourquoi Hildr a essayé de te tuer, après la mort de Kara. Je comprends enfin. Tu es toujours là, à te mêler de la vie des autres…
– Hrist !
– … Tu es incapable de prendre parti, tantôt tu dis que tu aimes les hommes et qu’il ne faut pas les sous-estimer, tantôt qu’ils sont pire que la lie et ne méritent que la mort !
Un éclair blanc jaillit de la baguette de mon sosie, et frappe Hrist, la projetant quelques mètres plus loin, juste à côté du corps du Prince. Elle relève lentement la tête, un rictus moqueur sur les lèvres.
– Tu veux me tuer ? chuchote-t-elle. Parfois tu dis que la vie est tout, parfois qu’elle ne vaut rien. C’est quoi ton avis aujourd’hui, la girouette ?
– Tu sais bien que je ne te tuerai jamais, murmure Gondul.
– Alors aujourd’hui c’est non… dommage. Je vais devoir faire le travail moi-même.
Avant que Gondul n’aie eu le temps de faire le moindre geste, Hrist dégaina un petit couteau attaché à sa jambe et se l’enfonça en plein cœur. Aussitôt, Gondul le lui arracha. Puis tout disparu autour de nous trois, Kara, Hrist et moi.
– Trop tard, dit Hrist. J’étais morte. Un seul coup, fatal.
– Mais pourquoi tu…
– Je n’avais plus rien à faire de ma vie. Je considérai comme inutile une vie avec une échéance. J’avais prévu de me tuer après en avoir fait de même avec le Prince. J’en ai profité pour faire de la peine à … enfin, pour te faire de la peine. Et à mon avis, ça a bien marché.
– Pas très sympa de ta part, dit Kara. Elle n’avait rien fait.
– A part détruire la seule chose que j’avais l’intention de faire dans ma dernière vie…
– Et c’est à ce moment là que l’Horcruxe est né, la coupe Kara.
– Ah bon ? je m’écrie, franchement étonnée.
– Oui. Avec l’âme du Prince. C’était pour toujours se rappeler des erreurs des autres Valkyries et de ne jamais les commettre. La première erreur, bien avant les autres, c’était de vivre dans une communauté humaine.
– D’ailleurs… est-ce que d’autres Valkyries se sont fait des Horcruxes ?
Hrist ouvre la bouche pour me répondre, et me dit d’une voix lente et endormie, bien différente de celle qu’elle a employée pendant tout mon rêve :
– Djinn-Djeure, faut se lever maintenant…
Avec un accent français épouvantable.
J’ouvre les yeux. C’est Dal qui vient de parler. Et mon rêve qui vient de partir en fumée. Avec une réponse que j’aurais beaucoup aimé connaître.
Zut.
Je regarde autour de moi : je me trouve suis dans une chambre de quatre lits. Deux d’entre eux sont vides, occupés d’habitude par les deux glousseuses qui partagent la chambre de Psyché Verdoré. Sur le troisième est assise celle-ci, en pyjama, se frottant les yeux. Elle allume la lampe au plafond d’un coup de baguette magique, puis se lève et se dirige vers un placard.
J’ai pu remarquer qu’ici, les élèves n’ont pas de salle commune. Ils vivent en colocataires dans des chambres qui contiennent autant de lits que de bureaux, et chaque chambre a sa propre salle de bains. De plus, chaque élève possède la clé de son appartement. Je lui ai demandé hier si on pouvait l’ouvrir d’un simple Alohomora, et elle m’a regardée comme si j’étais une abrutie.
– Ce sont des serrures magiques, a-t-elle lentement articulé. On ne peut les ouvrir qu’avec une clé.
Je me redresse sur mon lit et ouvre ma valise. J’enfile ma robe noire décorée de l’écusson de Gryffondor, qui constitue mon uniforme.
Dal vient de finir de s’habiller. Elle porte une robe bleue en soie avec des collants noirs. Elle lève la tête vers moi et observe un instant mes vêtements :
– Vous avez du bol. J’aimerais bien que quelqu’un nous débarrasse de ces horreurs, dit-elle en désignant sa robe.
– Je trouve ça sympa, moi, je la contredis. Une robe toute noire, c’est un peu triste, à la longue.
« Tu trouves ? » dit Gondul, l’air méprisant, en apparaissant à côté de Psyché qui range des livres dans un sac de cours.
Ce n’est pas comme si ton avis comptait. Tu ne connais pas la mode d’aujourd’hui. Au fait, j’ai vu Hrist cette nuit.
Gondul a l’air affreusement gênée. Tu m’étonnes ! Elle est morte pour rien, et à cause d’elle…
« Ne dis pas que c’est à cause de moi. C’est faux et tu le sais. Elle se serait tout de même tuée si je l’avais laissée faire. »
C’est cela, oui.
OoOoO
Plus tard, nous nous retrouvons dans le Hall d’Entrée avec Judith et Roxanne. Les élèves de Beauxbâtons sont déjà descendus prendre leur petit-déjeuner au Réfectoire ; nous allons partager ce repas juste toutes les trois.
– Aujourd’hui, on doit nous faire une visite guidée, dit Judith tandis que nous marchons vers les ascenseurs. C’est Lumina qui me l’a dit.
– Lumina ?
– Ma correspondante. Elle est plutôt sympa, et les deux filles de la chambre aussi. Même si je préfère son groupe d’amis.
– Ah, ça y est, tu connais tout Beauxbâtons ? je demande en souriant.
Jude a un don pour se faire des amis, je songe, alors que la cabine de l’ascenseur commence sa descente.
– Oh, pas tout le monde, me répond-elle modestement. Mais j’en connais pour qui c’est sans doute le cas.
Elle me désigne discrètement d’un signe de tête les jumelles Jones, carnet et crayon en main, prenant des notes sur toutes les conversations près d’elles, en contrebas dans le Réfectoire que nous voyons très bien depuis les parois de l’ascenseur de verre. Juste à côté se trouve une fille que nous avons vue hier et dont je me souviens bien à cause de sa couleur de cheveux.
– Elles sont avec Perséphone Verdoré ? La métamorphomage ?
Ses cheveux bleus, en effet, ne laissent aucun doute quant à sa nature.
– Oui, dit Judith. L’une est avec elle, l’autre avec une coloc’ de Perséphone. Je lui ai parlé ce matin, elle m’a dit qu’elles avaient passé la nuit dehors…
Je jette un œil à Roxanne, m’attendant à la voir sourire, tandis que nous sortons pour nous trouver une table. Mais elle regarde dans le vide, l’air songeur.
– Qu’est-ce que tu as, Rox ? demande Judith.
Celle-ci sort brusquement de sa rêverie et se tourne vers nous. Elle laisse planer un silence, semblant peser ses mots avec soin.
– J’ai embrassé Théophile Frégate, hier.
Judith et moi ouvrons des yeux ronds.
– Ne te fais pas d’idées, c’est un coureur de jupon, dit très vite Judith.
– Je sais, c’est ce qu’Amélie m’a dit…
Je la coupe aussitôt :
– Hier, Psyché m’a dit que lui et Armand Béryl avaient fait un pari. Celui qui sortirait avec le plus de filles de Poudlard.
Roxanne fronce les sourcils et Judith porte ses mains à la bouche, l’air effarée.
Dommage pour Théophile. Il aurait du savoir qu’on ne se moque pas de Roxanne Weasley sans en subir les conséquences.
– Casse tout de suite, propose Judith tout en s’asseyant à une table vide pour quatre personnes.
– C’est inutile, je l’aurai quand même aidé à gagner son fichu pari, rétorque Roxanne, l’air vexée.
– Restez discrètes, leur dis-je. Je n’étais censée le dire à personne.
Je me sers du thé et vide ma tasse d’un trait, alors que Roxanne, sourcils froncés, réfléchit intensément à sa vengeance. Puis je prends un morceau de pain et le mâchonne songeusement en regardant le plafond. Le soleil ne s’est pas encore levé, et l’eau au-dessus de notre tête est très sombre.
– Il faudrait pouvoir l’humilier en beauté, marmonne Roxanne.
– Et pourquoi ne pas les humilier tous les deux en même temps ? s’écrie Judith.
– C’est quoi ton plan ? demande Roxanne.
Judith sourit, et je reconnais le sourire qu’elle a toujours quand on monte un plan.
– Tu vas adorer, murmure-t-elle. Simple… mais efficace.
OoOoO
Après avoir partagé son plan avec nous – plan que j’adore particulièrement – nous nous levons déjà pour une visite guidée en règle du Château de Beauxbâtons. On nous colle une enseignante brune, d’une trentaine d’années, à l’air assez timide, qui nous attend dans le majestueux Hall d’Entrée. Le soleil rayonne à travers les vitraux et nous éclaire d’une lumière douce et chaleureuse, malgré le fait que nous soyons en hiver.
– Je suis le Professeur Lombrat, se présente-t-elle brièvement, en anglais, dans un accent pas trop mauvais. Professeur de Sortilèges et de Métamorphoses depuis huit ans à Beauxbâtons. J’ai été chargé de vous en apprendre plus sur l’histoire et le fonctionnement de Laputa, ou île de Beauxbâtons.
Je remarque que je suis la seule à ne pas avoir carnet et crayon pour prendre des notes, et le professeur Smith me fait les gros yeux. Je sors précipitamment de quoi écrire de mon sac et il détourne enfin le regard.
– Il faut savoir que l’Académie de Beauxbâtons a été fondée au XVIIème siècle, par le chevalier Léandre de Beauxbâtons. Le chevalier Léandre était un noble pour les moldus ; en fait, il était un sorcier sang-pur très tolérant. Après le massacre de la Saint-Barthélémy et la mort de son protecteur Henri IV, il décida de protéger les enfants sorciers des armes des moldus superstitieux ; il fonda donc l’Académie de Beauxbâtons, dans une région proche de Marseille actuellement.
Elle parle trop vite ! Je me surprends à baver d’envie devant la plume automatique de Roxanne, puis me reprends bien vite pour continuer d’écrire.
– Pendant toute la première moitié du XVIIème siècle, tout se passait relativement bien. L’école fonctionnait et des sorciers s’étaient installés à proximité, formant un véritable petit village. Un jour, un moldu débarqua et constitua alors une véritable menace pour tous les sorciers habitants ce qu’on allait appeler la Ville de Beauxbâtons. Le Moldu reçut plusieurs sortilèges d’Amnésie en même temps et cela le rendit fou. Pour éviter qu’une telle chose ne se reproduise, le chevalier Léandre de Beauxbâtons prit la décision de couper les habitants de Beauxbâtons du monde.
Il y avait sans doute plus simple. C’est idiot.
« Quand tu as rompu tout contact avec Albus… Il y avait sans doute plus simple pour ramener Lucy dans ses bras. C’est idiot. »
Oh ça va hein.
– Pour faire décoller Beauxbâtons et le village, il entreprit de réunir tous ses elfes de maison : il en avait au moins une cinquantaine. Les premiers jours, l’île était complètement dans les nuages, et c’est à ce moment-là que les lacs se formèrent. Très vite cependant, les elfes ont trouvé la solution en bloquant les intempéries aux frontières de l’île ; c’est pourquoi la température est maintenue constante, en hiver, ainsi qu’en été.
Oh non, ça veut dire qu’on va se les peler pendant les quinze jours ?
Judith lève la main et la prof lui fait signe de parler.
– Mais donc, il y a des sorciers qui sont descendants des habitants du village de Beauxbâtons ?
– C’est juste, répond-elle. Et certains d’entre eux n’ont même jamais vu la terre ferme.
– Mais je ne comprends pas, dit Angèle Champrun. Elever le château dans les airs n’exclut pas la possibilité qu’un moldu lève le nez en l’air et le voie, non ?
– En effet. C’est pourquoi le château vole très haut, et est entouré d’un champ magnétique important pour détourner les rayons de lumière de leur trajectoire. Si vous avez fait un minimum de Physique de la Magie, vous savez que cela veut dire qu’on ne peut tout simplement pas voir l’île.
Hm… Suis-je la seule à n’avoir jamais fait de Physique de la Magie ?
– Mais dans ce cas, comment font les élèves pour s’y rendre ?
– Nous avons nos propres moyens, répond mystérieusement le Professeur Lombrat. Des animaux nés sur cette île nous guident. D’autres questions ?
Personne d’autre ne lève la main.
– Voilà pour la partie histoire. Pour faire la transition avec ce dont je vais vous parler, je dirais simplement que le système des cinq maisons de Beauxbâtons a été créé en 1753, soit un siècle et demi après la création de l’Académie. Peut-être en avez-vous entendu parler ?
Philip Downs lève docilement la main, et Lombrat lui donne la parole.
– Il y a les Arts, les Potions, les Inventions, les Sports et euh… les…
– Les Enchantements, très bien, complète-t-elle. On choisit son école pour la troisième année, selon des résultats à des examens. Dans chaque école, on suit des cours plus ou moins différents, et on a également accès à des clubs, c'est-à-dire des activités extra-scolaires spécifiques à chaque maison.
– J’ai cru comprendre, l’interrompt Smith, notre prof de Métamorphoses, que les matières n’étaient pas les mêmes ici et à Poudlard. Vous allez donc suivre, pendant ces deux semaines, des cours dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler…
C’était donc ça la Physique de la Magie ! Rien que le nom, ça me donne envie de me tirer une balle dans la tête. Pendant que Smith parle de toutes ces nouvelles matières barbantes, je regarde les autres élèves autour de moi ; jusqu’à ce que je détourne brusquement la tête pour ne pas croiser les yeux glacés d’une blonde à l’autre bout de la pièce encadrée de deux Serpentards farouches.
– Et Virtanen, elle est avec qui ? je demande, l’air de rien, à Jude.
– La sœur de Psyché et Perséphone Verdoré. La pauvre. Elle est hyper timide, paraît-il…
Ce qui m’embête, sans que je ne puisse m’expliquer pourquoi. Avec Virtanen dans les parages, et pas surveillée par sa correspondante, je ne me sens pas en sécurité.
Et en toute modestie, mes intuitions sont souvent bonnes…
Les Astuces d'Amélie by Mak
Pendant toute la journée, le professeur Lombrat nous fait visiter le château. Je ne sais plus où regarder ; tout est magnifique, qu’il s’agisse des couloirs ou des vues par les fenêtres sur le lac de Beauxbâtons. Les murs sont blancs, parcourus de dorures, et le plafond est peint de scènes mythologiques, d’une finesse inégalable. Les portes, en bois sculpté, sont dotées de poignées dorées. On se croirait dans un palais de conte de fées.
– Le château est divisé en différents Quartiers, où sont réunis les élèves selon leur école. Actuellement, nous sommes dans le Quartier des Enchantements. Maintenant, nous allons descendre au Quartier des Potions… Veuillez me suivre, s’il-vous-plaît…
Pendant ce temps, je discute du plan avec Roxanne tout en admirant le décor somptueux.
– Je vais avoir besoin d’Armand Béryl, le blond qui me draguait hier. Je dois sortir avec lui, histoire de gagner le pari avec Potter, puis je le jette tranquillement. Après, je te laisse à ta vengeance.
– Ça me va, répond-elle. Mais ne prends pas trop ton temps.
– Dès que je le revois, je m’en occupe.
Je me sens épiée. Je tourne la tête et découvre Potter, ses yeux dardés sur les miens, tentant d’attraper des bribes de conversation. Et c’est là que je remarque un détail assez insolite sur son visage.
Je n’ai jamais vu qui que ce soit avec un œil au beurre noir pareil.
-X-X-
Le lendemain, et pendant toute ma journée de cours, j’étais encore choquée, furieuse, de la demande épouvantable que mini-Potter m’avait faite la veille. Sortir avec lui ? Non mais, et puis quoi encore ? Je venais de l’entendre parier avec Barberousse, sur lequel d’entre eux se ferait un petit ami ou une petite amie. Il m’avait prise pour une idiote, et je détestais cela tout particulièrement. Mon poing sur sa figure était une réponse bien plus parlante que tout ce que j’aurais pu dire à ce moment-là.
Le soir, il y eut un dîner-spectacle spécial. Tous les élèves faisant partie de clubs pouvaient montrer leurs talents. Naturellement, je ne m’étais pas inscrite ; je n’aimais pas trop me faire remarquer. Au moment où le chœur de l’école passait, je me tournai vers Roxanne, assise à côté de moi, pour engager la conversation. On comptait également à notre table Perséphone et ses deux camarades de dortoir, la beauté fatale amie avec Roxanne, Psyché… pardon, Dal, et Barberousse.
– Alors comme ça, Filius Flitwick est votre professeur d’Enchantements ? lui demandai-je.
Roxanne parut étonnée.
– Oui, mais… Comment tu sais ça, Amley ?
Je ne la corrigeai pas. J’avais baissé les bras depuis longtemps.
– C’est une célébrité, lui expliquai-je. Il a écrit des livres et a participé à beaucoup de tournois. On l’étudie souvent en classe de Sortilèges et de Métamorphose.
– Tu plaisantes ? s’exclama Barberousse, en face de moi. Flitwick, une célébrité ?
« Si je te le dis, pauvre imbécile… »
– En effet, répondis-je d’une voix glaciale.
Le chœur s’arrêta de chanter, et descendit de scène sous les applaudissements des élèves. Le directeur monta, et le bruit cessa aussitôt. Personne n’avait envie d’applaudir cet homme-là.
– Merci, s’écria-t-il en français comme si c’était à lui que s’adressaient nos félicitations. Cette année, j’aurais aimé montrer à nos chers correspondants les talents de nos élèves en ce qui concerne l’art des sortilèges…
Il répéta la même chose en anglais, puis reprit en français :
– … mais, malheureusement, personne ne s’est présenté. Je sais pourtant que Mademoiselle Amélie Vermeil est très douée dans ce domaine…
Nouvelle pause pour traduire en anglais. J’étais mortifiée. C’était une blague ? Elle n’était vraiment pas drôle !
– … et je me demandais si peut-être elle accepterait de nous montrer ce qu’elle sait faire ?
Je me cramponnai à ma chaise, bien décidée à ne pas la quitter, tout en faisant vigoureusement non de la tête au directeur qui m’observait avec un sourire doucereux.
– Vas-y Amélie ! s’écria Perséphone, et sur le coup j’eus envie de lui fracasser une assiette sur le crâne.
– Allez Amley ! renchérit Roxanne.
Je ne bougeai toujours pas. Alors Barberousse fit la pire chose qu’elle eut pu jamais faire, celle qui me persuada que je détesterais cette fille jusqu’à la fin de mes jours. Elle dégaina sa baguette magique, la pointa sur moi et marmonna le sortilège du Lashalbask. Aussitôt, mes mains se détachèrent de la chaise et je fus projetée au sol. Je me relevai aussi vite que possible, les joues en feu, consciente que je venais de me taper la honte devant toute l’académie.
– Ah, très bien, elle se décide ! s’exclama le directeur.
Je lançai un regard noir à Barberousse qui me fit un clin d’œil amical. Cela me mit encore plus en rogne. Pourtant, cette colère se mua en frousse quand je réalisai que je devais monter sur scène et faire face à tous mes camarades.
Oh.
Mon.
Dieu.
Saleté de Barberousse !
Prudemment, je me mis en marche, jusqu’à atteindre l’estrade. Je montai les marches et arrivai à côté du directeur. Il descendit aussitôt, et me fit un signe discret pour que je parle au micro.
Bah bien sûr ! Parce que je devais faire un discours, à présent ?
Je m’en éloignai de quelques pas pour que mon intention soit claire, le cœur battant à tout rompre. J’étais stressée, honteuse. Et en plus, Armand Béryl me regardait. Je déglutis bruyamment.
Les élèves de l’orchestre se mirent à jouer, et je reconnus immédiatement la Valse des Fleurs de Tchaïkovski. Heureusement pour moi, ce morceau ne durait pas des heures.
Les premières notes, jouées par des violons, se mirent à retentir. Dépourvue d’idée, je lançai le premier sort qui me passait par la tête en murmurant :
– Kalevala !
Un tourbillon de neige sortit de ma baguette et se mit à tournoyer près de moi. Je reculai de quelques pas et enchaînai avec un sort parfaitement inutile : les papillons de lumière. Une vingtaine de petits insectes lumineux apparurent et voletèrent près du tourbillon.
Un à un, les sortilèges défilaient, formant un tableau toujours plus beau. Des hommes élégants de neige dansaient avec des femmes minces et gracieuses fabriquées dans la lumière. Quand, à la fin, ils s’éparpillèrent en gerbes d’étincelles et de flocons dorés, toute la salle applaudit et je me surpris à sourire.
Oui, j’étais contente de ce que j’avais fait.
-X-X-
Cette Amélie est étonnante. Son spectacle m’a vraiment émerveillée. Le plus incroyable, je trouve, c’est qu’elle a tout improvisé.
– C’était génial, lui dis-je dès qu’elle nous rejoint sous les applaudissements nourris des élèves et des professeurs.
Elle me lance un regard froid et impénétrable, puis se tourne vers Roxanne et rougit sous ses compliments.
Ok. Au début j’étais sympa et j’essayais de faire ami-ami avec elle. Mais là, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Elle veut la guerre ? Elle l’aura.
OoOoO
Le lendemain, dans le Réfectoire, le professeur Smith nous fait une annonce qui nous déprime tous.
– Vous allez suivre les cours en même temps que vos camarades. Eh bien, quoi ? Je vous avais déjà prévenus ! Vous ne pensiez pas que c’étaient des menaces en l’air ?
Bref, je reste avec Psyché pendant cette journée. Nous commençons par une matière dont je n’ai jamais entendu parler : la Physique de la Magie.
– Vous n’avez pas de cours de Physique de la Magie à Poudlard ? s’exclame Psyché, franchement étonnée. Mais alors tu ne sais même pas ce qu’est la magie au niveau moléculaire ?
– Euh… non.
– Je vais t’expliquer vite-fait avant qu’on entre en cours, sinon tu ne comprendras rien. Tu as déjà entendu parler des électrons ?
Je hoche la tête tout en me demandant comment une Française ne parlant que couramment la langue de Shakespeare peut connaître ce mot en anglais.
– Les électrons tournent autour des noyaux des atomes, particules de la matière, c’est ça ? dis-je. Mais je ne vois pas le rapport.
– Il existe deux types d’électrons : les électrons naturels et les électrons magiques. Comme tu peux t’en douter, les objets magiques sont emprunts d’électrons magiques. Et un sortilège n’est rien d’autre qu’un jet d’atomes magiques.
– Et les sorciers ont eux aussi des électrons magiques ?
– C’est pas tout à fait ça. En fait, les électrons sont produits par les cellules des sorciers et circulent un peu partout dans l’organisme, de molécule en molécule. Un certain nombre de gènes codent des molécules « magiques » mais s’il n’y en a pas assez, alors l’individu est un Cracmol.
– Les Moldus n’ont jamais remarqué qu’il y avait des électrons magiques ? je demande, un peu étonnée, et n’ayant suivi qu’à moitié son explication.
« Bien sûr que non. Ils sont trop bêtes pour cela. »
Tiens, Gondul, ça faisait longtemps ! Comment ça va, vieille branche ?
« Je me promenée. Tu te rappelles, le soir où on est arrivée, je t’avais confié qu’il y avait quelque chose de curieux dans ce château ? »
Ouais ! Alors, c’est quoi ?
« Justement, je n’en sais toujours rien. C’est extrêmement frustrant. »
Je m’en doute.
– Seuls les appareils magiques, me répond Dal en me tenant la porte pour entrer dans la salle, sorciers par exemple, peuvent capter leurs images, du fait de leur caractère magique. Les appareils moldus en sont complètement incapables.
Le prof tape dans ses mains pour que le silence revienne dans sa salle de cours et je commence à m’installer à côté de Dal. Celle-ci trempe la pointe d’une plume hors de prix dans un élégant encrier, et déplace sa main au-dessus d’un morceau de parchemin, prête à prendre note.
Je soupire. Ce cours va être difficile à vivre.
-X-X-
Deux heures après mon premier cours – Potions, vraiment moyen pour démarrer la journée si vous voulez mon avis –, Roxanne insista pour que nous allions chercher son amie Barberousse à la sortie de son cours. J’aurais mieux fait de ne pas lui dire que nous avions cours de Défenses Face à la Magie Noire avec elle ; je n’avais vraiment pas envie de la voir. Elle m’horripilait, c’était tout.
Nous attendîmes quelques minutes devant la salle. Roxanne me parla de sa famille, et parut désolée quand elle apprit que je n’avais pas de père.
– Tu ne sais vraiment pas qui c’est ? m’interrogea-t-elle.
– Je dois pouvoir retrouver son nom, lui expliquai-je. Ma mère a gardé des lettres de lui, je crois. Il a bien dû les signer…
– Tu les as lues, ces lettres ?
– Non ! Ça ne regarde que ma mère.
– Ça te regarde un peu toi aussi quand même, opposa Roxanne. C’est ton père, Amley, ce sont tes parents. Tu as le droit de savoir, je pense.
Je n’eus rien à lui répondre, et de toute façon la porte venait de s’ouvrir. Un flot d’élèves en sortit, les Anglais parlant avec animation de ce cours qu’ils ne suivaient pas à Poudlard. Personnellement, je les enviais. La Physique de la Magie n’était pas la matière la plus passionnante.
Une main s’accrocha au cadre de la porte, les jointures blanchies par un effort surhumain. Une autre main se planta à côté, et toutes deux tirèrent avec difficultés le corps fatigué de leur propriétaire. Barberousse, surjouant la terreur, titubante, la respiration erratique, s’approcha de Roxanne et lui agrippa les épaules. Les yeux fous, elle annonça dans un murmure :
– N’y va jamais… jamais… jamais…
– C’était si horrible que ça ? demanda Roxanne, sans se laisser démonter.
Aussitôt, Barberousse se redressa, ses yeux reprirent leur éclat un peu hautain, la force revint dans son corps.
– Nan, mais c’était rasoir. On y va ? fit-elle en se tournant vers Psyché Verdoré, qui souriait un peu en regardant sa correspondante.
Celle-ci acquiesça brièvement et entama une marche rapide dans les couloirs, vers notre salle de Défenses Face à la Magie Noire. Juste derrière, Roxanne et Barberousse discutaient tranquillement, riaient parfois. Cela me rappela douloureusement l’absence de mes trois amies, Yune, Cathy, et Violette. Elles me manquaient beaucoup.
Quand nous arrivâmes devant la salle de cours, les élèves entraient déjà. Nous nous dépêchâmes de les y suivre. Roxanne s’assit à côté de moi, et Ginger Enderson juste devant elle, à gauche de Psyché.
Je remarquai, surprise, qu’il y avait James Potter. Je balayai la pièce du regard : non, pourtant, pas d’Armand en vue… Que cela signifiait-il ? Je croyais que les correspondants ne devaient pas se quitter d’une semelle ?
Le professeur lança un léger sourire à mini-Potter qui répondit en hochant un peu la tête. Sur le coup, cela me parut étrange. Bien plus tard, j’appris de Roxanne qu’il était un membre de leur famille, le beau-frère de Fleur Weasley, l’une de ses tantes.
– Je suis le professeur Alias, se présenta notre professeur. J’ai décidé, pour ce cours de Défenses Face à la Magie Noire, de vous envoyer les uns les autres en duels. Anglais contre Français… Ce sera l’occasion de montrer ce que nous, nous valons, ajouta-t-il dans ma langue natale en riant.
Je grimaçai. J’étais une très mauvaise combattante, je me ferais laminer en moins de deux minutes. Le professeur Alias fit apparaître un long parchemin, et choisit un nom au hasard inscrit dessus :
– James Potter ! Pouvez-vous venir ici, s’il-vous-plaît ?
Mini-Potter se leva, fier comme un coq, et rejoignit le professeur de l’autre côté de son bureau.
– Et Amélie Vermeil, ajouta-t-il.
Comme de bien entendu, tout le monde tourna son regard vers moi comme un seul homme et put remarquer mes cheveux blancs et étranges. Je fermai les yeux, accusant le coup, puis les rouvris lentement et me levai à mon tour de ma chaise. Je rejoignis rapidement l’estrade devant le tableau noir, les joues un peu roses.
– Je vous dirai quand engager le combat. Tenez vous droit, vous montrerez l’exemple à tous vos camarades !
Je me demandai pendant un instant pourquoi il avait pris le parti de m’humilier devant tout le monde. Il savait très bien que j’étais incapable de me battre. Je compris bien vite : j’étais la seule à parler anglais.
Potter leva sa baguette, prêt à en découdre. Je frémis, et levai ma baguette à mon tour.
– Commencez !
Potter lança immédiatement un sortilège de Bloque-jambe. Je contrai en lançant un sort parfaitement au hasard, puis enchaînai avec un autre sans réfléchir.
– Rhodocrino !
Ce n’était pas un sortilège offensif : je n’en connaissais aucun. Mais le regard furieux de James Potter me laissa penser qu’il aurait préféré souffrir un peu plutôt que de se retrouver avec des cheveux roses. Cela fit justement hurler de rire Barberousse, avec quelques autres élèves.
– Tarentallegra ! s’écria-t-il, baguette pointée sur moi.
Je tentai vainement d’esquiver : mes jambes se mirent à danser malgré moi. Heureusement, j’étais habituée à lancer des sorts en me déplaçant, donc je pus lancer un nouveau :
– Ropessa !
James se retrouva affublé d’une robe rose pâle de princesse et d’un diadème en toc. A la suite de Barberousse, tout le monde se mit à rire. Furieux, il me lança quelques sortilèges très rapides et bien placés, assez impressionnants en fait… Au point que je me retrouvai bientôt à terre, la baguette loin devant moi et de la poussière plein les yeux. J’entendis la voix d’Alias demander à tous les élèves de former des groupes de deux pour se combattre les uns les autres, tandis que je me relevai difficilement. Quand je redressai la tête pour chercher ma baguette, mes yeux rencontrèrent ceux de Potter.
J’avais tort, l’autre soir, en disant que les yeux d’Armand Béryl étaient plus beaux que les siens. En réalité, ils constituaient de très bons rivaux. Ils étaient captivants. Le fin tracé marron sombre autour de sa pupille se découpait sur un iris d’un bleu pâle saisissant.
Mes yeux pleuraient toujours de la poussière dans mes yeux, et je chassai rapidement les larmes en les cueillant au bout de mes doigts. Puis je tendis ma main vers Potter, qui tenait ma baguette. Il retira aussitôt son bras.
– Je te propose un marché. Je lève le sort qui te fait pleurer, et tu sors avec moi.
– Je te propose un marché, répliquai-je aussitôt. Tu me rends ma baguette et je n’arrangerai pas ton visage à l’instant comme je l’ai fait hier.
– Tu n’oserais pas, souffla-t-il. Tu sais que j’ai eu du mal à me retenir de dire à Armand ce qui m’était arrivé à l’œil gauche…
Je me figeai.
– Si ça m’arrivait une deuxième fois, je crois que je n’essayerai même plus d’inventer des mensonges.
Je ris jaune en essayant de refouler ma panique.
– Tu as l’intention de dire que tu t’es fait frapper par une fille ? raillai-je.
– Parfois il faut savoir mettre son honneur de côté, rétorqua-t-il.
Je ne savais si cette phrase était sensée s’appliquer à lui ou à moi.
– Combien de temps ? demandai-je, les dents serrées.
– Oh, pas longtemps, répondit-il, son visage s’éclairant d’un beau sourire, comprenant qu’il avait gagné.
Je me relevai et lui arrachai ma baguette des mains. Il me lança un sortilège pour que mes yeux cessent de pleurer. Il ne perdait rien pour attendre, ce sale serpent. Ma vengeance serait terrible.
Pour commencer, trouver un moyen de rendre ses cheveux perpétuellement fuchsia. Cela me paraissait être un bon début.
-X-X-
Le soir-même, dans le Réfectoire, Potter, avec son œil au beurre noir, s’approche de ma table, fier comme un coq, Amélie Vermeil au bras. Roxanne, Judith et moi le regardons deux secondes, puis reprenons notre conversation en l’ignorant totalement. Près de nous, Armand Béryl et le brun ténébreux futur-ex-de-Roxanne discutent avec Psyché Verdoré.
– J’ai gagné le pari, Ginger, dit-il en soulevant la main d’Amélie comme si c’était un trophée. Je suis sortie avec quelqu’un avant toi. Tu te rappelles l’enjeu du pari ? Tu dois me dire ce que tu fabriquais aux Archives…
Il plaisante ou quoi ? Légèrement (très légèrement, je vous assure) paniquée, je regarde Vermeil qui a l’air dégoûtée. Le rouge de ses joues est probablement dû à la présence des deux soit disant « beaux gosses » en face de moi… ou peut-être à la honte de s’être fait avoir. Il a dû la convaincre d’une façon ou d’une autre de sortir avec lui, parce qu’elle n’en éprouve clairement aucun plaisir.
– Il se croit malin, avec son œil au beurre noir ? songe tout haut Dal.
– C’est trop tard, Potter, je lui réponds. Moi aussi, je sors déjà avec quelqu’un.
– Ah oui ? me demande-t-il d’un air narquois. Avec ton ami imaginaire, je suppose ?
– Aussi imaginaire qu’Armand Béryl peut l’être.
Silence. Amélie se crispe brusquement, Judith et Roxanne se tournent vers moi avec étonnement, Potter hausse un sourcil méprisant, et Psyché traduit à ses amis qui n’ont évidemment rien compris. Armand tourne sa tête vers moi, souriant. L’autre fait la tronche. Le brun a perdu sa longueur d’avance dans son pari.
Je me lève, fait le tour de la table et m’assois directement sur les genoux d’Armand. Il a l’air aux anges. Potter, beaucoup moins. Je lui lance un grand sourire. Armand, ce sale pervers, en profite pour tourner mon visage vers lui et m’embrasser à pleine bouche. Bon, ce n’est pas que c’est désagréable, mais ça me gêne un peu, quand même, d’embrasser un parfait inconnu. Malheureusement, je suis obligée de jouer le jeu ou bien Potter se rendra compte de la supercherie.
« Toutes ces combines, c’est tellement… »
Humain ? Je suis d’accord.
« Tu me dégoûtes. A t’abaisser à faire… ça, pour de malheureuses paroles jetées en l’air. »
Les Gryffondors ont une parole, Gondul. Nos paroles ne sont jamais « jetées en l’air » comme tu le dis si bien. Et je ne m’abaisse pas, j’enfonce Potter. Grosse nuance.
– Alors Potter, lui dis-je la bouche en cœur, en parvenant à m’extraire de l’étreinte du blond, que faisais-tu dans la forêt interdite ?
– On sait très bien toi et moi que je suis le premier à être sorti avec quelqu’un, gronde Potter.
– On sait très bien toi et moi que tu l’as forcée à sortir avec toi.
– Match nul, alors, conclut l’idiot de service.
Je m’apprête à riposter, quand je me fais interrompre :
« Aie au moins la bonne foi de reconnaître qu’il n’a pas tort, Gondul… »
Je t’ai demandé quelque chose ? Parfois j’ai l’impression que tu te prends pour ma conscience.
« C’est normal, il faut bien que quelqu’un tienne ce rôle vu que tu n’en as pas. »
Tu peux parler, madame la meurtrière !
D’un autre côté, elle n’a pas tort… Hmm…
– D’accord, dis-je avec force efforts. Match nul.
Amélie se retourne aussitôt vers Potter et lui colle une baffe magistrale. La plus belle baffe que j’ai jamais vue de ma vie ! Sonore, rapide, nette, qui laisse une grosse trace rouge de main sur la joue et qui fait retourner les têtes de tout le Réfectoire. Elle aurait pu s’arrêter là, mais non ! Elle prend aussi la peine de lui lancer un sort pour rosir ses cheveux. C’est la plus belle rupture à laquelle j’ai jamais assisté. Je m’apprête à la féliciter quand je la vois me lancer un regard furieux à moi aussi.
Je réalise alors que je suis toujours sur les genoux de ce type dont elle est amoureuse. S’il pouvait arrêter de jouer avec mes cheveux, d’ailleurs, ce serait bien. Il va se coincer les doigts dedans tellement ils sont emmêlés et j’aimerais bien m’épargner cette humiliation. Quoi qu’il en soit : avant, elle me détestait parce que j’avais dit du mal de ses cheveux. Maintenant, elle a une VRAIE bonne raison de me haïr.
Bienvenue dans le vaste club de mes ennemies, Vermeil.
De toute façon, je m’en fiche qu’elle soit triste ou non. Je lui ai déclaré la guerre, vous vous souvenez ? C’était la première bataille, je l’ai gagnée haut la main, et je ne compte pas m’arrêter avant… longtemps.
– C’est marrant, constate Judith en remuant sa purée du bout de sa fourchette. Au bout de trois jours, vous vous êtes chacune fait un petit ami, et moi pas.
Elle n’a pas conscience d’avoir cruellement manqué de tact, mais Roxanne et moi ne disons rien. C’est un peu compréhensible, de son point de vue. C’est elle, la fille populaire, celle qui sort avec des garçons après les avoir connus pendant trois jours ou moins. Sauf que ce coup-ci, les deux garçons cherchaient une fille assez romantique pour tomber dans le panneau et une autre avec des plans bien précis en tête pour accepter de servir à l’autre en même temps qu’elle se servirait de lui.
– Oh, ce ne sera pas pour longtemps, t’en fais pas, je lui réponds. Je te laisse le mien quand tu veux, j’ajoute en me levant pour échapper à l’étreinte insupportable d’Armand.
– Non merci. J’ai pas très envie de sortir avec quelqu’un qui a osé faire un p… euh, qui a osé être aussi collant avec toi.
Bien rattrapé. Elle n’est pas sensée être au courant du fait que les garçons ont parié, c’est un secret que m’a confié Dal. Celle-ci n’a rien remarqué et continue de manger.
– Enfin le week-end, soupire Roxanne pour relancer la conversation. Qu’est-ce qu’on fera ?
– Si tu veux, Ginger, propose ma correspondante, je t’emmène avec moi à la Vieille Ville. C’est juste à côté et c’est plutôt sympa.
– On pourra venir aussi ? demande Judith.
– Bien sûr, mais je pense que vous devrez venir avec vos correspondantes dans ce cas.
OoOoO
Mais Lumina, la correspondante de Judith, voulait y aller avec ses amis, qui étaient au moins une dizaine. Pratiquement tous avaient un correspondant… Et tous les correspondants anglais en question voulaient y aller avec leurs amis.
Résultat : le lendemain matin, dans le Hall d’Entrée, tous les sixième et septième années sans exception, toutes écoles confondues, attendaient dans le Hall.
Author's Notes:
Wow... On a dépassé les 500 reviews... C'est tellement... *essuie une larme imaginaire* MERCI quoi ! Merci infiniment de continuer de partager avec moi votre avis par rapport à ce que j'écris ! Surtout ne vous arrêtez pas :)
Au fait ! Le chapitre 41 sera entièrement écrit du point de vue de James Potter. Sympatoche, hein ? Et j'essaierai d'accélérer le rythme de publication mais avec le bac qui s'approche à grand pas et mes trois malheureuses lectures analytiques finies, ça va être dur. Mais je ferai de mon mieux, promis !
Sur ce j'vous laisse. Bonne lecture !
…Résultat, le lendemain, tout le monde était dans le Hall. J’avais laissé Roxanne avec Barberousse et la poupée barbie (décidément, ma correspondante avait une étrange façon de choisir ses amies), et j’attendais près des ascenseurs magiques le signal pour que nous descendions.
– Hey, Amélie.
Oh non. Oh non pas lui. Non non non… C’était la dernière personne que j’avais envie de voir. Je fermai douloureusement les yeux, puis plaquais un sourire léger sur mes lèvres et me tournai, le visage avenant mais légèrement crispé, vers André Béryl.
Celui qui était le frère d’Armand Béryl, mais aussi mon meilleur ami, que je suspectais d’être attiré par moi et à qui je n’avais pas parlé sérieusement depuis bien longtemps. Je cherchais à l’éviter… Et il avait fini par me trouver.
– Salut, André.
Pas de « Hey Andros » comme j’avais l’habitude de le faire. Mon ton était plat, pas d’enjouement ou de gaité dans ma voix. Il ne fallait pas qu’il se fasse de faux espoirs.
Malheureusement, j’avais oublié qu’André ne remarquait pas grand-chose à part les menus au Réfectoire qui revenaient deux fois à l’identique dans la semaine. Il ne vit que mon sourire (froid, mais il ne le nota pas) et le sien s’élargit.
– On reste ensemble pendant la visite de la Vieille Ville ?
– Ok.
Et zut. Ce que je voulais éviter à tout prix. Il me restait une maigre chance de ne pas avoir de déclaration aujourd’hui :
– Où est Ben ?
– Avec son correspondant. Il compte rester avec lui.
– Ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu. J’ai bien envie de passer la journée avec lui aussi.
Mine déconfite que je fis semblant de ne pas voir sur le visage d’André.
– Et puis de toute façon, j’y vais aussi avec ma correspondante. Et toi ? Tu viens avec le tiens ? On pourra rester tous ensemble…
Je soufflai. J’avais réussi à tourner la situation à mon avantage. Je savais qu’André n’aurait jamais le cran de me dire « non, restons seuls tous les deux ». En fait, je comptais sur cette timidité qu’il avait parfois, en ce qui concernait cet aveu d’attirance envers moi : j’espérais de tout mon cœur qu’il n’oserait jamais me le dire.
– Ah non, je ne viens pas avec le mien, me répondit-il. C’est un crétin, tu ne t’imagines même pas… Il ne pense à rien d’autre qu’à ce qu’il va manger le soir !
Je mordis ma lèvre pour me retenir d’éclater de rire. C’était lui, André Béryl, qui disait une chose pareille ? Le gourmand invétéré de notre bande ?
Notre bande. Yune, Catherine, Violette, Ben, André et moi. Tous les six, on formait une belle bande d’amis. Dommage qu’elle soit brisée maintenant.
-X-X-
Alors que nous peaufinons le plan pour Roxanne dans ses moindres détails, au mot près, la porte de l’un de ces ascenseurs bizarres s’ouvre Le professeur Lombrat, la jeune femme qui nous a fait visiter le château, en sort en compagnie d’un autre adulte d’une trentaine d’années que je n’ai jamais vu. Celui-ci parle vite et fort, et a l’air encore plus emprunt de sa personne que Potter, c’est dire.
– C’est qui, lui ?
– Ça, c’est le professeur Matterhorn, il enseigne le vol aux premières année et aux élèves de l’école des Sports.
Nous nous tournons toutes les trois vers la personne qui vient de parler. Une Française, juste à côté d’Angèle Champrun. Oh, misère, pas Champrun. Je pensais qu’elle m’avait oubliée.
– Cool, dis-je. Merci.
Mais je sais que je ne vais pas m’en tirer pas à si bon compte.
« Aurais-tu peur d’elle ? »
Non mais tu plaisantes ? C’est juste que j’ai pas que ça à faire moi, démonter les gens c’est fatiguant parfois.
Gondul se posta en face des deux pintades et les observa un court instant.
« A mon avis, tu n’auras pas besoin de beaucoup d’efforts pour les ‘démolir’, comme tu dis. »
Que tu crois.
– Donc tu vois, ça c’est Enderson, l’imbécile dont je t’ai parlé l’autre jour, dit Champrun à sa correspondante.
– C’est vrai qu’on la voit de loin, avec ses cheveux carotte, répond-elle.
– Elle est vraiment fringuée n’importe comment, renchérit l’autre en me regardant de haut en bas avec un petit air méprisant.
– Bizarre qu’elle soit amie avec des gens qui savent bien s’habiller.
En effet, Roxanne et Judith, au contraire de moi-même, prennent toujours au moins dix minutes par jour pour se maquiller et choisir leurs vêtements pendant le week-end. Moi, j’emploie ces dix minutes pour me réveiller. Ou pour me rendormir, selon mon humeur.
Toujours est-il que les remarques acerbes des deux commères me passent totalement au-dessus de la tête. C’est pas vraiment sur mon apparence qu’elles arriveront à me blesser.
– Cool, merci, je répète, avec la même platitude que tout à l’heure.
Champrun fronce les sourcils. Elle s’attendait sans doute à ce que je démarre au quart de tour.
– Qu’est-ce que t’as, Enderson ? T’as plus rien à dire ? T’es incapable de nous répondre ou quoi ?
J’aperçois des gens nous entourer du coin de l’œil, dont la fille aux cheveux blancs, Amélie, et celle aux cheveux bleus. Même Psyché Verdoré a daigné arrêter sa conversation avec le grand blond – mon petit ami – pour jeter un œil à ce qu’il se passe.
Zut. Je n’ai pas d’autre choix que d’entrer en jeu, maintenant.
– Tu as un problème Champrun ? D’où te viens cette mauvaise humeur ? Ah, ne dis rien, c’est sans doute à cause de ce gros bouton rouge sur ton nez.
Par un mouvement réflexe, Angèle porte sa main à son nez, légèrement paniquée. Mais son amie l’arrête derechef et lui marmonne quelque chose en français, sans doute pour lui dire que j’ai menti.
– Malheureusement pour toi, c’est pas sur mon physique que tu pourras m’attaquer, ricane-t-elle.
– Là, tu me donnes le bâton pour que je te frappe, Champrun. T’as raison, c’est pas sur ton physique que je vais m’attaquer mais plutôt sur ton intelligence ; là, y’aura aucun problème, vu comme elle est limitée.
Elle se met de nouveau à rire de façon extrêmement méprisante.
– Je t’inspire tant que ça, pour que tu cherches des thèmes d’insulte ?
– Ta bêtise décuple mon imagination, je rétorque. A chaque fois, j’ai l’impression que tu touches le fond de l’imbécillité. Mais non, tu creuses toujours… C’est beau, cette persévérance. Caractéristique des Poufsouffles d’ailleurs.
– Je t’interdis de parler ainsi de ma maison, Enderson.
– Je ne vois pas ce qui va m’en empêcher, blaireau.
– Rien n’arrête les bouffondors, n’est-ce pas ?
Les quoi ? C’est quoi ce surnom ? Je ne l’avais jamais entendu, avant !
– T’aimes pas beaucoup ce nom, hein ? dit-elle.
– Tu préfères sans doute les Poupoufs ?
– Ça, ça s’applique plutôt à toi !
– Moi, une pouffe ? Mais c’est l’hôpital qui se fout de la charité !
– Regarde tes vêtements, enfin ! T’as jamais remarqué que ta robe était trop courte ?
Mince ! Elle date au moins de ma quatrième année, celle-là ! Mais qu’est-ce qu’elle fichait dans ma valise ? Je le jure, dès que je rentre, je range ma chambre. Ou pas.
– J’ai voulu m’habiller comme toi, je lui explique patiemment.
– Tu parles, ça sort des poubelles ton truc !
– Non, le nom exact de la chose dans ta chambre c’est « placard ». Pas poubelle. Plaaa-caard, Pouuu-beeelle. Répète après moi, tu verras la différence c’est pas compliqué.
Pendant que Champrun fulmine, la correspondante française de celle-ci a croisé le regard d’Amélie Vermeil.
– Amélie ! Comment vas-tu ? lui demande-t-elle en anglais d’un air parfaitement hypocrite.
– Greta Lebrun, quel plaisir de te revoir, répond-elle.
– Alors comme ça, tu es sortie avec le mec aux cheveux roses ? De tout Poudlard, tu as choisis celui-là ? Franchement…
– Mêle-toi un peu de tes affaires, Grota, je rétorque en prenant part à la conversation, dans un élan de je-ne-sais-trop-quoi.
Silence brusque. Puis murmures. Sourires discrets qui naissent sur les lèvres des spectateurs. Et bientôt, un gloussement.
– Comment tu m’as appelé ? énonce lentement Lebrun, fulminant.
« C’est Greta son nom, pas Grota. Grota, ça veut dire Gros Tas en anglais. »
Je m’impressionne moi-même. J’arrive à insulter les gens dans leur langue sans m’en rendre compte ! Ca mérite au moins des applaudissements.
– Grota. Ce nom te va si bien, je réponds calmement, avec un sourire éblouissant.
Champrun s’apprête à ouvrir la bouche, mais je lui conseille aussitôt :
– Surtout ne fais rien, sinon tu vas t’en prendre plein la figure…
Elle se jette sur moi, toutes griffes dehors. Ce à quoi je m’attendais parfaitement. Pour la forcer à faire quelque chose, suffit de lui demander le contraire ! Je me prends deux ou trois coups de griffes avant qu’on ne soit séparées.
Car quand je disais qu’elle s’en prendrait plein la figure, je ne faisais pas allusion à moi-même… mais aux professeurs.
– Vous n’avez pas honte ? s’écrie le professeur Smith, hors de lui. Une élève de ma maison, en plus ! J’enlève vingt points à Poufsouffle !
Oh, il doit être pote avec Nazaire Londubat, lui aussi enlève des points à sa propre maison.
Furieux, il traîne Champrun hors de la salle en hurlant des imprécations. C’est ce qu’on appelle une sortie remarquée. Lebrun, énervée, me lance un regard noir puis part rejoindre ses amies.
-X-X-
A cet instant, Barberousse avait l’air tellement fière d’elle, satisfaite de sa personne, que j’avais envie de me défouler sur elle. Elle était mesquine : elle venait de le prouver en excitant la colère de cette fille jusqu’à ce qu’elle la frappe.
Barberousse se tourna vers moi et me dit, sans un sourire :
– Quand on est poli, on dit merci.
– Te dire merci irait contre mes principes.
– Et c’est quoi, au juste, tes principes ? demanda-t-elle, narquoise.
– De ne pas faire enfler la tête des gens déjà vaniteux.
– Je ne suis pas vaniteuse !
– Bien sûr, et moi je suis la reine d’Angleterre.
– Enchantée, votre Altesse.
–- Ok, peut-être pas de la vanité. Mais de la suffisance. Comme si tu te sentais la personne la plus importante sur terre. Comme si tu étais différente et au-dessus des autres. Mais non, désolée, tu es comme nous, sinon plus bas que nous. Désolée, mais tu es une fille inintéressante et parfaitement banale.
Une pointe d’amusement que je ne m’explique pas luisit dans ses yeux, remplacée très rapidement par cette fierté incommensurable.
– Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui, rétorqua-t-elle.
– Et plaire à personne, c’est quoi ?
Sur cette dernière réplique, je fis volte-face et me rendis dans l’ascenseur en verre.
-X-X-
Alors elle, dès qu’on arrive à Poudlard, elle va comprendre sa souffrance.
– Elle est sympa, tu sais, plaide Roxanne.
– Sympa ? Tu te fiches de moi ? Elle me descend dès qu’elle me croise !
– Aie la décence de comprendre que tout le monde ne peut pas aimer ton fichu caractère, Gin, me rappelle Judith.
– Oui, mais quand même… je boude.
Nous sommes entraînées par un mouvement de foule vers les ascenseurs. Nous nous retrouvons tassés à l’intérieur de l’un d’eux, dont les larges portes en verre se referment. Nous descendons lentement, de plus en plus profondément… Quand le mécanisme s’arrête, les portes se rouvrent automatiquement. Tous les élèves sortent.
Nous sommes au pied de la Tour, à l’intérieur cependant. Il manque une partie du mur, et les dalles sur lesquelles nous marchons sont recouvertes d’eau au bout de la plate-forme. Sur la surface scintillante du lac flottent quelques immenses barques, bien plus grandes que celles de Poudlard.
– Ouais, c’est comme ça qu’on va à la Vieille Ville, dit quelqu’un près de moi, qui semble avoir lu dans mes pensées.
Je me retourne : il s’agit de Perséphone Verdoré. Elle a les cheveux bleu turquoise, les yeux roses et un visage débordant de malice. Elle me fait penser à une petite fille.
– Tu aimes Beauxbâtons ? me demande-t-elle.
– Mouais… Poudlard, c’est mieux, dis-je en souriant. Oh ! Qu’est-ce que c’est ?
Une espèce de furet ailé blanc vient de me grimper sur la jambe. Ses yeux dorés me font craquer.
– Ooooh, c’est trop mignon ! s’attendrit Roxanne.
Cela a le don de faire apparaître un franc sourire sur le visage de Perséphone.
– Si j’étais toi, je ferais gaffe. C’est un badgie, il y en a plein l’île et ce sont les pires chapardeurs que tu puisses imaginer.
– Quelqu’un a vu ma montre ? s’exclame quelqu’un dans la foule, au moment même où j’en aperçois une dans les petites pattes de l’animal.
Je lui arrache l’objet, et la bestiole s’énerve. Il se met à me griffer. Je dégaine alors ma baguette, mais avant même d’avoir pu penser à un sort, il s’envole pour atterrir plus loin, près d’autres élèves.
Je regarde la montre. Pas vraiment jolie. Je lève la tête et fait face à Abercrombie.
– C’est la tienne, boulet ?
– Pas de nom de vêtement aujourd’hui ? dit-il en la récupérant.
– Non, mais j’ai des noms d’oiseau si tu veux.
Il s’éloigne sans faire attention à moi plus longtemps et je me tourne vers Perséphone, souriant d’autant plus.
– Je comprends que les gens ne s’entendent pas très bien avec toi. Bon, je vais rejoindre mes amies…
– Tu n’as pas de correspondante ? demande Roxanne.
– Si, elle s’appelle Emma, Emma Jones. Je l’ai vue une seule fois depuis le début du voyage.
Tu m’étonnes.
OoOoO
Notre barque accoste après cinq minutes de voyage à ce qui ressemble à un petit port. Des marins attachent les embarcations avec de solides cordes, enroulées magiquement autour de bollards. Devant nous, le village s’étend.
On dirait un village de montagne, avec ses allées pentues. Les rues ne sont pas dallées mais en terre battue, et les petites maisons en pierre demeurent serrées les unes contre les autres. Certaines sont couvertes de lierre et de plantes grimpantes, et les murs réfléchissent la lumière éclatante du soleil. Des petits vieux s’accoudent aux rebords des fenêtres pour regarder les arrivants.
– Il est adorable, ce village, je commente.
Je me mets à me promener en compagnie de Judith, sa correspondante Lumina et une fille blonde que je n’ai jamais vue. Celle-ci parle avec Lumina, l’air bougon.
– Jude… C’est qui, la blonde ?
– Zelda Hobraque, une fille de l’école des Sports.
– Ah, et… pourquoi elle fait cette tête ?
– Elle est avec Lenny Perry.
Comme je la comprends ! Lenny Perry, vous vous souvenez ? La Serdaigle qui a piqué Peterson à Judith pendant le bal de Halloween.
Les deux Françaises, tout en continuant de discuter, entrent le plus naturellement du monde dans une boutique sombre. La devanture, peinte d’un bleu profond, est écaillée et donne un air lugubre à la petite bâtisse. Au-dessus de la porte, des lettres argentées d’une écriture singulière se tordent comme des serpents excités.
– Song, lit Judith. Bizarre. On entre quand même ?
Je pousse la porte, et une petite sonnette se fait entendre. A l’intérieur, il fait frais et cela sent le renfermé. La pièce est mal éclairée, aussi ma vue met-elle un peu de temps avant de s’habituer.
Les murs sont recouverts de livres dont seules les cotes très minces sont visibles. Devant nous, des bacs remplis d’objets carrés et plats, rassemblés pêle-mêle, sont placés les uns à côté des autres de façon à former trois petites allées. Je me rapproche, et vois alors que ces objets ne sont autres que…
– Des pochettes de vinyles ! s’écrie Judith, dans le silence de la boutique. Je ne savais pas qu’il y avait tant de musique sorcières !
– Ce ne sont pas que des groupes sorciers, dis-je en en brandissant quelques unes. Regarde… Beatles, Rolling Stones… Tiens, les Bizarr’Sisters. Je ne pensais pas qu’on pouvait en trouver.
– En France, on écoute des musiques sur de vieux lecteurs de disques, qui ressemblent beaucoup à ceux des moldus, explique une voix près de moi.
Je me retourne : c’est Psyché qui nous a rejointes.
– Pas en Angleterre ? poursuit-elle.
– Non, répond Judith. Les musiques sont enregistrées grâce à un sort dans la baguette, et on peut écouter la chanson en l’envoyant dans un lecteur.
– Bizarre, dit Dal. Oh ! s’exclame-t-elle en sortant d’un tas de poussière une autre pochette. The Animals ! Ca faisait une éternité que je cherchais cet album !
– C’est quoi, ça ? je demande, n’ayant jamais entendu parler de ce groupe.
– Ce sont des moldus. Vraiment de la musique géniale. Je te ferai écouter, si tu veux… Ce soir par exemple.
Elle sourit de cette dernière remarque, sans que je comprenne pourquoi. Elle doit me cacher quelque chose… Mais plutôt que de me l’expliquer, elle s’éloigne pour payer sa trouvaille.
En sortant, nous croisons Philip Downs et Freddy Kreeps, accompagnés d’un garçon brun que je ne connais pas mais qui ressemble énormément à l’autre crétin de Béryl. Son frère, sans doute. Il n’a pas l’air extrêmement heureux.
– Il cherche une fille, m’explique Downs. Emilie ou quelque chose comme ça.
– Amélie ? propose Judith.
Le Français tourne aussitôt la tête vers nous et se met à nous parler dans sa langue.
– Il est débile ou quoi ? Hé, je ne parle pas français, moi !
« Il vous demande juste où est Amélie. »
Il peut crever pour que je le lui dise. Sauf s’il veut lui taper dessus, dans ce cas je veux bien l’aider à chercher.
OoOoO
– J’ai faim, dit Philip.
– Vous êtes des ventres sur pattes. Il n’est que midi, remarque Judith en entendant un clocher sonner douze coups.
– Il faut qu’on trouve un endroit où manger, s’écrie John Crease, déterminé.
Nous nous sommes baladés pendant deux bonnes heures. C’est un village drôlement sympa, en fait. En plein soleil. Parce que Pré-au-Lard, à chaque fois qu’on y va, il pleut. Je trouve que ça craint, personnellement.
Bref, tous les quatre – le p’tit Béryl nous ayant faussé compagnie pour chercher la fille aux cheveux blancs – nous nous sommes complètement paumés. On s’est tellement éloignés que nous sommes arrivés à une partie du village pas commerçante du tout. Certaines maisons sont en ruines.
– On est mal partis…
Je m’apprête à acquiescer à ce que vient de dire Judith, quand je sens un truc humide sur mes doigts. Je me mets à hurler et fais volte face, baguette en main.
Une chèvre ?!
– C’est quoi ce truc ? s’exclame Crease.
Je m’éloigne d’un pas. L’animal bêle et se rapproche de moi pour essayer de me lécher la main à nouveau. Berk !
– Quelqu’un a du savon sur lui ? C’est dégueulasse !
– Oui, bien sûr, ironise Judith. J’ai toujours du savon dans mes poches.
Cette sale bête se rapproche de moi et frotte sa tête contre mes vêtements. Je remarque alors quelque chose d’étrange : la bestiole est ailée.
– Encore un mutant ! s’écrie Downs en levant les bras au ciel. Merlin, qu’avons-nous fait de si répréhensible pour que tu t’acharnes autant sur nos pauvres destins ?
– Ne le frappe pas, Gin, m’ordonne Judith en voyant que je levais la main. Si ça se trouve, cette chèvre peut te tuer d’un coup de corne. C’est un animal magique, après tout.
Ah. D’où les cornes violettes qui n’ont rien de moldu.
La chèvre ailée se met à me mordiller ma cape et à la tirer vers elle.
– Arrière, sale bête !
– Je crois qu’il veut jouer avec toi, remarque John.
– Rien à battre. Ouste ! Du balai !
– Bon, où peut-on trouver à manger ? s’interroge tout haut Philip, ignorant cruellement mes malheurs.
L’animal bêle, puis me tire avec plus de force vers une ruelle. Je me vois forcée d’avancer. Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
– Si ça se trouve, elle va nous mener à une boulangerie ! s’enthousiasme Philip.
– Philip… je marmonne, excédée. Je veux pas te faire de la peine, mais j’y crois pas trop.
– Sans blague, le truc a l’air intelligent. Tu peux nous amener au centre-ville ? demande Judith en se penchant vers la chèvre.
Celle-ci bêle à nouveau, lâche ma cape – je sens que je vais la balancer dès que je trouverai une poubelle – et se met à trottiner devant nous. Nous la suivons. Et un quart d’heure de marche plus tard…
– Elle nous a vraiment menés à une boulangerie ! s’écrie Downs, des larmes d’émotion aux yeux (et j’exagère à peine).
Nous sommes dans un quartier du village moins abandonné que tout à l’heure, devant une pâtisserie coquette aux murs blanc cassé. Une sorcière passe sa tête par l’une des fenêtres.
– Ah, voilà ma petite Bessie ! ! s’exclame-t-elle en voyant la chèvre. Mais qu’est-ce que tu fabriques ici ?
Elle lève la tête vers nous et dit alors :
– Si ce ne sont pas les petits élèves de Poudlard ! Vous vous êtes perdus ?
– Vous avez à manger ?
Philip se prit deux coups dans la tête, de la part de Judith et de moi-même.
– Mais euh ! J’ai faim !
Nous entrons à l’intérieur de la boutique et mon nez est assailli par l’odeur chaude et agréable du pain en train de cuire. J’ai la surprise d’y trouver Psyché Verdoré, accompagnée de sa sœur aux cheveux bleus et d’une troisième fille aux cheveux blonds.
– Tiens ! s’étonne Dal en nous voyant entrer. Je croyais qu’on était les seules à connaître cet endroit. Mais pourquoi vous êtes venus avec un drandomien ?
– Un quoi ?
– Le truc qui te mord la cape, Ginger, c’est un drandomien. On en élève pas mal, à Laputa, pour leur lait principalement. En tout cas, on dirait que Bessie t’aime bien.
– J’aimerais mieux pas, dis-je en geignant.
Les trois Françaises éclatent de rire et la blonde s’approche du drandomien. Elle lui dit quelque chose en français et l’animal trottine à l’extérieur, avant de prendre son envol et de disparaître derrière les maisons.
La blonde commande quelque chose à la boulangère en français, et celle-ci leur tend en souriant trois sachets tous préparés relativement gros. Perséphone sort une bourse de son sac et donne un gallion à la vendeuse.
– Et vous, vous prenez quoi ? dit-elle alors en nous regardant.
OoOoO
Après nous être bourrés de pâtisseries à la française* plus délicieuses les unes que les autres, Perséphone, Psyché et Pandore – la blonde, qui s’est avérée être la troisième des triplées Verdoré – nous ont raccompagnés au port. Perséphone nous a alors mystérieusement demandé :
– Vous avez des robes de soirée ?
– Euh… Je crois que Judith en a toujours assez pour trois…
– Ça fera l’affaire alors.
Elle a regardé d’un côté, de l’autre, puis nous a fait un signe discret pour que nous nous rapprochions d’elle.
– Ce soir, a-t-elle chuchoté, j’organise une fête clandestine. Soyez bien habillés à dix heures trente. Vos correspondants vous accompagneront, ils sont aussi invités. Croyez-moi, ça en vaudra la peine !
End Notes:
[Les phrases en italiques suivies d'une astérisque sont "en français dans le texte". Mais oui, vous voyez très bien de quoi je parle.]
J'ai mis à jour le blog maksstories.skyrock.com, n'hésitez pas à y faire un tour ! D'autant plus que je vous y propose de répondre à toutes vos questions sans détour sur l'intrigue de cette histoire... Intéressez ? Plus d'informations sur le blog !
Bisous et à la semaine prochaine. Et encore merci pour vos reviews qui me font super chaud au coeur !
Festivités à la Française by Mak
– Habille-toi, on y va dans dix minutes, m’ordonne Psyché.
– Mais je te dis que je n’ai rien à me mettre !
– Peu importe. Mets-toi quelque chose sur le dos.
Je soupire lourdement.
– Je ne vais quand même pas mettre un simple jean !
L’une des Françaises qui partage la chambre de Psyché s’approche de moi et me fourre une robe dans les mains.
– Et maintenant, fiche-nous la paix.
Puis elle repart se préparer.
Je fixe son dos quelques instants, arrêtée net dans mes plaintes bruyantes. Puis je jette un œil à ce qu’elle m’a donné. C’est une robe noire toute simple, sans manches, et aux bords couverts de paillettes.
– Je ne mettrai jamais une chose pareille, je déclare.
– Arrête d’embêter tout le monde et mets la robe, dit Psyché en me jetant un regard lourd de menaces.
J’arrête aussitôt de me plaindre et je commence à me déshabiller.
-X-X-
Je jetai un œil à la petite robe violette que Violette avait laissée ici. Elle était assez courte, mais ça pouvait aller.
– Qu’en penses-tu ? demandai-je en la montrant à Roxanne qui se maquillait dans la salle de bains.
– Très jolie !
J’enfilai la robe et remontai la fermeture éclair dans mon dos quand Roxanne me dit :
– Tu sais, Amley… Pour Ginger…
Je me figeai à l’énoncé de ce prénom détesté.
– Elle est pas si méchante que ça. Un peu trop franche… mais c’est tout.
Et un peu trop proche d’Armand, aussi. Cette fille, c’était le diable. Je ne répondis rien, et j’entendis Roxanne soupirer.
– Tu sais, tout ce qu’elle a fait c’est dire que tes cheveux ont une couleur bizarre… Mais elle disait ça pour rire. Elle a bien conscience que ses cheveux à elle sont bizarre aussi.
Pas autant que les miens. Mais je détestais cette fille pour d’autres raisons que ce que Roxanne pouvait s’imaginer.
-X-X-
Nous arrivons un peu avant l’heure devant le lieu de la fête : nous sommes face à des maisons au ras de l’eau, complètement abandonnées. Nous entrons à l’intérieur ; il fait noir comme dans un four. Dal me prend le poignet et me guide jusqu’au fond, l’air assurée, et murmure un Alohomora pour faire s’ouvrir une porte cachée. Celle-ci révèle, juste derrière, une grande pièce au plafond haut et voûté. D’un côté, une scène. De l’autre, un bar et des tables. Au milieu, une piste de danse.
Sur la scène, quelques garçons sont en train d’effectuer des réglages. Ils font partie du groupe de musique de Psyché, les Tender Gun, et sont chargés de mettre l’ambiance.
– Berling, fais chier, merde !* s’écrie Psyché en français à l’adresse d’un garçon plus jeune qu’elle, une cannette de soda de marque sorcière dans la main. Tu pourrais pas nous faire des micros normaux, pour une fois ? *
– Désolé Dal, je n’avais rien d’autre sous la main*, répond-il avec un large sourire. Et ne te plains pas, l’autre chanteur aura une batte de Quidditch pour micro. Une canette, ce n’est pas si mal !*.
Les élèves commencent à arriver dans la pièce. Perséphone court dans tous les sens pour distribuer les tâches à tout le monde : le brun ténébreux de Roxanne et mini-Béryl sont au bar, trois filles sont chargées de rester sobres pour surveiller les gens trop bourrés, une autre doit rester près de la porte et sortir régulièrement pour vérifier que personne ne se noie dans le lac… Toute cette organisation me fait sourire : j’ai comme l’impression que ce n’est pas la première fois que ce genre de fêtes a lieu.
Et puis bientôt, Psyché abaisse sa main sur sa guitare pour jouer le premier accord de la soirée.
Toute la foule d’élèves réunis se déchaîne sur le rythme endiablé de la chanson choisie, quelques filles hurlent de joie en entendant le chanteur user de sa voix langoureuse et rêche. J’évite soigneusement le blond Béryl et reste avec mes amies. Judith se lance enfin à la pêche aux garçons, et au bout d’une heure elle est assise sur les genoux d’un inconnu, riant à ses blagues sans doute pas très drôles. Roxanne et moi échangeons un regard et éclatons de rire.
A partir de ce moment, les choses deviennent floues. Je me souviens d’un verre de vodka des elfes… ou deux… ou trois. Après ça, j’ai dansé avec pas mal de Français, et même un ou deux élèves de Poudlard. Le moment où les choses redeviennent nettes dans ma mémoire, c’est celui-ci :
– Et maintenant, clame Psyché dans son micro, une musique dédiée à ma correspondante, à qui j’ai promis de lui faire écouter.
Je balance mes mains autour des épaules d’un garçon qui se trouvait par hasard dans le coin et le serre contre moi en entendant les premières notes à la guitare d’un slow.
There is a house in New Orleans
They call the Rising Sun...
Ça me rappelle quelque chose, cette musique.
Tiens, ça sent bon. Je suis sûre d’avoir déjà senti cette odeur quelque part. Non, pas dans ma chambre… Mais à Poudlard, ça c’est sûr. Juste à Poudlard… ? Chez Judith ? Nan. Chez Roxanne ?... non plus. Ca sent… la menthe.
Bon sang !
– Potter ? je m’exclame, ahurie.
– Il t’en aura fallu, du temps, me répond mon danseur.
Bonté divine. Je danse un slow avec Potter.
– Tu ne t’en vas pas ? me demande-t-il, moqueur. Je ne te dégoûte pas ?
– Nan, tu sens bon, je réponds sans réfléchir. Tu sens la menthe.
Gondul, devant moi sur la piste, se prend la tête dans les mains. Potter rit doucement.
– T’es complètement bourrée.
– Mais noooon.
– “Tu sens bon”... Je te ressortirai ça, demain.
– Tu connais les Beatles ?
– Un peu, répond-il, désarçonné par mon brusque changement de sujet de conversation.
– Tu me fais penser à l’une de leurs chansons.
– Laquelle ? You really got a hold on me ?
– Nan. I’m a loser.
Gloussements. De ma part. Ensuite, il y a un gros trou noir. Et puis je me retrouve devant l’eau du lac, fascinante, brillante. J’ai envie de plonger dedans, mais un bras me retient.
– Mais lâche-moi… Je veux nager…
– Mauvaise idée, me répond-on d’une voix amusée.
Je me retourne pour faire face à Pandore Verdoré. Ses cheveux blonds scintillent à la lumière de la Lune.
– T’as de beaux cheveux, je remarque en les observant.
Elle se mord les lèvres en souriant.
– T’es vraiment complètement bourrée, toi.
– Mais nOoOoOn ! J’vais très, très, très bien. Juré. Dis donc, c’est qui ta correspondante à toi ?
– Je ne l’ai pratiquement pas vue pour l’instant dit-elle en me prenant le bras et en m’entraînant vers la salle de fête. A vrai dire, je l’évite. Elle me fait un peu peur.
– Attends, c’est Hedvig Virtanen ? je m’exclame, surprise.
Elle penche la tête sur le côté, étonnée. On dirait un oiseau.
– Tu ressembles à un oiseau, je dis tout haut.
– Alors je ne suis pas la seule à avoir remarqué son côté flippant… réfléchit-elle sans faire attention à ce que je viens de dire. Elle est vraiment bizarre, en ce moment. Elle sourit toute seule, et quand on lui demande pourquoi, elle s’énerve.
– Tu ressembles à un oiseau, je répète. C’est drôle.
Je me mets à glousser. Pandore soupire.
– Bah, laisse tomber. Viens, je te ramène.
OoOoO
Le réveil est très dur. J’ai terriblement mal à la tête.
– Prends ça, me dit quelqu’un en me mettant une fiole dans les mains.
Sans réfléchir, j’avale le contenu d’un trait. Une minute plus tard, je me sens parfaitement bien et ouvre les yeux.
– C’est une potion anti… euh… hésite Dal. Je ne sais pas dire ça en anglais. Tu sais, tu n’as pas mal à la tête après avoir bu de l’alcool.
– Une potion anti-gueule de bois, je la corrige. Merci. Quelle heure est-il ?
– Une heure de l’après-midi.
Soudain, c’est comme si on m’avait donné une gifle : je revois en un instant toute ma soirée d’hier. Gloussements y compris. Ça y est, je crois que j’ai définitivement perdu toute crédibilité.
Mais il y a pire. Merlin, dites-moi que c’est un cauchemar…
– Je n’ai pas dansé avec Potter, hein ? je demande d’une faible voix.
– Je crains que si, répond d’une voix plate Psyché en s’habillant. Pendant que je chantais House of the Rising Sun des Animals.
Et si mes souvenirs sont bons, je lui ai dit qu’il sentait bon.
… Je veux mourir.
OoOoO
Ce que j’aimerais, là, c’est être invisible aux yeux de tous. Disparaître de la surface de la Terre. Ou même – je demande pas grand-chose… – passer inaperçu. Mais allez passer inaperçu avec des cheveux comme les miens.
Après avoir lancé une vingtaine de sorts de lissage sur ma tignasse, je peux me faire une queue de cheval. La rencontre avec mon reflet de miroir est un choc : j’ai vaguement l’impression qu’un coiffeur fou m’a rasé les trois quart de ma chevelure
Laissant là cette drôle d’idée, j’envoie Pilpel avec deux mots destinés à Judith et Roxanne. Elles doivent me rejoindre dans la salle d’Arts Plastiques. Ouais, ils ont une salle d’Arts Plastiques à Beauxbâtons ! Y a des élèves qui font des sculptures, des tableaux… A côté, à Poudlard, on a l’air de ploucs.
Une demi-heure plus tard, elles m’ont rejointe dans la pièce, qui était ouverte. Une fille aux cheveux noirs et silencieuse peignait le village de Beauxbâtons sur un immense tableau. Elle se retourna à peine en nous voyant arriver et salua vaguement Judith avant de revenir à son œuvre.
– Tu la connais, Jude ? demande Roxanne, étonnée.
– C’est Céline, une amie de Lumina, explique-t-elle en sortant un petit pain au chocolat de son sac. Gin, pourquoi ne voulais-tu pas manger au Réfectoire ?
– Oh, je… j’étais pas d’humeur à voir la tête de tout le monde. J’suis crevée.
Je prends le petit pain de ses mains et commence à le manger tandis que nous cherchons un endroit où nous installer pour discuter tranquillement. Après avoir tourné pendant cinq minutes autour de tableaux et de sculptures plus réussis les uns que les autres, nous nous asseyons derrière un bloc de marbre pas encore taillé.
– Je ne t’ai pratiquement pas vue de la soirée, Jude, dis-je en mangeant avec appétit. Où étais-tu ?
Elle rougit imperceptiblement et répond simplement :
– Je suis restée à danser. Tu étais trop ivre pour ne pas me remarquer.
Rox et moi lui lançons un regard suspicieux.
– Mais quoi ? s’écrie-t-elle, faussement outrée. C’est la vérité !
– C’est ça, et moi je suis un hippogriffe à pois roses, rétorque Roxanne. J’étais un peu bourrée, certes, mais pas autant que Ginger…
– Hé ! je m’exclame, indignée.
– … et je me souviens d’un moment où j’ai demandé à tout le monde où tu étais.
– Ça a dû être comique, je remarque, souriante.
– Et on a fini par me répondre, achève-t-elle en fixant intensément Judith.
Celle-ci semble rapetisser à vue d’œil. Le silence s’installe. Jude n’arrive pas à retirer son regard de celui de Roxanne et est extrêmement pâle. Dommage, le regard de la mort qui tue de Roxanne prend fin quand celle-ci est distraite par un hurlement, suivi d’un miaulement ; puis un pinceau lui frôla le dessus de la tête et finit sa course en s’écrasant sur le mur derrière elle, le tachant de rouge vif. Nous nous tournons en même temps vers la calme Céline, à présent hors d’elle, hurlant en français et balançant tout ce qui lui tombe sous la main sur un drôle de chat bleu et ailé. Mais elle est forcée de s’arrêter quand celui-ci parvient à s’échapper par une fenêtre ouverte.
D’ici, j’arrive à voir une belle trace rouge en plein milieu de sa superbe peinture. Tu m’étonnes qu’elle se soit énervée.
Elle se tourne très lentement vers nous, et rougit furieusement quand elle est certaine que nous l’avons remarquée.
– Bon, euh, j’y vais, vous fermerez derrière vous, marmonne-t-elle en nous balançant la clé de la salle avant de s’enfuir à toutes jambes.
Ahuries, nous restons bouche bée quelques instants. Je finis par rompre le silence :
– Hé bien, c’était un beau pétage de plombs. Bon, alors, qu’est ce qu’on t’avait répondu, Roxanne ?
– Ah oui, reprend-elle en retrouvant son sérieux, tandis que Judith récupère sa mine inquiète. On m’a donc répondu que tu étais partie avec un garçon de Poudlard.
Judith devient brusquement très rouge.
– Ah bon, murmure-t-elle.
– C’était qui ? nous demandons, Roxanne et moi, d’une même voix.
Judith ouvre la bouche, la referme. La rouvre, la referme. La rouvre :
– Euh…
La referme. La rouvre, la referme…
« On a compris l’idée ».
Tiens, t’es là ? Toi aussi tu as envie de savoir ce que fabriquais Judith hier soir ?
« Je me fiche complètement de vos petites histoires », dit-elle en levant les yeux au ciel, excédée. « Non, il se passe quelque chose d’intéressant à la bibliothèque et j’ai pensé que ça t’intéresserait. »
Que ça m’intéresserait ? Dans quelle mesure ?
– C’était… commence Judith.
Grincement de porte. Nous nous figeons. Et j’ai très envie de me frapper la tête contre le bloc de marbre devant nous quand j’entends cette voix dont j’ai absolument voulu éviter le propriétaire ce matin. Enfin, cet après-midi, plutôt.
– Marrant, j’étais sûr d’avoir entendu des voix, remarque Potter, l’air intrigué.
Encore heureux que le marbre nous cache de leur vue.
– Effets tardifs de tout l’alcool que tu as bu hier soir ? grince Abercrombie, ironique.
– Nan, j’ai pas assez bu pour ça. Mais heureusement d’ailleurs, t’imagines, j’aurais pu oublier les âneries qu’Enderson m’a sorties hier…
Je veux mourir. Encore plus que tout à l’heure. J’ignore tant bien que mal les regards interrogatifs de mes deux amies et prie de toutes mes forces pour que :
1. Potter arrête de parler
2. Potter ne nous remarque pas
3. Les filles oublient ce que Potter vient de dire
« L’espoir fait vivre, comme on dit. Au fait, la chose intéressante de la bibliothèque va bientôt prendre fin, je pense… »
Je m’en fous ! Tu vois pas que je suis dans la mouise, là ?
« Je vois très bien, merci », réplique-t-elle d’un ton sec. « Il y a pourtant bien pire, comme situation. Enfin… Ce n’est pas si grave, par rapport à l’événement dont je te parlais. Je pense que ça se passera à nouveau dans les jours qui suivront. »
Et tu ne veux pas me dire ce que c’est au lieu de me parler par énigmes ?
« Non. Ce ne serait pas vraiment amusant, sinon. »
Tiens, t’as de l’humour, toi ?
« Je vais délibérément ignorer cette dernière remarque. De toute façon, je n’ai pas vraiment le choix.»
Je n’ai pas le temps de la questionner sur cette drôle de phrase : elle a filé je-ne-sais-où. En attendant, Judith et Roxanne me regardent avec des yeux ronds. Je leur fais un signe pour leur dire que je leur expliquerai tout après, tout en me demandant ce que je vais bien pouvoir leur raconter.
– Bon, maintenant qu’on est seuls, reprend Potter, tu vas enfin pouvoir nous dire ce que tu fabriquais avec Judith Thomson.
Oh, Merlin.
Je suis trop soufflée pour pouvoir penser quoi que ce soit pendant quelques secondes.
Arthur Wright soupire fortement. Roxanne et moi jetons un coup d’œil à Jude, dont les joues sont passées d’un rouge vif à une pâleur presque cadavérique.
– Je vous ai déjà raconté ce qu’il s’était passé cet été entre nous, n’est-ce pas ? commence-t-il.
Je me retiens de m’étouffer et regarde Judith, ébahie. Entre nous ? Mais elle ne nous a jamais parlé de ça ! Je savais qu’elle avait un faible pour lui et vice-versa mais là… mais là… Décidément on va de surprise en surprise…
– Oui oui, répond Abercrombie. Arrête de tourner autour du pot et viens-en au fait.
Jude lève timidement la tête vers nous et nous fait le même signe que celui que j’ai effectué quelques instants plus tôt. Y a intérêt à ce qu’elle nous raconte !
– Eh bien, comme ses amies étaient bourrées, j’ai pu m’excuser pour le soir où on s’était disputés, cet hiver… Vous vous souvenez ?
Le soir où… Une minute… C’était pas le soir où on était sorties toutes les trois du dortoir en cachette des autres ? Nom d’un hippopotame violet volant ! Jude était allée voir Wright !
– Et comment a-t-elle réagi ? demande Potter, curieux.
J’aurais adoré savoir ce qu’il allait répondre, sauf qu’à ce moment-là, un rayon de soleil m’a éblouie, et par une réaction en chaîne, j’ai senti une envie irrépressible…
– Atchoum !
… d’éternuer.
Rox et Jude me regardent, horrifiées.
– Donc je n’avais pas rêvé, il y avait bien quelqu’un, marmonne Potter. Wingardium Leviosa !
Le bloc de marbre derrière lequel nous sommes cachées se soulève et va se poser dans un coin de la pièce. Lentement, nous nous retournons vers les garçons, toujours assises par terre. Ils sont tous les trois debout. Abercrombie et Wright sont mortifiés, Potter nous toise avec dédain.
– Euh… bonjour ? je tente, en désespoir de cause.
– Tiens, tiens, Enderson, me salue Potter avec un sourire carnassier. Dis-moi, est-ce que je sens toujours aussi bon qu’hier soir ?
Je ne tourne pas la tête vers mes deux amies qui doivent m’observer avec des yeux ronds. Je sens que je dois rougir. Et je vous ai déjà dit à quoi ressemble une rousse en train de rougir ? A une tomate prenant feu.
– Je ne me souviens pas très bien de la soirée d’hier, je réponds le plus tranquillement possible. Par contre, je crois bien que malgré mon état avancé d’ébriété, j’ai réussi à te traiter de loser.
Avant qu’il ne puisse répondre, je me tourne vers mes amies :
– Venez les filles, ça commence à sentir le thon par ici.
– Tu ne veux pas dire la menthe, par hasard ? me demande Potter, narquois.
Je ne prends pas la peine de riposter, rougissant de plus belle. Roxanne lui lance les clés qu’il rattrape sans problème. Il n’est pas gardien de notre équipe de Quidditch pour rien, après tout.
– Vous refermerez derrière vous, dit Roxanne.
– Et on donne les clés à qui ? l’interroge Abercrombie.
– Ça j’en sais rien. Débrouillez-vous !
Et sur ces belles paroles, nous refermons derrière nous la porte de la Salle des Arts Plastiques.
– On va où ? demande Roxanne à voix basse.
– On n’a qu’à se balader, je propose. Le château doit être vide, on est dimanche aujourd’hui.
Nous nous éloignons de la Salle et grimpons des escaliers en marbre et aux rampes dorées. Pff, ces Français, quels m’as-tu-vu.
– Jude, je crois que tu as deux-trois petites choses à nous raconter, dit Roxanne au bout d’un moment.
Elle et moi nous arrêtons devant Judith, bras croisés. Elle pousse un lourd soupir et se passe la main dans ses cheveux blonds.
– Bon, tout d’abord… Désolée de ne pas vous en avoir parlé.
Roxanne a un geste signifiant que ce n’est rien, tandis que je dis en même temps :
– Nous avons a toutes nos petits secrets, c’est normal. Mais maintenant que le tien est à moitié révélé…
Jude va s’adosser à un mur et se laisse glisser jusqu'au sol. Je m’assois en face d’elle avec Roxanne. Voyant qu’elle met du temps à chercher ses mots, j’entame la conversation :
– Récapitulons. Il s’est passé un truc cet été – et je donnerai cher pour savoir quoi – avec Arthur Wright. Par la suite vous vous êtes retrouvés deux fois pendant l’année, en cachette de Roxanne et moi – et là aussi, j’aimerais savoir de quoi vous avez parlé, et ce que vous avez fait.
Rox hoche la tête en fixant Judith. Celle-ci relève lentement ses beaux yeux bleus vers nous, l’air sincèrement peinée et même un peu apeurée.
– Euh, Jude, on va pas te bouffer, tu sais, je lance, désarçonnée par son comportement. Quoi que tu nous dises, on restera amies…
L’espoir chasse la tristesse de ses yeux.
– Vraiment ? Ecoute, si j’ai voulu vous le cacher, c’est justement parce que je craignais votre réaction…
– On n’est pas là pour te juger, fait Roxanne en posant sa main sur le bras de Judith, en signe de compassion.
Nous gardons le silence toutes les trois pendant quelques minutes. Je me demande, en parlant de jugement d’amies, comment elles réagiraient si elles apprenaient cette histoire de Valkyries.
– Dis… marmonne Rox au bout d’un moment. Je t’adore et tout mais maintenant je suis vraiment curieuse de savoir ce qui s’est passé !
J’éclate de rire avec Judith. Celle-ci se racle la gorge, regarde à gauche, à droite, soupire, nous regarde dans les yeux, baisse la tête, et se déclare enfin :
– J’ai eu une… euh… relation amoureuse avec Arthur Wright, cet été.
Un lourd silence plane pendant deux secondes. Puis deux de mes neurones, compatissants, entrent en contact et donnent du sens aux paroles de Judith.
Nom d’un camion-citerne lancé sur une autoroute sans conducteur.
Roxanne doit se faire à peu près la même réflexion, vu sa tête.
– Je vous en supplie, dites quelque chose, murmure Judith en prenant son visage entre ses mains.
– Je veux être demoiselle d’honneur, réplique faiblement Roxanne.
Judith sourit légèrement, et dit, la voix un peu moins tremblante :
– Non, sérieusement…
– Eh bien, je commence, prenant mon courage à deux mains, c’est pas plus mal. Je veux dire, c’est le moins crétin des trois, non ?
– On peut voir ça comme ça… admet Roxanne en penchant la tête sur le côté, songeuse.
Je sais très bien qu’elle regrette que je ne sois pas amie avec Potter, qui est, après tout, son cousin. Elle aurait déjà été très heureuse si je ne lui étais qu’indifférente. Mais je le hais, c’est viscéral.
– Il me semble lui avoir parlé avant le bal d’Halloween, je poursuis. Un type charmant, il fera un très bon gendre. Tu nous le présenteras en bonne et due forme, n’est-ce pas Judith chérie ?
– Oui Maman, répond-elle docilement en souriant largement. Merci, les filles. De ne pas m’en vouloir.
– Moi, je ne te remercie pas, rétorque Roxanne. Tu ne nous encore rien raconté. Qu’est-ce qu’il s’est passé cet été, que s’est-il passé le soir où il t’a vu, et enfin, qu’avez-vous fait hier soir ?
– C’est juste, concède Judith. Bon, commençons par le début. J’étais en vacances à Venise avec mes cousines moldues, et un soir on était allées dans une boîte de nuit. C’était un bal masqué…
– A Venise, comme c’est original, je commente, blasée.
– … mais quand j’ai vu Arthur, malgré son masque, je l’ai immédiatement reconnu.
Roxanne et moi échangeons un regard. Judith est complètement mordue – et depuis bien longtemps, on dirait.
– Bref, la soirée a continué, j’étais assez ivre, et puis il est venu me draguer… Il ne m’avait pas reconnue. Mais je me suis laissée faire.
– Parce que tu étais ivre ? demande judicieusement Roxanne.
Judith prend le temps de réfléchir un court instant.
– Non. J’étais consciente de ce que ça impliquait.
Roxanne et moi ouvrons des yeux ronds.
– Bref, de fil en aiguille… Enfin, vous savez, quoi.
– Non, on ne sait pas, je réplique en fronçant les sourcils. Jusqu’à quel point avez-vous flirté ?
Elle rougit furieusement et je suis prise d’un immense doute..
– Jude… ne me dis pas que…
– Si… Le lendemain, on s’est réveillés dans les bras l’un de l’autre…
Roxanne ferme les yeux, terriblement gênée, redoutant la suite.
– … complètement nus.
Un ange passe.
Puis un troupeau d’ange passe.
Puis une armée… ok vous avez compris l’idée. Je suis trop abasourdie pour réfléchir de façon cohérente. Wright et Judith ont… Ils ont fait… Ils… Wow.
– Arrête de faire ton show, jambon-purée, marmonne Roxanne. C’est sérieux ce que tu nous raconte.
C’est vrai qu’avec son visage rose foncé et ses cheveux blonds, la tête de Judith ressemble vaguement à un plat de jambon-purée.
– C’était hyper gênant, forcément, le lendemain, reprend-elle. Il m’a dit qu’il était complètement ivre et qu’il ne m’avait pas reconnu, qu’il était très gêné vis-à-vis de moi, tout ça… Je lui ai répété la même chose, bien entendu. Et on a convenu qu’à Poudlard, on ferait comme si de rien n’était et qu’on n’en parlerait à personne. Je vois qu’il n’a pas tenu sa part du marché, se rembrunit-elle en songeant au fait que les trois garçons de Gryffondor de notre promotion en parlaient librement, tout à l’heure.
Nous gardons le silence un bon moment. J’ai du mal à y croire. Judith et Wright… Ouah…
– Judith Wright, ça sonne bien.
– Roxanne ! C’est pas le moment ! s’indigne Jude en rougissant, et nous éclatons de rire.
– Mais l’histoire ne s’arrête pas là, hein ? Vous n’avez pas réussi à faire « comme si de rien n’était »…
Judith acquiesce à mon interrogation.
– A Poudlard, on s’est rendus compte qu’on n’arrivait absolument pas à s’ignorer… C’était toujours hyper gênant quand on se croisait. Moi, je ne pouvais pas m’empêcher de l’imaginer sans ses vêtements…
– Judith, épargne-nous ça, s’écrie très vite Roxanne d’une toute petite voix.
– Désolée. Une fois, on s’est croisés en sortant de la bibliothèque. On s’est un peu disputés, puis on a admis qu’on ferait mieux de reparler de ce qui s’était passé cet été en tête-à-tête.
– En tête-à-tête…
– Gin,