Prologue... by Haru Nonaka
En cette douce fin de journée hivernale, discussions et rires animaient les rues de la banlieue de Brisbane, Australie. La nuit commençait à tomber et les rayons déclinants teintaient de rouge les buildings au loin.
Un couple approchant de la cinquantaine partageait un repas en tête-à-tête sur la petite terrasse chauffée d'une maison de banlieue, heureux et quelque peu éméchés.
Ils ne semblaient pas avoir remarqué la présence de la jeune femme d'une vingtaine d'année qui les observait de la rue depuis plusieurs minutes déjà. Pourtant, elle ne passait pas inaperçue avec sa silhouette élancée et sa longue chevelure châtain dont les boucles emmêlées formaient une épaisse crinière.
Mais, ce qui aurait pu frapper un observateur éventuel en ce moment précis, aurait plutôt été la pâleur de son teint et ses yeux cernés, brillants de larmes retenues.
Le lendemain soir, le monde des sorciers fêterait l'Anniversaire de la mort de Voldemort et de la fin de la guerre, mais pour Hermione ce jour n'avait rien de remarquable: seulement un de plus où, malgré tous ses effort, elle avait échoué à inverser ce sortilège d'amnésie qui avait effacé toute trace de son existence de la mémoire de ses parents.
Elle ne trouvait plus la force de sourire devant le spectacle de leur bonheur, se sentant disparaître, inutile et seule ... si seule.
La nuit était déjà sombre, et le jardin vide lorsqu' Hermione détourna son regard. Après avoir vérifié l'absence de témoins dans les environs, elle sortit sa baguette, puis transplana, laissant loin derrière elle la petite rue déserte.
Au même moment, à quelques milliers de kilomètres, dans l'arrière-cour d'une boutique de Londres, appuyée contre le mur entre deux bennes à ordures, une jeune femme tirait de longues bouffées sur une cigarette sans paraître gênée par la pluie battante.
Elle était petite, sans être menue, car l'on devinait sous son manteau trop ample des formes bien dessinée. Des cheveux d'un brun chaleureux, portés courts, entouraient son visage ovale qui présentait encore un air enfantin, avec son petit nez en trompette et ses grands yeux curieux. Ses traits étaient agréables, et sans être une beauté elle dégageait néanmoins un certain charme maladroit.
La porte à la peinture écaillée de l'arrière-boutique s'ouvrit sur un homme d'une quarantaine d'années qui balaya la cour du regard.
— Ah, tu es encore là, Mina. Est-ce que tu pourrais garder la boutique ? Je dois m'occuper de mes nièces, leur père a encore passé sa journée au pub ...
— Pas de problème, je n'avais rien de prévu ce soir, de toute façon.
— Tu es sûre ? Tu me sauves la vie. Merci !
— Ça m'arrange de faire des heures sup. Passe une bonne soirée, Sam !
— Tu m'appelles s'il y a le moindre souci, d'accord ? Les clefs sont …
— A l'endroit habituel, non ?
— Bon je file.
L'homme disparut à l'intérieur et la dénommée Mina jeta sa cigarette trempée dans la benne avant de le suivre.
La boutique était petite ; des souvenirs de Londres y côtoyaient des confiseries et quelques journaux dans un joyeux désordre coloré. Après s'être installée derrière le comptoir en soupirant, la jeune femme saisit un livre dans lequel elle se plongea.
Machinalement, elle sortit de sa poche une baguette en bois sombre qu'elle agita.
Le petit écriteau sur la porte de la boutique se retourna pour afficher "ouvert" pendant que la petite machine à expresso se mettait en marche.
Elle se saisit de la tasse fumante et, observant la pluie tomber derrière la fenêtre, murmura pour elle même « La nuit promet d'être calme », avant de retourner à sa lecture.
Dans les alentour du Chemin de Traverse, il existe un Londres sorcier bien plus vaste que la plupart des jeunes étudiants de Poudlard ne le pensent. En effet, au delà de l'Allée des Embrumes, s'étend un petit quartier au surnom imagé : "les Ombres" où l'on peut boire et loger dans un anonymat confortable, tout cela pour un prix dérisoire.
Hermione avait découvert par hasard une des entrées dérobées de ce bout de monde quelques mois auparavant. Elle effectuait alors des recherches sur des vieux grimoires traitant de la modification de la mémoire chez un antiquaire louche de l'Allée des Embrumes, lorsqu'elle avait aperçut une touffe de cheveux roux facilement identifiables comme appartenant à un Weasley s'approcher dangereusement de l'entrée de la boutique.
Ayant abandonné Ron peu de temps auparavant afin de se concentrer sur sa quête, elle ne tenait pas à faire face au regard déçu de ses anciens amis.
Saisissant ses notes elle les avaient fourrées à la hâte dans son sac, s'élançant vers l'arrière boutique sans se préoccuper des cris outrés du propriétaire. Elle avait poussé précipitamment une petite porte noire au moment ou les grelots de l'entrée tintaient à ses oreilles.
Le souffle court, elle s'était accordé quelques instants afin de calmer les battements de son cœur, ses pensées déviant sur son dernier souvenir de Ron, ses yeux écarquillés, ses traits tendus et son ton dur et tremblant à la fois. Après cette scène du Nouvel an, elle avait décidé de ne pas retourner vers lui, pour ne plus blesser celui qui comptait tant à ses yeux. Depuis ce jour, elle fuyait ses anciens amis, entretenant toujours une correspondance avec Ginny et Harry tout en déclinant implacablement les invitations de ce dernier à leur rendre visite qui sentaient le traquenard à plusieurs miles à la ronde.
Un courant d'air chaud aux effluves lourdes et épicées avait rappelé Hermione dans la réalité, et elle ouvrit les yeux pour découvrir ce qui l'entourait. Le décor n'était définitivement pas celui du placard à balais qu'elle avait attendu…
Toutes les entrées des "Ombres" débouchent sur une petite place circulaire bordée de portes noires numérotées. Le premier mardi de chaque mois elle accueille un marché assez spécial où les apothicaires passent parfois faire affaire pour renouveler leurs stocks d'ingrédients rares sans payer les taxes d'importation du ministère.
De cette place part une large rue principale, pavée et sinueuse, dont la nuit perpétuelle est éclairée par des centaines de néons magiques aux lueurs crasseuses, enseignes de bars et d'hôtels miteux. Tout le long de cette voie s'ajoutent, comme les pattes d'un mille-pattes géant, des dizaines de petites impasses sombres où logent les habitants hétéroclites de ce quartier caché.
Hermione avait toujours l'impression d'entrer dans le décor d'un vieux film, issu de l'imagination d'un décorateur trop enthousiaste, à chacun de ses séjour dans ce qui était devenu son point de chute à Londres. Le lieu pouvait sembler effrayant au premier abord mais, en fait, des règles précises régissaient ce petit bout de monde.
Ne pas poser de questions était la première d'une longue liste et convenait parfaitement aux besoins actuels de la jeune femme. Une sorte d'accord tacite existait entre tous les habitants (à minorité humaine) des Ombres. Il était basé sur la tolérance mutuelle et celui qui ignorait ces règles comprenait rapidement ses torts. Il n'y avait donc que peu de risques d'y croiser un ancien mangemort ou un ancien camarade de classe aux questions embarrassantes.
Le petit hôtel où Hermione avait établi son pied-à-terre était tenu par une Cracmol charmante d'un certain âge qui accueillait toujours avec une chaleur franche sa pensionnaire. Les babillages incessant de la femme couvraient les pensées sombres de cette dernière. C'est donc naturellement que la jeune femme remontait à présent d'un pas traînant la grande rue déserte au beau milieu de la nuit après avoir noyé son désarroi dans quelques verres de Whisky-pur-feu sans grand succès.
Elle maudissait cet acte irréfléchi, qui avait eu pour seul effet de lui faire perdre en partie le contrôle de son corps sans atteindre le résultat désiré, son esprit restant aussi lucide que jamais.
A quelques centaines de mètres, elle pouvait apercevoir l'enseigne sobre et féminine de sa destination, et son expression se détendit légèrement.Des éclats de voix provenant d'une ruelle adjacente percèrent le silence la faisant sursauter.
— Barrez-vous de mon bar, bande de petits cons ! Je vous fais une fleur parce que je vous ai jamais vus dans l'coin, mais vous avez intérêt à décamper vite fait ... tout le monde n'est pas aussi gentil.
Quelques instants plus tard, elle vit émerger trois jeunes sorciers aux visages hautains et imbibés d'alcool. Elle continua d'avancer en prenant tout de même la précaution de rabattre un capuchon sur son visage et de longer le mur. Peine perdue : le petit groupe ne tarda pas à la repérer et à échanger des regards entendus, puis une fois arrivés presque à sa hauteur, celui qui était au milieu s'arrêta et l'appela, un sourire mauvais aux lèvres.
— Hé toi là, l'encapuchonné, t'es quoi, une saleté de goule ou de vampire ?
Hermione l'ignora, silencieuse, sa main glissant discrètement vers sa poche arrière à la recherche de sa baguette. Mais à peine l'avait-elle saisit que l'un de ses interlocuteurs l'attrapa par le poignet, la désarmant avant de la projeter violemment contre le mur à l'aide d'un sort. Le plus petit des trois jeunes hommes ramassa la baguette en lançant d'un ton moqueur:
— Alors, c'est comme ça que tu réponds à un salut amical, espèce de ... Si tu nous cherches, on ne va pas te décevoir.
Le troisième posa une main apaisante sur l'épaule de son comparse.
— Attends, Ethan, tu ne veux pas rameuter du monde, non ? On n'est pas du genre à chercher des ennuis.
Puis, simultanément, les deux jeunes hommes sortirent leurs baguettes et lancèrent un sort. Hermione fut projeté violemment en arrière, et roula sur les pavés à quelques mètres de là, son cri de douleur étouffé par un Assurdiato. Sa capuche avait glissé et une expression de surprise saisit un instant les traits de ses agresseurs avant de se muer en de larges sourires.
— Intéressant.
— Jolie avec ça.
— On va peut-être s'amuser, finalement.
Après s'être péniblement relevée, Hermione se mit à courir dans un mouvement désespéré, ses pas désordonnés claquant sur les pavés glissant...