Dimanche 1° novembre 2015

Cher enfant,

Je te souhaite un très joyeux anniversaire pour tes neufs ans. Tu trouveras ci-joint ton cadeau. Je m’excuse de ne pas pouvoir être là aujourd’hui. J’ai beaucoup de travail et d’autres obligations m’empêchent d’être libre de ma soirée. Cependant neuf ans est un âge banal et je suis sûr que la présence de tes parents compensera mon absence.

Il faut que je t’entretienne d’un sujet important, que j’aurai dû aborder depuis bien longtemps. Malheureusement, je n’ai pas le temps de me déplacer. C’est pourquoi, cher enfant, je souhaiterai t’écrire régulièrement.

*Ligne raturé, illisible*

N’oublie jamais, cher enfant, que le travail est force de vertu. Il éloigne de nous trois grand maux : l’ennui, le vice et la paresse. Même si cela m’est contraignant, je poursuivrai mon travail jusqu’à ma mort.

Tu es un Malfoy. Comporte toi en digne héritier. Ne fais jamais rien qui puisse te nuir.

Je dois te laisser. Donne un peu de miamhibou à Zeus. Il voyage beaucoup en ce moment et les elfes ont oublié d’en racheter.

Affectueusement,

Ton grand père

Lucius Malfoy

Grand-père,

J'ai bien reçu votre missive et il est vrai qu'elle a adouci ma tristesse de ne pas vous avoir eu à mes côtés en ce jour. Je tiens à vous détromper sur un point, jamais la présence de père ne remplacera la votre à mes yeux. Quant aux travaux qui vous retiennent, je sais bien qu'ils ne sont pas l'unique raison de votre absence. Je ne saurais peut être jamais les raisons pour lesquels père vous blâme, mais je souhaiterais qu'elles ne m'empêchent pas de vous voire plus souvent.

Je souhaite également vous remercier pour ce merveilleux jeu de plumes que vous m'avez envoyé, je m'en sers à l'instant même pour vous écrire. Je suppose que vous les voyez comme le symbole du travail que vous me louez tant. Mais moi, si je les trouve si belles c'est parce qu'elles ont un pouvoir plus grand que nous autres sorciers, là où il n'y avait rien, elles jettent un peu d'encre et un sens apparaît.

Votre petit-fils,
Scorpius Hyperion Malfoy

Cher enfant,



Je suis ravi que mon cadeau t’ai plu. Il est vrai que tu as toujours manifesté un esprit vif, et malheureusement, trop peu sur Terre.

Ne soit pas trop injuste envers ton père. J’ai fait une bêtise. Oui tu dois sans aucun doute t’étonner de ce propos mais c’est la stricte vérité. J’ai été sot et par ma faute, toute notre famille en a payé les conséquences. J’ai *une série de lignes raturés commencent ici. Seul le « J’ai » est un peu lisible*

Tu comprendras quand tu sera plus grand. Je ne peux pas te le dire pour l’instant et malheureusement, je crains que tu ne le découvres bien assez tôt.

Pour revenir à nos affaires, j’ai décidé de t’envoyer une lettre par semaine. J’utilisais jadis ce procédé quand j’étais plus jeune avec mon tuteur. C’était un homme admirable, qui m’avait tout montré mais qui malheureusement est mort avant ta naissance. Cependant, je ne peux t’en dire d’avantage car je crains qu’un espion de mes affaires n’interceptent ce message.

Garde toujours à l’esprit, cher enfant, que la justice n’est qu’un leurre. Seul le plus riche est le plus innocent. Les liens banales de la vie n’ont aucune valeur devant un tribunal. Et j’espère que tu n’y sera jamais car j’en mourrais probablement.

Je dois malheureusement te laisser. J’essayerai de venir te voir dans le courant de la semaine prochaine mais je ne suis sûr de rien.

Bien à toi,

ton grand père,

Lucius Malfoy

Grand-père,

La nature de la faute que vous me dissimulez n'a guère d'importance car je ne peux imaginer quoi que ce soit de suffisamment grave pour qu'un fils délaisse son propre père. Quoi que vous ayez fait vous resterez mon bien aimé grand-père. Je vous le promets.
Je crois que mère est au courant de notre correspondance naissante. Néanmoins elle semble ne pas la voire d'un trop mauvais oeil et n'en a pas avertit père. Elle m'a d'ailleurs laissé entendre qu'elle souhaitait que je vous salue de sa part.
Ce que vous dites sur la justice ne m'est pas étranger, je ne saurais dire combien de fois j'ai vu de pauvres gens supplier mon père pour quelques piastres et lui les rejeter violemment contre le pavé. Ce n'était jamais père qu'on sanctionnait mais les mendiants. Je suis chanceux d'être naît du bon côté et j'en ai tout à fait conscience mais n'avez-vous jamais ressenti que cela pouvait aussi être un poids ? Comprenons-nous bien grand-père, je suis fier d'être un Malfoy. Mais je ne peux m’empêcher d'avoir pitié de ceux qui n'ont pas eu ma chance.

Affectueusement,
Scorpius Hyperion Malfoy * un saule dessiné à l'encre achève de remplir la feuille *

Cher enfant,

Ne t’alarme point si tu ne vois pas Zeus t’apporter cette lettre. Ce satané hibou s’est cogné contre la fenêtre de la véranda. Il est consigné jusqu’à ce qu’il se rétablisse.
En ce qui concerne ta mère, je crois qu’elle est la seule à comprendre ses actions. Mais si elle ne se met pas en travers de cette correspondance, je pense qu’il n’est pas utile de chercher à comprendre.
J’ai remarqué que tu ne me parles pas beaucoup de toi. Que fais tu de tes journées ? Tu dois passer du temps à dessiner vu le niveau que tu as. Ton saule est certes très beau mais j’espère que tu n’oublies pas de travailler. Je sais que ton père est pour une éducation plus moderne que celle qu’il a reçu mais si cela ne tenait qu’a moi, tu serai instruit par le livre et seulement par lui car il est l’objet de la connaissance et développe l’autonomie.
De plus, j’ai entendu dire que vous aviez croisé le clan Weasley-Potter mercredi après-midi. Il est inutile, je crois, de te rappeler que ces gens là ne sont pas de bonnes compagnies.
Ta grand-mère a prévu de passer te voir samedi prochain. J’essayerai de venir avec elle mais malheureusement je ne te garantie rien.

Bien à toi,

ton grand-père
Lucius Malfoy

Grand-père,

D'un côté vous m'engagez à vous entretenir de ce que je fais de mon temps libre et de l'autre vous me faites déjà entendre que vous désapprouveriez tout ce que vous et père appelez "des fantaisies". D'ailleurs ne croyez pas qu'il me donne une éducation très libre, je suppose que vous lui avez transmis votre vision dans ce domaine. Simplement, je ne pense pas que l'éducation change ce que nous sommes au fond. Et puis si je dessine, cela ne signifie pas que je n'étudie pas. D'ailleurs j'ai si hâte d'entrer à Poudlard, d'y voir les tableaux, les escaliers et tous ces endroits qu'on m'a tant décrits !

Nous avons en effet croisé les familles Potter et Weasley. Père ne m'avait que très peu parlé d'eux mais j'ai cru comprendre qu'il n'aimait pas aborder le sujet. J'ignorais même que certains de leurs enfants avaient mon âge. Cela veut dire que nous entrerons à Poudlard ensemble, n'est ce pas?

Je me pose tant de questions au sujet de cette école, je brûle d'envie de la voire. Est-ce vrai que vous y avez été préfet ? Y a-t-il réellement des passages secrets ?

Je vais arrêter ici cette lettre avant de vous embarrasser avec mes interrogations et j'en profiterai pour vous montrez que votre petit fils peut être aussi studieux que vous l'espérez.

Avec respect et affection,
Scorpius Hyperion Malfoy

Cher enfant,

Oui j’ai été préfet. Et même préfet-en-chef. Oui il y a réellement des passages secrets. Mais j’ai la désagréable impression que tu fuis mes questions. Je croyais avoir ta confiance absolue et voilà que tu me fais des cachoteries.

Tu me dis que je resterai ton « bien-aimé » grand-père mais que dois-je comprendre de ce soudain changement de comportement ? Serait-ce ta mère qui te met en garde contre moi ?

Que s’est-il-passé avec ces personnes ? Ton silence m’inquiète. Aurait-eu entendu des mensonges dites par de mauvaises langues ?

Je te prie de me dire la vérité.

Ton grand-père

Lucius Malfoy

Grand-père,

Il est vrai que je vous dissimule certaines choses, mais elles n'ont ni grand intérêt ni vocation à être révélées. Et ne tentez pas d'impliquer ma mère, elle ignore tout de ce que je cache et ne peut donc pas me forcer à vous laisser dans l'ignorance. D'ailleurs pourquoi me mettrait-elle en garde contre vous? Je crois comprendre au sourire qu'elle a lorsqu'on parle de vous qu'elle ne vous voue aucune animosité.

Ne me réprimandez pas de vous cacher des choses. Nous avons tous des secrets. Si il est une chose que la famille m'a apprise c'est bien celle-ci. D'ailleurs vous-même ne me dites jamais l'entière vérité car à vos yeux je ne suis qu'un enfant. Bien sur c'est ce que je suis, mais ne me pensez pas trop naïf, vous seriez déçu.

Votre petit-fils,
Scorpius Hyperion Malfoy

Mon enfant,



Je crois que tu t’es bien joué de moi. Tu as tes secrets, soit. Je n’essayerai pas d’en savoir d’avantage. Promet moi seulement de ne jamais garder pour toi un secret dangereux. Et quand je dis dangereux, je parle dans tous les sens du terme.

Sache tout de même que je ne te cache pas mes secrets parce que tu es un enfant, mais parce que tu es mon petit-fils. Je ne veux pas te déranger avec des histoires qui datent de bien avant ta naissance ou qui te causeraient du souci. Ce sont des maux qui me rongent petit à petit. Si cela peut te rassurer, apprends également que personne à part toi ne le sait.

Mais changeons de sujet veux-tu. Je n’ai pas pu me rendre à la résidence samedi dernier. N’as-tu donc rien à me raconter ? Ta grand-mère ne t’a-t-elle rien offert ?

Tu ne m’envoies plus de dessin. Aurais-tu peur que je te réprimande ?

J’espère avoir rapidement des nouvelles de ta part.

Ton grand-père

Lucius Malfoy

Grand-père,

Tous les secrets sont dangereux, sinon, ils ne seraient pas gardés secrets par ceux qui les cachent.
Vous me parlez d'histoires d'avant ma naissance. Mais que croyez-vous qu'on m'ait raconté depuis le commencement de ma vie? Les histoires d'oncles, de tantes, de cousins lointains. De ceux qui sont morts dans la gloire ou dans l'oubli, de ceux qui nous ont honorés ou trahis.
Grand-mère est en effet venu me rendre visite. J'ai regretté votre absence, mais énormément apprécié sa présence. Je me dis parfois qu'elle est la seule à ne me voir ni comme un Malfoy, ni comme un futur héritier, ni comme un nom de plus à ajouter à la glorieuse histoire des Sang-Purs. Pour elle je suis Scorpius, son petit-fils, et rien de plus.
Elle m'a apporté ce lire que vous teniez tant à ce que je possède. Elle m'a dit que je devais en prendre bien soin car à une époque il avait eu une grande importance pour vous. Cependant elle ne m'a pas précisé laquelle et tant de mystères me font sentir qu'il y a surement encore quelques secrets là-dessous.
Grand-mère a évoqué quelque chose que j'ignorais à son sujet, quelque chose à propos d'une soeur qu'elle aurait eu. Je l'ai toujours cru enfant unique. Ou est cette tante qui m'est méconnue?

Bien à vous,
Scorpius

* la silhouette d'un homme dans une grande cape noire empli le reste de la page. Sous le capuchon, quelque chose semble briller*

Scorpius,

Qu’est-ce que ta grand-mère t’a donné exactement ? Un exemplaire du Prince ou mon exemplaire ? Si tu as vraiment mon exemplaire, renvoie-le moi sur le champ. Il a toujours une grande importance pour moi et le savoir entre d’autres mains me chagrine.

Je sais bien que tu en prendrais grand soin seulement essaye de comprendre. Il n’y a aucun mystère dessous. Si ta grand-mère ne t’as pas dit pourquoi, c’est tout simplement parce qu’elle l’ignore. Autrefois, Noël était une fête pour adulte. Les enfants ne recevaient rien et on les mettait de côté (sauf ceux qui étaient en âge d’aller dans des soirées). Je t’ai déjà dit que j’étais sous tutelle. Mon tuteur me l’avait offert pour mon premier Noël. C’était mon premier cadeau. Imagine la joie que j’ai ressenti en le voyant. Depuis sa mort, c’est l’un des rares souvenirs qui me reste de lui. Tu comprends sans doute pourquoi je voudrais le récupérer.

De plus, ce livre n’est pas vraiment de ton âge. J’en sais quelque chose. J’ai passé plusieurs mois dessus et il en résultait toujours cette impression que l’auteur parlait dans une langue étrangère. Je l’ai compris bien plus tard, quand j’avais 17 ans.
En ce qui concerne ta grand-mère… *ligne raturée * Je ne sais pas vraiment comment aborder le problème. Elle était la plus jeune d’une lignée de trois filles. Seulement, l’aînée est morte et la fille de la troisième également. Le chagrin et la mort séparent les gens vois tu. Sa famille a énormément souffert. Maintenant, sa seule sœur vivante s’est coupé du reste et élève seule son petit fils. Elles n’ont pas dû se voir depuis des années. C’est pour cela qu’on ne t’en a jamais parlé.

C’est vraiment une longue lettre que je t’ai écrite. Je m’arrêterai donc là.

Ton grand père

Lucius Malfoy

P.S : ton dessin est très joli. Mais quelle tristesse. Un saule, un homme qui pleure. Serais-tu chagriné mon enfant ?

Grand-père,

Si le saule pleure, l'homme non.
Il vient d'un rêve que j'ai fait une nuit. J'étais assis sur mon lit et je ne dormais pas, et je voyais dehors un homme marcher dans une ruelle. Il était vêtu d'une grande cape noire. Et, allez savoir pourquoi, je le suivais. Il marchait longtemps sans se retourner ni m’apercevoir. Puis, enfin il arrivait au croisement de plusieurs rues, où deux autres personnes encapuchonnées l'attendaient. Une femme et un homme. Ils parlaient un moment, puis l'homme du début disaient aux autres de partir devant sans l'attendre. Puis il se retournait vers moi et quelque chose brillait sous son manteau, à la place de son visage. Je ne sais pas ce que c'était. Mais cet homme, c'était vous.

Pour répondre à votre question je ne suis en effet pas très bien ces derniers temps. Je dors très mal et je rêve beaucoup. De plus, père me semble inquiet et souffrant. Mais je ne suis pas triste, je suis même plutôt heureux.

Il me semble bien que ce livre est le votre, et bien sur je vous le rendrais. N'en veuillez pas à Grand-mère, je sais pourquoi elle a fait cela, et son cadeau va bien au-delà du livre. Cependant, comprenez bien que je ne peux vous l'envoyez pas chouette. Vous devrez donc venir le chercher vous-même, s'il a tant d'importance à vos yeux.

Je m'étonne de la gêne que vous avez à aborder les soeurs de votre propre femme. La première est morte et on ne m'en parle pas. Pourquoi ? On m'a parlé de tant de morts de notre famille ! La seconde ne l'est pas et elle est seule. On ne m'en parle pas. Elle a trahi n'est ce pas?
Ne trouvez-vous pas triste que l'on doive ignorer ceux qui on le même sang que nous simplement parce que leurs choix ont été différents? Je n'ai que neuf ans grand-père, et je commence à me demander si vous m'aimeriez tout de même si je n'étais pas exactement ce que vous espérez que je sois.

Scorpius

*un livre à la couverture sombre est représenté ouvert à la première page*

Cher enfant,

Plusieurs personnes m’ont dit que les rêves avaient une signification et qu’ils pouvaient même parfois prédire l'avenir. Mais la seule chose que ton rêve dit c’est que tu as beaucoup d’imagination. Que pouvait-ce donc être cette chose brillante ? Ce n’est pas une larme. M’aurais-tu vu avec une prothèse ? J’espère que non, je n’en aurais vraiment pas besoin en ce moment…

Je suis désolé d’apprendre que tu vas mal. J’aurais voulu l’apprendre plus tôt. Tu sais que, même si je sens ta confiance envers moi défaillir, je serai toujours là si tu voulais me dire quelque chose.

Je suis venu récupérer mon livre tard le soir. Tu dormais déjà. Je n’ai pas osé te déranger. Quant à ta grand-mère, je me suis expliqué avec elle.

Pour tes grandes tantes… Tu ne peux pas t’imaginer à quel point cela a été soudain. Elle était là, pleine de vie. Et le soir, on nous a ramené son cadavre. Encore aujourd’hui, nous en sommes tous choqués. Peux-tu imaginer en voyant ta mère bien vivante, dans un quotidien si banale, que ce soir tu ne la verra plus jamais ? Non, bien sûr que non. C’était la même chose pour elle.

Mais tu te trompes sur un point. Personne n’a jamais chassé ta tante. Elle est partie de son plein gré. Mais après la mort de sa fille unique, elle a définitivement coupé les ponts, estimant –a tort bien sûr- que nous en étions responsable. Je crois que ta mère l’avait invitée à ta naissance. Elle n’est jamais venue…

Je m’arrête là pour ce soir. Tu recevras sans doute cette lettre au matin.

Prends soin de toi.

Ton grand père

Lucius Malfoy

P.S : Que veux tu me dire avec ce livre ? Dans ta prochaine lettre, dessine moi plutôt un bel oiseau. Vu ton talent, cela ne doit pas être trop dur…

Grand-père,

Cette nuit encore, j'ai fait un rêve à votre sujet. Je vous suivais à nouveau dans ce dédale de ruelles, mais cette fois vous étiez seul avec la femme et vous parliez de l'homme absent. Je sais maintenant que ce qui brillait était un masque de métal. Vous portiez le votre et la femme tenait le sien à la main.
Je ne prétend pas prédire un quelconque avenir. Simplement il doit y avoir une raison pour que je fasse de tels rêves, ils veulent me dire quelque chose, et depuis peu je suis décidé à découvrir ce dont il s'agit.

Je ne peux imaginer la mort de ma mère, c'est bien trop me demander. Vous étiez proche d'elle ? Vous avez du souffrir quand elle est morte... d'ailleurs que lui est-il arrivé?
Je suis triste d'apprendre que ma propre grande-tante n'a pas souhaité être présente le jour de ma naissance. D'un autre côté, perdre un enfant doit être terrible.

Je me dois de vous laisser, mère m'appelle.

En espérant que mon dessin vous plaise,
Scorpius.

*Le reste de la page est rempli d'un grand corbeau noir qui prend son envol, tenant entre ses serres un ruban sur lequel est écrit "veritas revelata"*

Cher enfant,

Je ne pense pas que tes rêves veuillent vraiment dire quelque chose. De réel je veux dire. Ils doivent plutôt révéler que plusieurs choses te perturbent. Après tout, tu as bien des troubles du sommeil. Le masque, par analogie, « cache » le visage et par extension les souvenirs. N’aurais-tu pas fait une découverte il y a peu de temps ? Une photo, une vieille lettre ? Cela expliquerait tes rêves et ton intérêt soudain pour les morts et les secrets enfouis.

Quant à cette femme, comment était-elle ? T’en souviens-tu ? N’était elle pas grande, brune, avec des yeux noirs et une peau pâle ? Si c’est le cas, c’est ta grande tante que tu as vue.

Quand je l’ai connu, c’était une petite peste, comme la plupart des petites filles d’ailleurs. J’allais souvent chez la famille de ta grand-mère en vue des prochaines fiançailles. Mais elle était entêtée. Elle croyait fermement en ses convictions et elle est allée se battre pour elles à la guerre. Et un soir, elle n’est jamais revenue. Un sortilège mortel l’a touchée. Elle est tombée au combat et c’est probablement la fin qu’elle avait souhaitée.

Ton dessin est très beau. Mais toujours aussi triste. Et j’ai l’impression que tu essayes de me dire quelque chose mais tout cela me laisse perplexe.

J’espère que tu passeras tout de même de meilleures nuits.

Ton grand père,

Lucius Malfoy

Grand-père,
C'est avec les mains tremblantes que je prends la plume pour vous écrire ce matin. Hier soir, après avoir lu votre lettre je me suis endormi. J'étais à nouveau dans cette ruelle. Mais cette fois, vous et grand-mère étiez présents et la femme étaient étendue au sol. Son masque était tombé au sol, et bien qu'il soit en métal, il en restait des éclats de verres, assemblés comme un puzzle pour recréer la forme du visage. Je crois que vous aviez raison, elle ressemble bien à la femme que vous m'aviez décrite. Grand-mère était à genou près d'elle et elle pleurait, regardant ses mains couvertes de sang. Pourtant, le corps ne saignait pas. Vous, vous vous teniez derrière elle et tentiez de la réconforter.

J'ai en effet trouvé quelque chose. C'est depuis lors que je fais tous ces rêves. Soyons clair, je sais que vous mentez, vous et tous les autres et je découvrirais ce que vous tentez de me cacher, que vous le vouliez ou non.

Votre petit-fils,
Scorpius

*les morceaux brisés d'un masque de verre reconstitue un visage: une moitié pleure, l'autre affiche un sourire cruel. Entre les bris serpente un ruban sur lequel est écrit " Fractum mendacium"*

Cher enfant,

Il me semble que tu as bien grandi ces derniers temps. Si tu tiens tellement à le savoir, je préfère te le dire moi-même plutôt que tu ne l’apprennes par des mauvaises langues qui ne te diraient pas toute la vérité. Néanmoins, je me demande si je suis la bonne personne pour te les raconter car elle concerne la famille de ta grand-mère, c’est à dire la famille Black. De plus, j’ai du mal à cerner de quel mensonge tu parles.



Ta grand-mère était la plus jeune fille de la branche secondaire des Black. Ses deux sœurs se nommaient Andromeda et Bellatrix. A cela, il fallait rajouter la branche principale, composée de leurs cousins, Sirius et Regulus. Tout se passait à peu près normalement jusqu’à ce que Sirius se fasse répartir à Gryffondor. Cela a plongé toute la famille dans un étonnement et puis des clans ont commencé à se former. Et pas seulement chez eux. A l’époque, tout le pays se divisait en deux parties. Le premier ministre actuel, un sang-de-bourbe de la pire espèce, alimentait régulièrement toute cette haine. Toute la haute société était corrompue. Alors, un homme s’est levé. Il s’appelait Lord Voldemort. Il a dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas : si les sang-de-bourbes et les moldus disparaissaient, nous, les vrais sorciers, vivrions mieux. Tu dois t’imaginer Scorpius, qu’à l’époque, des vieilles familles ont étés ruinées par cette vermine. Et cet homme dégageait de la puissance. Il parvenait à nous faire croire l’inimaginable, à nous montrer l’incroyable. Alors je l’ai suivi. Sans même me poser une seule question. Et je n’étais pas le seul. Rodolphus, mon cousin et mon tuteur ainsi que son frère étaient déjà à ses côtés. Ce sont eux qui m’ont présenté. Ensuite, Bellatrix et Regulus nous ont rejoints. Sirius est parti se battre au côté de l’ordre, nos ennemis. Ta grand-mère ne se préoccupait pas du tout de la politique –et elle était trop frêle pour être une guerrière-. Quant à Andromeda, elle a fait un mariage d’amour. Elle a écouté son cœur au lieu de sa tête et a quitté ses sœurs pour cela. Bellatrix lui en a toujours voulu mais Narcissa continuait de lui écrire.



C’est ensuite que tout a basculé. Le lord, notre maître à tous, est mort. Brutalement. Je me souviens que cette nuit là, je me suis réveillé en sursaut. Je ne comprenais pas ce qui se passait mais j’avais un mauvais pressentiment. J’ai regardé mon bras et la marque n’était plus là. Au repaire, c’était l’hystérie totale. Les gens pleuraient. Les femmes s’arrachaient les cheveux. Certains voulaient se tuer pour le rejoindre et très peu les en empêchaient. Bellatrix était partie chercher le maître. Où ? Je ne l’ai jamais su. Néanmoins, c’est à elle que la plus part des gens doivent leur salut. Elle est revenue et a donné des ordres. Puis elle a cherché des volontaires pour trouver des aurors susceptibles de leur dire où ils pourraient le trouver. Ils ont été capturés et envoyés à Azkaban. Rodolphus aurait pu se faire innocenter mais il ne l’a pas fait, car cela aurait voulu dire abandonner son frère. Moi, je n’ai pas eu cette noblesse d’âme. J’ai acheté ma liberté. Regulus était mort et Sirius emprisonné à tort.



Et entre mon entrée chez les mangemorts et cette chute, ton père était né. Qu’aurais je pu lui dire ? Que la moitié de sa famille était morte ou en prison ? Que son père était un lâche ? Non. Comment aurait-il pu se construire après cela ? Il était né prématuré, c’était un enfant assez fragile. Ce n’était pas vraiment un mensonge. Plutôt une omission. On a omis de lui raconter tout cela. Tout cela, il ne la sût que bien plus tard. Car le lord est revenu. Ce n’était pas tellement étonnant en fait. Il avait déjà fait de si grandes choses. Mais on y avait jamais cru. Bellatrix a rencontré ton père, il ne savait pas qui elle était. Cela ne lui a pas plu d’ailleurs. Il a été forcé de devenir mangemort. Il a mis sa vie en danger. Je t’avais dit que j’avais fait une bêtise. Eh bien il s’agit de cela. Bêtement, j’ai mis la vie de ma famille en jeu. Par idéologie puis par dépit. Parce que je voulais me venger de ces gens. J’étais aveuglé et j’ai failli perdre mon fils unique.



Le maître est mort une seconde fois –et pour de bon- et la vie a repris son cours. Sauf qu’un peu avant le mariage de tes parents, ton père s’est mis à se poser les même questions que tu te poses en ce moment. Il en avait déjà résolu une bonne partie, et a fini par tout savoir au moment de ta naissance. Lui qui avait tellement d’estime pour moi a été cruellement décu. Et c’est pour cela qu’il m’en veut encore. A ses yeux, j’étais passé du stade de dieu vivant à homme mortel…



Quand tu es né, tout le monde était très inquiet. Le sang de Malfoy contient un pourcentage important de risque de dégénérescence. Tes parents ainsi que moi-même craignaient que tu ne naisses handicapé. Et ta mère a achevé de mal me voir quand j’ai manqué de tact en disant que si c’était vraiment le cas, on pourrait toujours te noyer et qu’ils pourraient en refaire un autre. Jusqu’à tes trois ans, tous tes faits, gestes et maladies étaient surveillés. Et heureusement, tu es né parfaitement sain. Tu devras juste éviter de tomber amoureux d’une Black ou lignée descendante ( mais cela est peu probable car Andromeda n’a qu’un petit fils qui a six ans de plus que toi ) d’un membre de la famille de ta mère ou d’un Crabbe. Tu vivras sans aucun doute sans la crainte des médicomages ou la pire maladie que tu risque est la Dragoncelle…



Tu comprendras surement que, nous qui étions si inquiets pour ta santé, ne voulions pas t’ennuyer avec ces histoires anciennes. Après tout, il y a peu de chances que tu connaisses la guerre. Si tu n’avais pas fait ta découverte, nous ne te l’aurions pas dit avant ta majorité.



Je crois avoir fait le tour de tout ce que je ne t’avais pas expliqué. Mais si tu as des questions plus précises ou que tu pensais à d’autres aspects, j’y répondrais.



Affectueusement,

Lucius Malfoy



P.S : Pourrais-je voir un visage heureux dans ta prochaine lettre ou quelque chose te chagrine-t-il encore ?

Vous ne souhaitiez pas "m'ennuyer" ? Vous n'avez pas jugé cela important que je sache qui étaient les personnes qui m'ont élevé? Vous n'avez pas la moindre idée de ce que c'est, de sentir, de savoir que quelque chose quelque part, est caché. Que tous ceux qui prétendent vous aimer et vous défendre vous dissimule quelque chose de terrible. J'ai souvent fait des rêves, des rêves étranges et horribles. Simplement, je me disais que ce n'était rien, que ma nature fragile me rendait plus soucieux que d'autres. Je ne comprenais pas le sens de ces songes où mon propre père plongeait mon visage dans une cuve de métal en fusion. "Maintenant tu es comme nous" disait-il.

Je vous aimais, vous mon grand-père froid et mystérieux, je vous aimais, vous et les autres. Puis il y a eu cette après-midi, je me cachais au grenier et j'avais entamé l'exploration de toutes les choses formidables et oubliées qu'on peut y trouver. Je suis tombé sur un simple dossier de carton. Aucune annotation, aucun titre. J'aurais pu passer à côté sans même l'ouvrir. A l'intérieur il y avait des photos, ce qui semblait n'être que de banals souvenirs. Sur l'une on vous voyait enfant, entouré de deux petites filles. Vous souriiez, vous aviez l'air heureux, innocents. Sur d'autres images on voit votre mariage avec Grand-mère puis celui d'un grand homme brun et de Bellatrix. Vous, vous aviez encore l'air heureux, ce n'était déjà plus leur cas. Ils ne se sont jamais aimé, n'est ce pas ? J'ai refermé le carton et l'ai reposé.


Je n'ai pas compris, pas tout de suite. Mais mes rêves sont devenus plus fréquents, plus étranges. Il me semblait qu'à présent mon inconscient hurlait ce que je ne pouvais pas encore voir. Par un curieux concours de circonstances, c'est à ce moment là que vous avez commencé à m'écrire. La nuit même de votre première lettre, un terrible pressentiment m'a dressé sur mon lit. Je me suis levé et je me suis glissé jusqu'au grenier. Là, à la lumière des chandelles, j'ai ouvert à nouveau le dossier. Je l'ai vidé sur le sol et j'ai cette fois examiné jusqu'au bout chaque chose qui s'y trouvait. A l'intérieur, derrière les premières photos, j'ai trouvé des articles découpés dans de vieux journaux : " La montée de Vous-savez-qui", "Nouvelles Disparitions inquiétantes", " La marque des Ténèbres aperçue au dessus d'une petite ville anglaise", etc...
Puis de nouvelles photographies, vous et l'homme brun, vous et grand-mère, puis un homme inconnu, pâle et inquiétant autour duquel vous étiez tous. Vous portiez tous de longues capes noires et sur votre poignet, j'ai pu distinguer que vous portiez une marque dont je ne connaissais pas encore la signification. Elle m'a intrigué, puisqu'à présent elle n'y est plus.

Dès le lendemain, j'ai envoyé une lettre à grand mère. Je lui ai envoyé la photo et je lui ai simplement dit que je savais, que me mentir davantage serait risquer de me perdre. Elle ne m'a jamais répondu, elle n'y a pas fait une seule allusion quand elle est venu me voir. Mais elle m'a remis votre livre. A la première page était glissé la photographie et à l'arrière de celle-ci elle avait légendé: " de gauche à droite: Rodolphus, Rabastan, Lucius, ..... , Bellatrix, Regulus". Vous venez vous même de me communiquer le nom qui complète ce vide.
Mes rêves se sont fait de plus en plus insistants à chacun de vos mensonges. Je ne sais pas encore toute la vérité. Mais je sais que les seules choses que vous m'ayez dites de vraies, vous avez tenté d'en changer le sens pour que je ne vous blâme pas. Comment pouvez-vous un seul instant imaginer que je ne vous en veuille pas ? J'ai vécu sur un mensonge.

Je sais d'ores et déjà que Bellatrix n'est pas morte comme vous le prétendez. Grand-mère et vous êtes liés à son décès n'est-ce pas? Au sien et à celui de combien d'innocents?
Cette nuit-même j'ai rêvé que vous veniez tous me tuer dans mon sommeil par ce que je vous avais trahi. Voyez-vous je vous imagine, lire cette lettre, comprendre ce que depuis le début de notre correspondance je sais, comprendre comme je me suis joué de vous. Vous devez regretter de ne pas m'avoir noyé de vos propres mains n'est-ce pas ? De vos mains sales et coupables qui ont trempé dans tant de sang?

Comment se fait-il que vous soyez encore en liberté ? Qui avez-vous payé ou menacé pour pouvoir vous faire appeler innocent?

Scorpius.

Scorpius,

Ton père n’est pas un mangemort. Il ne s’est pas engagé par choix mais par obligation. Quant à ta mère, elle n’a jamais au grand jamais, appris ne serait-ce qu’un seul sortilège de magie noire. Ta grand-mère non plus. La seule personne qui t’ai élevé et qui ait été un mangemort, c’est moi.



Pour aller dans l’ordre de ce que tu dis. Rodolphus –car c’est lui- a épousé Bellatrix à un moment où elle était perdue et dans le besoin. Cela n’a jamais été un mariage d’amour. Mais Rodolphus a présenté Bellatrix au Lord et je pense que pour cela, elle lui en était très reconnaissante. Ton indignation me fait doucement sourire. Le mariage d’amour n’existait pas à l’époque. C’est une idée très récente. Je n’ai pas épousé ta grand-mère par amour. Et même aujourd’hui, elle reste très froide à mon égard.



Je comprend que cette découverte t’ai perturbé. Si tu me l’avais dit plutôt, je te l’aurai expliquée moi même. Ta vie n’était pas un mensonge. Seulement, ton père ne savait pas vraiment plus que toi et je ne pensais pas que cela te ferait cet effet. J’en suis désolé. Et je comprend que tu m’en veuille.



Néanmoins, je t’ai dit la vérité au sujet de la mort de ta tante. Seulement, tu as dû mal comprendre ce que je voulais dire. Bellatrix était très croyante. J’étais dans la pièce quand elle est morte mais je ne regardais pas. C’était une très grande combattante, probablement une des meilleures du pays. Je ne pouvais imaginer qu’elle se fasse tuer. Pendant qu’elle combattait, je m’occupais de ton père. Durant la bataille, je l’avais exposé à un trop grand danger. Je l’avais finalement retrouvé quand j’ai entendu le maître crier. Je n’ai pas pu m’approcher, il y avait tant de monde. Quand le combat s’est terminé, on nous a apporté le cadavre de ta tante. Elle avait été trop sûre d’elle et Molly Weasley l’avait tuée. Une seule petite erreur lui avait été fatale.



Oui j’ai tué, je le reconnais. J’ai tué par idéalisme et par pur bêtise. Et j’en ai payé le prix fort. J’ai vécu avec la culpabilité de voir les êtres qui m’étaient chers se détruire doucement. La première fois, j’ai acheté le ministre, comme beaucoup d’autre au passage. Mais mon actuelle liberté, je la dois à ta grand-mère.

Lors de la bataille finale, les élèves qui n’étaient pas majeurs et les serpentards ont été évacués. Mais aucune trace de ton père. Nous étions donc très inquiets. Plus tard, le survivant et notre maître se sont battus. Le survivant est tombé au sol et on a envoyé ta grand-mère vérifier qu’il était bien mort. Il était vivant bien sûr. Mais elle a préféré lui demander des nouvelles de ton père. Quand il a répondu, discrètement, qu’il était sain et sauf, elle a menti au maître. C’est grâce à ce geste de bravoure que nous nous en sommes sortis.



Je sais bien que cela doit être dur à comprendre. Néanmoins, cette première guerre, tout le monde la voulait. Nous ne sommes pas dans un conte. Il y a des mangemorts qui ont eu un comportement héroïque comme des aurors qui se sont comportés comme des bêtes sanguinaires, notamment avec les femmes. Tu trouveras ci-joint des articles datant de l’époque de la période noir, un sur la mort de ta grande tante mais également une lettre. Elle vient de Teddy Lupin, le fils de ta cousine. J’aurais voulu que tu puisse parler directement à Andromeda mais elle reste encore hostile. Sa fille a été tuée par Bellatrix.



N’oublie cependant pas que tu es, et resteras, mon unique petit fils. Et que je t’aimerai toujours. J’aimerai te parler face à face, et plus uniquement par courrier. Accepterais-tu de venir ?

Affectueusement,

Lucius Malfoy

Vous seul étiez mangemort, mais ils savaient tous. Je pourrais peut-être vous pardonner de m'avoir menti, mais pas le mal que vous avez fait. Vous êtes un meurtrier. Comment avez-vous pu être suffisamment stupide pour suivre cet homme? Comment avez-vous pu être suffisamment narcissique pour penser que votre vie valait mieux que celles que vous avez détruites ?

Je sais bien que le mariage d'amour n'existait pas chez les sang-purs. Cependant je sais que grand-mère vous aimez, elle. Si elle est froide à votre égard c'est qu'il lui a fallu comprendre que celui qu'elle avait épousé en plus de ne pas l'aimer, était un lâche et un monstre.

Cette nuit, j'ai rêvé que mes veines étaient emplies de cafards. On m'a appris à être fier d'être un Malfoy et pourtant aujourd'hui, j'en suis plus que honteux.

Si vous souhaitez me voir, je viendrais. Communiquez-moi simplement l'heure à laquelle je dois venir.

Scorpius

Cher enfant,

J’avoue que tu me surprendras toujours. Tu me déclares que tu m’aimes et tu m’écris « à très bientôt ». Je pensais donc que tu viendrais. Je t’ai attendu et toujours rien. Pas un signe, pas un hibou, pas un mot d’excuse, pas un seul signe d’existence venant de ta part. Je me suis inquiété évidemment –et tu devrais avoir honte de faire une telle frayeur à ton pauvre grand-père- et j’ai envoyé un hibou au manoir. Ce n’est ni toi, ni ton père ou ta mère qui a daigné me répondre. Tu as tout juste envoyé un elfe m’informer que, je cite, « le jeune maître ne viendra pas».

Serait-ce une vengeance pour les fois où je ne suis pas venu ? Pour les secrets que l’on t’avait caché ? Ou tout simplement joues-tu réellement avec moi depuis le début et n’avais aucune intention de venir ? J’avoue être perplexe. Aurais-je une réponse de ta part au moins ? Si ce n’est pas trop demander, évidemment.

Ton grand père

Lucius Malfoy

Je vais vous surprendre en vous expliquant pourquoi, pourquoi vous êtes resté là à m'attendre en vain. Je mettais mon manteau tout en regardant par la fenêtre. Le ciel était étrange, blanc et laiteux, comme figé dans une seconde qui ne voulait pas finir. Puis est passé un corbeau noir qui tenait une brindille. Il l'a déposée dans le nid qu'il était en train de faire dans l'arbre et s'est arrêté. Il avait l'air étrange, immobile sous ce grand ciel blanc, comme une petite tache d'encre perdue sur le parchemin que je vous écris. Et puis soudain je vous ai vu dans votre grand manteau noir devant votre maison à attendre. Vous étiez ce corbeau à ma fenêtre alors j'ai gardé mon manteau, j'ai ouvert la fenêtre et je lui ai parlé. Parce qu'à vous, je savais que je n'irais pas le faire.
J'étais content au fond, de savoir que pour une fois, ce serait vous qui alliez attendre comme un enfant et qui seriez déçu. J'étais presque heureux à cette pensée. Vous, le grand, le fier, l’orgueilleux Lucius Malfoy alliez attendre comme un gros corbeau noir sur une branche.
Je vous aime c'est vrai, je vous aime ainsi que je vous l'ai dit. Je vous aime mais vous m'avez déçu et je crois bien que pour vous aimez tout à fait, j'ai besoin de vous prouvez que moi aussi je peux vous décevoir et vous laisser, comme vous vous m'avez si longtemps laissé. C'était facile de faire venir grand-mère, facile de m'appeler "cher enfant" quand vous ne vous souciiez de moi qu'une fois tous les six mois. Depuis peu nous nous envoyions des lettres. Et voyez-vous, je suis content d'avoir enfin un peu de votre attention. J'ai appris des choses à votre sujet et elles ne m'ont pas plu. Je n'aurais pas plus aimé vous entendre dire les mots que vous m'avez déjà écrit. J'aurais détesté entendre le ton de votre voix passer sur tous ces mots et leurs sens, comme on passe de la cire sur le parquet, pour l'adoucir, le polir, le faire briller.
Si vous avez attendu, alors tant mieux. Peut être maintenant comprendrez vous que je ne suis plus tout à fait l'enfant à qui on pouvait raconter des histoires au gré de ses humeurs et ses mensonges. J'ai appris à penser depuis, à penser et à agir, à voir derrière les masques que nous portons tous. Car c'est bien ce que nous sommes n'est-ce pas ? Les opportuns invités d'une mascarade d'illusions et de soie, de cette même insupportable soie dont vous tous dans cette famille couvrez vos mots.

Je vous aime grand-père, mais plus comme je vous aimais enfant. Vous n'êtes plus un dieu ni même un roi. Vous êtes un hommes plein de fissures par lesquels fuient vos illusions que désespérément vous tentez de retenir par autant de faux-semblants et de paraîtres. Vous êtes un homme qui se bat en sachant qu'un jour il serra vaincu et qu'il devra quitter la fête. Et je vous aime ainsi je crois. Malgré ma colère et mon incompréhension, malgré ma volonté d'être un jour plus que ce que vous avez été.

Ma question cependant est: avant de partir, laisserez-vous un jour tomber le masque ?

Bien à vous,
Scorpius

Madame, Monsieur,

C’est avec un immense regret que je vous annonce le décès de Lucius Abraxas Malfoy, doyen de la famille, mort le 4 janvier de cette année. Le médicomage chargé de l'examen a décelé un stade avancé de dragoncelle, aussi appelée variole du Dragon. C’est un tragique événement qui s’abat sur notre famille mais il est vrai que Lucius était âgé et que cette maladie est très souvent fatale. 
 

L’enterrement aura lieu le 11 janvier. Veuillez confirmer votre venue le plus rapidement possible. Il serait également souhaitable que vous, Monsieur Draco Malfoy fassiez un discours en cette occasion.
 
Respectueusement,
La maison Malfoy "Perfectionis Sanguine"*

11 Janvier 2021


Aujourd'hui je me suis levé et j'ai regardé autour de moi, surpris de sentir dans l'air quelque chose d'inhabituel. Quelque chose de léger et de froid qu'a l'atmosphère des jours spéciaux. Je n'avais pas encore conscience de ce qu'était ce jour qui venait de se lever et pourtant je devinais déjà ses contours d'amertume et de souvenirs âpres.

Et puis j'ai regardé par la fenêtre, le ciel était blanc dans la noirceur bleuté de la nuit que quelques lances de lumière venaient déjà percer. Il était tôt.

J'ai mis mon grand manteau d'homme et j'ai pris l'autre sous mon bras. J'ai laissé mes pas descendre l'escalier et franchir la porte, ouvrir le portail du jardin et le laisser ouvert derrière moi. Ma tête était pleine de silence, comme pour retarder le moment où je m'éveillerais tout à fait, le moment où je devrais me souvenir. J'étais là et je marchais, écoutant les graviers crisser sous mes chaussures et la grille claquer contre son cadre derrière moi.

J'ai marché un moment à rebours du jour naissant, dans une course vaine pour échapper à ce lendemain déjà présent.

Et puis soudain à l'horizon j'ai vu le petit champ de pierre briller dans l'aurore qui m'avait rattrapé. J'ai continué à avancer tenant toujours mon petit manteau sous le bras.

Rendu devant la grille de métal ouvragé qui porte cette plaque "Famille Malfoy Perfectionis Sanguine", j'ai sorti de ma poche la longue clé étroite. Elle a tourné dans le verrou avec un cliquètement sourd puis je suis entré. Autour de moi, ils étaient tous là, tous ceux qui ont porté mon nom avant moi. J'ai suivi la rangée et dans un murmure j'ai lu les noms sur les grandes stèles noires, dressées dans la lumière rasante. Et soudain j'y étais, juste après Abraxas, vous étiez là. Je me souviens de la première fois que je suis venu ici, c'est vous qui m'aviez amené. Vous m'aviez montré la terre du bout de votre canne et vous aviez dit simplement " Ici, c'est moi". J'avais 5 ans et je n'ai pas compris tout de suite. Mais vous aviez raison, maintenant vous êtes là, juste à côté de grand-mère. Cela fait dix ans maintenant que vous dormez l'un contre l'autre certainement plus proche que vous ne l'aviez été au cours des quelques lustres précédents. Cela fait dix ans maintenant que j'ai reçu cette petite enveloppe grise scellée et cachetée.

Vous n'êtes pas venu pour l’anniversaires de mes dix ans, ni pour ceux des années qui ont suivi. Il n'y a plus eu de lettres et tout ce silence que vous avez déversé dans ma vie, je crois comprendre que c'était votre réponse à ma dernière question. Non, vous n'avez pas tombé le masque parce que vous l'aviez porté si longtemps qu'il avait fini par faire partie de votre visage. De ce même visage dont il ne doit aujourd'hui rester que deux orbites creuses et une mâchoire qu'aucune lèvre ne couvre.

J'ai pris le manteau sous mon bras et je me suis agenouillé entre vous et votre père. J'ai posé le manteau sur le dos de votre tombe comme sur le dos d'un malade et de la poche j'ai tiré la feuille de papier. Elle est restée là tout ce temps. Elle est restée là depuis le jour où je l'ai reçue. Je l'ai prise et je suis sorti en courant, j'ai couru aussi vite que je le pouvais et jusqu'à ce que je n'en puisse plus et que je tombe à genou dans la terre. Puis je me suis assis et j'ai hurlé. Je crois ne pas avoir versé une larme sur le moment. Je n'ai fait qu'ouvrir la bouche et crier jusqu'à ce que ma gorge brûle et que mes poumons soient emplis de feu. Puis, j’ai crié encore. Alors seulement je me suis tu et j'ai attendu. Quand père est arrivé il n'avait pas l'air fâché, pas même déçu. Il était pâle et sa respiration courte laissait deviner la force qu'il lui fallait pour ne pas pleurer. Il a ramassé son fils recroquevillé et couvert de boue et il m'a ramené à la maison.


Ainsi vous êtes mort. Mort de la même façon que votre père avant vous. C'était cela votre grand secret ? Votre mort prochaine ? C'était cela la raison de ce soudain intérêt pour moi ? Voyez-vous je vous imagine, je vous imagine prendre la plume et vous dire qu'il est temps de me parler puisque vous n'en aurez plus le temps, puisque vous ne me verrez jamais adulte. Peut-être espériez-vous ainsi réparer les erreurs que vous avez faites avec mon père.

Si je suis venu en ce jour anniversaire de celui où j'ai vu votre petit étui d'ébène disparaître dans la fosse, c'est que je dois vous remercier. Vous m'avez appris que l'on traîne ses erreurs et ses mensonges pour toujours, que garder le silence c'est accepter qu'ils nous tuent. Chaque jour je me lève et quand dans le miroir je croise fugacement vos yeux. Je songe à la journée que je m'apprête à vivre. Je veux pouvoir être fier de chaque jour de ma vie, je veux avoir su lever mon masque avant qu'il ne m'étouffe. Ainsi c'est grâce à vous que j'ai parlé à mon père. Que je me suis levé et que je lui ai dit que malgré le respect que j'avais pour lui et pour vous tous, ancêtres déchus, j'allais suivre mon propre chemin. Et que je ne le laisserai pas le mener jusqu'à l'impasse, que je respecterai la promesse que j'ai faite à grand-mère tantôt quand de sa petite voix triste elle m'avait dit "Scorpius, tu me vois telle que je suis aujourd'hui et tu dois m'écouter. Tu es mon petit fils et je t'aime, je veux que tu sois heureux, plus heureux que nous autre l'avons été. N'épouse qu'une femme qui t'aimera autant que toi tu l'aimeras. Promet le moi Scorpius, promet le moi".


C'est grâce à vous que j'ai eu le courage de me dresser face à lui pour enfin lui dire que je ne serais pas un Malfoy parmi d'autres qui a suivi les autres et a pris son tour dans la file des petits soldats de plomb détraqués qui marchent droit et sagement jusqu'à se jeter dans l'abime. J'ai eu la force de prendre mes dessins et mes livres et de partir. Je ne suis resté loin de la maison que quelques mois. Il est venu me voir et a mis sa main sur mon épaule. " Scorpius, reviens donc, je ne veux pas te perdre. Tu es mon fils et quoi que tu deviennes, j'en suis très fier". Je souris en vous contant cette histoire car je me dis que maintenant vous pouvez l'être aussi. J'ai réparé l'accroc qu'il y avait dans nos vies et le cercle est brisé. Il ne sera pas dit que les Malfoy mourront tous malheureux et brisés et ce, c'est un peu grâce à vous.


Je vais maintenant replier ce parchemin et ranger ma plume dans le bel étui sur lequel vous aviez fait graver mon nom. Puis je vais ranger cela dans la poche du petit manteau d'enfant encore taché de boue et je vais repartir. Presque rien n'aura changé dans le calme cimetière de notre famille, sauf une enveloppe blanche glissée sous votre tombe.


Votre petit-fils,

Scorpius Hyperion Malefoy.