Le mystère d'Effy by Bloo
Summary:
Avender


Effy avait toujours passé ses étés chez Georgie ou Lisa, depuis qu'elle était à Poudlard. Mais pour son dernier été en tant qu'étudiante, ce n'était pas les habituelles conversations nocturnes ponctuées de fous rire et les baignades toute habillée qui l'attendaient.

Accompagnée d’une Rose bourrée d’optimisme et d’un James bien différent de celui de Poudlard, Effy avait rendez-vous avec son passé, cet été-là. Avec le mystère de ses parents disparus.

Categories: Biographies, Romance (Het), "19 ans plus tard" Characters: James S. Potter, Personnage original (OC), Rose Granger-Weasley
Genres: Polar/enquête, Romance/Amour, Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Ah ! Ces chers enfants !, Les aventures d'Effy Peterson
Chapters: 13 Completed: Non Word count: 68307 Read: 15575 Published: 18/08/2013 Updated: 12/03/2017
Story Notes:
Les personnages appartiennent en général à J.K Rowling mais il y a beaucoup de OC.

Cette histoire est la deuxième partie des aventures d'Effy et fera au total vingt-et-un chapitres. Il y aura encore deux autres parties faisant chacune une vingtaine de chapitres.

Un immense merci à Xinou pour tous ses conseils, ses corrections avisés, et surtout sa fidélité, malgré le temps que je mets parfois à écrire mes chapitres ou les nombreuses histoires dans lesquelles je m'éparpille. Merci !

1. Le commencement by Bloo

2. Les doutes by Bloo

3. La piste by Bloo

4. L'anniversaire by Bloo

5. Les questions by Bloo

6. Le proverbe by Bloo

7. La résolution by Bloo

8. Le départ by Bloo

9. Les disparus by Bloo

10. Les hypothèses by Bloo

11. L'aveu by Bloo

12. Les soutiens by Bloo

13. Le baiser by Bloo

Le commencement by Bloo
Author's Notes:
Bon, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est que ce premier chapitre arrive, donc. La mauvaise, c'est que je ne reprends pas une publication régulière.

Je suis encore très (très) loin d'avoir terminé la rédaction de cette deuxième partie, et malheureusement je risque d'avancer encore plus lentement à la rentrée, puisque j'entre en terminale mais que je suivrai en même temps (et que je suis déjà, d'ailleurs) une préparation pour Sciences Po. Mais voilà, ça fait quand même un moment que la première partie est terminée et donc, j'ai eu une idée. Cette deuxième partie fera au total vingt-et-un chapitres, qui sont tous prévus et détaillés dans mes brouillons. Je poste aujourd'hui le premier, qui sert en quelque sorte d'avant-première. Puis je me remets à l'écriture. Je publierai ensuite une première tranche de dix chapitres lorsque je l'aurai achevé et corrigé, puis il y aura de nouveau une pause (que j'espère la moins longue possible) avant la dernière tranche de publication.

Je suis vraiment désolée mais je peux difficilement faire autrement... j'ai pensé que cette solution était mieux que d'attendre encore assez longtemps, et j'ai pensé aussi qu'avoir vos avis me motiveraient. Du coup, n'hésitez pas d'ailleurs si vous avez la moindre remarque à faire, tout n'est pas encore écrit donc je peux tout à fait en prendre compte !

Voilà, bonne lecture !

L’été avait été entamé depuis plusieurs jours déjà, mais les rayons du soleil commençaient seulement à pointer derrière les nuages. Effy les contemplait de derrière les rideaux blancs de la chambre de Rose, chambre qu’elle ne partageait avec son amie que depuis trois jours. Elle s’y sentait malgré cela parfaitement à l’aise. Elle s’y sentait même aussi bien que dans son dortoir à Poudlard, qui avait pourtant été jusqu’à présent sa maison, le seul endroit où elle se sentait chez elle.

Il fallait dire qu’il était difficile de ne pas se sentir comme chez soi dans la famille Weasley. Tout d’abord, la maison elle-même était chaleureuse et dégageait une sensation de calme, d’apaisement. Les murs étaient soit de couleur pâle, au rez-de-chaussée, soit de couleur douce, à l’étage, tel que le vert pomme ou le bordeaux que Rose affectionnait particulièrement. Le sol était en bois clair et chaque pièce de la maison était ornée de plantes vertes, de photographies et de souvenirs. S’ajoutaient à cela Domino, le chat siamois de la famille qui l’égayait par ses nombreuses bêtises, Hugo, le frère de Rose, qui amenait toujours des amis à la maison, et Hermione et Ron qui étaient pour Effy l’incarnation même des parents idéaux. Elle avait l’impression de faire partie de la famille, d’être leur fille au même titre que Rose. En somme, elle aurait difficilement pu ne pas se sentir chez elle. D’autant plus qu’Effy n’était pas d’un naturel compliqué et pouvait s’adapter à n’importe quel endroit : tout lui paraissait meilleur que l’orphelinat dans lequel elle avait grandi.

- Effy, tu peux allumer la lumière s’il te plaît ? demanda Rose, enroulée dans les couvertures, d’une voix encore endormie.

- Tu es sûre ? Ça va t’empêcher de te rendormir.

- Justement. On a une longue journée qui nous attend, il faut que je me lève.

Effy quitta donc la fenêtre devant laquelle elle rêvassait depuis qu’elle s’était réveillée pour allumer la lumière, faisant grommeler Rose qui commença par se cacher sous son oreiller, avant de finalement se redresser, les cheveux en bataille et les yeux rouges.

- Comment tu fais pour être si impeccable le matin ? marmonna-t-elle en voyant Effy, coiffée, le visage frais, bien qu’elle soit encore en pyjama.

- J’ai fait un petit tour par la salle de bain dès que je me suis levée. C’est la première chose que je fais quand je me réveille. Systématiquement. Sinon je suis de mauvaise humeur.

- Ça explique bien des choses, dit Rose en repoussant les couvertures.

La jeune fille sortit du lit et regarda par la fenêtre, étonnée de voir enfin quelques rayons de soleil. L’air soudain beaucoup plus enthousiaste, elle s’empressa d’ouvrir son placard pour en sortir avec précipitation des vêtements d’été, qu’elle enfila tout aussi rapidement tandis qu’Effy, plus pudique, reprenait la direction de la salle de bain pour se changer.

Les deux filles étaient les premières levées de la maison. Elles s’en rendirent compte en descendant prendre leur petit-déjeuner, étonnées de ne voir personne, si ce n’était Domino –mais il était étendu de tout son long sur la table de la cuisine et poussait de temps à autre des soupirs de contentement. En le voyant, Effy songea un instant à Ulysse, son propre chat, qu’elle n’avait pas vu depuis deux jours. Le courant était très mal passé entre lui et Domino, et Hermione l’avait finalement emmené chez les Potter pour éviter que les deux mâles ne s’entretuent dans sa maison, pour le plus grand bonheur de Lily qui réclamait depuis des années un chat à ses parents. Elle envoyait tous les jours, parfois même plusieurs fois par jour, une lettre à Effy pour lui raconter tout, absolument tout ce qu’avait fait son chat dans la journée. Effy aurait été présente chez les Potter qu’elle n’en aurait pas su davantage sur les agissements d’Ulysse.

Les deux filles s’installèrent, et Rose repoussa Domino au bout de la table malgré ses protestations. Elles étaient en train de manger quand Hermione pénétra dans la cuisine, vêtue d’un tailleur, les cheveux tirés en un chignon impeccable.

- Tiens, déjà debout les filles ? s’étonna-t-elle. Il est à peine neuf heures.

- Tu ne te souviens pas ? demanda Rose. On va à Pré-au-Lard aujourd’hui, avec les Potter. Harry passe nous prendre dans un peu moins d’une heure.

- Ah oui c’est vrai, dit Hermione en levant les yeux au ciel. Décidemment, je perds la tête moi en ce moment !

- T’as un rendez-vous pour être aussi élégante ? demanda Rose.

- Audience au Ministère.

Effy regarda Hermione. Elle savait que cette dernière travaillait au département de la Justice Magique où elle était haut placée. Mais jusqu’à présent, elle qui rêvait pourtant d’entrer dans ce même département, elle n’avait pas osé lui demander des précisions sur son métier.

- À propos de quoi ? demanda Rose en finissant sa tasse de chocolat chaud.

- Oh, une sordide histoire de famille dont je vous passe les détails. Dis donc Rose, quand est-ce que les résultats de tes BUSE vont arriver ?

- Maman, je te l’ai déjà dit hier, ils n’arriveront probablement pas avant une semaine encore… Arrête, tu es plus stressée que moi !

- Oui, et bien puisque l’on parle de ça, je te trouve justement assez peu préoccupée par tes résultats scolaires Rose ! dit Hermione d’un ton soudain plus sévère.

- Mais pourquoi être stressée ? s’exclama Rose. Le pire qui puisse m’arriver, c’est éventuellement d’avoir un « Effort exceptionnel » au lieu d’un « Optimal » en Histoire de la Magie, je ne vois pas pourquoi je devrais me mettre dans tous mes états !

- Rose, je sais que la confiance en soi est importante, mais là ça frôle l’arrogance.

- Et pourquoi est-ce qu’il faudrait que je joue les fausses modestes ? J’ai cartonné à mes examens, je ne vais quand même pas faire semblant de les avoir ratés.

Hermione soupira, n’ignorant visiblement pas qu’elle s’engageait dans une bataille perdue d’avance, tandis qu’Effy se retenait de pouffer de rire. L’assurance de Rose l’avait toujours beaucoup amusée et, contrairement à Hermione, elle ne l’avait jamais prise pour de l’arrogance. Elle était d’ailleurs certaine qu’Hermione elle-même ne considérant pas la suffisance comme caractéristique de sa fille, la connaissant bien trop pour s’en faire une image au travers de sa seule façon de gérer ses résultats scolaires.

De toute façon, il était impossible qu’une personne aussi sympathique, aussi extravertie et aussi dévouée aux autres que Rose puisse être à ce point imbue d’elle-même.

- Bon, je vais y aller les filles. Soyez sages à Pré-au-Lard ! lança Hermione en quittant la cuisine après avoir simplement attrapé une pomme.

- Mais oui, tu sais très bien que je ne fais jamais de bêtises ! répliqua Rose avant d’éclater de rire.

Les deux filles terminèrent leur petit-déjeuner en discutant de Poudlard, puis elles débarrassèrent et prirent place dans le salon, regardant toute les trente secondes l’horloge accroché au mur comme si le temps allait soudainement s’écouler plus vite. Il n’en fut rien, et elles durent patienter une bonne demi-heure avant qu’un bruit devant la porte d’entrée ne les fasse sursauter : le bruit que fait une personne qui vient de transplaner. Rose se précipita immédiatement vers l’entrée tandis qu’Effy entendait des pas à l’étage. L’instant d’après, elle vit Ron descendre les escaliers et lui adresser un sourire avant de suivre le même chemin que sa fille.

- Salut Harry ! s’exclama-t-il en se retrouvant nez-à-nez avec son meilleur ami qui était en train d’ébouriffer les cheveux de Rose.

- Ron ! répondit Harry sur le même ton. Hermione n’est pas là ?

- Elle est partie il y a une demi-heure, l’informa Rose, elle avait une audience au Ministère.

- Quant à moi je vais profiter de ma journée de repos et te laisser te débrouiller avec toute la joyeuse troupe, dit Ron.

- Oh, pas de problème, ils sont grands maintenant, je pense qu’on pourra les lâcher dans Pré-au-Lard sans trop d’inquiétude, répondit Harry avec un clin d’œil.

Ron lui rendit son clin d’œil tandis que Rose, qui trépignait littéralement d’impatience, s’agrippait au bras d’Harry comme pour lui faire signe qu’il était temps d’y aller. Ce dernier leva alors les yeux vers Effy et lui tendit une main qu’elle s’empressa d’attraper. L’instant d’après, ils se trouvaient tous les trois à Pré-au-Lard.

C’était la première fois de sa vie qu’Effy voyait le village de cette façon. Ensoleillé, déjà. Cela n’avait dû lui arriver qu’une ou deux fois, et jamais lors des sorties officielles mais plutôt en fin d’année, lorsque les élèves reprenaient le chemin du Poudlard Express pour rentrer chez eux. Mais surtout, relativement calme. Quelques promeneurs marchaient dans les ruelles où brillaient les rayons du soleil, quelques personnes s’éparpillaient dans les différents établissements du village, mais il n’y avait pas l’habituelle foule d’élèves qu’Effy s’était depuis le temps habituée à fendre pour avoir le temps de faire tous ses achats en une après-midi. Et elle devait bien avouer que c’était plus agréable ainsi. Elle avait l’impression de redécouvrir Pré-au-Lard, et il lui semblait même qu’elle remarquait des choses qui n’avaient jusqu’à présent jamais attiré son attention.

- On va retrouver les autres aux Trois Balais, dit Harry. Mais après, si vous avez envie d’aller vous promener entre vous, c’est comme vous voulez.

- C’est justement ce que l’on avait l’intention de faire ! acquiesça Rose d’un ton enjoué. Et au passage, on va vous emprunter James aussi.

- C’est bien ce que j’avais cru comprendre.

Effy ne savait pas si les parents de James étaient au courant de son secret, mais elle savait en revanche qu’ils avaient appris, d’une personne innocente aux cheveux roux, qu’elle avait été la cible des moqueries de James durant plusieurs années sans jamais trop savoir pourquoi. Cela la mettait d’ailleurs terriblement mal à l’aise, puisque dès qu’elle rencontrait Harry ou Ginny Potter, elle avait l’impression que ces derniers se sentaient obligés d’être aimables avec elle, comme pour essayer de rattraper les bêtises de leur fils. Et d’après des bribes de conversations qu’elle avait pu capter entre Ron et Hermione, l’ambiance entre James et ses parents semblait être assez froide depuis le début de l’été. Elle espérait sincèrement ne pas en être la cause.

C’était donc pour cette raison qu’Effy appréhendait de retrouver James. Ils ne s’étaient pratiquement plus reparlé après qu’il lui ait promis de l’aider à retrouver ses parents, juste quelques mots qui n’avaient rien de très personnel, lors du banquet de fin d’année. Effy se sentait bien trop gênée lorsqu’elle le voyait. Elle ne comprenait pas cette soudaine gentillesse de la part de James et considérait cela comme de la pitié, et elle ne comprenait toujours pas non plus ce qu’elle avait pu faire du mal, quelques années auparavant, pour qu’il se mette à la détester comme elle n’avait jamais détesté personne.

Harry ne les avait pas fait atterrir très loin des Trois Balais et les trois sorciers finirent par se retrouver devant le pub avant qu’Effy n’ait eu le temps de réfléchir à ce qu’elle allait bien pouvoir dire. Rose poussa la porte avec entrain et repéra sa tante et ses cousins au fond de la salle, légèrement à l’abri des regards, même si certains clients se tordirent le cou pour essayer d’apercevoir davantage la famille Potter.

- Salut tout le monde ! s’exclama Rose en prenant place à côté d’Albus, qui était le cousin dont elle était le plus proche.

- Bonjour Rose, bonjour Effy, les salua une Ginny souriante.

- Effy, il faut absolument que je te dise ! lança Lily en oubliant de saluer la jeune fille, qui prit place à ses côtés. Ton chat nous a fait une peur bleue ce matin ! On prenait le petit-déjeuner dehors pour profiter du beau temps, quand on l’a vu arriver. Il tenait entre ses crocs quelque chose qui pendait des deux côtés de son visage. Au dernier moment, on a vu que c’était un serpent. Et il l’a lâché sous la table !

Rose éclata de rire tandis qu’Effy, visiblement confuse, rougissait et tentait de s’excuser pour son chat.

- Je suis vraiment désolée ! Il ne fait pas ça normalement, enfin en tout cas, il ne m’avait jamais ramené de serpent jusqu’à présent !

- Ce n’était qu’une couleuvre Lily, précisa Ginny en voyant Effy s’affoler.

- Oui, mais on a eu une belle peur quand même, répliqua la jeune fille.

- Pourtant tu ne devrais pas avoir peur des serpents toi, c’est quand même l’emblème de ta maison je te rappelle, rétorqua James d’un ton clairement sarcastique.

Il n’avait pas encore décroché un mot jusqu’à présent, pas un salut à Effy et Rose ni même le moindre signe à son père –qui lui avait pourtant adressé un franc sourire en s’asseyant à ses côtés.

- James… commença Harry.

- Ce n’est pas moi qui suis parti en courant vers la maison en poussant des hurlements de fille hystérique ! répliqua Lily. Mais si tu veux t’attaquer à ma Maison, vas-y, fais-toi plaisir. Je pourrais ainsi te montrer à quel point j’y ai ma place !

Effy fut alors étonnée de voir Ginny contempler sa fille avec un grand sourire et lui adresser un regard visiblement fier, avant de se tourner vers James et de lui lancer cette fois un regard noir, regard noir qu’il s’empressa de lui rendre tandis qu’Harry levait les yeux au ciel. Il y avait définitivement quelque chose qui n’allait pas entre James et ses parents.

- Tiens d’ailleurs, nota Rose, je ne l’avais pas remarqué jusqu’à présent mais toutes les maisons sont représentées ici ! Effy et James pour Gryffondor, Al pour Poufsouffle, Lily pour Serpentard et moi pour Serdaigle !

- Absolument merveilleux, grogna James.

- James ! Ça suffit maintenant ! Je t’ai prévenu tout à l’heure, gronda Ginny, si tu recommences ton cirque tu rentres directement à la maison !

Un silence de mort s’installa alors à la petite table, durant lequel Ginny et James s’affrontèrent du regard sous les yeux étonnés d’Effy et Rose et le regard las de Lily, Albus et Harry. Finalement, Lily rompit le silence en ramenant la conversation sur Ulysse, parlant d’abord uniquement avec Effy, avant que la conversation ne dévie sur les créatures magiques en général. Plus d’une demi-heure passa ainsi avant que les adultes ne se lèvent.

- Bon, dit Harry, avec Ginny nous avons un rendez-vous à Poudlard, on sera de retour ici dans deux heures. On vous laisse faire ce que vous voulez pendant ce temps-là, mais vous restez dans le village et vous êtes ici-même dans deux heures, c’est bien compris ?

Tous les enfants acquiescèrent. Dès que Harry et Ginny eurent franchi les portes des Trois Balais, Albus partit s’asseoir à une table où se tenaient quelques garçons qu’Effy était certaine d’avoir déjà vu à l’école, et Lily quitta le pub avec un grand sourire pour se diriger vers les magasins aux vitrines colorées. Seuls restaient donc Effy, Rose et James, qui paraissait subitement être de bien meilleure humeur que quelques instants auparavant et adressa même un sourire éclatant à Effy.

- Alors, ça se passe bien chez Rose ? demanda-t-il.

- Euh… oui, oui, bien, très bien, répondit Effy étonnée. C’est très… super, oui.

- Ça ne va pas ?

- Moi ? Mais oui, oui oui, bien sûr que ça va bien !

- Effy, tu ne sais vraiment pas mentir, dit Rose.

- Je te remercie pour ton soutien, maugréa la jeune fille en baissant les yeux.

- Qu’est-ce qui se passe ? demanda James.

Effy leva les yeux vers lui. Il avait l’air sincèrement étonné, ne comprenant visiblement pas la situation. Pourtant, Effy trouvait que cela sautait aux yeux qu’il s’était disputé avec ses parents. Et que ceux-ci, sa mère notamment, semblaient beaucoup lui en vouloir.

- Non, rien, c’est juste que…

N’allait-elle pas manquer de tact en lui posant cette question ? Pouvait-on demander ce genre de choses aux gens ? Elle n’en avait aucune idée. Elle n’avait jamais eu de parents, ni même de famille, elle. Elle ne savait rien de ces sujets. Rien de ce qu’il fallait dire à quelqu’un ayant des problèmes de ce genre.

- Et bien, avec tes parents… c’est à cause de moi si vous vous êtes disputés ?

James fronça les sourcils.

- Et pourquoi ce serait à cause de toi ?

- Je… je ne sais pas, j’ai pensé que…

- Enlève-toi ça de la tête Effy. Il ne s’est rien passé de grave entre eux et moi, rien de plus que d’habitude en tout cas. Tu n’as qu’à demander à Rose. N’est-ce pas, Rose, que ça a toujours été comme ça entre nous ?

Mais tout en disant cela, il adressa un regard à Rose qui signifiait clairement « Joue le jeu », et même Effy s’en rendit compte. Elle était peut-être naïve –et James la prenait visiblement pour la plus grande naïve de l’univers-, mais elle ne pouvait pas avoir le moindre doute : à cet instant, il n’était absolument pas sincère avec elle.

- Oui, bien sûr, dit Rose avant de se tourner vers Effy en souriant. T’en fais pas pour ça. Et puis, il me semble qu’on devait se retrouver pour parler… d’autre chose.

Le silence s’installa de nouveau. Rose n’osait plus regarder son amie dans les yeux et James semblait s’être pris de passion pour la contemplation de ses chaussures.

- Vous pouvez en parler, vous savez, dit alors Effy. Vous pouvez parler de mes parents devant moi. Si je ne l’avais pas voulu, on ne serait pas là, je n’essayerais pas de les retrouver, et vous ne tenteriez pas de m’aider à le faire. Alors allez-y, parlez.

- Et bien… déjà, est-ce que tu connais précisément la date à laquelle tu es arrivée à l’orphelinat ? demanda James, toujours sans oser croiser le regard d’Effy.

- Dès ma naissance je suppose, c’est toujours comme ça non ?

- Non justement, tu peux y avoir été déposée plus tard. Et il y aurait alors plus de probabilités pour que ta famille ne l’ait pas fait volontairement. Je veux dire, s’ils t’ont déposée dès ta naissance, c’est qu’ils ne voulaient vraiment pas de toi, pour je ne sais quelle raison. Si ça s’est passé après…

- Si ça s’est passé après, toutes les pistes sont possibles et ça ne nous avancera guère, le coupa Rose. Mais tout est bon à prendre, d’autant plus que quelque chose me dit que l’on n’aura pas beaucoup d’indices.

- Donc tu ne sais pas ? demanda James, soucieux.

- Non je… si. Si, ça me revient. J’en ai parlé…, une seule fois avec Mme Winstead. Je lui avais demandé comment j’étais arrivée. Merlin, j’étais petite je ne me… tout ce dont je me rappelle, c’est qu’elle m’a dit qu’il faisait froid ce matin-là. Très froid. C’était en plein hiver. Elle s’en souvenait parce qu’elle avait eu peur, en me découvrant sur le perron, que je sois morte de froid.

- Et tu es plutôt de milieu d’année toi, non ? demanda Rose.

- Je suis née le 9 août.

- Comment tu le sais ?

- Rose, elle ne sert à rien ta question.

- Toutes les questions que l’on va te poser peuvent nous servir, dit James.

- Je le sais parce que c’est comme ça, c’est tout. Tous les ans on fêtait mon anniversaire ce jour-là, je suppose que Mme Winstead a lu ma date de naissance dans la lettre.

- Quelle lettre ?

- Il y avait une lettre sur moi, bien retenue par les couvertures. Je sais que Mme Winstead l’a récupérée et la gardait dans les archives de l’orphelinat.

- Et tu n’as jamais su ce qu’elle contenait ?

- Jamais. Mais il ne doit pas y avoir grand-chose de toute façon. Mme Winstead ne savait rien de mes parents, elle ne sait même pas si ce sont eux qui m’ont déposée. Peut-être indiquait-elle simplement mon nom et ma date de naissance, ce qui expliquerait comment Mme Winstead les connaissait.

- Tu sais où elle est cette lettre ?

- Jusqu’à il y a peu, elle était dans les archives de l’orphelinat. Mais comme le bâtiment est vieux, il va être démoli. Je me demande même si ça n’a pas déjà commencé. Donc les archives ont dû être transférées en même temps que les pensionnaires.

- Tu ne sais pas où, j’imagine ? s’enquit Rose.

- Non.

- Nous voilà bien avancés.

- M. Flitwick le sait, je pense. Il doit forcément avoir les nouvelles coordonnées puisque, normalement, j’aurais dû aller dans ce nouvel établissement cet été. Si on lui écrit, il nous les indiquera sans doute.

- C’est vrai que si on pouvait récupérer cette fameuse lettre, ce serait déjà un bon début. Parce que là, autant te dire qu’avec ce qu’on a, on ne retrouvera jamais tes parents, dit James qui semblait déjà ne pas y croire.

Et Effy pensait comme lui. Elle regrettait déjà de s’être embarquée dans cette histoire. Elle aurait dû se douter qu’elle ne trouverait jamais rien sur sa famille, qu’il n’y avait aucune chance, et que quand bien même elle les retrouverait, ils ne voudraient probablement pas d’elle. Que s’était-elle imaginé ? Qu’elle allait les rencontrer comme cela, en claquant des doigts, et qu’ils allaient l’accueillir à bras ouverts alors qu’ils auraient pu venir la chercher à l’orphelinat pendant toutes ces années ? Si ses parents étaient toujours en vie quelque part, ou désiraient la revoir, ils l’auraient fait depuis longtemps déjà. Elle n’aurait pas eu à chercher. Elle n’avait jamais rien demandé, de toute façon. Elle n’avait jamais demandé à être abandonnée, alors pourquoi serait-ce à elle de partir à leur recherche ? Ils avaient visiblement tout fait pour qu’elle ne puisse pas les retrouver. Il devait bien y avoir une raison cela. Et il lui semblait que cette raison était des plus simples : ils n’avaient aucunement envie de revoir leur fille un jour.

- Mais ne faites pas cette tête, s’exclama soudainement Rose. Je vous rappelle que notre enquête a démarré il y a cinq minutes ! Qu’est-ce que vous pensiez, franchement ? Si cinq minutes étaient suffisantes pour résoudre le problème, Effy aurait déjà retrouvé les siens depuis longtemps !

- S’ils voulaient me récupérer, ils l’auraient déjà fait, murmura Effy, les yeux brillants.

- Effy, il a pu se passer tellement de choses ! Il y a tellement d’hypothèses ! Et puis tu sais quoi ? Tes parents, ils ne savent peut-être même pas où tu es. Je te rappelle que personne n’a vu qui t’a déposée à l’orphelinat. Ce ne sont pas forcément eux. Il leur est peut-être aussi arrivé quelque chose, ça, on ne peut pas te garantir le contraire. Mais tu as voulu savoir, Effy. Tu as voulu te lancer dans cette enquête. C’est que quelque part au fond de toi, tu aimerais bien connaître la vérité quand même, non ?

- Oui. Oui, je voudrais savoir, mais… j’ai peur.

Les mots étaient sortis, même s’ils sonnaient encore comme un euphémisme. Elle n’avait pas simplement peur, elle était terrifiée. À Poudlard, elle avait à chaque rentrée écouté avec émerveillement Georgie et Lisa lui raconter leurs vacances avec leurs proches. Jamais ses amies ne s’étaient plaintes de leurs parents devant elle, comme si leur relation était absolument parfaite, et Effy les avait longtemps enviées et les enviait toujours d’ailleurs. Ce qu’elle ne savait pas, c’était que Georgie et Lisa s’étaient depuis longtemps accordées pour ne jamais aborder ce genre de souci devant Effy afin de la préserver. En réalité, leurs familles étaient loin d’être parfaites –mais elles l’étaient pour Effy. Quant à celle de Rose, c’était pire encore : Ron et Hermione semblant être aux yeux d’Effy l’incarnation même de la perfection. Elle avait toujours eu la sensation que ses amis avaient des familles merveilleuses, étaient aimés, étaient choyés. Et elle, on l’avait abandonnée. Les siens n’avaient pas voulu d’elle. Peu importait la raison, elle n’avait jamais été aimée, elle, pas plus qu’elle n’avait été choyée. Elle allait peut-être enfin savoir pourquoi, et cette perspective l’effrayait au plus haut point.

Pour elle, toute famille réunie était forcément parfaite et c’était d’ailleurs pour cela qu’elle s’était sentie si gênée de l’ambiance froide entre James et ses parents. Elle ne comprenait pas qu’on puisse ne pas s’entendre avec les siens. Elle ne comprenait pas que des parents puissent ne pas aimer leurs enfants. Et pourtant, ses parents à elle, ses propres parents, ils ne l’avaient pas aimée au point de la garder auprès d’eux.

- Et c’est normal d’avoir peur Effy, dit Rose en posant sa main sur la sienne. Mais crois-moi, quand on aura trouvé –parce que l’on va trouver-, et quoi que l’on puisse trouver, au moins tu seras soulagée de savoir. Ce sera peut-être dur, mais tu auras le temps de faire face. Alors que si on ne fait rien, si tu ne cherches jamais, tu vivras toujours dans le doute, tu te poseras toujours des questions.

- Elle a raison Effy. C’est sûr qu’on va peut-être découvrir des choses… des choses pas cool, peut-être même pas cool du tout. Mais au moins tu sauras. Et tu auras toute ta vie pour remonter la pente ensuite.

- Et puis tu n’es pas seule, n’est-ce pas ? souligna Rose avec un grand sourire.

Non, elle n’était pas seule. Rose et James allaient l’aider. Elle voyait Lily revenir au loin, les bras chargés de sac et leur souriant à travers la vitre, Albus se diriger vers eux, Harry et Ginny franchir les portes en même temps que Lily. Et puis, elle pouvait écrire à n’importe quel moment à Georgie et Lisa, et Brooke et Oliver lui avaient promis qu’ils ne seraient jamais bien loin.

Elle n’était pas seule.

End Notes:
Merci d'avoir lu !

On se retrouve donc dans un temps... indeterminé ! Mais j'espère que ce premier chapitre, même s'il ne s'y passe pas grand-chose, vous a mis l'eau à la bouche. Faîtes bien attention, il y a déjà plusieurs indices qui peuvent vous éclairer sur ce qu'il va se passer par la suite ! Voilà, encore merci d'avoir lu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! :)
Les doutes by Bloo
Author's Notes:
Bon, je sais que je n'ai pas vraiment géré sur ce coup-ci et que certains d'entre vous attendent depuis près de trois ans la suite de cette histoire. Sincèrement, je suis désolée pour ça. Je n'ai pas vraiment d'excuse, il s'est plutôt agi d'un concours de circonstances : j'ai commencé mes études supérieures, j'ai eu moins de temps à consacrer à l'écriture et ai donc souvent privilégié la rédaction d'OS, plus courts, moins prise de tête, j'ai aussi eu un gros syndrome de la page blanche avec cette histoire pendant très longtemps. Je reprends toutefois partiellement une publication régulière à partir d'aujourd'hui. Partiellement, parce que je vais poster un chapitre par semaine jusqu'au onzième chapitre.

Au niveau de la rédaction, je suis actuellement au milieu du seizième mais je préfère ne publier intégralement que quand tout sera fini. D'autre part, cela laissera aussi plus de temps à mes bêtas pour la correction. Je ne peux toutefois pas faire de promesses sur la fin de cette rédaction, j'aimerais achever cette partie avant la fin de l'année mais je ne peux pas garantir d'y parvenir. Je suis en Erasmus à Prague pour un an, j'ai beaucoup d'autres projets en tête et ces derniers temps, je n'ai en plus pas vraiment la tête à l'écriture, du moins de cette histoire dans laquelle je suis finalement assez impliquée sentimentalement parlant (Effy me ressemble beaucoup trop, dans le fond). Et en ce moment, mon humeur est en peu en dents de scie, et quand elle est au bas, j'ai pas spécialement envie d'écrire cette histoire. Je compte toutefois bien l'achever, ça c'est certain, d'autant que je me suis beaucoup investie dans ce projet !

Je ne veux pas m'étendre plus longtemps, j'ai été assez longue comme ça, mais je voudrais aussi remercier du fond du cœur trois personnes : Xinou, qui n'a plus autant de temps à consacrer à cette aventure mais qui reste la personne m'ayant le plus aidée à ce jour avec Effy, et flodalys et Satchre, mes nouvelles adorables bêtas, qui font un boulot formidable et avec lesquelles je suis ravie de travailler !

Sur ce, bonne lecture !

« 9 juillet 2022

Chère Effy,

Rose a raison, tu sais. Non, vous ne pourrez certainement pas retrouver tes parents en deux jours. Si c’était le cas, tu l’aurais déjà fait bien avant. Mais je pense aussi que vous allez y arriver. Je me sens terriblement frustrée de ne pas pouvoir être là, de ne pas pouvoir vous aider non plus. Je compte sur toi pour me raconter absolument tout, je veux tous les détails, et je vais essayer de me montrer utile moi aussi, même à distance.

Mes vacances se passent bien, c’est toujours agréable de revoir Papa, je ne le vois jamais durant l’année scolaire. Par contre, j’ai encore eu le droit à l’habituelle rengaine sur Maman. Il lui reproche, je cite, de « me monopoliser », parce que je passe toutes mes petites vacances chez elle et une moitié de celles d’été, alors que c’est lui qui a décidé de s’installer en France. Enfin, tu sais ce qu’il en est, j’ai fondu en larmes devant lui et ça a coupé court à toute discussion, il n’en a plus reparlé depuis. Je me demande combien de temps il lui faudra encore pour qu’il réalise que je me mets presque à pleurer avant même qu’il n’ait parlé. Je pourrais te réciter par cœur son discours. Ce n’est même pas que ça me rend triste, j’y suis habituée, mais ça m’énerve, alors je pleure un bon coup parce que je sais qu’il me passerait n’importe quoi quand je suis dans cet état.

David va venir nous rejoindre quelques jours mais on se verra surtout en Angleterre. Je compte bien venir te voir toi aussi, quand je serai rentrée. J’espère que Maman ne décidera pas à la dernière minute que nous partons quelque part ensemble, ce serait bien son genre en plus.

Je pense très fort à toi,

A bientôt,

Lisa »

- Je suis sûre qu’il a dit quelque chose, tu n’as juste pas fait attention.

- Et moi je suis sûre qu’il n’a rien dit.

- Mais fais un effort Effy, c’est pourtant pas compliqué de…

- Je te dis qu’il ne m’a rien dit Rose ! s’exclama Effy.

Le soudain haussement de sa voix avait eu pour effet de réveiller James, qui somnolait depuis une dizaine de minutes sur un gros tas de parchemins, et d’arrêter Rose dans sa marche nerveuse autour de la table. En revanche, Effy ne se sentait ni plus apaisée, ni plus encline à poursuivre cette conversation qui commençait sérieusement à l’agacer.

- Bon, dit Rose. Admettons que Flitwick n’ait rien dit.

- Mais ce n’est pas admettons, il n’a rien dit ! Pas d’adresse, rien ! Tu penses bien que je m’en serais souvenue autrement, je te rappelle que jusqu’à il y a quelques semaines je pensais encore passer tout mon été, à l’orphelinat !

- Alors pourquoi tu ne lui as pas demandé l’adresse avant ?

- J’avais l’intention de le faire à la fin de l’année. Je ne voyais pas l’intérêt d’aller l’interroger avant. Et ne me fais pas de remarques !

- Je n’ai rien dit.

Mais Rose avait recommencé à faire les cent pas autour de la table et poussait assez régulièrement de profonds soupirs. Effy avait sérieusement envie de lui faire une remarque, mais elle préférait encore se taire pour le moment, peu désireuse de faire éclater une dispute qui, elle le savait, n’apporterait rien de bon.

De son côté, James ne paraissait pas plus réveillé que quelques instants auparavant. Ses coudes reposaient sur ses devoirs de Métamorphoses et glissaient un peu plus vers l’avant à chaque minute qui passait, tandis qu’il luttait pour garder les yeux ouverts. Visiblement, ses paupières pesaient aussi lourd que du plomb. L’après-midi ne faisait pourtant que commencer et Rose et Effy n’étaient pas arrivées depuis longtemps. James avait donc eu tout le temps de dormir. Mais il ne paraissait pas en forme, depuis le début de l’été. Outre son comportement vis-à-vis de ses parents, de son frère et de sa sœur, lorsqu’ils s’étaient retrouvés à Pré-au-Lard, Effy avait toujours l’impression que quelque chose n’allait pas. Les relations fraternelles semblaient déjà ne pas être au beau fixe, mais elles restaient suffisamment naturelles pour qu’Effy ne s’en formalise guère. Avec ses parents, en revanche, James était ouvertement provoquant. Et Effy hésitait toujours sur ce qu’il convenait de faire lorsqu’ils en venaient à se disputer devant elle. Elle avait bien essayé d’en parler à Rose, intriguée par le changement de comportement de James depuis qu’ils n’étaient plus à Poudlard, mais la jeune fille avait simplement haussé les épaules d’un air de dire « Mieux vaut ne pas en parler ».

Effy aurait pu rester un long moment encore plongée dans ses pensées en regardant James, se posant toutes sortes de questions, mais ce dernier se redressa brusquement, envoyant voler plusieurs parchemins au sol, avant de s’écrier :

- Eh mais, il y a un truc qu’on a oublié !

- Quoi ? demanda aussitôt Rose, à la fois vexée que James ait pu avoir une meilleure idée qu’elle et impatiente de la connaître.

- Mme Winstead. Elle n’est pas morte, non, aux dernières nouvelles ? Donc on peut la contacter elle ?

Rose et Effy échangèrent toutes deux un regard. Aucune d’elle n’avait pensé à ce simple détail, pourtant si évident. Effy, surtout, se demanda si elle n’aurait pas dû pleurer d’être aussi stupide. Si elle était capable d’oublier ce genre d’informations, qu’est-ce que cela allait donner par la suite !

- Non. Non, elle n’est pas morte, confirma-t-elle. M. Flitwick m’aurait prévenue, si ça avait été le cas. Et elle, je peux la contacter.

- Comment ? s’enquit Rose.

- Par hibou, tout simplement, peu importe où elle est tant qu’on sait à qui adresser la lettre. Je ne vais pas t’apprendre ça quand même ! dit Effy d’un air taquin.

- Par contre, elle ne dirige sûrement pas le nouvel orphelinat, dit James.

- Ce n’est même pas une hypothèse, M. Flitwick me l’avait bien précisé. Elle était déjà âgée alors, avec son attaque, tu penses bien qu’ils ne vont pas la laisser gérer un tel établissement. Par contre je pense qu’elle pourra nous renseigner sur le nouveau. Je n’ai jamais été particulièrement proche d’elle mais je sais qu’elle considérait certains pensionnaires comme ses propres enfants, elle se sera forcément renseignée.

En disant cela, Effy avait légèrement baissé les yeux et son regard se perdait désormais dans la contemplation d’un coin de la table. Rose et James la regardèrent évoquer ainsi une enfance qui avait dû être bien triste sans trop savoir quoi dire. Eux avaient grandi dans l’amour, amour de leurs parents, amour de leur famille, amour de leurs nombreux cousins. Il leur était impossible de s’imaginer une enfance sans amis, sans jeux, sans personne à qui se confier, sans personne à aimer.

James, surtout, paraissait très mal à l’aise. Il ramassa ses feuilles de cours qui étaient tombées au sol et dit d’un ton aussi enjoué qu’il put :

- Bon, ça vous dit de sortir un peu ? Il fait beau aujourd’hui. On verra tout à l’heure ce qu’on met dans la lettre.

Les deux filles acquiescèrent et le suivirent vers le jardin, où Lily était en train de jouer avec le chat d’Effy. Cette dernière eut un sourire en le voyant. Elle avait encore du mal à s’endormir sans son compagnon lui servant de bouillotte au bout du lit, mais elle le voyait presque plus qu’à Poudlard puisqu’elle passait des après-midis entières chez les Potter. Et la seule fois pour l’instant où James était venu chez les Weasley, Lily et Ulysse étaient là également puisque Ginny travaillait et Harry avait emmené Albus, à sa demande, à une conférence sur l’histoire de la magie -Effy se demandait d’ailleurs souvent d’où lui venait cette passion pour une matière aussi ennuyeuse.

- Tiens, ça vous dit de faire une petite partie de Quidditch ? lança Lily lorsqu’elle les vit arriver. Deux gardiens, deux poursuiveurs, c’est faisable !

- Je suis partante ! dit Rose d’un ton enjoué.

Elle ne jouait pas dans l’équipe de sa maison mais Effy savait qu’elle jouait souvent avec son père et son frère, qui lui réalisait des exploits dans l’équipe de Gryffondor.

- Euh, j’ai pas vraiment envie là, dit James en jetant un coup d’œil à Effy.

Cette dernière s’en rendit compte immédiatement et sentit ses joues s’embraser. Elle n’était plus montée sur un balai depuis sa deuxième année, absolument incapable de se maintenir à plus d’un mètre du sol sans éprouver une peur panique. Mais Lily et Rose avaient l’air si motivées, elle ne voulait pas gâcher leur après-midi.

- Oh non j’ai bien envie de jouer moi aussi ! dit Effy en essayant d’être le plus convaincante possible.

James ne la crut visiblement pas le moins du monde, mais Lily était déjà partie chercher les balais dans la remise en courant, Rose lui emboîtant le pas. James se dirigea vers Effy.

- Tu n’as qu’à faire Gardien, t’auras pas trop à bouger comme ça.

- Ça va aller, je vais bien réussir à me débrouiller !

- Tu crois à ce que tu dis ?

- Absolument pas.

Et elle avait bien raison. Lorsqu’elle se fut élevée au niveau du feuillage d’un pommier, que Lily avait désigné comme l’un des buts, un simple regard vers le sol la fit pâlir au point qu’elle semblait malade. James leva les yeux au ciel mais se positionna devant elle, déclarant qu’ils formeraient une équipe. Effy espérait qu’il parviendrait à assurer à la fois le rôle de Gardien et de Poursuiveur, mais c’était sans compter sur le fait que Lily jouait comme Poursuiveuse dans l’équipe de Serpentard, un léger détail qui lui avait échappé.

Au début, James réussit à extirper la balle qui servait de Souaffle des mains de Lily, ayant l’avantage d’être plus grand et surtout d’une carrure plus imposante. Mais au grand désespoir d’Effy, Lily compensa bien vite ce désavantage en utilisant les atouts que lui conférait sa silhouette frêle, à savoir une plus grande vitesse et une meilleure capacité à éviter les obstacles. James eut bien le temps de marquer quelques points, Rose n’étant visiblement pas très bonne dans le rôle de Gardien -et en plus de ça, très mauvaise joueuse-, mais très vite Lily s’empara de la balle et avant que James n’ait pu tenter le moindre geste pour la stopper, elle fila vers Effy à la vitesse d’un boulet de canon. Cette dernière resserra son emprise autour de son manche, si fort que ses jointures devinrent blanches, comme s’il lui suffisait de s’accrocher à son balai pour que Lily ne marque pas. Ce à quoi elle n’avait pas pensé une seule seconde, c’était que Lily lui tirerait droit dessus.

Elle lui expliqua après qu’il s’agissait d’une tactique de jeu, puisque normalement le Gardien s’attend à ce que le Souaffle soit lancé sur l’un de ses côtés et s’élance donc lorsqu’on le lance. Seulement, Effy ne connaissait pas la moindre manœuvre sportive, et le temps qu’elle comprenne que la balle lui fonçait droit dessus, elle fut percutée de plein fouet et n’évita de tomber lourdement au sol que grâce aux réflexes de Lily qui avait immédiatement foncée vers elle pour la rattraper.

- Mais il fallait le dire que tu étais nulle en Quidditch ! s’exclama Lily entre deux explications sur le rôle d’un Gardien.

Rose regarda sa cousine d’un air outré -à la place d’Effy, elle aurait été vexée comme un pou. Mais son amie ayant encore le souffle coupé par la violence du choc, elle jugea plus utile de lui donner de grandes tapes dans le dos pour l’aider à respirer, jusqu’à ce que Harry ne vienne précipitamment vers eux, James dans son sillage.

- Tu as mal Effy ? demanda-t-il.

- Juste… du mal… respirer…

Aussitôt, Harry sortit sa baguette et lança un sortilège informulé. Un rayon bleu pâle atteignit la jeune femme et l’instant d’après, ce fut comme s’il ne s’était rien passé. Harry se tourna alors vers sa fille, qui regardait ailleurs en sifflotant.

- Lily, qu’est-ce qu’on a déjà dit mille fois, demanda-t-il en insistant sur le « mille », à propos du fait que tout le monde ne joue pas au Quidditch et que tout le monde n’a pas la même aisance que toi ?

- Et bien… ce que tu viens de dire… que tout le monde ne joue pas au Quidditch et que…

Mais face au regard menaçant de son père, la jeune fille cessa immédiatement de parler et baissa la tête.

- Tu as déjà presque cassé le bras de Molly la dernière fois ! S’il y a une prochaine fois, tu n’auras plus le droit de jouer au Quidditch à la maison !

Et il tourna les talons, repartant vers la maison où Effy avait cru comprendre qu’il travaillait sur un dossier important. Lorsqu’il fut suffisamment loin pour ne rien entendre, Lily poussa un profond soupir, donna un grand coup de pied dans une petite motte de terre et imita son père en levant les yeux au ciel, faisant sourire Effy. Ce qui suivit, en revanche, effaça son sourire.

- T’étais obligé d’aller chercher Papa toi ? lança Lily à l’intention de son frère.

- Effy n’allait pas bien au cas où tu ne l’aurais pas remarqué !

- Si tu lui avais laissé deux minutes Rose aurait pu la soigner ! répliqua-t-elle.

- Papa a plus d’expérience en sortilèges et si tu avais regardé Effy juste une seconde au lieu de te plaindre parce que tout le monde n’est pas aussi génial que toi, t’aurais compris pourquoi je suis allé le chercher ! s’exclama James.

- Ce que je comprends surtout, c’est que tu ne vas le voir que quand ça t’arrange, assena-t-elle d’un ton sec avant de ramasser son balai et de partir vers la remise.

Ce n’était pas la première fois qu’une dispute de ce genre devait avoir lieu à en voir la mine défaite du jeune homme. Effy était prête à parier que sa sœur savait pertinemment que ce qu’elle venait de dire le toucherait, d’autant plus que Rose semblait à la fois gênée mais aussi résignée, de l’air de celle qui a déjà entendu plusieurs fois la même chose.

- C’est bien que tu sois allé chercher ton père, dit alors Effy en regardant James, prise d’un élan de sympathie pour lui. Il est génial ce sortilège, je ne sens vraiment plus…

- Ne te mêles pas de ça, Effy, la coupa-t-il d’un ton cassant.

Et il s’en alla à son tour, laissant une Rose mal à l’aise et une Effy complètement déconcertée au milieu du jardin.

(...)

- Ça ira ?

- Elle est très bien comme ça, cette lettre, inutile de la refaire encore une fois, approuva vigoureusement Rose.

En réalité, elle avait surtout hâte de rejoindre ses parents dans la cuisine, d’où une délicieuse odeur parvenait aux narines des deux filles.

- Je n’ai pas de hibou ! s’exclama alors Effy en pliant la missive.

- On prendra celui de Papa, c’est pas grave, viens !

Sans attendre une seconde de plus, Rose attrapa son amie par le poignet et l’emmena avec elle vers le rez-de-chaussée. Par la baie vitrée du salon, Effy pouvait justement voir Artémis, l’un des deux hiboux de la famille, en train de manger quelque chose qui de loin, ressemblait à un rongeur. Rose alla lui donner la lettre elle-même, l’animal ayant un caractère peu commode -elle avait déjà failli arracher un doigt à Hugo, qui l’utilisait pourtant régulièrement. Depuis que ce dernier avait raconté cela à Effy qui lui demandait d’où lui venait la cicatrice en question, elle refusait de s’approcher du volatile. Rose devait cependant être plus adroite que son frère, puisqu’il ne lui fallut que quelques secondes pour confier la lettre à Artémis, pourtant interrompu en plein repas, et pour revenir s’installer dans la salle à manger où Hermione était en train de mettre la table.

- Vous avez passé une bonne après-midi avec James, les filles ? demanda-t-elle avec un sourire.

- Lily a failli tuer Effy au cours d’une partie de Quidditch mais à part ça, il ne s’est rien passé de grave.

- Encore ? s’exclama sa mère.

- Rose exagère, je n’ai presque rien eu, un petit sortilège et je ne sentais déjà plus rien ! assura Effy, qui hésitait entre rire de ce « Encore ? » tout droit sorti du cœur ou cesser dès à présent toute relation avec Lily.

- Je suppose qu’elle a ça dans le sang, dit Hermione, l’air à mi-chemin entre l’amusement et la réprobation.

- Je suis sûr que je peux la battre quand je veux dans un duel, affirma Hugo qui avait visiblement été attiré lui aussi par la bonne odeur de la cuisine.

- Ce n’est pas la modestie qui t’étouffe toi ! s’exclama sa sœur.

- Tu peux parler, tu t’es vu quand tu parles de tes BUSE alors que tu n’as même pas reçu les résultats ?

- Mais c’est pas de la prétention de dire que j’ai cartonné, c’est juste admettre la réalité.

- Et bien admets aussi dans ta réalité que je serai bientôt le plus grand joueur de Quidditch que le monde des sorciers aura jamais connu.

- Mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir des enfants aussi arrogants ? demanda Hermione en levant les yeux au ciel.

L’instant d’après, elle échangeait cependant un sourire complice avec chacun de ses enfants, touchant Effy comme si c’était la première fois qu’elle assistait à ce genre de scène. Contrairement à la dispute entre James et Lily, celle entre Rose et Hugo n’en était pas vraiment une. La jeune fille avait vite compris que ces deux-là passaient leur temps à se provoquer, à s’envoyer des piques ou à comparer leurs capacités respectives, mais que cela se finissait en général par une bonne crise de fou rire ou des discussions à n’en plus finir le soir. Il y avait une réelle complicité entre eux, ce qu’Effy ne retrouvait pas entre James, Lily et Albus.

- Ron, tu peux amener le plat ! lança soudain Hermione, coupant court aux pensées d’Effy.

A peine ses mots s’étaient-ils échappés de ses lèvres que Ron fit son apparition, un somptueux plat de spaghettis bolognaise entre les mains, dont la simple vue suffit à enchanter les trois jeunes. Quand Hermione le vit arriver à son tour, cette vision sembla elle aussi la séduire davantage que l’énorme dossier sur lequel Effy l’avait vue travailler en rentrant de chez les Potter.

- Et Harry et Ginny vont bien ? s’enquit Hermione une fois que tout le monde fut servi.

- Ginny travaillait, mais Harry était là, il avait l’air d’aller bien. On ne l’a pas beaucoup vu, James nous a juste dit qu’il avait des choses à régler pour les Aurors, répondit Rose.

- Evidemment, dit Hermione plus pour elle-même que pour les autres.

Comme elle travaillait au Département de la Justice Magique, Hermione était souvent au courant des affaires que traitait Harry. Quant à Ron, même s’il ne travaillait pas au Ministère, il semblait être lui aussi informé des enquêtes qui y étaient en cours, bien qu’Effy ne doutât pas que cette connaissance soit parfaitement informelle.

- C’est bien que vous passiez du temps avec James en tout cas, reprit Hermione.

- Comment ça ? demanda Effy.

- Ginny m’a dit que Lily allait bientôt rejoindre des amis et Albus va partir avec Louis en France, mais James n’avait pas l’air d’avoir de projet particulier.

- On a des projets entre nous, intervint Rose. James va bientôt pouvoir transplaner puisqu’il doit passer son permis le matin même de son anniversaire, alors on a prévu de faire des sorties ensemble, et tout, des trucs quoi.

D’un commun accord, Effy, Rose et James avaient décidé de ne pas mettre les adultes au courant de leurs projets. Ils avaient hésité, songeant que leur aide serait évidemment utile, mais ils n’étaient pas certains qu’ils approuveraient. Surtout, Effy avait eu peur qu’ils ne la découragent, qu’ils ne cherchent à la préparer à l’idée que tout cela serait certainement inutile, que peut-être même ils ne trouveraient rien. C’était pourtant une perspective qu’elle avait envisagé maintes et maintes fois, mais entre la penser et se l’entendre dire, il y avait tout un monde. A aucun moment James et Rose ne lui avait dit une telle chose. C’était en partie pour ça qu’elle ne souhaitait pas que d’autres personnes qu’eux, et ses amies bien sûr, soient au courant.

Rose, si Effy ne lui avait pas donné la véritable raison, avait bien vite compris ce qui pouvait motiver son amie et pensait en plus la même chose qu’elle. Quant à James, il paraissait trop heureux de faire quelque chose sans que ses parents ne soient au courant pour envisager de le leur dire. D’ailleurs, pour cela, il aurait fallu qu’il soit enclin à se confier à eux, et Effy n’avait pas l’impression que ce soit le cas.

- C’est très bien alors, dit Ron. Et vous voulez aller où, au juste ?

- A la mer.

- En ville.

Le temps sembla se figer dans la salle à manger de la famille Weasley, chacun étant suspendu à ses couverts. Seules les deux filles échangèrent un regard avant que Rose ne prenne la parole, Effy étant trop occupée à lutter contre elle-même pour ne pas rougir.

- Enfin, on voulait faire quelques sorties en ville ensemble, et s’acheter des trucs pour pouvoir aller voir la mer, après. Effy n’a même pas de maillot de bain.

- Ça peut être utile pour nager, dit Ron avec un clin d’œil.

Mais Effy avait la désagréable sensation qu’il n’avait pas cru un mot de ce que venait de lui dire sa fille. Hugo, intentionnellement ou non, détourna cependant la conversation qui commençait à devenir dangereuse.

- Et Lily et James, ils se sont encore disputés ? demanda-t-il.

- Hugo ! lui dit Hermione sur un ton de reproche.

- Quoi ? C’est juste une question, je n’ai rien demandé de mal.

- Il y a un problème ? Entre James et Lily ? demanda alors Effy.

La façon dont Hermione avait réagi à la question pourtant banale de Hugo, ça plus le regard appuyé que Ron avait lancé à son fils, tout lui laissait penser qu’il y avait vraiment quelque chose qui n’allait pas, dans la famille Potter. Ou en tout cas, entre James et le reste de la famille. Hermione se réjouissant qu’elles passent du temps avec lui, Rose elle-même adoptant toujours une étrange attitude quand il était question de James et des siens…

Elle ne se serait pourtant pas formalisée que cette dernière ne lui explique rien, en temps normal. Toute famille avait ses problèmes, et elle avait bien conscience qu’elle ne faisait pas partie de la leur. Seulement, elle se posait trop de questions pour renoncer à savoir. Le James qu’elle côtoyait depuis le début des vacances lui paraissait si différent de celui de Poudlard, c’était comme s’il ne s’agissait pas de la même personne. Et puis, surtout, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si elle était responsable, si elle avait fait quelque chose de mal. Elle n’avait peut-être aucune raison d’y croire, mais depuis le début des vacances, James était différent. Or, c’était également la première fois qu’ils les passaient ensemble.

- Il n’y a pas vraiment de problème, dit alors Ron. Seulement des disputes, comme il y en a toujours entre frères et sœurs… bon, disons qu’entre eux deux, il y en a tout particulièrement. Mais ce n’est pas nouveau et ça va même en s’arrangeant, ne t’en fais pas Effy.

Mais tandis qu’Hermione lançait un autre sujet de conversation qui captura l’attention de Ron et Hugo, Rose lança un léger coup de pied à son amie sous la table et lui glissa à l’oreille, rapidement :

- Je t’expliquerai.

« 9 juillet 2022

Chère Lisa,

Je suis contente que tes vacances se passent bien avec ton père. Effectivement, j’ai l’impression que ce n’est pas la première fois que tu me racontes cette scène. Tiens-moi quand même au courant si quelque chose ne va pas, si pour je ne sais quelle raison tu te sens mal, par rapport à lui ou quoi que ce soit d’autre, envoie-moi ton hibou. Traverser la Manche n’a pas l’air de lui faire peur en plus, il est très rapide !

Bien sûr, je te tiendrai au courant de l’évolution de notre enquête, si on peut appeler ça comme ça. Pour l’instant, autant dire que nous n’avons pas grand-chose. J’ai envoyé un message à Mme Winstead tout à l’heure, j’espère qu’elle pourra nous en apprendre davantage, ou même nous donner le début d’une éventuelle piste, n’importe quoi en fait.

Je t’ai déjà dit que je trouvais James bizarre, depuis le début de l’été. Aujourd’hui, j’ai assisté à une dispute entre lui et sa sœur et je crois que Rose a fini par comprendre que je me posais vraiment beaucoup de questions. Je ne saurais même pas te dire exactement pourquoi, d’ailleurs, enfin, outre le fait que j’ai peur d’être la raison de son changement de comportement, je me demande vraiment pourquoi il est comme ça. Et plus je réfléchis, plus je me dis qu’en fait, c’est surtout avec ses parents, et Lily, aujourd’hui, qu’il ne se comporte pas de la même façon. Parfois, je me demande si je devrais en parler avec lui, et puis je me traite d’idiote parce qu’après tout, on n’est pas amis lui et moi, on ne l’a jamais été et peut-être qu’on ne le sera jamais. Il me trouverait terriblement stupide, s’il lisait ça. Et il m’en voudrait, aussi, je pense.

Peut-être aussi qu’il faut que j’arrête de m’imaginer toutes sortes de scénarios plus improbables les uns que les autres. C’est fort possible.

Pardon pour cette lettre un peu confuse,

Je t’embrasse,

Effy »

End Notes:
Merci d'avoir lu ! Et merci aux lecteurs qui sont restés présents, qui ont continué à laisser des reviews sur les aventures d'Effy malgré ma longue absence, vraiment merci, ça a aussi été une source de motivation quand je manquais d'inspiration :))

N'hésitez pas à me faire part de vos impressions, je suis d'autant plus curieuse de les lire que la rédaction de cette partie n'est pas tout à fait achevée et qu'il y a encore quelques points sur lesquels je ne me suis pas définitivement décidée ;) J'espère que cela vous a plu en tout cas et on se retrouve la semaine prochaine avec La piste !
La piste by Bloo
Author's Notes:
Une nouvelle fois merci à mes formidables bêtas, flodalys et Satchrê, qui font un super boulot !

Et bonne lecture à vous en ce premier jour d'automne, une de mes saisons favorites, si ce n'est ma préférée ;)

« 10 juillet 2022

Chère Effy,

Alors tu as déjà plusieurs mystères à résoudre ? Je sens que ces vacances vont être passionnantes. Bon, concernant ton enquête, pour l’instant, je ne vais pas vraiment pouvoir t’aider, je n’ai absolument aucune idée et, de toute façon, j’ai toujours été nulle pour deviner la fin des romans policiers. C’est pour ça que je n’en lis pas, d’ailleurs.

Pour James, je suis prête à parier qu’entre le moment où tu as écrit ta lettre et celui où tu recevras la mienne, Rose t’aura appris du nouveau. Renvoie-moi une lettre tout de suite, parce qu’en fait, là non plus je n’ai aucune idée. La seule qui me semble éventuellement possible, mais très éventuellement, c’est une supposition que pourrait bien faire Lisa, tiens. Mais autant te le dire, je n’y crois pas une seconde. Et quand bien même ce serait vrai, ça ne justifierait en rien tout ce qu’il a pu te faire. Mais non, je suis persuadée qu’il y a autre chose. Je pense que c’est plus profond que ça.

Malheureusement, je vais devoir te laisser t’occuper de ces deux mystères toute seule pour le moment. Je t’avais parlé de ce projet qu’avait mon père, d’ouvrir une nouvelle entreprise aux Etats-Unis ? Ce n’est plus seulement un projet maintenant. Et j’ai eu beau protester, je pars pour un mois et demi minimum à New-York. Crois bien que ça m’embête au plus haut point, pour rester polie, je préférerais mille fois être avec toi et t’aider dans tes recherches, et puis je sens que je vais bien m’ennuyer là-bas. Si par miracle je trouve un moyen de m’échapper, je te rejoins tout de suite.

Je te souhaite d’avoir plus d’inspiration que moi, en tout cas,

A très vite j’espère,

Georgie »

- C’est fascinant, quand même, tout ce qu’ils parviennent à inventer les Moldus.

- Tu sais comment fonctionne un téléphone ? s’étonna Effy.

- Ma mère est Née-Moldue je te rappelle. Et puis, quand tu as un grand-père comme le mien et que tu passes des vacances chez lui, tu apprends beaucoup de choses.

- Tu y vas souvent ? Chez tes grands-parents ?

- Un peu moins ces dernières années, depuis que je vois des amis à la place, avoua Rose avec un petit sourire. Mais j’y passe toujours mes vacances de Noël et en général, celles de Pâques. On se voit souvent le dimanche aussi.

- Depuis que je suis chez vous vous n’y êtes pas allés.

- Parce que Grandma doit se ménager, enfin si ça ne tenait qu’à elle on serait déjà venus tous ensemble mais une tribu comme la nôtre, ça prend de la place. On essaye d’alterner, du coup.

- Les chocolats Mesdemoiselles.

Rose et Effy s’interrompirent et dégagèrent leurs coudes de la table pour laisser le serveur déposer deux grandes tasses fumantes devant elles.

Elles se trouvaient dans un café moldu de Londres. Effy avait toujours eu l’habitude de passer une bonne partie de ses vacances à flâner dans les rues de la capitale et avait même ses habitudes dans certains petits commerces. Quant à Rose, elle avait été très tôt habituée par sa mère à vivre aussi bien dans le monde moldu que sorcier, et elle se débrouillait presque mieux que son amie qui, n’ayant pas suffisamment d’argent pour cela, n’avait pratiquement jamais utilisé les transports par exemple. C’est donc tout naturellement que Rose avait donné le nom de ce café lorsqu’Effy lui en demandait un, et tout naturellement qu’elles s’étaient dirigées vers ce quartier. Seule la carte qu’on leur avait tendue lorsqu’elles s’étaient installées leur avait fait remarquer qu’elles n’étaient pas chez les sorciers.

Cependant, Rose semblait bien connaître l’endroit. Depuis qu’elles étaient entrées, elle ne cessait d’échanger des sourires complices avec un autre serveur affecté en terrasse, sans qu’Effy ne parvienne à savoir s’ils se connaissaient réellement ou s’il ne s’agissait que d’un flirt. Celui qui s’occupait d’elles, en tout cas, ne paraissait pas attirer autant l’attention de Rose, qui réagit à peine lorsqu’il lui tendit la monnaie avant de repartir vers le comptoir.

- C’est qui, le garçon là-bas ? osa demander Effy lorsqu’elles furent à nouveau seules.

- Oh, c’est rien, pas très intéressant…

A moitié convaincue, la jeune femme porta la tasse de chocolat chaud à ses lèvres et manqua de se brûler avec. Cela eut au moins le mérite de capter l’attention de Rose au détriment du serveur.

- Au fait, à quelle heure devait-elle appeler, Mme Winstead ?

Au même moment, une voix s’éleva du comptoir :

- Il y a une Effy Peterson ici ?

- Tu sais que tu as eu tort de ne pas choisir la Divination ? fit Effy avec un sourire en se dirigeant vers le comptoir.

Elle adressa un sourire à la serveuse qui avait appelé, mais elle le ravala bien vite lorsque la serveuse en question lui jeta presque le combiné en pleine tête et s’en alla vers une table avec une moue contrariée. Mais elle haussa les épaules et prit la communication, trop impatiente de savoir si Rose, James et elle allaient enfin avoir une piste pour réellement démarrer leur enquête.

- Allô, c’est Effy Peterson, j’écoute.

- Bonjour Effy, dit une voix très faible à travers le téléphone.

La jeune fille resta interdite un instant, interloquée par la faiblesse de la voix de Mme Winstead. Si elle ne savait pas qu’il s’agissait de la directrice de l’orphelinat, elle ne l’aurait même pas reconnue. Son attaque l’avait encore plus affaiblie qu’elle ne se l’était imaginé.

- Bonjour Mme Winstead, reprit Effy d’une voix hésitante.

Elle se rendit alors compte qu’elle n’avait pas réfléchi une seule seconde à la manière dont elle pourrait formuler sa demande. Prise au dépourvue, elle se sentit rougir brusquement et dut tenir plus fermement le combiné du téléphone, ses mains se mettant à trembler.

- Voilà, j’ai pris contact avec vous, parce que… parce que, il faudrait, enfin j’aurais besoin d’un renseignement.

- Je vous écoute.

- C’est-à-dire que… en fait… je suis à la recherche de mes parents, finit par annoncer Effy, optant finalement pour la méthode directe.

- Oui, bien sûr.

De nouveau, Effy eut un moment de flottement. Sans qu’elle ne sache pourquoi, elle s’était attendue à ce que sa demande ne vexe la directrice, et lui donne l’impression d’avoir été mauvaise pour elle, de ne pas l’avoir éduquée comme il le fallait… maintenant qu’elle y réfléchissait, au cours de sa longue carrière, Mme Winstead avait probablement eu à faire plus d’une fois à des enfants souhaitant retrouver la trace de leurs origines, de leur famille. Ce devait même être monnaie courante dans un tel établissement, elle n’était pas une exception.

- Vous souvenez-vous de mon arrivée, Madame ?

- Oh, le genre que l’on n’oublie pas. Un matin d’hiver. Il faisait un de ces froids ! Quand on t’a trouvée sur le pas de la porte, j’ai bien cru que tu étais morte d’hypothermie. Mais finalement, comme par magie…

La phrase resta en suspens. Effy se souvenait encore de l’entrée mémorable du professeur McGonagall dans le bureau de Mme Winstead. Si la directrice avait bien été forcée d’y croire lorsque sa pensionnaire était bel et bien partie pour Poudlard, elle ne s’y était jamais faite réellement. Pour cela en revanche, Effy était bien une exception dans sa carrière.

- Et il n’y avait rien d’autre ? Rien pouvant vous renseigner sur… sur moi, sur ma famille ? Des papiers, quelque chose ?

- Il y avait une lettre, oui. C’est comme ça qu’on a su ton prénom et ta date d’anniversaire. Mais je ne me souviens plus bien du reste…

- Il n’y avait rien d’autre rien d’écrit ?

- Il me semble, mais je ne m’en rappelle plus.

- Et où est-elle maintenant ?

- Dans les archives de l’orphelinat, bien sûr, on conserve tout.

- Puis-je y avoir accès ?

- Il faut être accompagné d’une personne agréée par l’établissement bien sûr, mais comme il a fermé, je ne sais pas si… tu comprends, je ne peux pas me déplacer.

- Non, bien sûr Madame ! s’empressa de répondre Effy.

- Tu devrais aller voir sur place, si on peut te renseigner. Si tu ne trouves rien, je me renseignerais pour avoir l’adresse du nouveau… mais il est plus petit, tous les enfants n’y ont pas été relogé, et je ne connais pas le deuxième.

- Ça ne fait rien Madame, c’est déjà très bien, assura Effy.

- As-tu besoin de quoi que ce soit d’autre ? s’enquit la vieille dame.

- Non, je crois n’avoir rien oublié Madame.

- Je vais te laisser, alors.

- Oui. Merci beaucoup Madame Winstead.

- Au revoir.

- Au revoir.

Effy remit le combiné en place et resta un moment face à l’objet, interdite, n’osant pas retourner voir Rose tout de suite.

Tout un tas de souvenirs d’enfance venait de lui sauter à la gorge. Elle n’avait pas entendu la voix de Mme Winstead depuis près d’un an déjà et elle savait que, désormais, elle ne retournerait jamais à l’orphelinat. Pourtant, elle n’avait pas l’impression que cette page de sa vie était définitivement tournée. Il manquait quelque chose. La trace de ses parents, la connaissance de son passé, bien sûr, mais il y avait encore autre chose, même si elle ne savait pas quoi.

Parler avec Mme Winstead et évoquer l’orphelinat à voix haute l’avait rendue nostalgique, bien qu’à aucun moment ce lieu ne lui ait manqué depuis qu’elle l’avait quitté pour de bon. Seulement, en cet instant, elle se sentait terriblement seule. Que Rose l’attende à quelques pas à peine, que Lisa et Georgie soient prêtes à sauter sur le premier Portoloin pour la retrouver en cas de problème, qu’Oliver et Brooke lui demandent régulièrement de ses nouvelles, que même James semble s’inquiéter pour elle à chaque fois qu’il la voit, tout cela n’avait guère d’importance. Rose, Lisa, Georgie, Oliver, Brooke, James, tous avaient une famille, tous avaient un endroit où retourner, tous avaient des gens avec qui partager leurs souvenirs. Elle, elle n’avait rien. Tout ce qu’il s’était passé à l’orphelinat, en particulier durant son enfance, tout cela n’appartenait à personne d’autre qu’à elle-même et à des enfants qu’elle ne reverrait jamais. C’était comme si pendant plus de seize ans, elle n’avait pas existé. Comme si elle n’était apparue que cet été, sans passé, sans histoire, sans souvenirs.

Et elle ne pouvait pas regarder vers le futur et tenter de construire quelque chose de nouveau, parce que son passé l’accaparait trop encore, parce que ses journées étaient faites du passé et pas de l’avenir.

- Vous avez fini avec le téléphone ? demanda soudain la serveuse peu aimable.

Elle parut se radoucir quelque peu en voyant une grosse larme rouler sur la joue d’Effy, mais ne se montra pas plus polie pour autant puisqu’elle attrapa le combiné sans aucune autre considération pour sa cliente. Cette dernière essuya donc rapidement son visage avec la manche de son gilet et rejoignit la table où Rose l’attendait, visiblement impatiente.

- Alors ? s’exclama-t-elle à peine Effy installée.

- Elle m’a confirmé qu’il y avait une lettre avec moi, quand on m’a retrouvée sur le perron de l’orphelinat. Et qu’elle est maintenant conservée dans les archives.

- Super ! On y va quand ?

- On peut y aller quand on veut, je crois, mais apparemment il faut être accompagné et elle n’est pas certaine qu’il y ait quelqu’un puisque le bâtiment est vide maintenant.

- Ça ne fait rien, on va y aller quand même, l’après-midi est à peine entamé.

Joignant le geste à la parole, Rose sortit de l’argent moldu de ses poches et le laissa sur la table en guise de pourboire avant de ramasser ses affaires, ignorant les protestations d’Effy qui n’avait même pas terminé son chocolat. Elle entraîna son amie avec elle et elles quittèrent le café, non sans que Rose ait jeté un dernier regard au serveur dont Effy ignorait toujours tout.

L’orphelinat n’était pas très loin de l’endroit où elles se trouvaient, aussi décidèrent-elles d’y aller à pied. Elles ne parlèrent pas beaucoup durant le trajet, chacune étant accaparée par ses pensées. Rose se torturait les méninges, essayant de construire un scénario plausible avec le très peu d’éléments qu’ils avaient réunis avec James, sans parvenir à un résultat plausible. Quant à Effy, elle ne cessait de ressasser de vieux souvenirs depuis qu’elle avait eu Mme Winstead au téléphone. Tout à coup, ses joues se tintèrent de rouge et elle s’empressa de baisser la tête et de couvrir son visage avec sa masse de cheveux -qui avait d’ailleurs bien besoin d’être coupée. Rose le remarqua quand même et fronça les sourcils, mais elle ne dit rien. Si Effy s’efforçait de cacher ce soudain rougissement, c’est qu’elle n’avait pas envie d’en parler pour le moment. Elle lui demanda seulement, un peu plus tard, si tout allait bien et tenta vaguement de lancer une conversation sur le beau temps, mais finalement, toutes deux replongèrent dans leurs pensées et n’échangèrent pas un mot jusqu’à leur arrivée devant l’immeuble délabré.

- C’est ici, dit Effy, voyant que Rose continuait d’avancer.

Rose n’avait en effet jamais vu l’orphelinat bien qu’Effy lui en ait déjà parlé. Lorsqu’elle leva les yeux et regarda le bâtiment qui se tenait devant elle, elle eut un frisson. Elle comprenait pourquoi son amie détestait cet endroit, et pourquoi il allait d’ailleurs être détruit. C’était une grande bâtisse grise, dont les façades étaient sales et abîmées. Il y avait des barreaux aux fenêtres et Rose lui trouva une furieuse ressemblance avec une prison. Mais son attention fut attirée par un écriteau posé en équilibre précaire sur la grande porte en bois.

- Regarde ! dit-elle à Effy en le pointant du doigt.

Les deux filles s’approchèrent. Elles virent qu’un énorme cadenas était posé sur la porte et que des chaînes en interdisaient l’accès. Sur la pancarte, il était écrit : « Défense d’entrer, risque d’effondrement ».

- Les archives ne sont sûrement pas là alors, si le bâtiment doit être démoli d’un moment à un autre.

- Mais je ne connais pas l’adresse du nouvel orphelinat, dit Effy en soupirant. Et je ne veux pas déranger plus encore Mme Winstead, avec sa santé…

- Qu’est-ce qu’on fait alors ? demanda Rose en se retenant de soupirer elle aussi.

Effy regarda la bâtisse une seconde puis ferma les yeux, essayant de se souvenir de l’entretien qu’elle avait avec Mr Flitwick lorsqu’il lui avait annoncé que l’orphelinat allait être déplacé. C’était inutile, elle le savait bien. Elle avait expliqué au moins dix fois à Rose que Mr Flitwick ne lui avait pas donné l’adresse et qu’elle n’était jamais venue la réclamer puisqu’elle avait su qu’elle n’y retournerait pas. Seulement, elle voulait donner l’impression à Rose qu’elle n’était pas qu’une empotée, qu’elle réfléchissait et essayait de trouver des solutions, elle aussi. Elle se sentait tellement stupide lorsqu’ils parlaient de leur enquête, avec James, tellement stupide de ne savoir absolument rien d’un passé qu’elle devrait pourtant connaître par cœur. Rose et James connaissaient toute l’histoire de leur famille, pouvaient tracer leur arbre généalogique du bout des doigts et lui raconter mille et une anecdotes. Mais elle, elle n’avait rien à raconter.

- Bon, on ferait mieux de rentrer, finit par dire Rose. Les gens vont finir par croire que nous sommes deux enfants ayant été oubliés lors du transfert !

Effy leva alors les yeux vers Rose et lui adressa un immense sourire.

- Mais voilà, c’est ça ! On va rester devant l’entrée. Quelqu’un va bien finir par se demander ce qu’on fait là et avec un peu de chance, on pourra nous renseigner.

- Tu penses vraiment que ça va marcher ? demanda Rose, sceptique.

- On peut toujours essayer.

Pendant un moment, Effy crut que Rose allait refuser, mais elle finit par hausser les épaules et monter quelques marches avant de s’asseoir. Effy s’empressa de faire de même. Pendant près d’une heure, elles s’appliquèrent à jeter des coups d’œil réguliers et soutenus vers le bâtiment devant lequel elles étaient assises, à se lever régulièrement et à s’approcher plus près encore en penchant la tête, espérant que quelqu’un comprendrait leur manège. Elles allaient renoncer, fatiguées d’attendre et ce d’autant plus qu’il commençait à se faire tard, lorsqu’un vieil homme vint vers elle.

- Vous cherchez quelque chose Mesdemoiselles ? demanda-t-il poliment.

- Oui, dit Rose, j’ai été pensionnaire de cet établissement jusqu’à l’année dernière et je voulais revenir aujourd’hui rendre visite à des amis qui y sont encore, mais j’ai vu qu’il avait été déplacé et je ne sais pas où.

Effy regarda son amie du coin de l’œil, impressionnée par sa capacité à mentir et à inventer des histoires qui tenaient la route en un quart de seconde. Si elle-même avait essayé, elle aurait rougi, bafouillé, et aurait fini par dire n’importe quoi.

- Les enfants ont été séparés, leur dit alors le vieil homme. Mais la plus grande partie a été relogée à seulement deux rues d’ici. Vous prenez la première à droite là-bas, puis vous tournez encore une fois à droite et vous y serez.

- Merci beaucoup Monsieur ! s’exclamèrent Rose et Effy en même temps.

Le vieil homme leur adressa un sourire puis reprit son chemin, tandis que les deux filles partaient dans la direction qu’il leur avait indiquée. Elles marchèrent d’abord, puis accélèrent peu à peu le pas avant de finalement se mettre à courir, grisées par ce qu’elles venaient d’apprendre. Maintenant qu’elles avaient l’adresse, il leur semblait que tout était à portée de main, qu’il leur suffisait d’entrer, de demander les archives, de récupérer la lettre et d’apprendre tout ce qu’elles voulaient savoir.

Quand elles arrivèrent devant le nouvel orphelinat, d’aspect extérieur bien plus attrayant que l’ancien, leur bonne humeur s’était cependant quelque peu dissipée. Si la lettre avait vraiment contenu toute l’histoire d’Effy, Mme Winstead lui en aurait sûrement parlé. Peut-être ne trouveraient-elles tout au plus qu’un indice. Mais un indice, cela serait toujours mieux que pas d’indice du tout.

- On entre ? demanda Rose.

- Allons-y.

Elles montèrent les quelques marches menant au perron et pénétrèrent dans le bâtiment. Effy fut immédiatement frappé par la ressemblance, de l’intérieur, avec l’institut qui l’avait vu grandir. Les mêmes longs couloirs froids, les mêmes couleurs sombres, la même impression que toute trace de vie avait désertée cet endroit. A ses côtés cependant, Rose ne paraissait pas être particulièrement affectée par l’ambiance, et Effy se demanda si la sensation de peur mêlée à la tristesse qui s’emparait d’elle n’était pas simplement psychologique.

Elle n’eut pas le temps de se poser davantage de questions car une dame perchée sur des talons hauts qui claquaient fort contre le carrelage venait vers elles. Elle était beaucoup plus jeune que Mme Winstead mais avait aussi l’air plus sèche et surtout, beaucoup plus stricte.

- Ce n’est pas l’heure des visites ! dit-elle à leur intention sans même les saluer.

- On ne vient pas visiter, répondit aussitôt Rose en lui lançant un regard noir.

Effy lui donna un léger coup de coude sans quitter la dame des yeux. Cette dernière avait déjà l’air suffisamment mal-aimable, il n’était pas utile de la provoquer en plus. D’ailleurs, elle rendit son regard noir à Rose, ce qui suffit à la faire se décomposer tandis que le visage d’Effy perdait de ses couleurs.

- Dans ce cas, vous pouvez vous en allez, dit la dame d’un ton très sec. C’est un orphelinat ici, pas un café.

- On vient pour ça, justement, dit Effy. On…

Mais le regard que lui adressa la dame, qui avait tourné sa tête vers elle et dont les sourcils étaient si froncés qu’ils se touchaient presque, l’empêcha de venir à bout de ce qu’elle voulait dire. Ce fut finalement Rose qui expliqua l’objet de leur visite à la dame :

- Mon amie a vécu pendant seize ans dans l’ancien institut, celui de Madame Winstead. Maintenant elle est chez moi pour l’été et l’année prochaine, elle aura un logement, mais elle aimerait retrouver ses parents et pour ça il faudrait que l’on regarde son dossier, dans les archives.

- Et vous pensez peut-être que je vais vous croire ?

- Etant donné que l’on vous dit la vérité, je pense oui, répondit Rose sans se laisser démonter cette fois-ci.

- Pauvre insolente ! siffla la dame. Si vous croyez que je vais vous laisser accéder aux archives, vous vous fourrez le doigt dans l’œil !

- Vous n’avez pas le droit de lui interdire ! s’exclama Rose en désignant Effy du doigt.

- Je vais vous montrer si j’ai le droit tiens ! Sortez d’ici tout de suite !

- VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT ! répéta Rose en haussant encore la voix.

Elle semblait être sur le point de perdre son sang-froid, et Effy remarqua qu’une de ses mains fouillait précipitamment la poche de sa veste. Comprenant ce qu’elle cherchait et dans quelle situation cela risquait de les mettre, elle s’empressa d’attraper Rose par le bras et de le serrer suffisamment fort pour l’empêcher de sortir sa baguette. La dame en profita pour fondre sur elles, les forçant à reculer.

- Sortez de mon établissement. Immédiatement !

Il était inutile d’insister pour le moment, même Rose l’avait bien compris. Mais de rage, elle ne put s’empêcher de lancer alors qu’Effy l’entraînait vers la sortie :

- Je plains les pauvres gosses qui doivent vous supporter espèce de vieille folle !

Les lèvres de la dame se pincèrent alors et elle se mit à rougir furieusement, avant de se mettre à hurler. Effy et Rose ne comprirent pratiquement pas un mot de ce qu’elle dit, mais Effy entendit distinctement le mot « police » et serra plus fort encore le bras de Rose avant de l’entraîner de force et de se mettre à courir. Au début, elle eut l’impression que la dame les suivait, ses hurlements parvenant toujours aussi forts à ses oreilles, mais ils finirent par faiblir au fur et à mesure que Rose et Effy s’éloignaient pour enfin s’estomper tout à fait. Les deux filles se laissèrent alors glisser le long d’un mur et restèrent un moment silencieuses, essoufflées par leur course effrénée.

Rose fut la première à parler, la voix encore un peu chevrotante :

- Je peux t’assurer qu’on va récupérer ton dossier, Effy. Et si on la recroise en chemin, je lui ferais bouffer toutes les archives !

(…)

Le soir même, elles dînaient chez les Potter. Ron avait une réunion avec les commerçants du Chemin de Traverse qui devait finir très tard le soir et Hermione ne terminant jamais avant sept heures, Harry leur proposa de passer chez eux où il avait, comme à son habitude apparemment, fait à manger pour tout un régiment.

Lily et Hugo sortirent très vite de table quand le repas fut terminé et disparurent à l’étage. James, Rose et Effy, attendirent un peu plus longtemps par politesse, mais lorsque l’occasion se présenta, ils filèrent à leur tour vers les étages. James les emmena dans sa chambre, où les deux filles devaient lui raconter leurs aventures de la journée. Tandis qu’il refermait soigneusement la porte derrière lui, Effy réalisa qu’elle n’y était encore jamais entrée. Elle était assez grande -si l’on comparait à la minuscule pièce qu’avait occupée Effy à l’orphelinat. Il y avait assez de place pour s’étaler au sol malgré la présence d’un grand lit et d’un bureau sur lequel s’entassaient des dizaines de parchemins en équilibre précaire. Mais l’attention d’Effy fut rapidement attirée par un pan entier de mur sur lequel étaient accrochées des dizaines de photographies sorcières. Sur l’immense majorité d’entre elles, il y avait les visages rieurs de Mike et Thomas, et Effy en fut d’ailleurs légèrement surprise parce qu’elle n’avait jamais soupçonné une amitié aussi forte entre ces trois-là. Mais il y avait aussi quelques clichés de groupe, prises notamment dans la salle commune des Gryffondor après une victoire au Quidditch, et Effy se reconnut d’ailleurs sur quelques-unes d’entre elles.

En revanche, il n’y avait pas une seule image représentant sa famille.

- Alors, du nouveau ? demanda James en s’asseyant au sol, imitant les deux filles.

- On pourrait, si on n’était pas tombées sur une dégénérée ! s’exclama Rose, dont la colère ne s’était apparemment pas dissipée.

Elle raconta alors à James l’épisode de l’orphelinat, et ce dernier se montra aussi indigné qu’elle l’avait été quelques heures plus tôt.

- Elle n’a pas le droit de faire ça ! s’exclama-t-il.

- Ça ne l’a pas empêché de le faire, pourtant, grimaça Effy. Et je ne pense pas que nous soyons les bienvenus.

- Ça, ça peut s’arranger, dit James avec un grand sourire.

- Tu as un moyen de rentrer sans qu’elle nous tombe dessus ?

- Oh oui. Par contre, je suppose que les archives seront fermées et qu’on ne pourra pas les ouvrir à la moldue, donc le mieux c’est d’attendre le 12.

- Le 12 ? Pourquoi le 12 ? demanda Effy.

L’expression du jeune homme se décomposa. Il se reprit cependant rapidement et parvint même à afficher un nouveau sourire, mais Effy avait eu suffisamment le temps de l’observer pour savoir que celui-ci n’était que de façade.

- Le 12, c’est mon anniversaire, je serai majeur, donc on pourra utiliser la magie.

- Oh je… pardon, dit Effy aussitôt.

Elle avait complètement oublié l’anniversaire de James. Pourtant, il organisait une fête chaque année et invitait en général toute leur année. Il prenait même le temps, à chaque fois, de lui envoyer une invitation, même si elle avait toujours trouvé une excuse pour décliner à l’exception de l’été précédent durant lequel elle se trouvait chez Lisa lorsqu’elles avaient toutes deux reçu le carton. Ça lui était complètement sorti de la tête. Et bien entendu, elle n’avait absolument rien à lui offrir.

- C’est pas grave hein, pas grave du tout ! assura James en riant avant de relancer la conversation sur l’orphelinat.

Mais Effy avait l’impression, en regardant ses yeux, que ça le touchait bien plus qu’il ne voulait le laisser entendre.

« 10 juillet 2022

Chère Georgie,

Tu as raison, Rose m’a bien donné quelques « pistes », si je puis dire, mais rien de bien concret. En fait, elle n’a pas l’air d’en savoir plus que ça. Elle m’a juste dit que James se comportait toujours comme ça avec ses parents et ses frères et sœurs depuis qu’il était entré à Poudlard, que ce n’était pas nouveau du tout. D’un côté, je me dis donc que je n’y suis pour rien, mais j’ai quand même envie de savoir, tu verrais, il est si… étrange. On dit que la curiosité est un vilain défaut, mais si j’ai l’occasion d’en apprendre plus, je la saisirais.

Avec Rose on était à deux doigts, cet après-midi, d’avoir enfin un indice. Il s’agissait de récupérer dans les archives de l’orphelinat une lettre qui a été déposé avec moi, il y a seize ans. C’était sans compter sur la nouvelle directrice qui est la personne la plus mal-aimable que je n’ai jamais rencontrée et qui a refusé tout net de nous laisser entrer. Je t’assure, au début j’avais bien envie de la frapper, elle était en train de me priver de notre seule piste pour retrouver mes parents ! Mais elle commençait à parler de police alors nous sommes parties et, finalement, James a dit qu’il connaissait un moyen pour nous de rentrer sans se faire voir. Par contre, comme on aura sûrement besoin de la magie, on va attendre le 12, il sera majeur.

A ce propos, j’avais complètement oublié son anniversaire… d’ailleurs Georgie, tu n’aurais pas une idée de cadeau ? Tu t’y connais mieux que moi concernant les garçons.

J’espère que tu vas bien et que tu ne t’ennuies pas trop, avec tes parents.

Je t’embrasse,

Effy »

End Notes:
Merci d'avoir lu !

N'hésitez pas à me faire savoir ce que vous en avez pensé, j'attends avec impatience vos retours ! Je sais qu'après trois ans je suis assez mal placée pour réclamer quoi que ce soit mais les reviews sont la seule récompense d'un auteur.trice de fanfictions et j'avoue que ça me ferait tout particulièrement plaisir en ce moment...

On se retrouve la semaine prochaine avec L'anniversaire !
L'anniversaire by Bloo
Author's Notes:
Et voici le quatrième chapitre !

Je sais qu'il y a eu beaucoup plus qu'une semaine entre le troisième et celui-ci mais ça a été une période un peu compliquée pour moi : j'ai dû gérer un deuil et une rupture à la fois, tout en participant au NaNoWriMo qui m'a pas mal occupée tout au long de novembre. Je dois avouer avoir aussi été un peu découragée par le manque de retours sur cette histoire, mais je reprends maintenant une publication hebdomadaire sauf que les chapitres seront désormais publiés le samedi, c'est plus facile pour moi avec mes contraintes d'emploi du temps.

Bonne lecture !

« 11 juillet 2022

Chère Effy,

Dis donc, il n’y a pas de règles ou de lois chez les Moldus ? Je trouve ça bizarre que cette vieille peau ait pu vous parler comme elle l’a fait. Si cela arrivait dans notre monde, je suis sûr que ça se retournerait contre elle. Tu devrais voir s’il n’y a pas quelque chose à faire, ou télédofer encore une fois à Mme Winstead. Mais si James a dit qu’il avait un moyen d’entrer, je pense que tu peux lui faire confiance. Souviens-toi de toutes ses escapades à Poudlard, il a forcément un truc, ce n’est pas possible autrement.

Tiens, je t’ai dit que j’avais reçu une invitation pour son anniversaire ? D’habitude il n’invite que les Gryffondor mais apparemment, il veut marquer le coup pour ses dix-sept ans, j’ai l’impression que toute notre année est conviée. Elle est si grande que ça, sa maison ? En même temps, il a raison de profiter d’avoir son anniversaire pendant les vacances. Et puis, ça nous fera une occasion de se voir !

À propos de ça, je me doute que tu dois être occupée avec ton enquête. D’ailleurs, si jamais tu as des doutes, tu peux m’en parler, peut-être que je pourrais faire quelque chose. Mais si tu veux aussi que l’on se voit, un de ces jours, pas forcément juste pour parler de ton enquête mais… pour parler d’autres choses. Tu vois quoi. Si tu en as envie, envoie-moi une lettre. Je passe la grande partie de l’été chez mes grands-parents mais je peux transplaner pour un après-midi.

En espérant te revoir bientôt,

Prends soin de toi,

Oliver »

- Tu as un cadeau pour James, toi ?

- Tu m’as déjà posé la question au moins trois fois, Effy.

- Et la réponse, c’était quoi déjà ?

- Non, je n’en ai pas et je n’ai aucune idée de ce que je vais lui offrir mais je ne m’inquiète pas, j’ai le temps de trouver.

- Le temps de trouver ? On part dans quatre heures et ni toi ni moi ne savons quoi lui offrir !

- Depuis quand le bien-être matériel de James te préoccupe autant ? demanda Rose en haussant les sourcils.

- Mais c’est terriblement malpoli ! s’exclama Effy d’une voix suraiguë. On ne peut pas… on ne peut pas arriver à un anniversaire les mains vides !

Rose ouvrit de grands yeux et dévisagea son amie une bonne minute, surprise par cette voix qu’elle ne lui connaissait pas et la pâleur de son visage. Finalement, elle éclata de rire, l’amusement l’ayant emporté sur l’étonnement. Des larmes de rire commençaient même à couler le long de ses joues lorsqu’elle remarqua qu’Effy ne semblait pas du tout disposée à partager son hilarité.

- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle d’une voix un peu étouffée en essuyant ses larmes.

- On ne va pas à un anniversaire sans cadeau, répéta simplement Effy, dont le regard était désormais rivé au sol.

- Mais tu lui as offert quoi l’année dernière ?

- Rien, je n’y suis allée que parce que Lisa m’y a obligée et jusqu’au dernier moment je lui avais dit que je ne viendrai pas, ça ne comptait pas.

- S’il n’en est pas mort l’année dernière, il devrait survivre cette fois-ci.

- Mais là je suis vraiment une invitée !

- Et moi je ne comprends pas pourquoi tu t’inquiètes autant pour ça. Au pire, tu lui offriras quelque chose plus tard !

Rose ne comprenait réellement pas. Ce n’était pas normal de se mettre dans des états pareils pour une simple histoire de cadeau. Elle connaissait suffisamment bien son cousin pour savoir qu’il s’en remettrait. Effy avait tort de s’en faire pour aussi peu.

Mais à force de scruter le visage de son amie, son teint très pâle, ses yeux voilés, son visage baissé et en grande partie masqué par une mèche de cheveux, elle finit par comprendre. Pour elle, tout était très simple. On allait à un anniversaire pour s’amuser, pour faire plaisir à la personne nous ayant invité, on chantait et on riait tous ensemble. A la fin, on offrait des cadeaux, et ce n’était pas bien grave s’ils n’étaient pas extraordinaires, s’ils avaient du retard, ce qui comptait réellement était l’intention et le bon moment que l’on venait de passer ensemble.

Seulement, avec Effy, tout était différent. Rose pouvait imaginer sans trop de peine à quoi devaient ressembler les goûters d’anniversaire, si du moins on pouvait les nommer ainsi, à l’orphelinat. Elle se demandait même si Effy y avait un jour vraiment participé, tant ses angoisses quant à l’anniversaire de James traduisaient d’une méconnaissance totale d’un tel évènement. Ceux de ses amies tombaient durant l’année scolaire et elles les avaient toujours fêtés entre elles seules, exception faite de quelques rares autres camarades comme David et, plus récemment, les Poufsouffle.

Alors Rose soupira. Le problème, avec Effy, était que les choses prenaient bien souvent une dimension qu’elle ne leur avait encore jamais soupçonnée. Elles n’avaient définitivement pas eu la même enfance, encore moins la même expérience et surtout pas la même façon de voir la vie. Et ce qui lui semblait à elle être naturel ne l’était jamais pour son amie. Effy prenait cette histoire trop à cœur, mais Rose ne pouvait pas non plus lui en vouloir. De plus, leur début de vacances n’avait pas été des plus aisés. Effy ressentait cette culpabilité vis-à-vis de James que Rose ne parvenait toujours pas à s’expliquer, et la façon dont la dame de l’orphelinat les avait traitées venait corser une enquête déjà bien compliquée. En somme, c’était comme si absolument rien n’allait.

Les choses pouvaient toutefois bien se compliquer plus encore, Rose serait toujours là. Parce qu’elle était son amie.

- Bon, écoute, on a encore trois bonnes heures au minimum avant d’aller le retrouver, dit Rose. On va aller ensemble trouver quelque chose, d’accord ?

- Merci Rose, répondit Effy avec un faible sourire.

- Ne fais pas cette tête-là, j’ai l’impression que je viens de te sauver la vie !

- Non, merci de me supporter.

Il y eut un moment de flottement dans la pièce durant lequel ni Rose, ni Effy n’échangèrent le moindre mot. La première était trop abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre, et la deuxième beaucoup trop gênée.

Ce fut Rose qui brisa le silence la première :

- On est amies, Effy. Amies. Rentre-toi bien ça dans la tête, une bonne fois pour toute. On est amies.

(…)

Il n’y avait encore personne quand elles arrivèrent dans la maison des Potter, personne si ce n’était James qui faisait la cuisine comme il le leur expliqua en arrivant. En réalité, par « faire la cuisine », James entendait regarder distraitement du coin de l’œil ce que préparaient les deux elfes de maison, qui avaient l’air de s’activer aux fourneaux depuis un moment déjà.

- Alors, on prépare notre plan d’attaque ? demanda James en dégageant un coin de la table pour que Rose et Effy puissent s’asseoir.

- On aura vu des plans d’attaque plus impressionnants, lança Rose en levant les yeux au ciel.

- C’était juste une façon de parler.

James passa rapidement une main dans ses cheveux avant de reprendre :

- Non, plus sérieusement, ça ne devrait pas être bien compliqué.

- Mais comment comptes-tu nous rendre tous invisibles ? demanda Effy. C’est un sortilège très compliqué, je ne suis même pas sûre qu’on nous l’apprenne pendant notre septième année !

- On n’aura pas besoin d’un sortilège, répondit James avec un sourire malicieux.

Sous le regard curieux d’Effy et celui plus sceptique de Rose, James attrapa une sorte de paquet posé sur la table et le déplia.

- Une cape ? s’étonna Effy, visiblement déçue.

Mais en même temps qu’Effy regardait sans comprendre le vêtement que tenait précieusement James, Rose ouvrit de grands yeux et s’écria :

- Non, c’est pas vrai !

Et avec un plus grand sourire encore, James enfila celui-ci et tout son corps disparut à l’exception de sa tête, ce qui eut pour effet de faire bondir Effy d’un bon mètre en arrière.

- Tu as récupéré la cape d’invisibilité ! s’exclama Rose en le regardant d’un air accusateur. Pourquoi tu ne m’as jamais rien dit ?

- Parce que tu n’es pas du genre à sortir dans Poudlard après le couvre-feu.

- Qu’est-ce que tu en sais ? Si j’avais eu un tel objet, tu penses bien que j’en aurais profité !

- Je ne l’ai pas eu longtemps de toute façon, elle est à Albus en ce moment.

- Tu as donné cette cape à Albus de ton plein gré ? demanda Rose en haussant les sourcils.

- J’ai autre chose, répondit simplement James avec un sourire énigmatique. Et puis de toute façon, Albus va la passer à Lily, je crois, il dit qu’il n’en a plus besoin et que c’est à son tour de l’avoir.

- Mais James, elle sort d’où cette cape ? demanda Effy, dont une main était toujours plaquée contre son cœur suite à la frayeur que lui avait procurée le jeune homme.

- Elle est dans ma famille depuis des générations.

- Des générations ? Mais je croyais que les capes d’invisibilité s’abîmaient avec le temps…

- Disons que celle-ci est… spéciale.

Et James mit fin à toute tentative de questionnement d’Effy, dont les yeux brillaient de curiosité, en disant simplement non sans une lueur malicieuse dans le regard :

- Secret de famille.

C’était d’ailleurs bien la première fois qu’il se vantait ouvertement devant elle d’être un Potter. Ou du moins, puisqu’il ne s’était pas vanté à proprement parler, qu’il le mettait en avant. Effy s’était demandée plus d’une fois quel était son ressenti par rapport aux exploits passés de ses parents. Dans son souvenir, le James des premières années était du genre à parader fièrement dans les couloirs sans que quiconque ne puisse savoir si cette fanfaronnade était due à la célébrité de son nom ou à la popularité rapidement acquise grâce à ses farces mais aussi à sa gentillesse. Car il fallait bien le dire, James était alors un excellent camarade, qui partageait sans rechigner les bonbons que lui envoyait sa famille et n’hésitait jamais non plus à partager ses notes de cours -à l’exception de ceux d’histoire de la magie durant lesquels il dormait comme la plupart des étudiants. A cette époque, Effy et ses amies avaient déjà plusieurs fois été les victimes de ses amusements mais ceux-ci restaient supportables et ne leur étaient pas destinés en particulier. Ce ne fût qu’en troisième année que son comportement changea sans qu’Effy n’en ait jamais connu la cause. Ses blagues principalement appuyées sur les produits de son oncle George devinrent des farces parfois humiliantes pour les personnes les subissant, et tout particulièrement pour Effy, sur laquelle James s’était particulièrement acharné avant de se tourner vers Lily. Il n’était subitement devenu plus amical avec sa camarade de maison que lors de leur sixième année. De cet acharnement, Effy n’avait jamais connu la raison non plus.

Depuis le début des vacances, elle y avait pourtant repensé à de nombreuses reprises et était parvenue à deux conclusions, malgré le peu d’aide que Rose semblait décidée à lui apporter dans la résolution de cette affaire. Les relations entre James et Albus s’étaient nettement tendues lors de la troisième année de James, alors que les deux frères s’étaient relativement bien entendus au cours de la première année de scolarité du cadet. Cette même année, James avait également cessé de prononcer la moindre allusion à ses parents, et même à l’ensemble de sa famille en général. Il n’en avait pas tant profité de leur notoriété lors de ses deux premières années, réussissant à être apprécié sans elle, mais en y repensant Effy avait noté non sans stupeur que ce changement avait été très net.

À vrai dire, elle ne se souvenait pas l’avoir une seule fois entendu mentionner sa famille depuis leur troisième année, à part cette fois où elle lui avait demandé de parler de leurs grandes réunions chez ses grands-parents. Il lui avait d’ailleurs confié des choses plutôt positives quant à cette famille qu’il évitait d’aborder le reste du temps. À Poudlard, elle avait remarqué plus d’une fois qu’il semblait bien s’entendre avec la plupart de ses cousins, sans toutefois avoir d’affinité particulière avec l’un d’entre eux -alors qu’Albus et Louis passaient l’essentiel de leur temps ensemble et que Rose avait Roxanne pour confidente malgré leurs grandes différences de caractère.

Mais elle n’avait jamais non plus été suffisamment proche de lui pour savoir s’il parlait de sa famille à ses meilleurs amis et c’était bien un autre mystère qu’elle comptait résoudre cet été. Si pour l’instant, elle ne disposait que de peu d’éléments qui lui paraissaient tous aussi flous les uns que les autres, elle songeait non sans ironie qu’il lui serait toujours plus aisé de comprendre les relations que James entretenait avec sa famille plutôt que de retrouver la sienne.

- Bon, pour en revenir aux choses sérieuses, vous m’aidez à préparer la pièce pour ce soir, les filles ? Ma mère serait capable d’annuler la fête si elle rentrait et que rien n’était prêt.

(…)

La dernière et d’ailleurs unique fois qu’Effy s’était rendue à une fête d’anniversaire de James, elle se rappelait avoir trouvé l’ambiance étouffante. Tous les Gryffondor de leur année étaient présents, ainsi que de nombreux autres élèves de leur maison auxquels venaient s’ajouter la ribambelle de cousins Weasley et leurs propres amis. Cela débouchait sur une soirée plus bruyante que ne l’étaient celles organisées dans leur salle commune après une victoire au Quidditch et qu’Effy avait déjà tendance à éviter pour cette même raison.

Pour sa majorité, James avait cependant vu les choses en grand -du moins, en plus grand encore que d’habitude- et ce n’était pas toute leur maison qui était conviée, mais quasiment toute l’école. Même les Serpentard étaient représentés, quoi que moins que les autres élèves. Depuis que Lily et Roxanne y avaient été réparties, celle-ci semblait être devenue une maison comme une autre pour le clan Weasley. S’il y avait bien une chose qu’Effy avait comprise depuis le temps qu’elle fréquentait certains d’entre eux, c’était qu’ils avaient le sens de la famille. Ils étaient capables de se faire les pires coups bas entre eux, mais ne toléraient en revanche absolument pas qu’une personne extérieure vienne interférer dans leur petit monde. Effy l’avait encore remarqué au cours même de la soirée : alors que Liam Davis, qui était à nouveau célibataire et activement à la recherche d’une nouvelle petite amie –Merlin merci il n’avait, cette fois, pas jeté son dévolu sur Effy-, s’était approché d’un peu trop près de Lily, Fred et Roxanne lui avaient alors fait avaler un faux petit-four lui ayant fait pousser des plumes de canard sous les rires exubérants de Louis, Lucy et Hugo. James avait également surveillé du coin de l’œil la situation, sans intervenir cependant. Mais depuis le début des vacances, Effy n’était plus certaine que les remarques de James à l’encontre de Lily soient réellement liées à sa maison, comme elles le laissaient entendre. La mésentente entre ces deux-là paraissait être bien plus profonde.

- EFFY !

La jeune fille se tourna brusquement pour faire face à Rose, dont elle était séparée par tout de même cinq ou six personnes qu’elle ne connaissait guère que de vue. Son amie lui faisait de grands signes et au bout d’une longue minute, Effy finit par comprendre qu’elle lui proposait de quitter la pièce et probablement même la demeure. Elle s’empressa de la rejoindre, ravie d’avoir une excuse pour s’échapper de cette foule compacte. Elle aperçut James, à un coin de la pièce, en train de rire aux éclats au milieu de ses amis, l’air bien plus heureux qu’elle ne l’avait vu depuis le début des vacances. Lui était apparemment dans son élément, mais pour une fois, cela la fit simplement sourire. Elle avait beau le trouver insupportable quand il voulait, elle préférait encore le voir ainsi plutôt que de se laisser dépérir au fur et à mesure que les jours passaient.

Quand Effy eut réussi tant bien que mal à rejoindre son amie, celle-ci s’était éclipsée dans la cuisine d’où l’on pouvait accéder au jardin. Elle eut toutefois la surprise de se retrouver nez-à-nez avec une fille plus âgée qu’elle aux longs cheveux blonds, qui lui adressa un immense sourire avant de débiter un flot de paroles assez impressionnant :

- C’est toi Effy ? Oui bien sûr c’est toi, James m’a souvent parlé de toi alors j’étais presque certaine que je serai capable de te reconnaître entre tous les élèves de Poudlard même si bien évidemment je gardais toujours un doute, et enfin James t’a quand même surtout évoquée avant les vacances parce que tu sais il n’arrêtait pas de dire que toi et moi on avait un peu le même passé finalement ou plutôt la même absence de passé et donc j’ai pensé que…

- Excusez-moi ? finit par articuler Effy, que le débit de son interlocutrice avait laissé pantoise.

- Oh, je ne me suis même pas présentée ! Je suis Liberty, j’imagine que James ne t’a jamais parlé de moi, il a le chic pour n’aborder que ce ne qui compte pas.

Les lèvres de la dénommée Liberty s’étirèrent en un sourire plus grand encore qui semblait si sincère, si chaleureux, que la méfiance naturelle d’Effy à l’encontre de toute personne inconnue s’évanouit presque instantanément. Cette jeune fille, ou plutôt cette jeune femme à en juger par les traits doux mais matures de son visage et sa grande taille, lui inspirait un sentiment de confiance comme elle n’en avait que rarement ressentie.

- Ça c’est bien vrai, approuva Rose, sortant Effy de sa léthargie.

- Non pas que je me considère indispensable, pour qui vas-tu donc me prendre ! s’exclama Liberty en agitant les mains et en rougissant tout à coup. Seulement, James et moi nous sommes toujours adorés alors je doute qu’il t’en ait parlé. Il ne pense toujours qu’à ce qui ne va pas, plutôt que de songer à tout ce qu’il y a de beau sur cette terre.

- Dis donc, Liberty, tu es là pour te présenter ou pour me psychanalyser ? lança le susnommé d’une voix nonchalante, appuyé contre l’embrasure de la porte.

Effy sursauta, ne l’ayant pas vu arriver, et se mit aussitôt à la recherche d’une réplique pouvant détendre l’atmosphère sous l’œil amusé de Rose, qui savait que l’agacement de James n’était que feint. Il ne fallut en effet guère plus de quelques secondes pour que son regard s’illumine et l’instant d’après, il sautait dans les bras de Liberty dont les rires emplissaient la cuisine.

- C’est vrai ce qu’elle t’a dit, chuchota Rose à l’oreille de son amie dont elle s’était rapprochée. Mais elle pourrait t’avouer les plus grands secrets de James qu’il ne lui en voudrait pas, il l’adore bien trop pour ça. D’ailleurs, elle ne pensait pas à mal en t’avouant ça et il le sait. Elle est beaucoup trop gentille pour ça.

La jeune fille hocha la tête, contemplant avec un mélange de joie et de stupeur le spectacle que lui offraient James et Liberty. Jamais encore, depuis le début de l’été, son camarade ne lui avait paru aussi heureux. Elle retrouvait sur son visage l’expression qu’il arborait lorsque des fous rires à n’en plus finir les animaient, ses amis et lui, le soir dans leur salle commune ou le samedi après-midi en hiver, lorsqu’ils jouaient dans la neige.

- Je n’ai pas encore salué tes parents, s’écria soudainement Liberty. Quelle impolie je fais ! Je reviens tout de suite !

Et elle disparut aussi vite qu’elle était apparu dans le champ de vision d’Effy, sous le regard un peu moins lumineux de James depuis l’évocation de ses parents.

- Qui est-elle, par rapport à vous ? demanda alors Effy qui ne cessait de se tarauder l’esprit depuis quelques minutes.

- Liberty ? Elle n’est pas une membre de notre famille.

- On a l’impression que si.

- C’est notre Maman, dit Rose avec un clin d’œil.

- Tu plaisantes ?

- À moitié. Elle est terriblement maternelle. Enfin, tu sais, tu as l’impression que tu peux tout lui dire, et elle est toujours d’une bonne humeur telle qu’elle en est communicative. Tout le monde l'aime bien, dans la famille.

- Sauf Victoire, précisa James en levant les yeux au ciel.

- Liberty a toujours été proche de Teddy, et même si Victoire l’a quitté il y a quelques mois, je ne suis pas sûr qu’elle apprécierait qu’il sorte avec Liberty, enchaîna Rose. Elles se ressemblent beaucoup physiquement en plus, même si Victoire joue mieux de ses charmes. Je crois qu’elle la jalouse un peu. Le plus drôle, c’est que Liberty, elle, est encore plus gentille avec elle qu’avec les autres. Ça a le don de l’agacer.

- C’est vraiment possible, d’être gentil à ce point ?

- Oh mais ce n’est pas de la gentillesse, ça, au contraire. Elle sait très bien que ça agace prodigieusement Victoire qu’elle se comporte ainsi, parce que ça la fait passer pour une aigrie qui râle sans raison. Liberty a très bien compris comment faire pour s’imposer face à elle. Mais comme elle est si généreuse, qu’est-ce que Victoire peut bien lui reprocher ?

- Du coup j’ai pensé qu’elle pourrait se rendre à l’orphelinat, lança James. Elle sait charmer les gens, mieux que nous en tout cas. Et ça nous éviterait d’avoir à recourir à la magie –même si elle aura la cape sur elle en dernier recours.

Voyant l’air embrassé qu’avait adopté Effy, James s’empressa de préciser :

- Mais c’est seulement si tu veux bien lui en parler, évidemment.

- Elle a l’âge de Teddy. Son père est mort pendant la guerre avant sa naissance et sa mère a été en dépression sévère pendant toute son enfance –elle l’est toujours plus ou moins d’ailleurs. Je pense qu’elle comprendra ta situation, argua Rose.

Cette dernière savait d’ailleurs que son amie allait accepter. Effy ne faisait pas confiance aux gens, mais s’il y avait bien une chose en laquelle elle avait encore moins confiance, c’était l’institution qui l’avait vue grandir. Jamais elle ne lui avait dit quoi que ce soit d’explicite à ce sujet, mais Rose l’avait bien remarqué lors de leur tentative manquée des jours passés. Elle était prête à parier que son amie sauterait sur n’importe quel prétexte pour ne pas avoir à remettre elle-même les pieds dans le bâtiment, même s’il n’était pas celui où elle avait grandi. Effy associait visiblement à cet endroit des souvenirs plus durs qu’elle et James n’avaient pu l’imaginer, et elle en était certaine qu’il y avait encore de très nombreux secrets dont même Georgie et Lisa ignoraient l’existence.

L’heure n’était toutefois clairement pas aux confidences et le brusque rappel de la mission qu’ils s’étaient confiée avait plongé Effy dans un trouble que ses tics nerveux trahissaient. Elle commençait même à se ronger les ongles. Rose avait la désagréable impression que cette manie était nouvelle et traduisait d’une anxiété croissante depuis le début de l’été.

- Oh, je viens de me rendre compte que j’ai oublié mon cadeau à la maison, lança Rose en jetant un regard appuyé à Effy. James, je peux faire un saut dans votre cheminée ?

Le jeune homme acquiesça, un peu méfiant de ce rapide détournement de conversation. Il eut la confirmation que quelque chose lui échappait lorsque, à peine Rose disparue, Effy rougit fortement et recommença à jouer nerveusement avec ses mains.

- Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.

- Non, non, c'est juste que... Je... je voulais te donner mon cadeau maintenant, si jamais... Tu vois...

James ne voyait visiblement pas, mais la jeune fille se sentit incapable de dire un mot de plus. Une idée lui était finalement venue en tête alors que Rose et elle effectuaient un dernier tour sur le Chemin de Traverse, mais maintenant qu'elle y repensait, elle se sentait un peu ridicule. Même si elle avait bien remarqué le changement profond d'attitude de James à son égard, elle gardait douloureusement en mémoire ses remarques passées et ne pouvait s'empêcher de les craindre encore. Elle ne pouvait cependant se résoudre à le lui avouer, il ne comprendrait certainement pas. Qui pourrait la comprendre, d'ailleurs, sans avoir vécu ce qu'elle avait vécu durant des années ?

Peut-être les remarques de James l'auraient elle moins atteinte si elle n'avait pas déjà eu à en subir le double tout au long de son enfance.

- Tiens, dit-elle en serrant résolument le poing gauche et en tendant de sa main restée libre un paquet rectangulaire à James.

Celui-ci, qui avait assisté avec peine au monologue intérieur d'Effy, s'empressa d'attraper son cadeau dont il déchira l'emballage presque frénétiquement, espérant ainsi chasser de sa mémoire ce nouvel instant où il n'avait absolument pas su comment se comporter face à sa camarade.

Lorsqu'il identifia comme étant vraisemblablement un agenda le petit carnet délesté de papier cadeau, il eut un petit sourire en coin qui fit accélérer le rythme cardiaque d'Effy. Ce sourire ne trahissait cependant pas sa moquerie mais plutôt sa déception. Il avait bien conscience de n'avoir jamais donné l'occasion à Effy de le connaître suffisamment pour lui offrir quelque chose de plus personnel, mais il tentait tant bien que mal depuis la découverte de son secret de créer un semblant de relation avec elle. Cet agenda lui rappelait douloureusement ses erreurs passées et l'incapacité probable qu'avait la jeune fille à le considérer comme un ami. Il l'ouvrit cependant, ne voulant pas lui faire comprendre son désappointement, et ce qu'il vit alors lui réchauffa le cœur.

Chaque nouvelle semaine était illustrée par une des nombreuses photographies représentant ses amis, ses cousins ou Poudlard.

- Tu pourras remercier ta mère, dit Effy d'une petite voix. C'est elle qui a dupliqué toutes les images de ta chambre et me les a envoyées aussi rapidement que possible.

- Effy, c'est... merci, souffla James avec sincérité.

Animée d'un soudain élan qu'elle ne parvint pas à s'expliquer par la suite, Effy se rapprocha alors de James dont les pensées se firent similaires aux siennes puisqu'il amena la jeune fille contre lui dans une brève étreinte. Celle-ci ne dura qu'une seconde, le temps qu'il fallut à chacun pour réaliser la portée de ce geste et se retirer promptement. D'ailleurs, à peine s'étaient-ils séparés l'un de l'autre que la porte s'ouvrit à la volée, laissant entrer une Liberty souriante et suivie d'une autre personne.

- Ah Effy, on m'avait bien dit que je trouverais là ! clama la chaleureuse voix de Brooke.

La concernée s'empressa alors de rejoindre son amie ainsi que ses camarades de Poufsouffle, sous le regard narquois de Liberty qui avait bien remarqué le rosissement de ses joues.

La confusion d'Effy ajoutée à sa grande fatigue l'empêchèrent d'écrire la moindre lettre lorsque Rose et elle regagnèrent la maison Weasley-Granger tard le soir, ou plutôt très tôt le matin.

End Notes:
Merci d'avoir lu !

N'hésitez pas à me faire part de vos impressions via une petite review, ça me ferait très plaisir ! :)
Les questions by Bloo
Author's Notes:
Un grand merci à flodalys qui continue de betâter cette histoire !

Petite semaine de décalage parce que j'ai été très prise la dernière semaine avec la fin des cours et mon retour en France pour les fêtes.

Bonne lecture !

La chambre que partageaient Rose et Effy mit longtemps à s'animer au lendemain de l'anniversaire de James. Rose, qui n'était déjà guère matinale, dormait plus lourdement encore lorsqu'elle avait trop bu -tout le contraire d'Effy qui elle, ne parvenait pas à s'assoupir du fait de fortes nausées. Depuis l'épisode de la salle commune, la jeune fille n'avait néanmoins plus touché au moindre verre, encore bien trop effarée par les conséquences qu'avaient entraînées cet inhabituel moment d'égarement. Ce ne fut donc pas son corps qui tira Effy du sommeil mais bien son mental.

Après avoir, pour une raison qu'elle ne s'expliquait toujours pas, enlacé James dans la cuisine de ce dernier, Effy s'était empressée de suivre Brooke dont les pas l'avaient rapidement menée à John et Oliver. Ce dernier s'était montré ravi de la revoir et le lui avait fait savoir, allant jusqu'à passer un bras autour de ses épaules alors que James venait justement à leur rencontre -un geste qui se voulait purement amical mais dont Effy avait bien remarqué qu'il déplaisait au roi de la soirée. Tout ce qu'elle avait appris ces derniers mois sur les sentiments que nourriraient celui-ci à son égard lui était alors brusquement revenu en mémoire, la mettant dans un état de réflexion tel que Brooke, soucieuse, lui avait proposé d'aller prendre l'air. La jeune fille avait décliné, mais avait ensuite veillé à ce qu'un écart respectable soit maintenu entre Oliver et elle pour le reste de la soirée. Le message était visiblement passé puisque son ami s'était montré beaucoup moins tactile, mais Effy craignait de l'avoir blessé. Elle avait voulu le prendre dans ses bras en guise d'au revoir lorsque Rose était venue la chercher, mais Oliver s'était esquivé en souriant, arguant que James n'apprécierait certainement pas. Effy avait répondu que l'on ne vivait plus au Moyen-Âge et qu'elle était bien libre d'enlacer qui elle souhaitait, empruntant une de ses répliques favorites à Lisa, mais elle avait bien compris que derrière le ton rieur d'Oliver se dissimulait une certaine tristesse.

En soupirant, Effy ramena la couverture contre elle et s'étira comme un chat avant de se retourner. Elle se retrouva alors face à face avec Rose dont les yeux étaient grands ouverts et plein de curiosité.

- Maintenant que tu as dormi comme un loir, tu m'expliques ce qu'il s'est passé avec Oliver hier soir ? lui demanda aussitôt son amie.

Effy maugréa, ne pouvant s'empêcher de maudire cette capacité parfois très déplaisante qu'avait Rose à toujours viser juste en ce qui la concernait.

- Je crois qu'il est jaloux de James, finit-elle par souffler.

- Tu es sûre de ça ? Parce que n'importe quelle personne extérieure te dirait que Oliver a bien plus de chances avec toi qu'avec James.

- Bien sûr, mais je n'ai jamais dit que la jalousie était un sentiment rationnel.

- Je ne dis pas qu'il n'est pas jaloux. Mais je ne pense pas que ce soit de James lui-même.

- De quoi alors ? s'interrogea Effy.

Le ton était sincère. Elle était trop peu habituée à entretenir de telles relations avec un garçon pour en saisir toutes les subtilités. Elle n'arrivait déjà pas à comprendre ce qu'il se passait dans sa propre tête, ce n'était certainement pas pour aller deviner les pensées les plus secrètes d'Oliver.

- Liberty m'a dit que James et toi vous étiez enlacés. Ça avait l'air de l'amuser, mais ça m'a laissée songeuse.

- Il ne se passe rien entre nous, soupira Effy.

Habituée à ce que ses deux amies érigent des scénarios tous plus invraisemblables les uns que les autres dès qu'il était question d'histoires de cœur, Effy préférait que les choses soient claires dès le début entre Rose et elle, d'autant qu'elle savait très bien que la jeune fille pouvait aussi avoir tendance à s'emballer un peu trop -ce qui lui avait d'ailleurs été préjudiciable lorsqu'elle s'était imaginée que Scorpius l'appréciait plus qu'amicalement.

- Je sais, répondit pourtant avec honnêteté cette dernière au grand désarroi d'Effy, décidément peu accoutumée à ce genre de réaction. Mais je vois qu'il y a un truc qui te tracasse avec James. Tu n'arrêtes pas de t'inquiéter pour lui depuis le début des vacances, d'abord pour les disputes avec sa famille, puis son changement d'attitude, et son cadeau...

- Je n'ai pas envie de parler de ça.

- Pourquoi ? Il n'y a rien que tu ne puisses pas me dire. Ce n'est pas non plus comme si tu devais m'annoncer que tu es en fait folle de lui !

- Je préfèrerais encore que ce soit ça.

Rose ouvrit la bouche une seconde avant de ravaler la blague qu'elle s'apprêtait visiblement à sortir, à en croire son air vaguement coupable. Le visage très sérieux, presque grave, d'Effy, l'avait impressionnée et elle comprit que son amie était en proie à des pensées douloureuses.

- S'il... m'attire autant depuis le début de l'été, c'est parce qu'il a l'air d'aller mal.

Effy avait lâché ces mots tels le couperet, s'attendant visiblement à une expression incrédule sur le visage de son amie que suivrait sans aucun doute un sentiment au mieux d'incompréhension, et au pire de dégoût.

- Je ne suis pas attirée dans le sens le plus courant du terme à notre âge, précisa Effy en décidant de jouer franc jeu maintenant qu'elle avait commencé à se confier. C'est juste que... à Poudlard, tout avait l'air toujours si parfait, pour lui. Tout le monde l'adorait, et puis, il était un modèle de réussite non ? Beau, talentueux, populaire, issu d'une grande et belle famille. En fait, un peu comme...

- Oliver, lâcha Rose dans un souffle.

- Oui. Sauf que James, lui, pour une raison qui m'échappe, ne s'est jamais bien comporté envers moi comme a pu le faire Oliver alors je n'ai jamais cherché à me rapprocher de lui. Mais, depuis le début de l'été, je le vois tellement différent, et je crois que ouais, au fond, ça m'attire de le voir paraître aussi mal.

Face à la mine effectivement quelque peu étonnée de Rose, Effy plaqua ses mains contre son visage en gémissant :

- C'est horrible ce que je suis en train de dire, n'est-ce pas ?

- Non, c'est surprenant. Mais ça ne le sera plus si tu m'expliques.

A peine rassurée par ces mots, Effy détourna la tête une bonne minute au moins et poussa plusieurs longs soupirs qui firent craindre à Rose qu'elle ne s'explique pas davantage. Mais contre toute attente, elle replongea son regard dans celui de son amie et, après avoir pris une profonde inspiration, se lança dans des explications qui, à en croire son ton chevrotant, n'étaient pas même claires dans sa propre tête.

- Oliver est le garçon parfait pour moi. Mais... mais moi, moi je ne suis pas parfaite, Rose. Et je ne parle pas de mes défauts, de ma trouille de tout ce qui bouge, de ma timidité. C'est pire que ça. Je n'ai pas eu une enfance parfaite, je n'ai pas une vie parfaite, en fait, rien n'a jamais marché chez moi. J'ai... j'adore Oliver, vraiment, mais j'ai juste beaucoup trop de problèmes pour envisager de sortir avec quelqu'un qui n'en a pas.

Elle s'interrompit un instant, le temps de chercher ses mots. Avec une grande reconnaissance, elle constata que Rose ne cherchait pas à la juger le moins du monde, se contentant de l'écouter attentivement et de l'encourager d'un sourire lorsqu'elle commençait à bafouiller ses phrases.

- Regarde mes amies. Je traîne avec deux personnes qui ont tout le temps des problèmes : soit des problèmes entre elles quand elles se disputent, soit des problèmes personnels. Georgie s'entend très mal avec ses parents, Lisa est malade. Parfois, ça me pèse énormément, et voir Oliver est alors une vraie bouffée d'air frais. Lui, au moins, il n'est pas toujours embarqué dans des histoires à n'en plus finir. Avec lui, c'est calme, c'est reposant. Mais ça l'est trop. Ça l'est beaucoup trop parce qu'à ses côtés, je n'ai pas d'autres choix que de penser à ce qui ne va pas chez moi. Alors qu'avec Georgie et Lisa, même si ça me fatigue parfois, je peux me concentrer sur d'autres problèmes que les miens. Tu comprends ? Je recherche, inconsciemment ou non, la compagnie des gens tristes parce que ça me permet d'oublier que je le suis moi-même !

- Alors c'est pour ça que mon cousin t'intrigue autant ? demanda Rosa en hochant lentement la tête, signe qu'elle avait compris où Effy souhaitait en venir.

- Pas parce qu'il semble avoir des problèmes en soi, mais, quand il a cet air, quand les gens qui m'entourent ont cet air parfois absent, triste... Et bien, j'ai l'impression que eux, au moins, ils pourront me comprendre. Oliver, lui, est suffisamment généreux pour essayer de me comprendre, mais il ne pourra jamais qu'essayer. Parce qu'il y a certaines blessures qui sont... qui sont beaucoup trop dures pour que l'on puisse les saisir sans les avoir soi-même vécues.

- Pourtant tu y arrives avec moi, non ? s'étonna alors Rose.

- Tu as raison, mais c'est toi qui es une exception, pas Oliver. Regarde, à Brooke non plus je n'arrive pas à confier quoi que ce soit d'important. Tous les autres gens que j'ai pu essayer de fréquenter durant toutes ces années, c'est la même chose.

- Peut-être est-ce une question d'habitude. Nous sommes amies depuis tellement longtemps, c'est normal d'être proches.

- Je pense que tu es trop optimiste. Toi, c'est juste que je sais que tu peux comprendre. Ta famille a tout de même été durement marquée par la guerre, tu m'as beaucoup parlé de ton oncle George que ton père a soutenu. Oliver, il ne comprendra jamais réellement.

- Les parents de Brooke ont aussi vécu de très méchantes choses, tu sais, avança Rose.

- Certes, mais... écoute Rose, je ne sais pas. Je ne me comprends pas moi-même. Je sais juste qu'entre Oliver et moi, il y aura toujours cette... cette barrière.

- Je crois que tu l'ériges toi-même, Effy, murmura Rose sans quitter le regard de son amie.

- Peut-être. Mais ça ne change rien au fait qu'elle soit là, au final.

Après cela, Effy n'ajouta plus un mot. Tout était bien trop confus dans sa tête pour qu'elle ne se hasarde plus avant dans ses explications. De toute façon, elle voyait bien que Rose avait globalement saisi ce qu'elle voulait dire.

Elle comprenait bien aussi qu'elle n'avait pas tort, en arguant qu'Effy créait elle-même la distance qui l'éloignait des autres. Pour le coup, même elle ne pouvait pas comprendre. Effy ne lui avait jamais parlé de l'orphelinat, pas plus qu'elle n'en avait parlé à Georgie et Lisa. La capacité de compréhension de ses amies était grande, mais pas à ce point. Elle seule avait vécu plus de la moitié de sa vie dans un orphelinat, elle seule avait eu à y affronter des conditions plus que déplorables. Personne ne serait capable de comprendre cela, elle en était certaine. Elle-même ne le comprenait toujours pas lorsqu'elle regardait en arrière. Lorsqu'elle se confrontait à la Effy de dix ans, des larmes plein les yeux et la tête toujours baissée face aux autres pensionnaires. Lorsqu'elle se confrontait à la Effy de six ans, une longue estafilade se dessinant sur son dos après une terrible chute qui n'avait rien d'accidentelle.

Elle ne comprenait pas pourquoi on lui avait fait subir tout cela.

 

Quelques heures plus tard, Rose et Effy se trouvaient dans le salon des Potter qui les impressionna par sa propreté. Elles avaient quitté la veille une maison encore bruyante et surtout dans un désordre sans nom, elles en retrouvaient une si nette que l'on aurait pu croire qu'aucune fête n'y avait jamais eu lieu.

- Maintenant que je suis majeur, je dois dire que le ménage va beaucoup plus vite ! lança James en guise d'explication face aux mines ahuries de ses camarades.

- Tu m'étonnes, réagit immédiatement Rose. Moi, il faut encore que je fasse tout à la main quand j'invite mes amis ! Ma mère tient absolument à ce que je sache me débrouiller sans baguette, comme si je n'allais pas l'utiliser à foison dès que j'en aurais l'occasion...

- Il y a quelque chose que tu dois nous annoncer James ? souffla Effy, coupant la parole à son amie.

Passé sa bonne humeur spontanée lorsqu'il les avait accueillies, visiblement ravi de ne pas avoir eu à faire le ménage manuellement, le jeune homme avait retrouvé une expression beaucoup plus formelle et à la façon dont il remettait ses cheveux en place alors que ceux-ci étaient déjà coiffés plus qu'il ne fallait, Effy devinait qu'une certaine anxiété l'habitait.

- Liberty est juste à côté de l'orphelinat. Si tu le veux bien, elle peut aller récupérer ton dossier dans l'heure qui suit. Ce sera plus simple qu'en utilisant la cape.

- Tu lui en as parlé ? s'exclama Effy.

Depuis que James lui avait présenté la jeune femme, elle s'était déjà plusieurs fois répété mentalement la conversation qu'il lui faudrait avoir avec elle pour lui révéler son passé sans trop en dire non plus. Imaginer qu'il ait pu le faire à sa place sans la consulter ne lui plaisait pourtant pas du tout. Se confronter à Liberty ne lui avait à aucun moment paru être une tâche aisée, mais elle était résolue à l'accomplir elle-même. C'était à elle de le faire et à personne d'autre.

- Non. Elle ne sait rien. Pour l'instant elle m'attend juste dans un café où je suis censé la rejoindre. Veux-tu que je le fasse ?

- Je préfèrerais y aller moi-même, affirma Effy sur un ton un peu plus dur qu'elle ne l'aurait voulu.

Songeant presque immédiatement que James pourrait interpréter cette phrase comme un désir de sa part de ne plus le voir impliqué dans ses recherches, Effy s'empressa d'ajouter :

- Enfin je préfèrerais lui expliquer moi-même. Mais... ce serait mieux si tu étais là aussi.

- Comme tu veux, mais il faut que quelqu'un reste ici. Mes parents sont sortis avec Albus mais Lily est restée et je n'ai pas le droit de la laisser seule.

- Et j'imagine que c'est sur moi que ça va tomber ? maugréa Rose.

- Tu ne sais pas où est Liberty et c'est Effy qui doit lui parler, débita James qui ne tenait apparemment pas le moins du monde à rester dans une maison seulement occupée par sa sœur.

- Ca ne te dérange pas ? s'enquit Effy, qui n'avait pas remarqué une grande proximité entre les cousines depuis qu'elle les fréquentait.

- Je crois que ce n'est pas tout à fait comme si j'avais le choix, répondit Rose en haussant les épaules.

Elle ne paraissait pas particulièrement emballée à l'idée de rester ici pendant que ses amis feraient peut-être avancer l'enquête, mais elle ne semblait pas non plus contrariée. Elle demanda simplement à James où se trouvait Lily et s'empressa de disparaître dans les étages lorsque ce dernier entraîna Effy avec lui dans le jardin.

- On ne peut pas transplaner ici. On va sortir par la petite grille au fond de la cour.

Effy acquiesça, se laissant guider par le jeune homme. Elle n'avait pas encore passé son permis de Transplanage, pensant le faire à la rentrée plutôt que de s'encombrer plus encore l'esprit durant l'été. James, lui, s'était entraîné tout au long de l'année scolaire et avait obtenu son permis le jour même de son anniversaire, mais il n'avait pas encore eu l'occasion de faire usage de sa nouvelle capacité puisqu'il n'avait pas quitté la maison.

- Tu l'as déjà fait avec quelqu'un ? demanda-t-il lorsqu'ils furent sortis du jardin.

- Non.

- C'est un peu moins désagréable, dit James. Serre-moi bien fort le bras par contre, ce serait bête qu'on se retrouve chacun à un bout de Londres !

Sans se rendre compte que ce qui se voulait être une plaisanterie avait immédiatement fait pâlir Effy, qui s'imaginait déjà seule dans un quartier inconnu de la ville, James lui attrapa fermement le bras et tourna sur lui-même. L'instant d'après, ils se trouvaient tous les deux dans une arrière-cour sur laquelle aucune fenêtre ne donnait.

- On a de la chance, c'est un des seuls endroits dans le coin où on peut transplaner sans risquer d'être vus par des Moldus.

Effy hocha la tête silencieusement, l'esprit encore trop accaparé par l'idée de se retrouver perdue au beau milieu de nulle part. S'il y avait bien une chose qu'elle craignait par-dessus tout, c'était celle-ci : être seule, sans personne à qui se raccrocher, sans personne pouvant l'aider, sans personne pouvant l'aimer.

Elle réalisa alors qu'elle ne pourrait jamais confier son secret à Liberty. Evoquer son statut d'orpheline était encore bien trop douloureux, et ce n'était absolument pas par choix que James avait été mis au courant. Et Liberty, si elle lui inspirait une confiance presque trop importante pour une quasi-inconnue, était aussi et surtout beaucoup trop heureuse pour qu'elle lui avoue une telle chose. Rose l'avait dit, elle se comportait comme une mère envers une dizaine d'enfants alors même que c'était elle, l'enfant ayant grandi presque sans famille. Effy pouvait deviner sans trop de peine quelle serait sa réaction si elle lui contait son histoire : ses lèvres formeraient un « o » presque parfait, ses yeux se voileraient de tristesse et peut-être même de larmes et elle lui adresserait des excuses. Effy ne voulait pas être confrontée à cela. Elle savait très bien que son histoire était triste, c'était elle qui la portait tous les jours, elle n'avait pas besoin que le regard des autres le lui rappelle sans cesse. Plus que les rumeurs folles ayant couru à Poudlard lorsque son secret avait été révélé, c'étaient les regards emplis de pitié de ses camarades qui lui avaient fait le plus mal. Elle n'avait pas besoin de leur pitié, elle en avait déjà bien assez à gérer. Liberty était bien la seule personne depuis longtemps à lui avoir adressé un sourire radieux sans une once de tristesse dans le regard. Elle n'était pas prête à y renoncer, parce qu'au fond, c'était de telles réactions, dont elle avait besoin pour avancer. Pas de toutes ces figures compatissantes et en même temps ignorantes auxquelles elle avait jusqu'à présent dû faire face.

- James, je ne peux pas, s'exclama-t-elle en s'agrippant durement à l'épaule du jeune homme.

Celui-ci se retourna, étonné, avant de prendre une mine très sérieuse en constatant que pratiquement tous les membres d'Effy étaient parcourus de tremblements de plus en plus violents. Sa respiration se faisait même saccadée, et la jeune fille agitait fort sa main restée libre devant sa bouche comme pour faire davantage passer l'air.

- Tu fais une crise de panique, Effy.

En essayant autant que possible de garder son calme, il lui attrapa doucement mais fermement les épaules et lui fit faire quelques pas dans l'espoir de faire passer la crise. Voyant que son entreprise ne réussissait qu'à moitié, il s'empara de sa baguette en tentant de se remémorer le sortilège qu'utilisait sa mère lorsqu'ils étaient encore petits et que son frère était alors régulièrement confronté à des crises de panique. Si cela ne les calmait jamais tout à fait, cela permettait au moins à Albus de pouvoir retrouver une respiration normale.

Il n'en eut cependant pas besoin, Effy poussant un grand gémissement tout d'un coup avant de se laisser lentement tomber au sol. James l'aida à s'asseoir sans se faire mal et constata avec soulagement que la jeune fille ne s'étouffait plus et paraissait du même coup s'être délestée d'une part de son anxiété.

- Tu veux qu'on rentre ? s'enquit le jeune homme en s'agenouillant à sa hauteur.

- Non. Vas-y toi, moi je vais t'attendre là.

- Je ne vais pas te laisser seule ici.

- Ça ne devrait pas prendre trop de temps. Je t'assure que je peux attendre. Et puis, ce n'est pas comme s'il pouvait m'arriver quoi que ce soit ici.

- Je trouve toujours que c'est une mauvaise idée.

- James s'il te plaît, fais-le, dit Effy en cessant de murmurer pour la première fois depuis le début de leur échange. Maintenant qu'on est là, j'ai besoin de savoir.

- Mais comment je vais lui dire moi, à Liberty ?

- Je ne sais pas. Je ne peux pas le dire moi-même.

- Tu en es sûre ? Tu affirmais le contraire il y a quelques minutes à peine.

- Je ne supporterai pas qu'elle ait ce regard...

Sa voix avait une nouvelle fois considérablement perdue de son ampleur et la jeune fille gardait les yeux rivés au sol, sur ses jambes qui tremblaient encore légèrement et sur les mains de James, posées juste devant ses pieds et qui tremblotaient légèrement elles aussi.

- Quoi ? s'exclama alors James dont les yeux traduisait l'incompréhension.

- Je ne veux pas voir la façon dont elle va me regarder quand elle saura.

Comprenant que James s'apprêtait à la rassurer, Effy s'empressa de préciser :

- C'est la seule qui m'ait regardé naturellement depuis le soir de la victoire des Gryffondor.

- Oh...

Les mains de James cessèrent de s'agiter sur le sol et il se redressa quelque peu, le temps de se décaler et de s'installer à côté d'Effy. Bien sûr qu'il avait remarqué les regards adressés à la jeune fille dans les couloirs de Poudlard. Il les avait avidement recherchés, même, comme pour s'assurer qu'il n'était pas le seul à ne plus savoir comment la contempler.

Car les regards dont lui parlaient Effy devaient très probablement comprendre le sien. L'annonce de son secret, au beau milieu de la salle commune, lui avait fait l'effet d'une véritable douche froide. Il ne lui avait guère fallu plus de quelques secondes pour qu'un à un, tous ces instants passés aux côtés de la jeune fille depuis déjà six années ne lui reviennent brusquement en mémoire. Toutes les fois où sans même s'en rendre compte il l'avait confrontée à sa situation lui étaient douloureusement apparues sans qu'il ne se trouve la moindre excuse cette fois-ci. Certes, il n'était pas au courant lorsque ces mots avaient franchi ses lèvres, mais rien ne l'obligeait pourtant à les prononcer, ces mots. Il aurait tout aussi bien pu laisser Effy vivre sa vie sans constamment chercher à lui rappeler comme celle-ci était dure, pour elle. D'ailleurs, aurait-il réellement agi différemment s'il avait su ? Il espérait que oui mais n'en était pas même sûr. Après tout, il s'était si souvent montré odieux avec elle sans avoir la moindre raison, et pas seulement avec elle mais aussi avec sa propre sœur, pour ne citer qu'elle. Toute sa méchanceté lui avait été jetée au visage lorsqu'Effy avait hurlé et qu'un silence de plomb s'était abattu sur la salle commune.

Et James détestait cela. Il détestait se rendre compte qu'il avait une nouvelle fois tout fait de travers en essayant pourtant d'être le meilleur possible. Il détestait réaliser que tout ce qu'il entreprenait se soldait par un lourd échec et toujours plus de solitude et de tristesse à endurer.

Alors il avait proposé à Effy de l'aider à retrouver ses parents. Parce que s'il avait encore la moindre chance de faire quelque chose bien au moins une fois dans sa vie, il se devait de la saisir.

Il était prêt à faire n'importe quoi pour que la jeune fille retrouve ses parents et ce n'était pas simplement pour elle. Il avait quelque chose à se prouver à lui-même.

- Je vais y aller alors.

- Vraiment ?

- Je ne lui dirai que le strict nécessaire. Dès qu'elle entrera dans l'orphelinat, je reviendrai attendre avec toi pour que tu ne restes pas seule trop longtemps. Et ensuite, on aura enfin une première piste pour retrouver tes parents.

- Merci.

- Ne me remercie surtout pas, répondit-il en évitant d'accrocher son regard.

Il ne supportait pas de la voir si reconnaissante quand lui ne se pardonnait toujours pas ce qu'il lui avait fait subir.

- Rien ne t'oblige à faire tout ça.

- Oh si, Effy. Tout m'y oblige au contraire.

- Je ne veux pas que...

Osant alors enfin affronter son regard, James l'attrapa prudemment par les épaules, ayant déjà eu l'occasion de remarquer plusieurs fois que les contacts physiques pouvaient la faire réagir au quart de tour. Avec toute la volonté et surtout toute la sincérité du monde, il lui promit lentement en appuyant bien sur chaque syllabe :

- Effy, je te jure que l'on retrouvera tes parents. Et je te jure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y parvenir.

- D'accord, murmura Effy en souriant faiblement.

Ses yeux étaient une nouvelle fois voilés par les larmes et James répugnait à la laisser seule dans cette arrière-cour alors qu'elle était visiblement incapable de bouger, mais il répugnait plus encore à rompre la promesse qu'il lui avait déjà faite et qu'il venait de renouveler ici-même. Il prit donc une profonde inspiration et disparut dans la sombre ruelle menant sur le boulevard, non sans s'être retourné une dernière fois pour s'assurer qu'Effy, à défaut d'aller bien, ne paraissait plus être sur le point de s'évanouir. Puis il détourna son regard à contrecœur et s'avança à la rencontre de Liberty.

Il était grand temps que leur enquête connaisse une première avancée.

 

« 13 juillet 2022

 

Chère Georgie,

Finalement, la mégère de la dernière fois n'aura pas eu le dernier mot. Par un grand concours de circonstances dont je te raconterai les moindres détails dans une lettre plus longue, nous avons pu avoir accès à mon dossier. Nous ne savons pas encore si nous devons nous réjouir ou pas. Il comprenait simplement mon acte de naissance ainsi qu'une feuille de papier qui aurait tout aussi bien pu être glissée là par hasard. Elle comprend un numéro de téléphone, tu sais, je t'ai expliqué comment ça fonctionne pendant ce cours interminable d'Histoire de la magie il y a quelques années... Nous l'essayerons demain.

En-dessous du numéro, il était écrit : l'espoir est le dernier à mourir. C'est drôle, non ? Nous avons à peine eu le temps de réfléchir avec James et Rose, de toute façon, nous prévoyons de nous revoir demain. Mais pour l'instant, aucun de nous n'a la moindre idée de ce que cela peut signifier. Peut-être que le soleil d'Amérique t'inspirera davantage.

Toi et Lisa me manquez énormément. Je crois n'avoir jamais eu autant envie depuis le début des vacances de vous parler de vive voix.

 

Bien à toi,

Effy »

End Notes:
Merci d'avoir lu !

N'hésitez pas à laisser une review, vraiment, ça me ferait très plaisir et ça peut m'aider aussi à finir la rédaction de cette partie. Je vois bien que le compteur de lectures augmente beaucoup à chaque nouveau chapitre alors c'est un peu décourageant de ne recevoir qu'une review à chaque fois...
Le proverbe by Bloo
Author's Notes:
Je suis une nouvelle fois désolée pour le délai, avec les fêtes de fin d'année, Noël et le nouvel an qui tombaient à chaque fois un samedi en plus, je n'ai pas eu l'occasion d'actualiser cette histoire. Cette fois je repars pour de bon sur un chapitre par semaine en revanche, n'ayant rien de prévu pour janvier et février !

Merci à ma formidable beta flodalys sans qui cette histoire ne serait pas ce qu'elle est. Et merci à lilianelle et Enireves Lechemin pour leurs reviews au chapitre précédent !

Bonne lecture !

« 14 juillet 2022

Chère Effy,

Alors, je ne me rappelle absolument pas de ce cours que tu m’aurais donné il y a quelques années (et encore moins du cours officiel auquel d’après toi nous assistions alors), mais comme je m’ennuie ici comme un rat mort, j’ai fait plein de recherches sur ce fameux téléphone. Tout ça pour te dire : compose le numéro ! Je ne suis pas sûre d’avoir compris où tu dois faire ça exactement, mais qui sait sur qui tu pourrais bien tomber !

Quant à ta phrase, je suis étonnée que tu n’aies pas pensé à Lisa. Tu n’as pas oublié pourtant, ses innombrables carnets à citations qu’elle transporte partout avec elle ? Dès qu’elle lit ou entend une phrase qui lui plaît, elle la note là-dedans, et elle a une mémoire absolument redoutable à ce propos. Je suis prête à parier qu’elle aura déjà lu ton truc quelque part, d’autant que ça ressemble à un proverbe. Elle en connaît des dizaines qu’elle classe par pays (ça elle ne te l’a jamais dit parce que sa mère trouve que ça fait un peu peur, mais je m’en suis rendue compte en allant chercher ses affaires l’été dernier lorsqu’elle a dû séjourner à l’hôpital).

Tiens-moi au courant en tout cas !!!

Bien à toi,

Georgie »

Effy reposa la lettre de son amie en esquissant un sourire. Bien sûr, que Lisa était la personne vers qui il lui fallait se tourner, elle ne comprenait pas même comment elle avait bien pu l'oublier. L'année scolaire qui venait de s'écouler avait été si particulière pour elles trois, et si la réconciliation était finalement intervenue plusieurs mois avant la fin de celle-ci, Effy n'avait pas passée autant de temps avec ses amies que les années précédentes. Les cahiers de Lisa lui étaient donc sortis de la tête, d'autant qu'elle avait tout de même la nette impression de ne presque plus voir ces derniers traîner dans leur dortoir. Cela lui fit d'ailleurs froncer les sourcils, puisque maintenant qu'elle y songeait, Effy n'avait pratiquement jamais vu le lit de son amie délesté de tous ses carnets depuis leur première année.

- Bon Effy, ce n'est pas que ce chocolat ne soit pas absolument délicieux, mais je crois que nous avons tous envie de savoir à qui appartient ce numéro.

La voix de Rose arracha brusquement Effy à ses pensées. La rouquine n'avait pas encore touché à la tasse fumante qui se tenait devant elle, préférant tapoter nerveusement la table en regardant frénétiquement la cabine téléphonique faisant face au café dans lequel elles se trouvaient avec James. Lui avait déjà entamé son chocolat, rafraîchi par le temps davantage automnal qu'estival du dehors. Ses yeux étaient néanmoins fréquemment attirés par la cabine eux aussi, et ne s'en détachaient que pour se poser sur Effy dont il craignait un peu les réactions depuis sa crise de panique de la veille.

- Vous... vous êtes sûrs qu'on appelle maintenant ? finit par demander la jeune fille en chevrotant.

- Quand sinon ? trancha Rose avant que James n'ait pu ajouter quoi que ce soit.

- J'y vais.

Joignant le geste à la parole, Effy se redressa trop rapidement pour que cela fasse naturel, manquant de renverser la table au passage. James réussit à la maintenir par réflexe, davantage que Rose en tout cas qui eut le temps de voir son chocolat s'écraser sur le sol avant d'esquisser le moindre geste.

- Merlin ! pesta-t-elle.

- Je vais arranger ça, proposa James en sortant sa baguette.

- Mais ça ne va pas, nous ne sommes pas chez les sorciers ici, répliqua sa cousine.

Puis, ayant jeté de discrets coups d'œil autour d'elle et remarqué que dans la cacophonie ambiante, personne n'avait fait attention à eux, elle s'empressa de préciser :

- Enfin si tu penses que personne ne va nous voir...

Il n'en fallut pas plus pour que la baguette de James ne s'agite et que Rose se retrouve à nouveau face à une belle tasse pleine de l'un de ses breuvages favoris. Effy s'esquiva alors, mais lorsqu'elle franchit la porte du café elle eut la surprise de constater que Rose s'était tournée vers James et l'avait embrassé bruyamment sur la joue. Ce qui l'étonna plus encore fut que le jeune homme, loin de paraître gêné par ce geste pourtant peu commun, attira sa cousine plus près de lui en passant un bras autour de ses épaules. Effy avait bien remarqué que son amie était assez tactile et particulièrement généreuse en baisers lorsqu'il s'agissait de son frère -qui donnait alors davantage l'impression de protester pour la forme qu'autre chose-, mais elle n'avait encore jamais surpris un tel instant de complicité entre elle et James. De manière générale, le jeune homme lui paraissait bien éloigné de l'ensemble de ses cousins. Même Fred dont il prétendait être proche ne passait que peu de temps avec lui à Poudlard et n'avait pas encore fait la moindre apparition chez lui depuis le début de l'été. Cette vision lui fit donc plaisir et lorsqu'elle parcourut les quelques mètres la séparant du téléphone pour s'emparer de ce dernier, elle se sentit emplie d'une bonne volonté qu'elle croyait bien disparue à peine quelques minutes auparavant.

Toute sa bonne volonté s'évanouit cependant lorsqu'elle plaça le combiné près de son oreille. Il ne lui fallut pas moins de deux minutes entières pour composer le numéro griffonné dans son dossier, tant ses mains étaient agitées. Au bout du troisième essai, elle parvint finalement à taper entièrement les chiffres indiqués. Elle eut alors la sensation que son cœur était compressé dans sa poitrine, au point qu'elle eut presque du mal à respirer. Elle craignit même un instant de refaire la même crise de panique que la veille, sans personne cette fois-ci à ses côtés pour la rassurer et la calmer. Le son indiquant que quelqu'un avait décroché à l'autre bout de fil coupa cependant court à ses pensées.

- Hailey Rosenbach, bonjour ?

- Bon... bonjour, articula péniblement Effy.

Elle comprit que son interlocutrice attendait qu'elle se présente à son tour, ce qui aurait dû lui sembler tout naturel. C'était elle après tout qui arrachait cette femme à la tranquillité de son après-midi, il fallait au moins qu'elle lui explique pourquoi. Aucun mot ne franchit pourtant ses lèvres.

- Oui ? dit Hailey Rosenbach.

Cette femme n'avait à priori rien d'effrayant, du moins Effy pouvait-elle tenter de lui adresser la parole sans craindre quoi que ce soit. Elle ne lui avait en effet pas encore raccroché au nez malgré son silence qui aurait sans doute braqué bon nombre d'autres personnes. Aussi aimable puisse-t-elle être, sa patience finirait par être mise à bout elle aussi si Effy ne parvenait pas à s'exprimer, aussi se força-t-elle à le faire en gardant le regard braqué sur la café où Rose et James l'attendaient sans doute avec impatience.

Le café où ses amis comptaient sur elle, et c’était bien normal, il s’agissait après tout de ses parents ! Pourtant, depuis le début de leur quête, Effy avait l’impression de s’être bien moins impliquée que eux, et surtout pas aussi bien.

- Je vous appelle à propos de... Je... Enfin...

- Excusez-moi mais je suis pressée, vous avez quelque chose d'important à me dire ?

Effy se murant une nouvelle fois dans son silence, Hailey Rosenbach s'exclama alors :

- Mon Dieu ! Il est arrivé quelque chose à Greg ?

- Qui ? s'enquit Effy, en s'étonnant elle-même de finalement converser.

- Mon mari, il est arrivé quelque chose à mon mari, c'est bien cela ?

- Oh, non ! s'empressa de la rassurer Effy. C'est juste... Je... Je m'appelle Effy Peterson et je voudrais...

- Effy Peterson ? On se connaît ?

- Peut-être.

- Comment ça, peut-être ? Pourquoi m'appelez-vous, enfin ?

- Je suis à la recherche de... Je...

Alors, s'étonnant une nouvelle fois elle-même mais cette fois-ci très négativement, Effy coupa brusquement court à l'échange en remettant durement en place le combiné. Après cela, il lui fallut à nouveau plusieurs minutes pour retrouver le contrôle de ses membres, qui s'étaient à nouveau mis à trembler sans qu'elle ne puisse les arrêter. Des regards curieux en sa direction la poussèrent à sortir de la cabine téléphonique et à s’en éloigner quelque peu, mais même ainsi ses battements de cœur demeuraient anormaux. Elle tenta tant bien que mal de regagner le café d'une démarche à peu près naturelle, ne souhaitant pas éveiller l'inquiétude de ses amis -surtout de Rose, qui la trouvait déjà presque toujours malade bien qu'elle s'efforçât de lui rappeler que sa pâleur et sa maigreur étaient chez elle tout à fait normales.

C'était sous-estimer leurs capacités d'observation puisqu'ils ne prononcèrent pas un mot lorsqu'elle regagna sa place, préférant attendre qu'elle ne prenne la parole la première. Or, lorsque tout était normal, Rose parlait toujours la première et pendant très -voire trop- longtemps. Quant à James, il ponctuait la conversation de remarques tantôt humoristiques, tantôt septiques, et Effy les écoutait gaiement en n'intervenant que lorsque cela était nécessaire. Si aucun des deux sorciers lui faisant face ne pipait mot, c'était qu'ils se doutaient parfaitement que quelque chose était allé de travers.

- Désolée, lança alors Effy en contemplant son chocolat devenu tiède avec un soin tout particulier.

- Ça n'a pas marché ? s'enquit Rose.

- Tu n'as pas réussi à lui expliquer, devina James en même temps que sa cousine questionnait Effy.

Ce n'était pas une question et cela soulagea quelque peu Effy, qui n'avait guère envie de devoir prononcer de tels mots elle-même. Elle se demanda vaguement comment James avait pu comprendre aussi vite, avant de reporter son attention sur Rose dont les sourcils étaient anormalement froncés.

Elle n'avait pas été le témoin de l'angoisse d'Effy, la veille, et son incompréhension était donc bien plus grande que celle de James qui lui, s'était préparé à ce que d'autres scènes de ce genre ne se déroulent par la suite. La crise d'Effy avait été bien trop violente pour n'être qu'une réaction anodine ou isolée.

La dernière fois que James avait été confronté à de telles situations remontait à des années, lorsque son petit frère avait souffert de phobie scolaire. Cela s'était traduit par quelques épisodes spectaculaires qui avaient toujours laissé James très indécis sur ce qu'il convenait de faire. A cette époque, il se contentait donc d'être le plus gentil possible avec Albus, espérant ainsi ne pas créer de nouveaux problèmes à son cadet. Depuis, ce dernier avait quitté l'école primaire pour Poudlard et la transition s'était remarquablement effectuée. Bien que timide et discret, il s'épanouissait entre les murs du vieux château et s'était fait de nombreux camarades.

Alors James avait recommencé ses farces à l'encontre de celui qui, peu à peu, devenait son exact opposé.

- Mais ce n'était pourtant pas si compliqué de lui expliquer la situation, non ? s'exclama Rose à voix basse en arrachant simultanément James et Effy à leurs pensées respectives.

- Non, avoua Effy. C'est juste que... je n'y arrive pas. Je n'ai jamais parlé de ça à personne.

- Tout le monde le sait maintenant, opposa Rose avec un tact frôlant le néant.

- Peut-être, mais je ne l'ai jamais voulu. J'ai dit ça parce que j'étais ivre, dans mon état normal, je n'ai jamais rien confié à personne d'autre que Georgie, Lisa et toi, et pour les deux premières, ce sont elles qui ont deviné les grandes lignes.

- Et moi, comment tu as fait alors ?

- J'étais tellement malheureuse que c'est sorti tout seul, j'avais besoin de quelqu'un à qui me confier. Là, c'est différent.

- Donc il n'y a que ça ? intervint James. Tu as juste peur de raconter ton histoire ?

- Oui, répondit prudemment Effy, qui devinait sans trop de peine que James avait quelque chose derrière la tête et que ce quelque chose n'allait pas lui plaire.

- Parce que Albus a longtemps paniqué comme ça quand il s'agissait de communiquer avec des inconnus. Il réagissait exactement comme toi et exactement dans le même genre de situation.

- Ce n'est pas ça, répliqua Effy d'un ton sans appel.

Ce ton lui était pourtant si étranger que Rose et James devinèrent immédiatement que les paroles de ce dernier avaient fait mouche. Ils n'insistèrent pas, cependant, comprenant bien que la jeune fille n'était pas prête à se confier à ce sujet et que, peut-être, elle ne s'était jamais ouverte à qui que ce soit là-dessus.

James songea alors à leurs premières années à Poudlard. Il se souvenait très bien de sa première rencontre avec Effy dans le train. Elle était déjà avec Lisa, et il n'avait jamais su laquelle des deux avait engagé la première la conversation -même s'il pariait sur Lisa. Georgie était ensuite intervenue et Effy était finalement restée avec les deux filles tout le reste de sa scolarité. Elle les fréquentait exclusivement durant les cinq premières années, puis s'était peu à peu rapprochée du groupe des Poufsouffle en sixième année. Elle n'avait toutefois pas eu le choix, ses deux amies étudiant d'autres options qu'elle. D'ailleurs, James était presque certain là aussi que Brooke, connaissant son caractère extraverti, avait fait le premier pas vers Effy, qui était tout à fait capable de passer une année entière seule dans son coin dans une de ses matières par peur d'engager la conversation avec des élèves qui lui étaient inconnus -cela d'autant plus que Brooke avait une nette tendance à prendre sous son aile toutes les personnes timides n'osant communiquer avec les autres. Quant à Rose, il n'avait pas la moindre idée de la façon dont elles s'étaient acoquinées, mais connaissant sa cousine là aussi, il supposait que leur amitié était du fait de celle-ci. Depuis, Effy discutait tranquillement avec d'autres de ses cousins, notamment Hugo, mais toujours après leur avoir été présentée par Rose.

En somme, elle n'avait jamais recherché le contact avec qui que ce soit. C'était toujours les autres qui s'étaient approchés d'elle, et encore ne les avait-elle pas tous tolérés. Liam Davis, beaucoup trop direct et sociable pour elle, avait ainsi été envoyé sur les choux. Tous les proches d'Effy étaient des personnes relativement discrètes. David était bien trop jaloux pour que quiconque ne s'aventure auprès de Lisa avec des intentions autres que purement amicales, et Georgie ne jouait pas de sa popularité auprès de la gente masculine. Elle ne tolérait qu'un seul garçon à la fois dans son entourage, et avait tendance à privilégier les aventures en-dehors de Poudlard. Rose, elle, aurait facilement pu être aussi aimée que son petit frère -dont les amis ne se comptaient plus, depuis longtemps, sur les doigts des deux mains- mais restait beaucoup trop réservée pour cela. Le contraste entre la Rose de Poudlard et la Rose des vacances était d'ailleurs saisissant pour qui n'y était pas habitué -autrement dit, tout le monde excepté le clan Weasley- et James était d'avis qu'Effy ne tarderait pas à se rendre compte de la chose.

Ainsi plongé dans ses réflexions, le jeune homme ne participa pas à la conversation que sa cousine avait vaguement tenté d'initier avec Effy. Les silences devenant de plus en plus longs et de plus en plus pesants, ils finirent par se séparer en se donnant rendez-vous le lendemain chez les Weasley-Granger -les amis de Lily venaient lui rendre visite et eux n'étaient pas, le moins du monde, réputés pour leur calme.

(…)

- Qu'est-ce que tu fais là toute seule ? s'étonna Hugo qui venait juste de rentrer chez lui et s'apprêtait à se vautrer le moins élégamment du monde dans le canapé du salon.

- Rose est dans la salle de bain, entreprit d'expliquer Effy, et...

- Ah, d'accord, elle a une nouvelle fois piqué une crise devant son armoire en décrétant qu'elle n'avait rien à se mettre, a sorti tous ses vêtements à la recherche d'une tenue potable et a ainsi laissé une pagaille monstrueuse dans votre chambre.

- Voilà, dit Effy en souriant. C'est courant, chez elle ?

- Très. Maman s'évertue pourtant à lui faire plaisir en lui offrant régulièrement de nouveaux habits, mais plus elle en a et moins elle sait comment s'habiller.

- Mais nous n'avons pas prévu de sortir ce soir, on va juste dîner tous ensemble. Pourquoi vouloir s'apprêter juste pour ça ?

- Je te le dis, ça lui arrive tout le temps. Je dirais même qu'elle trouve plus facilement comment se vêtir pour une occasion spéciale que pour une journée ou une soirée banale.

- D'accord.

Le silence s'installa dans la pièce, petite mais chaleureuse, à l'image de la maison des Weasley-Granger. Pelotonnée dans l'un des nombreux plaids jonchant les fauteuils du salon, Effy regardait Hugo en souriant, toujours aussi étonnée et en même temps ravie par la grande proximité entre lui et sa sœur.

Cette proximité la renvoyait très souvent à ce qui avait été un de ses souhaits les plus chers, lorsqu'elle vivait à l'orphelinat et n'avait pas encore eu vent de Poudlard avait toujours été d'apprendre l'existence d'un grand frère. Elle ne s'était jamais imaginé de sœur, mais ses nombreuses lectures lui avait donné l'envie d'un aîné qui serait toujours présent pour la protéger, qui veillerait sur elle dans cet institut si froid et difficile à vivre et qui ferait tout pour leur offrir leur propre foyer. Ce frère l'aurait prise dans ses bras lorsqu'elle aurait eu trop froid et n'aurait osé aller demander à la directrice d'augmenter le chauffage dans sa chambre par crainte d'emprunter seule les escaliers. Ce frère l'aurait défendue contre tous ceux qui auraient voulu s'en prendre à elle pour lui faire payer des actes magiques qu'elle ne parvenait pas même à maîtriser. Ce frère aurait volé des morceaux de chocolat à la cuisine pour les lui donner après le dîner, au cours duquel elle n'avait que trop rarement l'occasion de finir son assiette une fois le regard attentif des surveillants détourné.

Mais depuis que Rose l'avait invitée dans sa famille, elle se prenait à rêver parfois d'un petit frère, comme Hugo, qu'elle pourrait taquiner en jouant de son aînesse.

Les relations entre Rose et Hugo ne ressemblaient cependant en rien à ce qu'elle avait pu connaître ni même soupçonner jusqu'alors. Il était difficile de déterminer qui, des deux, était le plus âgé ou du moins le plus mature. Hugo commettait nombre de maladresses et ne cessait d'utiliser la magie alors que son âge ne le lui permettait pas encore, et Rose passait toujours derrière lui pour rattraper ses bêtises. Mais à côté de ça, Hugo couvrait sa sœur lorsqu'elle faisait le mur -ce qui ne lui était pas encore arrivé depuis qu'Effy était présente mais qui était apparemment régulier- et corrigeait lui aussi ses impairs, bien qu'ils soient très différents de ceux d'Hugo. Rose était en effet beaucoup plus respectueuse des règles que son frère -du moins, tant qu'il n'était pas question de sortir le soir-, mais n'avait ni le même tact ni la même aisance que lui. Elle se brouillait ainsi facilement avec ses cousins du fait de son manque parfois criant de subtilité et c'était dans ce cas Hugo qui se chargeait de rabibocher tout ce petit monde. Il intervenait beaucoup moins dans les affaires de Rose à Poudlard, mais cette dernière avait finalement assez peu d'amis au sein du château et les avait apparemment bien choisis puisque tous acceptaient parfaitement son caractère parfois difficile.

- Dis Effy, tu essayes de retrouver tes parents, c'est bien ça ? lâcha soudain Hugo.

La jeune fille accusa le coup. L'air de son interlocuteur ne lui laissait toutefois guère de doutes quant à ce qu'il savait déjà et elle préféra donc ne pas tenter le mensonge, qui ne lui réussissait pas toujours bien.

- On peut dire ça, ouais.

- Ça ne doit pas être facile.

- Si ça l'était, je les aurais peut-être déjà retrouvés depuis longtemps.

- Non, je veux dire, d'en parler avec d'autres gens. Moi je ne saurais pas mettre de mots dessus, dit Hugo en la regardant droit dans les yeux.

Les soupçons d'Effy quant au degré de confiance qu'accordait Rose à son frère lui parurent soudain confirmés. Cette réplique tombait beaucoup trop bien pour n'avoir pas été soufflé par quelqu'un d'extérieur. Quelqu'un qui ne pouvait être que Rose ou James puisqu'eux seuls avaient fait face aux angoisses d'Effy lorsqu'il était question d'évoquer son passé.

- Rose me raconte tout, tu sais, avoua finalement Hugo, préférant que les choses soient claires. Ça a toujours été comme ça, ne lui en veut pas trop.

La colère avait en effet été le premier réflexe d'Effy à l'entente de la réplique d'Hugo, mais son amitié envers Rose prit bien vite le pas sur ce sentiment.

- J'aurais adoré avoir une relation comme la vôtre, répondit-elle en esquissant un sourire qui se voulait sincère.

Elle songea que ses relations avec Hugo, aussi ponctuelles étaient-elles dans le vieux château, seraient très certainement différentes maintenant. Puis, elle réalisa qu'il devait savoir depuis bien longtemps, tout comme ses parents, d'ailleurs, qui l'avaient si généreusement accueillie pour les fêtes. Pour autant, jamais son comportement envers elle n'avait été différent et Effy se confronta alors pleinement à la fameuse barrière dont lui parlait Rose. Tout pouvait très bien continuer à se dérouler normalement au sein de cette famille envers laquelle elle se sentait si reconnaissante. Hugo était assis sur le canapé avec elle et la regardait en souriant, un gilet en lin négligemment posé sur son épaule et une grande tasse de thé à la main. C'était le même thé qu'il buvait chaque matin, et presque à chaque fois qu'Effy s'était retrouvée à ses côtés, le même thé qu'il partageait avec elle depuis qu'elle lui avait confié en adorer l'odeur. Jamais son comportement envers elle n'avait été différent, tout au plus était-il plus familier maintenant qu'ils vivaient sous le même toit.

Si leurs liens venaient à se dissoudre, Effy en serait la seule et unique responsable. Et elle n'en avait pas envie, pas le moins du monde, dusse-t-elle se battre contre elle-même.

Elle avait enfin l'impression d'avoir trouvé une famille. Et elle n'était pas prête à y renoncer.

- Quels sont tes plans pour demain ? demanda-t-elle alors sur un ton faussement négligé.

Le sourire de Hugo se fit plus large encore, comme s'il avait été dans sa tête durant ces dernières minutes aux cours desquelles Effy s'était livrée à un nouveau grand débat intérieur :

- Je vais faire un tour chez les Potter, je pense. Voir les amis de Lily.

- Vous avez des amis communs ? Je ne l'ai jamais remarqué, dit Effy en fronçant les sourcils.

- Je ne suis pas spécialement proche de Lily, mais on traîne parfois ensemble comme on a le même âge.

- Tu es proche de qui alors, dans ta ribambelle de cousins ?

- De Rose.

La réponse étonna Effy. Elle n'avait plus besoin de la moindre preuve quant à la profonde affection qu'éprouvaient l'un pour l'autre le frère et la sœur, mais elle était si habituée, à Poudlard, à voir les cousins se mélanger de sorte à ce que pratiquement aucun ne restait avec sa fratrie qu'elle n'avait jamais particulièrement prêté attention aux liens unissant les Weasley-Granger au reste de leur famille.

- Je voulais dire à part Rose.

- Je ne passe pas beaucoup de temps avec mes cousins. Il n'y a que Molly que j'adore vraiment, mais c'est différent, elle est plus jeune que moi et elle a pas mal de problèmes, je l'ai un peu prise sous mon aile depuis que nous sommes tout petits.

- Pourtant beaucoup de tes cousins passent du temps ensemble.

- Oui, parce que tu remarqueras que les fratries ne sont pas très unies. Molly et Lucy se déchirent, Roxanne a une relation incompréhensible avec Freddy qu’elle jalouse et admire à la fois, celle qui lie Victoire à Dominique est bien trop exclusive pour laisser la moindre place à Louis et je crois que tu sais bien maintenant que ce n'est pas toujours la joie chez les Potter. Alors Rose et moi, on a toujours été un peu... seuls contre les autres, en fait.

- Et James...

- James fait des efforts cet été mais ce n'est facile pour personne. Rose et lui s'entendaient bien avant Poudlard mais depuis, ils ont presque cessé de se fréquenter et moi, c'est encore pire. Je ne sais pas trop quoi dire quand je suis face à lui donc c'est gênant. Cela dit, je ne serais pas mécontent que nous soyons plus proches. Cela vaut pour tous mes cousins, même. C'est juste que les choses ne se sont jamais faites ainsi jusqu'à présent.

Voyant qu'Effy n'osait plus alimenter la conversation, trop mortifiée à l'idée de commettre une gaffe après s'être aventurée sur un terrain visiblement dangereux, Hugo lança en guise de conclusion :

- Tu devrais en parler à Rose, un de ces jours. J'ai toujours pensé qu'elle aurait besoin de se confier à quelqu'un d'autre, à propos de tout ça.

Effy se retint de justesse de lancer un « tout ça quoi ? », n'étant pas certaine d'avoir tout saisi de la question de Hugo, mais Rose venait justement de faire irruption dans la pièce, absolument pas vêtue de la tenue qu'Effy l'avait vue emporter avec elle dans la salle de bain mais surtout, les joues rouges d'excitation.

- Effy, j'ai une super nouvelle !

D'ordinaire, Rose aimait laisser ses phrases en suspens de la sorte et provoquer l'exaspération des gens autour d'elle qui ne rêvaient que de connaître le fin mot de l'histoire, mais elle était elle-même bien trop gagnée par la fébrilité pour ne pas lâcher les mots qui apparemment lui brûlaient les lèvres :

- On déjeune avec Hailey Rosenbach demain midi.

- Pardon ? manqua de s'étouffer Effy.

- J'ai chipé le téléphone portable de Maman et j'ai recomposé le numéro. Je n'étais pas sûre que tu apprécies mais tu te rends compte, Effy ? On va enfin pouvoir avancer !

- Oui, murmura la jeune fille. Mais je te rappelle que le nom de Peterson ne lui disait rien.

- Je sais, elle me l'a confirmé, mais elle accepte quand même de nous rencontrer. Et puis, peut-être que la phrase pourra nous aider !

- Oh Merlin, la phrase ! s'exclama alors Effy. La lettre !

Sous les yeux écarquillés de Rose et Hugo, qui l'avaient rarement entendue s'écrier de la sorte, Effy bondit du canapé et se précipita dans la cuisine où le courrier attendant chaque jour d'être lu. Elle fouilla avec frénésie parmi la pile d’enveloppes enchevêtrées, pile dont la hauteur l'avait impressionnée le jour où elle était arrivée –les carrières de Ron et Hermione incluaient visiblement un grand nombre de contacts. Enfin, parmi toutes ces lettres qui ne lui étaient pas adressées, Effy tomba sur celle dont l'écriture lui était plus que familière.

« 14 juillet 2022

Chère Effy,

Georgie a réussi à me contacter par cheminée à peine une seconde avant que je ne reçoive ta lettre. Comme je le lui ai donc déjà dit, vous avez bien fait de m’envoyer cette citation parce qu’elle me disait en effet quelque chose ! J’ai farfouillé parmi mes innombrables carnets, impossible de me souvenir dans lequel je l’avais consignée. Puis, j’ai pensé qu’elle ressemblait fortement à un proverbe alors j’ai pris le carnet que je leur dédie et c’était ça ! « L’espoir est le dernier à mourir » est un proverbe brésilien.

Tu te doutes bien que Georgie et moi attendons avec impatience ta lettre détaillée pour connaître les derniers rebondissements de votre enquête. En attendant, j’espère que cette information t’aidera d’une manière ou d’une autre, même si je ne comprends pas bien ce qu’un tel proverbe pouvait bien fabriquer dans ton dossier. Je pense que l’on peut éliminer les origines brésiliennes vu ta pâleur (ou alors, elles sont vraiment très lointaines). En fait, je me demande s’il n’a pas plutôt un rapport avec le numéro de téléphone…

J’espère que tu vas bien, ainsi que Rose et James !

Bien à toi,

Lisa »

End Notes:
Merci d'avoir lu ! On se retrouve la semaine prochaine avec La résolution.

Je me répète, mais n'hésitez pas à me laisser votre avis dans une review. C'est le seul salaire d'un auteur et la seule récompense pour les heures consacrées à l'écriture. Il paraît même que ça sauve des bébés phoques en plus :)
La résolution by Bloo
Author's Notes:
J'aimerais vous remercier pour les reviews du chapitre précédent, mais vous n'avez laissé aucune alors...

Merci à flo pour son précieux soutien.

Bonne lecture à ceux qui sont ici.

« 15 juillet 2022

Cher Oliver,

Ça y est ! Enfin, je peux t’annoncer une bonne nouvelle en t’écrivant cette lettre. Le dossier auquel nous avons finalement pu accéder nous a permis de prendre contact avec une certaine Hailey Rosenbach, qui devrait donc d’une manière ou d’une autre nous apporter les indices supplémentaires dont nous avons bien besoin. Nous la rencontrons aujourd’hui, avec Rose et James, et j’espère pouvoir dès ce soir t’adresser un nouveau hibou porteur de bonnes nouvelles. J’espère que tu y répondras.

Oliver, je suis sincèrement désolée si mon comportement lors de l’anniversaire de James t’a blessé. Je ne voulais surtout pas de paraître froide ou indifférente, crois-moi. J’ai juste eu l’impression que tu ne cherchais qu’à embêter James et puis, je n’ai pas besoin de te rappeler à quel point les contacts physiques me mettent mal à l’aise. Ton geste m’a prise au dépourvu. Je ne veux pas que cela puisse te faire douter, d’une quelconque manière que ce soit, de l’amitié que j’éprouve à ton égard.

J’attends donc avec impatience un courrier de ta part !

Affectueusement,

Effy »

Sa lettre était à peine achevée qu'Effy dévala les escaliers en priant pour ne pas manquer une marche au passage. Rose avait oublié de mettre son réveil et les deux filles s'étaient donc réveillées en retard, avant d'être pressé par James, bien à l'heure lui, et qui ne cessait depuis qu'il était arrivé de leur dire de se dépêcher. Cela avait fini par énerver Rose qui n'aimait pas du tout être pressée de la sorte le matin et tout particulièrement lorsqu'il était question de s'habiller. Effy avait profité de l'une de leurs disputes pour achever sa missive en espérant qu'aucun d'eux ne s'en rendrait compte, certaine si tel était le cas de devoir subir leurs foudres. Contrainte de faire au plus vite, elle espérait qu'Oliver comprendrait ce qu'elle avait voulu lui dire en couchant enfin ses pensées sur le papier, pour la première fois depuis leur dernière rencontre. Elle avait d'ailleurs particulièrement appuyé sur le « affectueusement », par lequel elle ne signait d'ordinaire jamais la moindre lettre, priant pour que son ami comprenne le message. Outre son rejet farouche des disputes avec ses proches, Effy avait suffisamment d'autres soucis en tête sans devoir en plus se préoccuper d'une éventuelle réconciliation avec Oliver.

- On peut y aller ou l'une de vous doit encore se pomponner ? maugréa James en levant les yeux au ciel.

- Remballe tes commentaires sexistes, James, même toi tu vaux mieux que ça je t’assure, répliqua Rose.

- C’était juste un constat lié au temps que vous passez dans…

- Un constat sexiste, le coupa Rose. Et stupide en plus. On est juste deux alors que toi t’es seul, forcément aussi.

- Où Hailey nous a-t-elle donné rendez-vous, déjà ? interrogea Effy en priant pour qu'aucun de ses amis ne relève sa piètre tentative de détournement.

Ce ne fut pas le cas puisque tous deux lui avaient déjà rappelé plusieurs fois l'adresse cette même matinée, alors qu'ils commençaient à s'envoyer des pics et que déjà, Effy s'écharpait à les calmer. Ils comprirent cependant tous les deux le message et s'abstinrent du moindre commentaire, bien que leurs mines fussent encore quelque peu colériques.

- C'est dans un quartier assez proche de notre Chemin de Traverse, donc on va prendre la cheminée jusqu'au Chaudron baveur.

Effy hocha la tête et suivit alors Rose dans le salon où les restes d'un feu fumaient encore, signes du temps très peu estival qui durait depuis plusieurs jours déjà. Les uns à la suite des autres, les trois jeunes s'emparèrent d'une poignée de poudre de Cheminette et disparurent dans l'âtre, Rose fermant la marche pour s'assurer qu'Effy ne fasse pas de faute de prononciation, elle qui pouvait balbutier fortement dès qu'il était question de quoi que ce soit ayant un rapport même lointain avec son passé. Contrairement aux jours précédents, la jeune fille paraissait toutefois être assez calme et son visage ne trahissait aucune émotion, ce qui était chez elle peu courant. Rose comme James en déduisirent donc que, pour une raison inconnue, elle n'appréhendait pas tant leur rencontre avec Hailey Rosenbach que ce qu'ils avaient craint. Si tel avait été le cas, elle n'aurait jamais été capable de le leur cacher, son corps parlant toujours pour elle.

Ils saluèrent Hannah lorsqu'ils furent tous arrivés au Chaudron baveur, et Effy apprit à l'occasion qu'elle était une des amies du clan Weasley -la jeune fille se demanda d'ailleurs avec effarement de combien d'amis disposaient encore les parents de ses camarades. Très bavarde, elle ne les laissa partir qu'après leur avoir longuement parlé du voyage qu'elle et Neville s'apprêtaient à effectuer en Asie sur les conseils d'une certaine Cho Chang. Il fallut toute l'insistance de James jointe à la franchise désarmante de Rose pour qu'elle consente à les laisser partir, non sans les avoir au préalable dépoussiérés à l'aide sa baguette.

- Nous sommes en retard, maugréa Rose après avoir jeté un coup d'œil à sa montre.

- La prochaine fois, on s'abstiendra de passer par le Chaudron baveur, approuva James en accélérant le pas.

- Oh ! Mais Hannah est très gentille, opposa Effy tout en priant pour que Hailey Rosenbach ne soit pas trop à cheval sur la ponctualité.

- Oui Effy, tout le monde est gentil et le monde est merveilleux, la railla Rose.

Il fallut à la concernée toute sa bonne volonté et surtout toute son envie d'enfin en savoir plus quant à son passé pour ne pas s'arrêter net à cause de la rudesse des mots de Rose. Elle tenta immédiatement de se raisonner, arguant que son amie n'était après tout pas au courant de son histoire et n'avait certainement pas prononcé à mal cette phrase. D'ailleurs, elle était vraiment gentille, c'était même souvent le premier adjectif qu'utilisaient les gens pour la définir, à Poudlard. Elle savait bien que nombre d'élèves prenait même cela pour de la naïveté, mais elle ne s'en était jamais préoccupée jusqu'à lors. C'était bien là la seule chose courageuse qu'il lui semblait n'avoir jamais effectuée dans sa vie ; ne pas devenir ceux qu'elle avait tant abjuré au cours de son enfance. Elle n'était pas comme ça. Peu importait ce qu'on lui ferait subir, elle resterait quelqu'un de bien. Ce serait sa revanche à elle.

Du moins, tant que ses propres amis ne viendraient pas la remettre en question.

- C'est ici.

La voix de James ramena brusquement Effy à la réalité. Tous les trois se tenaient devant un petit restaurant dissimulé dans une étroite ruelle. Effy songea qu'elle ne se serait jamais aventurée seule dans un tel lieu, mais Hailey Rosenbach devait certainement savoir où elle les invitait. Elle se mit alors à la recherche de la jeune femme et en aperçut très vite une aux cheveux clairs assise seule à une table de quatre. Elle n'était pas encore servie et jetait régulièrement des coups d'œil vers l'entrée.

- Je crois que c'est elle ! s'exclamèrent en chœur les trois sorciers.

Leur parfaite coordination les fit sourire et la tension qui était encore palpable depuis les éclats de voix de Rose et James retomba doucement. Rose la première ouvrit alors la porte du restaurant et s'avança à la hauteur de la jeune femme, qui à son sourire timide leur donnait la confirmation de son identité.

- Rose Weasley, se présenta la dénommée en tendant la main à Hailey Rosenbach.

À leur tour, James et Effy déclinèrent leur identité et prirent place aux côtés de la jeune femme. Un serveur vint presque immédiatement leur proposer un apéritif et Rose s'empressa de commander trois bières, en prévision d'une éventuelle gaffe de James -il n'était que peu habitué à fréquenter le monde moldu.

- Donc, vous êtes à la recherche de quelqu'un, c'est bien cela ? demanda Hailey Rosenbach sans prendre de détours bien que sa voix fut légèrement chevrotante.

- Nous recherchons mes parents, acquiesça Effy.

- Je vous ai dit que le nom de Peterson ne m'évoque rien.

- En êtes-vous vraiment certaine ? insista James. Parce que dans le dossier de notre amie, il y a votre numéro de téléphone qui était indiqué.

- C'est votre numéro depuis longtemps ? s'enquit alors Rose en fronçant les sourcils.

- Près de vingt ans. Je me suis fiancée au lycée et j'ai presque aussitôt emménagé avec celui qui est toujours mon mari aujourd'hui. Un choix que tout le monde n'a pas forcément approuvé à l'époque, je m'en souviens bien, narra Hailey avec amertume.

- Vous avez été à l'école à Londres ?

- Toute ma scolarité, oui. Je n'y ai jamais connu de Peterson, ni plus tard dans ma vie professionnelle. Vraiment, je... je ne comprends pas.

- Cela pourrait-il avoir un rapport avec votre mari, alors ? interrogea James.

- Je ne crois pas. Il n'a pas effectué ses études à Londres et il n'y vivait même pas durant nos premières années de fiançailles. Ce n'est qu'une fois mariés qu'il a pu me rejoindre.

Alors que Rose et James posaient toujours plus de questions à la jeune femme qui paraissait très gênée de ne pouvoir leur accorder de réponse satisfaisante, Effy tentait tant bien que mal de dissimuler son trouble. Elle s'était étonnée de la facilité avec laquelle elle avait informé Hailey de son statut d'orpheline. Celle-ci lui étant parfaitement inconnue, elle avait songé que ça n'était pas important au sens où elle ne serait probablement jamais plus confrontée à son regard. Mais maintenant que leur enquête paraissait devoir, une nouvelle fois, rester au point mort, son cœur se mettait à nouveau à battre à un rythme anormal et Effy dut même retenir à grande peine les larmes qui menaçaient de couler le long de ses joues.

- L'espoir est le dernier à mourir, lâcha alors Rose en mettant fin à un silence qui venait de s'installer.

- Pardon ?

- C'est un proverbe brésilien qui était inscrit juste au-dessous de votre numéro de téléphone. Il vous dit quelque chose ?

- Non, je...

Le silence s'abattit à nouveau sur leur table mais cette fois, il n'était plus ni lourd ni gêné. Pour la première fois, Hailey Rosenbach paraissait se remémorer quelque chose et son air concentré redonna espoir à Rose et James tandis qu'Effy, elle, essayait tant bien que mal de contenir ce sentiment afin de ne pas être trop déçue s'il venait à être brisé.

- Attendez, dit finalement Hailey.

Suspendus à ses lèvres, aucun des trois amis ne prononça un mot, attendant que la jeune femme prenne la parole la première. Elle semblait toujours profondément plongée dans ses pensées et l'attente dura encore une longue minute qui leur parut à tous interminable avant qu'un grand sourire n'illumine finalement son visage.

- Teresa Luis, prononça-t-elle alors.

- Qui ça ? s'enquirent simultanément Rose et James.

- Ce nom ne me dit rien du tout, commenta Effy en fronçant les sourcils.

- Je n'en reviens pas de ne pas y avoir pensé avant. Ah, Teresa... elle était pourtant le genre de filles à côté desquelles il est impossible de passer. Elle dirigeait l'équipe des poms poms, précisa Hailey.

Un coup de coude absolument pas discret de Rose empêcha James de poser la question qui lui brûlait les lèvres tandis qu'Effy reprenait :

- Et quel est le rapport avec moi ?

- Teresa était très populaire à l'école. Elle était toujours entourée d'une bande d'amis qui paraissait l'adorer. Et... je crois bien que l'une d'entre elles s'appelait Peterson.

- Vous voulez dire que cette Teresa Luis pourrait nous mener à un parent d'Effy ?

- Il faudrait la contacter. Je ne suis pas certaine, je ne veux pas vous lancer sur une fausse piste. Mais Teresa était bien Brésilienne et je suis quasiment certaine maintenant que l'une de ses amies se nommait Peterson. Une grande fille blonde, si je me souviens bien.

Hailey Rosenbach regarda alors attentivement Effy, d'une façon si insistante que celle-ci rougit fortement et retint à grande peine l'envie qui la prenait de baisser la tête. Certainement, Hailey était à la recherche d'une quelconque ressemblance entre cette fille blonde et elle, mais Effy ne s'attendait à rien du tout. Elle avait toujours pensé que ses parents devaient avoir les mêmes cheveux auburn qu'elle, la couleur étant plutôt rare et ne devant pas sortir de nulle part. Elle était en outre très petite et ne se trouvait donc pas la moindre similitude avec le maigre portrait esquissé par Hailey. Peut-être cette Peterson n'avait aucun lien de parenté avec elle, si tant est qu'elle était bel et bien une Peterson. Même Hailey n'en paraissait plus tout à fait certaine maintenant qu'elle confrontait Effy à la jeune fille de son souvenir.

- Écoutez, finit-elle par dire, je vais essayer de contacter Teresa. Et si j'y arrive, je la redirigerai vers vous.

- Vous ne pouvez pas nous en dire plus sur cette fille blonde ? demanda Rose.

- Elle était d'une année au-dessous de moi, je n'ai jamais été dans sa classe. Je savais plus de choses sur Teresa parce que tout le monde ne parlait que d'elle, dans les couloirs, mais je ne peux rien vous apprendre de plus sur son entourage. Contrairement à eux, j'étais loin d'être aussi appréciée et donc aussi au fait de la vie du lycée.

- Mais pourquoi votre numéro est-il indiqué sur le dossier d'Effy ? Teresa ou l'une de ses amies le connaissait ?

- Mon numéro, non, je ne fréquentais que très peu les autres jeunes de mon établissement. Mais c'était une petite école, vous savez, et tout s'y savait toujours. Mes fiançailles ont fait de moi un sujet de conversation idéal pendant plusieurs semaines, j'imagine que mon nom a donc dû marquer l'esprit de pas mal d'étudiants de ces années.

Le ton d'Hailey était très amer et personne n'osa donc pousser plus loin la conversation. Ils avaient obtenu ce pour quoi ils étaient venus de toute façon. Hailey ne leur en apprendrait certainement pas plus pour aujourd'hui, aussi James détourna-t-il habilement la conversation sur un sujet plus neutre qui permit à tout le monde de participer, même Effy dont les phrases restaient cependant laconiques. Elle était bien disposée à croire que cette Teresa Luis pourrait la rapprocher du chemin de ses parents, mais il lui faudrait pour cela faire à nouveau preuve d'une grande patience. Attendre quelques jours aurait pourtant dû lui paraître tout à fait anodin : après tout, cela faisait bien seize ans déjà qu'elle patientait. Mais c'était justement parce que cette attente avait déjà été si longue qu'Effy ne croyait pas être capable d'en supporter davantage. Se lancer dans cette enquête l'avait confrontée à tous les espoirs qu'elle avait jusqu'à présent refoulés tant bien que mal. Cela avait réveillé ses craintes mais également ses rêves passés, et elle n'était maintenant plus capable de les ignorer et de faire comme s'ils n'existaient pas, comme s'ils n'affectaient pas sa vie à un point que ni même Georgie et Lisa ne pouvaient soupçonner.

Les jours à venir seraient particulièrement pénibles à supporter.

(…)

Deux jours s'étaient écoulés depuis la rencontre avec Hailey Rosenbach. Cette dernière avait recontactée Rose pour lui apprendre que Teresa était apparemment partie s'installer au Brésil depuis plusieurs années déjà et qu'elle continuait à chercher un moyen de la contacter. En attendant, il leur fallait prendre leur mal en patience.

Effy n'avait toutefois guère eu l'occasion de se tracasser à propos de cette Teresa puisqu'une autre source d'angoisse s'était imposée à elle : Molly et Arthur Weasley invitaient toute la famille à les rejoindre au Terrier pour la fin de semaine et Effy était apparemment comprise dans la famille. Cette sollicitude l'avait grandement touchée, avant qu'elle ne réalise ce que cela impliquait : elle allait se retrouver au beau milieu d'une tribu bruyante au sein de laquelle elle serait la seule parfaite inconnue. Elle n'avait osé le confier à Rose, qui paraissait bien trop excitée à l'idée de revoir ses grands-parents pour comprendre l'appréhension de son amie -elle ne la comprendrait jamais vraiment, de toute façon, elle qui était issue d'une si grande famille.

Résolue pourtant à faire de son mieux pour ne pas être perçue comme l'intruse, Effy s'arma de tout son courage un bon matin et vint toquer à la porte du bureau de Ron Weasley, alors que Rose se trouvait sous la douche et chantait à tue-tête une mélodie qui résonnait jusqu'au rez-de-chaussée.

- Oui ?

Profondément gênée, Effy réalisa que Ron Weasley devait certainement être en train de travailler et qu'elle allait le déranger pour ce qui lui paraîtrait sans doute être des futilités. Maintenant qu'elle avait signalé sa présence, elle ne pouvait toutefois se dérober et elle ouvrit la porte en déglutissant, plus aussi certaine tout à coup de son idée qui à peine quelques minutes auparavant lui paraissait encore être brillante.

- Un problème Effy ? s'étonna Ron, qui était effectivement en train de travailler à en croire la pile de parchemins sous ses yeux.

- Non, pas du tout, tout va très bien, je me demandais juste si... vous savez, à propos de ce dimanche...

- Ça ne t'embête pas trop de te retrouver là ? s'enquit alors Ron. Je comprendrais que ça puisse paraître gênant...

- Non, au contraire ! C'est juste, ce qui serait gênant, et bien... Vous avez une très, très grande famille et j'ai un peu peur de ne pas connaître tous les noms, vous comprenez ?

- Oh ! comprit Ron. Une chance pour toi, j'ai gardé un des vieux devoirs d’Hugo...

Joignant le geste à la parole, il se mit à farfouiller dans les nombreux tiroirs de son bureau jusqu'à en retirer une petite liasse de parchemins qui parurent à Effy étonnement jaunis.

- Quand il était encore à l'école primaire, Hugo a dû réaliser son arbre généalogique. Je ne te raconte pas le travail, on y a passé des jours et j'ai dû appeler mes parents à la rescousse pour le compléter ! s'exclama Ron avec un grand sourire attendri à l'évocation de ce souvenir.

Le même sourire se dessinait sur le visage d'Effy qui après plus de deux semaines passées au sein de cette maison ne se lassait toujours pas de l'ambiance qui y régnait. Le calme chez les Potter la mettait extrêmement mal à l'aise du fait de la tension que l'on devinait derrière et les quelques fois où elle avait eu l'occasion de se rendre chez Georgie ou Lisa ne lui avaient guère laissée de meilleure impression. L'atmosphère familiale chez les Weasley-Granger lui rappelait non sans émotion les rêves les plus fous auxquels elle aspirait lorsqu'elle n'était encore qu'une petite orpheline perdue parmi tant d'autres. C'était un havre de paix duquel elle n'aurait plus jamais voulu s'extraire.

- Bref, je te le donne, mais fais attention, il y a beaucoup de pages et tu risques de vite t'embrouiller si tu les mélanges !

Effy s'empressa de prendre les feuilles que Ron lui tendait et laissa échapper un petit rire en constatant que l'écriture d’Hugo était déjà particulièrement brouillonne à l'époque. Cela ne s'était pas arrangé avec les années, au grand désespoir d’Hermione qui ne cessait de lui marteler l'importance que pourrait avoir sa façon de rédiger dans bon nombre de métiers.

- Vous êtes effectivement très nombreux, laissa finalement échapper Effy en parcourant rapidement les parchemins.

- Je te rassure, tout ce petit monde là est très loin de tenir au Terrier. Pour dimanche, tu peux te contenter de mes frères et de ma sœur ainsi que de leurs enfants, ce sera déjà largement suffisant.

- Vous voyez de temps en temps d'autres de vos cousins ?

- Rarement. Les frères de mon père sont morts ainsi que ceux de ma mère, et ils n'entretiennent pas de relations particulières avec leurs cousins. Nous ne les avons jamais beaucoup fréquentés durant notre enfance et eux-mêmes n'ont pas cherché à nous contacter lorsque nous avons grandi.

Tout à coup très gênée d'avoir osé poser des questions d'ordre assez personnel à Ron Weasley, Effy rougit de la tête aux pieds et ne prononça plus le moindre mot. La famille était pourtant un sujet qu'elle évitait ordinaire d'aborder du fait de la méconnaissance totale qu'elle en avait. Tout ce que son expérience lui avait apprise au fil des années était que des cadavres existaient toujours dans les placards familiaux et qu'à défaut de ne pas le savoir, mieux valait ne pas s'aventurer sur le sujet afin d'éviter toute maladresse. Les Weasley lui avaient toujours paru être très unis, lorsqu'elle voyait tous ces cousins se fréquentant à Poudlard, ou lorsqu’elle entendait parler par Rose ou Hugo des grandes réunions familiales au fameux Terrier qu'elle connaissait avant même d'y mettre les pieds. Force lui avait été de constater que la réalité était bien plus nuancée que cela et elle évitait depuis de s'interroger à ce propos –du moins ne le faisait-elle qu’avec Rose, qui répondait elle-même toujours très évasivement à certaines de ses questions comme si elle eût préféré ne jamais les entendre formulées.

Tout cela était sans compter sur la prévenance de Ron Weasley qui voyait avec un certain attendrissement en Effy l'enfant maladroit qu'il avait autrefois été et auquel Hermione reprochait si souvent son cruel manque de tact. Seulement, si ce gamin manquait parfois de discernement en ce qui concernait les filles –et tout particulièrement Hermione- quand Effy, elle, ne savait pas comment se comporter avec les gens en général. Et cela déchirait le cœur de Ron, qui avait consacré sa jeunesse à lutter contre l'injustice mais qui devait admettre une vérité qu'il avait si longtemps voulu repousser : il ne pourrait jamais aider tout le monde. Il n'avait pas pu aider Effy lorsque sa crainte des personnes avait été déclenchée, tout comme il n'avait pas pu aider autant de gens qu'il l'aurait souhaité, il y avait tant d'années, lorsqu'il avait lutté avec toute la force de ses idées. Il lui arrivait encore maintenant de croiser des enfants de la guerre, des enfants ayant grandi avec l'absence d'un être cher, et il comprenait alors avec une parfaite clarté pourquoi Harry ne s'était jamais senti un héros malgré tous ses combats. En dépit de tous ses efforts, Ron n'avait pu empêcher le malheur de s'installer chez certains sorciers. Il savait bien que ce malheur aurait pu être plus conséquent encore s'il ne s'était pas battu et cette perspective lui permettait de tenir, mais une personne malheureuse était toujours une personne malheureuse de trop.

Alors lui et Hermione avaient choisi de prendre Effy sous leur aile pour lui offrir le foyer qu'elle n'avait jamais eu, pour faire plaisir à leur fille également.

Et Ron souhaitait désormais qu'elle se sente membre de cette famille comme sa femme, ses enfants et lui le ressentaient déjà.

- Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, reprit-il alors afin d'intégrer à nouveau Effy à la conversation. Les réunions familiales seraient tout de même bien compliquées à mettre en place s'il fallait vraiment réunir tout le monde !

Le rire d'Effy, même discret, même retenu, suffit à le ravir comme le ravissaient ceux de ses enfants.

- Mais parmi vos cousins, certains ont-ils des enfants ayant l'âge des vôtres ? osa demander Effy.

- Je ne crois pas, dit Ron pensivement. Tu le vérifieras sur l'arbre généalogique mais les derniers enfants des autres branches de la famille avaient déjà quitté Poudlard lorsque Victoire y est entrée. Je me demande si Teddy n'en a pas connu quelques-uns, par contre.

- J'aurais tellement aimé avoir une famille aussi nombreuse, avoua alors Effy.

Se surprenant elle-même de sa brusque confidence, la jeune fille rougit à nouveau brutalement et marmonna de vagues excuses à l'encontre de Ron avant de faire mine de se détourner. Elle eût toutefois le temps de s'entendre dire :

- Tu peux considérer notre famille comme la tienne, Effy.

- Je...

Les mots paraissaient presque être trop communs pour être vrais mais jamais Effy n'avait été aussi bouleversée. Cela devait aisément se lire sur son visage puisque Ron ne s'étonna pas, pas plus qu'il ne chercha à la rattraper, lorsqu'elle lui lança un faible merci avant de se diriger précipitamment vers sa chambre.

Émue aux larmes, elle se félicita pour la première fois que Rose soit capable de rester si longtemps dans la salle de bains. Elle n'avait absolument pas la force de contenir ses sanglots, tout au plus de les étouffer de sorte à n'inquiéter personne dans la maison. Son émotion était beaucoup trop grande, sans qu'elle ne parvienne à déterminer si elle pleurait de joie ou non.

Bien sûr, elle avait toujours rêvé d’entendre de tels mots et aurait normalement dû se réjouir que Ron les ai prononcés. Seulement, ces mots lui rappelaient également avec douleur tout ce qu’elle n’avait pas eu. Si Georgie ou Lisa les avaient entendus, elles auraient été flattées, sans doute, touchées, même. Mais cela ne les aurait pas remuées comme cela pouvait remuer Effy. Et ce n’était pas normal, ça ne l’était pas le moins du monde. La vérité était que cette phrase lui faisait infiniment plaisir… lui faisait beaucoup trop plaisir.

Parce qu’elle n’était pas une fille comme les autres.

Parce qu’elle était une orpheline avant d’être une fille.

Parce qu’elle avait cru toute sa scolarité durant que son passé n’était pas si important et qu’elle pouvait aisément passer outre.

Parce qu’elle s’était lourdement trompée.

L’envie de frapper quelque chose s’imposa alors brusquement à elle et seule la perspective de voir Rose débarquer la retint. Son amie savait d’ordinaire toujours quoi dire pour la calmer, mais elle n’avait pour l’heure pas envie d’être entourée. Il était ainsi des moments durant lesquels même ses amis les plus proches lui paraissaient être bien trop éloignés d'elle pour pouvoir la comprendre. Son secret avait peut-être été dévoilé l’an passé, mais au fond, personne ne connaissait encore vraiment Effy, pas même Lisa et Georgie. Elle restait quelqu’un de profondément secret, et les évènements de fin d’année ne l’incitaient guère à s’épancher dessus. Elle avait déjà détesté affronter les regards emplis de pitié de la quasi-totalité de ses camarades. Il était hors de question qu’il lui faille à nouveau se confronter à quelque semblable épreuve. Elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas se confier à ce point. Elle avait passé tant d’années à refouler avec force son passé qu’elle n’était plus bien certaine de le maîtriser elle-même.

Au fond, elle avait toujours su que tout n’était que leurre. Qu’un jour ou l’autre, il lui faudrait accepter de faire face à son histoire si elle ne voulait pas se faire submerger par celle-ci. Mais elle avait repoussé ce moment, longtemps, trop longtemps. Elle faisait comme si tout allait bien, comme si le fait d’être une orpheline n’était pas si important. Elle avait réussi à convaincre ses plus proches amies que tout était bien et à force, par se convaincre elle-même. Elle avait réussi à faire taire cette petite voix qui lui soufflait que tout n’était pas bien, cette petite voix qui se rappelait encore à elle lorsqu’on l’approchait d’un peu trop près ou qu’il était question de certains sujets sensibles.

Tout cet acharnement était en train de voler en éclats et le plus beau était qu’elle avait longtemps été persuadée du contraire. Elle avait longtemps cru que le jour où, enfin, elle entendrait ces mots qu’elle avait tant rêvés, tout ne pourrait qu’être vraiment bien. Et ça n’était non seulement pas le cas, mais elle se retrouvait en plus confrontée à un bien cruel dilemme.

Ron Weasley venait de lui offrir une famille. Ne serait-il pas plus simple de saisir cette main qui lui était finalement tendue ? Ne serait-il pas plus simple d’apprendre à considérer la maison des Weasley-Granger comme son foyer plutôt que de courir après un autre foyer qui peut-être n’existait même pas ? Ne serait-il pas plus simple de rester entourée de personnes qu’elle appréciait plutôt que de retrouver ses parents qui l’avaient abandonnée, ses parents à cause desquels elle avait traversé tant de choses, ses parents qui lui avaient bien moins offert que Ron et Hermione, ses parents qui l’avaient même privée de tant de choses ?

Les larmes cessèrent de couler le long des joues d’Effy et elle essuya celles qui n’avaient pas encore disparues d’un revers de main. Elle se sentait très calme, tout à coup. L’eau avait cessé de couler dans la salle de bain, ce qui voulait dire que Rose allait certainement bientôt la rejoindre et lui proposer de regarder un film avec Hugo. Hugo qui, en attendant, devait être en train d’initier sa mère au piano suite à la volonté qu’avait manifesté celle-ci d’apprendre à jouer de la musique. Ron appréciait particulièrement cela, et venait toujours écouter sa femme et son fils au salon une fois son travail achevé.

Tout était bien.

Tout pouvait encore être bien.

Alors à quoi bon courir derrière des chimères ?

« 18 juillet 2022

Chère Effy,

Je suis sincèrement désolé de ne répondre que maintenant à ta lettre. J’ai passé quelques jours avec mes cousins et je ne l’ai donc eue qu’à mon retour. Si j’avais su que tu te tourmentais autant, crois bien que je t’aurais répondu le plus rapidement possible.

Je ne suis pas en colère contre toi, depuis l’anniversaire de James. Je le suis seulement contre moi-même. Tu as raison, mon comportement était stupide. Je m’en veux de toujours me comporter de la sorte lorsqu’il est dans les parages et je suis bien obligé d’admettre que j’étais le seul en tort cette fois-ci. Bien que cela m’énerve de le voir t’aider de la sorte après tout ce qu’il a pu te faire subir comme si cela suffisait à se racheter, je n’ai en aucun cas à t’en tenir pour responsable. Et je dois surtout arrêter de faire des choses stupides lorsque tu es près de moi, Effy. C’est une promesse que je te fais. James t’a déjà si longtemps embêtée, je ne veux pas te faire subir la même chose. Tu vaux bien mieux que ça, Effy, tu vaux bien mieux que de tels comportements.

Dans tous les cas, je tiens à te dire que tout va bien entre nous. Que nous sommes toujours amis et que tu es une fille géniale.

Et j’espère sincèrement que tu te portes bien, également, et que tout ira pour le mieux.

Oliver »

End Notes:
Merci d'avoir lu ! Mais j'aimerais aussi vous remercier pour vos reviews, c'est un peu triste sinon, sans ça.

Le prochain chapitre s'intitule Le départ... le départ de qui, à votre avis ?
Le départ by Bloo
Author's Notes:
Pardon de n'avoir pas posté de chapitre la semaine dernière, j'étais en weekend à Cracovie sans mon ordinateur.

Merci à flodalys pour ses précieux conseils.

Bonne lecture !

« 19 juillet 2022

Chère Effy,

Je t’avoue avoir été un peu étonnée par ta dernière lettre : tu n’as plus l’intention de retrouver tes parents ? Excuse-moi mais j’ai l’impression que tu ne m’as pas tout dit : il s’est passé quelque chose de grave ?

Tu sais, tu devrais venir à la maison un de ces jours. Mes parents seraient absolument ravis de t’accueillir, surtout mon père. Il n’arrête pas de se demander pourquoi Merlin je ne traîne qu’avec des garçons (je suis sûre que ça lui ferait plaisir d’enfin voir une fille, il est tellement protecteur quand il s’y met). Heureusement, Maman prend toujours ma défense en lui rappelant Hermione et il ne trouve jamais rien à y redire.

Sinon, à propos de cette histoire entre Hailey et Teresa… Je trouve que ça ressemble vraiment à un bon roman policier. Peut-être as-tu l’impression que vous n’y parviendrez jamais, mais m’est d’avis que tu es plus proche de la vérité que tu ne le penses. Si le numéro de Teresa n’était pas directement indiqué, c’est certainement parce que la personne qui t’a amené à l’orphelinat a cherché à te protéger. De quoi, je ne le sais pas encore. Dis-toi seulement que ce numéro t’aurait certes facilité la vie, mais qu’il aurait également pu guider les personnes cherchant à te retrouver. En fait, peut-être même que…

Effy, il faudrait vraiment que tu viennes chez moi que l’on puisse parler de tout ça, je crois vraiment avoir une idée.

En t’attendant avec impatience,

Brooke »

Effy devait bien admettre avoir été plus qu’intriguée par la lettre de Brooke, d’autant que la jeune fille était capable d’idées très judicieuses. Elle excellait en résolutions d’énigmes, ce qui avait longtemps étonné Effy dont l’esprit était pourtant bien plus logique. Brooke était avant tout intuitive : elle se laissait guider par ses sentiments mais, pour une raison obscure, cela fonctionnait souvent bien mieux que la froide logique d’Effy.

Les bras plus tendus qu'à l'ordinaire, Effy finit toutefois par glisser la lettre parmi toutes celles accumulées depuis le début de l'été et de ne plus y faire attention. Aujourd'hui était un jour important : dans une heure à peine, elle se trouverait au Terrier entourée de tous les membres de la famille proche des Weasley. Autrement dit, la famille qui se proposait de l'accueillir en son sein. Elle ne pouvait décemment pas se permettre de songer à quoi que ce soit d'autre, pas alors qu’enfin, la chance de sa vie se présentait à elle.

Nerveusement, elle se contempla dans le miroir en tirant un peu sur sa robe pour la réajuster. C'était Rose qui lui avait prêté ces vêtements pour l'occasion, en insistant bien sur le fait que cela embellissait Effy et qu'elle devrait parfois songer à davantage se mettre en avant. Elle ne cessait en effet de reprocher à son amie de porter des habits trop amples ne mettant pas en valeur ce qu'elle jugeait être une fine silhouette. Effy n'avait pas riposté, un débat avec Rose sur un tel sujet n'étant absolument pas ce dont elle avait besoin. Elle ne s'était jamais sentie jolie et ne souhaitait pas épiloguer à ce propos. Elle savait d'ailleurs que, peu importe les compliments que lui adresseraient Rose, elle ne pourrait s'empêcher de se trouver maigre plutôt que fine et de vouloir à tout prix le dissimuler.

Ce fut donc avec le rouge aux joues qu'Effy descendit lentement les escaliers pour retrouver Hugo dans le salon. Rose étant partie en avance avec son père aider ses grands-parents à préparer le Terrier -ce qui se faisait à tour de rôle d'après ce qu'Effy avait compris-, la jeune fille avait pris son courage à deux mains et demandé à Hugo s'il accepterait de lui faire réviser les prénoms de ses proches avant qu'ils ne se rendent à leur tour au déjeuner.

- Réviser ? Ce n'est pas un examen, tu sais, tu peux te détendre ! avait-il répondu en riant.

Face à l'air tout à fait sérieux d'Effy, il s'était toutefois empressé d'ajouter qu'il le ferait si elle y tenait, mais que personne ne lui en tiendrait rigueur d'oublier un prénom. De toute façon, les réunions familiales étaient souvent bien trop animées pour que quiconque ne s'attarde sur un détail si anodin.

- Ce ne serait pas une robe de Rose, ça ? s'exclama Hugo lorsque Effy fut finalement arrivée à sa hauteur.

Déjà particulièrement gênée, la jeune fille rougit de plus belle et entreprit une nouvelle fois de tirer sur le délicat tissu qui la mettait bien trop mal à l'aise. Sa longueur ne la dérangeait pas, il lui était arrivé de porter des vêtements bien plus courts encore, mais elle lui collait à la peau et cela, elle n’y était pas le moins du monde habituée. Elle s'échinait donc à tirer dessus au niveau de la taille où une ceinture l'étriquait plus encore dans l'espoir de bouffer un peu l'ensemble et de ne pas ressembler à une malade, ce qui lui paraissait être peine perdue.

- Tu devrais arrêter de te tortiller, elle te va très bien cette robe, assura Hugo.

Alors qu'Effy finissait par abdiquer et s'installer à ses côtés sans pour autant croire à un seul traître mot de sa phrase, il lui glissa à l'oreille :

- Tu sais, Victoire est encore plus mince que toi donc ne t'en fais pas, c'est auprès d'elle que Grandma va insister pour qu'elle se resserve de chaque plat. Même s'il ne te serait pas inutile de te préparer à cette éventualité, toi aussi.

Pour la première fois depuis le début de la matinée, Effy esquissa un timide sourire et espéra qu'Hugo comprendrait à travers son regard à quel point elle lui était reconnaissante. Elle s'amusait de constater à quel point il se comportait comme un grand frère envers elle. Sa relation avec Rose était différente, même s'ils rattrapaient mutuellement leurs bêtises respectives. Rose était celle qui se permettait de lui ébouriffer les cheveux et de le qualifier de petit frère sur un ton cependant trop attendri pour qu'il ose répliquer. Il avait avec Effy une opportunité de se comporter comme le plus âgé et la jeune fille le laissait volontiers faire : elle en avait toujours rêvé, d'avoir ainsi quelqu'un sur lequel se reposer.

Mais même dans ses rêves les plus fous, jamais elle ne s'était imaginé que ce quelqu'un serait aussi génial qu'Hugo.

- Donc, je te fais réviser ? lança Hugo en enjoignant Effy à s'installer à ses côtés.

- Je me suis rendue compte que ce n'était peut-être pas la peine, en fait.

- Ça ne l'est pas. Mais tu as des questions quand même, j'imagine ?

Effy en avait effectivement. Elle s'était entraînée à maîtriser les noms de tous les cousins ainsi que de leurs parents et pensait être à peu près au point là-dessus. Elle s'était ensuite amusée à parcourir le reste de l'arbre généalogique, qui s'étendait en effet sur des pages et des pages tant les membres de cette famille étaient nombreux.

Deux cas l'avaient particulièrement intriguée.

- Lorgan Ingulphe Prewett, dit alors Effy en montrant à Hugo l'endroit correspondant sur ses parchemins. Il n'y a qu'un gros point d'interrogation autour de lui, tu sais pourquoi ?

- C'est un Cracmol. Je sais que Grandma ne s'entend pas du tout avec lui.

- Après tout ce que tu m’as raconté sur ta grand-mère, j’ai du mal à l’imaginer rejeter qui que ce soit pour cette raison.

- Moi non plus, c'est pour ça que je pense qu'il y a autre chose. Mais tu sais, tu peux être aussi tolérant que tu le veux, certaines situations sont tout de même difficiles à gérer. Être le seul enfant sans pouvoirs au milieu d'une ribambelle de petits sorciers, ça doit créer des tensions. Je sais que mes parents auraient continué à m'aimer si j'avais été un Cracmol, mais j'aurais été tellement jaloux de mes cousins... qui sait ce que cela aurait pu donner.

- Et vous ne savez pas du tout ce qu'il est devenu ?

- Il a coupé les ponts avec la famille pour se réfugier dans le monde Moldu et nous n'avons jamais eu de nouvelles de lui. On ne sait pas s'il a eu des enfants, ni même s'il est encore vivant. Avant qu'il ne parte, il avait une relation avec une certaine Maelys mais qui sait ce qu'il est advenu d'eux.

Le regard d’Hugo s'était perdu dans le vide comme si le jeune homme était en proie à une intense réflexion. Il se rappelait bien avoir demandé des précisions à Molly, lorsque ce devoir lui avait été confié. Le sujet lui était immédiatement apparu comme sensible et il s'était longtemps demandé quelle avait bien pu être la cause de la mésentente entre son cousin et elle avant d'en discuter avec Lily. D'après elle, sa grand-mère paternelle dont elle portait le nom s'était elle aussi brouillée avec sa sœur à cause de la magie. Hugo avait alors simplement songé que de telles situations n'étaient guère souhaitables et avait prié de toutes ses forces pour recevoir sa lettre de Poudlard comme sa sœur et ses cousins avant lui. Et elle était arrivée, aussi avait-il cessé de se questionner à propos de ce Lorgan pour simplement vivre sa vie. Il savait bien que d'aucun l'aurait considéré comme un tantinet égocentrique de réagir ainsi, mais il n'était pas homme à s'appesantir sur ce qui n'allait pas. Hugo aimait la vie, aimait en profiter, aimait être joyeux et préférait se concentrer sur les belles choses qui composaient sa vie que sur les parts d'obscurité.

- Et elle... Leonore Mildred Weasley, énonça Effy. Elle a aussi un énorme point d'interrogation.

- Oh, elle. Surtout, n'en parle pas à Grandpa, c'est bien le seul truc qui le mette hors de lui. C'était sa cousine, là aussi. Elle s'est entichée de Lucius Malefoy lorsqu'elle était à Poudlard...

- Lucius Malefoy ? s'exclama Effy à voix basse. Je croyais que les Weasley et les Malefoy se détestaient, surtout à cette époque.

- C'était le cas, et lorsque Leonore s'est finalement déclarée, elle s'est entendue répondre qu'elle n'était qu'une traître à son sang. Cela l'a rendue furieuse et l'année d'après, elle est partie vivre aux Etats-Unis sans plus jamais contacter sa famille. On sait juste qu'elle était tombée amoureuse d'un Sang-pur, là-bas... Et comme on ne l'a jamais revue, on imagine qu'elle a dû finir par trouver ce qu'elle recherchait.

- Vous avez des cas intéressants dans votre arbre généalogique, dit Effy avec un sourire.

- Toutes les familles en ont, de ces histoires que l'on ressort à chaque repas. Mon oncle Bilius qui est mort après avoir aperçu un Sinistros, on me l'a servi à toutes les sauces. Bon, Leonore et Lorgan, il ne faut pas trop en parler à mes grands-parents, mais on aimait bien faire des suppositions sur eux avec mes cousins quand on était plus petits.

- Tu crois que si je retrouve mes parents, j'apprendrai que j'ai ce genre de cadavres dans mes placards familiaux, moi aussi ?

- Je pense, oui. Tu auras intérêt à me raconter en tout cas, répondit Hugo avec un clin d'œil.

Effy acquiesça, ne sachant guère où elle en était. Sa décision quant à ses parents n'était absolument pas fixée et elle ne cessait de changer d'avis. Ces histoires à propos de Lorgan Prewett et de Leonore Weasley l'avaient amusée et elle devait admettre qu'elle aussi aurait aimé pouvoir raconter à Hugo de telles anecdotes sur ses ancêtres. D'un autre côté, elle songeait qu'elle en avait déjà une belle, d'anecdote à narrer.

Mes parents m'ont abandonnée.

Elle n'était pas certaine d'avoir envie d'en savoir plus. Ou du moins, d'en avoir besoin. Elle aurait toujours envie de savoir d'où elle venait, bien sûr, mais la dernière chose dont elle avait besoin était bien de découvrir de sombres histoires de famille derrière son abandon. Et si ses parents étaient morts ? Et si ses parents avaient été assassinés, même ? Et si elle n'était qu'une enfant illégitime ? Et si, comme Lorgan et Leonore, ses parents avaient été rejeté par leur famille et l'avaient alors laissée seule ? Quelque ce soit la raison de son abandon, Effy ne voyait guère comment celle-ci pourrait ne pas être déprimante. A la rigueur, elle gèrerait moins difficilement un abandon temporaire, des parents l'ayant déposée à l'orphelinat parce que trop jeunes, une mère tombée enceinte avant sa majorité et issue d'une famille ne l'ayant pas appréciée. Mais personne n'était jamais venu la récupérer. Personne ne s'était même jamais intéressé à ce qu'elle était devenue.

- Tu es sûre que tout va bien, Effy ?

- Parfaitement, affirma la dénommée avec ce qu’elle espérait être la meilleure volonté du monde.

- C’est plutôt une question rhétorique, en fait. Rose m’a dit que quelque chose n’allait pas.

- Et bien, même si cela peut paraître surprenant, il arrive que Rose se trompe.

La voix d’Effy était presque assurée, chose assez rare pour la jeune fille qui d’ordinaire ne mentait que très mal. Pour cette raison, Hugo crut pendant un bref instant qu’elle lui disait la vérité et que sa sœur se faisait effectivement des idées.

- Vous avez eu des nouvelles de Hailey Rosenbach, en fait ? chercha alors à s’assurer Hugo.

Sans se rendre compte de quoi que ce soit, Effy répondit spontanément :

- Je ne crois pas.

Hugo eût alors la confirmation que c’était bien Rose, qui avait raison. Elle s’était d’abord étonnée qu’Effy ne paraisse pas porter plus d’intérêt que cela à l’avancement de leur enquête. Puis, de fil en aiguille, elle avait remarqué que son amie ne parlait plus du tout de son passé, n’y faisait pas la moindre allusion, ne formulait plus d’hypothèse quant à cette mystérieuse Teresa et, par-dessus tout, n’affichait plus ce regard lourdement mélancolique qui était d’ordinaire le sien. Au contraire, même, elle paraissait être enjouée, heureuse même, d’une façon qui aurait dû réjouir Rose si elle ne la connaissait pas aussi bien. Car en vérité, Effy rayonnait bien trop pour que cela semble naturel. Aussi Rose avait-elle l’impression que, davantage que ses proches, c’était elle-même qu’elle cherchait à convaincre que tout était bien.
Tout était pourtant loin d’aller bien. Hailey ne les rappelait pas, James ne donnait plus non plus de nouvelles et leur enquête était au point mort. En temps normal, Effy aurait donc angoissé, puis se serait inquiétée pour James comme elle le faisait depuis le début des vacances avant de finalement lâcher d’autres bribes de son histoire à Rose. C’était en tout cas ainsi que les choses fonctionnaient depuis le début de l’été. Même si c’était évasivement, même si c’était parfois involontairement, Effy commençait à se confier sur son passé. Tout comme elle commençait à considérer James autrement que comme un abruti et à assumer le fait que son statut d’orpheline lui pesait terriblement.

Quelque chose n’était pas normale.

- Prêts à partir ? intervint alors Hermione.

Parfaitement apprêtée, d'une façon qui étonna même Effy qui, depuis qu'elle habitait ici, s'était davantage habituée à voir Hermione habillée de façon très décontractée lorsqu'elle n'était pas au travail, la mère de Rose et Hugo tendit ses deux mains dans leur direction, signe qu'ils allaient privilégier le Transplanage à la cheminée.

- Tu n'as pas envie de mettre des cendres sur ta robe, c'est ça ? demanda Hugo avec amusement.

- Tu me connais trop bien, mon fils, répondit Hermione sur le même ton.

Elle lança ensuite un regard tendre à Effy et, l'instant d'après, plus personne n'occupait la maison à l'exception de Domino, confortablement lové dans l'un des fauteuils du salon.

(…)

La dernière fois qu'Effy était venue au Terrier remontait à plus d'un an déjà et le temps n'avait malheureusement pas été au beau. Même si cet été ne s'annonçait pour l'heure guère extraordinaire en terme de températures, le soleil était au rendez-vous et les Weasley s'étaient même risqués à dresser la table dans le jardin. Lorsqu'elle compta rapidement le nombre de personnes déjà présentes tout en songeant à toutes celles qui devaient encore arriver, Effy se dit que beau temps ou pas, tout ce monde ne devait certainement pas tenir dans le Terrier –qui paraissait bien minuscule avec tout ce monde regroupé à ses côtés.

- Ah, Grandpa n'a pas été obligé d'agrandir la cuisine pour une fois, constata Hugo une fois le désappointement lié au Transplanage passé.

- Vous voulez dire que vous utilisez la magie, d'ordinaire, pour vous réunir ?

- Comment crois-tu que tout le monde tienne dans la cuisine ?

L'évidence avec laquelle Hugo lui avait répondu amusa Effy qui en oublia même pour un temps son angoisse. Rapidement, elle fut toutefois forcée de passer outre sa timidité lorsque pas moins de six personnes lui tombèrent dessus d'un coup.

- Bonjour Hermione, bonjour Hugo, lança une magnifique femme aux cheveux blonds qu'Effy identifia comme étant Fleur. Et j'imagine que tu es Effy ?

- Oui Madame, répondit-elle sans trop savoir où se mettre.

- Tu peux l'appeler Fleur, tout le monde fait comme ça, s'empressa de préciser l'une des deux filles entourant Fleur.

Effy prit note de la remarque mais ne put s'empêcher de trouver fort peu aimable le ton sur lequel cette recommandation lui avait été adressée. Quelques échanges supplémentaires de politesse lui apprirent que cette voix un peu froide appartenait à Victoire, l'aînée des enfants de Bill et Fleur. Elle était le portrait craché de sa mère, bien que ses traits paraissent plus durs. Son regard déviait régulièrement vers le fameux Teddy dont Liberty lui avait déjà parlé et pour lequel Effy éprouva immédiatement une grande sympathie en songeant à la similitude de leur histoire.

À leurs côtés se tenait logiquement Dominique, qui elle ressemblait beaucoup plus à son père. Elle avait hérité de sa chevelure rousse mais avait en revanche les yeux bleus de sa mère. Elle était un peu plus grande que Victoire, et surtout plus imposante. Alors que Victoire était si fine qu'elle paraissait pouvoir s'effondrer au moindre coup de vent, Dominique était suffisamment musclée pour que cela se remarque au premier coup d'œil. Effy se souvint alors que la jeune femme avait dirigé le club de duel du temps où elle étudiait encore à Poudlard. Rose lui avait dit une fois qu'elle souhaiterait poursuivre cette voie en devenant une vraie duelliste, ce à quoi elle s'efforçait actuellement de parvenir. Elle s'astreignait pour cela à de drastiques entraînements physiques, en plus des nombreuses heures qu'elle consacrait déjà à la pratique des sortilèges. Effy nota mentalement de ne jamais chercher à la contrarier.

Elle n'en eut cependant pas le loisir puisque Dominique s'esquiva avec Victoire avant qu'elle n'ait pu prononcer le moindre mot. Fleur soupira en voyant ses filles disparaître ainsi vers un coin reculé du jardin. Effy, elle, ne manqua pas le léger haussement d’épaules de Teddy, au loin, lui qui avait pourtant soigneusement ignoré les précédents regards de Victoire. Louis, quant à lui, parut se détendre subitement après le départ de ses sœurs.

- Comment vas-tu Effy ? lança-t-il gentiment à l'intention de la jeune fille.

Elle lui répondit avec le sourire qu'elle réservait aux rares personnes de son entourage. Elle n'était pas particulièrement proche de Louis, mais lui l'était d'Albus et Rose aimant travailler avec ce dernier, Effy s'était souvent retrouvée à la bibliothèque en compagnie du cadet des Weasley-Delacour. Elle appréciait grandement le calme et la rêverie de Louis, qui avait le chic pour ne jamais poser la moindre question embarrassante. Il était en outre quelqu'un que le silence ne dérangeait pas, au grand bonheur d'Effy. Se retrouver en compagnie de personnes autres que Georgie, Rose ou Lisa était toujours source d'angoisse pour elle, qui ne savait guère mener une conversation et craignait donc de passer pour une asociale inintéressante. Avec Louis, elle pouvait rester plusieurs heures sans prononcer le moindre mot tout en sachant que lui se satisfaisait tout autant de la situation. En somme, leur caractère taciturne les rapprochait.

- Salut Louis ! s'exclama quelqu'un qu'Effy n'avait pas vu arriver. Effy, je crois que Lily te...

Albus, que Hugo et Effy venaient tout juste de reconnaître, n'eût pas le temps de terminer sa phrase. Une silhouette à la chevelure rousse fondit sur eux avant même qu'ils n'aient pu cligner des yeux.

- Effyyyyyy ! s'écria Lily. Il faut que je te dise, mais d'abord, je dois bien t'expliquer que ce n'est pas de ma faute, hein. N'écoute pas ce que James ou Albus pourraient bien te dire, je sais bien que tous les gens qui n'ont jamais eu de grands frères les idéalisent mais en vérité, ils passent juste leur temps à raconter n'importe quoi. Enfin je ne dis pas ça pour être blessante, hein, précisa la furie en se rappelant soudainement que la famille était un sujet à éviter d'aborder.

- Mais de quoi tu me parles ?

- Tout ça pour te dire, reprit Lily sans oser affronter le regard d'Effy, ce qui commençait à inquiéter cette dernière, tout ça pour te dire que si Ulysse s'est cassé la patte, ce n'est absolument pas de ma...

- Ulysse s'est QUOI ? s'exclama Effy à la grande surprise de toutes les personnes présentes.

D'autres adultes étaient en effet venus saluer Hermione et tous avaient regardé avec intérêt la jeune fille dont ils avaient souvent entendu parler par Rose lors des repas de famille. Sa douceur et sa politesse lui permettait toujours de conquérir sans trop de peine les adultes et tous s'accordaient déjà mentalement sur la gentillesse de cette petite lorsqu'elle lâcha ces mots avec une force qu'ils ne lui soupçonnaient pas.

- Oh non, Ulysse, enchaîna-t-elle alors avec une voix beaucoup plus tremblante. Mais enfin...

- Ton chat va très bien, notre oncle Charlie est venu spécialement pour s'occuper de lui et je te parie qu'il ne se rappelle même pas de ce qu'il lui est arrivé. Sinon, il aurait sans doute cessé de s'approcher du danger public qu'est ma sœur.

Un grand silence fit suite à ces quelques phrases lâchées sur un ton profondément blasé. Effy eût un léger coup au cœur en constatant la mine plus qu'inquiétante de James. Ses traits tirés lui donnaient un air malade que venait renforcer sa pâleur -pâleur qui n'avait pour le coup rien de naturelle. Les adultes présents autour d'eux échangèrent de rapides regards avant de partir, visiblement gênés, vers la table fièrement dressée non loin de l'entrée du Terrier. Au loin, Effy distingua Harry et Ginny, l'air visiblement très ennuyé, mais qui n'avaient apparemment pas l'intention de venir à leur rencontre.

- Ta sœur ? Tu me considères encore en tant que telle ? En fait, non, ce n'est même pas la question. Plus largement, James, considères-tu vraiment ta famille en tant que telle ?

Effy ne savait pas si Lily s'en rendait réellement compte, mais sa question avait apparemment profondément touché James. Sans doute ne l'aurait-elle elle-même pas remarqué plusieurs mois auparavant, mais James n'allait définitivement pas bien. Elle en avait peu à peu acquis la certitude depuis le début des vacances sans que jamais personne ne lui explique vraiment de quoi il en retournait. Pourtant, tous semblaient être au courant. Au loin Molly regardait ses petits-enfants d'un air attristé tandis qu'Arthur posait une main sur l'épaule de Harry. Hugo, d'ordinaire toujours prêt à détendre l'atmosphère au bon moment, s'était empressé de rejoindre deux filles qui devaient être Molly et Lucy et aux côtés desquelles le jeune Fred contemplait la scène avec désolation. Quant aux adultes, aucune de leur piètre tentative pour faire comme s'ils n'avaient rien remarqué ne convainquit Effy d'ordinaire pourtant si crédule.

- J'aurais touché un point sensible, peut-être ? continua alors Lily avec un sourire en coin.

- Lily... tenta alors d'intervenir Effy.

- Ne te mêle pas de ça, Effy ! Surtout pas toi qui sais mieux que personne à quel point mon frère peut être un sale con.

Louis, qui seul était resté aux côtés des frangins et d'Effy, attrapa délicatement le poignet de cette dernière en tentant de lui faire comprendre qu'il valait mieux pour eux se retirer à leur tour, maintenant. Mais Effy ne pouvait s'y résoudre. Elle avait trop fréquenté Lily pour l'imaginer en horrible petite peste. Jamais elle n'agirait de la sorte avec quelqu'un de véritablement mal. Or, c'était ainsi que James était, visiblement très mal en point, même si personne autour d'eux ne semblait le remarquer.

Et Effy ne notait peut-être pas des choses qui sautaient parfois aux yeux, mais elle avait en revanche bien vu la détresse du jeune homme. Elle l'avait vue de nombreuses fois, même.

Ne ressemblait-elle pas à cela lorsqu'elle se contemplait, enfant, dans le seul miroir de la salle de bain de l'orphelinat ?

- Tu sais quoi ? rétorqua James d'une voix rauque derrière laquelle semblaient se dissimuler des sanglots. T'as peut-être raison, Lily. Peut-être que j'ai jamais eu de famille, en fait.

- Mais bien sûr, dis-nous que tout est de notre faute, que si tu es comme ça c'est juste parce que Papa et Maman t'aiment moins. C'est plus facile comme excuse, j'imagine.

- Lily ! reprit Effy avec plus de force cette fois-ci.

- C'est plus facile que d'accepter que le seul putain de responsable, c'est toi James, continua Lily sans tenir compte de la jeune fille à ses côtés.

- FERME-LA ! s'écria alors James, faisant sursauter Louis et Effy.

Sans qu'aucun d'eux ne puisse esquisser le moindre geste, James fit brusquement demi-tour et se dirigea à grands pas vers l'entrée du jardin. Effy crut pendant une seconde qu'il allait réellement s'en aller, disparaître ainsi sous leurs yeux sans que personne ne réagisse. Cela la consterna. Peu importe ce que pouvait avoir fait James, peu importe les secrets dont elle n'était pas au courant, une famille ne laissait pas partir l'un de ses membres ainsi.

Surtout lorsque ce membre n'avait que dix-sept ans et l'air aussi malheureux qu'un condamné.

- James !

Résolue à se lancer à sa poursuite puisque personne d'autre ne se décidait à le faire, Effy ne s'était pas rendu compte que Harry avait finalement réagi. Il courait maintenant après son fils comme le faisait Effy et visiblement, James ne s'y attendait pas plus que cette dernière puisqu'il se retourna subitement.

Effy arriva à sa hauteur en même temps que Harry.

- Où crois-tu aller comme ça ?! s'exclama celui-ci.

Effy grimaça. Elle comprenait quelle frayeur avait bien pu saisir ce père à l'idée de voir son fils aîné disparaître dans la nature, et elle imaginait bien qu'il ne contrôlait plus le moins du monde sa voix, mais James paraissait bien trop peiné pour se rendre compte de tout ça et il comprit seulement ce que le ton de son père pouvait laisser supposer : de la colère.

- Quelque part où les gens m'aimeront pour ce que je suis, répondit-il avec une extrême dureté.

- Enfin James, tu sais très bien que tu te comportes d'une façon exécrable avec Lily et Albus depuis des années. Ne nous dis pas maintenant que c'est parce que nous t'aimerions moins, ce n'est pas ça qui règlera la situation.

- Vous n'avez vraiment rien compris...

Les larmes étaient bien là cette fois. Une première était apparue sous les paupières agitées que James n'avait pas empêché de couler. Un torrent l'avait suivie, un torrent de larmes qui dévalaient ses joues et qu'Effy ne se souvenait pas avoir vu une seule fois.

Alors elle comprit –pas la raison d'une telle tristesse, pas la raison du regard totalement perdu de Harry, non. Elle comprit simplement que James allait réellement partir et qu'aussi énervant avait-il pu être par le passé, il était aujourd'hui quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui avait un criant besoin d'aide.

Quelqu'un qu'elle pouvait comprendre mieux que personne.

- James, dit-elle alors en se jetant à son cou. James, moi je tiens à toi. Je veux que tu restes James.

- Non tu ne veux pas. Tu me détestes.

- James non !

Elle ne réalisa même pas que ses propres joues étaient aussi striées de larmes.

- S'il te plaît, reste. Je t'en prie.

- Vous me détestez tous, rétorqua James en se dégageant de l'emprise d'Effy.

- Non James, non ! Et puis, tu ne règleras pas tes problèmes comme ça ! Je le sais, je le sais très bien ! Tu dois...

Mais James ne l'écoutait pas. Toute son attention semblait être obnubilée par son propre père, Harry qui restait bras ballants face à son fils, totalement indécis face à une réaction qu'il ne comprenait apparemment pas. Au loin, Ginny regardait son aîné l'air tout aussi perdu tandis que Lily et Albus, eux, semblaient soudain un peu inquiets, comme s'ils découvraient quelque chose qu'ils n'avaient jamais soupçonné.

- Au revoir, dit alors James.

Puis il tourna sur lui-même et lorsqu'Effy tenta de s'accrocher à lui, elle ne rencontra que de l'air et s'effondra sur le sol.

End Notes:
Merci d'avoir lu !

Le prochain chapitre s'intitulera Les disparus.

Une petite review pour me dire ce que vous en avez pensé ?
Les disparus by Bloo
Author's Notes:
Merci à flodalys pour sa correction et ses précieux conseils.

Et merci beaucoup à LouWeasley, Charliechou et Enireves Lechemin pour leurs gentilles reviews sur le chapitre précédent :)

Bonne lecture !

« 20 juillet 2022

Des nouvelles de James, Effy ? »

« 20 juillet 2022

Je t’en prie, dis-moi que James a cherché à te contacter. »

« 20 juillet 2022

Effy, c’est quoi cette histoire avec James ? Ma mère vient d’avoir ses parents, ils sont morts d’inquiétude.

C’est… c’est sérieux ? »

(...)

L’étonnamment courte missive de Brooke, que la jeune fille n’avait même pas pris le temps de signer, vint s’ajouter à celles de Lily et Albus. A sa plus grande consternation, Effy ne fut cependant pas en mesure d'y répondre. James n'avait pas refait surface et elle n'avait pas le cœur à leur envoyer autre chose qu’une bonne nouvelle.

Même si le repas de la veille n'avait pas été officiellement annulé, Harry et Ginny l'avaient quitté précipitamment pour regagner leur demeure. Sans doute espéraient-ils y retrouver leur fils, mais un cerf argenté vint bientôt annoncer aux invités du Terrier que James n'était pas rentré chez lui. D'ailleurs, était-ce vraiment chez lui ? Sa sortie magistrale avait prise tout le monde de court, à la grande stupéfaction d'Effy. Depuis le début des vacances, la jeune fille avait bien remarqué le malaise autour de James et sa famille. Tout le monde paraissait être parfaitement au courant et pourtant, pas un seul n'était capable d'expliquer les larmes de James. A dire vrai, personne ne l'avait jamais vu pleurer avant cela. Ou alors, cela remontait à bien trop longtemps. Le silence avait donc dominé la journée et personne n'avait osé formuler à haute voix la question que tous se posaient silencieusement.

Qu'avons-nous manqué ?

Une fois rentrée chez les Weasley-Granger, bien plus tôt qu'elle ne l'avait imaginé, Effy s'était empressée de regagner sa chambre et d'adresser une brève lettre à James dans laquelle elle le suppliait de revenir -ou au moins, de lui faire savoir qu'il allait bien. Elle n'avait cependant pas pu la donner au hibou de la famille tout de suite, celui-ci étant déjà occupé à livrer une lettre semblable rédigée à la va-vite par Ron et Hermione. Effy avait ainsi appris qu'ils étaient respectivement le parrain et la marraine de James mais ce qui d'ordinaire l'aurait touchée comme preuve de la profonde amitié qu'éprouvaient mutuellement Harry, Ron et Hermione l'avait alors laissée de marbre. Tout au plus espérait-elle que la parole de ses parents d'accueil aurait plus de poids auprès de James et inciterait celui-ci à revenir vers sa famille. Du moins, vers ce qui était encore officiellement sa famille.

- Toujours rien ? demanda une petite voix derrière Effy.

Celle-ci n'eût pas besoin de se retourner pour deviner à quoi pouvait bien ressembler Rose. Lorsqu'elle l'avait croisée dans la cuisine ce matin, elle ne portait qu'un vieux jogging et un t-shirt bien trop ample probablement chipé dans l'armoire de son frère. Cette négligence si peu commune n'avait fait que bleuir un peu plus le cœur d'Effy, qui y voyait un nouveau rappel de la gravité de leur situation.

- Rien. Pas de lettre, et pas de James, marmonna-t-elle en guise de réponse.

Rose vint se positionner à ses côtés, comme pour s'assurer que son amie ne lui mentait pas. Ou peut-être croyait-elle simplement que regarder avec désespoir le paysage au travers de la baie vitrée était la solution pour faire revenir James. C'était stupide, mais Effy ne pouvait pas lui en vouloir : elle s'accrochait au même espoir depuis des heures déjà.

- James... ça fait longtemps ? finit par articuler Effy.

La question lui brûlait déjà les lèvres la veille mais toute la famille paraissait alors bien trop effondrée pour qu'elle n'ose la poser. Molly, surtout, pleurait à chaudes larmes sans se préoccuper de la présence de ses petits-enfants autour d'elle. Quant à Lily et Albus, ils n'en menaient pas beaucoup plus large et s'étaient rapidement éclipsés sans n'avoir rien avalé, Lily était tout particulièrement pâle. Effy avait alors eu la confirmation que la sœur de James ne soupçonnait pas le dixième de ce qui pouvait bien se passer dans la tête de ce dernier, sans que cela ne l'éclaire davantage sur ce qui pouvait bien se tramer au sein de la famille Potter.

- Depuis sa troisième année, lâcha Rose en même temps qu'un battement de ses paupières laissait s'échapper une larme. Il a toujours été un blagueur, avant ça, mais il avait l'air heureux. Tout lui passait au-dessus de la tête, c'était comme si rien ne l'atteignait. Mais à partir de sa troisième année, il a commencé à être de plus en plus désagréable. D'abord avec ses parents, puis même avec Albus et Lily. Et avec d'autres gens, tu es bien placée pour le savoir. Il n'y a que cet été que...

Un sanglot coupa Rose dans ses aveux soudains et la jeune fille manqua de s'étouffer. Elle toussa avec force et mit une bonne minute à retrouver une respiration normale. Lorsque cela fut fait, elle acheva son propos :

- Au tout début de l'été, il a dit à ses parents que de toute façon, ils ne l'avaient jamais autant aimé que leurs autres enfants. Ils lui ont rétorqué que c'était trop facile de rejeter ainsi la faute sur les autres et... je, je dois dire que...

- Tu as pensé la même chose, compléta Effy.

- Oui, gémit Rose. Tu comprends, personne ne pouvait se douter qu'il le pensait vraiment. Il est tellement... tellement James ! Il a toujours été si fort, si capable d'encaisser tout et n'importe quoi !

- Mais il n'y a vraiment personne qui a remarqué quoi que ce soit ? insista Effy. Vous avez bien dû vous demander pourquoi il était subitement devenu aussi désagréable, en troisième année !

- Tu sais, il n'était pas le premier à avoir une passe difficile au cours de l'adolescence, avoua Rose en soupirant.

Face à la mine interrogatrice de son amie qui l'incitait clairement à continuer, la jeune fille explicita :

- Teddy s'est enfui, lui aussi. Et on n'avait pas vraiment compris non plus. Bien sûr, tu te doutes bien toi plus que personne qu'il n'est pas évident de grandir sans ses parents. Mais Teddy avait toujours eu l'air heureux, comme James. Puis du jour au lendemain, il est devenu désagréable, il séchait les réunions familiales, même Victoire n'arrivait plus à lui arracher un mot. Un jour il est parti et nous n'avons pas eu de nouvelles de lui pendant un an. Puis Victoire l'a fait revenir... Enfin, ça, c'est ce qu'elle croit. Je suis d'avis que Liberty a été bien plus influente mais comme elle sait l'affection que se portent Teddy et Victoire, elle s'est gentiment effacée.

- Mais... un an ? Tu ne crois quand même pas que James va partir autant de temps, non ?

- Teddy était plus âgé. James n'a même pas fini Poudlard, je pense qu'on le retrouvera au moins là-bas. Et, pour répondre sincèrement à ta question...

Effy hésitait en effet à faire remarquer à Rose comme elle avait éludé une partie de son interrogation. Il lui paraissait inconcevable que réellement personne ne puisse être au courant des sentiments de James, mais son amie semblait déjà s'en vouloir suffisamment sans qu'elle ne vienne insister. Elle remercia donc Rose d'être enfin honnête avec elle quant à James et l'encouragea d'un sourire à reprendre son récit :

- Non, on ne sait pas pourquoi il est devenu comme ça. Tu sais, à treize ans, on a tous été un peu con. Alors on a tous pensé que James, ce n'était qu'une passade, il deviendrait plus mature à un moment donné. En fait, je pense que le plus gros problème de notre famille, c'est que... c'est qu'elle veut être heureuse.

Un court silence suivit cette phrase qui laissa Effy profondément songeuse. Elle ne la comprenait à vrai dire pas, mais songea d'abord que c'était certainement dû à son manque d'expérience familial. Puis elle remarqua que Rose se mordillait nerveusement les lèvres et réalisa alors que son amie paraissait être la première étonnée de ce qu'elle avait laissé échapper.

- En quoi est-ce un mal, au juste, de vouloir être heureux ? se risqua finalement Effy.

- Ça n'en est pas un. D'ailleurs, tout le monde attend ça de nous. Tout le monde. Dès que je dis à quelqu'un que je suis une Weasley, les gens me regardent comme si j'étais... une privilégiée. Et j'ai conscience d'en être une par bien des aspects. Mes parents font partie du camp des vainqueurs, sont riches et célèbres, et grâce à ça, je pars avec toutes les chances dans la vie. Mais je devrais dire à cause de ça, et pas grâce à ça. Parce que la vérité, c'est que la guerre a détruit notre famille comme elle a détruit les autres et que nous ne sommes jamais que la première génération l'ayant suivie. Peut-être ne l'avons-nous pas connue, mais c'est comme si, Effy. On porte les séquelles de cette guerre et ça, personne ne le voit jamais. Tout ce que les gens voient, c'est que l'on est heureux parce que c'est ce qu'ils veulent que l'on soit. Ils ne veulent plus se rappeler la guerre. Seulement, elle se rappelle à nous tous les jours.

La voix de Rose s'était pratiquement éteinte et Effy dut tendre l'oreille pour capter les derniers mots de ce discours déchirant. Une fois que cela fut fait, elle passa un bras autour des épaules de son amie et l'attira contre elle, l'incitant à relâcher tout ce qu'elle avait sur le cœur. Alors Rose hoqueta une première fois, puis une deuxième, et des larmes au goût de celles trop longtemps retenues dévalèrent silencieusement ses joues.

Ordinairement, Effy se serait sentie particulièrement mal à l'aise. Elle n'était en effet pas la dernière à avoir cru que la famille Weasley était l'incarnation même de la famille idéale, et elle avait donc fait partie de ces gens qui n'auraient pas compris que l'on puisse se dire Weasley et malheureux à la fois. Heureusement, elle avait fini par réaliser seule son erreur, bien avant que Rose ne se confie à elle. Elle ne soupçonnait pas alors l'ampleur de la pression reposant sur les épaules de cette nouvelle génération supposément dorée, mais du moins s'était-elle rendu compte de la complexité des apparences. Après tout, n'était-elle pas elle-même qu'une apparence ? Durant six ans, personne n'avait jamais rien su à propos de son passé. Certainement, nombre d'élèves devaient s'imaginer qu'elle avait tout pour être heureuse, elle aussi : des amies, de bonnes notes, la promesse d'un brillant avenir. Elle aurait pourtant ri au nez de la première personne venant lui affirmer qu'elle devait être heureuse.

Alors elle comprenait parfaitement ce que pouvait ressentir Rose. Et parce qu'elle pouvait appréhender son désarroi, il lui paraissait aussi qu'elle ne devait pas se sentir coupable de quoi que ce soit. Certes, elle n'avait pas été la dernière à s'imaginer un tableau idyllique de ces nombreux cousins Weasley. Tout comme Rose s'était longtemps interrogée sur la tristesse de son amie qu'elle ne pouvait s'expliquer. Seulement, une fois le secret d'Effy partagé, elle ne s'était pas appesantie sur ce qu'elle avait pu faire ou dire par le passé. Elle avait seulement été là pour Effy, là pour l'épauler... et c'était tout ce dont la jeune fille avait alors besoin.

Il était pour elle de rendre la pareille à son amie.

- Tu sais Rose... si vos parents ont gagné la guerre, je pense que vous êtes, vous aussi, capables de remporter vos propres batailles, chuchota-t-elle en caressant avec douceur le dos de son amie.

- Je sais. Je crois que les miennes sont plutôt à mon avantage, d'ailleurs. C'est juste que c'est dur, parfois, de ne pas simplement rendre les armes.

Un dernier sanglot s'échappa des lèvres de Rose et en resserrant son étreinte, Effy n'entendit pas la porte d'entrée s'ouvrir doucement. Elle resta donc concentrée sur son amie, dont la faiblesse temporaire semblait déjà s'évaporer pour laisser à nouveau la place à la jeune fille souriante et courageuse qu'elle était. Effy la dégagea alors de son étreinte mais captura les larmes qui traînaient encore sur son visage d'un revers de manche pour laisser le sourire de son amie s'étirer plus grandement encore.

- Je crois qu'il est tant que je te fasse certaines confidences à propos de mon passé, moi aussi, dit alors d'une Rose d'une voix encore tremblotante.

Étonnée par cette réplique, puisqu'elle croyait justement que Rose venait déjà de lui dévoiler un pan méconnu de sa vie, Effy fronça les sourcils et s'apprêtait à la questionner pour obtenir des détails plus précis lorsqu'une voix familière coupa court à toutes ses interrogations :

- Salut les filles !

- Oh Merlin ! s'écria Rose en portant une main à son cœur.

Son visage pâlit soudainement comme si elle venait de rencontrer la mort tandis qu'Effy, elle, s'était violemment cognée l'épaule contre la porte vitrée en faisant un bon en arrière. Surpris d'un effet qu'il ne soupçonnait apparemment pas, James perdit son sourire et s'approcha doucement des deux filles non sans une certaine inquiétude :

- Tout va bien ? leur demanda-t-il.

Ces simples mots suffirent à sortir les filles de leur torpeur et Rose retrouva ses couleurs aussi rapidement qu'elle les avait perdues avant de pointer un doigt dans la direction de James et de s'exclamer :

- JAMES POTTER ! Tu t'es enfui hier, tu as disparu dans la nature, personne ne savait où tu étais, on se faisait un putain de sang d'encre depuis presque une journée déjà, et personnellement je me demandais déjà si tu n'étais pas mort quelque part, ET TU NOUS DEMANDES SI TOUT VA BIEN ?

Effy n'ajouta rien, jugeant la tirade de son amie suffisamment conforme aux sentiments qu'elle ressentait elle-même. Bien entendu, elle était immensément soulagée de voir James se tenir devant elles, d'autant plus qu'il paraissait aller bien. Il portait des vêtements propres et leur souriait, quoique plus timidement depuis l'accès colérique de Rose, et à l'exception de ses traits légèrement tirés, rien ne laissait soupçonner la scène qui s'était déroulée la veille. Effy n'eût cependant pas le temps de se questionner davantage sur ce brusque changement de comportement, un grand vacarme provenant des escaliers captant leur attention à tous et coupant même momentanément Rose dans la nouvelle tirade qu'elle s'apprêtait à débiter.

- JAMES ! s'écrièrent en chœur Ron et Hermione en pénétrant dans le salon.

Hugo les suivait de très près en songeant qu'en temps normal, il aurait certainement photographié leur visage pour immortaliser à jamais cet instant passablement remarquable. Sa mère n'avait qu'un simple peignoir par-dessus la chemise de nuit dans laquelle elle ne se montrait d'ordinaire jamais à personne d'autre que son mari, mari qui lui, avait les cheveux plus ébouriffés que son meilleur ami -ce qui n'était pas peu dire- et affichait une expression mémorable, à mi-chemin entre la stupéfaction et la joie, entre la colère et le soulagement, et entre tout un tas d'autres sentiments rendant indéchiffrable mais néanmoins très drôle sa figure.

Sauf que la situation avait été bien trop angoissante pour paraître drôle.

- Mais où Merlin étais-tu ? finit par demander Hermione, soulageant toutes les autres personnes présentes qui se posaient exactement la même question.

- Chez Liberty. Mais je ne pouvais pas rester et alors j'ai... j'ai pensé à vous, dit-il en plantant son regard dans celui de son parrain et de sa marraine.

Le silence s'installa un instant, un très court instant dans la pièce, avant que Ron ne tende les bras et attire James contre lui tandis qu'Hermione éclatait en sanglots. Hugo rejoignit alors Effy et Rose et serra cette dernière contre lui, tout en échangeant un sourire sincère avec Effy. La scène était aussi belle que celle de la veille avait été terrible. Voir une famille se déchirer devant elle avait retourné le cœur d'Effy, déjà suffisamment meurtrie à ce sujet pour le reste de sa vie. Mais les retrouvailles n'en étaient que plus splendides à contempler.

Même si d'autres noms planaient lourdement dans l'air.

- James, tes... il faut prévenir tes parents, articula Hermione entre deux sanglots.

- Non.

La voix était chevrotante mais le ton catégorique. James avait à nouveau laissé les larmes le gagner mais ces larmes n'étaient apparemment pas synonymes d'oubli.

- Ils sont inquiets James...

- Prévenez-les mais je ne veux pas rentrer avec eux.

- Ce sont tes parents.

- Et vous êtes ma famille. Ils préfèreront encore me savoir avec vous que dans la nature, ce qui arrivera si l'on me force à retourner là-bas.

Le ton n'était plus hésitant. James avait pour l'heure pris sa décision et tout le monde savait bien, maintenant, qu'il était on ne peut plus sérieux en mettant son départ en jeu. Les adultes, et tout particulièrement Hermione, ne paraissaient pas approuver une décision sans doute injuste à leurs yeux pour leurs plus proches amis. Ce fut elle pourtant qui céda en serrant à son tour James dans ses bras.

- D'accord. On va leur expliquer. Mais James, tu sais bien que cette situation ne pourra pas durer éternellement. Il faudra que tu affrontes tes parents un jour ou l'autre.

- Je sais, mais pour le moment je n'en ai pas la force. Vraiment pas, insista-t-il sur un ton à nouveau profondément bouleversant. Et je ne crois pas qu'ils comprendraient...

- Ils ne comprendront pas si tu ne leur expliques pas, opposa Hermione avec douceur.

- Ils ne sont pas prêts. Vous l'avez bien vu hier. Je sais que je vous ai pris de court mais... ce sont mes parents. Eux n'auraient pas dû être surpris.

Hermione s’apprêtait une nouvelle fois à contrer cet argument mais l’air à la fois insistant et surtout profondément désabusé de James la convint de s’abstenir. D'ailleurs, quoi que puisse en dire ou en penser James, il n'était pas le fils de ses parents pour rien : aussi borné que son père et aussi redoutable que sa mère dès que le ton montait. La situation pouvait facilement dégénérer si James était davantage poussé et Hermione estimait que les choses avaient déjà été suffisamment loin. Elle fit donc signe à Ron de la suivre non sans avoir une dernière fois serré James contre elle et les deux adultes disparurent rapidement à l'étage, probablement pour s'accorder sur la meilleure façon d'annoncer la nouvelle à Harry et Ginny.

- James...

La voix de Rose avait perdu plusieurs dizaines de décibels depuis sa dernière réplique. Elle contempla son cousin, les bras croisés contre la poitrine en signe de désapprobation mais le visage exprimant un sentiment bien différent : la joie. A vrai dire, il ne lui fallut guère plus de quelques secondes pour oublier toute la colère née de son inquiétude et se précipiter dans les bras de son cousin, suivie de près par Hugo. Seule Effy resta en retrait, n'osant interférer dans ce qu'elle jugeait être un moment familial n'appartenant qu'aux trois personnes devant elle. Du moins, jusqu'à ce que le regard de James ne se plante dans le sien et ne lui signifie clairement le contraire. Intimidée par la perspective de s'immiscer ainsi dans cette famille réunie, angoissée par l'idée d'un contact physique avec trois personnes différentes incluant deux garçons, encore choquée de la brusque réapparition de James qu'elle s'imaginait déjà perdu pour toujours, la jeune fille resta longtemps interdite avant que Rose ne prenne les devants et ne l'inclut dans le groupe en l'attrapant fermement par le bras.

- Je suis contente d'être à nouveau en famille, avoua Rose sur un ton chevrotant. Et oui, Effy, je te considère comme en faisant partie.

Profondément touchée, la jeune fille ne pipa mot mais son visage parlait pour elle. Des larmes s'y étaient glissées là aussi et elle ne chercha pas même à contenir, trop heureuse pour oser troubler cet instant.

Car c'était une joie sincère que ressentait Effy, une joie à la hauteur de l'anxiété éprouvée encore quelques minutes auparavant. S'il y avait bien une chose qu'elle avait retenu de James depuis toutes ces années à Poudlard, c'était sa capacité à commettre des actes irresponsables et parfois irréparables. Pendant très longtemps, elle avait été incapable de lui accorder la moindre confiance et cela même lorsqu'il s'était finalement décidé à être plus courtois avec elle. Aujourd'hui encore, si elle l'avait inclus dans le cercle restreint de ses amis, elle n'éprouvait pas en sa présence le sentiment de sérénité qui l'enveloppait aux côtés de Georgie et Lisa ou même d'Oliver. Elle était désormais capable de voir autre chose en James qu'un idiot arrogant, mais elle se sentait toujours mal à l'aise d'une façon ou d'une autre lorsqu'elle se retrouvait avec lui. Elle chérissait ces instants où il se conduisait dignement envers elle, comme elle avait choisi de chérir tous les instants de sa vie qui n'en seraient pas de mauvais. Cela, elle avait la force d'y parvenir. Mais elle ne pouvait toujours pas s'abandonner totalement en la présence des gens, elle ne pouvait pas laisser tomber ces barrières qu'elle érigeait entre elle et les autres. Elle se tenait donc constamment sur ses gardes avec les gens dont elle savait qu'ils pouvaient potentiellement la blesser, et c'était ce que qu'avait fait James pendant de nombreuses années.

Alors elle profita de ce moment, ce moment où seule la joie importait et où ses doutes habituels s'envolaient. James était revenu, il allait bien, elle n'avait plus de souci à se faire et tout allait pour le mieux dans le meilleur des...

- C'est quoi dans ta poche ? questionna Hugo en désignant la veste de James.

L'interrogation mit fin à l'étreinte collective et l'embarras se réinstalla. Rose toussota en remettant en place ses cheveux machinalement ébouriffés par James, Effy effleura d'une main et aussi discrètement qu'elle le put la longue cicatrice striant son dos et Hugo rougit soudainement, comme s'il réalisait qu'il venait d'interrompre un instant susceptible de ne pas se reproduire avant longtemps.

- Oh, ça... dit James en reprenant un air indéchiffrable.

Tout en parlant, il sortit de sa poche une liasse de papiers légèrement abîmés aux extrémités et devant lesquels Effy fronça les sourcils. Ils ressemblaient en effet fortement à...

- Ce sont des articles de journaux. De journaux moldus, pour tout dire.

- Où as-tu trouvé ça ? s’étonna Hugo.

- Quand j’ai débarqué chez Liberty, elle m’a dit que la fuite n’était pas une solution et qu’il fallait que je retrouve ma famille, expliqua James en hésitant sur le dernier mot. Je lui ai promis de le faire si elle m’aidait d’abord à récupérer les journaux datant de 2005.

- 2005 ?

- Mon année de naissance, intervint Effy en comprenant où James voulait en venir. Ce sont des journaux locaux ?

- Oui, parce qu’avec Liberty on a pensé que… comment dire… on a pensé que s’il s’était passé quelque chose, tu vois, un… un fait divers…

- Comme un assassinat tu veux dire, compléta Effy sur le ton le plus naturel possible.

Elle avait cependant perdu quelques couleurs à la simple évocation de cette possibilité et elle croisa fermement les bras autour de sa poitrine pour leur éviter de s’agiter nerveusement comme ils le faisaient toujours lorsqu’elle était angoissée.

- Comme cette Peterson était dans un lycée à Londres, on suppose que ta famille y habitait si elle est bien la personne que nous recherchons. Donc on a pris des journaux étalés sur l’année et le début de 2006, puisque tu as été déposé à l’orphelinat en hiver, c’est bien ça ?

Effy ne répondit pas mais hocha silencieusement la tête. James tendit alors une pile d’exemplaires à chacune des trois personnes présentes devant lui et ils se mirent à les parcourir frénétiquement. Leurs recherches ralentirent cependant bien vite lorsqu’ils constatèrent l’ampleur que prenaient les faits divers dans la presse.

- Mais enfin, la violence a explosé en 2005 ou quoi ? finit par s’exclamer Rose alors qu’elle tombait sur un énième article annonçant le meurtre d’un Londonien, un certain Matthew Livingston.

- Non, c’est juste qu’on en parle de plus en plus. Certains magasines font même des affaires de ce genre leur spécialité, expliqua Effy.

Elle-même avait constaté le phénomène lorsqu’elle se réfugiait dans la minuscule bibliothèque de l’orphelinat, enfant, et y lisait régulièrement les journaux du fait du manque de romans disponibles.

James, lui, s’il n’avait encore jamais lu la presse moldue, était habitué par son père à entendre toutes sortes d’histoires plus sordides les unes que les autres et parcourait donc les journaux avec une certaine froideur que ne réussissait visiblement pas à adopter Rose. Il notait machinalement sur un parchemin les noms des personnes correspondant aux vagues critères physiques que leur avait donnés Hailey Rosenbach. Lorsqu’il eut finit de décortiquer sa pile, cinq noms s’étalaient devant lui, ceux de cinq jeunes femmes, blondes, assassinées entre octobre 2005 et mars 2006 : Wendy McKay, Emma Richard, Margaret Coughlin, Suzie Fitzgerald et Emma Wheeler. De son côté, Hugo ne trouva rien qui corresponde à leurs recherches mais Effy et Rose apportèrent sept nouveaux noms à la liste de James, parmi lesquels une autre Wendy et une autre Emma qui le firent songer avec ironie à la pertinence de se renseigner sur les noms les plus fréquemment associés aux pages des faits divers avant de nommer ses enfants –pensée qui dériva ensuite sur des réflexions douloureuses. Son expression redevint celle qui avait tant inquiété Effy depuis le début de l’été, mais la jeune fille ne le remarqua pas cette fois-ci, trop assaillie par ses propres soucis. Son indécision quant à leur enquête était plus que jamais d’actualité maintenant que se trouvait sous ses yeux les noms de personnes décédés parmi lesquelles se trouvait peut-être l’un des membres de sa famille. Cette perspective l’écœurait au point qu’elle se demanda si elle n’allait pas tout simplement régurgiter son repas, et elle quitta précipitamment la pièce pour se diriger vers la salle de bain. Sa nausée disparut lorsqu’elle en franchit la porte, mais le visage que lui renvoyait le miroir était plus pâle que la mort. Elle discerna vaguement les appels de ses camarades et ne prit pas la même d’y répondre, obnubilée par son aspect cadavérique.

Seize ans ne lui avaient pas été suffisants pour surmonter le traumatisme de l'abandon. Sa désastreuse expérience en orphelinat avait achevé de la renfermer, mais Effy savait très bien que la blessure originelle était l'abandon, cet abandon qu'elle s'était si souvent ressassée. Si elle ne fréquentait que de très rares personnes, c'était bien du fait d'une peur surdimensionnée du rejet. Rien ne l'effrayait plus que la perspective d'être abandonnée par les gens auxquels elle tenait, et ses parents auraient dû faire partie de ces gens. Ils ne lui en avaient pas même laissé l'occasion. La dispute de l'année passée avec ses amies l'avait déjà conduite à cesser de s'alimenter au point de s'en évanouir, se pencher plus avant sur les raisons de son abandon pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur sa santé tant mentale que physique. Si elle voulait aller au bout de cette enquête, Effy allait devoir prendre un énorme risque : celui de se confronter à un passé qu'elle avait vainement tenté de refouler pendant tant d'années.

Or, rien ne lui assurait de sortir victorieuse de cette confrontation. Au contraire, il lui semblait même qu'elle avait tout à y perdre.

- Effy ! dit distinctement Rose à travers la porte en frappant légèrement contre celle-ci pour être sûre d'être entendue. Effy, je ne veux pas te déranger mais tu viens juste de recevoir une lettre de Brooke et c'est déjà la troisième, je crois qu'elle aurait bien besoin d'une réponse...

Bien entendu, Brooke attendait une réponse. Tous attendaient une réponse, tous attendaient qu'elle prenne à bras le corps une enquête qui leur paraissait la concerner elle avant tout, tous s'interrogeaient sur les raisons de son inaction.

Tous étaient là mais aucun ne comprenait.

Aucun ne comprenait ce besoin désespéré de...

- Je vais y aller.

Rose avait à peine achevé sa phrase qu'à sa plus grande surprise, la porte s'entrouvrit. Le visage étrangement souriant d'Effy apparut alors dans l'embrasure et l'étonnement de Rose quant à cette expression qu'elle jugeait tout sauf naturelle était tel que la jeune fille se sentit obligée de se justifier :

- Je vais rendre visite à Brooke demain.

End Notes:
Merci d'avoir lu !

Le prochain chapitre s'intitulera Les hypothèses... et vous, quelles sont vos hypothèses quant au comportement de James ? Quant à la famille d'Effy ? Quant à ses retrouvailles avec Brooke ?
Les hypothèses by Bloo
Author's Notes:
Merci à flodalys pour ses précieux conseils et merci à Enireves Lechemin pour sa gentille review sur le chapitre précédent.

Bonne lecture !

Le splendide soleil d'été mettait à mal les préjugés qu'avait jusqu'à présent entretenus Effy quant à l'Irlande. Depuis le temps qu'elle fréquentait Brooke, elle n'avait encore jamais réalisé que cette dernière vivait dans la lande irlandaise et ne l'avait compris que lorsqu'il avait été question de Portoloin pour visiter cette dernière. Si Brooke parlait souvent de sa famille, elle n'avait jamais spécifiquement précisé leur lieu de résidence bien qu'en y songeant maintenant, Effy se rendit compte que nombre de détails auraient dû lui indiquer l'Irlande. Toutes ces fois où Brooke lui parlait des paysages verdoyants, des innombrables moutons dans le pré jouxtant sa maison, de la bière de la ville la plus proche qu'elle considérait être la meilleure au monde, des trèfles qu'elle collectionnait, toutes ces fois avaient été autant d'indices qui auraient dû mettre Effy sur la voie. Un peu honteuse, elle saisissait à quel point son égocentrisme pouvait se montrer élevé. Brooke était son amie, elle l'appréciait et aimait discuter avec elle, mais elle était toujours bien trop concentrée sur ses propres problèmes pour s'intéresser réellement aux personnes composant son entourage -si l'on exceptait ses plus proches camarades.

Aussi prit-elle pour résolution de ne pas aborder la première ce qui était pourtant initialement le sujet de sa visite, préférant consacrer toute son attention à Brooke qui était visiblement ravie de lui présenter sa maison. Effy était à peine arrivée que la jeune fille lui avait littéralement sauté dessus, avant de l'entraîner dans une course folle à travers l'immense terrain aux herbes folles. Cette course les avait menées devant une grande maison en pierres aux volets framboise, l'une des couleurs favorites de Madame Finnigan. Cette dernière était justement apparue à travers la porte, les cheveux lâchement attachés en un épais chignon, le sourire aux lèvres et vêtue d’un pantalon de lin et d'un simple débardeur laissant apercevoir de fines cicatrices blanches.

- Bonjour Effy, depuis le temps que Brooke nous parle de toi, je suis vraiment contente de te rencontrer ! lui dit-elle d'une voix chaleureuse.

- Moi aussi Madame, répondit Effy.

Son regard était irrésistiblement attiré par les marques striant le cou et l'épaule de la sorcière, mais elle s'efforçait de regarder celle-ci dans les yeux sans pour autant contenir son rougissement. Elle avait en effet bien conscience du peu de politesse que traduisait ce geste et serait sûrement devenue aussi écarlate que les volets de la maison si une voix plus chaude encore que quelques instants auparavant ne l'avait interrompue :

- Ce sont les vestiges de la guerre, ce qui me permet de dire que j'y étais, expliqua Madame Finnigan avec un clin d'œil.

- Oh ! Vous devez être très courageuse alors, Madame.

N'ayant jamais été confrontée à ce genre de situation, Effy ne savait guère ce qu'il convenait de dire mais l'air soudainement ému de son interlocutrice lui fit comprendre qu'elle n'avait cette fois pas commis de faux pas.

- Tu peux m'appeler Lavande, dit-elle finalement sur un ton légèrement plus chevrotant.

Puis l'expression de son visage redevint neutre, ne trahissant plus qu'une grande douceur :

- Et j'espère pouvoir te présenter rapidement Seamus, il a promis de ne pas rentrer trop tard aujourd'hui, ajouta-t-elle.

Elle fit ensuite signe aux deux jeunes filles de pénétrer dans la maison où une délicieuse odeur de chocolat emplit immédiatement leurs narines. Brooke entraîna cependant Effy dans une pièce qui ne ressemblait pas du tout à une cuisine puisqu'un grand lit y trônait, au-dessus duquel des individus lui souriaient à travers des photographies.

Effy se souriait d'ailleurs à elle-même.

- C'est petit, mais bien insonorisé, expliqua Brooke en désignant d'un geste sa chambre avant d'en refermer la porte. Paul et Helena vont probablement débarquer dans la cuisine dès que le gâteau sera sorti du four et Papa devrait vite arriver aussi. Donc autant avoir tout de suite la conversation sérieuse avant de juste profiter.

Effy déglutit, ne s'étant pas préparée à une confrontation aussi rapide. Force lui était d'admettre que sa résolution n'était pas purement charitable mais bien liée à son indécision la plus totale. Elle n'avait toujours pas pris la moindre décision quant à l'enquête depuis la réponse envoyée à Brooke deux jours auparavant. Deux jours durant lesquelles ni Hailey, ni Teresa ne les avaient contactés et qui lui avaient laissé tout le temps de se décider sans qu'elle ne parvienne finalement à trancher.

- Sauf si tu ne veux plus savoir, bien sûr, compléta Brooke en faisant ainsi directement comprendre à Effy qu'elle avait parfaitement saisi le sens de ses dernières lettres.

La subtilité n'était pas la caractéristique première de Brooke qui préférait de loin rentrer au plus vite dans le vif du sujet et ne s'en était d'ailleurs jamais caché. À vrai dire, Effy se demandait même comment elle avait pu ne pas se douter des arrière-pensées de son amie dans les lettres qu'elle lui avait adressées.

- Écoute, je…

- Effy, pourquoi es-tu venue au juste ? la coupa doucement Brooke.

La jeune fille allait s’indigner pour la forme de la question, mais Brooke avait l’air on ne peut plus sérieuse. Elle tenait dans sa main les dernières missives de son amie, toutes laissant à penser que celle-ci n’avait plus l’intention de poursuivre l’enquête. Or, elle se trouvait aujourd’hui devant elle et malgré les liens importants tissés cette année entre elles deux, Brooke se doutait bien qu’il y avait autre chose et qu’Effy n’était pas venue simplement pour le plaisir de battre la campagne irlandaise à ses côtés et de manger les délicieux gâteaux de sa mère.

- Dans… dans ta dernière lettre, tu… tu disais que, peut-être… commença alors à s’expliquer Effy.

En fronçant les sourcils, Brooke tenta de se remémorer ce qu’elle avait bien pu lui écrire précisément pouvant la plonger dans une telle gêne.

- Tu… tu disais, enfin, tu écrivais, que la personne qui m’a déposée à l’orphelinat, et bien… que peut-être, cette personne voulait seulement me protéger.

- Oui, acquiesça Brooke sans comprendre où Effy souhaitait en venir.

- Tu as une… je ne sais pas, une théorie, à ce propos ?

- Oui c’est ce que je voulais t’expliquer, même si je ne garantis en rien sa véracité, mais Effy pourquoi tu…

À cet instant seulement, Brooke remarqua que le regard de son amie s’était voilé et que ses yeux brillaient un peu trop pour que ce soit naturel. Elle se tortillait les mains dans tous les sens, faisant craquer ses poignets de temps à autres, et le simple fait de poser sa question l’avait plongée dans un embarras suffisamment important pour qu’elle garde la tête obstinément rivée vers le sol.

- Oh…, comprit enfin Brooke.

- Je sais. C’est un peu pathétique.

- Non Effy, ça ne l’est pas. Je te garantis que ça ne l’est pas.

La faible distance séparant les deux jeunes filles fut rapidement comblée par Brooke, qui s’élança vers son amie pour la prendre dans ses bras.

Brooke avait très clairement eu une enfance heureuse. Les premières années dont elle se souvenait s’étaient déroulées dans la banlieue londonienne, près d’un petit square où sa mère les emmenait très régulièrement son frère et elle, travaillant essentiellement à domicile. Puis, sur une décision qui lui avait à l’époque parue très précipitée, ils étaient tous partis pour l’Irlande où ses parents avaient eu la surprise d’apprendre quelques temps après qu’ils attendaient un troisième enfant. Brooke et Paul avaient ainsi gagné un nouveau compagnon de jeu en la personne d’Helena et c’était eux qui lui avaient appris à marcher, au terme de laborieux efforts dans l’immense jardin. Lorsque le projet de sa mère avait commencé à bien fonctionner, cette dernière avait aménagé des locaux à Londres et cessa alors de s’occuper de ses enfants durant la journée. Ils eurent donc la joie de découvrir l’école primaire Moldue, où ils se firent leurs premiers camarades et devinrent de la sorte des enfants très sociables. Cela avait notamment permis à Brooke de ne pas s’inquiéter le moins du monde quant à son entrée à Poudlard et de se faire très rapidement des camarades.

Bien sûr, elle se doutait qu’elle oubliait facilement les moments moins jolis. Elle se doutait que les disputes, les punitions, les jours de pluie à mourir d’ennui malheureusement très fréquents, et même cette fois où son amoureux de primaire l’avait lâchement abandonnée pour une autre, elle savait bien que tous ces instants s’étaient éclipsés de sa mémoire pour ne laisser leur place qu’aux plus beaux de tous. Elle était comme ça, Brooke, elle ne se souvenait que des joies ayant jalonnées son chemin et se défaisait rapidement des peines. Elle pouvait bien être ainsi, parce qu’elle avait toujours eu à ses côtés des personnes pour la rassurer.

Des personnes lui apprenant à croire en elle.

Des personnes l’aimant de tout leur cœur.

Tout ce qu’Effy n’avait malheureusement jamais connu.

- Effy, je suis sûre que quelque part sur cette terre, il y a des gens qui tiennent à toi, assura Brooke en serrant plus fortement encore son amie contre elle.

- À supposer qu’ils soient encore en vie.

- C’est un risque, oui. Mais je ne crois pas que tu aies été abandonnée. Je suis fermement convaincue que tu as été protégée, et ce n’est pas du tout la même chose.

- Mais protégée de quoi, enfin ?

- D’une vie qui ne valait pas la peine d’être vécue.

- Parce que la vie que j’ai eu à l’orphelinat elle valait le coup, peut-être ?

- Pense à ta vie après, Effy. Pense à ta vie jolie, la vie que tu mérites, la vie que tu t’es créée à Poudlard. Tu as des gens qui t’aiment, aujourd’hui. Tu as des gens qui veulent te protéger.

- Mais ce n’est pas suffisant. J’ai besoin de savoir que les personnes qui m’ont déposée à l’orphelinat ont cherché à me protéger. J’ai besoin de savoir qu’elles ne m’ont pas abandonnée simplement… simplement pour…

Brooke put sentir ses entrailles se tortiller légèrement à la suite de cet aveu. Certes, une idée lui étant venue quant à l’abandon d’Effy, une idée impliquant une volonté de protection de la part de la personne, ou des personnes, l’ayant déposée devant l’orphelinat. Elle espérait très fort que cette idée se vérifie par la suite, mais rien ne lui garantissait que ce soit le cas. Or, si les craintes de son amie s’avéraient véridiques, celle-ci en serait probablement détruite. Et Brooke n'était pas certaine de pouvoir supporter une telle chose, elle non plus.

Elle ne voulait pas lui donner de faux espoirs.

- Écoute... J'ai juste pensé à quelque chose, quelque chose dont rien ne dit que ce soit vrai. Alors je vais te le détailler mais Effy, si tu penses que la vérité serait trop dure à entendre, je ne te jugerais pas. Je te soutiendrais, même. C'est à toi seule de décider si tu veux savoir ou non et personne n'a à te juger là-dessus parce que personne n'est dans ta situation. D'accord ?

Si la franchise de Brooke était parfois désarmante, la jeune fille savait pour autant faire preuve de délicatesse lorsque cela était nécessaire -et se différenciait en cela de Rose et Georgie, dont le tact était beaucoup plus limité. Cela calma Effy qui comprit que, pour l'heure tout du moins, elle pouvait bien exprimer tous les doutes qu'elle souhaitait sans crainte d'être jugée.

Les deux filles se séparèrent alors non sans une certaine gêne liée à la situation peu commune dans laquelle elles se retrouvaient plongées -pour Brooke notamment- avant de s'assoir sur le lit de cette dernière.

- Voilà. Tu m'as dit que vous aviez retrouvé ton acte de naissance. Vous savez donc où tu es née ?

- Non, répondit Effy en réalisant soudainement qu'ils ne s'étaient pas attardés sur ce qui n'avait pourtant rien d'un détail. Seuls mon nom et mon prénom apparaissent dessus, ainsi que ma date de naissance, mais tout le reste a été effacé.

- Et à ton avis, pourquoi avoir dissimulé tout ça ?

- Parce que ceux qui m'ont abandonnée veulent être certain que je ne puisse les retrouver, marmonna Effy encore toute à ses idées noires.

- Ou parce que celui ou celle qui t'a déposée ne veut pas que quelqu'un d'autre puisse te retrouver.

Effy ne réagit pas directement à cette hypothèse mais ses sourcils se froncèrent et Brooke eût ainsi la confirmation que la jeune fille éprouvait toujours un grand besoin de connaître la vérité.

Elle la souhaitait seulement autant qu'elle la craignait.

- Effy, je pense que d'une façon ou d'une autre, ta vie était en danger ou au moins menacée et qu'on t'a laissée à l'orphelinat pour te donner tes meilleures chances.

Bien entendu, c'était une théorie à laquelle la concernée avait déjà elle-même songée. Il s'agissait de la plus arrangeante, pour elle. La seule excuse qu'elle pourrait trouver à ses parents, si ceux-ci étaient toujours en vie, serait bien celle-là après tout. Cela n'impliquait pas, au moins, qu'elle ait été abandonnée parce qu'elle n'était pas désirée ou, pire encore, pas aimée. Après tout, elle n'était pas arrivée à l'orphelinat dès sa naissance mais plusieurs mois après. Enfant, elle s'était souvent demandé si cela ne signifiait pas que ses parents l'avaient détestée, si elle n'avait pas été un horrible bébé leur faisant regretter sa venue au monde, si encore elle n'avait pas gâché la vie qu'ils rêvaient d'avoir avant elle.

Assurément, l'abandon « sécuritaire » serait celui qu'elle digérerait le plus aisément, puisqu'il sous-entendrait un sentiment d'amour de la part de ses parents, un sentiment qui lui avait tant manqué tout au long de sa vie.

- Et tu sais ce que cela pourrait aussi signifier ? demanda Brooke.

- Non, répondit presqu'aussitôt Effy, qui n'avait pas envie de tergiverser pour savoir ce qu'avait son amie en tête.

- Je me demande si Peterson est bien ton vrai nom de famille.

Un léger silence suivit cette déclaration, le temps pour Effy d'assimiler l'hypothèse. Pour le coup, c'était bien quelque chose sur quoi elle ne s'était jamais penchée. Mais l'idée n'était pas idiote. Si on l'avait effectivement abandonnée pour la protéger, il était peu probable qu'on l'ait laissée sous son vrai nom. Toutes les autres informations la concernant avaient été retirées : son lieu de naissance, le nom de ses parents, pourquoi donc laisser son vrai nom ?

- Peterson... c'est un nom assez courant, fit toutefois remarquer Effy.

- Des Elizabeth Peterson nées le 9 août 2005, il ne doit pas non plus y en avoir à foison.

- En imaginant même que je m'appelle Elizabeth. Si mon nom de famille a été modifié, le prénom pourrait très bien l'être aussi. Même la date de naissance, en fait.

- Ça remet en question tout ce que tu as toujours su à ton propos jusqu'à présent, je sais. C'est pour ça que je ne voulais pas te le dire dans une lettre, j'ai pensé que ce n'était pas le moyen le plus... adapté.

- Rien ne me rattache à mon nom de famille. Je ne sais pas qui d'autre le portait, il ne m'évoque personne. Mais dans ma tête, il est très clair que je suis Elizabeth Peterson, Effy. Je... ça me ferait vraiment très bizarre de devenir quelqu'un d'autre.

- Mais quelque part, tu as déjà plus ou moins modifié ton prénom, non ? Je veux dire, tu es devenue Effy pour tellement de gens, même les professeurs t'appellent ainsi. Je me suis toujours demandée pourquoi, d'ailleurs.

Aucune autre réponse ne fut apportée à cette question qu'un petit sourire énigmatique d'Effy, qui se remémorait sa toute première rencontre avec Minerva McGonagall. Elle savait bien que la complaisance des professeurs venait de cette dernière qui avait dû leur exposer la situation et lui était pour cela diablement reconnaissante. Effy n'était pas seulement un surnom, c'était une part de son identité qu'elle avait construite et qui lui avait permis de maintenir la tête hors de l'eau durant son enfance.

- Pourquoi Effy ? interrogea finalement Brooke en comprenant qu'elle n'aurait pas d'explication à sa précédente question.

- Parce que je ne suis pas Elizabeth. Je ne suis pas la fille de mes parents. Du moins, je ne l'ai encore jamais été. Effy est suffisamment éloigné d'Elizabeth pour me permettre de tenter tant bien que mal d'exister sans avoir eu l'existence qui aurait dû être la mienne.

- Et le « E » est le signe qu'une part de toi a toujours espéré pouvoir mener cette existence un jour ou l'autre, termina Brooke en hochant lentement la tête.

- C’est quelque chose comme ça, oui, acquiesça Effy.

Les deux filles restèrent un long moment assises sur le lit de Brooke, songeuses. Cette dernière était aussi légèrement déconcertée, bien que moins que son amie, à l’idée que celle-ci puisse ne pas s’appeler Elizabeth Peterson. Après tout, c’était ainsi qu’elle l’avait toujours connue, et il lui serait très difficile de mettre un nouveau nom sur son visage. Elle comprenait bien, de ce fait, ce qui pouvait se passer dans la tête de la jeune fille. Si elle-même avait déjà du mal à se faire à une telle idée, elle ne devait être que plus dérangeante pour Effy.

Une délicieuse odeur de gâteau que l’on sort du four finit par venir chatouiller leurs narines et Brooke se tourna alors avec un grand sourire vers son amie :

- Allez viens Effy. Il est grand temps pour nous de profiter de cette journée.

(...)

Quand Effy descendit dans la cuisine des Weasley-Granger le lendemain matin, elle fut encore surprise d’y trouver James, installé devant un bol de céréales. Le jeune homme habitait avec eux depuis trois jours déjà mais elle ne s’était pas encore habituée à le croiser dans la maison. Sa mère avait bien tenté de venir lui rendre visite la veille –Rose le lui avait raconté lorsqu’elle était rentrée de chez Brooke-, mais James lui avait simplement répondu que « James n’était plus là » avant de s’enfermer dans la chambre qu’il partageait avec Hugo. Ginny n’avait pas insisté, suffisamment au fait du caractère de son aîné pour posséder à peu de choses près le même, mais la tristesse qui se lisait dans son regard avait assez profondément remué Rose pour qu’elle ne la retranscrive longuement à Effy. Assurément, Ginny n’était à cet instant qu’une mère comme les autres s’inquiétant pour son fils et n’importe qui aurait sincèrement souhaité les voir se réunir sous ses yeux. Effy se demandait toujours ce qui avait bien pu se passer dans cette famille pour que James ait développé une telle rancœur à l’égard de ses parents, mais ne cherchait pas à aborder le sujet avec le concerné qu’elle savait capable de réagir au quart de tour à sa simple évocation.

- Tu as une nouvelle piste grâce à Brooke ? lui demanda celui-ci lorsqu'elle s'installa en face de lui.

Elle était rentrée assez tard la veille et James ne l'avait pas attendu pour dîner. A vrai dire, il était rapidement parti se coucher après n'avoir pratiquement pas touché au repas pourtant longuement préparé par Ron.

- Rien que l'on ne puisse vérifier pour l'instant, résuma Effy.

Elle se servit une minuscule portion de céréales et l'arrosa généreusement de lait frais avant de se stopper sous le regard insistant de James.

- Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle gênée.

- Tu n'as pas envie de les retrouver tes parents, n'est-ce pas ?

La jeune fille accusa le coup, songea à toute vitesse aux excuses qu'elle pourrait invoquer mais le ton de James était clair et sans appel.

- Ce n'est pas que je n'ai pas envie, essaya-t-elle néanmoins de se justifier. C'est juste que... Je...

- Tu es en colère contre tes parents de t'avoir abandonnée.

- Ça dépend, peut-être qu'ils n'ont pas eu le choix.

- Peut-être, en effet, mais tu es en colère de toute façon. Tu n'oses pas le dire aux autres parce que tu as peur de passer pour une égoïste incapable de comprendre les choix de ses parents, mais au fond, peu importe la raison de ton abandon, tu leur en veux profondément. Parce que des parents ne devraient jamais abandonner leur enfant.

- C'est ce que tu penses, toi ? rétorqua la jeune fille.

Le discours de James mettait des mots beaucoup trop précis sur ce qu'elle ressentait pour qu'il n'ait pas lui-même ressenti les mêmes émotions. Il n'était pas possible qu'il lise en elle à ce point autrement, ils n'avaient après tout jamais été proches.

La raison en était peut-être encore obscure pour Effy, mais James éprouvait la même chose qu'un enfant abandonné.

- Je n'ai jamais parlé de tout ça à qui que ce soit, répondit posément le jeune homme.

- Je crois bien être la mieux placée pour comprendre ce que tu aurais à dire, tu sais.

- Et pourquoi devrais-tu le faire ? J'ai été odieux avec toi, Lily avait raison.

- Peut-être que j'ai justement besoin d'avoir une explication. Besoin de savoir que tout ça n'était pas de ma faute.

- Évidemment que ça n'était pas de la tienne ! s'exclama aussitôt James.

- Non, James. Ce n'était pas évident pour moi. Je... je croyais vraiment que j'avais fait quelque chose de mal. Que j'avais mérité tout ça. Et j'aurais tellement, tellement donné pour savoir pourquoi, pour savoir ce que je devais améliorer chez moi !

- Effy...

Son bol de céréales était toujours intact et la jeune fille n'avait visiblement plus l'intention d'y toucher. Son regard, d'abord planté dans celui de James, s'en était détourné pour se concentrer avec force sur le jardin que l'on apercevait depuis la grande baie vitrée de la cuisine.

Sa main tapotait nerveusement la table juste à côté de la brique de lait.

- Je n'ai pas été le premier à m'être comporté de la sorte avec toi, n'est-ce pas ? demanda James d'une toute petite voix.

Pour toute réponse, la jeune fille secoua fortement la tête avant de cacher ses yeux plein de larmes de sa main restée libre.

L'autre avait en effet été attrapé par celle de James.

- Effy, que s’est-il passé à l’orphelinat ?

- Que s’est-il passé dans ta famille, James ? répliqua Effy sans pour autant retirer sa main de celle de James dont la chaleur lui permettait de se concentrer sur autre chose d’autre que sa peine.

- Tu veux du donnant donnant ?

- Oui, répondit aussitôt la jeune fille sans saisir toute la portée de sa réponse.

- Alors très bien.

Comprenant que le garçon était sérieux, Effy se découvrit soudainement le visage pour rougir jusqu'aux oreilles. Tous deux se regardaient, attendant visiblement que l'autre ne commence son récit tout en préparant mentalement ce qu'il conviendrait de dire ensuite.

Jamais Effy ne s'était épanchée sur son séjour à l'orphelinat, pas même en compagnie de ses plus proches amis. Elle savait donc déjà très bien qu'elle ne serait pas capable de tout dire à James et faisait déjà le tri dans ses souvenirs, les classant de plus confidentiel à moins confidentiel -la catégorie « pas confidentiel du tout » n'existant pas réellement.

Une Rose à la voix survoltée vint cependant couper court à l’imminence de leurs confidences :

- J’ai les résultats de mes BUSE, mais c’est mieux encore que ce que j’attendais ! s’exclama-t-elle.

- C’est-à-dire ? demanda Effy, qui n’était pas mécontente d’avoir, pour l’heure, échappé à la conversation qu’elle redoutait.

Le regard de James laissait toutefois clairement supposer qu’il était loin d’en avoir fini avec elle.

- Tu as même eu un Optimal en histoire, c’est ça ? finit Effy en souriant.

- Mais de quoi tu parles ?

- De tes BUSE, enfin ! répondit Effy en fronçant les sourcils.

- Ah mais je ne te parle pas de ça. Enfin oui, je n’ai que des Optimal sauf en histoire, si vous voulez tout savoir, mais ça ce n’est pas le sujet.

- Non, bien sûr que non, dirent en chœur James et Effy.

Cette dernière leva les yeux au ciel en imaginant que trop bien ce que dirait Hermione si elle se trouvait en compagnie de sa fille à cet instant précis.

- J’ai une lettre de Hailey ! finit par expliquer Rose en brandissant ladite lettre devant eux. Et devinez quoi ?

- Elle a retrouvé Teresa ? avança James, le regard brillant d’excitation tout à coup.

- Mieux que ça. Elle lui a raconté toute notre histoire et comme Teresa ne peut pas revenir du Brésil pour l’heure, elle nous a envoyé une très longue lettre à propos de cette fille, cette Peterson. Emma Peterson, en fait. Hailey attendait de recevoir la lettre pour nous annoncer la nouvelle, histoire d’être sûre de ne pas nous donner de faux espoirs.

« 19 juillet 2022

Chère Elizabeth,

Je dois t'avouer qu'il est très émouvant pour moi d'écrire ainsi ton prénom, près de vingt ans après avoir croisé la route de ta grande sœur. Tu dois t'en douter, la fameuse Peterson dont vous a parlée Hailey ne pouvait pas être ta mère. En fait, Emma était ta sœur. Emma Peterson.

Mon histoire avec Emma est sans doute l'une de celles m'ayant le plus marquée de toutes mes années étudiantes. Je ne l'ai pourtant connue que très tard, comparé aux autres filles que je fréquentais pour la plupart depuis la petite enfance. Emma est arrivée dans notre école en septembre 2003, elle avait alors quatorze ans. Nous sommes très vite devenues inséparables. A l'époque, mes parents étaient en pleine instance de divorce et je n'osais jamais en parler à qui que ce soit autour de moi. Emma avait cette capacité d'écoute et de compréhension qui m'a irrémédiablement attirée vers elle. Je crois que beaucoup de gens se confiaient à elle, elle était vraiment de ces gens qui inspirent la confiance. Par contre, elle était aussi secrète que les confidences les plus intimes qu'on lui confiait. Elle ne me parlait jamais de ses parents. En fait, j'ai longtemps pensé et je pense toujours qu'elle ne vivait pas avec eux à cette période. Ils ne venaient jamais aux réunions, elle n'en parlait pas, et elle n'a jamais invité personne à venir chez elle. Des rumeurs couraient comme quoi elle habitait avec un homme plus âgé, mais j'avais bien compris qu'il s'agissait d'un sujet sur lequel il ne fallait pas s'aventurer.

Puis elle a brusquement disparu pendant l'été 2005. Je n'ai pas eu la moindre nouvelle d'elle, ce qui ne m'étonnait qu'à peine, elle avait toujours été si mystérieuse. Je l'ai croisée une fois par le plus grand des hasards, à Londres. Elle ne m'a pas reconnue et j'étais alors moi-même au plus mal, je lui en voulais un peu de s'être enfuie ainsi et je n'ai pas cherché à attirer son attention. J’ai bien vu cependant qu’elle n’avait pas l’air en forme. Ses traits étaient incroyablement tirés. Je ne l'ai plus jamais croisée.

La dernière fois que j'ai entendu sa voix, ça a été durant le mois de janvier 2006. Elle m'a appelée pour m'annoncer qu'en août dernier était née sa petite sœur et qu'elle devait prendre soin de toi. J'ai compris qu'elle était retournée chez vos parents, mais elle n'avait plus son habituelle voix chaleureuse. Je me suis rappelé de cette fois dans les rues londoniennes, j'ai essayé de la faire parler, je lui ai même proposé de venir me voir avec toi, s'il le fallait. Je crois qu'elle envisageait très sérieusement l'idée, et puis... Et puis la conversation a été brusquement ininterrompue. Je n'ai plus jamais entendu parler d'Emma Peterson par la suite.

J'ai bien tenté d'avoir quelques nouvelles par la suite, mais mes parents, qui s'étaient déchirés si longtemps, étaient finalement rabibochés et ont décidé de donner une nouvelle chance à notre famille en repartant pour le Brésil. Cela a coupé court à mes brèves recherches et je crois que quelque part, j'en voulais toujours un peu à Emma, de m'avoir abandonnée ainsi. Je n'ai compris que bien plus tard que sa disparition n'était probablement pas de son fait.

J'espère sincèrement que vous réussirez à la retrouver avec tes amis. Si tel est le cas, dis-lui que j'aimerais beaucoup avoir de ses nouvelles.

Et que ma porte lui sera toujours ouverte.

Cordialement,

Teresa Luis »

End Notes:
Merci d'avoir lu !

Le prochain chapitre s'intitulera L'aveu. L'aveu de qui ? Que pensez-vous de la lettre de Teresa ? Que cachent Effy et James ?

N'oubliez pas de me laisser une review si vous avez lu ce chapitre, ça ne prendra que quelques minutes de votre temps et me fera savoir que je n'écris pas en vain, parce que c'est assez décourageant de voir le compteur de lectures augmenter mais pas celui des reviews... vous faîtes aussi partie de cette histoire et j'ai besoin de vous pour l'écrire :)
L'aveu by Bloo
Author's Notes:
Un grand merci à YumeToNamida, Enireves Lechemin, Laure28 et Charliechou pour leurs adorables reviews sur le chapitre précédent, vraiment ♥ C'était la première fois depuis que j'ai repris la publication de cette histoire que j'ai eu d'aussi gentils retours et j'en ai vraiment été très touchée, merci beaucoup !

Je vous présente aussi mes excuses pour la semaine sans chapitre, j'étais en vacances avec mes parents pour une semaine et comme j'étudie à l'étranger, c'était la dernière fois que je les voyais avant l'été alors j'en ai profité au maximum :)

Bonne lecture !

Depuis que la lettre de Teresa leur était parvenue, Effy, James, Rose et Hugo avaient à peine dormi plus de deux heures. Dès la lumière éteinte dans la chambre parentale, ils s'étaient empressés de se retrouver dans celle de Hugo pour décortiquer la missive phrase par phrase.

Effy avait, pour l'heure en tout cas, totalement oublié ses nombreuses tergiversions. Les nouveaux indices apportés par Teresa l'avaient tout naturellement incitée à se pencher sur l'enquête et surtout, à en savoir le plus possible à propos d’Emma. Sa grande sœur. Elle n'avait peut-être pas le grand frère dont elle avait toujours rêvé, mais quelqu'un était né avant elle, quelqu'un partageant ses parents, son sang, quelqu'un à qui elle pouvait se rattacher et surtout quelqu'un qu'elle ne pouvait qu'aimer. Bien sûr, elle souhaitait ardemment retrouver ses parents et apprendre que ceux-ci n'avaient jamais cessé de penser à elle, mais James n'avait pas eu tort en disant qu'une part d'elle-même leur en voudrait toujours. Sa sœur, en revanche, ne pouvait pas être responsable des choix de ses parents. D'après Teresa, elle était même revenue vers sa famille spécialement pour elle. Il devait donc bien y avoir une personne sur cette terre tenant suffisamment à elle pour tout lui abandonner.

Et si une telle personne existait, alors il n'y avait plus de doutes possibles. Effy devait à tout prix la retrouver.

- Personnellement, ce qui m'interpelle le plus, c'est que les parents de Emma semblent bien ne jamais avoir existé à en croire le propos de Teresa.

- Si Effy est née ensuite, c'est bien qu'ils étaient là.

- Merci, j'étais parvenue à cette conclusion sans ton aide, James, répliqua sèchement Rose. Ce que je veux dire, c'est qu’Emma semble ne pas avoir vécu avec eux pendant plusieurs années. Elle était mineure, pourtant !

- Elle pouvait très bien vivre avec eux sans que Teresa ne les ait jamais vus. Et elle aurait ensuite quitté Londres en les suivant, dans un déménagement par exemple.

- Et ces rumeurs à propos d'un homme plus âgé ? s'interrogea Hugo.

- Si on commence à s'occuper des commérages...

- Non, Hugo a raison, intervint Effy à la surprise générale, elle d'ordinaire si peu bavarde dès lors qu'il s'agissait d'émettre des hypothèses. Certes, se baser uniquement sur des ragots n'est pas ce qui paraît le plus sérieux, mais les ragots ont toujours un fond de vérité, ils ne sortent pas de nulle part.

- Pour en avoir moi-même colporté pas mal à Poudlard, je peux t'assurer que si, rétorqua James. Emma pouvait très bien avoir des ennemis qui ont décidé de lancer une rumeur comme quoi elle était entretenue par un vieux pour la discréditer.

- Déjà, il n'est pas question d'un vieux, mais d'un homme plus âgé, ce qui serait logique puisqu'Emma était mineure et ne vivait donc certainement pas seule. Ensuite, pour ce qu'en dit Teresa, on peut supposer que Emma était plutôt appréciée. Tout le monde ne se confie pas à quelqu'un sans raison. Enfin, je ne pense pas que Teresa nous aurait parlé de cette rumeur sans elle-même y croire un petit peu. Quel intérêt sinon ? C'était son amie, elle ne va pas nous raconter tous les bruits qui ont pu courir à son propos.

Le petit discours d'Effy avait visiblement fait mouche auprès de Hugo et Rose, qui s'étaient jeté un regard avant de se pencher à nouveau sur la lettre avec attention. James, lui, paraissait plus dubitatif mais Effy avait la désagréable impression que ce n'était pas de sa théorie qu'il se méfiait : il la regardait curieusement, comme s'il avait parfaitement compris ce à quoi elle était en train de penser. Or, il lui avait déjà fait exactement le même coup quelques heures auparavant et elle ne souhaitait pas le voir à nouveau mettre des mots sur des sentiments lui étant aussi personnels. Elle s'empressa donc de reprendre la parole pour ne pas lui laisser l'occasion d'émettre ses pensées :

- D'ailleurs, Teresa souhaite retrouver Emma. Je pense qu'elle a vraiment mis dans cette lettre tous les éléments qui pourraient nous aider à y parvenir et que nous devons donc tous les prendre en compte.

- Certes, approuva Rose en relevant la tête. Je partage quand même un peu l'avis de James, on ne peut pas juste se baser sur des rumeurs. Donc pour l'instant, on devrait envisager les deux hypothèses : qu'Emma ait pu vivre avec ses parents, ou bien avec un inconnu qu'il nous faudrait auquel cas identifier au plus vite.

- Je ne sais pas vous, mais je ne pense pas qu'il puisse s'agir d'un inconnu, argua une nouvelle fois Hugo. Je veux dire, à quatorze ans, tu ne vas pas vivre avec quelqu'un que tu ne connais pas. Il faudrait peut-être essayer d'en savoir un peu plus sur la famille Peterson : peut-être qu'Emma vivait avec un oncle ou un cousin.

- Mais Peterson est un nom vraiment répandu, opposa Effy. J'adorerais pouvoir te citer les noms d'autres membres de ma famille mais s'il faut pour cela contacter tous les Peterson de la ville, autant dire que nous ne sommes pas rendus.

- On devrait se diviser les tâches, alors, trancha Rose dont l'organisation légendaire étant connue de tout un chacun. Une personne qui s'occupe de contacter d'anciens élèves du lycée d'Emma et Teresa pour essayer d'obtenir plus d'informations. Une autre qui relie tous les articles de journaux que nous avons mis de côté et vérifie qu'ils sont compatibles avec la version de l'histoire avancée par Teresa. Enfin, deux pour commencer à faire des recherches sur la famille Peterson. Ce ne sera en effet pas de trop s'il faut en arriver à appeler tous les Peterson de Londres.

La jeune fille fixa un instant les trois personnes lui faisant face avant de compléter son discours :

- Effy, je pense que tu devrais t'occuper des journaux comme tu n'es pas spécialement à l'aise quand il est question de communiquer...

La concernée s'apprêtait à lancer une remarque acerbe à Rose, dont elle savait pourtant bien qu'elle disait la vérité mais qui lui en voulait tout de même un peu de le rappeler de la sorte. Elle n'en eût cependant pas le temps puisque James se redressa brusquement et affirma d'un ton tranchant :

- Non, je vais m'occuper des journaux. C'est moi qui ai compilé le plus d'articles la dernière fois et en plus je les avais déjà un peu parcourus avec Liberty. Je serai plus efficace.

- Je ne suis pas mauvaise non plus pour ce qui est des recherches, maugréa Effy.

- Effy, c'est toi qui t'appelle Peterson. Si vous devez entrer en contact avec des gens dont la probabilité est très forte pour qu'ils n'aient aucun lien de parenté avec toi, ils vous raccrocheront certainement au nez si vous ne leur donnez pas une raison valable de les appeler. Or, la raison la plus valable, c'est bien toi qui la détient.

- Rose a bien pu expliquer à ma place à Hailey...

- Tout le monde n'est pas aussi disponible et serviable qu'elle. Si tu ne dis pas tout de suite aux gens que tu t'appelles Peterson et recherche quelqu'un de ta famille, ils te raccrocheront au nez et vous ne serez pas bien avancés.

L'argument de James était assez bancal et Effy fut d'abord étonnée que Rose n'en profite pas pour le contrer. La jeune fille semblait toutefois sonder son cousin plutôt que de chercher à répliquer, et elle finit par hausser les épaules en disant qu'elle pouvait bien se charger des Peterson avec Effy et qu'elle encouragerait son amie. Celle-ci ne chercha donc plus à discuter, comprenant bien que la décision de James était prise de toute façon et n'osant plus vraiment se confronter directement au jeune homme. Sa réaction qu'elle ne s'expliquait toujours pas au Terrier et le marché stupide qu'elle avait passé avec lui la veille commençaient à faire beaucoup de raisons de ne pas, pour l'heure, lui chercher des noises.

Le regard d'Effy se perdit alors dans le vide tandis qu'elle songeait à ce qu'il conviendrait de dire à ces dizaines de gens qu'il allait leur falloir contacter et James s'autorisa alors un léger soupir de soulagement. Il ne voulait surtout pas qu'Effy puisse s'approcher des articles de presse avant qu'il n'ait pu vérifier la douloureuse intuition lui étant venue dès la réception de la lettre de Teresa. La sœur d'Effy s'appelait Emma. Or, trois Emma faisaient justement partie des personnes assassinées qu'ils avaient recensées quelques jours auparavant et parmi ces Emma, l'une d'elles était morte à une période qui correspondrait aux dires de Teresa. Il était pratiquement certain qu'aucune de ces Emma ne s'appelait Peterson, mais il ne voulait pas qu’Effy puisse croire sa grande sœur décédée. Pas maintenant, pas alors qu'elle avait eu l'air si ravie, si sincèrement heureuse. Jamais il ne l'avait vue ainsi depuis le début de leur enquête, elle se laissait au contraire plutôt dépérir au fur et à mesure que les jours avançaient et James pensait encore pas plus tard que la veille que ce n'était plus qu'une question de jours avant qu'elle ne leur annonce la fin de ses recherches. Apprendre l'existence de sa grande sœur lui avait redonné l'espoir l'ayant plus tôt quittée et surtout, lui avait apporté la possibilité de se sentir autrement qu'abandonnée.

Or, James ne pouvait décemment pas la priver de cet espoir retrouvé, pas quand lui courrait derrière la même espérance depuis tant d'années. Il ne savait que trop bien ce que cela faisait, de se sentir abandonné de tous et plus particulièrement des gens qui auraient dû nous aimer le plus. Il n'aurait pas souhaité à son pire ennemi de connaître une telle chose et il le souhaitait encore moins pour Effy, envers qui la vie s'était déjà montrée si compliquée. Ses propres actions l'avaient d'ailleurs encore aggravée et il s'était résolu à ne plus se comporter que de la meilleure façon possible envers Effy : cette promesse, faite à la jeune fille quelques semaines auparavant mais surtout faite à lui-même, il ne la briserait pas à moins de n'en avoir absolument pas choix. Ce qui pour l'instant n'était pas le cas.

- En fait, comment on les contacte les Peterson ? s'interrogea soudain Hugo. Je veux dire, ils font comment les Moldus ?

- Hugo, tu n'écoutes vraiment jamais ce que raconte Grandpa ? protesta Rose en jetant un regard noir à son frère.

Si le frère et la sœur étaient loin d'être aussi studieux que leur mère, bien qu'ayant hérité des grandes capacités de celles-ci, il était capable de la plus vive attention lorsque quelqu'un ou quelque chose les intéressait particulièrement. Or, depuis qu'elle était une enfant, Rose avait toujours été fascinée par les histoires que lui racontait son grand-père. Elle avait certes fréquenté une école moldue mais l'expérience s'était révélée désastreuse et Rose avait très vite étudié à la maison. Ses seuls contacts avec le monde moldu lui venaient des parents de sa mère, chez qui elle ne se lassait pas de visionner des dessins animés. Mais pour eux, l'électronique ou la technologie étaient des choses si naturelles qu'il ne jugeait jamais utile d'épiloguer à leur propos. Arthur Weasley, lui, avait toujours une invention fascinante à lui décrire lorsqu'elle les visitait, lui et Molly, et c'était avec un grand respect qu'elle l'écoutait à chaque fois, au grand dam de sa grand-mère qui ne comprenait toujours pas bien comment on pouvait s'intéresser à des choses aussi insignifiantes que des piles.

Ce n'était toutefois pas seulement pour le plaisir d'écouter ces histoires que Rose passait du temps avec son grand-père. Au fil du temps, elle avait développé un lien privilégié avec ce dernier et faisait tout pour l'entretenir au mieux. Longtemps, elle s'était montrée beaucoup trop réservée pour que quiconque ne la remarque lors des repas de famille, surtout à côté de cousins comme James, Fred, Roxanne ou Lucy qui étaient bien plus extravagants. Arthur était l'un des rares à bien faire attention à elle à chaque fois, il lui mettait d'ailleurs toujours la plus grosse part de gâteau de côté et ne cessait de l'encourager à croire en elle-même et à poursuivre ses rêves. Ce lien avait été l'une des très rares choses à laquelle il lui était possible de se rattacher pendant de nombreuses années.

Si les choses s'étaient améliorées par la suite, Rose était demeurée très proche de son grand-père et ne supportait pas qu’Hugo puisse faire la moindre réflexion sur lui, même pour plaisanter. C'était d'ailleurs l'un des rares sujets sur lequel il leur arrivait de se disputer.

- Si, je ne me rappelle juste pas du tout, répondit Hugo sur le ton le plus neutre possible en sachant très bien qu'il ne ferait qu'énerver sa sœur autrement.

- Les Moldus ont des annuaires, ça regroupe tous les numéros de téléphone par ville. Et je crois bien que Maman en a un alors on va juste lui emprunter discrètement.

- Vous savez, je pense qu'ils ont compris depuis longtemps ce que l'on cherche à faire, avança alors Effy. Ce n'est peut-être pas la peine de faire autant de mystères...

- Je n'en suis pas si sûre que toi. Bien évidemment qu'ils se doutent que l'on fait quelque chose, ils ont vaincu Voldemort, quand même, ils ne sont pas stupides. Mais que l'on est sur une piste pour retrouver ta famille ? Je ne crois pas. À vrai dire tu...

Rose s'interrompit brusquement, se rendant compte qu'elle s'apprêtait à énoncer quelque chose de probablement très personnel et ne sachant que trop bien comme Effy pouvait réagir dans ces cas-là.

- Je quoi ? demanda cependant celle-ci sans ciller.

- Et bien, tu... Je pense que tu leur donnes plus l'impression de vouloir faire partie de notre famille que de retrouver la tienne. Impression sans doute renforcée par le fait qu'ils t'adorent suffisamment pour sincèrement souhaiter t'intégrer.

Seul le bruit que faisait James en tournant machinalement les pages des articles vint troubler l’atmosphère soudainement silencieuse. Le jeune homme en était d’ailleurs bien conscient et ne chercha pas le moins du monde à se faire plus silencieux. Les joues roses mais marquées d’une fossette caractéristique du sourire d’Effy lui faisaient bien entendu plaisir, mais elles lui rappelaient aussi douloureusement ce derrière quoi lui-même courrait depuis tant d’années. Il ne fut donc pas mécontent lorsqu’une Hermione aux sourcils incroyablement froncés débarqua dans le salon et fondit sur sa fille :

- Rose ! Comment se fait-il que j’apprenne par le biais de mes collègues que les résultats des BUSE sont arrivés la veille ?

La dénommée ne chercha même pas à répondre directement à la question, sachant bien que sa mère ne croirait pas un traître mot des mensonges qu’elle préparait mentalement.

- Je les ai toutes, Maman, tenta-t-elle plutôt avec un petit sourire gêné.

- Et je n’aurais jamais cru devoir répondre ça à une telle nouvelle : dans mon bureau, tout de suite !


(…)


La maison était vide et calme lorsque les quatre jeunes se réveillèrent le lendemain. Ereintés par leur précédente nuit blanche, ils étaient montés très tôt après le dîner sous les regards soupçonneux de Ron et Hermione et s'étaient effondrés comme des masses pour ne se réveiller que très tard le lendemain. Effy se demanda même pendant un instant pourquoi elle se tenait maintenant assise sur son lit plutôt que de s'y recoucher, tant la perspective lui paraissait réjouissante, lorsque la voix qui l'avait éveillée résonna à nouveau à l'étage et de façon plus forte encore.

- Qu'est-ce qu'il se passe cette fois ? grommela Rose en s'enfouissant un peu plus sous ses couvertures.

En soupirant, Effy repoussa les siennes et se dirigea vers la porte, comprenant que son amie lui en laissait la mission. Elle alluma toutefois la lumière au passage en tirant la langue dans la direction de Rose, qui répliqua simplement par un nouveau grognement. Ayant au moins la consolation de ne pas être la seule réveillée, Effy entrouvrit alors la porte et s'avança doucement dans le couloir en se demandant comment Merlin elle allait bien pouvoir descendre discrètement les escaliers en bois qui ne cessaient de craquer.

Elle n'en eut cependant pas besoin, reconnaissant la voix de James du haut de ceux-ci tant elle était élevée.

- Appelle-moi Jimmy, pour commencer ! criait-il à l'intention de quelqu'un.

Effy devina qu'il s'agissait de sa mère avant même que celle-ci ne rétorque :

- James, veux-tu bien cesser ce caprice.

- Ce n'est pas un caprice, je me tue à vous l'expliquer depuis des années !

- Et à chaque fois que l'on tente de faire un pas vers toi tu nous rejettes encore plus. Cette lubie d'être appelé Jimmy date de bien moins longtemps que des années !

- Ce n'est pas une lubie ! Tu comprends rien, vous comprenez jamais rien !

- Alors explique-moi, le supplia Ginny.

Le ton venait en effet de changer radicalement, passé de la colère au désespoir. Effy se tordit le cou pour essayer d'apercevoir la scène, mais elle ne put que deviner James, dissimulé par sa mère qui tournait le dos à l'indiscrète.

- Je ne veux plus être James.

Ginny émit un son qu'Effy ne parvint pas à identifier et qui était certainement une réplique qu'elle avait retenu au dernier moment.

- D'accord, dit-elle finalement en inspirant profondément. Pourquoi ?

- Pourquoi ? Parce que vous ne m'aimez pas, comme ça.

- Mais James, bien sûr que...

- C'est Jimmy !

- Jimmy, corrigea Ginny dont la voix laissait clairement supposer qu'elle ne se faisait pas à l'idée. J... tu sais que l'on t'aime, tu es notre fils, notre enfant.

- Je sais très bien que c'est faux. Il n'y en a que pour Lily et Albus dans cette famille.

- Quand tu les embêtes il est normal que nous prenions leur défense. Mais ça ne veut pas dire que nous les aimons plus, c'est ça que tu dois comprendre.

- Normal ? Mais moi aussi je fais ce que vous m'avez dit de faire, Maman ! Lily et Albus ne sont pas les seuls à se plier à vos ordres, à être respectueux, mais il n'y a qu'eux qui ont le droit à votre mérite ! Moi je fais tout ce qu'il faut pour vous plaire et ça ne vous suffit jamais !

- Ja... Jimmy, tu te comportes de façon exécrable envers nous depuis des années, on sait très bien qu'en faisant ça tu ne cherchais pas à nous plaire mais au contraire à nous prouver quelque chose. Et nous... Et je suis sincèrement désolée si je n'ai pas compris ce que c'était. Mais veux-tu bien me le dire clairement ? Tu me le dis, d'accord ? Et comme ça, on pourra en parler et enfin régler cette situation.

- Je cherchais à vous plaire !

- En embêtant ton frère et ta sœur, en nous disant les pires horreurs, en te comportant de façon insolente avec tout le monde ?

- Je ne vous pas dis des horreurs, ce sont des blagues. C'est des farces. C'est ce que vous me demandez de faire.

- James, nous ne t'avons jamais...

- C'EST JIMMY !

Le ton était une nouvelle fois monté et signifiait clairement la fin de l'entretien. Ginny tendit malgré tout une main en direction de son fils mais celui-ci se recula le plus possible, se tenant si collé au mur que l'on aurait pu croire qu'il allait finir par disparaître à l'intérieur.

- Vas-t-en.

- Rentre à la maison s'il te plaît, l'implora une dernière fois Ginny.

Elle tournait toujours le dos à Effy mais celle-ci devinait sans trop de peine comme les larmes devaient ravager ses joues à cet instant : elles étaient si abondantes qu'elles se distinguaient jusque dans sa voix.

- Vas-t-en, répéta pourtant James sur le même ton.

La fierté reprenant naturellement le dessus, Ginny essuya alors son visage d'un simple revers de manche et fit demi-tour dans le couloir, laissant pour la première fois l'occasion à Effy d'apercevoir son visage. S'il était maintenant parfaitement stoïque, on devinait le trouble dans lequel la sorcière était plongée au manque de couleurs de ses joues, d'ordinaire légèrement teintées de rose. Cela ne l'empêcha pas de se diriger avec dignité vers le perron et de disparaître à nouveau du champ de vision d'Effy. De longues secondes s'écoulèrent alors durant lesquelles la jeune fille se demanda si elle devait informer Rose ou descendre voir James, et elle s'apprêtait à opter pour la deuxième option lorsque la voix de Ginny retentit une dernière fois dans la pièce. Effy retint alors de justesse sa jambe, qui s'apprêtait à prendre appui sur la première et la plus bruyante des marches de l'escalier.

- Je me demande vraiment ce que l'on a pu faire pour mériter tout ça, James, prononça Ginny sur un ton cette fois beaucoup plus dur.

Le concerné ne répondit pas et sa mère ne lui en laissa d'ailleurs pas l'occasion. La porte claqua derrière elle la seconde suivant sa réplique et le jeune homme se laissa alors lentement, très lentement glisser le long du mur. Effy se demandait à nouveau ce qu'il convenait de faire lorsqu'un son lui fendit le cœur et l'incita à rejoindre James au plus vite.

C'était le visage de James qui était maintenant strié de larmes.

- Mériter tout ça ? Mériter tout ça ? Sérieusement ? répétait-il en frappant la paume de sa main contre son front.

Il réalisa seulement ensuite qu'Effy se tenait devant lui et s'était agenouillé à sa hauteur. Le souvenir de leur dernière confrontation ne lui vint pas même à l'esprit. Ce souvenir avait pourtant d'abord incité Effy à informer Rose de la scène venant se dérouler plutôt que d'aller elle-même voir James. Elle craignait en effet que celui-ci ne lui rappelle sa promesse, ce pacte stupide dans lequel elle s'était engagée avec lui. Elle savait d'expérience que c'était souvent lorsque l'on se trouvait dans les pires états que l'on confiait ses secrets les plus lourds. Or, James semblait être précisément dans cet état et s'il venait effectivement à s'épancher, elle n'aurait d'autre choix que de le faire à son tour.

Mais c'était aussi justement parce qu'il était dans cet état qu'elle ne pouvait le laisser là.

Et parce que Rose, aussi compréhensive pouvait-elle être, ne comprendrait jamais tout à fait ce sentiment qu'avait toujours éprouvé Effy et que James paraissait également ressentir.

- Tu veux en parler ? lui demanda-t-elle doucement.

- Je crois qu'il n'y a pas grand-chose à dire...

Le corps tout entier de James, parcouru de tremblements, exprimait visiblement tout le contraire mais il ne pipa pas un mot. En revanche, il se redressa de sorte à prendre appui sur ses genoux et il se jeta dans les bras d'Effy qui ne put faire grand-chose d'autre que de lui rendre son étreinte. Les mains de James s'agrippaient trop fermement à son chemisier pour qu'elle ne puisse les repousser de toute façon. Effy entreprit alors de consoler James du mieux qu'elle le pouvait, de lui murmurer les quelques paroles réconfortantes auxquelles elle-même avait tant aspiré il y avait des années de cela mais surtout de lui faire comprendre qu'elle était là, pour lui, qu'en dépit de tout ce qu'il pouvait penser, il l'avait au moins elle à ses côtés.

La douleur qu'elle ne connaissait que trop bien finit cependant par ressurgir et elle eût alors le réflexe de s'écarter brusquement de James.

- Ça ne va pas Effy ? s'enquit ce dernier en voyant l'air mortifié de la jeune fille.

Elle avait en effet automatiquement plaqué ses mains contre son dos et comprit en même temps que ce geste s'apprêtait à la trahir.

- Je... excuse-moi...

- C'est... c'est moi.

Effy n'était plus habitée que de la pensée de devoir se confronter pour de bon à James, mais ce dernier paraissait être tout aussi gêné qu'elle. Ainsi se faisaient-ils face tous les deux, toujours agenouillées, aussi rouges l'un que l'autre et surtout se demandant pourquoi diable se retrouvaient-ils dans une telle situation.

- Tu t'es blessées ces derniers jours ? demanda James sur un ton faussement intéressé.

Il tentait en vérité d'orienter la conversation sur le sujet le plus neutre qui soit, n'ayant aucune envie pour l'heure de parler de ses parents et se sentant surtout vaguement honteux d'être apparu dans un tel état de faiblesse. L'air paniqué d'Effy lui fit cependant rapidement comprendre que le sujet qu'il avait choisi n'était pas si anodin qu'il ne paraissait de primes abords.

- C'est... juste une vieille cicatrice, se risqua à dire la jeune fille en espérant que son interlocuteur ne chercherait pas à insister.

C'était mal connaître ou plutôt oublier à quel point James pouvait être insistant quand il le désirait :

- Qui te fait encore mal aujourd'hui ? Ça m'étonnerait. Vous avez fait je ne sais quoi avec Brooke dont tu ne veux pas parler ?

- Je te dis la vérité, cette cicatrice date d’il y a longtemps.

- Alors pourquoi elle te fait toujours mal ?

- C’est juste que tu as… appuyé dessus en me prenant dans tes bras.

- Et tu passes ton temps à enlacer tes amies ou à être enlacées par elles. Tu ne veux quand même pas me dire qu’il n’y a qu’avec… qu’avec…

Ratatinée sur elle-même, Effy regarda avec anxiété le visage de James passer de la perplexité au doute, doute dont elle savait qu’il ne tarderait guère à déboucher sur la vérité. Les sourcils froncés n’annonçaient jamais rien de bon chez James, qui pouvait être le pire des farceurs mais n’en était pas pour autant un sombre abruti ne sachant utiliser sa cervelle -ce qu’Effy aurait ardemment souhaité à cette heure.

Il ne fallait de toute façon pas être une lumière pour comprendre le cœur du problème. James s’était souvent moqué de la pudibonderie d’Effy, par le passé. Les quelques rares garçons s’étant intéressés à elle avaient toujours été rejetés sans plus de cérémonies, surtout lorsqu’ils essayaient de lui imposer un contact physique. À l’époque, James pensait simplement qu’Effy était particulièrement prude, jusqu’à ce qu’elle commence à fréquenter plus ou moins sérieusement Oliver. Il s’était alors justement étonné de la voir proche d’un garçon, elle qui d’ordinaire les fuyait dès qu’il était question d’autre chose que de l’amitié -et Oliver n’avait cherché à cacher ses intentions concernant la jeune fille. Pourtant, en dépit de l’affection qu’Effy semblait sincèrement éprouver pour Oliver, elle ne cessait de l’éloigner dès lors que leur relation devenait proche. Combien de fois ne l’avait-il pas vue très proche d’Oliver un jour pour ensuite l’éviter consciencieusement les semaines suivantes ?

Effy ne craignait pas les gens en général. Ou plutôt, elle s’était tant habituée à être solitaire et renfermée qu’elle ne savait comment se comporter en leur présence.

Mais ceux qu’elle craignait avant tout et par-dessus tout étaient…

- Les garçons, souffla James.

- Tu m’as dit que tu me raconterais ton histoire si je te racontais la mienne, rappela alors Effy en évitant à tout prix le regard de James.

- Je crois qu’il en est grand temps.

- Non, pas ici, pas maintenant. Ce n’est pas un joli conte pour enfants que je vais te raconter, James.

- Ce soir alors. J’ai emmené la cape d’invisibilité avec moi.

En temps normal, Effy se serait réjouie à la perspective de pouvoir utiliser un tel objet, a fortiori quand celui-ci semblait être très particulier et étroitement lié à la famille Potter. Mais c’était une toute autre histoire qu’elle avait désormais en tête. Une histoire qu’elle avait refoulée avec tant de force que la voir ressurgir maintenant l’effrayait au plus haut point.



« 26 juillet 2022,



Georgie, Lisa,

Il faut que je vous avoue quelque chose… »

End Notes:
Merci d'avoir lu !

Je sais, je suis horrible, l'aveu n'arrive finalement pas exactement dans ce chapitre... mais promis, vous en saurez plus la semaine prochaine avec Les soutiens ;)

Merci d'avance aux lecteurs et aux lectrices qui prendront la peine de commenter cette histoire et de me mettre un peu de baume au cœur ♥
Les soutiens by Bloo
Author's Notes:
Comme toujours, merci à flodalys pour ses précieux conseils ♥

Un immense merci aussi à Laure28, Enireves Lechemin et YumeToNamida pour leurs adorables reviews, je vous réponds tout de suite après avoir posté ce chapitre. Je suis un poil en retard cette semaine parce que je rentre d'un très joli voyage à Budapest et me plonger dans vos reviews à mon retour a sublimé cette expérience ♥

Bonne lecture !

Le temps, déjà peu estival depuis le début des vacances, était devenu tout à fait maussade après que Effy se soit confiée à James. Il pleuvait sans cesse à plus ou moins grosses gouttes, aucun rayon lumineux ne parvenait à percer à travers l'épais voile nuageux et même la chaleureuse maison des Weasley-Granger paraissait morose depuis quelques jours. Hugo était parti visiter des amis pour quelques jours et Rose passait sa journée dans la cabine téléphonique du quartier à appeler des Peterson qui étaient tous plus étrangers à Effy les uns que les autres. La jeune fille ne l'avait accompagnée qu'une seule fois avant de décréter que Rose s'en sortait très bien seule et depuis, elle passait ses journées dans leur chambre à contempler avec mélancolie le triste paysage s'offrant à eux. Quant à James, il ne parvenait à se défaire de sa mauvaise intuition concernant Emma mais n'en avait encore soufflé mot à personne, ses cousins étant trop occupés et Effy trop inatteignable.

Lorsqu'il l'avait retrouvée, quelques jours auparavant, dans la cuisine vidée de toute vie au plus fort de la nuit, rien ne s'était déroulé comme il l'avait imaginé. Stoïque, elle lui avait demandé de s'asseoir en face d'elle et lui avait annoncé qu'elle ne lui demanderait pas de lui raconter sa propre histoire. Il s'était pourtant préparé à la lui narrer mais son regard étonnement noir l'avait incité à se taire. Effy s'était alors assise à son tour, avait à peine pris son inspiration et commencé à lui expliquer sur un ton monocorde ce qu'avait été son passé à l’orphelinat. De plus en plus glacé au fur et à mesure qu'elle s'exprimait, il l'avait écoutée lui confier des évènements tous plus horribles les uns que les autres sur un ton plus horrible encore : un ton las, résigné, un ton qu'il ne lui soupçonnait même pas. Sur ce, son récit achevé, elle s'était levée, le visage toujours aussi inexpressif, et lui avait annoncé ne plus jamais vouloir parler de tout ceci à l'avenir. Après quoi, elle était simplement remontée, sans plus se soucier d'être découverte au beau milieu de la maison en pleine nuit, laissant derrière elle un James parfaitement abasourdi.

Il s'était depuis évertué à essayer de lui parler, persuadé que c'était ce dont elle avait besoin. C'était en tout cas ce dont lui avait besoin. Il ne pouvait pas simplement connaître des détails aussi intimes mais surtout aussi révoltants à son propos et faire comme si de rien n'était. Seulement, Effy ne quittait pratiquement plus sa chambre en-dehors des heures où Ron et Hermione étaient présents, sachant très bien que James ne se risquerait pas à faire allusion à cette nuit déstabilisante devant eux. Il reconnaissait lui-même avoir nombre de défauts, mais jamais il ne révélerait de telles choses sans le consentement de la personne concernée.

Mais aujourd'hui, pour la première fois depuis les révélations d'Effy, la maison était parfaitement vide. Ron, qui avait pris quelques jours de congés suite à un rhume particulièrement violent, était retourné travailler et Hugo n'était plus susceptible de venir interrompre la moindre discussion. Décidé à profiter de cette occasion, James rangea ses journaux à l'instant même où Rose franchit le perron de la maison et il se précipita à l'étage, fermement décidé à faire parler Effy. C'était ce dont elle avait besoin, il en était certain.

Après tout, au vu des évènements narrés, elle aurait pu exprimer nombre de sentiments : de la tristesse, de la colère, du désespoir, de l'incompréhension. Cette froide impassibilité qu'elle avait adopté ne pouvait être qu'un masque derrière lequel elle se protégeait, mais James savait plus que quiconque comme les masques devenaient de plus en plus lourds à porter au fil du temps. Elle ne lui avait pas laissé l'occasion de le lui expliquer, mais il allait lui prouver.

- Effy, appela-t-il en frappant doucement contre sa porte. Ouvre-moi, je sais que tu es là et nous sommes seuls à la maison.

Préparé à patienter un long moment, James manqua de tomber lorsque contre toute attente, la jeune fille ouvrit la porte sans broncher. Il passa une main dans ses cheveux pour se donner une contenance et jeta un rapide coup d'œil dans la pièce : elle était parfaitement ordonnée, signe très clair de la présence récurrente d'Effy venant contrebalancer le désordonnément de Rose. Seul un livre ouvert traînait sur le lit et James devina qu'elle venait d'interrompre sa lecture pour une raison lui paraissant encore obscure. Après tout, son comportement de ces derniers jours signifiait clairement un refus de se confronter à lui.

- Il y a quelque chose que tu n'as pas compris dans ce que je t'ai dit la dernière fois ? demanda platement Effy en refermant la porte derrière James.

- Non. Je pensais juste que tu voudrais en parler.

- Donc tu n'as pas compris. Je t'ai dit ce que j'avais à dire, maintenant passons à autre chose.

- Effy, ce n’est pas toi là.

- Au contraire James. C'est moi, c'est la personne que je suis devenue et je pensais que tu aurais compris pourquoi, maintenant.

- Tu vas me faire croire que cette froideur, c'est toi ? Effy, depuis que je te connais, t'as toujours été super émotive, très facile à énerver et encore plus à faire pleurer. Je l'avoue, je m'en suis même moqué des fois en te prenant pour une pleurnicharde.

Effy ne broncha pas, James lui ayant déjà dit ces mots en face d'une façon n'exprimant clairement pas le regret, mais la réplique restait difficile à encaisser. Elle lui rappelait douloureusement de mauvais souvenirs de Poudlard qui eux-mêmes, ressuscitaient d'autres souvenirs bien pires encore.

- Après ce que tu m'as dit, je sais maintenant que je me suis encore planté en beauté te concernant. Que j'étais un pauvre con, c'est-à-dire, plus encore que ce que je pensais. Et t'as toutes les raisons du monde de m'en vouloir. À vrai dire, tu pourrais te jeter sur moi à l'instant et me frapper que je ne te dirais rien, parce que je sais que ce serait parfaitement mérité.

- Et parce que tu sais aussi qu'en plus d'être une pleurnicharde, je suis une faiblarde incapable de te faire le moindre mal, rétorqua durement Effy.

Ce fut à James d'accuser le coup. S'ils n'avaient jamais parlé explicitement de son exécrable comportement tout au long de leurs années d'études, il s'était toujours douté qu'elle lui en voulait profondément. L'attitude qu'elle avait adoptée envers lui dès le début de l'été l'avait d'ailleurs désappointé. Bien entendu, il ne pouvait faire taire la petite voix en lui se réjouissant de ce soudain intérêt d'Effy envers sa personne. Mais il y avait aussi cette autre part de lui, cette part qui lui rappelait qu'après tout ce qu'il lui avait fait, il y avait bien une chose qui était certaine : Effy méritait bien mieux qu'un pauvre garçon comme lui, ne serait-ce qu'en tant qu'ami.

L'entendre lui rappeler les propos quelque peu désobligeants qu'il avait pu lui adresser n'avait malgré cela rien de particulièrement plaisant.

- Effy, je suis un con. C'est vrai, je ne vais pas essayer de te prouver le contraire. Par contre, ce que je peux dire et même affirmer après avoir justement contribué à exacerber cette sensibilité que tu as, c'est que tu n'es pas quelqu'un d'impassible qui encaisse les coups durs docilement. Tu les exprimes, ça se voit sur ton visage, sur ton corps, sur ta gestuelle, t'es un livre ouvert Effy. T'es un livre ouvert pour n'importe quelle personne t'observant un minimum.

Et crois-moi quand je te dis que je fais partie de ces trop rares personnes, retint de justesse le jeune homme en sachant que cela ne ferait que braquer davantage son interlocutrice.

- Même Georgie et Lisa n'ont jamais su ce que je t'ai dit la dernière fois.

- Je sais très bien qu'on peut refouler des trucs horribles de la façon la plus convaincante qui soit. Crois-moi, je le sais, peut-être mieux que toi, même, parce que refouler, je n'ai fait que ça d'aussi loin que je m'en souvienne. Mais tu m'as parlé, tu t'es confié à moi. Et maintenant que tu as ressorti ça, tu ne me feras pas croire que tu peux rester stoïque, rester aussi... aussi froide, aussi mécanique.

Le mouvement était presque imperceptible, mais il n'échappa pas au regard attentif de James. Effy avait cillé deux fois d'affilé en un très court laps de temps, si bien que n'importe qui d'autre aurait pu penser qu'elle n'avait cligné des yeux qu'une seule fois.

Mais James ne connaissait que trop bien cette mimique pour l'avoir si souvent provoquée.

- C'est pas grave d'être sensible, reprit-il alors en se rapprochant subrepticement d'elle. Tu n’es pas une machine Effy. Tu es humaine.

Le visage d'Effy se contracta alors fortement, comme si elle tentait désespérément de retenir quelque chose. Ce fut sans succès puisque l'instant d'après, d'épaisses larmes dévalèrent en cascade ses joues tandis qu'une main se plaquait violemment contre sa bouche pour contenir ses sanglots.

James combla alors la faible distance qui restait entre eux pour attraper son visage entre ses deux mains, ce qui eût au moins le mérite de surprendre suffisamment Effy pour qu'elle en oublie momentanément sa douleur.

- Tu peux pleurer autant que tu le souhaites, mais avant, tu vas juste me laisser te dire une chose, dit doucement James. Et tu vas m'en promettre une, aussi. Tu promets que tu vas croire ce que je vais te dire, que tu vas vraiment le croire et ne pas chercher à le remettre en question ?

- Je...

- Tu promets ?

La jeune fille renifla et ses yeux parcoururent frénétiquement la pièce comme si elle y cherchait la moindre réponse à apporter. Finalement, son regard se planta dans celui de James et elle hocha presque imperceptiblement la tête.

- Effy, ce qui est arrivé, ce n'est pas de ta faute. Tu n'es pas coupable, pas même un petit peu, tu es juste une victime. Quelqu'un qui n'a rien, mais vraiment rien fait de mal. D'accord ?

Cette fois, Effy tourna frénétiquement la tête de gauche à droite et son menton se remit à trembler violemment.

- Non, Effy. Je ne vais pas te lâcher avant que tu aies acquiescé, même si tu n'y crois pas encore tout à fait. Et je te le redirai chaque jour s'il le faut. Ce que tu as vécu, ça s'appelle très concrètement du harcèlement. Et les seuls responsables, les uniques responsables du harcèlement, ce sont les harceleurs. Pas ceux qui les subissent.

- Mais... mais j'ai...

- Ce n'était pas de ta faute, articula très lentement James en gardant ses mains plaquées sur le visage d'Effy.

Celle-ci finit tout de même par se dégager de son emprise et recula légèrement, la tête se balançant toujours de droite à gauche quoiqu'à un rythme moins soutenu. Finalement, ce furent ses propres mains qui vinrent s'abattre sur sa face et elle se laissa tomber à genoux sur le sol, ses sanglots reprenant de plus belle.

Ils étaient bien là, désormais. Ces souvenirs qu'elle avait écartés avec une telle application qu'il lui semblait presque les avoir oubliés pour de bon. Maintenant, elle ne pouvait plus les ignorer. Elle ne pouvait plus ignorer toutes ces moqueries qu'elle avait subies étant enfant, lorsque très tôt elle s'était montrée différente de ses petits camarades. Elle ne pouvait davantage ignorer les brimades qui étaient ensuite devenues monnaie courante, ces innombrables repas qu'on lui avait dérobés dans le dos des surveillantes et ces verres d'eau renversés sur son corps. Tout le monde se demandait sans cesse à Poudlard pourquoi elle mangeait aussi peu, pourquoi elle était aussi maigre et pâle, et Effy savait très bien que des rumeurs couraient à ce propos. Mais la vérité, la vérité vraie, il n'y avait personne pour ne serait-ce que la soupçonner. Personne pour comprendre que ce n'était pas la nourriture en elle-même qui lui posait problème, mais bien le fait de se mettre à table en compagnie d'autres personnes. Elle détestait, par-dessus tout, les heures de repas. Elle détestait se rappeler cette petite fille sans défense dont l'estomac affamé la faisait souffrir toute la nuit et qui n'osait pourtant pas descendre pour le petit-déjeuner. À force, elle s'était habituée à picorer, dès lors que cela lui permettait de passer le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre.

Puis, au terme d'une année pire encore que les précédentes, l'hiver était arrivé et avec lui, de nouvelles idées dans les esprits sadiques des autres pensionnaires. En quelques jours, presque tous les vêtements chauds d'Effy avaient été abîmés et elle tremblait de froid le soir dans sa chambre, n'osant prévenir le moindre adulte de peur de subir les remontrances de ses tourmenteurs. C'était par l'une de ses terribles soirées d'hiver qu'il était entré dans sa chambre. Qu'il lui avait tendu son plus épais gilet en laine. Qu'il lui avait souri, avant de déposer un tendre baiser sur sa joue.

Les jours suivants, tous les enfants avaient mystérieusement cessé de lui mener la vie dure. Effy avait toujours su qu'ils n'étaient au fond que très peu à la martyriser, mais qu'ils tenaient les autres en respect de par le sort qu'ils lui faisaient subir. Qui, en effet, aurait voulu prendre sa défense si cela impliquait de devoir également prendre les coups à sa place ? Personne n'était prêt à risquer une telle chose jusqu'à ce qu'il n'entre dans sa vie. Jusqu'à ce qu'il ne s'assoie à ses côtés dans le réfectoire. Jusqu'à ce qu'il lui permette de manger à nouveau. Jusqu'à ce qu'il devienne son ami, la première personne en qui elle pouvait avoir confiance et la première personne envers laquelle elle s'était effectivement confiée.

La première personne à avoir trahi son secret.

- Tous les autres, ils me détestent et je ne comprends pas pourquoi. Je ne leur ai rien fait de mal et à vrai dire je... j'aurais voulu qu'ils soient mes amis.

Ses lèvres s'étaient alors étirées en un sourire dont elle devinait avec le recul tout le sadisme mais qu'elle croyait à l'époque être le sourire sincère et compréhensif que l'on adresse à une amie.

- Mais Elizabeth, tu leur as fait quelque chose de mal.

- Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait du mal ? Dis-le moi, je ferai n'importe quoi pour réparer ça si seulement ils me laissaient enfin tranquille !

- C'est évident, non ?

Pour la gamine innocente qu'elle était encore, la gamine qui malgré tous ses problèmes rêvait encore à de douces histoires dans lesquelles les doigts de ses mains ne suffiraient plus à compter le nombre de ses amis, cela n'avait rien d'évident.

- Tu es née, Elizabeth. Tout simplement.

- Je... je ne comprends pas...

- Tu es née. Alors quelqu'un comme toi, ça ne devrait jamais naître.

Même la naïveté d'Effy n'avait pu résister à de telles paroles. Ses amies la lui avaient souvent reprochée par la suite, cette naïveté qui risquerait selon elles de lui jouer des tours.

Cette naïveté qui, passée la confrontation avec lui, s'était pourtant définitivement envolée. Ce qui l'avait remplacée n'était qu'un rideau de fumée derrière lequel Effy s'obstinait à ne pas voir, un rideau de fumée lui permettant de croire que le monde pouvait être beau et ses habitants dévoués, un rideau de fumée sans lequel elle aurait probablement sombré depuis bien longtemps.

- Tu n'es pas comme nous, Elizabeth. Tu es un monstre.

- Non !

Le désespoir accumulé depuis tant d'années mêlé à la spontanéité de l'enfance l'avait faite se jeter dans ses bras. L'étreinte, la toute première qu'elle accordait à un garçon, n'avait duré qu'une seconde. L'instant d'après, elle dévalait le grand escalier en bois et ne devait survivre que, elle l'apprendrait plus tard, grâce à la magie présente dans son sang.

Ou peut-être à cause, si l'on considérait que cette magie était la raison pour laquelle elle n'était pas comme eux.

- Effy...

- LÂCHE-MOI ! hurla la jeune fille en repoussant avec force James le plus loin possible de son corps tremblant.

Pendant un temps qui lui parut infini, James resta à moitié agenouillé devant la jeune fille, encore déstabilisé par la violence avec laquelle elle l'avait repoussé. Il n'avait surtout pas la moindre idée de l'attitude qu'il lui convenait d'adopter. Bien que se reconnaissant lui-même moult défauts, il savait n'être pas quelqu'un de semblable à lui, cet odieux garçon ayant fait miroiter à Effy des sentiments non partagés pour finalement la jeter du haut d'un escalier. Une envie irrésistible de convaincre Effy que tous les garçons n'étaient pas ainsi l'habitait, et il dut se faire violence pour ne pas mettre des mots sur ces pensées et surtout pour ne pas les exprimer.

Car s'il savait bien une chose, c'était que les adages faisant miroiter un monde merveilleux dans lequel tout finissait invariablement par s'arranger n'avaient rien de réconfortants. Lui-même avait trop longtemps subi ces phrases préconçues qu'on lui lançait à la figure dès qu'il essayait d'aborder le sujet famille avec qui que ce soit, des phrases ne prenant absolument pas en compte le ressenti ou le vécu de la personne à laquelle elles étaient destinées. Alors, bien que souhaitant sincèrement rassurer Effy et lui promettre que tout le monde n'était pas comme ça, James se tut et se contenta de rester face à elle en lui laissant le choix de lui adresser la parole ou non.

Parce que pour l'heure, la personne lui faisant face avait un traumatisme à surmonter et ce n'était certainement pas à coup d'affirmations généralisatrices et condescendantes qu'elle y parviendrait.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là, dit-il alors simplement en se demandant si Effy l'entendait réellement.

Toujours recroquevillée, elle ne fixait plus que le sol depuis qu'elle avait repoussé James et le flot de larmes dévalant ses joues se tarissait à peine. Les mots finalement choisis par James durent cependant faire leur chemin dans sa tête puisque sa respiration se calma peu à peu et qu'elle finit même par s'arracher à la contemplation du parquet.

- Je... je voudrais que tu me laisses seule, s'il te plaît, articula-t-elle faiblement après avoir pris une profonde inspiration.

James n'était pas certain d'en avoir envie, pas quand il la voyait dans un tel état, pas quand il devinait qu'elle ne lui demandait de s'en aller que pour pouvoir à nouveau laisser libre court à ses larmes sans la moindre gêne. Mais il venait de lui faire une promesse et s'il voulait qu'elle se sente un jour suffisamment confiante en sa présence pour enfin s'épancher, ce qui à ses yeux restait sans aucun doute ce dont elle avait le plus besoin, il se devait d'honorer sa parole.

Péniblement, il se redressa donc en masquant le mieux possible la grimace que ses lèvres esquissaient malgré lui. Lorsque la porte se referma derrière lui, il s'empressa de rejoindre sa propre chambre avant que les larmes d'Effy reparties de plus belle ne viennent couper court à sa résolution.

(…)

Quand la petite famille se réunit ce soir-là, l'atmosphère fut particulièrement pesante. Ron dormait encore à peine du fait des restes de son rhume et était donc d'humeur assez maussade. Sa fille paraissait toutefois l'être plus encore, ses recherches auprès des Peterson de Londres étant pour l'heure bien plus ennuyeuses que fructueuses. Effy, qui n'était jamais la première à animer les conservations, ne prenait qu'à peine part à celles-ci et James était trop occupé à la fixer tout en essayant de se montrer discret pour pouvoir répondre aux questions d'Hermione. Il n'en entendit qu'une seule, la même qui revenait invariablement depuis qu'il avait sèchement congédié ses parents, et cela le mit d'une humeur toute aussi exécrable que le reste de la famille.

Le lendemain, déclarant qu'une journée de recherches supplémentaire la tuerait, Rose emmena James et Effy avec elle dans le parc le plus proche de chez elle. Étonnement, le temps fut très doux en dépit des nombreux nuages menaçant l'atmosphère et tous les trois purent pique-niquer au bord de l'étang grâce à la prévoyance de Rose, qui s'était munie de suffisamment d'argent pour les régaler tous de pâtisseries. Ils eurent du mal à avaler quoi que ce soit le soir même lorsqu'un nouveau repas familial les réunit, mais ils se séparèrent cette fois-ci le cœur léger, heureux de cette paisible journée qui venait de s'écouler. À vrai dire, ils avaient si peu pris le temps depuis le début des vacances de profiter de celles-ci qu'ils furent bien tentés de réitérer l'expérience dès le jour suivant.

C'était sans compter sur une visite à l'improviste de Liberty.

- Qui que vous soyez, nous n’avons pas le temps !

Rose et James s’attardant encore dans leur chambre respective, Effy, déjà toute apprêtée, se dirigea vers le vestibule où quelqu’un venait de sonner. La perspective d’une nouvelle journée de détente sans penser à rien d’éprouvant la réjouissait suffisamment pour qu’elle en oublie les bonnes manières. Elle ouvrit donc grand la porte en se préparent en congédier gaiement la personne qui lui ferait face, mais son grand sourire disparut dès lors qu’elle reconnut Liberty.

- Bonjour Effy, lui lança cette dernière sans paraître s’offusquer du brusque changement de comportement de la concernée.

Tout dans l’attitude d’Effy laissait en effet deviner le peu d’enthousiasme qu’elle éprouvait à la vue de Liberty. Ses lèvres ne s’étiraient plus qu’en une pénible grimace mais rien ne paraissait pouvoir empêcher Liberty de resplendir.

- Je venais te donner un coup de main, pour vos recherches. Figure-toi que j’ai toujours beaucoup de chance alors j’ai pensé que je serais bien capable de tomber du premier coup sur les Peterson que vous recherchez, affirma la jeune femme tout en donnant à Effy une brève étreinte.

Elle claqua même un grand baiser sonore sur l’une des joues de celle-ci, la faisant rougir de la tête aux pieds. Sans rien demander de plus, elle pénétra ensuite dans le corridor et Effy se surprit à se décaler pour la laisser passer, elle qui était résolue à peine une minute auparavant à ne laisser personne lui gâcher la perspective d’une nouvelle journée reposante.

Les talons de Liberty claquèrent doucement sur le pavé du couloir avant qu’elle ne les retire au bout de celui-ci. Sa longue robe jaune bouffante virevolta autour d’elle lorsqu’elle se pencha vers le sol et elle adressa un nouveau grand sourire à Effy, qui eut alors l’impression qu’elle sortait tout droit d’un film des années 1950. Ce ne fut toutefois pas le style qui retint le plus l’attention d’Effy. A peine ses chaussures ôtées, Liberty s’était en effet dirigée vers la cuisine pour s’y servir un grand jus de fruit avant de demander à Effy de ses nouvelles. Malgré les réponses laconiques de son interlocutrice, elle parvint à animer la conversation pendant une bonne dizaine de minutes avant que James et Rose ne les rejoigne finalement, étonnés mais ravis de trouver là Liberty.

Effy réalisa alors qu’elle n’avait plus revu Liberty depuis que James l’avait mise au courant de son secret. Elle appréhendait d’ailleurs fortement l’idée de la retrouver, détestant par-dessus voir le regard que pouvait porter sur elle une personne à un instant donné changer du tout au tout. Elle avait toujours affirmé à ses amies ne pouvoir supporter l’idée de lire la pitié dans le regard de ses camarades, ce qui était bien entendu véridique quoique partiellement seulement. Quelques très rares personnes savaient désormais pourquoi, parmi lesquelles James que Liberty serrait toujours contre elle.

Liberty qui donnait l’impression de tout savoir ou plutôt, de tout accepter.

Liberty dont le comportement n’avait pas changé d’un iota à son égard.

- Alors Effy, tu es d’accord pour que je vienne avec toi ? lança Liberty après s’être détachée de l’étreinte de James.

- Je…

Celui-ci et Rose la regardaient fixement, ne comprenant pas où souhaitait en venir Liberty. S’ils étaient toujours fermement décidés à aider leur amie du mieux qu’ils le pouvaient, ils devaient bien admettre que la journée de la veille n’avait pas été pour leur déplaire. Il leur avait semblé pour la première fois qu’ils profitaient réellement de leurs vacances et qu’Effy partageait ce sentiment. Rose s’était réjouie toute la journée de voir son amie paraître littéralement revivre après plusieurs longues journées passées à errer comme une âme en peine dans la maison. Quant à James, il était trop heureux de s’être enfin arraché à ses idées noires pour ne pas souhaiter réitérer l’expérience.

- Pouvons-nous sortir deux minutes ? demanda finalement Effy.

Le sourire de Liberty s’affaissa alors pour ce qui paraissait être à Effy la première fois depuis qu’elle connaissait celle-ci, bien que ses deux fossettes restèrent clairement dessinées. Elle hocha fermement la tête cependant et se dirigea vers la grande baie-vitrée, entraînant Effy à sa suite dans le jardin. Ne cherchant nullement à s’immiscer dans la conversation, James repartit vers l’étage. Rose, elle, paraissait plus encline à rejoindre les filles et entendre ce qu’Effy avait à dire, mais elle se fit violence pour contenir ce désir et se dirigea finalement vers le salon à la recherche d’un roman, la seule chose qui parvenait jamais à calmer son impatience.

Une fois assurée que plus aucune oreille indiscrète ne traînait, Effy prit une grande inspiration et se tourna vers Liberty :

- Jusqu’à quel point James te confie-t-il tout ce que je lui dis ? demanda-t-elle non sans une certaine hargne.

- Pas n’importe lequel. Je n’ai aucune nouvelle depuis plusieurs jours, si c’est ce qui t’inquiètes. Mais c’est justement ce qui m’a fait comprendre que quelque chose n’allait pas.

- Je veux oublier tout ça, Liberty, avoua alors franchement Effy. Je veux juste pouvoir enfin être heureuse et... je ne suis pas sûre que retrouver ma famille soit vraiment le meilleur moyen d’y parvenir.

Voyant que Liberty ne réagissait pas et se contentait de la fixer, la jeune fille précisa :

- James avait raison. Je leur en veux. Profondément.

- Oui, je comprends. J’en ai voulu à mon père d’être parti se battre en laissant ma mère derrière lui, et je lui en ai voulu d’être mort et d’avoir fait de ma mère l’ombre d’un passé n’existant plus, répondit Liberty sur un ton étrangement doux.

Cette histoire d’ombre fit tiquer Effy qui fut soudain projetée plusieurs mois en arrière, lorsqu’elle était venue pour la première fois dans cette maison à l’occasion des vacances de Noël. Elle se souvenait de cette femme, cette femme qui était arrivée un beau matin alors qu’elle discutait avec Ron dans le salon, comment aurait-elle d’ailleurs pu l’oublier ? A côté d’elle, même Effy passait pour un modèle de gaieté. Ron lui avait alors dit que cette femme faisait partie de ceux ayant perdu beaucoup durant la guerre.

De ceux brisés par le poids de la mort sur leurs épaules.

- Ma mère ne s’est jamais vraiment remise, dit Liberty en confirmant implicitement la déduction d’Effy. Elle revient plus souvent ici, d’ailleurs, depuis que je n’habite plus avec elle. Hermione l’a beaucoup aidée à l’époque.

- C’est une façon de me dire que je ne me remettrais jamais de…

- De quoi ?

Effy n’en savait trop rien. Elle ne savait plus si c’était son abandon en lui-même ou les conséquences de celui-ci qui l’avaient le plus affectée.

Elle était affectée, c’était tout ce qui comptait pour l’heure.

- Tu sais, j’adore ma mère mais je crois que c’est un peu de sa faute si elle n’a pas su se reconstruire. Elle a refoulé, refoulé si bien et si longtemps qu’elle a dû se persuader elle-même qu’elle était bien. Mais dès qu’un nouvel homme s’apprêtait à entrer dans sa vie ou qu’un souvenir de mon père ressurgissait, elle s’est enfuie. Et ça a fini par la rattraper quand même, quand je suis partie. Tout comme James a fini par être rattrapé alors que personne n’avait jamais rien soupçonné.

- Et tout comme je finirai par l’être aussi si je ne passe pas ses fichus appels, c’est ça ? acheva Effy.

Pour toute réponse, Liberty lui tendit une petite feuille froissée et un téléphone portable relativement moderne.

- J’ai pris le numéro qui m’inspirait le plus. Appelle juste celui-là et ensuite, ensuite on verra.

- Tu promets de ne plus jamais me reparler de tout ça si je compose ce numéro ?

La jeune femme acquiesçant, Effy décida de s’emparer du téléphone. Liberty pouvait être aussi optimiste que cela lui chantait, elle savait très bien que la probabilité pour qu’elle tombe sur un membre de sa famille était nulle. Tout ce qu’elle avait à faire était donc d’appeler ce Peterson qu’elle allait sans aucun doute importuner, après quoi elle pourrait retourner à la vie qui était la sienne avant que ne débute l’été. Et tant pis si cela signifiait refouler, tant pis si les histoires de Liberty et de James jointes à sa propre raison lui criaient que ça n’était pas la solution, tant pis s’il lui fallait étouffer cette petite voix en elle lui soufflant qu’elle avait trop rêvé enfant de retrouver sa famille pour y renoncer maintenant.

Après tout, admettre son passé ces derniers jours n’avait fait que la rendre plus mal encore qu’elle ne l’était lorsqu’elle le refluait.

- Julian Peterson, bonjour, dit une voix masculine à travers le combiné.

- Bonjour, je me prénomme Elizabeth Peterson et je suis à la recherche d’Emma Peterson. La connaîtriez-vous, à tout hasard ?

Tout en prononçant ces mots, Effy préparait déjà la formule de politesse qu’elle allait adresser à Julian Peterson lorsque celui-ci s’excuserait de ne pouvoir la renseigner.

Elle n’en eut cependant pas besoin.

- Vous… vous êtes en vie…

- Oui, je…

Effy n’eut pas le temps de lui confirmer qu’aux dernières nouvelles, elle était effectivement vivante. Julian Peterson venait de raccrocher brusquement, la laissant étrangement amère. Elle tendit très lentement le téléphone dans la direction de Liberty, qui la regardait avec perplexité.

L’optimisme l’avait emporté pour cette fois, mais l’étrange phrase de Julian Peterson donnait à Effy la désagréable impression que cela n’allait pas durer.

End Notes:
Merci d'avoir lu !

J'espère que vous avez apprécié, n'hésitez pas à me le faire savoir par commentaire :)

Le prochain chapitre s'intitulera Le baiser, et je ne dirais rieeeeeen de plus ;)
Le baiser by Bloo
Author's Notes:
Merci à flo de rendre agréables à la lecture mes chapitres ♥ et merci beaucoup à YumeToNamida et Fidrago pour leurs adorables reviews sur le chapitre précédent !

Bonne lecture !
(je pense que les fans de James vont apprécier ce chapitre ;) )

Hugo revint à la maison à peine quelques minutes après que Julian Peterson ait laissé Effy et Liberty totalement abasourdies. Il ramena avec lui sa bonne humeur, quoi qu'il lui fallu bien plusieurs heures pour la répandre jusqu'à la chambre de sa sœur où Effy s'était à nouveau enfermée. Après avoir rapporté à Liberty le propos pour le moins étrange de Julian Peterson, elle était en effet remontée à l'étage aussi vite que ne lui permettaient ses petites jambes. Hugo avait dû user de bien des méthodes pour finalement la faire sortir dans un état à peu près correct -bien que la délicieuse odeur de gâteau au chocolat préparé par Ron lors de son retour du travail n'y soit pas totalement étrangère non plus.

Le soir même, Effy avait rapporté à l'ensemble de sa petite équipe la conversation téléphonique. Liberty était partie après le dîner non sans avoir promis à Effy de revenir dès le lendemain, même si la jeune fille n'était pas certaine de vouloir parler de tout cela. James et Rose, et même l'éternel optimiste qu'était Hugo, étaient tous parvenus à la même conclusion morbide qu'elle.

- S'il est étonné que tu sois en vie, s'était risquée, la première, Rose, j'imagine que cela veut dire...

- Que toute ma famille a été assassiné et qu'il pensait que j'étais incluse dans le lot, oui, confirma froidement Effy.

En dépit de la tasse bouillante de chocolat chaud qu'elle tenait entre ses mains, la jeune fille avait la sensation de ne jamais avoir eu aussi froid. Personne n'avait d'ailleurs cherché à dire quoi que ce soit, tous profondément accaparés par de sombres pensées. Finalement, ils étaient montés se coucher les uns après les autres, Effy ouvrant la partie si bien que lorsque Rose regagna à son tour l’étage, elle trouva son amie déjà profondément endormie -ou du mois, imitant le sommeil à la perfection comme Rose la soupçonnait de le faire depuis plusieurs nuits déjà.

Il était très tôt le lendemain matin lorsqu'Effy descendit à la cuisine. S’étant réveillée aux aurores sans parvenir à se rendormir, elle comptait s'y préparer un énième chocolat même si elle avait le sentiment d’en abuser un peu depuis le début de l'été. Elle eut toutefois la surprise de constater qu'elle n'était pas la seule à avoir des problèmes d'insomnie.

James était à moitié avachi sur la table, une immense tasse de café sous le nez.

- Du mal à dormir ? lança-t-il sur un ton presque railleur.

Effy ne lui répondit pas, se contentant de lui jeter un drôle de regard avant de se servir son propre bol. Si James avait pour l'heure tenu sa parole en ne confiant à personne ce qu'elle lui avait révélé, il ne manquait pas d'y faire allusion dès qu'ils se retrouvaient seuls -ce qui était justement la raison pour laquelle Effy essayait à tout prix d'éviter ce cas de figure. Il restait persuadé que la jeune fille avait besoin de mettre davantage de mots sur ce qu'elle avait vécu, ou du moins de cesser de prétendre que cela n'avait jamais existé. Le pire était qu'elle savait parfaitement qu'il avait raison, mais que cela la rendait également plus colérique encore à son égard.

- Ce n'était pas de ta faute, Effy, lui dit James lorsqu'elle s'assit à contrecœur en face de lui, ayant jugé qu'aller boire son chocolat dans le couloir serait définitivement trop impoli en plus d'être moins confortable.

Elle reconsidéra toutefois sérieusement l'idée tandis qu'elle fusillait James du regard.

- Tu comptes me le rappeler combien de fois encore ?

- Je te l'ai dit, je te le dirai jusqu'à ce que tu y crois. Et pour l'instant, je n'ai pas l'impression que ce soit le cas.

- James, je vais être claire. Tu ne sais rien de moi, rien de ma vie, et ce que je t'ai raconté, ça te permet peut-être d'appréhender, au mieux, un millième de ce qu'a pu être mon enfance là-bas. Je ne te permets pas d'émettre de jugements à ce propos.

- Mais bon sang Effy, quand est-ce que tu vas te rendre compte que ce n'est pas sur toi que j'émets le moindre jugement ? Tu te juges bien plus que je ne le fais moi-même !

- Excuse-moi, ce n'est pas ce que j'avais remarqué ces dernières années.

- C'est bas, ça, rétorqua James d'une voix finalement dénuée de toute douceur.

- Non, c'est la vérité.

- Tu veux vraiment jouer à ça ? Parce que tu as plus à y perdre que moi. On peut recommencer à se détester si ça te chante, mais dis-toi bien que je suis la seule personne à laquelle tu peux te confier pour l'instant et que tôt ou tard, tu en auras besoin.

- Georgie et Lisa sont aussi au courant que toi, répliqua Effy en se redressant brusquement, livide.

- Oui, et tu ignores leurs lettres depuis que tu leur as annoncé. Merlin Effy, je t'ai vue jeter ton courrier dans la cheminée il y a deux jours ! Et après ça tu oses encore prétendre que tout va bien ?

- Mais bon sang James, qu’est-ce que tu veux que je fasse ? Que je me jette sous le Poudlard Express ?!

Elle avait hurlé si fort que toute la maison aurait probablement été éveillée si James n’avait eu la présence d’esprit de jeter un sortilège sur la porte de la cuisine. Il n’avait en revanche rien pu faire pour les deux tasses qu’Effy avait envoyées valser et qui répandaient maintenant leur liquide sur les clairs pavés de la pièce.

- James, reprit-elle sur un ton beaucoup plus calme, comme si son soudain accès de colère l’avait apaisée. J’ai été dépressive pendant des années. J’ai réussi à m’en sortir en faisant les plus grands efforts du monde pour oublier tout ça. Quand je te dis que je ne peux pas me le remémorer, ce n’est pas juste un caprice. Je ne peux réellement pas.

- Mais Effy… tu n’as pas vraiment réussi à refouler. Tu es d’une timidité maladive, tu as peur de tout –et je comprends pourquoi maintenant-, tu ne laisses pas les gens t’approcher, et tu manges tellement peu que tu finiras par avoir des problèmes.

- Mon enfance a déjà été gâchée, je ne vais certainement pas risquer d’en faire de même pour la suite.

- Et c’est justement cette suite que tu es en train de gâcher ! Comment espères-tu y arriver, plus tard ? Après Poudlard, hein, tu as déjà pensé à ça ? Comment feras-tu, seule au Ministère, sans tes amies pour te soutenir, seule pour assumer une pression énorme face à des dizaines d’autres candidats aux dents longues qui seront prêts à tout pour s’imposer ?

- Merci pour ton soutien, c’est très encourageant.

- Je te le dis maintenant parce que tu peux encore changer ça. Tu peux faire en sorte d’y arriver. Mais seulement si tu acceptes de l’aide.

- Je peux me débrouiller toute seule James, grinça Effy.

- Ça, c’est ce dont tu t’es persuadée parce que tes parents t’ont abandonnée. Et c’est triste, c’est tellement triste putain, parce que ça t’empêche de te rendre compte de ce que tu as maintenant. Tu n’arrives même pas à voir que tu les finalement trouvés, les gens qui ne t’abandonneront jamais. Qui seront là pour toi, quoi qu’ils arrivent. Effy ils sont là, juste devant toi. Laisse-les juste t’approcher.

- Tu parles de toi, là ?

- Si tu as besoin de moi, je serai là, mais je comprendrai tout à fait que tu me demandes de ne plus jamais m’en mêler. Promets-moi juste qu’auquel cas, tu te confieras au moins à tes amies.

- Pourquoi James ? Pourquoi te décides-tu seulement maintenant à être aussi gentil ? Pourquoi est-ce que nous n’avons pas pu être amis avant, hein ? lança alors Effy en haussant une nouvelle fois la voix.

Elle ne paraissait plus être en colère, bien que les morceaux de verres éparpillés jonchant toujours le sol attestaient de son récent énervement. Tout en elle n’exprimait plus qu’une profonde tristesse et le cœur de James se serra très fortement à l’idée qu’il allait devoir lui mentir.

Depuis qu'ils avaient passé ce pacte particulièrement idiot, il s'était maintes fois ressassé mentalement ce qu'il conviendrait de lui dire ou non. Au fond, il trépignait presque d'impatience à l'idée d'enfin pouvoir confier à quelqu'un ce qu'il ressentait depuis tant d'années sans jamais n'avoir pu en parler. Les rares tentatives qu'il avait effectuées auprès de sa famille s'étaient toujours soldées par de cuisants échecs et s'il ne doutait pas de l'amitié que lui portaient Mike et Thomas, il avait le sentiment qu'ils ne pourraient jamais le comprendre. Et en cela, lui et Effy se ressemblaient parfaitement. Tout comme il l'avait intrigué depuis le début de l'été, elle l'avait irrémédiablement attiré de par son air toujours caractéristique de ceux qui ont déjà trop vécu pour leur âge. Il savait bien que cela constituait une piètre justification du comportement qu'il avait à son égard pendant toutes ces années, mais il savait aussi qu'elle serait tout à fait capable de comprendre ça parce qu'elle ressentait exactement la même chose. Il en était en effet loin d'être dupe et avait bien compris que c'était son mal-être apparent qui l'avait finalement rendu visible aux yeux de la jeune fille –du moins, autrement que comme un simple abruti. Tout cela, il pouvait le lui dire, et il pouvait également lui expliquer pourquoi il le ressentait. Dans une certaine mesure du moins.

Parce que s'il se montrait véritablement honnête avec elle et allait jusqu'au bout de son explication, il lui faudrait également renoncer à elle pour toujours. Il le savait, il anticipait déjà parfaitement sa réaction et ne pouvait que l'approuver.

Mais l'idée lui déplaisait bien trop pour qu'il ne révèle l'entière vérité.

- Je crois qu'il est temps pour moi d'honorer ma part du marché, dit alors James en faisant signe à Effy de se rasseoir.

- Je ne suis pas certaine de voir le rapport entre ta famille et moi, avança Effy tout en se rasseyant à son tour.

- Au contraire, tout est lié Effy. Mais ce que je vais te dire, ce n'est en aucun cas une justification de mon comportement, juste une explication. Tu auras toujours le droit de penser que j'ai été un vrai connard pendant toutes ces années, je le pense aussi ne t'inquiètes pas.

Bien que le premier réflexe de la jeune fille fût d'acquiescer légèrement, elle ressentit un léger pincement au cœur à entendre James prononcer de tels mots sans laisser transparaître la moindre émotion. Il lui donnait constamment l'impression de se dévaloriser, depuis le début de l'été, n'hésitant pas à employer les pires mots pour se qualifier. À une époque, Effy aurait d'ailleurs été ravie que sa tête ne dégonfle quelque peu et qu'il ouvre enfin les yeux sur son piètre comportement. Mais jamais elle n'aurait imaginé que le changement serait si brusque, si soudain, et la seule explication valable qui lui était venue quant à cette métamorphose était l'existence, chez James, d'un mal-être bien plus profond que ce qu'elle n'avait jamais pu imaginer, ni elle ni probablement personne à Poudlard.

- Je suis le premier fils de mes parents, se lança James en coupant court aux pensées d'Effy. On m'a déjà raconté comme ma naissance avait défrayée la chronique étant donnée la célébrité de mon père comme de ma mère mais en fait, je n'ai pas le moindre souvenir d'avoir été fils unique. Albus est arrivé très tôt, alors que j'avais à peine un an, et les premiers souvenirs de mon enfance le comprennent donc. Lily est née un peu plus tard mais je ne me souviens pas non plus énormément du temps où Albus et moi n'avons été que tous les deux. Ce que je sais, par mes parents, c'est qu'on ne s'entendait pas très bien. Son arrivée a été difficile, je ne l'ai pas bien prise du tout et je me suis montré très jaloux de mon petit frère. Cela n'a pas duré très longtemps cela dit, puisque dès qu’Albus a su marcher, nous avons commencé à énormément jouer ensemble. Le truc, c'est qu’Albus et moi avons toujours été... différents. J'ai toujours été un enfant rieur et aventureux, je me souviens bien d'ailleurs avoir toujours voulu suivre les plus grands dans leurs jeux plutôt que de rester avec ceux de mon âge. Albus était beaucoup plus docile, beaucoup plus calme, et surtout beaucoup plus fragile. Je sais que tout jeune, je n'ai pas dû arranger les choses en essayant autant que possible d'accaparer l'attention de mes parents. En fait, il en a résulté que mes parents ont toujours beaucoup couvé Albus et que j'ai toujours été bien plus disputé que lui. Je sais que parfois, c'était mérité, mais d'autres fois, je voyais bien qu'il le préférait.

- Tous les enfants qui ont des frères et sœurs ont déjà pensé ça, j'imagine, lança Effy sans soupçonner la réaction de James.

Celui-ci s'était en effet littéralement décomposé à l'entente de cette phrase, ses poings se crispant fortement tandis que son visage rougissait furieusement avant de pâlir tout aussi rapidement.

- James, je...

- Si tu es là pour me servir le même discours que mes parents, il est hors de question que je continue à te raconter quoi que ce soit.

- Je suis désolée, James, je... je ne savais pas, répondit Effy d'une petite voix.

Impressionnée par la réaction du jeune homme, elle fit la seule chose qui lui parut pouvoir le calmer : elle desserra ses bras auparavant croisés sur sa poitrine et avec douceur, elle attrapa l'une des mains de James en la caressant de son pouce. Si le visage de James était toujours anormalement pâle, le contact le calma suffisamment pour qu'il ne reprenne le cours de son récit :

- Mes parents préféraient réellement Albus. Je veux dire, ça se voyait. Il le montrait toujours en exemple, mon père surtout, il n'arrêtait pas de dire qu'il aurait la fierté de Dumbledore lui-même. Puis, ce qui n'a rien arrangé, c'est qu'à peine entré à l'école primaire, Albus a développé une phobie scolaire. Il faisait parfois des crises effroyables et ça me faisait peur, je ne savais pas comment faire pour le calmer. Du coup, mes parents l'ont vraiment surprotégé, plus encore qu'avant. Tu ne pouvais plus toucher à un seul de ses cheveux. Je veux dire, je faisais en sorte d'être le plus agréable possible envers lui, vraiment. Mais parfois, j'avais juste envie de faire une farce, de dire une plaisanterie... Je me faisais enguirlander à chaque fois. Alors qu'Albus, lui, pouvait dire ce qu'il voulait. Quand il n'était pas dans une de ses crises, il paraissait en effet aller parfaitement bien, peut-être un peu plus calme encore que d'habitude, seulement. Mais il faisait des blagues lui aussi, comme on faisait avant qu'il n'aille à l'école, tous les deux. Alors, moi, ça m'a énervé qu'il puisse se moquer de moi et non l'inverse donc je rapportais ce qu'il disait à mes parents, mais c'était encore moi qui me faisais disputer soi-disant que je ne pensais vraiment qu'à moi-même et pas à ce pauvre Albus. Et tu vois, là, le truc, c'est que je n'allais vraiment pas bien, moi non plus. Je me demandais ce qui ne marchait pas, pourquoi mes parents m'aimaient moins. Mais eux, ils ne se rendaient compte de rien parce que dans leur tête, j'avais toujours été le plus fort, le plus endurant. Je pense qu'en fait, ils m'ont pris pour plus apte à encaisser les coups que je ne l'étais réellement. Ils faisaient attention à tout ce qu'il disait avec Albus à cause de sa sensibilité exacerbée, mais ils ne se sont jamais rendu compte que la mienne l'était tout autant.

Puis je suis parti pour Poudlard et là, tu ne t’en souviens sûrement pas, mais les premières semaines, on murmurait beaucoup autour de moi. Forcément, j’étais le premier fils Potter à pénétrer au château et ma venue était largement commentée. Sauf qu’il y a un truc que personne n’a compris, à l’époque.

- Que tu le vivais mal ? demanda Effy. Moi c’est ce que j’ai toujours pensé, je veux dire, tu avais l’air tellement perdu parfois.

- Tu l’as remarqué ? demanda James tout penaud.

- Je te l’ai dit. Je ne t’ai jamais détesté dès le départ. Mais cette première année, tu le sais, j’étais toujours en retrait, c’était la première fois que je fréquentais vraiment des gens, et c’était un peu effrayant, et je ne savais pas comment me comporter avec les autres, alors j’observais de loin. C’est…. Je me demande ce qui se serait passé, si j’étais venue te parler.

- Je me demande ce qui se serait passé si je n’avais pas déclenché les hostilités en troisième année, rétorqua James avec un pâle sourire.

Les mots restèrent un moment suspendus dans le vide sans que ni James ni Effy n’ose rompre le silence qui s’était installé, pas plus que le contact visuel qui s’était établi entre eux –jusqu’à ce que les joues d’Effy ne rougissent soudainement et qu’elle ne relance alors James :

- C’était ça alors, que personne ne savait ? Que tu n’étais pas aussi heureux que tu le laissais supposer ?

- Non. C’était que je ne savais pas.

- Tu ne…

- Je ne savais pas pourquoi j’avais été aussi attendu et pourquoi j’étais aussi observé. Je ne savais pas que j’étais aussi célèbre et je savais encore moins que mes parents étaient presque considérés comme des divinités dans ce pays.

- Quoi ? s’exclama Effy. Tu ne… Mais enfin, c’est impossible tu…

- Je savais qu’il y avait eu une guerre, que ma famille y avait perdu des membres et que mes parents avaient activement participé à cette guerre. Je savais que mes grands-parents avaient été tués pour la même raison, ainsi que Sirius, et Albus, et Severus, mais mes parents ne m’ont jamais raconté en détails ce qu’il s’était passé. Je ne savais pas que mon père avait lui-même abattu Voldemort ni qu’il était considéré comme le plus puissant sorcier de son époque, je ne… Mes parents ont toujours veillé à nous présenter les choses sous l’angle d’un conte pour enfants, alors j’ai entendu parler des farces de James et Sirius et de la gentillesse, l’intelligence, la tolérance de Lily, ils m’ont dit comme Albus et Severus avaient été deux hommes immensément courageux, mais ça n’a jamais été plus loin. Et du jour au lendemain, je me retrouvais entouré de gens qui en savaient presque plus que moi sur ma propre histoire. Tu peux imaginer ce que ça fait, non ?

Pour toute réponse, Effy attrapa les deux mains de James et les serra très fort entre les siennes, un peu trop fort pour elle, même, au point que ses bras ne se mirent à trembler légèrement. Elle n’avait pas vécu et ne vivrait jamais la situation de James, mais elle savait, oui, elle savait ce que l’on ressentait lorsque l’on ne connaissait même pas sa propre histoire, elle savait comme on se sentait différent et même presque minable quand on était incapable de la réciter comme le faisaient ses camarades et toutes les personnes de son entourage.

- J’étais tellement furieux. J’ai fait comme si de rien n’était dans mes lettres mais quand je suis rentré chez moi pour les vacances de Noël, j’étais prêt à exploser. J’en voulais tellement à mes parents de ne pas m’avoir préparé. Sauf qu’une fois chez moi, il s’est passé quelque chose. C’était la première fois que mes parents me voyaient depuis des mois et alors, j’ai été comme un vrai roi à la maison. Ils s’occupaient tout particulièrement de moi, ils m’ont énormément gâté, et ça a comme annulé toute la haine que je ressentais parce qu’enfin, j’avais l’impression d’être vraiment aimé. C’est là, d’ailleurs, que mon père m’a dit pour la première fois « Je suis fier de toi James Sirius ». Tu te rends compte ?

- Et bien…

- Jusqu’à présent, j’avais toujours été uniquement James. Alors que mes parents expliquaient souvent les deux prénoms de mon frère, ou vantaient les mérites de ma sœur qui était si Lily et si Luna quand elle faisait quelque chose de bien et enfin, c’était à mon tour de les rendre fiers !

- Mais James, toutes ces farces que tu as faites depuis ton plus jeune âge, c'était juste dans ton caractère, ou tu as voulu être James Sirius ?

- Et là, tu viens de mettre le doigt sur mon plus gros problème Effy.

Toute trace de colère avait quitté le visage de la jeune fille, qui était totalement absorbée par le discours de James. Elle n'était pas certaine de bien comprendre d'où lui venait cet horrible sentiment d'être le moins aimé de ses parents, mais elle ne pouvait ignorer la pâleur morbide de son visage, les larmes à peine contenues perlant aux coins de ses yeux, les poings si crispés qu'ils en faisaient blanchir ses jointures. Tout en James montrait qu'il croyait réellement à ce qu'il affirmait, et Effy se demandait même comment on pouvait ne pas le remarquer.

- J'ai tout fait pour être James Sirius. J'ai tout fait pour être comme ceux en l'hommage desquels ils m'ont nommé. Parce que la raison pour laquelle ils aimaient tant Albus, elle était évidente non ? Ils répétaient à qui voulaient l'entendre qu'il était aussi brillant que Dumbledore, lui parlaient du courage de Severus pour l’aider à surmonter ses crises de panique. Alors moi aussi je devais devenir comme James et Sirius pour qu'ils m'acceptent, tu comprends ?

- Je crois, oui, mais pourquoi en troisième année ? Parce que si j'ai bien suivi, ton brusque changement de comportement, c'était ça en fait ? C'était le moment où tu as décidé d'être autant James et Sirius que possible.

- Quand la deuxième année s’est achevée, mes retours à la maison n’avaient déjà plus rien du tout premier. Albus rentrait lui aussi, alors il était tout aussi chaleureusement accueilli que je ne pouvais l’être et même plus, parce que mes parents avaient tout le temps peur que ses angoisses ne ressurgissent, ils lui écrivaient beaucoup plus qu’à moi d’ailleurs. Alors, un jour où je me sentais à nouveau délaissé, comme ça, j’ai noté tout ce que mes parents avaient pu m’apprendre de la guerre, tout ce que je savais par eux qui était en fait presque tout ce que je savais. On n’avait pas encore étudié cette période en histoire et j’évitais autant que possible d’écouter ce que racontaient les autres élèves à ce sujet, de peur qu’ils ne se rendent compte de ma méconnaissance. Et c’est là que ça m’a sauté aux yeux. Toutes les petites anecdotes qu’ils nous racontaient sur les personnes à qui nous devions nos prénoms, Albus, Lily et moi, elles n’avaient pas la même portée : de Lily et Luna étaient louées la bonté, l’intelligence, la tolérance, de Albus et Severus le courage et l’intelligence, là encore, et de James et Sirius, l’humour et l’amitié. Mon frère et ma sœur avaient hérité de prénoms aux valeurs universellement reconnues, tandis que je n’étais que la combinaison de deux blagueurs à l’amitié certes exceptionnelle, mais je ne voyais pas bien en quoi créer des amitiés très fortes allait m’aider à rendre mes parents fiers comme ils pouvaient l’être d’Albus et Lily.

- James, l’amitié c’est à la base de tout ! s’écria alors Effy. Je crois que l’intelligence ou le courage sont bien sûr des valeurs importantes mais elles se subliment quand elles sont tournées vers les autres, et particulièrement vers ceux qu’on aime, et toi tu…

- Ça c’est ce que tu penses parce que tes amis sont comme une famille pour toi, Effy, la coupa James un peu durement. Mais mes parents, eux, il était évident qu’ils valorisaient bien davantage Albus et Lily que moi. Alors j’ai pensé que la seule façon que j’avais de me faire remarquer, c’était de surpasser tout ce qu’avaient pu faire James et Sirius, d’être encore plus incroyable qu’eux, puisqu’il fallait de toute façon que je fasse deux fois plus d’efforts. J’ai donc décidé de ne pas seulement faire des blagues, des farces gentillettes, mais de transformer Poudlard en un gigantesque terrain de jeux qui n’aurait pour limite que mon imagination. Sauf que, je te le donne en mille, ça n’a pas marché. J’ai reçu énormément de retenues cette année-là, certes, mais ça allait forcément avec le fait de faire des blagues. Mes parents, eux, ne l’ont pas entendu ainsi. Ils m’ont très sévèrement grondé à Noël et alors je le leur ai dit pour la première fois qu’il était évident qu’ils préféraient Albus et Lily –c’est sorti tout seul au cours d’une dispute. Ils m'ont dit d'arrêter, que je disais ça simplement pour me dédouaner et qu'ils ne faisaient absolument aucune différence entre leurs enfants, alors j'ai refoulé. J'ai préféré me convaincre qu'ils disaient vrai, parce qu'après tout, c'était tout de même plus réjouissant pour moi. Et puis Lily est arrivée à Poudlard et...

- Elle est allée à Serpentard, souffla Effy en comprenant tout à coup la raison de l'acharnement de James sur sa petite sœur.

- Oui. Autrement dit, elle a fait l'exact inverse de ce qu'aurait fait Lily Evans, de ce qu'avait fait Lily Evans. Et bien figure-toi que cela n'a pas empêché mes parents d'être plus que fiers d'elle. Et quand moi, j'ai voulu lui faire des blagues, en bon Maraudeur embêtant les Serpentard se respectant, j'ai une nouvelle fois été enguirlandé. Encore, encore, encore.

- Mais, et moi James ? Quel était le problème, avec moi ? Je veux dire, je comprends maintenant pour Lily et les Serpentard mais...

Le cœur de James se mit à tambouriner violemment contre sa poitrine mais il parvint à contenir la rougeur qui aurait pu lui monter aux joues et n'aurait pas manqué d'alerter Effy. Cette partie de l'histoire, il ne pouvait se résoudre à la lui révéler, mais comme il s'y était préparé, elle lui avait justement demandé une explication à ce propos. C'était parfaitement logique, c'était ce qu'il aurait d'ailleurs lui-même fait.

Et c'était pour cela qu'il avait préparé depuis plusieurs jours déjà le mensonge qu'il conviendrait de lui avancer.

- Je sais que ce n'est pas une excuse, mais toi aussi tu attisais ma jalousie, lança James sans ciller.

- Ta jalousie ? répéta Effy les yeux écarquillés.

Elle s'était attendue à toutes les explications possibles sauf peut-être celle-ci. Considérant toutes les remarques plus désobligeantes les unes que les autres qu'avait pu lui adresser James, elle s'étonnait en effet fortement d'avoir pu, en réalité, provoquer la jalousie du jeune homme toutes ces années durant.

- C'est bête, parce que tout ça est très bête de toute façon. Mais c'était aussi à cause de toi, parfois, si je n'avais pas tout à fait l'impression d'être celui que je devrais être. Tu me surpassais dans toutes les matières, même en DFCM qui est juste censé être « la » matière où le fils Potter n'échoue jamais. Et puis, j'avoue que mon égo un peu surdimensionné ne comprenait pas bien comment quelqu'un pouvait ne pas l'apprécier.

- Tu ne m’as pas vraiment aidé à le faire. Et c’est bien dommage parce que maintenant que je sais toutes ces choses sur toi et que j’ai appris à mieux te connaître, je crois que tu es quelqu’un de bien, James.

Bien que l'explication de James soit particulièrement bancale, Effy sembla toutefois l'accepter sans rechigner. Après tout ce qu'il venait de lui confier, elle avait de toute façon la sensation qu'il ne pouvait pas mentir et elle se sentait même flattée d'être la première personne à obtenir ses confidences. Surtout, cela lui permettait de se délester de toute crainte d'être un jour trahie par James, pouvant elle-même menacer de révéler tout ce qu'elle savait à son propos. Elle espérait bien ne jamais avoir à le faire, mais le monde entier pouvait bien la traiter de naïve, elle n'en restait pas moins extrêmement consciente de ce à quoi un excès de confiance pouvait mener.

Ce fut pourtant bien une forme de naïveté qui l'empêcha de prêter attention à la soudaine teinte rosée du visage de James.

- James, tout ça... à défaut d'en avoir jamais parlé avec tes parents, est-ce que tu as au moins essayé de l'expliquer à ton frère et à ta sœur ? Parce que je n'ai pas l'impression qu'ils comprennent l'origine de ton comportement, eux non plus.

- Je ne compte pas le faire, je sais déjà très bien comment ils réagiront grâce à nos parents. De toute façon, je ne veux pas leur faire ça. Il est bien plus facile pour eux de considérer leur frère comme la mauvaise graine de la famille, aussi dur cela puisse-t-il être, que de réaliser à quel point nos parents ne ressemblent en rien aux êtres parfaits qu'ils s'imaginent.

- Attends, tu veux dire que tu ne leur as jamais rien dit pour les protéger ? s'exclama Effy à voix basse.

- Je sais qu'ils regrettent le temps où l'on s'entendait bien, tous les trois. Je l'espère du moins. Mais crois-moi, leur vie sera bien plus belle si je suis à leurs yeux l'unique responsable.

Cette fois, il n'y avait plus la moindre trace de couleur sur le visage de James. Plus pâle que jamais, le jeune homme dut même faire mine de retirer un cil pour contenir avec peine les larmes menaçant de quitter ses paupières. Il voulut même utiliser sa deuxième main, ses yeux commençant à le piquer d'une façon alarmante, lorsqu'il se rendit compte qu'elle était toujours fermement maintenue par celle d'Effy.

Et alors, il craqua.

Sans même prendre la peine de vérifier que son sortilège d'insonorisation fonctionnait toujours il laissa, pour la première fois depuis bien trop longtemps, ouvertement libre court à son chagrin devant quelqu’un. En cet instant il était, si l'on pouvait dire ainsi, heureux qu’Effy soit en face de lui et personne d'autre, car il savait au moins qu’en sa compagnie, il pouvait bien verser toutes les larmes qu'il voulait sans qu'elle n'émette à son égard le moindre jugement. Des jugements, il s'en adressait déjà bien assez lui-même depuis le temps qu'il contenait cette douleur toujours croissante. Longtemps il s'était ainsi persuadé que vider son cœur devant ses parents n'arrangeraient jamais rien, que ceux-ci cesseraient tout au plus de le considérer comme quelqu'un de fort et qu'il perdrait alors l'une des rares qualités dont il pensait trouver grâce à leurs yeux. Certes, une part de lui enviait et avait même toujours envié le Albus cajolé par leurs parents qui ne jugeaient aucunement ses spectaculaires pertes de contrôle. Mais il en était arrivé à un tel stade dans son sentiment d’abandon qu’il ne croyait pas même envisageable que ses parents ne fassent preuve d’un dixième de la compréhension dont ils étaient capables pour Albus. D'ailleurs, les rares confessions auxquelles il s'était laissé prendre n'avait fait que conduire à de nouvelles disputes le désespérant, plus encore, de ne jamais pouvoir leur apprendre la vérité. Obnubilé par sa douleur depuis bien trop d'années, il ne parvenait sincèrement plus à se rendre compte qu'il aurait suffi d'aller au bout de chacune de ces confessions pour enfin se confronter réellement à ses parents.

L'impuissance et le désarmement étaient tout ce qu'il lui restait.

Ça, plus les lèvres d'Effy sur les siennes.

Presque plus surprise que James par son propre geste, la jeune fille ne rouvrit pas immédiatement les yeux après avoir mis fin à ce baiser spontané. Elle tenta tant bien que mal de faire le tri dans le milliard de pensées qui l'assaillirent et elle finit par rougir furieusement lorsque les premières questions lui venant à l'esprit la ramenèrent brusquement à la réalité.

Pourquoi avait-elle fait ça ? Et ça, qu'était-ce d'ailleurs ? Pouvait-on réellement parler d'un baiser alors qu'elle ne s'était jamais auparavant sentie attirée par James de cette façon ? Mais alors, si elle n'était pas attirée, pourquoi venait-elle juste de lui accorder ce qui était tout de même son premier vrai baiser ?

Les yeux désormais grands ouverts, Effy fixa intensément le sol comme si elle eut voulu s'y fondre et disparaître pour de bon. Elle ne pouvait décemment pas croiser le regard de James après avoir fait ça. Et en même temps, elle se demandait si ce geste inexpliqué et inexplicable avait au moins eu pour mérite d'apaiser un chagrin bien trop lourd à porter. Elle n'en était pas vraiment certaine, parce que ce baiser, et aussi saugrenue que lui paraisse la formulation de cette idée, lui avait semblé humide. Or, n'en ayant jamais donné à personne d'autre, elle se demandait si cela était simplement normal ou au contraire dû aux larmes de James.

Se rendant compte qu'elle était en train de se remémorer les détails de ce baiser plutôt que de réfléchir à la manière dont il avait bien pu arriver, Effy sentit une nouvelle vague de chaleur lui enflammer les joues et elle était sérieusement en train d'envisager une fuite vers la chambre de Rose lorsque la voix de James l'obligea à se redresser.

- C'est ta façon de consoler les gens ? demanda-t-il sur un ton qui avait retrouvé toute sa taquinerie. Je devrais peut-être me laisser aller plus souvent...

- Je... Si tu parles de ça à qui que ce soit avant que... avant que...

- Avant que quoi ? Que tu aies compris pourquoi tu as eu envie de m'embrasser ?

- Je n'ai pas eu envie ! s'insurgea Effy. C'est... c'est venu tout seul, voilà.

Contre toute attente, un grand éclat de rire retentit dans la cuisine, qui s'était faite l'écho de bien des sentiments différents en seulement une petite heure. Effy aurait d'ailleurs été absolument ravie d'y entendre un tel son à peine quelques minutes auparavant, mais la colère la faisait maintenant rougir plus encore, tant et si bien qu'elle se demandait si de la fumée n'allait pas bientôt sortir de ses oreilles.

- Ne dis ça à personne, James ! répéta-t-elle avec force.

- Mais Effy, c'est...

Encore à moitié en train de s'esclaffer, le jeune homme toussota un instant et prit le temps d'inspirer un grand coup avant de planter son regard dans celui d'Effy, l'air soudainement plus sérieux :

- Ce n'est qu'un baiser. Tu ne me dois rien, je n'attends rien de toi après ça. Juste peut-être une raison à ce... brusque changement de considération à mon égard, mais je ne vais pas exiger de toi quelque chose que tu ne peux pas me donner.

Agacée par ce qu'elle considérait être de la condescendance, Effy se leva une bonne fois pour toute et ramassa les débris de verre qui jonchaient encore le sol, les laissant sur la table en espérant que James aurait l'intelligence de les réparer avec que quelqu'un d'autre ne pénètre dans la pièce -ce qu'il fit avant même qu'elle n'ait franchi la porte de la cuisine. Doucement, Effy grimpa les escaliers en essayant de faire le moins de bruit possible et regagna la chambre où Rose dormait encore profondément, absolument pas dérangée par son intenable colocataire. Mais Effy eut beau prier pour retrouver un sommeil aussi apaisant, elle ne parvint pas même à fermer les yeux. Eux qui étaient restés hermétiquement clos après ce baiser, ils paraissaient ne plus devoir se fermer tant son esprit bouillonnait à la recherche d'une explication.

James avait raison en prétendant qu'elle ne comprenait pas elle-même ce qui s'était déroulé -et cela devenait une habitude pour le moins déplaisante.

En revanche, il ne se doutait sûrement pas que son geste l'avait finalement apaisée elle aussi tant elle paraissait énervée en le laissant seul. Elle-même ne l'aurait sans doute pas noté, si son regard n'avait pas été attiré par l'une des rares lettres de ses amies ayant échappé à la destruction.

Et si, contre toute attente, elle ne s'était pas enfin sentie assez forte pour en découvrir le contenu.

End Notes:
Merci d'avoir lu !

Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? J'avoue que j'ai très hâte d'avoir vos retours dessus parce qu'il dévoile ENFIN les états d'âme de James ET marque une certaine avancée dans sa relation avec Effy. Plus jeune, j'avais moi aussi parfois cette impression d'être moins aimée de mes parents et même si avec le recul je me rends compte comme c'était infondé (et j'ai la chance d'avoir une merveilleuse relation avec mes parents), je sais comme on peut vraiment être intimement persuadé d'être moins aimé et j'avais envie de donner cet aspect à un personnage de mes fics (puis je trouve que James s'y prêtait bien vu toute la pression qui repose en plus sur lui dès sa naissance). Et le James/Effy ? Vous en pensez quoi finalement ? Plutôt pour, plutôt contre ? :)

Autrement, je vais maintenant faire une petite pause dans la publication dont je m'engage à ce qu'elle ne dure pas plus d'un mois ! Mais il me reste cinq chapitres et demi à écrire et je préfère les terminer avant de poursuivre la publication, et ça laissera le temps à flo pour le betâtage :)

On se revoit en avril, donc, avec Les inquiétudes (de qui, de quoi ?) ! édit 26/03 : bon, honnêtement... il est probable que la fiction soit à nouveau en pause pour une durée indéterminée. Je suis désolée, mais je n'arrive plus à avoir la motivation de l'écriture et surtout de la poster vu le très faible retour que j'ai dessus. Et je dis bien que je suis désolée, parce que je sais que si je n'avais pas mis trois ans à écrire la suite, je n'en serais peut-être pas là, mais c'est comme ça. Chaque fois que je poste un nouveau chapitre, je vois le compteur de lectures augmenter de plusieurs centaines de vues pour au final n'avoir qu'une ou deux reviews. Alors merci du fond du cœur à ces (quelques) personnes qui prennent le temps de commenter, mais je ne suis plus sûre que ça me suffise. Je terminerai cette histoire ne serait-ce que pour moi, mais je ne sais pas si je continuerais à la publier. J'ai énormément d'autres projets en cours et pour lesquels j'ai bien plus de raisons de m'investir que pour cette histoire, très clairement.
Cette histoire est archivée sur http://www.hpfanfiction.org/fr/viewstory.php?sid=29279