L’enfant sourit, à voir sa bouille ronde, ses joues rouges et les sourires de ceux qui l’entourent  il aura une belle vie. Il ouvre ses yeux, rencontre ceux de son père.

Il y a comme un échange, un partage muet, une douce joie qui flotte dans l’air et n’a rien à expliquer. Il regarde de ses yeux innocents, ne cherche pas à savoir, à comprendre, la réalité le rattrapera bien assez vite. Il admire la jeune femme qui le tient, elle est douce, colorée.

Et soudain il sent  un changement dans l’air alors que l’étonnement muet s’empare de ses parents.

Ils sont partis, pour lui, pour eux, pour le monde mais ils sont partis. Ensemble en une dernière étreinte d’amour, on lui racontera plus tard. Il est trop petit, il ne comprend pas, s’en rend-t-il même compte ? On le rassure, on le berce, on sèche ses larmes comme avant.

Mais ils sont partis et bientôt il aura oublié leurs visages, leurs odeurs et leurs rires heureux. Ce n’est pas lui qui souffre le plus pour l'instant, la souffrance viendra plus tard, quand il aura compris.

Ils sont partis, il les aimera pour ça.

Ils sont partis, Il les haïra pour ça.

Douleur.

Cris.

Pleurs.

Pourtant la scène est emplie d’amour et d’espérance. C’est comme un signe, un pied de nez aux épreuves traversées.

Il y a deux ans songe Bill son frère est mort. Fleur, elle a crut que la fin viendrai. Il y a deux ans finalement la lumière a fini par l’emporter. A partir de maintenant ce triste souvenir sera effacé, modéré en partie par un différent, plus éclatant. Désormais le bonheur marquera cette journée. À partir de maintenant le 2 mai sera une fête différente.

Alors à la question posée par le médicomage, Fleur et Bill répondent en coeur sans songer au poids que portera ce nouveau-né.

Qu’importe aujourd’hui est jour de fête.

Les dîners de famille sont étouffants pour deux enfants trop jeunes pour comprendre la  politique du monde sorcier.

Heureusement pour chacun, l’autre est là.

La longue natte de Victoires trempe  dans la peinture magique mais elle n'y prête pas attention, elle se fera gronder plus tard mais tant pis.

Ted barbouille une  feuille blanche depuis un moment lorsqu'il se lasse et dans une inspiration soudaine plonge ses deux mains dans les pots.

Quand l’un a une bonne idée, l’autre veut évidemment suivre. Alors Victoire l’imite.

Ils finirot la soirée barbouillés de la tête aux pieds changeant de couleurs comme de petits caméléons mais se seront bien amusés.

Sa petite main effleure les cicatrices, elle le trouve beau comme ça, mais c’est normal, c’est son papa. Elle adoucit ses blessures. Il est heureux de voir cette petite qui ressemble tant à sa mère.

Il y a quelque chose de lui  aussi, pas sur son visage, en Victoire, cette volonté de ne pas faire ce qu’on attend d’elle.

Bill n’est plus comme ça, brisé par la mort d’un frère, il s’accroche à des choses familières,  aux responsabilités, Bill a changé, il ne comprendra pas cette partie de lui qui est en elle.

Mais pour l’instant le sourire de la fillette le réchauffe et il a encore peine à croire qu’il est responsable d’une vie.

Un groin, un petit nez pointu. Un  rire retentit. Il change encore. C’est  un jeu pour lui.

Un nez crochu, un en champignon, pas de nez du tout, juste deux narines.

Là il ne comprend plus, personne ne rit.

Il voit du haut de ses 6 ans que son parrain a eu un mouvement de recul. Alors il a peur, il est perdu.

Peur de se retrouver tout seul, de perdre sa famille. Peur de son don pour la première fois.

Il tente une dernière fois, ressemble à un canard.

Et des bras l’accueillent alors qu’une larme coule sur la joue de l’adulte qu’il aime.

Un palmier sur la tête elle rit aux éclats alors que son père la fait sauter dans ses bras.

Deux couettes blondes se balancent en rythme accompagnant la mélodie française. Un chignon torsadé se défend contre les chatouillis de son grand-père

Une auréole dorée s’étend dans l’eau dans laquelle la porte un oncle.

Des mèches lui lèchent le visage, séchés magiquement par sa grand-mère souriant de la grimace de l’enfant. Une natte est tressée par une tante admirant la beauté de cette poupée.

Des cheveux sont détachés et des fleurs piquées dedans par une dame aux cheveux blonds comme les siens, emmêlés, pas coiffés, mais ils sont beau comme ça finalement  : libres.

Il arrive. A quatre ans, presque 5 elle ne saisis pas tout, a peur.

Sa maman est à l’hôpital mais elle croit la dame blonde qui raconte les belles histoires, lui fait confiance, ce n’est pas grave, elle reviendra en bonne santé.

Un frère va naître. Bonne nouvelle ?

L’adulte ne sait pas, ne veut pas y songer, la fillette sera-t-elle coincée dans son rôle de poupée ? Un frère sera-il un soutien ou un poids de plus ?

Elle en est sûre il sera libre lui.

La fillette regarde son oncle roux qui vient d’arriver et oublie sa peur lorsque celui-ci la serre tendrement dans ses bras avant de saluer son amie Luna.

Andromeda aime le rose. Il n’avait  jamais compris pourquoi.

Andromeda aime le rose parce que c’est une fille ? Parce que c’est une couleur de moldu ?

Ou parce que cette  fille sur la photo aime le rose ?

Ted fouillait dans les combles s’amusant de vieilleries jusqu’à apercevoir ce vieil album à la couverture poussiéreuse. Elle rit sur la photo, son visage barbouillé de chocolat.

Il tourne les pages, reste longtemps à regarder les photos jaunies, sans même pouvoir déchiffrer les légendes, l’encre s’est effacée depuis longtemps. Il finit par se lasser finalement, retourne à ses jeux d’enfant mais il n’oubliera pas les clichés dormants dans le grenier.

« Maman, je serais comme toi plus tard ? »

Fleur se retourne vers son ange dorée.

Elles se ressemblent tellement que sa propre mère appelle souvent sa petite-fille Fleur.

« Comme moi ?

- Belle, grande et forte aussi »

Fleur sourit, sa fille lui rappelle sa jeune sœur par moment, si douce, si inconsciente de sa propre beauté, si curieuse aussi.

« Non mon ange, tu seras plus jolie, beaucoup plus forte peut-être pas beaucoup plus grande mais tu seras parfaite mon cœur.

- Assez forte pour battre Louis aux Bavboules quand il pourra jouer ? » Fleur rit devant la question, décidément la victoire a apporté la lumière de bien des manières.

Ted ne sourit pas. C’est son anniversaire, c’est vrai.

Tout le monde est là, il devrait être heureux, ouvrir ses cadeaux, c’est vrai.

Mais il n’a pas envie, il ne veut pas supporter les regards des autres lorsqu’ils se rappellent qu’il y a bientôt 8 ans maintenant leurs proches ont disparus. Il se sentirait presque coupable.

Ted  voudrait que ça soit son anniversaire rien qu’à lui.

Il voudrait que ça soit comme dans les livres, joyeux plus que triste.

C’est trop dur de les décevoir alors il puise du courage dans le sourire de Victoire, il fait semblant et souffle ses bougies sous le regard ému de son parrain Harry.

Tapie dans l’ombre elle suit sa proie à la trace. Il faut faire attention, surtout imiter les gestes, ne pas faire d’erreur.

C’est le jeu du miroir, le moindre mouvement raté et c’est perdu.

Victoire imite jusqu’au soupir que pousse sa mère lorsqu’elle l’aperçoit jouant à ce jeux.

 Fleur l’a inventé pour apprendre les bonnes manières à ses enfants mais Victoire ne s’en lasse pas.

 « Tu t’amuses petit perroquet ? » demande le sourire las de maman.

« Je te ressemble, c’est bien non quand je te ressemble ? Mamoune elle dit que je lui fais penser à toi quand je souris, et j’aime Mamoune, alors je fais comme toi »

Et elles sourient, ensemble.

Ted adore quand tante Ginny joue au Quidditch avec lui, il apprécie la cuisine de mamie Molly, aime écouter l’oncle Ron et participer aux blagues du farceur George.

Parfois, il préfère encore lorsqu’il est avec Andromeda ; ils ne parlent pas beaucoup, se comprennent en un regard.

Elle s’assoit le soir dans le vieux fauteuil devant l’âtre, une tasse de thé à la main.

Parfois elle raconte des histoires, parfois c’est Teddy qui raconte la vie, celle du petit James qui  commence à parler ou les aventures d’Harry.

Parfois elle écoute, parfois non, il le sent lorsque les yeux humides de sa grand-mère se perdent dans les flammes rougeoyantes du foyer.

Alors il se tait et attend.

« Il était un petit homme, fredonne la demoiselle

Il était un bonhomme qui avait un balais de sorcier

Qui avait un balai de sorcier

Mais Victoire, qu’y est la plus forte

Pirouette cacahuete

Mais victoire elle est trop chouette

Fallait  pas lui tirer les couettes

Ton balais elle l’a bien caché. »

Teddy rit de bon cœur, Victoire a vraiment le don de transformer chaque chanson en autre chose, il oublie momentanément son jouet balais.

De toute manière comme à chaque pseudo bagarre, Andromeda les retrouvera gloussant ensemble, préparant déjà la prochaine crétinerie sortie de l’esprit de Victoire.

Toujours prêts à rire  ces deux-là !

« Qu’ils sont mignons ! »

Fleur et Bill échangent un regard, c’est ce que tout le monde leur dit.

Leurs enfants sont beaux, Victoire surtout, toujours souriante, un peu brouillon parfois mais pas aux diners avec les collègues de Bill, Fleur y veille au grain.

Aujourd’hui elle porte une petite robe blanche et une tresse française comme sa mère et la ressemblance est frappante.

Le petit Louis porte une petite salopette peu cérémoniale qu’on pardonne facilement au garnement à la frimousse amusante.

Victoire s’ennuie, elle a envie de jouer avec Louis dehors mais sa mère ne veut pas qu’elle abîme sa robe blanche. Alors elle sourit, se tient droite et se faufilera le moment venu, être une enfant est trop tentant.

A chaque occasion un cliché ; quand c’est Fleur qui tient l’appareil, tout doit être parfait, tout le monde fait risette, les cheveux bien coiffés, les vêtements repassés.

Bill c’est souvent dehors, toujours en ordre, une si belle famille ça se montre, c’est sa fierté.

Si Luna apporte le sien tout se passe dans le jardin, Louis arrache les fleurs, Victoire qui joue à la balançoire et Ted sur le tourniquet.

Quand c’est George, les enfants adorent, tout est permis, grimaces, couleurs, tout est fantaisie.

Parfois Ted, sous les encouragements de Victoire parvient à le chiper, ils montent alors sur le grand marronnier, se tiennent au bout des branches et font mine de voler.

Il va s’en dire qu’au développement, ils se font bien gronder.

Elle sourit.

Ça marche toujours quand elle sourit.

Sauf avec sa mère et sa grand-mère peut-être.

C’est sa défense, un réflexe maintenant.

Une bêtise ? Elle sourit.

Une dispute ? Elle sourit.

En fait elle sourit tout le temps, lorsqu’elle est triste, joyeuse en colère, lorsqu’elle s’ennuie.

Rayon de soleil, petit ange souriant, jolie poupée, autant de surnom parce qu’elle sourit. Elle sourit parce que c’est comme ça et pour ça qu’on l’aime.

Elle sourit parce qu’au fond elle ne sait pas quoi faire d’autre, ne sait pas comment arrêter.

Son presque-cousin  dit qu’elle sourit même en dormant, pourtant dans ses rêves Victoire, elle pleure et ça lui fait du bien même si elle ne comprend pas.

Il avait seulement 9 ans lorsqu'il demanda à en savoir plus sur  qui étaient ses parents.

Et la réponse l'a effrayé.

Des héros.

Ils étaient des héros.

Des héros l’ayant laissé seuls.

Des héros dont il ne reste que souvenir et photos froissées.

Des héros dont il se sent bien peu digne lorsqu’il se fait gronder après une bêtise.

Il n’était qu’un enfant lors de cette conversation mais elle ne s’effaça jamais.

« Soit fier de tes parents et rends les fier Teddy. C’est important tu sais »

Alors il a commencé à chercher sa ressemblance, il a  commencé à poser des questions.

Il a commencé à garder ses cheveux roses et ses yeux bruns.

Il a commencé à vouloir être parfait.

Le jardin de Luna est formidable, il est étrange, fouillis mais incroyablement beau.

Victoire est là, feuillette un album de famille, regarde sa mère surtout, celle à qui elle ressemble.

Elle ;  copie conforme dont tout le monde attend tant de chose.

Luna approche et le  lui retire doucement  des mains, observant cette petite fille qui lui ressemble un peu au fond.

« Ce n’est pas toi, tu le sais ? »

Victoire hésite, elle ne sait pas vraiment.

Et Luna l’aidera peu à peu à apprécier la vraie Victoire, celle aux cheveux emmêlés dont le rire tonitruant n’a rien d’élégant, celle curieuse du monde, celle qui veut se trouver, la fille libre au sourire doré.

Victoire ne veux plus être une parfaite réplique désormais.

Son frère a été une demi-délivrance dans la  solitude d’une l’enfance trop étouffante.

Sa sœur fut un soulagement.

Une mini-Fleur sur laquelle repose les espoirs de toute la famille.

Une autre avec qui la confondre, sur qui l’attention se portera.

Elle espère juste que mini-Victoire sera plus courageuse qu’elle.

Elle est encore prise au piège, elle qui porte ce nom, elle  qui en veut à ses parents.

Elle ne veut plus de ça, ne veut plus des nattes de sa mère, de son image trop encadré.

A  7 ans, Victoire se fait appeler Vicky par ses amis moldus, en secret.

A 7 ans Victoire se libère un peu de ce passé et détache sa  crinière.

Depuis que Victoire a un frère et une sœur, elle et Ted ne s’ennuient jamais.

Un coup ils s’amusent à faire peur à Louis,  à déguiser Dominique, jouent à cache-cache en trichant, improvisent un spectacle de marionnettes vivantes ; portant le chat et la chouette de la famille  à bout de bras sous le regard offusqué de Fleur.

Ils sautent dans les flaques, dessinent sur la table du salon sans protéger énervant Bill au passage.

Même lorsqu’ils veulent être sage ça finit par déraper.

Celle qui se fait le plus disputer c’est Victoire, par sa mère qui voudrait qu’elle grandisse, qu’elle soit une petite fille bien élevée.

Mais ces instants-là n’empêchent pas les deux enfants de profiter.

 Ted est sage.

C’est ce qu’on dit de lui : « un enfant adorable, calme,  sans histoire, intelligent, qui ne fais jamais de bêtise ».

Si ça c’était arrêté là peut-être qu’il aurait été heureux, mais Andromeda a continué à parler à son parrain.

« Enfin sauf quand lui et Victoire se retrouvent, de vrais petits démons à eux deux ».

Ted s’est senti blessé, est-ce qu’elle pense que Victoire est une mauvaise amie ?

Non, lui ne se sent bien qu’avec elle, elle est tellement plus libre que lui, plus naturelle un véritable oiseau, il envie cela.

Ted voudrait ressembler à Victoire  et le malheur c’est que tout le monde voudrait que Victoire s’inspire un peu plus de la sagesse de Ted.

Ted lit un livre face à la mer.

Victoire elle joue dans les vagues en riant.

Ted pose son livre et hésite, il voudrait faire comme les grands mais il regarde son amie qui a l’air de bien plus s’amuser.

Victoire embête maintenant avec un bâton un petit crabe qu’elle vient de trouver dans les rochers.

Et elle l’appelle pour lui proposer d’aller se baigner.

Ted se décide enfin à laisser son livre sur le siège pliable et court vers elle en criant.

C’est les vacances, il a le devoir de s’amuser au fond, il reprendra son livre après le château de sable et la baignade, peu importe.

Le livre restera fermé tout l’été.

Ted a 10 ans, et ce qu’on lui répète depuis ce matin c’est : « tu as 10 ans, tu es grand maintenant », ça l’énerve un peu, il ne se sent pas si vieux.

Mais il est heureux parce que Victoire est là, elle est venue avec son vrai sourire, celui  qu’elle a quand ils sont ensemble.

Elle lui a offert une chouette, ça coûte cher et Ted se doute que Victoire a dus économiser pendant très longtemps et même demander en avance l’argent de son anniversaire.

Elle lui a tendu en disant : «  Comme ça tu m’écrira pendant les vacances et l’année prochaine »

Et le soir même Victoire a reçue du courrier.

Lorsque l’on  fête son anniversaire dans une école moldue il y a quelques traditions.

Il y a le gâteau et les bougies que l’on allume et puis la fameuse chanson, les applaudissements.

Il y a cette journée qui ne semble n’appartenir qu’à nous et pour Victoire c’est d’ordinaire mieux que tout.

Mais aujourd’hui dans l’école les bougies se sont allumé toutes seules, et le gâteau que Peter-le-vilain a critiqué à finis par magiquement lui atterrir sur le nez.

Et Victoire a vu la peur, la peur d’elle pour la première fois et si eux ne s’en souviendront pas, elle, ce souvenir la hantera.

Ted est déçu, Victoire n’est pas là, en week-end chez une amie.

Il est envieux Ted. Il aurait voulu faire comme Victoire, persuader sa grand-mère de l’envoyer dans une école moldu, se faire des amis, mais il est métamorphage et Andromeda  craint, de façon ridicule puisqu’il ne change plus depuis deux ans, qu’il se fasse remarquer.

Il est  chez  Angelina dont c’est l’anniversaire, il s’ennuie alors finalement il fait plus ample connaissance avec Fred qui deviendra bientôt son grand complice.

Victoire le verra moins à partir de ce moment-là, elle en sera même un peu jalouse avant de changer d’avis, Ted a bien le droit d’avoir plusieurs amis, et elle aussi.

Cette année il s’en va.

Il part et il va devoir se débrouiller seul : « c’est magique tu vas voir Ted. Tu me raconteras hein, Teddy ?  Ne fais pas trop de bêtises Ted ! »

Tout le monde en parle, tout le monde lui assure que ça sera merveilleux, Poudlard, mais lui il  préfèrerait presque rester ici, et profiter, entouré des gens qu’il aime.

Il a peur.

Lorsqu’il arrivera là-bas il va devoir se faire des amis, c’est nouveau pour lui, ses camarades de jeu  habituels sont des Weasley qu’il connaît depuis l’enfance, qu’il a parfois même vu naître.

Il va devoir être courageux.

« Il ne veut pas que je vienne Papa, elle annonce d’une voix morne ».

Elle a attendu tout l’été avec hantise et impatience de dire au revoir sur le quai 9 ¾ à son ami Ted, elle n’ira pas finalement.

Il n’a pas voulu, elle ne comprend toujours pas pourquoi.

« Ne viens pas Victoire, j’ai pas envie, je suis courageux tu sais, Andromeda sera déjà là, elle te racontera »

Elle  rapportera cette conversation plus tard dans les bras rassurants de son papa, avec son petit sourire triste.

Pourtant si Ted ne veut pas qu’elle vienne au fond c’est juste qu’il a peur de pleurer en quittant sa meilleure amie et en songeant qu’elle l’oubliera peut-être l’année durant.

Il pleurerait presque Ted en ce premier septembre.

Mais il a peur surtout, peur qu’on l’oublie, peur que son parrain ne lui donne pas de nouvelle, peur que l’absence de lien du sang le mette de côté maintenant qu’il va être loin.

Il regarde Ted les enfants pressés, les échanges effusifs, les retrouvailles joyeuses, il regarde et ça lui fait envie.

Alors il tourne la tête comme cherchant quelqu’un avant de se souvenir.

Il faut oublier il se dit, il se sent fort, fier de faire des sacrifices  et dans un orgueil d’enfant mal placé il pense avoir raison.

Seul l’avenir lui dira combien il a eu tort.

« Quoi ? »

Victoire rougit, le ton de Fleur n’est pas très engageant mais comme sa mère, elle sait se montrer têtue.

« Je veux faire de l’athlétisme avec Lucy et David de l’école » Fleur jette un regard de dégout vers les baskets bon marché que sa fille s’est faîte prêter.

« Je m’ennuie depuis que Ted est partit, elle reprend d’un ton larmoyant »

-          Mais si tu veux faire du sport fais du Quidditch rétorque Bill, comme Ginny».

Elle ne répond pas, supplie du regard.

Bill et Fleur sont  incertains, après tout si Victoire veut faire un sport moldu, pourquoi pas, ce n’est pas interdit.

Et Victoire armée de ses baskets sourit, elle le sait, elle  a réussi

Ted s’arrache du manuel, il n’a pas de devoirs mais veut être le meilleur,  entendre dire qu’il est un bon élève : « comme son père » alors il passe son temps à la bibliothèque.

 Mais lorsque Danny Johnson son ami et cousin de Fred lui propose d’aller embêter le calamar, malgré son air d’enfant sage, Ted se fait une joie d’accepter.

 Il adore s’amuser et faire rire les autres par sa maladresse et si les règles sont respectées et que cela ne fait de mal à personne, pourquoi s’en priver ?

Alors trempé, près du lac il se fait la réflexion que finalement à Poudlard, il  ne s’ennuie jamais !

Au début il a écrit.

Enfin non, au début elle a écrit et il a répondu.

Il a répondu longtemps en fait, mais de moins en moins, parfois elle pensait que les lettres se perdaient.

Elle regarde le paquet de lettre,  les trois quarts datent de  début septembre le reste s’échelonne sur 4 mois.

Elle est déçue Victoire, Il ne pense plus à elle, elle croyait qu’ils étaient amis pourtant.

Elle lui en veut parce qu’il avait promis.

Mais elle est fière aussi, même à 9 ans, elle ne quémandera plus de nouvelles, c’est fini !

Elle accompagne ses pensées d’un sourire triste pour qui sait observer et jette les lettres dans la cheminé, le feu nettoiera sa peine.

Au début il a répondu parce qu’elle lui manquait mais c’est vrai, il s’était fait de nouveaux amis, avait de nouvelles occupations  et puis avoir pour meilleure amie une fillette pas encore entrée à Poudlard parfois ça le faisait moyen.

Il a de moins en moins répondu, pas grave, il la connaît, lorsqu’il lui expliquera elle comprendra.

Et puis dans ses réponses elle semblait vivre encore une vie idyllique ; des amis moldus de l’école, son frère le petit clown, sa sœur toute mignonne, sa mère, son père, ses cousins, ses cousines : toute une famille à laquelle Ted n’appartient pas vraiment.

Par écrit tout parait plus beau... Ted est jaloux et boude Victoire, Ted oublie d’être un ami.

 « C’est trop facile de s’excuser ! »

Elle repense à ce qu’elle lui a dit, c’était méchant mais c’était vrai.

Ted est rentré pour les  vacances de Pâques et il s’est excusé pour ne pas avoir répondu à Victoire, pour l’avoir oublié.

Elle n’en veut pas de ses excuses, elle s’est sentie abandonné, et finalement elle a choisi de ne pas l’écouter. Elle ne viendra pas cette fois non plus lui dire au revoir sur les quais.

Tant pis, elle aussi elle s’est faîtes des amis, et c’est encore mieux. Pour eux elle est juste Vicky.

Ils ne bouderont pas longtemps, une  petite semaine mais Victoire n’oubliera pas cette peine.

Ted se sent bien depuis qu’il est à Poudlard, plus que les amis, les blagues la magie de ces lieux il y trouve un monde qui n’appartient qu’à lui.

Souvent il prend ses livres et parchemins et s’installe sous la stèle qui porte le nom de ses parents.

Il a l’impression pendant un moment que les deux petits noms gravés dans le marbre noir sont bien plus que cela.

Il a l’impression qu’ils sont là à veiller sur lui.

Alors Ted inconsciemment,  si il veut que tout soit parfait et exemplaire dans sa vie c’est qu’il voudrait être digne de ces petits noms qui à peine 12 ans après commencent à s’effacer…

« C’est pas possible tu triches, c’est de la magie d’aller aussi vite ! »

Vicky se mord la lèvre, regarde son ami Lucy les sourcils froncés, sa médaille d’athlétisme encore dans la main.

Est-ce qu’elle aurait deviné ? Pourtant la magie n’a rien à voir avec cette course éreintante qu’elle vient de gagner.  Elle panique ne sait plus comment réagir, les mots peinent à sortir.

"Non…je …" balbutie-t-elle.

Mais Lucy rit aux éclats : « C’est une expression tu sais ? Ah Victoire tu me fais trop rire mais quand même j’aimerai bien savoir courir aussi vite que toi ! »

Et le sourire crispé de Victoire s’étire lorsque L'angoisse la quitte.

Ted n’en peux plus, il sait qu’il devrait être patient mais les jérémiades de Victoire le fatiguent.

Elle a une famille elle, alors que la dernière personne qui lui reste doucement fane et faiblit.

Il voudrait savoir, combien de temps reste-t-il à sa famille ?

Bien sûr les Potter et les Wesley l’aiment, James l’adore et Ted le lui rend bien.

Mais ce n’est pas pareil, ils en sont tous conscients.

Alors il en a marre d’écouter Victoire se plaindre sans cesse.

Il en a assez qu’elle se moque des bêtises de  Louis, qu’elle parle mal à ses parents lorsqu’ils sont trop étouffants, il ne veut plus entendre parler de son amie Lucy et de sa peur d’être découverte.

Ted ne supporte plus Victoire-la-ronchon.

C’est dur à 10 ans quand on oublie ton cadeau d’anniversaire, dur de se faire disputer par son papa parce qu’on a osé le réclamer aujourd’hui.

 Pas facile de fêter son anniversaire un jour de deuil pour les  Weasley, dur de n’être qu’une pâle copie de sa mère, brouillonne, moins marrante que Louis, moins mignonne que Dominique.

Petite fille caractérielle qu’on aime parce qu’elle est une Weasley, mais qu’on a parfois du mal à supporter avec ses grands sourires effrontés.

C’est dur pour Victoire de s’apercevoir que malgré ses belles promesses de Mars dernier, Ted l’a encore oublié et qu’il ne lui parle pas préférant jouer avec Fred, dur de se sentir seule et isolée.

Ce matin Andromeda a demandé à Ted d’aider à  vider le grenier, nettoyage de printemps en plein été.

Ce matin il a donc descendu mille et une caisses, en faisant des allers-retours pressés.

Finalement il a trouvé son bonheur dans l’une d’elle.

Au fond, encore brillant malgré le temps repose un petit badge doré.

Un P, P comme préfet, P comme parfait.

Ted est si fier de son père, il devait être tellement sérieux, tellement intelligent, tellement courageux aussi, le loup garou : héro au destin tragique.

Ce P, Ted l’a porté tout l’été espérant recevoir le même un beau jour et pouvoir faire la fierté de sa grand-mère adorée.

Fais-moi plaisir Victoire, s’il te plaît,  sois gentille, habille toi bien, va voir ta mère, c’est son anniversaire. 

-          Je n'ai pas envie de te faire plaisir »

C’est sorti tout seul, rancune de son anniversaire d’il y a deux semaines.

Un gâteau acheté à la superette, pas celui fait avec amour, des bougies soufflées à la va vite dans la cuisine pour aller ensuite à la commémoration annuelle de la bataille de Poudlard.

«  Tu t’appelles Victoire, sois en fière, vous avez bien choisis »

Ce sont les seuls mots qu’on lui adressait, finit, plus d’intérêt la petite.

Elle est juste une relique, comme ce monument aux morts, un « truc joli » pour ne pas oublier.

Elle se sent vide.

Il y a comme un parfum dans l’air, de fête, de Noël, de chocolat chaud et de clémentines.

Ted est impatient de retrouver Victoire et espère qu’ils ne se disputeront pas, ça arrive souvent en ce moment. Il regarde à la fenêtre,  déplore l’absence de neige se souvenant des batailles annuelles ou du concours de luge que Victoire organise  à chaque fois.

Tant pis, ils feront surement un jeu de société au coin du feu, ou joueront au chat-garou givré avec les plus jeunes.

Il sourit en songeant au cadeau qu’il lui offrira, une petite boîte remplie de photos d’eux, au moins une par année.

Et puis il y aura Fred aussi se réjouit-il laissant ses pensées s’envoler.

Ted a toujours été impressionné par Percy. Par l’air sérieux qui se dégage que lui. Souvent il raconte des histoires que personne ne comprend. Il y a des mots techniques, des tournures de phrases qui sont compliqués mais Teddy aime bien. Il trouve que ça le rend grand.

Aujourd’hui pourtant c’est Audrey qui impressionne. Lorsqu’ils sont venus dire il y a quelques temps qu’ils avaient une bonne nouvelle elle était encore toute fluette. Aujourd’hui si elle semble fatiguée et prend plus de place dans le canapé qu'Arthur Weasley. Ses yeux brillent très fort.

Et cette fois, se dit Teddy, c’est drôle de voir que c’est Percy qui est impressionné.

Victoire est pendue aux lèvres de Charlie.

Il raconte sa première mission en Roumanie. Elle ferme les yeux, peut presque sentir l’odeur de roussi, entendre le chant des dragons. Quand vient la description de son premier vol à dos de dragon, elle se dit qu’un jour elle aussi veut partir à l'aventure.

“ Ne va pas lui mettre tes histoires dans la tête Charlie Weasley”. Molly est arrivée, sourcils froncés, mains sur les hanches, un air de mamie sévère. Elle ne tient pas longtemps.  et s’assied à son tour  à côté de Victoire. Ensemble, elles écoutent l’aventurier de la famille les faire voyager.

“Attention ! “
Teddy a crié et retenu Roxanne qui glissait des gradins, attirée par les pop-corn de Fred.
Fred soupire en la voyant rire, inconsciente du danger“ Elle ne fait que des bêtises, maman est folle depuis qu'elle sait marcher”
“Il faut bien qu'elle soit folle de quelqu’un d’autre que moi” plaisante Georges, rattrapant la fugitive.
“Victoire aussi était casse-cou avant “ sourit Teddy.
“Elle l'est toujours. Elle a dû prendre du repousse -os depuis sa dernière expédition avec Ginny en balais”, reprend George, “ tu aurai du voir la tête de mamie Molly quand elle a vue sa princesse dans cet état”.
Ils s’interrompent pour l'arrivée dans le stade de leur poursuiveuse préférée.
Teddy, sourit, “Ah, ces  Weasley, tous des têtes brûlées !”.

Louis est absorbé par les mots de Victoire, par le mouvement de son écharpe, ses yeux écarquillés.
Il oublie que la boule de cristal n’est qu’un ballon dégonflé, les lunettes, appartiennent à Papy Arthur et que les cartes ne sont que des papiers.

Victoire se donne sans compter !
Elle prend une voix tremblante et tient fort la main de Louis.
“ Je vous prédis...Une force de dragon ! et...euh…un grande beauté mais attention…”.
Victoire s'interrompt en voyant Hermione arriver. Oncle Ron lui a raconté la façon dont sa tante  a séché le seul cours de son exemplaire scolarité. Elle chuchote : “ La séance va être perturbée par un esprit fermé.”.
 “La divination, les enfants...qu'elle stupidité... vous n'avez rien d'autre à inventer ?", interrompt Hermione.

Et Louis croira longtemps à la clairvoyance de sa sœur adorée.
 

Ted n’a pas compris.
Lui qui pensait bien la connaître...Victoire a tellement changée depuis Septembre.
« Vicky, appelle moi Vicky s’il-te-plaît Teddy »    
Il a refusé net.

C’est beau comme prénom, c'est significatif.C’est pour son prénom que les parents de Victoire se sont battus, pour son prénom que les parents de Ted sont morts.

Alors il a dit le fond de sa pensée mais ça n’a pas plu.
La colère de Victoire l'a conforté sur une triste constatation.
Ted a grandi, pas Victoire, et leur écart est trop grand pour lui désormais.
Tant pis, cette Vicky égoïste finira bien par comprendre, de toute façon il a raison, non ?

47 Vicky en colère

Victoire est en colère.
Elle n’en revient pas, son Teddy à elle, son ami de toujours ne la soutient pas.
Juste un nom, c’est juste un nom, il pourrait essayer de comprendre.
Mais il ne veut pas et pose des questions, sans en écouter les réponses, la traite comme un bébé capricieux.
« Pourquoi ? Tu devrais en être fière, conduis toi bien, sois  un exemple, sois gentille, pense à tes parents… »
Il a grandi ce jeune Lupin, plus sérieux, plus moralisateur, plus idiot surtout.
Il a grandi et la jeune Vicky pense que ce n’est pas en bien.
Elle lui en veut.

« Tu me déçois Victoire, tu ne réfléchis jamais ». 

Cette phrase elle fait mal, elle blesse Victoire, la rend amère.

Ce n’est pourtant pas ce qu’elle cherchait, en accompagnant son petit frère sur la plage elle a simplement voulu être gentille.

Mais Victoire est étourdie, c’est une enfant insouciante.

Alors inévitablement à force de jouer à chat Louis a glissé sur une dune de sable et tordu la cheville.

C’est un bébé encore pour Fleur, elle a eu peur, en entendant les pleurs de Louis  qu’il ne soit arrivé malheur, Victoire ne l’avait pas prévenue de sa balade improvisée. 

Et pour le malheur d’une relation déjà abîmée les mots de Fleurs ont dépassés sa pensée.