Les Absents by Fleurdepine
Summary:

 

 

La maison dans laquelle il avait souffert, et vécu, aimé, et haï, la maison qui lui avait tout appris et tout pris, était en fait un puzzle vertigineux dont seule une reconstitution houleuse éclaircirait le comportement de ses occupants. 

Dans cette histoire, l’enfance et l’adolescence de Sirius Black sont retracées à travers le prisme de la famille Black, dans une fresque qui s’intéresse à la mère comme au grand-père, aux manigances politiques, aux silences pesants, aux absents qui rodent, à l’envers du décor.

Saurez-vous vous aventurer dans l’obscurité ?

 

(Fiction sur la famille Black mais davantage centrée sur Sirius et Walburga malgré tout)

 

Pour Chouette.

crédit de la peinture : Ted Pim


Categories: Biographies, Enfances, Sirius Black Characters: Famille Black, Sirius Black, Walburga Black
Genres: Angoisse/Suspense, Famille, Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: All about Black
Chapters: 2 Completed: Non Word count: 3771 Read: 2127 Published: 03/06/2016 Updated: 11/09/2016
Story Notes:

 

COUP DE CŒUR DES BLEUES : Que ça fait plaisir de lire des histoires sur des familles qui s'entendent à merveille et pour lesquelles tout se passe pour le mieux !

 

Hey !

Après un long moment d'absence, je vous retrouve avec cette nouvelle histoire qui fera je ne sais pas encore combien de chapitres à vrai dire, centrée sur Sirius (évidemment !), mais plus largement, cette fois, sur la famille Black (même si c'est quand même très focalisé sur Sirius, je préfère prévenir, presque tout sera de son point de vue. Et Walburga, oui, oui, oui, comment m'en passer ?).

J'ai choisi un style totalement différent (à part, peut-être, de Sirius Black et l'armoire verte, justement), puisque cette histoire est plutôt "baroque" on va dire. J'ai essayé de prendre la direction d'un thriller familial, mais je ne suis pas certaine du résultat, car, je vais être honnête, j'écris au jour le jour, mais je fourmille d'idées ! D'ailleurs, j'ai écrit ce chapitre tout à l'heure, presque d'un coup, et je n'ai pas souhaité le reprendre de peur de perdre le ton général (qui est important !).

Ce chapitre est une sorte d'introduction, pour présenter l'ambiance du Manoir. Dedans, Sirius est très jeune, il doit avoir cinq ans. Vous verrez que la suite n'aura aucun rapport, il s'agira surtout de dialogues, du dynasmisme de la famille en elle-même, on ne parlera plus des mystères qui planent ici.

Au-delà de ça, je tiens à vous dire - pour ceux que ça intéresse - que je suis très contente parce que je n'avais plus touché à la fanfiction depuis bien longtemps. C'est une review qui m'a fait replonger dans cet ancien vice. Je l'ai reçue il y a trois jours, et hier, j'ai décidé pour de bon de m'y remettre. Enfin, ce matin, en me réveillant, une multitude d'idées a envahit mon esprit. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas eu un élan d'inspiration aussi fort, je n'ai pu penser à rien d'autre qu'à cette histoire, tout le long de mon stage, je ne faisais qu'écrire des extraits, sans m'arrêter. C'est aussi pour cela que je poste aussi rapidemment, je suis dans une excitation qui m'empêche de prendre mon temps. J'espère que ce sera quand même à un niveau acceptable et que je ne vais pas vous décevoir :)

Les Black sont fascinants. Surtout la famille de Sirius à vrai dire, je suis beaucoup moins friande de ses cousines. Je trouve qu'il y a tant à dire sur eux, mais le plus difficile, dans cette entreprise, est de rester dans la subtilité. J'ai passé ma journée à me renseigner sur leur sujet, et, en faisant certains liens, on arrive à des choses passionnantes. J'espère pouvoir les conter, j'espère avoir le talent suffisant pour exprimer mes idées.

Enfin, je tenais à remercier grandement Chouette, l'auteure de la fameuse review qui m'a donné envie de poster ici à nouveau. C'est pour ces raisons que, tout naturellement, je lui dédie cette histoire, en espérant très sincérement qu'elle va lui plaire.

Et bien, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture !

1. Le silence by Fleurdepine

2. 1962 by Fleurdepine

Le silence by Fleurdepine

Sirius entend l'agitation du dessous. C'est rare, le manoir est souvent silencieux, un silence vertigineux qui pèse jusque dans sa chambre. Par moment, il s'efforce de ne pas s'agiter, lui non plus, pour respecter la logique des lieux (des Dieux ?). Il redoute de briser le silence.

Il entend des cris, parfois, il ne sait pas d'où ils viennent.

Il entend, au fond de lui, une voix pleine de révolte qui l'incite à tout taire et tout cacher. Un lourd secret enveloppe le manoir, c'est pour cela qu'ils sont si discrets. Il l'a compris tout seul.

Il entend rarement son père qui marche, pour passer de la chambre au bureau, sans jamais dévier ; quant à sa mère... grand mystère.

Puis, des gens se confinent au rez-de-chaussée - il n'est pas invité - Sirius descend, et il entend, à nouveau, des mots ici et là, jusqu'au moment où l'elfe le trouve. Ce sont simplement des bribes de conversation qui indiquent que la situation est grave, ils parlent de mort et de pouvoir, de crâne et d'argent, d'enfants et de mouchoirs. Il ne comprend pas tout, les mots ne sont pas destinés à ses oreilles, peut-être même qu'il les interprète mal, que ce sont d'autres mots qui sont prononcés et qu'il les transforme en ceux, plus familiers, qu'il connaît. L’elfe fait cesser toute recherche de vérité.

Il entend sa mère lorsqu'elle s'adresse dans le vide. Il entend ses supplices et ses plaintes. Il s'efforce de les étouffer en agissant correctement, mais ce n'est jamais suffisant. Alors les plaintes reprennent, lui, les entend.


Sirius sent. Il y a des odeurs qui sont plus glaçantes que les autres. Il ne sait pas d'où elles viennent, ce qu'elles signifient, ni si elles lui sont destinées, s'il est le seul à les distinguer ; personne n'en parle.

Il sent l'odeur de sa mère lorsqu'il la croise, parfois, il se love contre son corps, et alors le parfum de sa poitrine suffit à chasser l'autre, effrayante.

Il sent l'adrénaline chaque fois qu'il s'aventure dans les différents couloirs, il ne devrait pas être là mais sa curiosité s'en moque.

Il sent que quelque chose ne tourne pas rond, ici, mais c'est son foyer, alors il déambule pour oublier. Il s'enfuit chez Regulus et, son rôle l'exige, il prétend.

Sirius voit...

Il croit voir. Ce n'est jamais la réalité. Ce sont des rêves, des cauchemars, parfois, une tête difforme qui se penche sur lui, il était sur le point de s'endormir. Il voudrait hurler mais c'est l'elfe de maison, cela ne justifie pas de cris. Il lui ordonne de partir. L'elfe dit qu'il doit vérifier que tout est en ordre. Sirius le laisse agir. Il ne le regarde même plus. L'elfe est bizarre, il l'a toujours été.

Il croit voir sa mère. Il ne sait plus si c'était elle, à l'époque, il y a fort longtemps. Elle lui avait souri. C'était cette image, bien ancrée dans son esprit, qui aujourd'hui l'incite à l'espérer près de lui.


Il croise l'armoire du deuxième étage, lors de ses déambulations quotidiennes. Il l'évite car l'armoire est vivante, il le sait, elle n'a pas de bonnes intentions. Il se demande, quelle est cette porte, à côté de l'armoire, que renferme-t-elle, pourquoi n'y est-il jamais entré. D’ailleurs, pourquoi n'est-il jamais entré dans certaines chambres ? Ce Manoir qui est le sien et qu'il connaît si mal... Ses propres frustrations, il y a la mère d'abord.

Il angoisse d'être là mais c'est son animation journalière d’explorer l'appartement, alors il y retourne, malgré lui. Bien sûr, le deuxième étage, il veut toujours l'éviter. Ce n'est pas chose aisée quand il faut se divertir.

Il voit si distinctement cette porte qui semble lui parler. Viens, lui dit-elle, entre. Il avance. Vers cette chambre que rien ne trahit. C’est d’elle que vient le bruit, ou de l’armoire.

Sa mère est derrière lui.

— N'ouvre pas cette porte, je le dis pour ton bien.

Elle le prévient, sèchement.


Il retourne toujours bouleversé de ses expériences du deuxième. Un frisson lui parcourt l'échine quand il y repense, qu’y a-t-il, cette chambre l'appelle aussi vivement qu'elle le repousse. Même dans ses rêves, elle impose sa présence. La porte s'ouvre, il se dirige à l'intérieur, et c'est toujours un vide démesuré qui le réveille.  
Il sait qu'un jour il ira. Il est obligé. Mais pas maintenant, lui souffle sa conscience, et elle a certainement raison.

Un jour, il ouvrira la porte et il découvrira la vérité. Même si c'est pour son mal, comme le dit sa mère. Sans même la connaitre, il la déteste déjà.



Sirius entend, sent, voit, ou du moins croit entendre, sentir, voir cette maison. Chaque pièce est un puzzle qu’il faut identifier pour soulager sa conscience. Quel grand secret renferme l’ensemble ?

Car il y a un secret. C’est ce que veut dire le silence.

Et puis… Il y a des fantômes aussi. Il en est persuadé. Il a vu, ou cru voir, une moitié de femme, un jour, au fond du premier étage. Elle ne portait qu'un foulard pour se protéger, ses seins étaient très légèrement dévoilés, et elle est partie.

Il a voulu en faire part à ses parents. Finalement, il a pensé que c'était tabou, comme tout le reste ; le silence du Manoir, ses chambres interdites, ses odeurs inconnues...

Il grandira et il saura. C'est ce qu'il se dit.


Cela n'y change rien, dans le fond, qu'on le prenne pour un fou ou non, il sait qu'il y a un fantôme qui se ballade dans le manoir, peut-être même plusieurs, et que ce sont eux qui font la loi ici, qui imposent le silence. 

End Notes:

N'hésitez pas à me donner votre avis, n'ayez pas peur, je ne mords pas (ou à peine :mg:)

1962 by Fleurdepine
Author's Notes:

Bonsoir ! Je suis désolée pour la si longue attente ;__; J'avais énormément d'idées mais le stage et la vie personnelle m'ont détourné momentanément de ce projet alors que j'avais déjà rédigé la moitié de ce chapitre le lendemain de la publication du prologue... Je reviens donc avec un texte centré sur l'année 1962. On y parle politique, ainsi que les mystérieux éléments de la maison (bien sur!). J'espère que le passage sur Walburga vous paraîtra clair, je l'ai rédigé seulement aujourd'hui pour me dépêcher de poster à l'instant ! Mais je crois que c'est un peu bâclé. Les histoires concernant les Tuft et Nobby Leach sont directement inspirées de Pottermore. Je suis super contente car ça faisait longtemps que j'avais envie d'écrire sur les Ministres de la magie, ils sont tous si fascinants, et cette longue fic m'en donne enfin l'occasion donc c'est génial :D

Sinon, un grand merci pour vos reviews trop mignonneees de la dernière fois ! J'espère que le chapitre vous plaira, et surtout à toi, Chouette.
Bonne lecture ! 

Du plus loin qu'il s'en souvienne, Sirius avait toujours eu peur des ténèbres. Mais ici, dans ce lieu maudit, il avait fallu s'adapter. C'était l'été 1962, il avait trois ans, bientôt quatre. Sa mère, décidée à lui accorder quelque attention inaccoutumée pour parfaire son éducation, avait prévu la visite d'une pièce longtemps gardée secrète. Une parmi tant. Aussi, une excitation furieuse l'avait empêché de dormir la veille et ni l'elfe ni le silence pesant des couloirs n'avaient pu éteindre son enthousiasme. 

C'était sa préférée, elle disait, la pièce aux mille ressources. Tu commences à grandir, elle disait, il faut que tu voies, de tes propres yeux, il faut que tu te formes, il faut que tu imprimes chaque code, chaque détail pour, un jour, devenir le meilleur - la place qui te revient - elle disait ! 

Lui voulait être le meilleur pour lui faire plaisir. À l’époque, il n'était qu'un marmot aveuglé par un amour étourdissant et déchirant.

Au petit matin, sa hâte était de plus en plus vive. Il allait découvrir une chambre inconnue de lui, dans sa propre maison. Il partait à l’aventure et surtout, surtout, elle l'accompagnait. 

C'était une pièce située au troisième étage, pas aussi effrayante que l'autre, d’où les murmures se faisaient entendre, mais, tout de même, pas des plus accueillantes. 

Walburga avait ouvert la porte. 

Une odeur dangereuse s'était échappée de ce noir obscur. Il fallait fuir, avec elle, loin d'elle. Tous ses instincts le lui indiquaient, et il s'était mis à trébucher.

— Maman, je ne veux pas y aller.
— Tu as peur ? Il ne faut pas. Jamais je ne veux entendre une once de crainte dans ta voix. Ce sont les faibles qui ont peur, les ignorants, les insignifiants, pas toi. Toi, tu es Sirius Black. Tu n'as pas le droit d'avoir peur, tu entends ? Prends ton courage à deux mains et affronte l'obscurité. Elle est, je te le confie, ta meilleure alliée. 

La voix de la mère avait quelque chose de tendre. 

Il avait pris son courage à deux mains pour affronter l'obscurité. D'abord, les yeux clos, il s'était avancé dans l'antre de la chambre. Quand il les rouvrit, sa mère avait allumé une faible lumière à chaque renfoncement. Tout paraissait plus clair, et pourtant, Sirius reconnut l'obscurité. 

Il n'y avait pas de doute là-dessus, c'était Elle, lascive, qui le narguait avec supériorité. Celle qui pesait sur toute la maison, qui le hantait des nuits durant, elle était si présente là, comme jamais. 
Véritable sépulcre d'où il s'attendait voir surgir des Inferis par milliers. 

— C'est fascinant. Regarde. 

Et il regarda. Il regarda la douceur et la passion avec laquelle sa mère touchait chaque tissu de magie noire, étendus sur les murs, étalés sur les sols, des objets difformes, pointus à l'aura maléfique, des tableaux et des livres, des visages qui hurlaient, des accessoires de torture, certainement, dont il ignorait jusqu'à l'existence. Sa mère leur souriait tendrement, à tous ces visages disproportionnés, ces objets sans âme qui paraissaient humains à ses yeux. Ce n'était pas folie ni exagération de sa part, simplement de l'amour. 

Sa mère savait aimer. 

L'obscurité remportait les faveurs de la mère.

La scène était presque attendrissante. Le rapport affectif entre sa mère et la pièce l’émut, malgré l’obscurité, malgré la peur, malgré la jalousie. À quatre ans à peine, il disposait déjà d’une grande sensibilité lui permettant de saisir les sentiments avec beaucoup de justesse.
Il aurait voulu être cette pièce, pour recevoir la même affection.

Sa mère se mit à avancer avec des mouvements de plus en plus étranges. Elle se mouvait dans la salle, c’était comme une danse. 

La danse de Walburga dans les Ténèbres avait de quoi repousser. Pleine de sensualité décalée, de tendresse déplacée, d'une attention perverse et malsaine envers un décor horrifiant. 

Elle les connaissait, les merveilles de son monde de Ténèbres, mais c'était comme si elle les découvrait. Et, comme un apprivoisement mutuel, les deux corps se parlaient. Walburga et l'Obscurité. 

Il y avait un échange d'une autre dimension sous ses yeux. Lui, était fasciné.

Tout en étant attendrissant, le spectacle dérangeait, il fallait bien l'avouer. 

Fallait-il être attiré par les ténèbres ?

Si sa mère les aimait, alors...

— Approche, demanda-t-elle.

La présence de Sirius ne semblait pas la contrarier, au contraire. Et pourtant, lui, pour une fois, se sentait étranger. Malvenu, dans cette intimité, entre la mère et l'Obscurité.


C'était, effectivement, un moment d’intimité ; Walburga ouvrait un peu de son âme à son Premier, elle lui offrait un droit de passage dans les profondes abimes de son sanctuaire secret. Certes, étrange, sa façon d’exprimer son amour, mais précieuse : Mère et Fils partageaient. Ils partageaient plus qu’ils ne l’avaient jamais fait, ni à la naissance, ni à l’allaitement - ceux-là avaient causé tant d’écœurement à Walburga. Evidemment, Sirius ne comprenait pas toutes les subtilités de ce geste. Il comprenait la joie et l’émotion de sa mère, la solennité du moment, mais ne se doutait point la force de la déclaration, ni ne réalisait les sacrifices exigés pour se fondre dans l’obscurité - le prix à payer pour être digne de cet amour. 
Il ne pensait qu’à combler ses attentes pour être certain de lui plaire. 

Alors il s'approcha et s'abandonna dans l'antre des ténèbres. Il laissa tomber la petite parcelle de lumière en lui pour s'investir entièrement, pour ressentir tout à fait les effets de la pièce en lui. C'était comme une renaissance, il ingurgitait ce qui l'avait longtemps effrayé. 
Il se pavanait dans l'obscurité. 

Et c'est en s'y plongeant parfaitement qu'il put ressentir. Les voix s'adressaient à lui, il décida de les surmonter. Bien que menaçantes, il se sentit désormais protégé. Les voix l’accueillaient.


— Est-ce que tu as peur ? Il ne faut pas.

Il n’avait pas peur. Sa mère était là, pleine d’amour, et le sentiment d’intrusion avait disparu.

Il ne s'était jamais senti aussi proche de Walburga. Si des frissons lui parcouraient le corps le temps long que durait l’expérience, il était, en même temps, heureux. Il avait le sentiment certain d'un partage exclusif, que personne d'autre ne comprendrait, d'un secret doucement soufflé à l'oreille, d'une marque folle de confiance absolue.


Ainsi, il s'était embarqué dans les ténèbres. Il y avait le risque, cette fois, de ne jamais en sortir. 


Pour l'amour de sa mère, il était prêt à ignorer cette crainte profonde, bien qu'elle le tiraillait, bien qu'elle fut assourdissante, tout sacrifice était admis pour elle.



Maman.


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— Un Sang-de-bourbe, je ne peux pas y croire !
— C’est tout bonnement scandaleux.
— Inadmissible !
— Bien sûr, il y avait des rumeurs depuis quelques semaines, mais je n’aurais jamais pensé qu’ils oseraient… Ce n’était pas du tout envisageable… 
— On nous outrage ! On nous violente ! On nous martyrise !
— Nous dérangeons. Tout cela a été comploté dans le plus grand des secrets afin que nous ne puissions réagir. Erstley était le grand favori. Il avait tout pour plaire, n’est-ce pas ? Renommée, fortune et bonnes relations avec notre caste. C’était le candidat idéal. Ils ont compris le danger qui menaçaient leurs idées « progressistes » et dangereuses si Erstley passait ; ils se sont tous mobilisés pour lui faire barrage, pour nous faire barrage ! Quelque chose clochait hier encore, lorsque j’ai croisé Stanley dans les couloirs du cinquième. Il paraissait beaucoup trop à l’aise. Ils ont manigancé de façon tout à fait déloyale depuis des semaines pour que Leach - parmi tous. Un sang de bourbe ! - soit nommé. Le Magenmagot est désormais corrompu par ces Sangs mêlés bien pensants, ces nouveaux riches qui nous envahissent ! C’est tellement bien réfléchi de leur part d’avoir mis Leach en avant comme un brave petit soldat... Un Sang de bourbe. Le coup est douloureux. Nous aurions dû l’anticiper, pourtant, nous aurions dû l’empêcher ! Mais n’ayez crainte, mes amis. Nous ne nous laisserons pas faire. Jamais ils ne s’en sortiront ainsi. S’ils croient nous avoir neutralisé, ils se trompent méchamment ! On ne taira pas les Sangs-pur de manière aussi triviale.
— C’est une honte. Un scandale. C’est… c’est…
— Ils vont nous entendre. J’ai porté ma démission. Sans nous, ils couleront. Nous leur fournissons la moitié des caisses publiques et finançons le tiers de l’activité économique en Grande-Bretagne. Notre influence est immense dans le monde entier. Sans notre soutien, ils ne tiendront pas longtemps.
— Et vous, vous dites que c’est Stanley qui est derrière tout ça ?
— Certainement pas que lui. Il faut voir l’entourage, les petites mains, les Fudge, les Spencer-Moon, qui ont un réseau entier derrière eux.
— Ils sont aussi certainement derrière la démission de Tuft.
— Nous ne pouvons pas le prouver. Tuft a été très mauvais communicant….
— Mes amis, était arrivée une voix plus chaleureuse. Cessons de tergiverser. Vous savez bien ce qu’il nous reste à faire désormais. La guerre est déclarée et nous ne pouvons rester inactifs.
— Qu’est-ce que vous proposez ?
— C’est simple. Montons un groupe de résistance. 
— Un groupe de résistance ? Nous ne sommes pas des Bolcheviks !
— Vous comprenez ce que je veux dire. Réunissons nos alliés et faisons subir la misère à cette bande de scélérats ingrats. Ne leur accordons plus aucun répit. Agissons dans la discrétion mais sachons viser leurs faiblesses. Dans deux mois, Leach sera contraint de démissionner. Et eux se prosterneront à nos pieds, comme ils l’ont toujours fait. 
— Comment envisagez-vous cela ?
— Leach n’est pas quelqu’un d’intelligent. Ce n’est qu’un pantin qui se fait manipuler par les autres fonctionnaires, les Fudge et les Croupton. On pourrait très bien infiltrer son bureau en faisant mine de le soutenir. Démissionner ne me paraît pas être une bonne idée. Nous nous en débarrasserons beaucoup plus facilement de l’intérieur.
— Je suis d’accord pour le groupe de résistance. Mais je pense que nous devrions apporter nos démissions. Il faut afficher la couleur.
— Nous en reparlerons. Car je trouve plus subtil de ne pas afficher la couleur, au contraire.
— Pourquoi donc ? Tout le monde sait que nous sommes verts !
(...)



Lorsque Sirius avait trois ans, il ne s’intéressait pas à la politique, aussi n’avait-il pas compris que sous ses yeux naissait un groupe de résistance qui aurait une importance capitale dans la suite des événements, de l’Histoire. 
Et Walburga Black jouerait un rôle décisif. 


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Toute la soirée, Walburga afficha une triste mine. Il lui fallut repenser l’histoire de fond en comble. Elle n’était peut-être qu’une femme, et la société des Sangs-purs encore peu encline à leur laisser la parole, mais elle avait malgré tout été derrière les meilleures stratégies politiques et représentait un socle bien solide au milieu des siens. Sa réputation s’était construite grâce à sa détermination, sa cruauté et son intelligence. On la voyait comme une alliée redoutable. Une femme de l’ombre et de pouvoir en même temps. Orion, lui, médiocre comme les autres, obéissait aux ordres. 
Elle réfléchit longtemps au problème. 
Personne ne comprenait la situation correctement. 

Jamais, en deux mois, ils ne réussiraient à renverser cette crapule de Leach. Il s’était assuré d’un soutien infaillible… Et les Sangs-purs avaient fauté, il fallait le reconnaître. L’échec d’Ignatius Tuft était directement lié à leur caste : c’était leur échec. On ne les écouterait plus pendant un certain temps, ils seraient mis de côté, l’ordre s’étant momentanément renversé (les faibles au-dessus, il fallait le voir pour y croire !). Tout cela parce qu’ils avaient soutenu cet incompétent de Tuft, porte-parole de leurs revendications. Son nom était désormais associé pour toujours aux leurs. Il avait été si mauvais dans la gestion des affaires - c’était humiliant d’y songer. Le début de son mandat avait pourtant été prometteur. L’adresse fut d’exploiter la popularité de sa mère, Wilhelmina Tuft, pour remporter les élections. En effet, Wilhelmina était considérée comme l’une des ministres de la magie les plus appréciées de l’histoire. Sorcière joyeuse et sympathique, le public l’avait tout de suite adoptée. Onze années de règne imbécile… Cette stupide femme avait finalement péri de façon tout aussi stupide qu’elle ; une allergie au caramel à l’Alihotsy ! Quelle ironie quand on y réfléchissait : une ministre connue pour sa bonne humeur expirant à cause d’un ingrédient essentiel à la potion d’Hilarité. Quel coup du sort ! Mais quelle chance pour les Sangs-purs. Eux, qui avaient déjà mis la main sur son fils, avaient vu là l’occasion de reprendre le contrôle des affaires. Leur plan avait été parfaitement manigancé. Walburga ne s’était toutefois pas doutée que le fils avait hérité de l’idiotie de la mère. Tout lui avait pourtant été offert sur un plateau d’argent, à ce marmot. Justement, ce marmot avait acquis une confiance excessive ; c’était le risque lorsque l’on héritait du pouvoir, de la popularité de la mère, du soutien, de l’argent des Sangs-purs. 
Une fois Ignatus converti à leur cause, les Sangs-purs avaient cru le devoir terminé. Et cet idiot avait fait les pires choix dans l’indifférence la plus totale. Comment pouvait-on se jeter directement sur un sujet aussi sensible que celui des Détraqueurs ? Oh, elle avait soutenu l’idée. Ce n’était pas là la question. Un programme de reproduction de Détraqueurs était l’une des entreprises les plus excitantes et intéressantes qu’elle eut entendu jusque là — elle avait toujours cultivé une fascination morbide pour ces créatures. Mais elle reconnaissait la bêtise d’une proposition aussi rapide et controversée, aussi ouvertement affichée… Il aurait fallu d’abord expérimenter en secret. Comment eux, comment elle, comment tous, avaient pu laisser passer cette faute sans comprendre l’échec cuisant qui arrivait ?
Au bout de trois ans à peine, Tuft avait été contraint de démissionner. Et ceux qui l’avaient soutenu étaient tombés avec lui. On ne leur faisait plus confiance. Ils étaient à l’origine de Tuft, ils perdaient avec lui.

En outre, jamais Leach ne se laisserait berner par un retournement de leur position. Des Sangs-purs qui soutiennent un Né-moldu ? La supercherie était courue d’avance ; elle serait infructueuse. Non. Ils étaient fichus. Cela prendrait des années pour mener Leach à la moindre faute, parce qu’ils s’étaient préparés, dans l’autre camp, pendant les trois années de règne pitoyable d’Ignatius Tuft. Agir de l’intérieur était vain. Il fallait, au contraire, afficher son opposition, faire intervenir les grandes forces étrangères, les grands pouvoirs du pays, la presse aussi. 
Il fallait faire du bruit autour de Leach. Car il était trop éclairé pour se faire embobiner par une manipulation interne.

Cette affaire était complexe. Différentes équations se mélangeaient dans la tête de Walburga, elle peinait à y voir une solution précise. Était-ce donc ce monde qu’elle allait laisser à ses enfants ? Un monde régi par les faibles, par les traîtres, par les sangs-de-bourbe ? Prise d’une rage folle, elle abandonna sa réflexion et se jeta sur sa bouteille de Xérès favorite. 

Elle buvait pour imiter son père. Elle buvait parce qu’elle était l’homme de la situation. Elle buvait pour retrouver l’apaisement lié à la satisfaction d’une réussite. Or tout était échec. Il fallait donc boire.

Quelques minutes — quelques heures plus tard — le temps qu’il fallait pour rédiger ses derniers comptes-rendus, Orion entra dans la cuisine. Que faisait-il ? Walburga ne le savait pas. Qu’y avait-il de plus important que de comploter contre Nobby Leach ? Son mari était quelqu’un d’estimable, mais elle ne le comprenait pas. C’était comme s’il vivait sur une étoile et n’avait aucune conscience de la réalité. Il aurait pu laisser son monde s’écrouler sans réagir, sans même s’en rendre compte. 
Au moins, il avait le mérite de gagner de l’argent, assurant aux Black leur dignité dans la société. 
C’était déjà ça. Et Walburga pouvait se contenter de ça. 

— Ne restez pas là, ainsi. L’alcool ne vous convient pas.
— Celui-ci me convient. 
— Est-ce la nomination de Leach qui vous heurte à ce point ?
— Évidemment. 
— Vous trouverez une solution, ma chère. Comme toujours.

Cette simple assertion lui donna du courage. Elle sourit d’un air mauvais et ravi à la fois. Son mari lui faisait confiance. C’était la raison pour laquelle elle l’appréciait. 

Elle se tourna pleinement vers lui et murmura :

— Je sais.

Puis elle avança jusqu’à se trouver complètement face à son mari, les yeux dans les yeux. Il n’était pas impressionnant, pas très entreprenant, mais il était suffisant. Il savait la porter loin, surtout, et c’était tout ce qu’elle demandait. Un soutien, un détonateur. 

— Merci, mon cher.

Elle se pencha pour l’embrasser chastement sur les lèvres.


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Sirius retourna sur la pointe des pieds au troisième étage. C’était la nuit, il n’avait plus peur de l’obscurité depuis qu’il l’avait apprivoisée lui aussi. Du moins, il faisait mine de ne plus la craindre. 

Une curiosité soudaine l’avait poussé à retrouver la pièce aux mille ressources. Ce soir. Sans fautes.
L’adrénaline montait. L’interdit de la situation le mettait dans un état de transe exquise. 

S’il aimait la pièce autant que sa mère, alors peut-être l’aimerait-elle autant que lui. Il avait sacralisé le lieu puisqu'il devenait source d'un amour maternel tant recherché.  

Lorsqu’il atteint le troisième étage, difficilement puisqu’il n’y voyait rien, il commença à regretter sa démarche. Mais la volonté était plus forte. Alors il serra les dents et s’engouffra dans la pénombre du couloir.

Il avait déjà fait une dizaine de pas lorsqu’un immense spectre s’approcha de lui, l’air menaçant.

Il était tellement tétanisé qu’il n’osa courir. Qu’il ne put courir. 

Le spectre s’approchait. Une femme, jeune, les cheveux longs, à moitié dénudée. Il l’avait déjà vue, une fois. Malheureusement, aucun cri ne sortit de sa bouche.

Ne sachant plus marcher, il s’écroula par terre. 

Et ce fut le trou noir. 

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