Mon père Rusard by Drachvador
Summary:

À Poudlard, à l'époque des Maraudeurs, il n'y avait pas que les Maraudeurs. Il y avait aussi Archie, le fils de Rusard. Et il aurait franchement préféré être ailleurs...

Faut-il préciser pourquoi ?

 

 


Categories: Durant Poudlard Characters: Argus Rusard, Les Maraudeurs, Personnage original (OC)
Genres: Comédie/Humour
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Aucun
Chapters: 10 Completed: Oui Word count: 17064 Read: 4637 Published: 25/01/2018 Updated: 08/03/2018
Story Notes:

L'univers et l'ensemble des personnages appartiennent bien sûr à JK Rowling, excepté Archie !

1. Chapitre 1 - Le cauchemar Poudlard by Drachvador

2. Chapitre 2 - Amélie by Drachvador

3. Chapitre 3 - Halloween by Drachvador

4. Chapitre 4 - Frites et salade by Drachvador

5. Chapitre 5 : Petites horreurs by Drachvador

6. Chapitre 6 - Un certain Gregory by Drachvador

7. Chapitre 7 - Le Rohan furieux by Drachvador

8. Chapitre 8 - Ou comment faire des heures supp by Drachvador

9. Chapitre 9 - La passion des shortbreads by Drachvador

10. Chapitre 10 - 9 3/4 by Drachvador

Chapitre 1 - Le cauchemar Poudlard by Drachvador
Author's Notes:

L'univers et les personnages appartiennent bien sûr à J. K. Rowling.

Bonne lecture !

 

Tout le monde croit que Poudlard est le meilleur endroit au monde. Qu'il est impossible de ne pas y être heureux. C'est faux. Il suffit d'une variable pour que tout bascule, pour que le rêve se transforme en cauchemar, pour que la perspective de faire les mêmes choses chaque jour pendant sept ans soit un calvaire au lieu d'un enchantement toujours recommencé. Par exemple, pour gâcher tout ça, il suffit d'être le fils de Rusard

Je vois que vous n'aviez pas envisagé cette possibilité. Cela dit, moi non plus, je ne l'envisageais pas en venant au monde. Mais maintenant, je suis là. Alors autant me présenter.

Archibald, enchanté. Archie pour faire court. J'ai 14 ans. Ça fait 10 ans que je ne suis pas sorti de Poudlard. Poudlard est ma prison.

Description type issue de mes fiches de suivi à l'infirmerie : je fais 1,60 m mais je ne connais pas mon poids parce qu'ici nous n'avons pas de balance. J'ai des cheveux tout fins et plats comme ceux de Rusard père mais les miens sont noirs et me tombent sur les yeux. Un physique quelconque qui devrait me faire passer inaperçu...

Attention spoiler : c'est raté.

Je suis entré en quatrième année il y a une semaine tout juste. Le scénario d'arrivée à Poudlard est toujours le même. Je me rends dans la Grande Salle en avance. J'aime bien l'agitation qui y règne, une fébrilité comme Poudlard n'en connaît qu'une fois par an, le premier septembre. Les elfes de maison sont présents en masse. C'est le dernier moment avant la fin officielle des vacances où je peux les voir se déplacer au grand jour. Ils vérifient que tout est fin prêt. Les professeurs, dont certains sont un peu nerveux, s'installent déjà à leur table et c'est tout drôle de les voir discuter à propos de qui s'installe à côté de qui, exactement comme les collégiens qui vont bientôt envahir la salle. Le professeur Dumbledore est là lui aussi, vêtu de son plus beau sourire et d'une robe neuve (pas en lin blanc). Le premier septembre, il est toujours heureux comme jamais. Dans un coin et dans une toute autre humeur, Rusard fait les cent pas en grommelant.

Il y a aussi moi, à la table des Gryffondors (parce que, oui, je suis un Gryffondor, malgré mon incompréhension persistante devant ce fait et mes multiples demandes au Choixpeau de reconsidérer la question). C'est toujours une surprise pour les premiers élèves qui pénètrent dans la salle de me voir déjà installé. Ils commencent par s'exclamer "Mais qu'est-ce qu'il fait déjà là celui-là ?!" Puis ils se rappellent de mon existence : "Ah oui, c'est lui..." Après quoi le brouhaha s'installe, tous les élèves sont heureux de se retrouver. Moi, personne n'est content de me retrouver. Bon, pas grave, au début de l'année voir la moyenne d'âge des résidents de Poudlard chuter brutalement suffit à mon bonheur. Évidemment, après un moment, j'ai plutôt envie qu'ils repartent tous chez eux, comme aujourd'hui. On est le huit septembre et j'en viens à regretter les vacances.

Aujourd'hui me semble être un exemple parfait pour illustrer l'argument suivant : Poudlard est un enfer.

D'ailleurs, si j'étais envoyé à Azkaban – ce qui en soi constituerait un changement salutaire – je suis certain que les Détraqueurs ne pourraient pas me faire beaucoup plus de mal.

Je suis en ce moment même occupé à faire voler un coussin. Pour ce deuxième cours, le Professeur Flitwick a décidé de vérifier que nous n'avons pas oublié les bases des travaux pratiques. Ce n'est pas brillant, en fait : les élèves n'ont pas pratiqué de l'été, ce qui fait qu'ils ont à peu près oublié comment tenir leur baguette. C'est un autre de mes privilèges, ça. J'ai tout l'été pour m'entraîner puisque, à mon grand regret, je ne quitte pas le château. Si je pouvais en sortir, j'accepterais volontiers de ne plus jamais lancer de sort. Je suis sûr que c'est possible de vivre sans. Il n'y a qu'à savoir manipuler la serpillière,comme ce cher Rusard. En tout cas, j'ai utilisé les vacances d'été pour préparer à peu près tout le programme de cette année. C'est la seule chose à faire pour survivre à un quasi tête-à-tête avec Rusard pendant que même le Professeur McGonagall se met en maillot de bain sur les plages d'Écosse.

Pouf. Je recule, sonné, et mon cousin tombe par terre. Quelqu'un m'a envoyé son coussin en pleine figure.

- C'est à qui ? je demande.

Personne ne me répond. Je suis peut-être atteint d'éclabouille et on n'a jamais pris la peine de m'en informer. Ça expliquerait beaucoup de brises marines et autres vents. Bon, ne soyons pas trop pessimistes. Il y a tellement de bruit dans la salle qu'il est possible que personne ne m'ait entendu. Et puisque, grâce à la générosité d'un inconnu, j'ai deux coussins…

- Wingardium Leviosa !

Les coussins empilés l'un sur l'autre s'élèvent en douceur et je m'amuse un moment les déplacer à travers la salle, évitant pour ma part les têtes des élèves. Je dis "m'amuser", mais bon, on ne va pas se mentir. C'est d'un ennui mortel, surtout que les coussins des autres idiots ne font que se tortiller sur le sol. Enfin (alors que je rêve mélancoliquement de me coucher sur le parquet, histoire d'utiliser pour une fois ces coussins à bon escient – en tant qu'oreillers), le cours touche à sa fin et le troupeau se déplace jusqu'au cours suivant. J'essaie au maximum de fermer mes oreilles mais parfois des bribes me parviennent :

- Faites gaffe, voilà Rusard !

- Lequel ?

- Junior !

- Merlin, sauve-nous !

 

Il y a quelque chose que je voudrais mettre au clair : on se fait souvent une image romantique du solitaire. Un jeune homme brillant, incompris les autres, qui passe son temps dans les livres… Théoriquement il y aurait de quoi séduire, ou au moins apitoyer pas mal de filles, d'après ma maigre expérience de la psychologie féminine (tirée des livres. Haha.). En fait, une image romantique telle que celle-ci est très difficile à maintenir, précisément à cause de la solitude. Exemple : vous mangez avec vos amis, tout d'un coup vous rotez. Petit dégoûtant ! Tout le monde s'esclaffe et ceux qui ne sont pas de votre groupe d'amis n'y trouvent rien à redire, parce que vos amis vous ont légitimé en riant. Mais si vous mangez seul et que vous rotez, les gens autour de vous trouveront ça dégoûtant. C'est automatique. Alors, si vous êtes toujours seul, vous aurez beau faire, il y aura bien un jour où vos cheveux seront gras ou bien un jour où vous laisserez échapper votre fourchette. Pas séduisant du tout. Les gens feront le lien avec votre solitude. Ils ne vous pardonneront pas, au contraire : ce sera pour eux une autre raison de vous garder à distance.

Pour autant, soyons clairs une deuxième fois : je n'ai pas dit que j'avais roté.

Et après ça ? Je rentre dans la salle et je m'assois (seul) au premier rang. Je ris (seul) aux blagues des professeurs et je baille (seul) devant les pages du manuel de Défense contre les forces du mal. Puis je vais déjeuner (seul) dans la Grande Salle qui a perdu tout son charme du premier septembre. J'assiste (seul) aux cours de l'après-midi. Je fais équipe (seul) pour m'occuper des Botrucs au cours du Professeur Brûlopot. Je dîne, je fais mes devoirs, je vais me coucher... Seul. Comme chaque année je me fustige d'avoir cru que l'arrivée des élèves y changerait quelque chose. Je suis seul. Complètement seul.
"Menteur", fait une petite voix jaillie de ma tête.

- Pardon, Amélie. Mais toi et moi savons que si ma meilleure amie est une sœur jumelle qui n'apparaît que dans ma tête, il y a un léger problème.

- Il y a aussi Nick, fait ma soeur.

Nous allons nous promener dans les couloirs déserts à la lumière de la lune, moi plus si seul. Je sais choisir mes itinéraires de façon à ne pas croiser Rusard. C'est la seule compagnie dont je n'ai pas envie, et le croiser maintenant ne nous amènerait qu'à nous fixer un autre rendez-vous (comprendre une retenue). Justement, nous nous approchons du fantôme de la tour de Gryffondor.

- Salut, Nick !

Le fantôme passe près de nous sans nous voir, ce qui est peut-être compréhensible pour Amélie mais qui dans mon cas ne se justifie pas.

- Tu vois, Amélie, dis-je doucement de manière à ce que personne d'autre ne nous entende. Nick est très gentil, mais comme ami il a une hamartia. Il est à, quoi ? Un centimètre de l'au-delà.

 

End Notes:

J'espère que ce début vous plaît, je posterai la suite ce week-end :)

Chapitre 2 - Amélie by Drachvador
Author's Notes:

Bonne lecture !

 

Je n'ai pas toujours vécu à Poudlard. Quand j'avais quatre ans, une calèche tirée par des Sombrals a franchi les grilles du château. Apparemment, ma mère venait de mourir et c'est pour cela qu'on m'avait amené à Rusard. Cependant... Je ne me rappelle rien de vie d'avant. Je n'ai aucune certitude à ce sujet, on ne m'a jamais dit "Archie, ta mère est morte". Peut-être que ceux qui s'occupaient de moi jusque-là en ont simplement eu assez. Mes premiers souvenirs ont pour décor les couloirs du château, le bureau de Rusard, ma minuscule chambre attenante, le parc.

Il paraît que, lorsque Rusard m'a vu, il a piqué une telle crise que même Peeves a été admiratif, et qu'on a dû me mettre en sécurité dans le bureau du professeur McGonagall.

Mes premiers souvenirs de celui que tout le monde appelle mon père sont associés aux punitions qu'il me donnait. C'est la seule façon qu'il a jamais eue de s'occuper de moi. Archie effleure du bout des doigts le cadre d'un tableau ? Punition. Archie est pris à se balader oisivement dans Poudlard ? Punition. Il éternue ? Il fait la grimace ? Il cligne des yeux plus qu'à la normale ? Je peux continuer à l'infini - d'ailleurs, quand j'avais neuf ans j'ai commencé un carnet où je répertoriais les choses à ne pas faire devant Rusard afin d'éviter les réprimandes. Quand j'en suis arrivé à "102) Ne pas exister", la démesure de la tâche qui m'attendait m'a découragé. Je crois bien que tout ça a fini dans le feu.

Rusard me faisait atrocement peur, avant. Je ne voulais pas admettre que c'était mon père, je ne comprenais pas pourquoi, le soir, on me poussait vers son bureau. D'ailleurs je faisais tout pour éviter de dormir si près de lui, et mes meilleures nuits sont celles que j'ai passées sur le sol, enveloppé dans mon manteau, caché derrière une tapisserie. Ce n'est pas que mes sentiments aient beaucoup changé à son égard – seulement, je suis à peu près passé maître dans l'art du camouflage.

Tout ça pour établir ce fait : je n'ai jamais, même à quatre ans, considéré Rusard comme mon père. Nous n'avons rien en commun, si ce n'est, peut-être, la silhouette osseuse, mais un tas de gens sont dans le même cas, pas vrai ? Alors quand les autres élèves me renvoient sa paternité à la gueule, j'ai un peu de mal à faire bonne figure. D'ailleurs, il ne veut pas plus de moi que moi de lui. Ça n'a jamais semblé le déranger que je porte un autre patronyme que le sien : Rohan, ce nom de ma mère, tout ce qui me reste d'elle.

Parfois, je me dis que si j'étais un Cracmol comme lui, il grincerait moins des dents à mon approche.

Je suis sûr que vous brûlez d'envie de me poser la question : mais alors, mais alors, mais alors, Archie, tu n'es jamais allé à l'école. Je vous réponds donc d'un rire lugubre. Réfléchissez donc à ce que vous dites. Pas besoin d'aller à l'école quand on y est déjà ! Et pour y être, j'y suis. C'est comme si j'étais un jeune garçon de l'Antiquité entouré de Socrate et qui sais-je encore : les plus grands professeurs, et ce dès mon plus jeune âge. Rusard pour la discipline bien sûr, et sur ce point-là il a fait du bon boulot. C'est-à-dire, si on considère utile de connaître dans l'ordre les deux cent articles du règlement intérieur de l'école. Je suis incollable sur le droit des élèves, je pourrais monter un syndicat si je le voulais. Ensuite, orthographe et grammaire avec le Professeur McGonagall. C'est elle qui m'a appris à lire, quelques mois après mon arrivée à Poudlard. Je ne sais pas si vous vous figurez ce que c'est, d'égrener les syllabes et de confondre les b et les d sous la houlette de la femme la plus sévère et bizarrement la plus pédagogue que Poudlard ait jamais compté. Quand j'avais des problèmes en maths, j'allais voir le Professeur Flitwick, quand je tombais sur une plante inconnue dans le parc, je toquais à la porte du Professeur Brûlopot. Chaque professeur avait quelque chose à me montrer, à m'apprendre.

Et pourtant.

C'était toujours comme s'ils voulaient réduire nos contacts au strict nécessaire. Toujours distants. Petit, je croyais que je les ennuyais. Avec le temps j'ai compris que c'était parce que j'étais le fils de Rusard. Celui-ci avait dû, dès le départ, faire valoir ses droits sur moi, leur faire comprendre qu'ils n'avaient pas à se mêler de me faciliter la vie. Ça faisait partie de sa stratégie pour me pourrir la vie jusqu'au bout.

Et pourquoi me pourrir la vie ? Parce que je suis un sorcier et pas lui. C'est drôle quand j'y pense. Parce que moi, la magie, ça ne m'a jamais tellement intéressé. J'ai tendance à la considérer comme étant à l'origine de tous mes malheurs, mais, au-delà de ça, je préfèrerais de beaucoup être un Moldu. À dix ans, j'avais déjà lu tous les livres disponibles dans l'antre de Mme Pince à leur sujet. En passant outre le ton souvent condescendant des auteurs, il me semblait déceler dans toutes leurs inventions, tous leurs minuscules problèmes, une beauté de l'existence, une soudaine difficulté de la vie qui me fascinait et me fascine encore.

C'est pour mon dixième anniversaire que le Professeur McGonagall m'a fait le plus beau cadeau au monde. Ce jour-là, Archie-de-dix-ans est sorti de la bibliothèque les bras chargés de livres et a vu le Professeur McGonagall se diriger vers lui au pas de charge en lui tendant une curieuse feuille de papier.

- Ce sont des cours par correspondance. Toutes les matières étudiées par les Moldus. Choisissez et envoyez, je vous les offre. Maintenant, rangez-moi ça !

Archie a obtempéré et, le soir même, à jeté dans la tempête un des hiboux grand-ducs de l'école. Il venait de s'inscrire à des cours de géographie, histoire, littérature et diverses langues. Je suis encore ces cours aujourd'hui. Ce que j'aimerais, ce serait d'aller faire des études, des vraies, dans une université. Mais, pour obtenir ma liberté, il faut que j'atteigne mes dix-sept ans. La majorité. Il s'agit de survivre encore trois ans à la prison, aux co-détenus et au geôlier qui a formé les Détraqueurs.

En parlant de stratégies de survie, j'en ai développé pas mal depuis dix ans. La plus évidente consistait à me cacher, mais ce n'est pas toujours évident de berner un concierge qui, par définition, connaît son domaine à fond et est déterminé à vous retrouver. Il y a bien eu une fois où j'ai passé une journée délicieuse dans une pièce étrange, bourrée de livres, d'oreillers, de junk food, ainsi que d'un énorme terrain de jeu avec trampoline. Rusard ne m'a pas trouvé cette fois-là. Mais le lendemain, je n'ai pas retrouvé mon chemin. Et il m'arrive encore de tourner dans Poudlard pendant des heures à sa recherche.
Ma meilleure stratégie a cependant été Amélie. À vrai dire, je ne suis pas sûr d'y être pour grand-chose. Elle m'est apparue, comme ça, un jour que Rusard avait vraiment été "trop méchant". Apparue, mais pas vraiment dans ma tête. Plutôt à côté de moi. Je l'ai reconnue tout de suite, avec ses cheveux noirs et ses yeux bleus. Elle avait de petite couettes. C'était ma sœur jumelle, il n'y avait pas de doute possible. Quand elle m'a vu, elle a eu une expression de surprise que j'ai reconnue comme étant le reflet de la mienne.

- Archie ? Pourquoi je suis là ?

Moi, à côté de la plaque :

- Je ne sais pas comment tu t'appelles.

Elle a répondu que c'était Amélie mais qu'elle n'aurait pas dû être là.

- Tu restes quand même ? j'ai à moitié supplié.

Elle est restée.


Je vous raconte tout ça pour que vous compreniez bien qui je suis. Mon histoire, la vraie, celle qui vous sauve ou qui vous tue, commence ensuite.

 

End Notes:

Merci d'avoir lu ! Surtout, si vous en avez envie, n'hésitez pas à me dire tout ce qui ne va pas dans les commentaires.

C'est à partir du prochain chapitre que l'histoire commence vraiment. Jusqu'ici, j'avais vraiement besoin de tout mettre en place.

Chapitre 3 - Halloween by Drachvador
Author's Notes:

La suite !!

Merci énormément à EniluaP et à la vache pour leurs reviews super gentilles !!!

ATTENTION : (on ne sait jamais) c'est Halloween à Poudlard, donc si vous détestez toute référence au sang et à la mort, sautez ce chapitre et je mettrai un résumé au début du prochain. Mais c'est "pas pire" que les histoires qu'on se raconte à l'école pour se faire peur.

 

Donc, je n'ai jamais eu d'amis. Considérez bien cette notion. L'amitié, je ne l'ai jamais expérimentée moi-même. J'ai pu l'observer comme une pratique exotique, tel un anthropologue. J'ai la théorie. Pour la pratique...

Quand j'étais petit, ça allait. Dès que je pouvais, je me soustrayais aux persécutions de Rusard et je cherchais refuge auprès des élèves de Poudlard. Tous me trouvaient mignon, attachant, depuis les septièmes années, grands comme des adultes, aux premières années à qui je rappelais leurs petits frères et sœurs laissés à la maison. Archie, viens ici, Archie ! Je passais de bras en bras, toutes maisons confondues. J'avais plus de mille parents et ça me plaisait bien. Sauf que non seulement mes parents changeaient avec le temps (je me souviens de tous ceux qui sont partis. Ils sont un seul être collectif, la figure maternelle à mille bras de mon enfance) mais aussi disparaissaient deux mois par an. Ils ne restait plus, alors, qu'une poignée de professeurs, les fantômes, Rusard et moi. Une morosité absolue.

Mais même en ces temps bénis où tout le monde me caressait la tête, je n'ai jamais eu d'amis. Il n'y avait personne de mon âge, personne qui, en même temps que moi, eût envie de jouer au Grand Mage ou au Dresseur d'hypogriffe.
La malédiction : grandir. À quatre ans, tout le monde était à mes pieds. À neuf ans, un peu moins. J'avais de moins en moins l'occasion de monter sur les genoux d'un élève compatissant.

- Pas maintenant, Archie.

Je ne comprenais pas pourquoi. Alors je me mettais dans le coin d'une salle commune et je jouais avec les animaux de compagnie, je faisais des fugues internes au château jusqu'à ce que Rusard me mette la main dessus. À dix ans, j'ai cru vivre le pire. Je ressemblais à un première année particulièrement petit, alors j'essayais de me mêler à eux. Mais nous n'avions pas les mêmes préoccupations. Eux avaient une baguette magique, moi pas. Le fossé que cela creusait entre nous était infranchissable. Ils se sentaient supérieurs. J'ai vécu le jour de mes onze ans comme une délivrance. J'ai fait ma "rentrée" à Poudlard. Sauf que les autres, malgré mon nom de famille, ont eu tôt fait de découvrir qui était mon père. Après ça, fini.

Ce qui fait que j'ai quatorze ans et pas d'amis, et que la plupart du temps je n'ouvre pas la bouche de la journée.

Ça, c'est la partie la plus facile à gérer. Ça se corse quand je suis forcé de me mêler aux autres. Au-delà des maisons, il y a deux grands groupes à Poudlard : les élèves, tous plus ou moins copains-copains, et moi. Eh oui, même les Gryffondors et les Serpentards entretiennent des relations amicales comparément à celles qui peuvent se développer entre moi et un bouffon de ma maison. Vous n'imaginez pas toutes les ruses auxquelles je dois recourir pour éviter ces moments de solitude infinie qui se produisent lorsque les autres rigolent entre eux et que je fixe le sol. Par exemple : le matin, je me lève avant mes camarades de dortoir, je m'habille silencieusement et je file prendre mon petit dejeuner avant qu'il n'y ait trop de monde. Après ça je n'ai plus qu'à me cacher dans une salle de classe vide en attendant le début des cours. Et quand Peeves me trouve, ça me fait un peu de compagnie.

Malheureusement, il y a des moments où je ne peux éviter le contact avec les autres. Comme aujourd'hui. C'est Halloween. Festin, citrouilles de Hagrid un peu partout, tout ça. Rumeurs de troll dans les cachots. On connaît la chanson. Le comble : je suis coincé ici jusqu'à la fin du dîner, Rusard, mon troll personnel, me guette. Je me suis incrusté sur un banc comme j'ai pu, en veillant à ne pas séparer de groupes d'amis. Le plus horrible est d'avoir des gens qui se parlent par-dessus votre tête, surtout s'ils ont la bouche pleine.
Ce soir, je me suis mis entre la bande de James Potter et Sirius Black, des sixièmes années le plus souvent appelés les Maraudeurs (ne me demandez pas pourquoi, ou plutôt si : j'ai l'habitude de les rapprocher de marauds, mais vu leur popularité je suppose que j'ai tort), et un groupe de deuxième années. Personne ne fait attention à moi. En ce qui me concerne, c'est un peu différent. Black a commencé à raconter une histoire d'horreur et je ne peux m'empêcher d'écouter.

- Donc, c'est l'histoire d'un très grand sorcier appelé Théodore Roosevelt, mais ce jour-là sa magie ne lui a servi à rien, le pauvre...

Pause théâtrale de Black, pour s'assurer que ses voisines de gauche, dont j'entends d'ici les gloussements surexcités, ne perdent pas une miette de ses paroles. Je m'applique à manger en faisant comme si mon assiette était la chose la plus fascinante du monde.

- Théodore Roosevelt habitait un grand manoir solitaire en bordure d'une forêt pas très différente de la nôtre. Il y avait tout un tas de créatures magiques à l'intérieur et le travail de Théodore Roosevelt - disons Teddy, j'ai rien contre les surnoms, pas vrai les filles (avec un petit clin d'œil presque palpable dans l'air) - consistait à surveiller cette forêt. Des rondes régulières, tout ça. Un jour, après sa ronde du soir, il ouvre le journal et il lit qu'un criminel un peu fou du genre Lupin (Potter et Pettigrew éclatent de rire tandis que l'intéressé lève les yeux au ciel) s'est évadé d'Azkaban et a enlevé une personne dont on estime qu'elle est morte à l'heure qu'il est. On ne sait pas où il a bien pu se cacher mais la dernière fois qu'il a été aperçu ce n'était pas loin de la forêt. Teddy décide donc de redoubler de prudence le lendemain. En attendant, autant aller se coucher n'est-ce pas ? C'est ce qu'il fait, en se réjouissant d'avance à l'idée de plonger sous les couvertures. C'est maintenant que je dois vous expliquer que Teddy est un faux solitaire. Il vit seul mais parfois il aimerait bien ne pas l'être. Donc il a recours à certains stratagèmes. Se parler tout seul par exemple. Mais surtout, il arrange toujours les coussins de son lit de façon à ce qu'ils donnent l'illusion que quelqu'un est endormi sous la couette. Comme ça, il lui semble que sa femme imaginaire est là. Ce soir fatidique, il se couche, souhaite bonne nuit à sa femme et éteint la lumière. Il s'endort et dans son rêve ce ne sont pas des coussins qui sont étendus là mais bien sa femme. Il l'enlace. Il se sent bien. Mais sa femme fait ploc ploc.

- Il y a un problème, se dit le Teddy du rêve, et il se réveille.

Assis dans son lit, il entend les gouttes. Fichu robinet, je faisais un joli rêve, et d'une formule magique il s'assure que les robinets sont bien fermés. Il ferme les yeux et reprend son rêve où il l'avait laissé. Sa femme lui tient la main. Mais sa main fait ploc. Teddy se réveille.

Insupportable, qu'il dit, et se levant il ferme les robinets à la manière moldue. Il se recouche, cette fois bien décidé à ne plus se réveiller. Ce n'est pas bon pour son cycle du sommeil, toutes ces péripéties. Mais avant même que sa femme soit réapparue, ploc-ploc-ploc-ploc-ploc. On dirait que le bruit vient de sous son lit... Il regarde... Oui, il y a une flaque.

- Je ne me suis quand même pas pissé dessus, fait le pauvre homme désarçonné.

En désespoir de cause, il se décidé à changer les draps. Et c'est alors qu'il voit. Dans le lit, couché près de lui sous les couvertures, il y a un cadavre de femme. Plein de sang, qui goutte. Ploc, ploc.

 

- Hiiiiioooooouiuuuu !!!!

Les auditrice laissent échapper un petit cri de frayeur tout à fait avantageux. Et moi un léger hoquet. Je ne m'attendais pas à cette chute et maintenant j'ai la chair de poule. Mais ce n'est rien comparé à ce qui m'attend : j'ai attiré l'attention de Black et compagnie, et ils se tournent vers moi avec un air malveillant :

- T'as un problème, Rusard ?

- Euh, non, je, euh...

- Regardez sa tête ! s'exclame Potter, visiblement ravi qu'on ne se focalise pas sur la sienne, inhabituellement pâle. Il a eu peur !

- Je crois qu'il a encore la frousse, renchérit Black, très fier de son effet et ayant l'air d'un savant qui examine un bête curieuse. Tu vas aller dire à ton Papa qu'on t'a fait peur, Rusard ? Il a payé combien pour faire croire au Choixpeau que t'étais courageux ?

- Mon nom de famille, c'est Rohan, pas Rusard.

Mon ton menaçant est légèrement atténué par le fait que je claque des dents. Si je n'arrive plus à contrôler mon corps, autant partir avant de me ridiculiser outre mesure. Mais c'est sans compter sur mes jambes flageolantes. Je n'ai pas fait trois pas que je trébuche, me rattrapant de justesse aux épaules d'un géant de septième année à qui ça n'a pas l'air de plaire. Potter et Black rient aux éclats. Une bonne partie de la Grande Salle a les yeux fixés sur nous. Je prends la fuite. Avant d'être hors de portée, j'ai quand même le temps d'entendre quelqu'un, parmi les Maraudeurs, s'exclamer :

- Mais qu'est-ce qu'il fait à Gryffondor celui-là ?

 

End Notes:

J'espère que l'histoire de Sirius fait au moins un peu peur ! Merci d'avoir lu !

Chapitre 4 - Frites et salade by Drachvador
Author's Notes:

Bonne lecture :) Merci d'en être là !

"Dans le chapitre précédent" : Archie a écouté en douce l'histoire d'horreur racontée par Sirus Black à ses amis maraudeurs et s'est (un peu) ridiculisé...

"À partir de maintenant, je ne t'apparaîtrai plus. Tu vas te débrouiller tout seul, Archie. Plus question de te réfugier dans des conversations imaginaires avec moi. Tu vas te confronter au monde. Finies les cachettes. Ce n'est pas comme ça que ta vie va changer. Adieu."

- Passe-moi les frites, tu veux ?

Je suis tellement préoccupé par le rêve que j'ai fait cette nuit que l'ordre ne parvient pas à mon cerveau. Mis en attente par la réceptionniste, comme diraient les Moldus. Ma sœur m'est apparue en rêve cette nuit. Ma sœur m'a dit qu'elle m'abandonnait. Mais pourquoi ?

- Ého, toi ! Les frites !!

Quelqu'un agite ses doigts devant mes yeux. Je tourne la tête. Une fille pointe le doigt vers quelque chose. Ça arrive. Elle attend quelque chose de moi.

- Ah, pardon, je fais en lui passant le plat.

Il se passe quelques secondes avant que je ne me rende compte qu'elle me fixe toujours.

- C'est un message subliminal, Rohan ?

Pour le coup, je lui accorde toute mon attention. C'est une grande fille de sixième année. Selon Archie-l'annuaire (une autre notion moldue qui me définit bien) elle s'appelle Mary Macdonald.

- Tu m'as appelé Rohan ? je m'exclame.

Il doit y avoir une erreur.

- C'est ton nom, pas vrai ? rétorque la fille, impatientée.

- D'habitude les gens m'appellent Rusard.

- Et en plus il se plaint parce que je l'ai appelé par son vrai nom, pas comme ces crétins ! soupire la fille. Bon. Est-ce qu'il y a un sous-entendu là-dedans ?

- Euh... Dans quoi ?

Cette fille est déconcertante. Elle lève les yeux au ciel comme si c'était moi qui étais à côté de la plaque.

- Je t'ai demandé les frites et tout ce que j'ai obtenu, c'est la salade. Est-ce que par hasard tu sous-entendrais que je dois faire un régime ? Fais attention à ce que tu vas répondre.

- Que je... Oh, non, pardon.

Je m'empresse de lui mettre les frites sous le nez.

- J'aime mieux ça, fait la fille en se servant. Au fait, je m'appelle Macdonald. Mary Macdonald.

- Enchanté, dis-je, un peu éberlué que, une fois son objectif vital atteint, la fille continue à me parler.

- Alors, tu es vraiment le fils de Rusard ? me demande-t-elle en saupoudrant son assiette d'une quantité de sel suffisante pour dessécher un chameau. Il est gentil avec toi ?

Ce genre de conversation ne rime à rien... J'aurais dû m'en douter.

- Oui, c'est mon père. Et tu pourras dire à tes amis que je ne suis un mouchard, si c'est ce que vous voulez savoir, je fais en me levant.

C'est malin, j'ai à peine touché à mes propres frites. Mais plutôt gargouiller tout l'après-midi que de faire la causette avec cette Mary Macdonald qui me parle uniquement à cause de l'autre concierge.

- Bon appétit.

Je quitte la salle d'un pas digne, cette fois en faisant attention à ne pas trébucher.

Un peu plus tard, je me rends à la bibliothèque, avec l'intention de travailler réellement, pour une fois, au lieu de m'amuser avec mes cours par correspondance. Le Professeur Binns nous a demandé trois rouleaux de parchemin sur "Les fausses découvertes magiques du XIVème au XIXème siècle. Il n'y a aucun livre dédié à la question, ce qui m'oblige à compulser des dizaines d'ouvrages pour glaner quelques paragraphes sur le sujet, le tout sous le regard vigilant de Madame Pince. Depuis toutes ces années, elle se méfie encore de moi, juste parce qu'il m'est arrivé, une fois, lorsque j'avais six ans, d'éternuer sur une page des Contes de Beedle le Barde en version illustrée.
Je suis en pleine dépression dans les plus noirs chapitres de L'Eau trouble de la Pensine, mythes et réalités de Glinda Pavray lorsque quelqu'un se plante devant ma table, me forçant à lever les yeux. Je pose mon doigt sur ma ligne avant de relever la tête. La fille du déjeuner se tient face à moi, l'air embarrassée.

- Écoute, Rohan, je...

J'agite ma main libre.

- Ne t'en fais pas. Ça n'a aucune importance.

- Je me suis mal exprimée à midi, j'ai quelque chose à te dire, chuchote-t-elle. Tu ne veux pas qu'on sorte d'ici ?

C'est vrai que Madame Pince nous regarde comme si elle avait un chuchotomètre pour décider d'à quel moment nous mettre à la porte. Et les autres élèves nous jettent des coups d'œil – bah oui, je suis une célébrité ici moi. Mais j'hésite.

- J'ai ça à faire pour demain.

Je lui montre les livres étalés devant moi.

- C'est pour qui ? Binns ? demande-t-elle en se penchant sur mes ratures. Les fausses découvertes, hein ?

Elle hoche la tête d'un air entendu.

- Il devrait se renouveler, il nous a donné le même sujet il y a deux ans. Allez viens, tu pourras copier sur moi.

- Je ne veux pas tricher...

- J'ai eu un E, m'assène Macdonald.

On ne peut pas résister à un tel argument. Refermant avec délectation mon livre sur une phrase dont je ne connaîtrai jamais la fin, je me dépêche de remettre tous les ouvrages à leur place. Nous sortons de la bibliothèque, un certain regard nous vrillant la nuque.


- Tu es bien sûre d'avoir eu un E ?

- Tu veux vraiment être désagréable, toi, hein ?

L'étrange fille s'étire avec nonchalance. Nous nous sommes assis près du lac. Il fait étonnamment chaud pour un mois de novembre. Passons.

- Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire, Macdonald ?

- Oh, appelle-moi Mary, s'il te plaît. On n'est pas au XIXème siècle !

- D'accord, je dis.

J'attends la suite.

- Ce n'est pas facile. Tu vas me prendre pour une folle...

C'est déjà le cas, je réplique mentalement. Cette Mary m'appelle Rohan et me parle deux fois dans la même journée. Elle a clairement un problème, et si elle n'en a pas, les autres élèves auront tôt fait de lui en trouver un.

- ... Ou alors tu vas me prendre pour une dragueuse invétérée qui trouve des prétextes bidons, mais je peux t'assurer que ce n'est pas le cas. Au moins en ce qui concerne l'option dragueuse, parce que j'ai quand même deux ans de plus que toi, et que de toute façon j'ai déjà un petit ami.

J'agite à nouveau la main.

- Ne t'inquiète pas, je n'ai pas pensé à ça.

Menteur. Mais bon, on peut bien rêver. Non ?

Mary poursuit :

- En fait, j'ai fait un rêve bizarre cette nuit. Tu n'as pas de sœur jumelle ?
Je frissonne, un souvenir désagréable de Halloween. Elle me fait peur, celle-là.

- Non.

Mary a l'air à la fois soulagée et déçue.

- Bon, alors voilà... Une fille m'est apparue en rêve cette nuit. Elle te ressemblait beaucoup et elle m'a dit qu'elle était ta sœur. Et qu'à partir de maintenant j'allais devoir te surveiller parce qu'elle ne serait plus là pour le faire. Mais tu n'as pas de sœur, alors comment j'ai pu rêver d'un truc pareil ?

Elle se prend la tête dans les mains, mimant le désespoir :

- Je vais peut-être devoir reprendre le cours de divination !!

Par la moustache de Merlin.

- Elle avait une voix impossible ? Une voix de grelots ? finis-je par demander.
Mary relève la tête, soudain sérieuse.

- C'est exactement ça.

- C'est Amélie.

La tête me tourne un peu. Amélie qui m'a dit qu'elle partait, qui m'abandonne et qui met une sixième année sur mes talons. Quelle impudence !
J'explique à Mary la nature fantomatique d'Amélie.

- Mais comment a-t-elle pu m'apparaître à moi aussi, puisqu'elle n'existe que dans ta tête ?!

Je grimace.

- Si tu pouvais éviter de dire des trucs comme ça, c'est un peu violent... J'ai l'impression de passer un test d'admission pour Ste Mangouste.

Mary remonte sur son nez des lunettes imaginaires.

- Mon cher Archibald, d'après ce que j'ai vu de ta vie ici, le changement d'air pourrait être salutaire.

C'est assez exact. Nous débattons sur le sujet pendant un moment, puis nous taisons. Le jour descend lentement sur le lac.

- Il y a quand même quelque chose que je ne comprends pas, finis-je par déclarer.

- Quoi ?

Mary a les yeux fixés sur le lointain.

- J'ai vraiment besoin de me faire surveiller ?

End Notes:

Voilà voilà, merci d'avoir lu ! Je me répète mais si vous voulez me démolir ou m'encenser dans une review, je ne suis pas contre (l'un comme l'autre haha).

Chapitre 5 : Petites horreurs by Drachvador
Author's Notes:

J'ai mis un peu plus de temps pour celui-ci parce qu'il est plus long !

Merci énormément à Chrisfld pour ses deux reviews et à SumiShann !! Ca me fait super plaisir, je suis trop fière quand je lis des commentaires comme ça...

Le livre dont je cite les deux premières phrases est L'Attrape-coeurs de Salinger.

- Cette fois, c'en est trop, je marmonne.

Je crois bien que cette journée est la pire de toutes celles que j'ai passées à Poudlard, et pourtant j'ai des points de comparaison. Vous voulez tout savoir des souffrances du pauvre Archie et de sa vie Archie-nulle ? Allez, je n'ai rien contre revivre tout ça une deuxième fois.

Ce matin, je me suis levé. Déjà à ce moment-là je n'étais pas franchement enthousiaste, parce que je me prive d'une heure de sommeil par rapport aux autres juste pour ne pas les croiser. Allez, mon vieux, je me suis dit. Alors, encore endormi, je pose le pied sur la première marche de l'escalier qui mène à la salle commune... Et je me suis retrouvé en bas beaucoup plus tôt que prévu, avec un chat essayant à tout prix de me laisser des marques d'affection. Avec le recul, je comprends, mais sur le coup j'étais un peu sonné. La science de la déduction implique que les choses se soient passées comme suit : Rusard, cette allégorie de l'acharnement, a envoyé sa saleté de Miss Chipie pour qu'elle monte la garde devant mon dortoir. La sentinelle s'est endormie pendant le service, je lui ai marché dessus, j'ai dévalé les escaliers, elle s'est jetée sur moi pour se venger. Pour une fois que mon agression n'avait rien de volontaire... Fichu chat noir. Si elle a des petits, on pourra bien les appeler Teigne, Gale et, je ne sais pas moi, Infection.

À ce moment-là, j'aurais dû comprendre les signes et retourner me coucher. Au lieu de cela, naïf et innocent, et avec l'unique réconfort d'un jus de citrouille, je me suis rendu au cours du Professeur Binns. Noël approchant, les élèves ont beaucoup mieux à faire que d'être attentifs à ses cours. Mais comme c'était le jour où il devait nous rendre nos devoirs, il a bénéficié d'un léger regain d'attention jusqu'au rendu des parchemins.

Pendant que je griffonnais un énième plan visant à me débarrasser plus ou moins violemment de Miss Chipie, il a commencé à distribuer les parchemins en débitant des commentaires de sa voix monocorde, bâtis sur le modèle de : "Affligeant" ou "Pourquoi citer des ouvrages fictifs ?" Quand mon tour est arrivé. Ses yeux se sont subitement ouverts. L'espace d'un instant, il a presque eu l'air vivant. Ce qui, je le rappelle, n'est pas évident lorsqu'on s'appelle Binns, qu'on est mort depuis un bail et que personne ne fait la différence.

- Rohan. C'était bril-lant.

Il m'a tendu mon devoir. Un O. OMM (Oh My Merlin).

- Je vous conseille de vous référer au parchemin de ce prometteur jeune homme, a-t-il ajouté à l'attention du reste de la classe. Je me suis senti rougir. Ça n'a rien arrangé à mon affaire, parce que mon but à Poudlard est de me faire oublier, pas remarquer. Particulièrement quand j'ai pompé sur autrui. Bon, pas totalement, d'accord, j'ai fait une synthèse entre nos deux travaux. N'empêche que sans Mary Macdonald, je n'aurais pas trouvé la moitié. Avec la sensation de ne pas le mériter, j'ai fourré le parchemin dans mon sac. Ôtez de ma vue cette triche que je ne saurais voir.

Derrière moi, quelqu'un a chuchoté bien fort pour que tout le monde l'entende :

- Binns devait avoir quelque chose à se faire pardonner de Rusard. Tu sais que t'as pas besoin de bonnes notes pour devenir concierge, junior ?

M'empourprant encore plus si possible, j'ai reconnu la voix de Pascal Zabini. Un Serpentard idiot, mais plutôt doué en piques acerbes. Je n'ai pas bougé. Comme à mon habitude, j'ai attendu que ça passe. C'est à ce moment-là, où les ricanements se faisaient écho autour de l'épicentre du problème, c'est-à-dire moi, que j'ai compris à quel point le Maraudeur qui s'était demandé ce que je faisais à Gryffondor avait raison. Je ne suis pas courageux. Le courage, c'est les prouesses, les exploits... Je ne sais même pas me défendre face à un coquefredouille, un alvéopyge comme Zabini. Je ne suis pas le preux chevalier, je suis la demoiselle en détresse. J'attends docilement que la tempête se détourne de moi. Si quelqu'un veut faire le chevalier, tant mieux. Sinon, je reste pitoyable jusqu'au bout. De quoi a l'air un princesse qu'on ne vient pas sauver ? Elle a l'air de la fille du concierge. Et vous savez quoi ? Aucun Gryffondor n'a pris la parole pour me défendre. Je ne sais pas comment j'ai pu me faire haïr à ce point.

J'ai été le premier à sortir du cours lorsqu'il s'est terminé une heure plus tard. Mes "camarades" étaient encore en train de se frotter les yeux que je grimpais déjà quatre à quatre les marchés menant à la tour où se déroulent les cours de divination. J'avais presque atteint la trappe lorsque...

- Rohan !!!

Oh non. Cette voix. Pas lui. Je me suis immobilisé. Ai fermé les yeux. Me suis retourné, lentement.

Rusard était bien là, dans une niche en repli de l'escalier. Rien qu'à voir cette face épanouie et jubilante, j'ai compris que j'allais passer un merveilleux quart d'heure.

- Il est interdit de courir dans les couloirs, Rohan, a-t-il énoncé d'une voix doucereuse. Il y va de votre propre sécurité. Le directeur ne voudrait pas que vous vous blessiez en tombant, n'est-ce pas ?

Il a insisté sur "blessiez". Je crois qu'au contraire rien n'aurait pu lui faire plus plaisir. Symphonie par le grand compositeur Rusard : les boumbadaboums d'Archie dévalant à la suite tous les escaliers du château. Encore des objections concernant mon incapacité à l'appeler "Papounet chéri" ?

- Suivez-moi, m'a-t-il intimé en tournant les talons.

- Mais, Monsieur, j'ai cours dans cinq minutes...

- C'est un ordre, Rohan !

Nous avons donc amorcé la descente. L'un suivant l'autre, comme une procession, nous avons croisé tous les élèves du cours d'histoire de la magie.

Zabini m'a arrêté au passage pour me souffler :

- Tu as annoncé ta note à Papa, bébé Rusard.

- Oui. On va déboucher une bouteille de bièreaubeurre pour fêter ça, ai-je répliqué parce que je n'en pouvais plus. Mais le pire, c'est que ce type n'a tellement pas de cervelle qu'il a dû me prendre au mot. Rusard s'est retourné pour voir ce que je faisais, j'ai passé mon chemin.

Je l'ai suivi sur ce qui m'a semblé des kilomètres. Il a même fait des détours pour prolonger ma honte. Je le sais, je connais ce fichu château par cœur. Rusard et Rusard ensemble, stupides pour le plaisir de vos yeux.

- Entrez et fermez la porte derrière vous.

Comme si je ne le savais pas... J'ai été dans le bureau de Rusard plus de fois que tout élève de Poudlard, y compris les recordmen officiels, James Potter et Sirius Black. Je suis bien placé pour le savoir, ça fait dix ans que je suis préposé aux statistiques.

- Alors, pour vous, Rohan, ce sera une retenue, claironne Rusard comme s'il annonçait mon total à la caisse. Un petit formulaire, voilà. "Délit : mise en péril de sa propre sécurité et de celle de des camarades... Doublée d'un délit de fuite."

C'était tellement injuste que je n'ai pas pu m'empêcher de répondre, même si ça n'arrangerait rien.

- Je n'ai pas fui ! Je me suis arrêté tout de suite !

- "Et contestation" a ajouté Rusard en écrivant avec application. Ça vous fera trois heures de retenue, une pour chaque délit. Première retenue demain, à cinq heures, dans mon bureau. Sortez.

Je suis sorti, hébété par tant de péripéties, juste parce que je faisais de grandes enjambées. Et à présent, il me fallait faire le trajet en sens inverse, soit un kilomètre, expliquer la raison de mon retard, sentir tous ces regards appuyés sur ma nuque, et entendre les précieuses prédictions sur la conjoncture des constellations de la Petite et de la Grande Serpillère au moment de ma naissance...

Sans trop l'avoir décidé, je me suis retrouvé devant l'infirmerie. Il n'a pas été trop compliqué d'accentuer le flageolement de mes jambes pour faire avouer à une Madame Pomfresh mi-dupe, mi-compréhensive, que j'avais besoin de repos. Après m'avoir donné un mot d'excuse, elle m'a renvoyé à mon dortoir.

La salle commune était vide à cette heure. J'avais plusieurs heures de liberté avant qu'ils ne reviennent réveiller la Grosse Dame.

Je me suis installé dans mon fauteuil préféré, un peu à l'écart de la masse de sièges vides. J'avais devant moi, sous de fallacieuses couvertures, L'Attrape-Cœur, Othello et le Seigneur des Anneaux. Ou plutôt Les Propriétés du cœur de dragon par Sally Njer, Mortels et immortels, un bref aperçu philosophique par Will Lapoire, et La Sorcellerie des Claddagh Rings par J. R. R. O'Kienn.

Jamais la lecture d'ouvrages théoriques n'avait été tant désirée par un gamin de quatorze ans. Saisissant La Sorcellerie des Claddagh Rings, j'ai enfin quitté Poudlard...

Pour y revenir brutalement plusieurs heures plus tard, une fois la dernière page tournée. J'avais lu sans bouger tout l'après-midi, sans remarquer les allées et venues des autres. À en juger par le brouhaha qui régnait à présent, j'avais dû manquer le dîner. Mes oreilles bourdonnaient. Reposant le livre sur la petite table à côté de moi, j'ai suivi des yeux les trajectoires décrites par les élèves, un ballet lisse, ordonné, où tous avaient leur place. Et, sans l'avoir voulu, pour la troisième fois de la journée, je me suis retrouvé projeté en scène : ce grand dadais de James Potter venait de se saisir des Propriétés du cœur de dragon.

- C'est exactement ce dont j'ai besoin pour mon devoir ! Merci Rusard !

Il s'est détourné, emportant mon livre. Je l'ai vu l'ouvrir au hasard, chercher la table des matières. Je me suis levé d'un bond, prêt à me jeter sur lui. Trop tard.

- C'est parf... Mais c'est pas ça du tout ce truc ! s'est-il exclamé avec tout le vocabulaire dont il était capable. Eh, Sirius, viens voir ça !

Les amis ont rappliqué, ainsi qu'une bonne partie des élèves, ameutés par les cris de Potter. J'ai senti la vie me quitter pendant que Potter passait le livre à Black qui l'a passé à Pettigrew qui l'a passé à Lupin.

- Alors ?? a demandé Potter, comme s'il avait besoin que quelqu'un l'aide à en tirer les conclusions.

- C'est un livre pour Moldus, a fini par déclarer très calmement Lupin. Il me l'a tendu mais Potter l'a attrapé au passage :

- C'est trop fort ! Tu en as marre du monde des sorciers, Rusard ?

Il a ouvert le livre au premier chapitre et a commencé à lire :

- "Si vous voulez que je vous dise, alors la première chose que vous allez demander c'est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d'enfance, et que faisaient mes parents avant de m'avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j'ai pas envie de raconter ça du tout. Primo, ce genre de trucs ça me rase..." Ouais bah son histoire elle est rasante aussi pas vrai ?

La salle s'est esclaffée. Un vrai seul-en-scène. Qu'il est drôle, Potter, qu'il est intelligent.

- Eh Rusard, les autres aussi c'est des faux ?

Potter s'est dangereusement approché du Seigneur des Anneaux, mais avant qu'il ait eu le temps de s'en saisir, une fille s'est avancée. Une fille rousse que j'ai identifiée comme Lily Evans, Préfète.

- Ça suffit, Potter.

Elle avait beau être petite par rapport à lui, elle en imposait par son autorité et son calme.

- Quoi, Lily, s'est plaint l'autre. Je veux juste me cultiver ! Découvrir la culture moldue !

- C'est Evans pour toi, Potter. Et tu t'es assez cultivé pour ce soir. Il ne faut pas que tu en fasses trop d'un coup, tu n'as pas l'habitude de te servir de ton cerveau...

La salle commune a été secouée d'un petit rire. Moi, je me sentais encore plus mal. Pourquoi est-ce que je ne trouve jamais de réparties cinglantes ? Pourquoi, à défaut de pouvoir répondre, je n'arrive pas à utiliser ma baguette ou même mes poings ?

Lily Evans a repris :

- Et la "culture moldue", comme tu dis, c'est pas une sous-culture. Maintenant tu lui rends L'Attrape-cœur et tu le laisses tranquille.

Elle a fendu la foule figée pour sortir de la salle. Je ne sais pas ce qui m'a le plus surpris : que la fille, en deux phrases, ait reconnu Salinger ou que Potter, me lançant le livre à la tête, ait couru après la fille, en lui criant, à elle et pas à moi :

- Attend, Lily ! Evans ! Je suis désolé ! Je ne voulais pas insulter les Moldus !


Vraiment. Vraiment. Vraiment. Il faut que je trouve un moyen de sortir d'ici.

 

Tu m'entends, Amélie ?

End Notes:

J'espère que ça vous plaît ! A bientôt pour continuer le calvaire de ce pauvre Archie !

Chapitre 6 - Un certain Gregory by Drachvador
Author's Notes:

Bonne lecture !!

Les crédits maintenant :

- Le Lembas appartiennent au monde de J. R. R. Tolkien.

- "Et dire qu'il n'est même pas dix heures ! C'est une bonne matinée." est une citation de la Petite Sirène de Disney (regardez-le donc pour voir !)

 

 

Aussi discret qu'un calamar géant dans un aquarium, je me faufile hors de la salle commune. Plusieurs semaines ont passé depuis que ma passion coupable pour Salinger a été révélée au grand jour, mais même les vacances de Noël n'ont pas suffi à lasser mes camarades de l'un des jeux les plus populaires du moment : s'emparer par tous les moyens des livres de Rusard fils et vérifier si ce sont des livres pour Moldus. Après l'Attrape-cœurs, Shakespeare est passé au pilori, le lendemain le dernier tome de Tolkien... la liste est longue. Un dommage collatéral : on m'a volé certains livres de cours et Madame Pince attend depuis un mois que je rende L'Histoire de Poudlard... Le pire a eu lieu lorsque mes chers camarades ont découvert un recueil de poésie. Je ne vous raconte pas le concert de rires, ni les bruits de baisers qui m'ont accompagné pendant une semaine. Je n'ai pas pris la peine de leur expliquer que la poésie n'est pas seulement amoureuse. Qu'ils restent bêtes, je ne suis pas responsable d'eux, quand même !

Il y a quand même une raison pour que j'aie supporté tout ce bazard avec une si remarquable placidité : je vais quitter Poudlard. Oh, je ne sais pas pour quoi faire. Je ne sais pas si je vais faire un petit tour puis revenir ni vu ni connu, ou si je ne vais pas, plutôt, mettre le maximum de distance entre ce "paradis sur terre" et ma misérable vie. Je ne veux plus voir ces élèves stupides, ces professeurs indifférents et cet homme qu'on appelle mon père sans qu'il y ressemble même par temps de brouillard. Ici je n'ai pas d'amis, pas d'avenir peut-être, seulement un long tunnel d'études magiques inutiles. Dehors, tout ce que je veux m'attend, et il y a même des choses que je ne sais pas encore que je vais les vouloir (pour être précis). Pour éviter d’être retrouvé, il me suffirait de ne plus utiliser ma baguette magique. Je prétendrais être un Moldu... Aïe. Cela signifie que je vais devoir apprendre à faire mes lacets. Peu importe, je suis prêt à tous les sacrifices.

Pour avoir ne serait-ce que la plus petite chance de respirer un peu d'air frais, il faut que je suive mon plan à la lettre. C'est un plan parfait, infaillible. Il ne peut pas en être autrement : il est le résultat de mes ruminations sur plusieurs semaines. Première étape : rejoindre le poste d'observation des ennemis.

Je m'élance dans le couloir, mon sac de cours sur l'épaule. Si quelqu'un me croise, il croira que je vais à la bibliothèque. En fait, il n'y a pas le moindre parchemin dans mon sac - il est bourré à craquer de romans et de nourriture que les elfes de maison ont été ravis de m'offrir hier soir. Je ne peux retenir un sourire en repensant à leur air désolé lorsque je leur ai demandé des Lembas. J'ai eu beau leur répéter que ça n'existait pas, c'était comme si je les avais pris en défaut. Ils ont promis de m'en créer pour la prochaine fois que je leur rendrais visite. Je n'ai pas eu le cœur de leur dire qu'avec un peu de chance je ne reviendrais pas.

Je descends les étages déserts en faisant des détours - suis-je bien passé par les cent quarante-deux escaliers ? - puis je m'installe derrière une tapisserie représentant un homme en armure. Il est à peine sept heures. Aucun risque qu'on me découvre. À moins d'écarter la tapisserie et de me trouver dans le renfoncement du mur. Mais personne ne va s'amuser à le faire, y compris Rusard. Il est beaucoup trop occupé. On est samedi et il y a une sortie à Pré-au-Lard de prévue. Bien installé dans mon repaire, je passe encore une fois mon plan en revue. D'après ce que j'ai entendu avant-hier, Potter, Black, Lupin et Pettigrow - encore eux ! - seront ici à neuf heures pour se rendre à Pré-au-Lard par leurs propres moyens. Je les ai entendus en parler pour la première fois il y a deux semaines, alors que j'avais encore pour plan de me commander un parachute par correspondance et de me jeter du haut de la tour d'astronomie – en espérant atterrir après le lac. J'étais assis dans mon coin et... Je jure solennellement que mon intention n'était pas de les écouter. Mais les mots qui me sont parvenus aux oreilles auraient intrigué n'importe qui, en particulier un désespéré dont le vœu le plus cher est de sortir de Poudlard. Ça a commencé de façon banale. Potter est arrivé, l'air surexcité :

- Les gars, vous avez vu ?! Il y a une sortie à Pré-au-Lard prévue dans deux semaines !

- Enfin ! s'est exclamé Black, mi-moqueur, mi-sérieux. Je commençais à manquer de Patacitrouilles.

- Je m'achèterais bien quelques nouveaux livres, a commenté Lupin.

- Je crois que c'est le moment de rendre visite à Gregory le Hautain, s'est exclamé Potter.

Un peu trop enthousiaste, le joueur de Quidditch. Il est fatigant. C’est là que j’ai commencé à prêter attention à leur babil. Parce que je l’ai vue, moi, la statue de Gregory le Hautain. Il n’y a pas de quoi souhaiter s’en approcher une deuxième fois – ce serait plutôt le contraire.

- On pourrait tout simplement y aller avec les autres, a objecté Lupin de sa voix de doux dépressif.

- Mais non, Remus ! Imagine la tête des autres quand en arrivant ils verront qu'on est déjà là !

- Pas mal, James, a reconnu Black.

- Encore cet endroit humide...
- Allez, Lunard ! Même Peter est partant, pas vrai Peter !

L'ombre de Pettigrow a acquiescé, docile.

J'avais compris, bien sûr. Un passage secret. Parfait pour moi, donc, puisque Rusard n'a pas l'air de le connaître.

Voilà pourquoi je suis là, assis par terre à manger une cuisse de poulet derrière une tapisserie qui aurait bien besoin d'un nettoyage. J'attends ces Maraudeurs.
Je les guette longtemps, et ils finissent par arriver, tous les quatre. Potter tient à la main un morceau de parchemin et garde les yeux fixés dessus pendant que, sans même vérifier si la voie est libre - quel idiot ! - Black donne deux coups de baguette sur la statue. Avant qu'ils ne s'engouffrent à la suite des deux autres dans le passage qui vient d'apparaître, Lupin montre à Potter quelque chose sur le parchemin, mais celui-ci a un haussement d'épaules qui fait sourire Lupin. Après un regard à la ronde – ont-ils fixé un instant de trop l’armure grassouillette ? -, ils disparaissent. Je me force à compter jusqu'à 500 avant de les suivre. À 439, je n'en peux plus. Jaillissant de ma cachette, je cours jusqu'à la statue. Je tapote. La pierre coulisse. Je me glisse à l'intérieur. Le passage se referme derrière moi.

Le positif, c'est que je n'entends pas Potter et compagnie. Ils doivent être pas mal en avant. Le moins positif, c'est que Lupin avait raison. C'est bien humide, et en plus il fait tout noir.

- Lumos !

Note mentale à moi-même : si je deviens un Moldu, toujours garder sur moi une... Une quoi déjà ? Ah oui, lampe de poche. Avec des piles de rechange, il paraît que ces saletés se déchargent toujours au mauvais moment. J'ai appris ça dans les romans policiers. Je marche, je marche. Je marche. Ce chemin est interminable. Est-ce que je vais arriver quelque part ? Et si je me faisais attraper par les professeurs de sortie ? Si je m'en tenais vraiment à mon plan, j'attendrais la nuit pour sortir, mais j'ai la chair de poule rien que d'y penser. Encore une heure dans ce tunnel et je reviendrai au château sous forme de cercueil. Il fait tellement froid...

- Atchi !!!

Ça résonne quand j'éternue. Amusant. Réconfortant, aussi bizarre que ça puisse paraître. Mais si je mourais là-dedans ? Mon corps de décomposerait pendant des années, et un jour un élève aurait l'idée de faire une petite virée et trouverait les petits os d'Archie-celui-qui-même-mort-est-resté-à-Poudlard...

- Tais-toi, Archie, je m'admoneste tout haut. D'abord, ta décomposition ne prendrait pas des années. Ensuite... Tu sais ce qu'on dirait. Bon débarras. Donc tu vois, pas de raison de stresser.

Je continue de faire les frais de la conversation pendant que j'avance (de plus en plus en zigzag).

- Amélie ! Tu vois à quoi je suis réduit depuis que tu ne veux plus me parler ? Je parle tout seul !

Mais pas plus d'Amélie que de chocogrenouilles en branche. Finalement, ce n'est pas si mal de se parler tout seul. On se dit plein de secrets. On fait les questions et les réponses, c'est bien agréable quand on n'aime pas écouter les autres.

- En fait, tu peux bien bouder, Amélie. Je suis très bien tout seul.

Je crois bien que je n'ai jamais autant parlé en une journée de toute ma vie, et il n'est même pas dix heures ! C'est une bonne matinée.

Et soudain, au beau milieu de mon babil sans queue ni tête, je la vois, la sortie, il y a une tâche de lumière blanche au loin, je suis sauvé, j'ai quitté Poudlard, je vis ! C'est comme si je respirais pour la première fois, je sens l'air entrer dans mes poumons avec plus de précision que jamais. C'est trop de bonheur pour une seule personne. Je cours vers la lumière. C'est décidé, je ne retournerai jamais d'où je viens. Elle est belle, cette lumière, elle est réelle, c'est la seule qui le soit. Je grimpe sur de petits rochers, je suis presque sorti. De l'herbe... Puis je sens qu'on me frappe violemment à l'arrière du crâne. J'ai le temps de penser : "Un piège !"

Et je m'écroule.

 

End Notes:

Comme d'habitude (j'adore écrire ces mots !!!) j'espère que ça vous a plu... A bientôt !

Chapitre 7 - Le Rohan furieux by Drachvador
Author's Notes:

J'espère que ce nouveau chapitre vous plaira. Moi en tout cas je m'amuse énormément (un peu aux dépens du pauvre garçon, mais tant pis pour lui...)

Bonne lecture !!

Quand je rouvre les yeux, c'est une toute autre lumière qui m'agresse. Une lumière qui ressemble désagréablement à celle de l'infirmerie. Je referme précipitamment mes paupières pour ne plus la voir.

Trop tard.

- Ah, tu es réveillé, mon petit, dit la voix de Madame Pomfresh. Tu as fait une très mauvaise chute.

Oh non. Retour à la case départ. Ma vie est un cauchemar.


D'après Madame Pomfresh, j'ai pris un méchant coup à la tête et me suis pas mal abimé en tombant. Mais, selon elle, je suis tombé dans le parc et c'est Rusard qui m'a trouvé gisant comme un gisant. J'ai beau m'être récemment explosé un bon paquet de neurones, je sais quand même que quelque chose cloche là-dedans. J'ai eu un bout de temps pour méditer là-dessus, et voilà mon ultime théorie : Rusard, d'une manière ou d'une autre, a eu connaissance de mes plans. Samedi, pendant que je le pensais occupé à astiquer son détecteur d'objets magiques, il m'a suivi dans le passage secret et m'a assommé. Puis il m'a trainé en sens inverse et m'a amené à l'infirmerie en servant ce ragoût de mensonges à Pompom. De cette manière, il garde pour lui tout seul le bénéfice du passage secret. Oh, le sale concierge ! J'exècre cet homme. Ce n'est pas possible, il ne peut pas être mon père. Un père n'empêcherait pas son fils de voir la vraie lumière du jour pendant dix ans, et puis ne le laisserait pas croire qu'il va y arriver, ne le laisserait pas s'approcher, être si près du but, pour ensuite l’assommer... Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi sadique. Et pourtant, j'en ai lu, des livres.

"Amélie ! Reviens !" J'implore en silence ma sœur jumelle, mais elle se refuse à venir, ça devient une habitude. "Tu es sadique, toi aussi, c'est ça ? Ça t'amuse de me voir galérer avec notre père pendant que tu es tranquille au pays qui n'existe pas ?" Elle ne prend pas la peine de confirmer. Je reste seul dans l'infirmerie déserte avec pour seule occupation un tâche immense, gigantesque : essayer de me calmer. J'inspire lentement. J'expire. Je tente de décrisper mes poings qui chiffonnent mes bras. Peine perdue. Je hais cet homme, j'en grince des dents. Alors je fais ce que je fais chaque fois que j'exècre quelqu'un au plus haut point : j'écris sur lui. Rusard est déjà l'objet de bien des pages, et il n'en a certainement pas terminé. Aujourd'hui je lui invente des raisons d'être si horrible. Des Détraqueurs dans son ascendance ? Grindelwalt comme parrain ? Peut-être juste le premier-né cracmol d'une famille de sang-purs. Je ne sais rien de son passé... De mon passé. De mes ancêtres. Je peux tout inventer. Je m'en donne à cœur joie. Je pense à ma mère. Aucune idée de qui elle est, à part son nom. Marianne Rohan. Un nom francais. Elle n'était pas élève à Poudlard, j'ai vérifié. Sorcière, Moldue, Cracmole, ver de terre ? Vivante, morte, Inferi ? Aucune idée. Mes parents s'aimaient-ils ? Ça au moins je peux répondre : pour commencer, Rusard est incapable de sentiments, et ensuite je ne vois pas qui pourrait en avoir pour lui. Mince. Je dois être né dans un chou du potager du concierge. Ça expliquerait beaucoup de choses.

Je continuerais bien à démolir Rusard par écrit, mais voilà que Madame Pomfresh se croit obligée de m'amener un visiteur et l'heureux élu est...
C'est lui. C'est le Demogorgon. Cette fois, il a bien compris que je voulais m'échapper, j'ai compris qu'il a compris. Il a compris que j'ai compris que j'ai compris. Et moi j'ai compris qu'il a compris que j'ai compris qu'il a compris... Vous comprenez ce que toute cette compréhension veut dire ? Il va me tuer sitôt qu'il n'y aura plus de témoin, et je ne pourrai même pas me défendre. Ma baguette tremble au bout de mes doigts. Ce sera tellement facile. Il va m'étouffer avec cet oreiller de plume bien rebondi, comme ça ce sera propre. L'assassin appliquera les principes du concierge. Pas de boue dans le hall ! Oreiller immaculé, prêt à servir une prochaine fois ! Je contemple les traits de la mort qui s'approche. Ses traits prématurément vieillis, son dos déjà voûté, ses longs cheveux filasse. Il n'a pas plus de faux que de serpillère. Je suis étrangement déçu de devoir renoncer à ce mythe. J'aurais voulu quelque chose de plus grandiose…

A-t-il déjà tué quelqu'un ? Il a les yeux fixés sur moi, mais c'est à Madame Pomfresh qu'il s'adresse.

- Il sera rapidement sur pieds ?

Mon cerveau prend machinalement note de la non-inversion du sujet. Je le maudis pour sa trivialité.

 

- Une semaine environ, fait Madame Pomfresh en me jaugeant du regard et en se méprenant manifestement sur ma pâleur. C'était un gros choc.

- Il vous a raconté comment c'est arrivé ?

- Mon cher Rusard, je soigne les élèves, je ne mène pas d'interrogatoires. Parlez-lui, il est en face de vous !

Elle s'éloigne, m'abandonnant à mon destin. Un petit silence sadique s'installe, qu'il finit par rompre.

- Archibald. Comment te sens-tu ?

- Rerrrmmeu.

- Ça ne va pas ?

Je me reprends. Il le faut.

- Ça peut aller, Monsieur.

Il fait une drôle de tête. C'est celle qu'il prend, avant de "terminer" les élèves ?

- Tu n'as pas raconté à Madame Pomfresh ce que tu faisais dans le parc ?

Dans le parc ?! Dans le parc dans le parc dans le parc qu'est-ce qu'il a à me parler du parc nous savons lui comme moi que je n'y étais pas et qu'il m'a assommé avec une pierre alors pourquoi déguiser son infâme duplicité ?

- Quel parc ?

- Madame Pomfresh !!

L'infirmière arrive en courant.

- Tout va bien ? Rohan, vous vous sentez mal ?!

Plutôt, oui.

- Non, ça va, je réponds faiblement.

Rusard se détourne de moi comme si j'étais devenu une sorte de navet et se penche vers Madame Pomfresh.

- ...........

- Comment ? Je n'ai rien entendu, mon cher !

- Il-ne-souvient-pas-qu'il-était-dans-le-parc ! profère Rusard.

Ça, c'est sûr. Je n'étais pas dans ce foutu parc, j'étais en route vers la liberté. À quoi il joue ?

- Vous devriez peut-être lui faire passer des examens supplémentaires. Vérifier que rien n'a été touché là-haut, fait-il en se touchant la tempe.

Ah, ah ! C'est la meilleure celle-là. Il est bipolaire, le meurtrier ?

- Je lui ai fait passer les tests basiques et il les a tous très bien réussis, proteste Madame P.

- Justement, quelque chose vous a peut-être échappé, répond-il. Regardez, il ne sait plus qui il est.

Et, se tournant vers moi comme si je venais d'apparaître :

- Tu es sûr que tu te sens bien, Archibald ?

- Oui, Monsieur.

- Voyez ! déclare-t-il d'un ton triomphant à Pompom.

- Non, je ne vois pas, rétorque-t-elle sèchement.

Peut-être n'apprécie-t-elle pas de voir sa compétence remise en cause.

- Enfin, c'est évident ! Archibald, qui suis-je ?

Je commence moi aussi à perdre patience. Soit il me tue et il se dépêche, soit il me laisse tranquille. Mais qu'il arrête cette comédie ridicule.

- Rusard.

- Mais qui suis-je pour toi ?

- Le concierge !

Il me tourne à nouveau le dos :

- Là !! Il ne me reconnaît plus ! Je vous engage donc à le faire immédiatement transférer à Sainte Mangouste. Il est évident que son cas nécessite des soins plus...

Il n'a pas le temps de finir ses idioties parce que je me suis jeté sur lui, puisant dans je-ne-sais quelle réserve d'énergie. Je lui tombe dessus en hurlant :

- Tu as raison, tu n'es pas seulement Rusard le concierge, tu es le tortionnaire le monstre l'horreur je te déteste et je sais que c'est toi qui m'as assommé. Je ne te laisserai pas me tuer c'est moi qui vais te tuer je...

Je n'ai plus de force dans les jambes, je n'arrive même plus à parler et ce n'est pas l'effet d'un sortilège de l'infirmière. Sans aucun trouble apparent, Madame Pomfresh me fait léviter jusqu'à mon lit et prend le temps de rajuster les couvertures autour de moi. Elle murmure une formule magique d'une voix beaucoup plus douce que d'habitude. Ce n'est pas la voix de Madame Pomfresh, c'est la voix de Pompom. Je me sens partir.

Dans le brouillard qui s'opacifie, je la vois se tourner vers l'autre, toujours douce comme Pompom :

- Ce n'est pas à cause du choc s'il n'arrive pas à vous appeler son père, Argus. Vous lui en avez trop fait voir.

Je ne vois plus rien.

End Notes:

Merci d'avoir lu :)

Chapitre 8 - Ou comment faire des heures supp by Drachvador
Author's Notes:

Merci pour votre fidélité, merci d'être là !

On approche de la fin...

Bonne lecture, comme toujours !

Les dix jours que je passe allongé à l'infirmerie sont d'une platitude totale, excepté lors des visites de Mary Macdonald la fan des frites, qui parvient à mon chevet sous le fallacieux prétexte de m'apporter les devoirs. C'est vrai qu'elle les a, en plus. Je me demande comment elle fait. Je quitte quand même l'infirmerie avec soulagement – un peu marre de ne pas dormir la nuit par peur que Rusard ne revienne sur son apparente décision de ne pas m'achever.

L'effet positif de mon agression – qui que soit celui qui l'a perpétrée d'ailleurs, car j'ai eu le temps de bien réfléchir pendant ma période d'isolement – a été de faire passer le temps. Les élèves commencent à penser à autre chose qu'à mes livres moldus. Je retourne lentement mais sûrement à mon statut de fantôme. J'en profite pour reprendre mes lectures que j'avais un peu abandonnées. Plus par énervement d'ailleurs que pour céder à la pression des autres : il est extrêmement frustrant de commencer un livre, de se le faire arracher des mains et de ne jamais le récupérer - donc, de ne jamais connaître la fin de l'histoire !
Un matin de février, alors que je suis appuyé contre le mur en compagnie de William Faulkner (mon nouveau meilleur ami), je suis interrompu au beau milieu de ma phrase par un grand dadais. James Potter. Je vais finir par croire que c'est l'attribution exclusive des sixièmes années de s'immiscer dans la vie des quatrièmes.

- Eh, Rusard ! Ta tête va mieux ?

- C'est Rohan, je corrige machinalement.

Gaspillage de salive. Je doute qu'il s'en souvienne un jour.

- Ok. Et ta tête ?

- Ma tête va bien, merci !

Du calme, Archie. C'est quand même un sixième année. Et il te fixe, là. Fais un effort.

- Je peux faire quelque chose pour toi ?

- En fait, oui !

Par Ulric le Folingue. Je savais que j'en faisais trop.

- Déballe, je soupire, résigné.

- Ça ne te dérange pas qu'on aille un peu plus loin ?

Je le suis à contrecœur, mais je n'ai aucune raison valable de refuser : le cours de Flitwick ne commence que dans une demi-heure. Nous trouvons un corridor peu fréquenté. Potter s'appuie contre le mur avec un air de nonchalance qui a dû prendre des heures avant d'être au point. Je me balance sur mes pieds.

- Alors ?

- Tu avais vu juste, j'ai un service à te demander. Mais comme je veux être sûr que tu dises oui dans te faire prier, je voudrais commencer par éclaircir un certain point. Ta tête ne te fait plus mal, n'est-ce pas ?

- Non, mais je ne vois pas le rapport.

Il a complètement changé de langage, le joueur de Quidditch. On dirait un homme d'affaire... Je sens que je vais me faire rouler.

- Eh bien, disons que sans une certaine intervention tu serais toujours en train de moisir dans un certain tunnel.

- Tu parles de Rusard. Mais comment as-tu su que... que je vous ai suivi ?

Potter pouffe.

- Rusard ne sait rien du tunnel, junior... Il croit que tu es tombé dans le parc, et crois-moi ça l'a rendu très soucieux. Il tient à toi ton petit Papa. En revanche, moi, je savais que tu y étais. Je savais que tu nous suivais depuis le début.

- Mais comment ?!

Il grimace.

- C'est une trop longue histoire.

Je réfléchis.

- Attend. C'est toi qui m'as assommé ? Tu n'as pas osé faire ça ? Tu as failli me tuer !!

Il se remet à rire de plus belle. Apparemment, nous ne partageons pas la définition du mot "humour".

- Quoi ?!

Il n'arrive à s'arrêter. J'ai envie de le secouer. Calme, Archie.

- Stupide Gryffondor ! C'est quoi ton problème ?

Il parvient à reprendre son souffle le temps de hoqueter :

- Tu t'es assommé tout seul.

Et le voilà reparti...

- Quoi ??! je m'écrie.

J'ai le rôle des interjections aujourd'hui. Mais qu'est-ce que je pourrais dire de plus face à ça ?

- Tu t'es pris une pierre un peu plus basse que les autres en grimpant pour sortir. Tu devrais faire plus attention quand tu marches, m'explique-t-il, un peu essoufflé. Et moi, quand j'ai vu que tu n'arrivais pas, j'ai... Disons, j'ai vérifié que tu étais dans le tunnel. Avec Sirius, Remus et Peter, on y est retourné et tu étais inconscient. Tu aurais dû voir le sang... Ça n'a pas plu du tout à Remus d’ailleurs. Alors on t'a ramené au château et on t'a déposé dans le parc, près d'une possible arme du crime. On ne pouvait pas parler du tunnel - ça aurait été du gâchis, et puis, si j'ai bien compris, tu n'es pas censé sortir, pas vrai ? Ensuite, on a guidé Rusard jusqu'à toi grâce à quelques bombabouses habilement explosées...

Par Merlin.

- Merci. Je vous suis tellement reconnaissant à tous les quatre, je...

- Justement, me coupe James, en parlant de reconnaissance, on ne va pas rester là toute la journée. Donc, voilà ce que tu vas faire : boire ça à cinq heures moins cinq.

Il me tend une flasque.

- Tu veux que je boive à ta santé ?

- Pas tout à fait. C'est du Polynectar. J'ai besoin que tu te transformes en moi et que tu fasses ma retenue avec Rusard à ma place. C'est très important. De cinq à six. Oh, je savais que tu dirais oui !

Il a l'air prêt à me laisser là avec sa flasque moyenâgeuse qui, pour autant que je sache, est peut-être remplie de poison.

- Et pourquoi je ferais ça ?

- Oh, allez Rus... Rohan, tu as dit toi-même que tu étais si reconnaissant ! On t'a sauvé la vie je te rappelle, ça fait un bon paquet d'heures ! Je t'en demande juste une en retour.

- Tu ne peux pas demander à tes amis ? Et comment tu as eu ce Polynectar d'abord ?

- Ils sont tous en retenue. On l'est tous les quatre. Et le Polynectar fait justement partie des raisons pour lesquelles on est puni. Tu sais, quand tu fouilles là où tu ne devrais pas et tout ça...

Je soupire.

- C'est d'accord.

- Merci, Rohan ! Tu sais, j'ai quand même pris un risque en te mettant au courant. Tu es quand même le fils de celui que je m'apprête à berner...

-Retire ça tout de suite.

Je sais qu'il voulait rire, mais il a le bon goût de faire machine arrière en voyant ma tête.

- Ok ! Tu es le fils d'un lointain magnat des tapis volants. Je retire. Oh, et n'oublie pas d'ajouter ça dans la potion avant de la boire.

Il me tend un sachet contenant des cheveux.

-Ah non, c'est trop sale !

Je recule et me heure au mur, beurké. Je suis serviable et reconnaissant, mais il y a des limites. Boire les cheveux de quelqu'un les outrepasse largement.

- Fais pas ta chochotte, Rohan ! J'aurais pu te donner un ongle de pied...

- Tu es sale.

- C'est faux ! fait James Potter, l'air réellement offusqué. Je me lave, moi ! Un jour, j'ai dû en boire, pour me transformer en Rusard-avec-qui-tu-n'as-aucun-lien-de-parenté justement. Je peux t'assurer que ça c'était dégoûtant. Mais de l'extrait de moi ! Non, ça, c'est très propre. Il y en a qui seraient prêts à payer pour en obtenir, et toi tu fais prier ! Et puis c'est le seul moyen.

Je renonce à poser des questions. Pourquoi se transformer en Rusard ? Non, pas de questions, on écourte cet échange, je ne veux pas savoir. Je finis par prendre le sachet du bout des doigts.

- Je ne te garantis pas que je ne vais pas vomir.

- Oh, ce n'est pas un problème ! répond l'impitoyable égoïste. Tant que tu le fais après que la potion aura fait effet. Bon, passe une bonne soirée, Rusard ! Merci à toi et ton Attrape-Peurs !

Et il s'éclipse, me laissant avec une flasque dans une main et un sachet de cheveux dans l'autre. Rien de très suspect.

 


Aux alentours de cinq heures ce soir-là, je me résous à boire de l'extrait de Potter, ce qui comme prévu me donne envie de régurgiter tout ce que j'ai ingéré depuis ma naissance. Quelques ajustements de taille, de cheveux et de forme du visage plus tard, je descends dans la salle commune avec des vêtements un peu justes et une myopie terrible - heureusement palliée par une paire de lunettes que Potter, prévoyant quand ça lui chante, a déposées sur mon lit pendant la journée. Et bas, les élèves me jettent des regards différents de ceux de d'habitude. C'est bizarre, aucun d'eux ne se jette sur moi pour me prendre mes livres... Les filles en particulier me regardent d'une manière... spéciale. Je ne savais pas que j'étais si beau, enfin que Potter l'était. C'est assez agréable et je resterais bien pour, disons, approfondir le potentiel de cet état de fait, mais le devoir, qui rime avec Rusard, n'attend pas. Justement...

- Hé, Potter !!

Je le reconnais, celui-là, c'est un batteur de l'équipe de Quidditch. Mais pour son nom, envolé avec les Canons de Chuddley...

- Potter, pour l'entraînement de Quidditch de ce soir, je n'ai pas bien compris...

Ouf, au moins une question à laquelle le nouveau capitaine de l'équipe a la réponse.

- Il est annulé. Je suis en retenue avec Rusard.

- Le jour de la Saint Valentin ! Oh, dur ! Enfin moi ça m'arrange si on n'a pas entraînement, du coup... Désolé pour toi mon gars.

Le 14 février. Bien sûr. J'avais oublié, c'est dire si ma vie sentimentale est développée.

- Ouais, dur. Tu m'excuses, je dois y aller...

Il me regarde comme si je venais de l'engueuler. Ah, oui, c'est vrai. Être Potter, pas Archie. Donc faire des blagues en se croyant spirituel.

Je me fends du sourire espiègle de Potter.

- Tu comprends, Rusard m'apprécie tellement, je ne pouvais pas lui refuser cette retenue. Notre relation passe avant le Quidditch.

Il s'esclaffe, je m'esclaffe, je reprends ma route. Dans les couloirs, on me salue, me sourit. Deux minutes avant l'heure fatidique, j'arrive devant le bureau de Rusard. Lupin, Black et Pettigrow sont déjà là.

- James ! s'exclame le premier, jovial. On pensait que tu n'arriverais jamais !

- T'inquiète Remus, je n'aurai manqué ça pour rien au monde.

Je ponctue ma déclaration en me passant la main dans les cheveux.

Lupin a l'air impressionné.

- Tu joues bien la comédie, on dirait vraiment lui !

- Oh, il n'est pas très difficile à imiter ton copain. Un peu de vanité, un peu de surestime de soi, surtout pas de respect pour les autres et le tour est joué, dis-je en prenant un air avantageux.

Lupin éclate de rire, mais Black me lance un regard noir. Il n'a pas l'air content que je critique son copain. Quelle loyauté, vraiment. Je pensais pourtant m'en être tenu à la stricte vérité. Il fronce les sourcils et avance vers moi.

- Écoute-moi bien, mini-concierge, je peux tout à fait prouver à ton Papa que tu n'es pas James, alors si tu veux éviter les ennuis...

- Si tu veux éviter les ennuis tu ne révèleras pas qu'il a joué le chantage de la gratitude à un élève et qu'il a séché une retenue. Mais si tu veux absolument me démasquer, n'hésite pas. Me mettre sur un balai suffira, je suppose.

C'est ce moment que choisit Rusard pour arriver, son énorme trousseau de clefs cliquetant à sa ceinture. Sans un mot, il nous fait signe de le suivre. Un demi-sourire flotte sur les lèvres de Black. Je serais drôle, finalement ? Ou peut-être n'est-ce que l'effet Potter ? Le Polynectar a peut-être des effets sur le cerveau de celui qui le boit. Oh Merlin, fais que mon QI ne soit pas divisé par deux. Seul de l'extrait de Dumbledore pourrait rectifier le tir après ça.

Sous la surveillance rapprochée de Rusard, nous passons l'heure suivante à astiquer des armures à la façon moldue. Quel idiot, il ne sait pas qu'il m'entraîne à ma vie future. Je m'occupe précisément de celle derrière laquelle j'avais vécu des heures si enchantées. Je souris devant l'ironie de la chose : c'est à cause de ma petite escapade que je me retrouve là, grimé en James Potter, occuper à faire reluire un gantelet d'acier. Nous travaillons en silence, Rusard passant comme un contremaître entre les rangs et prodiguant se petits commentaires. Au bout d'une heure, nous avons tous le dos et les bras en compote. Rusard se déclare "satisfait jusqu'à la prochaine fois" et nous laisse partir. Nous remontons lentement les étages. Je suis les trois autres, un peu à la traîne.

- Salut, Potter !

C'est une Serdaigle de sixième année. Elle est très jolie. Je m’ébouriffe machinalement (machinalement !) les cheveux, ouvre la bouche pour lui rendre son salut, faire connaissance... Mais soudain Lupin me tire par le bras. Je n'avais pas vu qu'ils s'étaient arrêtés. Vu leur tête, on dirait que j'ai commis un crime.
- Désolé, il ne se sent pas bien du tout, dit Black à la fille en utilisant son sourire si célèbre parmi les filles de Poudlard – vous ne pouvez pas savoir combien de fois je l'ai imité dans le miroir, pour obtenir des résultats pitoyables. Tous m'entraînent au pas de charge, Lupin à gauche, Black à droite, Pettigrow derrière.

- Quoi ?! je m'exclame dès que nous sommes hors de portée. Je ne faisais rien de mal, non ? Vous ne pouviez pas me laisser profiter un peu !

- C'est pas que ça nous embête de te laisser profiter, fait Black en appuyant sur le dernier mot, et je me sens rougir. Mais tu es en train de redevenir toi-même.

- Oh, merde !

Je passe ma main sur mes cheveux. Ils me barrent le front à présent, tout plats.

 

J'enlève mes lunettes, désormais inutiles, et les tends à Black.

- Tu donneras ça à Potter de ma part. Allez-y, je vous suivrai de loin.

Celui-ci prend les lunettes sans parler mais Lupin rétorque :

- Qu'est-ce que tu racontes, Rohan ? Venez, retournons à la salle commune.

Pendant que nous grimpons les différents escaliers, les trois amis alimentent la conversation comme si je faisais partie du groupe. Je me surprends à rire avec eux. Puis je rejoins mon dortoir, partiellement parce qu'être un autre est exténuant, sans mentionner cette séance de ménage. Mais c'est aussi pour déposer L'Attrape-cœurs sur le lit de Potter avant que les dortoirs soient bondés d'élèves débraillés avec une brosse à dents dans la bouche. D'après ce qu'il a laissé échapper, c'est à cause de la fille de ce jour-là, la préfète, qu'il voulait échapper à sa retenue. Il se pourrait qu'elle révise son jugement sur lui, même si l'autre fois ça avait l'air mal parti. Donc, autant qu'il sache que le vrai titre ne consiste pas à attraper les peurs.

Je souris tout seul en me glissant dans mon lit.

Chapitre 9 - La passion des shortbreads by Drachvador
Author's Notes:

Le prochain chapitre sera le dernier !

Bonne lecture !

Assis face au lac, je contemple l'horizon. Il fait chaud pour un mois de mars. Ma vie est moins compliquée que d'habitude. La preuve se trouve à côté de moi. Mary, allongée sur sa veste, lit un livre de potions, les yeux plissés à cause du soleil, et me fait de temps en temps part de ses commentaires. Elle a décidé de m'appeler son "petit frère", même devant les autres élèves. Bizarrement, ça les a un peu obligés à ralentir me concernant. Malgré cela, j'ai toujours envie de voir le monde, de quitter Poudlard. Même si ce n'est plus exactement pour fuir. J'adore lorsque Mary me parle de chez elle, de ses parents, sa famille, des voyages qu'elle a faits aux États-Unis. Pendant qu'elle lit, que les autres élèves répartis sur le gazon discutent ou font leurs devoirs, je ne peux m'empêcher de me refaire encore une fois le film de la plus grande surprise que j'aie jamais eue. Parce que, voyez-vous, quand j'ai prêté mon exemplaire de Salinger à James Potter, je pensais pouvoir faire une croix dessus, et cela s'applique à l'élève comme au bouquin qui, je l'imaginais, finirait dans les toilettes de Mimi Geignarde. Cependant, dix jours plus tard, j'ai eu la surprise de retrouver le livre sur mon lit, accompagné d'un bout de parchemin orné d'une écriture brouillonne : Tu en as d'autres comme ça ?

Le plaisir de transmettre que j'ai éprouvé à ce moment-là a de loin dépassé tout ce que Madame Pince a ressenti le jour où un deuxième année a emprunté Prolégomènes à toute magie future qui pourra se présenter comme science. Je me suis donc acquitté de ma tâche avec délectation. C'était, c'est, en fait, la première fois que je partage mes livres avec quelqu'un. Quelle importance s'il s'agit de Potter que je peux difficilement encadrer lorsque nous sommes face à face ? Ce soir-là, j'ai ouvert ma malle et ai enclenché le deuxième loquet. Il s'agit d'une malle spéciale que le Professeur Flitwick m'a offerte pour mes huit ans. N'importe qui peut l'ouvrir, mais il n'y trouvera que des choses ordinaires. C'est dans le double-fond, accessible par moi seul, que sont rangés mes livres. C'est dans ce fond qui tend un peu à déborder que j'ai choisi le livre qui, selon moi, correspondait le mieux à un jeune idiot : Ne tuez pas l'oiseau moqueur de Harper Lee. D'un coup de baguette, je l'ai transformé en Geais moqueurs et maléfices de Suzanne Lee et je suis descendu dans la salle commune. Comme je m'y attendais, Potter était là entouré d'une petite cour. Je me suis mis dans mon coin habituel. Lorsque j'ai eu la certitude qu'il m'avait vu, je suis remonté, "oubliant" le livre. C'était à peu près sans danger : je ne vois pas qui aurait eu envie de se plonger dans un tel volume durant ses heures de loisir. Excepté Potter qui, je le devinais, nourrirait pendant les jours suivants une passion assez intrigante pour tout ce qui touchait les oiseaux. J'ai été très fier de constater que ça n'a pas manqué. Au fil des semaines, nous avons poursuivi nos échanges livresques. Potter semble préférer ce mode de communication à distance - apparemment, il souhaite cacher qu'il n'est pas aussi borné et réfractaire à toute forme de culture qu'il n'en a l'air. Je raconterais bien tout ça à Mary, mais si Potter ne veut pas que ça se sache, c'est son choix. "Comme si lire était honteux", me dis-je en baissant les yeux sur mon propre roman.

- Pourquoi tu souris, petit frère ?

- Rien rien, Mary.

Non, vraiment, Poudlard n'est plus si terrible.

À la tombée du jour, nous reprenons nos affaires pour retourner au château. Nous nous engageons sous les arcades.

- Tiens, voilà l'Attrapeur, remarque Mary.

- Rusard, McGonagall veut te voir dans son bureau.

- Salut quand même, Potter.

- Macdonald. Très en beauté aujourd'hui, réplique l'autre.

- Mouais, rattrape-toi comme tu peux. Je vous laisse là. Sois sympa avec mon petit frère, Potter !

Elle s'éloigne en agitant la main.

- Elle est bizarre, Macdonald. Sympa, mais bizarre, commente Potter. On y va ? Je t'accompagne.

- Elle t'a dit pourquoi elle voulait me voir ? je demande pendant que nous entrons dans le château proprement dit.

- Oh, il paraît que tu vas être renvoyé.  Tes amis les Serpentards ont organisé une fête...

Je soupire, amusé malgré moi.

- Et Le Joueur ?

- Génial, Rusard... euh, Rohan. On dirait que ça a été écrit par un sorcier.

- Je crois que c'en était un.

Il y a un bref silence. Potter sort un vif d'or de sa poche. La petite balle déploie ses ailes et il la laisse s'envoler de quelques centimètres avant de la rattraper.

- Potter, j'ai une question à te poser. Pourquoi tu m'as demandé à moi de prendre le Polynectar ? Tu aurais pu demander à n'importe qui.

- D'abord, parce que tu me devais un service, fait Potter toujours concentré sur le vif.

J'attends la suite. Je dois patienter jusqu'à ce qu'il ait rattrapé son jouet.

- Ensuite, parce que je savais que tu n'en profiterais pas.

Je le regarde, étonné.

- Je savais que tu n'abuserais pas de l'avantage que ça donne d'être moi. Ça peut être grisant d'être James Potter, tu sais ? Je savais que toi, tu serais honnête et que tu n'en profiterais pas pour séduire des filles, par exemple.

- Tu es tellement imbu de toi-même que ça me dégoûte.

Et dans ma tête je pense à la fille de Serdaigle. Heureusement que les autres Maraudeurs n'ont pas cafté.

- D'ailleurs, ça craint carrément d'être toi, Potter. Tu... tu as une vue épouvantable !

Potter s'esclaffe, moi aussi. Le danger est passé.

- Tu es arrivé. Bon courage avec McGo le petit frère !

Il s'éloigne à grandes enjambées, sur les talons de son vif d'or. Je toque à la porte du bureau et aussitôt j'entends la voix si caractéristique du professeur McGonnagall.

- Entrez !

Elle est là, trônant devant son bureau, et m'invite d'un geste à m'asseoir.

- Prenez un biscuit, Rohan, fait-elle en me tendant une boîte aux motifs écossais.

Oh non. Pas les gâteaux. Tout allait si bien... Mais peut-être ne comprenez-vous pas.

Les gâteaux ne sont jamais bon signe avec le Professeur McGonnagall. Quand j'avais cinq ans, c'est elle qui m'a appris que mon crapaud, Trésor, s'était "accidentellement" (comprendre : par la volonté de Rusard) retrouvé mélangé à d'autres congénères pendant son cours de métamorphose et qu'il avait désormais la forme d'une tabatière.

À dix ans, j'ai appris en grignotant un biscuit que mon balais-jouet s'était (à nouveau accidentellement) retrouvé à portée des branches du bébé saule cogneur qui avait fait ses premières armes dessus.

À douze ans, elle m'a mis au courant d'une étrange rumeur selon laquelle j'étais un demi-troll. Bref. On comprend que j'aie développé une phobie pathologique des shortbreads.

 

- Non merci, Professeur.

- Prenez, Rohan, insiste-elle.

J'attrape un biscuit du bout des doigts, l'estomac noué. Je le regarde sans pouvoir me résoudre à ce qu'on attend de moi.

- Mangez !

Je mange. Il a le goût du goût. Par la volonté de Merlin, que vais-je apprendre aujourd'hui ?

- Je me demandais, Rohan, si vous aviez déjà envisagé de poursuivre vos études à l'étranger.

Je m'étrangle. Je le savais, ces biscuits ont toujours voulu ma mort. Les larmes jaillissent de mes yeux.

- Pardon ?!!!!!!

- Je vous en prie, ne parlez pas la bouche plein. Connaissez-vous le Magicmus ?

Je fais non de la tête.

- Il s'agit d'un accord de coopération magique international entre les écoles de sorcellerie européennes. Il permet à nos étudiants les plus prometteurs -et motivés - de partir se former durant une année à l'étranger, et ce à partir de leur cinquième année. Étant donné que vous persistez à m'exposer l'intérieur de votre cavité buccale, ce qui est très malséant, je présume que vous êtes intéressé.
Ma bouche se referme. Je ne sais pas si c'est un de ses sorts ou si c'est moi qui ai retrouvé le contrôle de mes muscles.

- Je sais que, grâce à certains cours par correspondance, vous maîtrisez les rudiments du français. Pourquoi ne pas partir l'année prochaine à Beauxbâtons, en France ? Le comité qui supervise les échanges entre nos deux écoles est d'ores et déjà disposé à vous accorder une bourse. Qu'en pensez-vous ?

Je n'arrive pas à y croire.

- Ce... ce serait merveilleux, je bégaye.

- Je le crois bien, répond le Professeur McGonagall qui a l'air de beaucoup s'amuser à mes dépens derrière son air sévère.

Puis le tableau - moi ailleurs, dehors, hors de portée de Poudlard -s'assombrit.

- Mais... et Rusard ?

- Précisez votre pensée, Rohan.

J'avale les derniers éclats de biscuit qui s'étaient attardés dans ma bouche.

- Il ne me laissera jamais partir. Il a toujours tout fait pour me gâcher la vie. Je n'ai pas le droit d'aller à Pré-au-Lard, alors en France...

- Votre père, M. Rusard, ne peut s'opposer à la volonté de l'École. Si nous estimons que l'élève possède à la fois l'envie et le mérite, l'opposition d'un parent, quelque tenace qu'il soit, ne peut empêcher le Magicmus de se faire. Vous êtes le meilleur élève de votre maison, Rohan, si ce n'est de votre année. Vous représenterez Poudlard avec honneur, quel que soit le degré d'attachement que vous lui portez. Nous souhaitons que vous partiez. Pour autant, il n'est pas nécessaire d'en informer dès maintenant M. Rusard. Je vous conseille de l'en informer, disons, par hibou une fois que vous serez arrivé. Ce sera tout, Rohan. Je vous ferai parvenir les documents.

Merci merci merci merci Merlin. Je lui sauterais au cou si je n'étais pas certain de me faire stupéfixer de suite.

Les jambes flageolantes, je m'apprête à sortir puis me ravise, la main sur la poignée.

- Professeur ?

- Oui, Rohan ?

- C'est la meilleure nouvelle que j'aie jamais entendue... Pourquoi les biscuits ?

Le Professeur McGonagall rajuste ses lunettes sur son nez.

- Parce que les biscuits sont bons, Archie.

End Notes:

J'espère que ça vous a plu ! A bientôt j'espère :)

Chapitre 10 - 9 3/4 by Drachvador
Author's Notes:

Le dernier chapitre, tant attendu (par moi bien sûr). Bonne lecture !

(Et un titre très original pour finir en beauté)

 

L'allégresse générale du début des vacances, que pour la première fois je partage pleinement. Les gestes mille fois répétés par les autres élèves, qui sont tout nouveaux pour moi. Vérifier qu'on n'a rien oublié dans le dortoir, sous le lit, dans les coins. Traîner sa valise dans les couloirs, la hisser dans les diligences, puis sur le quai du Poudlard Express. Le plus beau train du monde. C'est la première fois que je monte dedans. Je trouve un compartiment vide (et je m'escrime sur la poignée pendant cinq minutes avant de résoudre mon problème avec un Alohomora ! rageur). Je m'assois sur la banquette après avoir hissé tant bien que mal ma valise sur le filet. La vitesse du train me surprend. Le paysage commence à défiler. C'est une sensation merveilleuse, plus magique que tous les enchantements du Professeur Flitwick. Chaque seconde m'éloigne un peu plus de ce que j'ai toujours connu, me rapproche du nouveau. Et cette fois, pas de risque de ne pas arriver à bon port : même si je m'évanouis, le train continuera à avancer (mais est-ce vraiment réconfortant ?). Dans les compartiments alentours, j'entends les hurlements de rire des élèves heureux d'être enfin en vacances. Je souris moi aussi en fourrant dans mon sac ma robe de sorcier et ma baguette. L'année scolaire est finie. Gryffondor a remporté la coupe des quatre maisons (comment aurait-pu en être autrement après le magnifique attrapé de Vif dont Potter nous a gratifiés trois minutes après le début du dernier match de la saison, ce qu'il a expliqué par la suite en disant qu'il avait beaucoup de choses à faire ?)

Au bout d'un moment, quelqu'un toque et fait glisser la porte. C'est Mary, accompagnée d'une de ses amies, la fille aux cheveux roux flamboyant.

- Salut Archie, sourit-elle en s'asseyant. Mary m'a beaucoup parlé de toi. Je m'appelle Lily.

- Je sais.

Et je me rappelle aussi que je ne l'ai jamais remerciée.

- Merci pour ce que tu as fait avec mon livre.

- Oh, de rien. En fait, je te dois plutôt des excuses. J'aurais dû intervenir plus tôt. En tant que préfète, je voudrais protéger tout le monde, et je n'ai même pas parlé à tous les élèves de ma maison...

- Tu n'as rien à te reprocher. Mon cas est particulier.

- C'est le moins qu'on puisse dire, intervient Mary. Ne laisse pas Lily faire ses Mea culpa, petit frère, elle est en a pour toute la journée ! Vous faites quoi pour les vacances ? Faites-moi rêver, je suis coincée chez mes parents pendant deux mois !

Lily part en Écosse. Mais c'est surtout ma propre année scolaire en France qui enthousiasme les deux filles.

- Beauxbâtons ! Ça a l'air tellement bien. Je me demande si ça ressemble à Poudlard... dit Lily, songeuse.

Honnêtement, j'espère plutôt le contraire, mais elle ne pourrait pas comprendre. Alors je me contente de sourire. Je suis tellement heureux que ce n'est pas difficile. Une année entière de liberté m'attend. En septembre, l'académie française de magie, mais avant cela, tout un été à vivre, dont je n'ai pas décidé le plus petit détail. Même si j'ai plein d'idées.
La conversation roule sur le père :

- Comment il l'a pris, le vieux Rusard ? demande Mary.

Lily lui donne un coup de coude. Mary a beau n'avoir rien dit de "positivement négatif" sur lui, elle a l'air affreusement gênée. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi... je ne sais pas, prévenant ?

- Ne t'en fais pas, Lily. Je suis le mieux placé pour savoir à quel point c'est un con.

Oh, que c'est libérateur ! Les wagons,  à l'inverse des murs du château, n'ont pas d'oreilles. Je reprends :

- Et il était un peu déçu que je parte, bien sûr, mais s'en remettra. Vous savez qu’il a donné une semaine de retenue à Zabini parce qu'il avait parlé un peu fort devant son bureau ? Il venait d'apprendre mon départ. Un effet collatéral positif...

Malgré tous mes efforts pour garder mon départ secret, Rusard a fini par en être informé. À partir de ce moment-là, il a tout fait pour que mon dossier soit invalidé, et dans son charmant esprit cela passait par mon inculpation pure et simple d'une infraction au règlement de l'école, que ce soit "Élève hors des dortoirs" ou "Élève qui ne s'est pas essuyé les pieds". Jamais je ne l'ai autant croisé que pendant ces quinze derniers jours - ça a été un enfer. J'évitais même de respirer. Il était constamment là, au croisement de deux couloirs, les yeux fixés sur moi. Sa chatte, Miss Chipie, me suivait partout. Elle a même essayé de passer ses nuits dans mon dortoir, avant que mes camarades de chambre, excédés, ne fassent retentir des aboiements qui auraient pu appartenir à un chien à trois têtes, ce qui l'a mise en fuite pour de bon. Mis à part ma complicité dans cet acte de maltraitance, ma conduite a été irréprochable et Rusard a bien été obligé de s'incliner (ce qu'il fait déjà en permanence à cause de son dos, mais ayons quelques égards pour le sale bonhomme et brisons là).

- Mais au fait, je poursuis, vous savez qu'il n'est pas si vieux que ça, le "vieux Rusard" ! Il a seulement trente-six ans !

- Noooon ! Incroyable !

- Je pensais qu'il en avait soixante-dix !

Nous partons d'un rire incontrôlable. Mary commence à reprendre son souffle, le visage caché dans l'épaule de Lily, lorsque James Potter ouvre la porte du compartiment. Soit dit en passant, il le fait avec une nonchalance déconcertante, comme si ouvrir cette satanée porte était la chose la plus simple du monde... J'ai envie de lui jeter un sort pour ça, ça me démange... Non, par instinct de survie, je m'abstiendrai.

- Rohan, fait-il avec un sourire pour me saluer, avant de remarquer la présence de mes deux comparses. Oh, Macdonald, Lil... euh, Evans, je ne pensais pas que vous seriez là, enfin je veux dire, je pensais te trouver seul Rohan, non, je ne savais pas que vous étiez amis...

- Arrête, Potter, tu te fais du mal, dit Mary prête à rire à nouveau.

- Salut, Potter, dis-je pour mettre fin à sa torture.

Après tout, il est doué en Quidditch et il sait lire. Il peut encore servir à quelque chose.

- Sans tes acolytes ? demande Lily d'une voix railleuse que je ne lui connais pas.

- Je suis parfois capable d'agir tout seul, Evans, rétorque Potter.

Il passe ses doigts dans ses cheveux, puis a l'air gêné comme s'il se rendait compte de ce qu'il faisait.

- Je voulais juste te rendre ton livre, fait-il en me tendant Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad.

Par Merlin, il me le rend en public. Ça explique son air de martyr. Mais Mary et Lily sont des nées-moldues, elles peuvent comprendre.

- Ça t'a plu ?

- Un peu déprimant. Non, se reprend-il. C'était très beau.

Les deux filles suivent notre échange avec autant d'attention que les spectateurs d'un match de tennis - vous connaissez ? Lui attend visiblement quelque chose.

- Euh... Tu m'as fait la liste ?

- Ah oui ! je m'exclame. J'avais oublié !

Je fouille dans mon sac avant d'en extirper un bout de parchemin que je lui tends.

- Voilà. Je t'ai mis le meilleur.

- On dirait de la drogue, ne peut s'empêcher de lâcher Mary.

- C'est à peu près ça, je dis, et je lui fais mon plus grand sourire.
L'intermède permet à Potter, qui a enfoui à son tour le papier dans sa poche, de reprendre contenance.

- Bon, eh bien... Je te souhaite de passer une bonne année en France.

- Merci, Potter. Bonnes vacances à toi aussi.

- Bonnes vacances, Macdonald, Evans.

Dès que la porte du compartiment s'est refermée sur lui, Mary explose :

- Tu prêtes des livres à James Potter ?!

- Euh, oui. Enfin, plus maintenant.

- Incroyable, fait Mary, estomaquée. T'en penses quoi, Lily ? Lily ?

Mais Lily n'est plus là, elle est sortie du compartiment, ou au moins son esprit.
Et moi je sais à quoi elle pense. La tentative de Potter en février n'a pas fonctionné, évidemment. Elle a dû le repousser violemment. Et maintenant elle se demande si elle l'a mal jugé, elle est tellement gentille qu'elle ne le supporterait pas. Je vois la fin d'ici là. Que de pathos en perspective ! Mais je suis gentil, moi aussi. Je vole à sa rescousse (ça devient une habitude, il faut que je me surveille) :

- J'ai affreusement faim. Pas vous ?

- Mon ventre ne cesse de gargouiller, dit Lily d'une voix faible.

Et le train continue d'avancer.


Comme les autres, comme si c'était totalement normal et que je n'avais pas peur de m'écraser le nez, je passe le mur de briques qui sépare le quai 9 3/4 de la gare de King's Cross. Dumbledore s'est peut-être trompé de mur quand il était étudiant. Pas le temps d'approfondir cette intéressante réflexion : je me retrouve dans un lieu bondé de gens de tous âges, vêtus de jeans, de costumes et autres jupes colorées. Le rêve. Le monde moldu dont parlent tous ces romans, ces pièces de théâtre, ces poèmes. Moi aussi je fais comme si j'en étais un, après un dernier au revoir à Mary et Lily. Il faut croire que j'ai ça dans le sang. Comme un Moldu, je prends un autre train. Puis un bateau. Heureusement que j'ai lu des livres sur le Titanic, sinon je n'aurais pas cru qu'un tel truc pouvait flotter. Le mien n'a pas fait naufrage cela dit. Concernant mon estomac, c'est une autre histoire, mais il vaut mieux laisser des zones d'ombre. Enfin, j'ai débarqué en France. Autre train. Rien ne se ressemble. Tous les paysages sont beaux. Évidemment, je n'ai pas de points de comparaison, mais c'est ça qui est bien. Ils ne sont pas beaux par rapport à, mais beaux tout court.

 

Dix jours plus tard

 


Je suis assis à la terrasse de l'hôtel que je me suis choisi. J'observe les Moldus qui passent. J'essaie de deviner lesquels sont des sorciers, peut-être cet homme au pantalon vert ? Et puis j'arrête parce que je n'en ai rien à faire. Amélie est assise à côté de moi. Elle s'est finalement décidée à refaire son apparition. Quand je lui ai demandé des explications, elle m'a dit que c'était pour que l'Histoire advienne. Pour que je me fasse des amis, que Lily découvre les lectures de Potter, que je parte de Poudlard. Explication peu satisfaisante, mais comment bouder ? Je comprendrai plus tard. Je n'ai plus autant besoin de lui parler qu'avant. Elle est seulement une présence discrète, qui m'assure que je ne suis pas seul.

J'ai rangé ma baguette dans ma valise. Je ne la ressortirai qu'en septembre. Il sera toujours temps de penser magie à ce moment-là.

Je commence la meilleure année de ma vie.

FIN

 

End Notes:

J'ai enfin terminé l'histoire d'Archie ! J'espère que ça vous a plu. J'ai beaucoup aimé l'écrire, je suis un peu triste de le quitter...

Je tiens à vous remercier de m'avoir lue jusqu'au bout.

A bientot peut-être !!

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