Dans la cour du Musée, le calme était quelque peu revenu. Le nuage de poussière ocre qui inondait les lieux s'était progressivement dissipé, laissant miraculeusement apparaître le bâtiment pluri-centenaire presque intact (du moins en surface).Seules quelques fissures qui rampaient dans le sol, balafraient la fontaine et les murs témoignaient que le choc avait été réel. Il avait totalement réduit à néant les efforts des ouvriers qui avaient passé les cinq derniers mois sur la restauration de l'antique palais.
Pourtant, les détonations successives qui avaient secouées les pavés de la place auraient dû, selon toute logique, causer beaucoup plus de dégât encore.
Rampant sous les pierre comme une nuée d'insectes, les secousses s'étaient propagées dans les rues de la ville rouge, rappelant à certains habitants réveillés dans leur sommeil l'angoisse sourde d'un nouveau tremblement de terre, et à d'autres, aux quelques invisibles qui investissaient les arcades de la ville à la recherche d'un abris contre la chaleur et l'insomnie, les échos de la guerre. Puis les vibrations avaient cessés comme elles étaient venues, les écrans et les postes de radio avaient parlé d'une conduite de gaz qui aurait explosé causant l'effondrement des sous sol du musée d'archéologie mais laissant le reste de la ville indemne
Les carabinieri avaient pris à part les témoins de l'incident. Ils avaient confiné à l'intérieur de la cours du musée les quelques noctambules présent dans la via dell'Archiginnasio au moment des faits qui n'étaient heureusement pas blessés. La plupart semblaient par contre en état de choc, un peu hagard, les oreilles vrillées. Une marée d'uniforme bleu sombre, un peu éclaircie par quelques bande blanche typique des casquettes des policiers municipaux, avait établie une barrière à l'entrée du musée. Les badeaux attroupés dans l'espoir d'avoir une anecdote à raconter ou à filmer se faisaient repousser fermement.
Quelques aurors infiltrés dans la brigade avaient pris en main les choses et oubliaitaient les personnes qu'ils finissaient d'interroger. Le lieutenant de police Lucio Battaglioli faisait partie de ces derniers. Réveillé à deux heures du matin, alors qu'il avait tout juste fini par trouver le sommeil, l'homme tâchait de rester professionnel malgré la fatigue qui se lisait clairement sur ses traits. Il était efficace, de son ton rassurant jusqu'à ses mouvements de baguette dissimulés par l'ample poche de son blouson usé.
A vrais dire, Lucio détestait cette partie de son métier. Ce qu'il aimait lui, c'était être sous couverture, comparer son monde à celui des moldus, chercher des indices et être en contact avec différentes personnes. En apprendre plus sur l'âme humaine en général tout en essayant de ne jamais oublier le bon, ça c'était son truc. Il était probablement le seul sorcier infiltré de la ville qui ne prenait jamais de haut les moldus, du moins c'est ce qu'il aimait se répéter lorsqu'il entendait ses collègues fanfaronner lors des soirées mondaines organisées par le ministère de la magie Italien.
L'homme n'était pas jeune, ses cheveux bruns étaient parsemées de gris et quelques rides durcissaient son visage déjà naturellement anguleux. Il approchait de la retraite et avait choisi sa dernière affectation en repoussant les honneurs de sa carrière de chasseur de mage noir pour préférer revenir dans la ville où il avait grandit.
Il ne regrettait pas un instant son choix, il aimait déambuler dans le décors qui avait bercé ses rêves d'enfant : ceux qu'il avait en lisant des comics, avec des flic désabusés mais humains qui prenait parfois le temps de comprendre les gens, de les aider si possible. Mais son travail n'était pas vraiment celui qu'il avait imaginé, le monde avait changé, accéléré et maintenant tout se basait sur l'information, sur la technologie, la vitesse de réaction. Ca leur avait donné du boulot ce soir d'ailleurs, songeait Lucio, toute ces précautions à prendre afin de se débarrasser des vidéos prises par les satanés appareils moldus. Heureusement que les autorités magiques avaient agi à temps, lançant un sort brouilleur de wifi dans la zone concernée. Enfin, de toute manière, si une vidéo échappait au filtre, il n'y aurait qu'a prétendre qu'il s'agissait d'un canular de mauvais goût lancé par des spécialistes des ... comment disait-on déjà... ah, oui ... effets spéciaux. Arrêter le groupe de sorcier de second rang qui avait faillit mettre à mal le secret par pur cupidité n'avait pas été le travail le plus éprouvant et pourtant Lucio savait bien que ce serait cet idiot de Massimiano qui ferait la première page de la Stampa Incantata. Il ne pus s'empêcher de sourire en pensant qu'il n'aurait au moins pas avoir à subir son arrogance maintenant qu'il avait changé de département.
Il s'apprêtait à aller "interroger" un autre témoin, une jeune étudiante étrangère qui avait dans les yeux cet éclat caractéristique, la peur de celle qui vient de voir vaciller le monde dans lequel qu'elle vivait jusque là, quand il aperçut au coin de son champ de vision une ombre fugitive derrière un pilier. Ses muscles se tendirent et il resserra par réflexe sa prise sur sa baguette.
En restait-il une? Il frissonna en parcourant des yeux la place encore bien trop bondée en maudissant la relâche de la brigade d'intervention des créatures magiques. Il fallait agir vite, sinon tout serait à recommencer. Il fit signe à une de ses collègues de s'occuper de la jeune femme, et se dirigea nonchalamment vers les arcades. Une fois dans l'ombre, il agita sa baguette en murmurant une incantation. Sa silhouette massive et anguleuse se fondit avec douceur dans l'ocre des piliers jusqu'à disparaître totalement.
Retenant son souffle Lucio s'approcha de l'enclave où il avait entre-aperçu le mouvement, se préparant à agir au moindre éclat de plume ou à la moindre pointe de tentacule, mais il ne tarda pas à se détendre en percevant les échos de voix humaines. Il se pencha dans l'angle pour jeter un coup d'oeil, deux enfants chuchotaient, leurs traits gommés par la semi-pénombre. Un petit garçon et une fillette à première vu, ils ne devaient pas avoir beaucoup plus d'une dizaine d'année. La fille semblait un peu plus âgée mais ça ne voulait pas dire grand chose à cet âge, ça dépendait vraiment de la croissance.
Lorsque ses yeux furent totalement habitués à la lumière basse, Lucio nota que les visages était couvert de poussière rouge et que leurs vêtements étaient en sale état, mais ils ne semblaient pas blessés. Ils parlaient en anglais, celui de la fille était plus hésitant mais pourtant remarquable pour son jeune âge.
« Par merlin », jura intérieurement l'auror, « mais qu'est ce qu'ils foutaient dans le musée en pleine nuit, qui plus est un musée qui était actuellement fermé au public pour travaux? ».
Lucio sentait ses entrailles se nouer, le pire c'était de devoir effacer la mémoire de gosses. Même en se répétant que c'était finalement pour leur bien, il gardait toujours en mémoire le regard figé de l'après sur leur visages, qui se superposaient à ceux des petit enfants qu'il aurait pu avoir si sa vie s'était déroulée autrement. Le vieil homme tendis l'oreille pour mieux distinguer leurs paroles.
—... c'est bon je te dis, si on reste là ils nous trouverons pas.
— Il vaudrait mieux redescendre, après tout l'autre sortie n'est peut être pas si éboulée que ça.
— Avec tout ces aurors qui doivent patrouiller à l'heure qu'il est, tu est folle?
— Surement, mais ça n'a rien à voir. Je suis l'ainée je te rappelle et je commande toujours les opérations, tu as juré j'te rappelle. Tu as la mémoire courte Hugino.
— Arrête de m'appeler comme ça, je t'ai déjà dis que je détestais ça! Et puis ça a rien avoir, arrêté d'essayer de m'embrouiller ... ton scoop tu l'a trouvé, mais tu peux pas l'utiliser et tu le sait très bien. Donc maintenant on suis mon plan et on rentre direct à la terrasse mine de rien, tu me prête des fringues et on dis qu'on a campé dehors... si mon oncle se doute de ce qu'on a fait cette nuit on vas avoir des ennuis bien pire que si c'est les aurors qui nous trouve.
— Si seulement t'avais pas paumé la baguette » conclu la fillette en lâchant un soupir.
Le corps de Lucio s'était détendu peu à peu, deux petits sorciers, il préférait largement ça. Par contre les gosses semblaient un peu trop au courant de la situation, ils allaient devoir se charger d'eux. Il fit un pas en arrière, puis une fois dissimulé par l'angle du mur il agita sa baguette pour dissiper son sort avant de ranger sa baguette dans son holster. Il remis en place sa casquette, préparant son rôle, puis surgit de l'autre côté du mur et agrippa sans violence mais avec une poigne ferme un bras de chaque enfants et transplana dans une ruelle déserte à l'arrière du bâtiment, loin de la foule indiscrète.
— Je crois bien que votre baguette ne vous serait pas d'une grande aide, c'est pas des sorciers de premier cycle trop curieux qui vont filer à la barbe de la brigade magique. De toute manière on a depuis longtemps jeté un trace sur les environs, bien entendu il ne tient qu'à moi de la lever; mentit t'il ostensiblement.
La trace faisait bien partie de la procédure habituelle, mais il y avait eu bien trop de boulot et trop peu d'effectifs pour la mettre en place.
Lucio marqua une pause pour constater l'effet de ses paroles sur les visages. Le dénommé Hugo avait pâli mais la petite italienne se contentait de le défier de son regard brun insolent, pas impressionné pour deux noises, il reprit donc son monologue en durcissant sa voix.
— Qu'est ce que vous fichez ici morveux? Je vous conseille de ne pas essayer de me mentir. Vous ne voulez pas risquer de vous faire briser votre baguette avant d'avoir maîtrisé l'Accio tout de même? Allez, suivez moi, je vous promet que si vous me dite tout ce que vous savez je vous offre autant de glace que vous voulez avant de vous raccompagner chez vous. Peut être même que je dirais rien à ton oncle, tenta t il avec un clin d'oeil avant de partir d'un rire un peu rauque qui se transforma vite en une violente quinte de toux, probablement à cause des restes de poussière ingérés plus tôt dans la nuit.
La fillette profita que l'homme relâche sa prise sur son bras pour se dégager. Le garçon tenta de l'imiter, mais Lucio ne le laissa pas filer. Il tenta de sortir sa baguette mais la petite réagit prestement et lui mordit la main pour le désarmer. Plus surpris par la rapidité de la réaction que par la douleur elle même, le policier resta un instant immobile, puis lâcha un soupir et agita sa baguette.
Les deux fuyard n'avaient pas atteint la sortie de l'allée qu'il avait déjà calmement transplané devant eu. Il leva les paumes au ciel et leur jeta un regard d'excuse, puis se mit à marmonner en italien.
— Je vous ai eu, les enfant! Mais, soyons sérieux deux minutes, il ne vous semble pas que l'heure pour jouer au loup est légèrement passée?
Il vit les deux enfants dont les regards se croisait. Celui de la fille luisait, elle semblait hesiter, puis elle hocha la tête et le garçon et elle accélérèrent encore le rythme leurs foulées. Francesco aurait pus les stupéfier tout les deux en un tour de baguette si il n'avait craint qu'ils ne se blessent à la vitesse à laquelle ils étaient lancés. Alors l'homme tenta de bloquer l'allée en étendant ses bras pour leur intimer de s'arrêter, la fille hurla à son attention
— When pigs fly, you moron! (quand les poules aurons des dents, abruti)
Profitant que l'attention de l'homme était détournée, le garçon se jeta droit sur Lucio, tentant de le faire basculer de son poids plume sans grand succès avant de crier:
— Adesso, Stella! Corre ! (Maintenant Stella! Cours !) dans un italien malhabile qui écorchait les r.
L'homme avait réceptionné l'enfant dans ses bras, mais le choc lui avait à nouveau fait lâcher sa baguette qui atterri avec un bruit sec dans le caniveau. Le gosse se débattait comme un niffleur qui se serait glissé chez Gringott, criant de toute ses forces d'une voix aiguë mais puissante.
— Help! Aiuto! He's trying to kidnap me!... (A l'aide! A l'aide! Il essaye de me kidnapper!...)
Lucio aperçu la fillette qui disparaissait dans une rue adjacente. Il avait enfin immobilisé le gamin mais entre temps, une fenêtre s'était illuminé, puis une seconde, etc... Avec le temps chaud et lourd les gens aimaient dormir en courant d'air et les cris perçants de l'enfant leur étaient parvenu aussi clairement que s'ils s'étaient trouvés au rez de chaussé. Plusieurs silhouettes glissèrent la tête à l'extérieur, puis des pas assourdis dévalèrent l'escalier. En moins de temps qu'il en faut pour réciter la devise des aurors italiens un homme qui devait dépasser d'une bonne tête l'auror apparu sur le seuil, suivit de deux femmes. Le petit groupe avaient l'expression tendue, menaçante. Le policier reposa à terre le garçon qui lui adressa un petit sourire satisfait avant de feindre de se mettre à pleurer. Lucio jura mis voix, pour lui même:
« Porca puttana troia... » Ce n'était définitivement pas sa soirée.
Après avoir convaincu les moldus qu'il n'était qu'un brave officier tentant de ramener un petit fugueur chez lui, Lucio récupéra discrètement sa baguette qui gisait dans le caniveaux en feignant d'écraser une cigarette au sol, puis ordonna au gosse de le suivre. L'enfant était calme et polis à présent, il s'excusa même de son comportement dans un anglais très formel, puis donna l'adresse du bed and breakfast ou logeait son Oncle et sa Tante sans rechigner. Il répondit même au questions du policier, mais en restant plutôt évasif. Lucio sentait une agitation profonde derrière le masque calme que tentait d'afficher le petit anglais, mais n'insista pas.
Ils arrivaient presque à destination lorsqu'un couple agité, la femme habillée à la va vite et l'homme portant un costume bien trop formel second les gout de Lucio se précipitèrent vers eux. La femme sera dans ses bras le garçon tandis que l'homme aux cheveux d'un roux profond arborait une expression à mis chemin entre l'agacement et le soulagement. Ce dernier observa la baguette magique que le Policier avait sortit en signe de reconnaissance, et lui fit signe de suivre sa femme qui entrainait le garçon à l'intérieur. Une fois sur le seuil de l'immeuble, l'homme se tourna vers Lucio et tendis très formellement une main fine et osseuse vers l'homme en se présentant.
— Percy Weasley, ambassadeur détaché par le gouvernement de Londres, attaché au ministère des transports internationaux, ravi de faire votre connaissance.
L'auror se sentait mal à l'aise devant le ton froid et professionnel de l'homme, qui s'était exprimé dans un italien maniéré. Il sera néanmoins la main tendue en marmonnant.
— Lucio Cenati, auror détaché à la brigade de la surveillances des "incidents moldus" majeurs, rattaché à la région d'Emilia Romagna.
— Ne parlons pas ici, trop d'oreilles indiscrètes. Lança le rouquin tout en observant avec nervosité les quelques noctambules qui trainaient encore dans les rues tout en s'effaçant du pas de la porte pour permettre à l'homme d'entrer.
Il montèrent en silence l'escalier qui tournait jusqu'à un petit appartement. Il s'installèrent ensuite dans la cuisine et l'homme accepta volontiers le café qu'on lui proposait, malgré le fait qu'il avait déjà largement dépassé sa dose journalière.
Hugo avalait un lait au miel et grignotait un chocogrenouille en tentant de ne pas croiser le regard de son oncle, tandis que Lucio faisait un topos de la situation à l'homme dont le visage déjà sévère se tendait de plus en plus au fur et à mesure du récit. La femme, qui répondait au doux prénom d'Audrey, écoutait leur discussion, accoudée à la cuisinière, les bras croisés, dans une pause faussement détendue. Lucio ne manqua pas de remarquer qu'au fil du récit la femme échangeait des regards nerveux avec le petit garçon à chaque évocation de la fillette. Lucio finit par se décider à poser la question qui le tracassait depuis déjà quelques temps.
— La petite ... Stella, elle est moldue, n'est ce pas?
Un silence si profond qu'il en devenait presque solide suivi sa demande, et Lucio sentit cette réponse muette s'abattre sur ses épaules comme une chape de plomb.
Percy marchait à grandes enjambées, le regard fixe, sans vraiment voir les rues vides qu'il parcourait. L'ocre des murs, vibrante sous la lueur douce des réverbères, était rendues plus vive encore par le ciel d'un bleu profond. Mais rien de tout ça n'atteignait ses sens, comme si la grisaille qui emprisonnait son esprit avait terni les couleurs du monde qui l'entourait. Il n'avait qu'à rejoindre les deux tours qui surplombaient la ville, puis à remonter sur une centaine de mètre la rue principale et il atteindrait sa destination, qui se trouvait être le point central autour duquel se déployait la vieille ville. Fugitivement, il adressa une prière muette à merlin pour trouver la Piazza Maggiore déserte, pour avoir une bonne excuse pour revenir auprès de sa famille bredouille. Il ne réussissait pas à dissiper le souvenir du visage d'Hugo, emplis de dédain et d'une haine aussi tranchante que les paroles qu'il entendait encore résonner à ses oreilles dans chaque échos que faisait naître ses pas sur les pavé.
Les mots de son neveux avaient été cruels, durs, mais il ne pouvais pas lui en tenir rigueur. Après tout il avait utilisé sa confiance, s'était servi du lien entre eux pour lui faire dire ou se trouvait la petite Stella. Il avait ensuite trahit sans vergogne les espoirs que l'enfant avait placé en lui. Mais qu'elle aurait été l'alternative? De toute façon la fillette n'aurait pas tardé à être retrouvé par la brigade anti-moldue italienne, et mieux valait que ce soit lui, un visage connu, compatissant, qui se charge d'elle. Il savait ce qu'Hugo espérait, c'était un enfant, il voyait le monde de son point de vue étroit, à travers le filtre de ses sentiments. Le petit garçon refusait en bloc de considérer les implications de ses actes. Il se souvenait de cette période, celle où lui même croyait que le monde était façonné autour de ses perceptions. Chez lui cela avait duré longtemps, cela avait signifié suivre son ambition, travailler jour et nuit pour émerger de ce qui le révoltait le plus: la pauvreté de sa famille et l'impression d'être invisible au milieu de sa fratrie. Son égoïsme l'avait poursuivit tard, il s'était cru adulte trop tôt, trop clairvoyant alors qu'il n'était encore qu'un gosse et cela l'avait même conduit à se retourner contre ceux qui l'aimaient, à prendre des décisions qu'il regrettait encore, malgré le temps écoulé. Percy ne pouvait tout de même pas oubliater un auror italien pour une amitié d'enfant ( il n'en aurait probablement pas été capable même si il l'avait voulu, l'homme était bien trop rodé et Percy n'avait de toute façon jamais rien eu d'un duelliste). Il ne pouvait pas risquer une crise internationale du monde sorcier, ou encore pire, prendre le risque de briser la règle sur laquelle se basait la communauté sorcière tout entière pour préserver l'innocence d'un seul être, malgré tout l'amour qu'il ressentait pour lui. Il comprenait le sentiment de révolte d'Hugo, son refus d'un monde injuste. Tant pis si il devait devenir l'incarnation de ce qu'il y avait de plus méprisable aux yeux de son neveux, il subirait, l'enfant finirait bien par comprendre ses raisons.
Percy s'arrêta quelques instants, levant les yeux vers le sommet des deux tours qui projetaient leurs ombres sombre sur la petite place. Il se souvint du visage des deux enfants qui contemplaient la ville qui s'étendait au dessous, une semaine plus tôt. Stella pointait du doigt les lieux et les illustrait avec des anecdotes amusantes, bavarde comme un pie, vive, intelligente. Les yeux d'Hugo brillaient tandis qu'il buvait ses paroles. Percy se dit qu'il avait vraiment été stupide. Pourquoi avait il fallu qu'il ne préssente pas que son neveux chercherait à impressionner la fillette à son tour en lui faisant découvrir son propre monde? Pourquoi n'avait il pas compris le danger qui découlait de leurs amitié naissante? Il s'était contenté d'observer avec satisfaction l'épanouissement soudain d'Hugo, hors de l'ombre de sa soeur aînée et de ses cousins, ce visage rayonnant et curieux qui lui réchauffait le coeur, dans lequel il projetait l'enfant trop sage qu'il avait été.
Percy laissa glisser son regard jusqu'au sol, il aperçu une bouteille brisée abandonnée dans le caniveau. Il ferma les yeux et tenta de se remémorer le sourire d'Audrey pour se remonter le moral, mais il ne réussi qu'a entrevoir son air attendris et amusé. Le même air qu'elle avait eu quelques jours auparavant tandis qu'il bombait le torse, fier comme un hippogriffe, après que son neveux ait déboulé dans l'appartement, un sourire jusqu'aux oreilles, clamant que finalement ces vacances étaient les meilleures qu'il avait jamais passé, et qu'en fait il était encore plus cool que Charlie comme tonton. Ivre d'orgueil, il n'avait pas prêté d'importance aux signes, aux petits mensonges maladroits de l'enfant. Percy se demandait si c'était l'éloignement de ses propres filles, cette distance que l'adolescence mettait entre lui et elles, qui l'avait transformé en un adulte irresponsable. Il se sentait soudain vieux, épuisé.
Percy jeta un regard à sa montre, il était déjà quatre heures quarante cinq du matin, d'ici moins d'une heure le soleil se lèverait, il fallait qu'il se dépêche. Il songea au savon qu'Hermione allait lui passer à leur retour en Angleterre et se sentit d'un coup beaucoup plus réveillé. Après avoir essuyé avec son mouchoir le filet de sueur qui avait coulé sur son front, Percy repris sa marche. Il se glissa sous les voûtes du Palazzo Re Enzo, répondit nerveusement au signe de main que lui adressa le serveur de « la Linea » qui préparait la terrasse en vue de l'arrivée des touristes les plus matinaux, et arriva finalement sous les arcades qui longeait la place.
Elle était bien là, au centre de la grande place, petite silhouette incongrue au milieu de l'armada de siège en plastique blanc qui s'alignaient en rang devant une immense toile blanche tendue autour d'un cadre métallique. La fillette était assise en tailleur et fixait la toile blanche comme si elle semblait attendre que quelque chose en émerge. Le bleu de sa tunique était crasseux, et ses boucle d'un noir intense semblaient affaissée, ternes. Si Percy avait du la décrire telle qu'elle lui apparaissait soudain, il aurait certainement utilisé le mot fragile. Un mot totalement détonnant par rapport à l'habituelle impression que Stella projettait autour d'elle. L'homme pris son courage à deux mains et s'approcha doucement. Si elle l'aperçut, elle n'en laissa rien paraitre, mais lorsque le grand rouquin efflanqué ne fut plus qu'à quelques mètres, la fillette tapota le siège à côté d'elle, pour lui intimer de s'asseoir.
— Installez vous, ça vas bientôt commencer.
Etant donné que l'homme ne réagissait pas, Stella tourna la tête, son regard sombre accrocha celui de l'oncle de son amis. Elle avait les sourcils froncés et l'expression sévère, mais tout ce que nota Percy c'était les cernes rougis autour de ses yeux bruns. Il s'exécuta, prenant place à côté d'elle.
— Je sais pourquoi vous êtes là, vous savez. Quoique, en fait, j'avoue ... je n'avais pas deviné que ce serait vous.
— Ha ... je .... non, je ... je, je suis désolé.
Si la situation avait été différente, la fierté de Percy en aurait pris un coup. Ne pas trouver ces mots face à une gamine de 12 ans, il aurait probablement été rouge de honte jusqu'au bout de ses oreilles. Mais à l'instant précis il essayait juste de freiner la nausée qui lui montait aux lèvres.
— J'ai eu le temps de réfléchir, vous savez. J'avais compris qu'il y avait un risque que ... enfin, Hugo m'a expliqué, le secret et tout ... J'imagine qu'il est en colère, il est plutôt du genre à être en colère au lieux d'être triste. Il ne sait pas vraiment faire semblant, c'est bien ... j'aimerai bien être comme lui. Est ce que j'ai le temps de lui dire au revoir? Non? Je m'en doutait un peu. Ca aurait peut être été encore plus cruel en fait, de le voir en sachant que c'est la dernière fois que je reconnais son visage.
Percy était toujours à cours de mots, il avait une boule dans la gorge. Le ton de la fillette était trop calme, ses paroles trop adultes et son regard trop fixe ne se détachait pas de l'immense toile blanche.
— J'imagine que vous êtes pressé, ça ne doit pas être agréable comme situation, mais .... si vous pouviez attendre un peu ... je ne vais pas m'enfuir, c'est juste que ... je voudrait encore un peu de temps. Il y a quelque chose que j'aimerais bien faire en fait.... je vous rassure c'est pour bientôt. En général, ils commencent vers 5h du matin. Ma mère m'emmenait parfois ici très tôt quand j'étais petite, quand je n'arrivait pas à me rendormir, c'était notre secret. Vous voulez bien la remplacer pour cette fois? Ce sera pas long, en général ils arrêtent quand le jours se lève, une demi heure maximum.
Percy hocha la tête et, à présent honteux de son empressement à régler le "problème" , proposa.
— Si tu préfère Stella, on peut retourner chez toi. Je m'arrangerais avec les aurors pour que tu ais le temps de voir Hugo avant qu'on retourne en Angleterre par le premier portoloin. La loi indique seulement l'obligation d'effacer la mémoire des témoins dans les 24 heures suivant l'exposition, tant qu'un sorcier veille sur le témoins l'urgence de la procédure est amoindrie. Ils sont juste un peu débordés, alors j'ai proposé d'aider ... mais de toute façon ils viendront vérifier que tu ne te souvient de rien dans la matinée, pas besoin de leur dire tout ... je peux dire que je n'ai finalement pas eu le courage de lancer le sort, ils râlerons probablement un peu mais pas de quoi stupéfier un Fléreur.
Stella le fixait d'un air songeur. Elle sembla réfléchir un instant à ses paroles, ouvrit la bouche puis la referma plusieurs fois, avant de reprendre sur le ton de la conversation.
— Ca causerai plus d'ennui à Hugo, non, si ils savaient que j'ai pas découverts la magie seulement hier?
— Il est mineur, il n'a pas encore entamé sa première année à Poudlard et il dépend de la loi anglaise, je pense que ça ne serait pas un problème insoluble.
— Les loies des sorciers italiens sont plus dures que celle des anglais?
— Non, pas exactement ... disons que
Mais la fillette ne laissa pas Percy finir sa phrase. Elle avait détourné vivement la tête, placé son doigt sur ses lèvres et ordonné:
— Chut, ça commence.
Sur la toile blanche un décompte s'était mis en mouvement, il s'interrompit soudain avant d'avoir atteint le zéro, ce qui mis profondément mal à l'aise Percy. Une image floue s'agita un instant, elle se déplaça légèrement, puis sauta plusieurs fois avant de se fixer. Une silhouette grise debout sur un rocher apparut, un homme vêtu d'une peau de bête. Un instant plus tard, on le voyait à présent de loin, ce que Percy avait pris pour un rocher était en fait sur une espèce de créature fantastique inconnue qui semblait bien peu réaliste. Percy avait déjà entendu parler des images animées moldues, le cinéma, mais il n'en avait jamais vu en vrais, à vrais le sujet ne l'intéressait pas, pour ce qu'il en savait c'était comme des photos sorcières. En un battement de cil l'image sauta à nouveau, une autre scène apparus, le même homme pâle et mince portant toujours son étrange costume présentait une tablette en pierre à l'entrée d'une caverne, il y rencontrait une diseuse de bonne aventure. La procédure divinatoire qui impliquait une tortue semblait très curieuse, mais Percy ne pus s'empêcher de se demander si la sorcière en était une vraie l'espace d'un instant, avant de secouer la tête.
— Ah, Buster Keaton, the Stone Age, murmura la fillette.
— Buster qui?
— Keaton, un des grand stuntman de la période du muet.... les années 1920 quoi, avant que le cinéma soit sonore.... Là vous voyez pas le plus impressionnant, il est trop fort, il est capable de marcher presque à l'horizontale, j'aime beaucoup la scène de la tempête. Il vont passer différents extraits, les projectionnistes, ils testent les copies des films qui passeront sur la place la semaine prochaine, vous voyez.
— Ils, qui.... testent quoi? marmonna Percy nerveusement, il se sentait totalement ignorant et n'aimait pas du tout la sensation.
— Les copies, ne me dites pas que vous êtes jamais allé au cinéma? Si? Oh, vous avez jamais vu de film? Pourtant Hugo m'a dit que vous aviez pleins d' images animé, même vos photographies et vos peinture ... c'est bizarre que vous n'ayez pas d'équivalent du cinéma chez les sorciers.
La scène s'effaça, la toile passa à un noir profond. Un instant plus tard, de nouvelles images, bleutées, déchirèrent l'obscurité. Le bruit assourdissant d'une soufflerie envahis le silence de la place, une mélodie sourde soutenait les bruits mécaniques, un énorme vaisseau spatial surgit de nulle part, se mouvant dans le vide de l'espace entrant dans le rectangle jusqu'à remplir l'écran totalement.... Le résultat était bien plus réaliste que pour l'extrait précédent, il se sentait minuscule, mais un peu fasciné par l'étrange scène futuriste. Percy interrogea la fillette sans réussir à détourner le regard de cette fenêtre sur un autre temps.
— Comment est ce que vous faites, sans magie, pour .... faire ça?
— Oh, on utilise des jeu de lumière, des maquettes, les effets spéciaux ....c'est un peu compliqué...
— Non, je voulais dire pour animer les images.
— Ah d'accord... hum, en fait c'est un peu le même principe que pour la photographie, mais seulement on prend vingt quatre photos successives pour une seconde de film, et on appelle ça des photogrammes. Ensuite, après la prise de vue, on développe le film, on l'étalonne ... on change les couleurs quoi, enfin quand il y en a. Et puis plus tard on projette les images l'une après l'autre très vite. Ah oui, j'ai oublié de dire que la pellicule est transparente. Pour faire simple: la lumière issue du projecteur qui passe à travers le négatif qui se déroule à la bonne vitesse, et l'oeil humain comble les trous, ça donne l'illusion du mouvement. Après ça c'est pour l'analogique, le numérique c'est un peu différent. Pour voir un film, il faut une source de lumière puissante, la machinerie qui fait défiler les images, et puis bien sur un support ou projeter l'oeuvre. Enfin plus forcément, maintenant, mais sur un écran d'ordinateur ou une télé c'est pas la même chose, c'est plus que des images plates, c'est bien quand même mais c'est moins drôle. Attend je te montre, regarde bien l'écran surtout.
La fillette se pencha par terre et sorti de son sac un petit chapeau. Elle le lança ensuite très haut au dessus de sa tête.
L'ombre du chapeau projeta une tache noire mouvante sur le visage de femme en combinaison spatiale dont le visage remplissait à présent l'écran. Percy suivit des yeux la tache, Stella rattrapa le chapeau puis ils retournèrent à la scène du film. La peur transmise par le visage saisissait Percy, affolait ses battements de coeur. Il y avait un mouvement dans l'ombre de la cabine du vaisseau, quelque chose d'inquiétant, une tentacule, puis à nouveaux le profil de la femme, ses yeux immenses et paniqués ... Percy détourna le regard, préférant fixer la fillette qui avait repris son explication.
— .... Le cinéma, c'est à la faux et réel. Le cerveaux sait que c'est pas vrais, mais en même temps il pense que c'est vrais, on a peur, on est triste, les sentiments passent parfois au delà de l'écran... avec les différents cadrage on joue sur l'espace, on recrée l'univers visuellement. Le son et la couleurs sont aussi importants, comme en peinture et en musique, mais ils se sont ajoutés bien après la naissance du cinéma, c'était un peu compliqué techniquement au début. Le cinéma, ça à tout un langage, ça contient beaucoup d'arts qui se combinent en faisant naître quelque chose de différent. On peut raconter toute sorte d'histoires ... Il y a la fiction, et puis le documentaire, le réel, l'expérimental... enfin c'est dur d'expliquer tout ça, ça prendrait des jours. Disons qu'un film c'est toujours une reconstruction de la réalité, ou la reconstruction d'un rêve, d'un souvenir. Ah, tiens, la Strada....
Percy suivit le regard de l'enfant, en effet, l'image avait changé, plus de cris, plus de créature étrange, juste un homme qui parlait en italien. Le personnage sur l'écran jouait avec une pierre qu'il avait ramassé en parlant à une femme aux cheveux clairs et aux yeux d'enfants. Percy ne comprenait pas un mot, le film était en italien. La fillette éclata de rire puis expliqua.
— Ma mère adore ce film, moi pas trop, il est trop triste et un peu long, mais j'aime bien "il matto". Moi je préfère les films drôles ou ceux d'aventures. Elle voulait même m'appeler Gelsomina. Pffff, non merci, bonjour le destin. Heureusement que mon père a réussi à la convaincre pour Stella. Et puis un nom de fleur, franchement, ça aurait été nul, est ce que je ressemble à une fleur?
— Il raconte quoi, ce film?
— Bah, c'est l'histoirre d'une fille qui est vendue à un forain et qui parcoure les routes italiennes, une sorte d'histoire d'amour. Répondit la fillette dont la grimace signifiait qu'elle ne trouvait définitivement aucun intérêt aux histoires romantiques, dramatiques ou pas, chez d'oeuvre du cinéma italien où pas.
A présent sur l'écran, une plage, des vagues noires inquiétantes mangeaient le sable et un homme s'approchait de la mer semblait. Il semblait profondément accablé, son visage rude était tordu par une douleur profonde, Percy s'étonna de ressentir de la pitié pour l'inconnu.
— Ah, non, ne regarde pas, c'est la fin! S'exclama la fillette. Au fait, je peux te poser une question?
— Heu, bien sur.
— Est ce que ça fait mal, le sort je veux dire? Est ce que je vais tout oublier ou me souvenir un peu, comme si j'avais vu un film il y a longtemps mais que je m'en rappelais plus clairement?
— Non, ça ne fait pas mal, mais on ne se souvient plus de rien, enfin c'est ce qu'on dit.
— Ah. Hugo m'a parlé d'un truc:" la pensive", ou l'on peut conserver des souvenirs hors de sa tête. Est ce que c'est pareil? Mon souvenir sera tiré hors de ma tête ?
— C'est pensine, pas pensive. Et la réponse est non. C'est très dur a faire. Et de toute manière il faudrait que tu puisse utiliser la magie pour sortir des souvenirs de ta tête.
— Ha .... alors ils vont partir où, mes souvenirs?
— Je ... je l'ignore, je suis désolé.
Un silence gêné naquis. Sur l'écran un autre film, de nouveau en couleurs: des tons bleus gris, une poche remplie d'un liquide transparent . Des noms écrits en rouges apparaissaient et disparaissaient, se diluant dans l'image, comme des des rond sur une eau plane.
— Oh, le contraste n'est pas bon, mais ils vont régler ça. murmura la fillette.
En effet, quelques instant plus tard l'image gagna subitement en saturation, les opérateurs dans la cabine ayant effectué une manipulation pour augmenter le contraste. Les couleurs étaient à présent si vives qu'elles en devenait presque violentes.
Puis il y eu une nouvelle saute d'image. C'était la nuit, le rouge du mur d'où sortent deux femmes répondait au rouge du manteau de la femme blonde qui attendait avec un jeune homme, sous la pluie. Rouge sur jaune, et l'échos des couleurs continue dans le plan suivant. La femme attendue, vêtue de violet, entre dans un taxi, le jeune homme presse un petit carnet sur la vitre, mais la voiture l'ignore et démarre. Il semble très déçu. Celle qui doit être sa mère le rejoint, elle porte un parapluie multicolore. Le garçon regarde toujours la voiture qui s'éloigne. Dans la voiture la femme aux cheveux rouge le fixe intensément, intriguée. Soudain il s'élance hors du cadre. On reste avec la femme bonde, puis on s'en éloigne. C'est comme si on voyait la scène du point de vu du dos du jeune homme. La musique monte, intense, on sent un danger imminent. Puis les plan s'enchainent trop vite, une voiture, un visage, un choc sur un pare-brise et puis tout pars en vrille, roule, Percy se sent rouler aussi. Il comprend qu'il est à présent dans le regard du jeune homme qui à été heurté. L'image finit par s'immobiliser, une rue mouillée ronge les trois quart du cadre. De côté, de loin, minuscules, isolés, des pas courent vers lui. Un visage apparaît près de lui, la femme blonde hurle, pleure, crie quelque chose qu'il ne comprend pas. Son visage défait a perdu sa grâce naturelle. Percy ferme les yeux, une autre scène fait échos à celle qui défile, le jeune homme est devenu un autre, aux cheveux roux, pas blond et bouclé, et lui est à la place de la femme, les cris sont l'échos des siens, la douleur de ce souvenir l'emplit à nouveau. Lorsqu'il ré-ouvre les yeux les larmes brouillent sa vision, Sur l'écran, il n'y plus qu'un bout de manteaux rouge se penchant sur l'asphalte... puis l'image se dilue laissant place à un mur brun qui défile... puis l'extrait s'interrompt et le noir revient.
Percy s'aperçut que Stella le fixait, inquiète et intriguée. Il tacha donc d'effacer les traces d'eau de son visage, gêné. Elle lui sourit faiblement, pour le rassurer, avant de pudiquement retourner la tête. Tandis qu'un nouvel fragment de film commençait sa course sur l'écran, la fillette jeta un coup d'oeil vers le ciel dont le bleu s'est éclairci.
— Le jour ne vas pas tarder à se lever, remarqua-t-elle. Est ce que vous pourriez lancer votre sort juste après que la projection soit finie... celui là sera surement le dernier extrait, les réglages ne peuvent se faire que dans l'obscurité, sinon on ne vois pas bien. Le cinéma, c'est soit sous les étoiles, soit dans une salle obscure, la lumière du jour ça détruit la magie.
— Je ... bien sur, si c'est ce que tu veux.
— C'est que comme ça, je suis sure de ne pas avoir peur. Quand je regarde un film, je suis emportée, j'oublie la réalité. Si je dois oublier je préfère ne pas être consciente, même si je ne m'en souviendrais pas de toute manière, ça semble mieux de ne pas voir le sort. Et puis si je me réveille je préfère que la première chose que je remarque soit l'aube qui se lève, au moins c'est beau.
— D'accord, si tu est sure.
— Oui, je suis prête. Ah, non, juste une chose encore! J'ai failli oublier.
La fillette agrippa son sac et en sortit après quelques instants de fouille un petit appareil photo numérique. Elle en ôta la carte mémoire, qu'elle tendit à Percy.
— Tenez, c'est pour Hugo, il saura quoi en faire. C'est un souvenir. Je préfère que les aurors ne l'effacent pas. Tout à l'heure j'ai aussi filmé un "au revoir". L'image risque d'être un peu granuleuse, c'est pas de la hd et avec le peu de lumière ... Enfin, bref...j'aimerais que vous lui donniez, si vous voulez bien. Il pourra la regarder chez ses grand parents maternels, ils ont un ordinateur, il m'a dit qu'il sait s'en servir.
— Je te promet de lui faire parvenir, dis Percy, qui n'avait pas compris la moitié des paroles qu'elle avait prononcé.
La fillette lui adressa un grand sourire, puis retourna la tête vers l'écran. Elle ramena ensuite ses jambes vers son torse, comme si elle avait froid. Son visage se voulait résolu, mais Percy remarqua les tremblement de ses lèvres serrées, elle s'empêchait de pleurer. Puis Stella fut happé par les images mouvantes et ses traits se détendirent un peu.
Percy sortit sa baguette, et resta longtemps immobile. Puis le silence se fit, le film était fini. La main tremblante il sembla hésiter, puis prononça une incantation et le sort fusa. Les yeux de Stella s'éteignirent. A l'horizon l'aube rougeoyait, et l'écran était désespérément blanc.
Deux mois avaient passés depuis leur retour d'Italie. Percy accompagnait ses deux filles à la gare de King Cross. L'ainée entamait sa sixième année, la cadette sa quatrième, elles avait donc naturellement déjà fuis depuis longtemps loin de leur père pour retrouver leurs amis. Il croisa Hermione et Hugo lorsqu'il s'apprêtait à traverser la barrière pour retourner au ministère. Le garçon qui poussait un chariot remplis de valise semblait prêt à lui rouler dessus, ses yeux lançaient des éclairs. Sa mère détourna l'attention d'Hugo, et adressa à Percy un petit sourire d'excuse tout en entraînant son fils en direction de la locomotive.
Les rapports entre lui et Percy avaient semblé un temps se tempérer, plus précisément l'enfant se contentait d'ignorer son oncle aux diners de famille. Mais vers la fin du mois d'août un événement inattendu avait relancé les hostilités: Percy avait reçu une lettre. Plus précisément il avait reçu une lettre revenant d'Italie, tamponnée par la poste moldue, renvoyée par hibou par Lucio Battaglioli. L'auror italien avait été chargé de surveiller la petite, et avait récupéré le courrier qui dépassait de la boite aux lettre de l'appartement où avait vécu la fillette. Dans une note jointe, l'homme indiquait à Percy que la fillette et son père avaient déménagé peu après l'évènement, sans laisser d’adresse.
Il s'agissait bien évidemment d'une lettre écrite par Hugo adressée à Stella. Au fond de l'enveloppe, dans un petit paquet de chocogrenouille, il y avait la carte mémoire que Percy avait transmise au garçon.
Lorsqu'il avait voulu informer son neveux du déménagement de la fillette, celui ci ne l'avais pas cru, l'accusant d'avoir intercepté son courrier personnel, d'être "un sale fouineur en plus d'être un lâche et un traitre". Percy avait jugé plus sage de ne pas insister, Hugo finirait bien par se calmer. Il devrait avoir une sérieuse discussion avec lui, mais ça pouvait attendre quelques mois. Il ne voulait pas perturber plus la première année de son neveux à Poudlard, Hermione ne lui pardonnerais pas cette fois ci.
La journée de Percy au ministère s'avéra épuisante. Avec trois employés qui avaient décidé de poser leurs congés, les dossiers urgents s'empilaient sur son bureau. Pour couronner le tout, un idiot de stagiaire avait tenté de gagner du temps en utilisant un accio pour obtenir un formulaire plus rapidement, résultat, tout et tout le classement des dossier en B était à refaire (les rangements magiques s'étant rebellé pour avoir été pris pour de simples meubles ordinaires). Percy avait donc écrit à Audrey pour l'informer d'aller manger chez leurs amis sans lui car il passerait la nuit dans son logement de fonction à Londres. Il décida de marcher un peu avant de rentrer, sa manette pleine de dossier à lire avant le lendemain matin, il avait besoin de se vider la tête.
Il était à peine à quelques pâtés de maison du petit studio qui lui était attribué, lorsqu'une affiche lumineuse attira son attention. Il reconnaissait le visage sur le large poster, il l'avait gravé dans sa mémoire depuis la fameuse nuit. Il lut le texte sous l'image, en lettre blanche sur fond rouge:
Rétrospective Pedro Almodovar.
Il entra dans le cinéma, le film qui passait était celui dont l'extrait l'avait tant bouleversé et intrigué, il demanda un billet pour la séance de 22H.
Il ressorti un peu dubitatif, il ne pouvait pas dire qu'il avait apprécié le film, même au delà du fait que les problématique et la culture moldue lui soit lointaine, pleins de choses l'avait embarrassé, voir choqué. Le réalisateur espagnol était bien trop provocateur et flamboyant pour que Percy puisse adhérer à son récit. Mais la scène l'avait encore touché, elle avait de nouveau provoqué la catharsis. Il se sentait mieux, plus léger.
Cette escapade fut la première d'une longue lignée. Quand Percy était déprimé ou qu'il avait besoin de décompresser, il se rendait en secret dans sa salle obscure. Il ne comprenais pas vraiment la plupart des films qu'il voyait, ressortait déçus souvent, confus parfois, mais il appréciait toujours l'ambiance calme de ce petit cinema de quartier, le confort des fauteuil de velours rouge et or. Il s'était surpris à apprécier quelques films d’époques: les costumes, la rigueur et la droiture de certains personnage lui plaisait. Il y avait aussi quelques Romances qui l’avait touché. Mais il aimait par dessus tout les vieux films policiers qui passaient parfois. Voir des moldus se démener pour trouver la solution a des incohérence qui aurait pu simplement être le fait d'un simple sortilège l'amusait beaucoup. Il était sur que Fred aurait beaucoup aimé aussi certains film qu'il voyait.
Il l'imaginait débarquer d'un coup, faire des blagues idiotes, dans le noir, assis derrière lui, comme lorsqu'il venait l'embêter quand il essayait d'observer les étoiles pour réviser l'astronomie dans le jardin du Terrier. Dans l'obscurité son frère revivait pour quelques instant, jusqu'à ce que la lumière revienne.
Un jour il inviterais peut être son père à une séance, ça lui plairait surement, et qui sait, partager un secret les rapprocherait peut être. Mais pour l'instant Percy manquait encore de courage, il voulait garder son jardin secret, il avait sans doute un peu honte aussi de cette attirance inattendue pour un art moldu.
Un soir d'hivers, alors qu'il sortait d'une séance particulièrement ennuyante, la chevelure abondante et bouclée d'une des spectatrice rappela à lui le souvenir de Stella. Comment la petite allait t elle? Il espérait franchement que le sort de confusion qu'il lui avait lancé pour feindre les effet d'un sort d'amnésie n'avais pas été trop violent. Il s'en serait voulu que l'enfant qui lui avait transmis sa passion ait à souffrir à vie des séquelles d'une magie mal dosée.
Mais si le sort avait laissé des séquelles importante il l'aurait certainement su, Lucio lui en aurait parlé.
Il espérait seulement qu'où qu'elle soit, elle ne décide pas de devenir scénariste de cinéma. Il n'avait aucune envie de se retrouver incarné dans un personnage à l'écran, sans compter les soucis qu'il risquait d'avoir au ministère si ça venait a se savoir ... sa réputation de maniaque, psychorigide de l'administration, de machine sans faille et sans coeur capable de repérer la moindre petite erreur en rapport avec la législation sorcière dans les dossiers de ses subalternes, ne s'en relèverait jamais.
Percy en frissonnait d'avance.
Il enfila son pardessus pour affronter le vent glacial qui balayait les rues de Londres.