VIII. Touch You Where It Hurts
« Hermione, tu écoutes ce que je te dis ? » interrogea une voix à ses côtés, la sortant de sa léthargie.
Elle vit une plume s'agiter devant son visage puis lui chatouiller le nez. Elle fronça le nez et recula sur sa chaise, l'air hébété. Harry Potter l'observait avec curiosité.
« Tout va bien ? Tu as l'air bien soucieuse. Ça ne te ressemble pas. » fit remarquer Harry.
« Tout va bien. » assura Hermione, en rougissant.
Qu'aurait pensé Harry s'il avait su la vraie raison de sa distraction ? Que dirait-il s'il apprennait qu'elle pensait à son oncle, et accessoirement son professeur de DFCM, de vingt ans de plus qu'elle ?
Quelques instants plus tôt, le professeur Black était passé devant elle, lui adressant ce sourire avenant dont il avait le secret et elle avait senti les battements de son cœur s'accélérer violemment dans sa poitrine. Ses pensées avaient commencé à errer vers des idées totalement folles.
Pourquoi ressentait-elle ces émotions pour lui ? Elle était tellement stupide. Elle avait l'impression de sur-analyser chacune des paroles et des gestes qu'il avait à son encontre puis s'inventer des scénarios improbables.
C'était un homme séduisant, accompli, expérimenté. Il était ridicule de penser qu'il pourrait ne serait-ce que s'intéresser à elle. Et c'était juste… immoral. Malgré tout, quelque chose en elle était attiré par l'interdit qu'il représentait. Il était mystérieux, ténébreux, et Merlin si inatteignable.
« Dis-moi, Harry. » commença Hermione d'une voix qu'elle tenta de rendre neutre. « Qu'est-ce que ça te fait d'avoir ton parrain comme professeur ? Ce n'est pas étrange ? »
Harry sourit de toutes ses dents.
« Tu rigoles ? C'est génial ! Et Sirius est tellement cool. Mes parents pensent qu'il est incapable d'avoir de l'autorité avec moi, ce qui n'est pas faux, d'ailleurs. »
« Alors tu le décrirais comme ''cool'' avec tout le monde ? » interrogea Hermione en fronçant les sourcils.
Elle se faisait donc probablement des films au sujet des attitudes de Sirius à son égard. Il était sans doute familier avec tout le monde, mais, trop absorbée par son béguin ridicule d'adolescente, elle ne l'avait pas réalisé. Elle se décevait. Elle qui était habituellement si intelligente et observatrice.
« Pas vraiment, à vrai dire. Avec les inconnus et les gens qu'il ne connaît pas, il est assez distant et même un peu froid. Avec ses proches, il est tout le contraire. » répondit Harry, l'air pensif. « Pourquoi ? »
« Je suis juste curieuse. » s'empressa de répondre Hermione. « Je crois que je me sentirai bizarre, si j'étais dans ta situation. »
« Hermignonne, j'oublie que tu es tellement formelle parfois. » se moqua-t-il.
« C'est ta manière de dire que je suis coincée ? » demanda-t-elle d'un ton outré.
Il ne répondit pas immédiatement et elle lui asséna une tape sur le bras. Il ricana en se frottant le bras.
« Au fait, je rentre à Godric's Hollow dans trois semaines pour le weekend. C'est l'anniversaire de Maisie. Elle va avoir onze ans. »
Tous les derniers weekends du mois, les élèves étaient autorisés à rentrer chez eux.
« Wow, déjà ? Elle grandit tellement vite. » répondit Hermione avec surprise.
« Je sais, c'est fou. Et elle devient chaque jour un peu plus irritante. » ajouta Harry avec un rire.
« Tu ne devrais pas parler de ta petite sœur ainsi, Harry ! » s'exclama Hermione d'un ton réprobateur.
« Oh ça va, Hermione. Elle m'a dit qu'elle était contente que ça soit ma dernière année car elle ne veut pas que je sois encore à Poudlard quand elle entrera en première année. » dit-il en secouant la tête.
« Elle a toujours la langue bien pendue, à ce que je vois. »
« Un petit monstre d'un mètre trente. » assura Harry en secouant la tête. « Maman m'a demandé de t'inviter. Je ne sais pas si tu comptais retourner chez toi, mais… »
« Probablement pas. » répondit immédiatement Hermione en haussant les épaules.
« Génial. Tu pourras passer le weekend à la maison. Maman a fini par comprendre qu'il n'y avait que de l'amitié entre toi et moi. » ajouta-t-il avec une grimace. « Et que tu n'étais pas mon genre. »
Hermione remarqua immédiatement la teinte rouge qu'avaient prises les oreilles d'Harry.
« Harry…Tu…Tu lui as dit ? » demanda-t-elle à voix basse, ouvrant de grands yeux.
Il secoua vivement la tête.
« Le dernier jour des vacances, mon voisin est venu pour une partie de Quidditch. Nous sommes montés dans ma chambre pendant l'après-midi. Elle est entrée sans prévenir et…Tu devines le reste. » dit-il, en évitant son regard.
Un long silence s'installa pendant lequel Hermione hésita à intervenir.
« Qu'est-ce qu'elle a dit ? Vous en avez parlé ? » demanda-t-elle finalement.
« Non, elle est restée silencieuse pendant le reste de la soirée. » admit Harry en soupirant. « Et le lendemain, avec le départ pour Poudlard, nous n'avons pas abordé le sujet. Elle a laissé mon père m'accompagner à King's Cross. »
En d'autres circonstances, ce détail aurait pu paraître anodin. Hermione savait toutefois que c'était loin d'être le cas. Lily Potter avait toujours insisté pour accompagner son fils jusqu'au Poudlard Express, le jour de la rentrée. Il s'agissait d'une tradition pour eux. Elle était une mère dévouée, parfois même un peu trop selon Harry. L'air blessé qu'elle discerna dans les yeux verts de son ami lui brisa le cœur.
« Vous n'avez pas parlé depuis ? » interrogea Hermione.
« Des lettres superficielles où elle me raconte la vie à la maison, mais elle n'a fait aucune allusion à ce qu'il s'est passé. »
« Peut-être que tu devrais en parler en premier ? » suggéra Hermione.
« Et dire quoi ? ''Chère Maman, je t'écris pour te confirmer que j'aime les garçons'' ? » demanda Harry d'un ton plein d'amertume.
« Harry, je suis certaine que… » commença Hermione d'une voix douce, posant une main réconfortante sur l'épaule de son ami.
« Arrête Hermione, s'il-te-plait. » plaida-t-il.
Hermione savait que son ami détestait qu'on le prenne en pitié ou qu'on se lamente sur son sort. L'homosexualité d'Harry avait toujours été un sujet qu'il avait du mal à aborder. Il ne lui avait jamais avoué qu'il aimait les garçons, elle l'avait simplement deviné, deux ans auparavant et il avait fini par lui confirmer. Personne n'était au courant mise à part Hermione et les quelques garçons qu'Harry avait fréquenté, toujours en dehors de Poudlard. Il craignait la réaction de ses proches, et en particulier de son père.
« Ce sera la première fois que je la revois depuis ce jour. » ajouta Harry en lâchant un soupir à fendre l'âme.
« Je viendrai avec toi. » assura Hermione d'une voix rassurante.
Elle savait que ce serait difficile et probablement délicat pour Harry. Elle voulait être certaine de pouvoir lui apporter du soutien.
« Merci, Hermione. »
« Pas de quoi. Tu as terminé ton devoir de DCFM ? » demanda-t-elle.
Harry secoua la tête, retrouvant son air enjoué.
« Je t'ai dit qu'il y avait des avantages à ce que mon parrain soit mon nouveau prof de DCFM, non ? » interrogea-t-il, l'air espiègle.
« Harry ! » s'exclama Hermione d'une voix sévère tandis qu'il s'esclaffait bruyamment.
Le lendemain, aux alentours de huit heures, elle se dirigea de nouveau vers le bureau du Professeur Black. Cette fois, lorsqu'elle tapa contre la porte, ce fut d'un geste plus confiant.
Il ouvrit la porte et encore une fois, elle fut soufflée par le charisme et la beauté bruts qu'il dégageait. Il sourit en la voyant et l'invita à entrer dans le bureau.
« Vous êtes certaine que cela ne vous dérange pas ? J'imagine que vous aviez beaucoup mieux à faire un vendredi soir que d'organiser des cours supplémentaires de Défense Contre les Forces du Mal. » dit-il avec son rire grave, la tête rejetée en arrière
Elle secoua la tête, amusée. Cette fois, elle n'attendit pas qu'il le lui demande pour aller s'installer sur le canapé.
« Vous voulez reprendre là où nous nous étions arrêtés ? » demanda-t-elle en extirpant le parchemin où elle avait reporté le compte rendu de leur session précédente.
« Vous êtes tellement sérieuse, Miss Granger. Je me sens coupable alors que je suis supposé être le professeur. » ajouta-t-il, l'air rieur.
Elle n'avait jamais remarqué les rides au coin de ses yeux lorsqu'il était amusé. Tout chez lui était tellement… attirant. Lorsqu'il s'installa à côté d'elle et que son parfum intense lui chatouilla de nouveau les narines, elle se sentit défaillir. Elle s'efforça de garder son attention rivée sur son parchemin. Sa tentative fut un échec total. Presque aussitôt, son esprit commença à essayer de reconnaître les notes de son parfum. Elle distingua à peine ses paroles lorsqu'il entama des explications.
« Miss Granger, vous allez bien ? » demanda-t-il soudainement, posant sa main sur son bras.
Elle leva les yeux et croisa son regard dans lequel elle pouvait distinguer une lueur inquiète. Puis, réalisant que sa main était en contact avec sa peau, elle se figea sur place. Ses doigts étaient chauds et elle se sentit frissonner.
« Je...je… » commença-t-elle à balbutier, incapable de sortir une phrase cohérente.
« Vous n'avez pas l'air dans votre assiette, ce soir. Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que vous sembliez distraite, pendant le dîner, tout à l'heure. » ajouta-t-il.
L'avait-il vraiment observée pendant le dîner ? Elle commença à se sentir mal à l'aise, ne sachant pas comment gérer les différentes émotions qui la parcouraient actuellement. La main du professeur Black était toujours sur son bras.
« Vous…Vous avez raison. » parvint-elle finalement à articuler. « Je…je crois que je suis souffrante. Je devrais rentrer me reposer. »
Elle se releva précipitamment, se dégageant de sa poigne et rangea ses affaires d'un geste hâtif avant de se diriger vers la sortie, et quitter la pièce.
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Cela faisait des lustres que Ginny Weasley n'avait pas eu de rencard. Dans son ancienne école, elle avait été plébiscitée auprès des garçons mais la plupart avait rapidement abandonné l'idée de l'inviter à sortir, la jugeant un peu trop agressive et conflictuelle. Elle n'était pas du genre à se laisser faire, et grandir avec six frères avait forcé Ginny à être batailleuse pour se faire respecter par sa fratrie.
L'idée de passer l'après-midi avec Draco Malfoy, un garçon d'une arrogance impressionnante, était désespérante. Allaient-ils s'entretuer au bout de cinq minutes ? Rien n'était moins sûr.
Ginny n'arrivait pas à croire qu'elle était tombée dans son chantage stupide. Lorsqu'elle était venue l'aborder pour lui signifier qu'elle acceptait finalement son rendez-vous, il avait affiché cette espèce de rictus rempli d'arrogance et elle avait dû faire preuve de toute sa maîtrise d'elle-même pour ne pas l'étriper sur place. Elle avait sa fierté après tout, et réaliser qu'elle se vendait pour obtenir des informations sur les Quatre de la part de Malfoy, était déprimante.
Ron avait affiché un air surpris lorsqu'elle lui avait parlé du rendez-vous.
« Ce n'est pas le type dont tu n'arrêtes pas de parler ? Celui qui t'horripile ? » l'avait interrogé Ron, confus.
« Je ne parle pas sans arrêt de lui. » avait immédiatement répliqué Ginny, les joues en feu.
Elle avait toutefois dû en rester là. Ron ne savait rien de son plan pour saboter les Quatre et elle ne souhaitait pas le mettre dans une situation délicate par rapport à leur mère. Il était supposé la surveiller et s'assurer qu'elle reste hors des ennuis.
« Je veux que tu sois de retour avant huit heures. » lança Ron d'une voix aiguë, imitant la voix de leur mère.
Ginny utilisa son majeur pour lui faire un signe particulièrement vulgaire, ce qui sembla redoubler l'hilarité de son frère.
« Je serai aussi dans le coin, si jamais il y a besoin. Harry et moi allons boire une bière après l'entraînement. » l'informa-t-il.
« C'est mignon que tu t'inquiètes pour moi, petit frère. » lança Ginny avec ironie.
« Ce n'est pas pour toi que je m'inquiète mais pour ce type. » répliqua Ron. « Il ne sait pas quelle furie tu es. »
Ginny lui jeta un morceau de pain entamé à la figure, mais il l'attrapa sans difficulté grâce à ses réflexes de gardien.
« Je te hais. » clama-t-elle.
« Je t'aime aussi, G. » lança Ron, l'air goguenard.
Ginny lui tira la langue puis quitta la salle commune de Gryffondor. Quelques minutes plus tard, elle se retrouva devant les portes menant à l'extérieur. Elle reconnut immédiatement Draco près de la sortie.
« Ginevra. » héla-t-il
Pour une raison obscure, il insistait pour l'appeler par son nom complet. Probablement pour l'irriter davantage.
« Malfoy. » répondit-elle d'un ton neutre.
Il l'observa quelques secondes, comme s'il jaugeait son apparence.
« Encore un commentaire agréable à faire au sujet de mon apparence ? » demanda-t-elle en levant les yeux au ciel.
Elle avait enfilé un jean, un t-shirt blanc à col V et revêtu sa veste en cuir favorite par-dessus. Rien ne valait le confort. Et puis ce n'était pas comme si elle prenait ce fichu rendez-vous au sérieux. Elle n'allait pas faire ce plaisir à Malfoy.
« Tu es paranoïaque, Ginevra. » affirma-t-il en secouant la tête. « Faisons un marché. Je ne te ferai pas de remarques désobligeantes et tu ne seras pas autant sur la défensive. »
Elle hésita quelques secondes. Son marché lui paraissait juste. Le problème était qu'elle ne lui faisait pas du tout confiance. Elle décréta cependant qu'elle ferait un effort pour mettre sa paranoïa de côté. Du moins pour l'après-midi.
« Si tu veux. » dit-elle en haussant les sourcils, feignant l'indifférence. « Où va-t-on ? »
« C'est une surprise. Il faut qu'on marche jusqu'à Pré-au-Lard pour pouvoir transplaner. Je pense que tu vas aimer ce que je te réserve. » assura-t-il.
Elle lui jeta un regard curieux mais hocha la tête. Ils se mirent en marche, longeant le chemin qui menait au village.
« Je ne sais pas beaucoup de choses sur toi, Ginevra. » lança Draco d'un ton curieux.
« Si tu ne passais pas ton temps à m'insulter peut-être que tu aurais appris des choses sur moi, depuis le temps. » répliqua Ginny.
« N'oublie pas notre marché. » rappela Draco.
Elle jura intérieurement. Cela allait être plus difficile que prévu.
« Oui, désolée. » lança-t-elle avec un soupir.
Elle lui parla de manière un peu superficielle de sa vie dans son école précédente, prenant soin d'omettre certains éléments qu'elle ne voulait pas ébruiter.
« Donc pas de petit-ami laissé derrière ? » demanda-t-il, intrigué.
Sa question la laissa un peu désemparée. Elle s'était attendue à ce qu'il creuse davantage sur les raisons pour lesquelles elle avait quitté son école. Mais non, il voulait savoir si elle avait un petit-ami.
« Non, juste un ex un peu taré. » répondit-elle, arborant un air mystérieux.
L'air déconcerté que le visage de Draco afficha la fit éclater de rire.
« C'était une blague, Malfoy. » dit-elle, l'air goguenard. « Détends-toi. »
Il parut amusé lorsqu'elle lui avoua qu'elle plaisantait.
« Et pour être honnête, l'ex un peu tarée, c'était moi. » ajouta-t-elle d'un ton espiègle.
Cette fois ce fut au tour de Draco de rire. Immédiatement, l'atmosphère sembla un peu plus détendue et ils parvinrent même à avoir une conversation normale. Draco parla un peu de lui, également.
Il était fils unique et avait été élevé dans un milieu particulièrement privilégié. Ils avaient toutefois des points en commun. Comme elle, Draco était féru de Quidditch. Il était également un grand fan des Bizzar' Sisters. Il semblait aussi avoir des relations tendues avec l'un de ses parents. Apparemment, son père était un homme exigeant, très attaché aux apparences et à la réussite sociale.
Elle fut surprise qu'il soit aussi transparent. Elle fut encore plus surprise de réaliser qu'elle avait peu de réserves à lui parler de sa propre relation avec sa mère, parfois compliquée.
« Je suis différente de mes frères et je crois qu'elle aimerait que je sois comme eux. J'ai toujours l'impression d'être le vilain petit canard, dans ma famille. » admit-elle.
Elle fut surprise lorsqu'ils atteignirent la pancarte qui affichait l'inscription Pré-Au-Lard. Elle avait perdu la notion du temps pendant leur conversation.
« Je vais transplaner, attrape mon bras. » proposa-t-il en l'invitant à prendre sa main.
Elle encercla le poignet de Draco avec ses doigts. Immédiatement, le paysage qui les entourait disparut et elle fut secouée par un tournis qui lui donna la nausée. Quelques secondes plus tard, ses pieds touchaient de nouveau la terre ferme. Elle lança un regard circulaire aux alentours, tentant de reconnaître l'endroit. Ils se trouvaient devant ce qui semblait être un terrain vague, complètement désert.
« Malfoy, tu réalises qu'il n'y a rien, ici ? » interrogea Ginny avec dédain.
Draco arbora un sourire pour seule réponse et il lui signifia d'un geste de la tête de le suivre. Perplexe, elle s'engagea à sa suite. Draco sembla chercher quelque chose dans sa poche et il en sortit ce qui ressemblait vaguement à deux pièces de monnaie. Les pièces étaient toutefois plus épaisses que des vraies gallions. Il les lança ensuite dans l'air et elle l'observa avec perplexité, se demandant s'il avait perdu la tête.
Avant qu'elle ne puisse faire le moindre commentaire, elle remarqua que les pièces n'étaient pas retombées au sol mais qu'elles avaient disparu dans les airs. Quelques secondes plus tard, un brouillard épais apparut, semblable aux champs magnétiques que formaient les sorts de protections parfois érigés autour des bâtiments sorciers, pour les dissimuler aux yeux des Moldus.
« Viens. » ordonna Draco en s'approchant du portail transparent.
Il passa à travers et disparut de sa vue. Estomaquée, elle s'empressa de le suivre et écarquilla les yeux de surprise. Le terrain vague avait disparu, laissant place à ce qui semblait être des ruines. On apercevait des vieux bâtiments à moitié détruits, dans lesquels des gradins avaient été improvisés. Des centaines de personnes y étaient installés, brandissant des pancartes et des drapeaux tout en hurlant avec excitation.
« Par ici. » indiqua Draco en pointant du doigt l'entrée d'un des bâtiments en ruine.
« C'est quoi, cet endroit ? » demanda Ginny, fascinée.
« Ton nouveau passe-temps favori. » assura-t-il.
Ils s'engagèrent dans un escalier étroit, construit à partir de vieux débris de métal empilés les uns sur les autres. Ils arrivèrent sur une estrade surélevée où se trouvait une rangée de gradins et Draco la mena sur la première rangée. Ainsi en hauteur, elle avait une nouvelle perception de son environnement. L'endroit ressemblait vaguement à un stade. Lorsqu'elle observa avec plus d'attention, elle réalisa qu'il s'agissait en fait d'un parcours. Une ligne blanche avait été tracée sur le sol en terre rougeâtre et deux drapeaux flottaient dans les airs, à chaque extrémité de la ligne.
« Tu vas assister à une course. » lui annonça fièrement Draco, avec un sourire au coin des lèvres.
Avant qu'elle ne puisse demander davantage d'explications, un vrombissement sonore retentit, semblable aux barrissements d'une horde d'éléphants, faisant trembler les constructions fragiles du stade improvisé. Elle se retint à la barre en fer devant elle, peu rassurée. Puis, une bourrasque lui frôla le visage et elle tourna la tête, sur le qui-vive. Elle aperçut des dizaines de personnes, perchés sur des balais. A leur apparition, la foule sembla redoubler d'excitation, et commença à hurler des noms à pleins poumons.
« Ce sont les participants de la course. » indiqua Draco en les pointant du doigt. « Le but du jeu est simple, il faut faire treize tours autour du parcours. Celui qui arrive le premier gagne la course. »
« C'est donc une course de rapidité ? » demanda-t-elle.
« Oui, mais pas seulement. Il y a des obstacles tout au long du parcours pour rendre la tâche plus difficile. » poursuivit Draco. « Tu verras. »
« Amateurs de sensations fortes, cavaliers survoltés, bienvenue à une nouvelle édition du Parcours de la Mort. Aujourd'hui, je vous promets du dégât, de la brutalité extrême ainsi qu'une petite surprise qui devrait ravir les spectateurs. » s'éleva soudainement une voix grave, résonnant dans toutes les ruines.
Ginny tourna la tête en direction du bâtiment adjacent, où un sorcier était installé sur un trône de fortune, la baguette rivée sur sa nuque.
« Quinze joueurs s'affrontent aujourd'hui pour remporter le grand prix d'une valeur de 1300 gallions. » continua la voix du commentateur. « Je vous rappelle la seule règle de notre jeu. L'usage de la magie directe est interdit et disqualifiable immédiatement. »
« Qu'est-ce que ça signifie ? » demanda Ginny en élevant la voix pour que Draco puisse l'entendre au milieu des cris provenant des gradins.
« Les joueurs n'ont pas le droit d'utiliser leurs baguettes pour produire de la magie. Ils peuvent seulement utiliser la magie qu'offre le parcours. Ce n'est pas seulement un jeu de rapidité et d'adresse, il faut aussi faire preuve de réflexion et de stratégie. » expliqua Draco en se penchant vers son oreille pour se faire entendre.
« Tous les joueurs, sur la ligne de départ. » ordonna le commentateur. « Trois, deux, un… EN VOL ! »
Immédiatement, tous les sorciers sur les balais foncèrent pour commencer le parcours. Quelques secondes plus tard, on entendit un bruit strident et Ginny remarqua que l'une des tours improvisées du parcours venait de s'ouvrir en deux. Elle vit ensuite des objets sortir de la tour et se diriger à toute vitesse en direction des joueurs. En plissant les yeux, elle reconnut des créatures ailées qui lui parurent familières.
« Des chauves-furies. » lança Draco, confirmant ses doutes.
Médusée, Ginny observa les joueurs commencer à faire des zigzags dans les airs pour éviter d'être touchés par les créatures. L'un d'eux, un homme à la silhouette robuste portant un masque sur l'intégralité de son visage, ne fut pas assez rapide. Il fut attaqué par une horde de chauves-furies et perdit de l'altitude. Il leva une main, tentant de les repousser mais sans succès. Son balai commença une chute dangereuse en direction du sol. Ginny laissa échapper un cri choqué lorsque le balai du joueur s'encastra dans les ruines.
« Et un de moins ! » clama le commentateur d'une voix enjouée. « Neuf secondes ! C'est tellement mauvais. Nous avons probablement atteint un record. »
Des hurlements de rires se firent entendre dans les gradins. Le public huait l'homme sans pitié, ne semblant pas se soucier de son sort.
« Un amateur. » ricana Draco.
« Il va bien ? » demanda Ginny.
Draco haussa les épaules.
« Aucune idée. » répondit-il, visiblement indifférent.
Le reste du public semblait partager son sentiment car ils avaient déjà commencé à hurler des encouragements en direction des autres joueurs.
Lorsque Draco lui avait expliqué les règles dans les grandes lignes, elle s'était attendue à une course de rapidité, sans grand intérêt. Les minutes suivantes lui prouvèrent qu'elle s'était trompée sur toute la ligne. Tout au long du parcours, des obstacles intervenaient pour empêcher les joueurs de progresser. Des gaz somnifères, des flèches empoisonnées sortant de nulle part ou encore des blocs de glace et de granit lancés dans leur direction. Elle comprit pourquoi Draco avait parlé de stratégie. Non seulement les joueurs devaient éviter les pièges érigés autour d'eux, mais ils devaient également pousser leurs concurrents à tomber dans ces derniers.
Ginny observa avec fascination l'une des joueuses effectuer un croc-en-manche sur l'un de ses rivaux. Elle attrapa le manche de son balai, le forçant soudainement à changer de cap. Le rival n'eut pas le temps d'éviter le cognard ensorcelé qui le frappa de plein fouet, le faisant s'écraser dans l'une des tours.
A ses côtés, Draco siffla des encouragements en direction de la joueuse qui reprit sa course effrénée pour compléter son tour du parcours. Au huitième tour, la moitié des joueurs avaient été mis hors-concours.
« Ils ne restent plus que les pros. » l'informa Draco. « En général les amateurs dépassent rarement le septième tour. »
En effet, à chaque nouveau tour, la difficulté semblait s'accroître et les obstacles devenaient de plus en plus violents et compliqués à gérer. Une fois qu'elle eut compris tout l'intérêt du jeu, Ginny se surprit à hurler avec excitation, tout aussi fort que le reste du public.
Elle avait déjà une joueuse préférée, celle qui avait réalisé le croc-en-manche. Pendant le sixième tour, cette dernière s'était rapprochée de leurs gradins pour éviter les sorts cuisants de sorciers postés sur des chevaux ailées. Ginny avait alors eu tout le loisir de l'observer pendant quelques secondes. La joueuse était une jeune femme asiatique, avec de longs cheveux noirs attachés en une queue de cheval dont la pointe avait été coloré en un bleu cyan pétant. Elle portait une combinaison bleue très ajustée. Ginny fut impressionnée par son aisance dans les airs et la facilité avec laquelle elle effectuait des figures complexes.
« Cette fille est géniale ! » hurla-t-elle à l'attention de Draco.
« C'est Cho. » lui apprit Draco. « Une vraie tueuse. Elle a déjà gagné deux ceintures cette année. »
« Elle a l'air tellement jeune ! » commenta Ginny, l'air ébahi.
« C'est parce qu'elle l'est. Elle à peine plus âgée que nous. Elle était à Poudlard, elle aussi. » l'informa Draco.
Ginny observa Cho avec fascination tandis qu'elle évoluait visiblement dans son élément. Elle éprouva un pincement au cœur en réalisant qu'elle avait manqué sa chance de jouer au Quidditch à Poudlard.
« Plus que deux compétiteurs dans notre course effrénée pour la victoire. Nous entamons le treizième tour. Je vous avais promis du sensationnel, du spécial, de l'excitant, n'est-ce pas ? » s'exclama le commentateur d'une voix puissante.
On entendit des exclamations excitées parmi la foule.
« Pour notre ultime tour, nos champions devront lutter contre le Roi des Airs. » indiqua le commentateur d'une voix mystérieuse. « Pour plus de sécurité, un sortilège de protection est actuellement érigé par nos spécialistes pour protéger le public de la Terreur qui va entrer sur le terrain. »
Tout le monde dans le public commença à s'observer avec appréhension, s'interrogeant sur le prochain obstacle que devraient affronter les joueurs.
Un champ magnétique s'éleva autour des gradins, face aux spectateurs. Soudainement, on entendit un grondement puissant.
« Regardez, au sol ! » s'exclama quelqu'un dans le public.
Ginny se pencha au-dessus de la rampe et vit le sol en terre trembler légèrement. Le sol sembla se fendre en deux au milieu du parcours et elle aperçut une figure immense sortir lentement du sol. Elle ouvrit la bouche, choquée lorsqu'elle reconnut de quoi il s'agissait.
« Mesdames et messieurs, admirez la Terreur des Airs ! » hurla le commentateur.
« Un dragon ? » demanda Ginny, apeurée. « C'est complètement fou. »
« Un cornelongue roumain. » informa Draco, interloqué. « C'est l'une des races les plus dangereuses. »
Ginny observa le dragon déplier ses ailes robustes. Sa peau était remplie d'écailles vertes et deux massives cornes ornaient les côtés de sa tête. Ginny se sentit un peu nauséeuse en réalisant que les joueurs devraient essayer affronter le dragon pour remporter la course.
« Enfin ! Cho et Alex, nos deux derniers compétiteurs, viennent de franchir la ligne et terminer leur douzième tour ! Dernière ligne droite. Va-t-on nous servir un champion grillé pour le dîner ce soir ? » se moqua le commentateur.
Dans le public, des rires gras se firent entendre. Avec appréhension, Ginny observa le dragon commencer à prendre de l'envol lentement, comme s'il se réveillait après une longue sieste.
« Vous serez ravis d'entendre que notre ami n'a pas encore mangé son dîner. » déclara le commentateur, hilare.
« Il ne peut pas leur faire du mal, n'est-ce pas ? » demanda Ginny à l'attention de Draco, mal à l'aise. « Ils font ça pour le spectacle, pas vrai ? »
« C'est un champ libre, ici. Les blessures sont réelles. » répondit Draco, son attention rivée sur les champions qui avaient ralenti leur course, à la vue du dragon.
Ginny les vit s'échanger quelques mots et faire de grands signes de la main.
« Que se passe-t-il ? » dit le commentateur. « Oh oh oh, il semblerait que nos champions soient en train d'établir une stratégie pour passer devant le dragon. Quel esprit d'équipe, du jamais vu dans notre compétition. »
Cho et Alex débutèrent des tours devant le dragon. Ils partaient dans une direction, puis changeait de cap à la dernière minute de façon à créer la confusion du dragon. La créature géante les observait, l'air ennuyé. Soudainement, il ouvrit sa gueule et une flamme géante fut projeté face à eux. Le manche du balai de Cho prit feu soudainement, ce qui la força à perdre de l'altitude.
Immédiatement, l'autre champion fonça en direction du reste du parcours, profitant du malheur de sa rivale.
Le commentateur laissa échapper un rire sarcastique tandis que le public hurlait des encouragements.
« Il semblerait que l'esprit d'équipe ait déjà été mis au placard. Cho est actuellement en difficulté et Alex en profite pour se faire la malle. »
« Quelle enflure. » commenta Ginny, l'air contrarié.
« C'est le jeu. » répondit Draco avec un rire. « Il faut savoir être opportuniste. »
Le dragon ne sembla toutefois pas vouloir laisser le champion s'échapper aussi facilement. Ses ailes se déplièrent cette fois complètement et il s'envola à la suite d'Alex. Ce dernier, remarquant que le dragon était à sa suite, commença à voler en zigzag.
« Alex fonce en direction de la ligne, pour effectuer les derniers cent mètres qui le séparent de l'arrivée. » s'écria le commentateur.
Trop occupé à jeter des regards en arrière pour vérifier où était le dragon, Alex fut surpris par un morceau de roche devant lui tandis qu'il prenait un virage serré. Sous le coup de l'impact, il chuta de son balai, et tomba dans les ruines, probablement inconscient. Ginny ne put pas distinguer où il était tombé à causer des morceaux de métal lui cachant la vue.
« Blaireau ! » hurla quelqu'un dans la foule, provoquant des rires autour de lui.
« C'est un K.O évident pour Alex. Il semblerait que le dragon ait eu raison de nos derniers joueurs… Attendez une seconde. » lança le commentateur. « On dirait que Cho a réussi à éteindre son incendie et qu'elle est de retour dans la course ! »
Des exclamations jaillirent soudainement de la foule, tandis qu'une fusée brune apparaissait de nouveau dans le parcours.
Ginny observa Cho bondir en direction du dragon, un air déterminé sur le visage.
« En voilà une qui ne se laisse pas décourager. Va-t-on assister à un barbecue vivant ? » demanda le commentateur avec sarcasme.
Ginny agrippa de nouveau la rampe, le cœur battant, tandis qu'elle regardait Cho arriver vers le dragon. Ce dernier sembla aussi remarquer la présence de Cho et il cessa de chercher Alex dans les débris, pour se tourner vers elle.
« Va-t-elle vraiment tenter le un-contre-un ? C'est une idée totalement farfelue avec un adversaire de la sorte. » lança le commentateur, en secouant la tête.
Cho s'arrêta à dix mètres du dragon puis commença à faire des cercles avec son balai, sous les regards perplexes de la foule.
« On dirait que sa chute a endommagé son cerveau. » ajouta le commentateur avec un rire moqueur. « Que fait-elle, pour l'amour de Merlin ? »
Les yeux de Ginny s'agrandirent lorsqu'elle comprit ce que Cho était en train d'accomplir. Ses cercles étaient si rapides qu'une mini tornade avait commencé à se générer autour d'elle. Elle continua le mécanisme pendant deux minutes, sous le regard blasé du dragon qui l'observait comme s'il s'agissait d'une souris en train de faire un tour peu amusant. La tornade de Cho s'était agrandie, atteignant désormais plusieurs mètres. Elle avait disparu à l'intérieur.
Soudainement, le dragon sembla s'irriter de son petit manège, et il ouvrit sa gueule proéminente, bombant son torse. Quelques secondes plus tard, une flamme impressionnante sortait de sa gueule en direction de Cho et sa tornade.
On entendit des hurlements de toute part, dans la foule. Même le commentateur resta silencieux, visiblement choqué par la scène.
« Oh Merlin, oh Merlin... » répéta Ginny, les yeux à moitié clos, refusant de regarder la scène.
Quelques instants plus tard, elle entendit des cris excités et le soulagement l'envahit lorsqu'elle en vit la cause. Cho venait d'apparaître au bas de la tornade et avait foncé sous le dragon, rasant le sol. Trop occupé à souffler ses flammes impitoyables sur la tornade, il n'avait pas remarqué son stratagème. Cho franchit les derniers mètres qui la séparaient de la ligne d'arrivée sous les exclamations de toute la foule en délire.
« Cho ! Cho ! Cho ! » entendait-on partout dans les gradins.
« Je crois que le sang a arrêté de circuler dans mon bras, Ginevra. » commenta Draco avec amusement, aux côtés de Ginny.
Elle lui jeta un regard confus et ses joues tournèrent au cramoisi lorsqu'elle se rendit compte qu'elle s'était agrippée à son bras, sans le réaliser. Elle le relâcha, murmurant des excuses inaudibles et il afficha son petit rictus habituel. Oubliant momentanément son embarras, Ginny rejoignit le reste de la foule pour applaudir Cho.
« La performance du siècle, mesdames et messieurs. Du sensationnel, comme vous n'en avez JAMAIS vu ! » hurla le commentateur.
Ginny vit des sorciers jeter des sorts de stupefixion en direction du dragon, probablement pour le calmer.
« Allons-y. » dit soudainement Draco d'un ton empressé. « Ça ne m'étonnerait pas que les Aurors débarquent bientôt. »
Elle fronça les sourcils, sans comprendre, mais le suivit tout de même tandis qu'il l'entrainait à nouveau dans l'escalier en colimaçon étroit pour quitter les gradins. Ils traversèrent une nouvelle fois le champ magnétique et se retrouvèrent sur le terrain vague, aux côtés d'autres spectateurs qui quittaient également les lieux.
Draco attrapa le bras de Ginny et transplana dans un pop sonore. Ils furent de retour à Pré-au-Lard et Ginny dut s'arrêter pendant quelques secondes, à cause du tournis que lui provoquait le transplanage.
« Alors, qu'en as-tu pensé ? » demanda avidement Draco
« C'est le truc le plus fou, excitant, dérangé et cool que j'ai vu dans ma vie. » admit Ginny, pleine d'effervescence.
« J'étais sûr que ça te plairait. » affirma Draco, visiblement amusé par son emballement.
« Je n'ai jamais entendu parler de ce genre de chose, je ne savais pas que ça existait ! »
« C'est un sport clandestin. A vrai dire, c'est totalement illégal et le Ministère cherche régulièrement à démanteler ce réseau. » expliqua Draco.
Elle ne pouvait qu'imaginer pourquoi le ministère voulait mettre un terme à ce genre d'activités. En plus d'être complètement démentes, ces courses étaient d'un danger extrême.
« Il y a régulièrement des blessés sévères. Et il y a tout un réseau de paris souterrains. » expliqua-t-il.
« Cette Cho… Elle était tellement géniale. » s'enthousiasma Ginny. « Elle est assez bonne pour jouer au Quidditch professionnellement. »
« Certains de ces joueurs ont tenté le Quidditch professionnellement mais c'est un milieu très compétitif. Avec les courses, ils sont adulés par une communauté restreinte. Ils sont traités comme des stars. »
« C'était géant, merci Draco. » dit-elle avec sincérité.
Ils se dirigèrent vers un pub appelé les Trois Balais et s'installèrent à une table non loin de l'escalier. Draco commanda deux bièraubeurres et ils passèrent la demi-heure suivante à discuter de la course à laquelle ils avaient assisté.
Même si elle aurait préféré avaler de la morve de limace plutôt que l'avouer, elle passait un moment agréable en compagnie de Draco. Mais elle devait également se souvenir de la raison pour laquelle elle était venue à ce rencard.
« Tu es vraiment sorti avec Greengrass ? » demanda-t-elle de but en blanc après avoir avalé une bouchée de son scone à la crème et à la confiture de framboises.
« Tu n'y vas pas par quatre chemins. » fit remarquer Draco, visiblement amusé.
« Je suis quelqu'un de direct. » répliqua Ginny, sans la moindre gêne. « Alors ? »
« Oui. » répondit-il simplement. « Pendant notre cinquième année. »
« Comment ça s'est terminé ? » interrogea-t-elle avec curiosité.
Il sembla réfléchir.
« Daphné n'est pas une fille facile à vivre. » répondit-il finalement. « On dirait que je suis seulement attiré par les filles qui me donnent du fil à retordre. »
« Comment ça, pas facile à vivre ? Extrapole. » insista Ginny.
« Elle était obsédée par le regard des autres et elle était constamment dans la compétition, même avec moi. C'est le genre de fille qui veut absolument tout contrôler. C'était devenu lassant et un peu toxique, à force. Elle trouvait tous les jours une raison pour me faire une crise. Et j'étais un adolescent stupide, guidé par les hormones, ce qui n'a pas aidé. » déclara Draco en haussant les épaules.
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » interrogea Ginny avec curiosité.
« Lors d'une fête, j'ai un peu trop bu et j'ai laissé une fille m'embrasser. » admit-il d'un ton factuel.
Ginny secoua la tête et leva les yeux au ciel.
« Évidemment, elle l'a su dès le lendemain. Mais ce n'est pas le pire. » ajouta Draco.
« Comment ça ? »
« Elle n'était pas furieuse que j'ai embrassé une autre fille, elle était furieuse qu'il s'agisse d'Astoria, sa demi-sœur, qu'elle déteste cordialement. » répondit Draco. « Après ça, elle a arrêté de m'adresser la parole. »
« C'est compréhensible. Franchement Malfoy, sa propre sœur ? » dit Ginny d'un ton accusateur. « C'est vraiment répugnant de ta part. »
« Je ne veux pas me donner d'excuses mais j'étais complètement ivre et elle s'est jetée sur moi. J'ai juste mis un peu trop de temps à la repousser. C'était une erreur, j'étais jeune et stupide. » admit-il avec un rire.
« Et tu vas prétendre que tu as changé, depuis ? » demanda-t-elle, l'air sceptique. « Si tu crois que ça sera suffisant pour que j'accepte de t'emballer à la fin de ce rencard, tu te fiches le doigt dans l'œil. »
Cette fois, il éclata d'un rire plus franc.
« Non, je ne me fais pas d'illusions. Je sais que ça prendra du temps. » dit-il. « Alors, qu'est-ce que tu veux savoir d'autres sur Daphné et ses amies ? »
Alors que Ginny s'apprêtait à répondre, elle se sentit prise d'un vertige soudain et elle attrapa l'extrémité de la table, pour se retenir. Elle sentit sa vision se brouiller.
« Tout va bien ? » lui demanda Draco.
Sa voix lui parut lointaine. Elle fronça les sourcils et tenta de se concentrer sur les paroles qu'il prononçait. Soudainement, le visage de Draco changea brutalement. Sa complexion pâle devint grisâtre et des trous béants apparurent à la place de sa bouche et de ses yeux. Horrifiée par cette vision effrayante, elle s'enfonça dans son siège. Il ouvrit le trou béant se trouvant à la place de sa bouche et un son guttural en sortit, semblable à celui d'une créature sauvage.
Des vers gluants sortirent de la cavité, tombant sur la table et commencèrent à ramper en direction de Ginny. Elle lâcha un hurlement strident et se leva avec précipitation de sa chaise, terrifiée. Draco – ou plutôt le monstre qui était désormais à sa place, se leva à son tour et dans un mouvement inhumain, il sembla presque glisser sur le sol, pour s'approcher d'elle, tendant des mains aux griffes acérées dans sa direction.
« Ne m'approche pas. » hurla-t-elle avant de fourrer sa main dans sa poche pour prendre sa baguette.
Elle tâta dans le vide et réalisa avec horreur que sa baguette était restée sur leur table.
« Où est Draco ? Qu'est-ce que vous avez fait de lui ? » demanda-t-elle. « A l'aide ! »
Elle sentit une main attraper son bras et le soulagement l'envahit lorsqu'elle vit une serveuse des Trois Balais s'approcher d'elle.
« Aidez-moi, il… » commença-t-elle d'une voix paniquée.
Ginny s'interrompit soudainement lorsqu'elle vit le visage de la serveuse se déformer à son tour, prenant l'apparence horrifiante d'un monstre, comme celui de Draco.
Cette fois, elle hurla à plein poumons. Elle jeta des regards terrorisés autour d'elle, pour chercher de l'aide et constata avec horreur que tous les occupants du pub avaient désormais ces visages ignobles et terrifiants. Elle sentit les battements de sa poitrine s'accélérer et l'angoisse lui tordit l'estomac. Elle recula et se jeta précipitamment vers la porte de l'établissement pour en sortir, sans cesser de crier.
A l'extérieur, les passants avaient disparu, remplacés par ces monstres à l'apparence hideuse. Tout le monde dans la rue sembla s'arrêter pour la fixer. Dans un mouvement synchronisé, ils ouvrirent tous la cavité qu'ils avaient à la place de la bouche, révélant un trou béant qui couvrait la moitié de leurs visages grisâtres. Encore une fois, ce son guttural remplit ses oreilles et elle se mit à courir à toute vitesse, bousculant les monstres à son passage, des larmes d'effroi au coin de ses yeux.
Soudainement, elle sentit son pied trébucher sur un objet sur le sol et s'étala de tout son long. Elle sentit un impact sur son crâne et elle perdit connaissance.