Vous pensez sûrement que cette histoire a commencé le jour où j’ai fugué de chez mes parents. Et bien pas du tout ! Enfin, pas vraiment.
J’ai certes décidé de tout envoyer valser en ce qui concerne la famille Black par une belle nuit de juillet, l’été entre ma cinquième et ma sixième année à Poudlard. J’avais alors seize ans, et je venais de trahir ma famille au plus haut point, selon les dires de cette chère Walburga.
Non je dirais que tout commença le jour de la rentrée 1976. J’avais passé l’été le plus mitigé de toute ma vie.
D’un côté, c’était la première fois que j’étais accueilli dans un foyer aimant, chaleureux, celui des Potter. James et moi avions passé tout le mois d’août à jouer au Quidditch et planifier nos prochains mauvais coups pour les Serpentards. Sa mère, Euphémia, me traitait comme un second fils. Et son père, Fleamont, m’avais hautement félicité pour mes résultats aux BUSE.
Mais j’avais également ressenti un pincement constant au cœur. Je crevais de jalousie. Jamais je ne l’aurais admis devant James, mais je l’enviais sur tellement de point… J’aurais tué pour que ma famille ressemble un tant soit peu à la sienne ! Cerise sur le gâteau, Dumby l’avait nommé capitaine de notre équipe de Quidditch. Sur le coup, comme par réflexe d’auto-défense, je m’étais moqué de lui, disant que le directeur l’avait sûrement choisi pour qu’il se range enfin. Mais j’avais été forcé de constater, vu les heures qu’il passait à élaborer diverses stratégies de jeu, qu’il avait toutes les qualités d’un leader. Des qualités dont j’étais moi-même dépourvu, comme l’impartialité.
Enfin bref. J’étais finalement soulagé de retrouver Poudlard, ma vraie maison, mon vrai chez-moi. Sur le quai de la voie 9 ¾, j’évitais avec soin de regarder vers les membres de ma famille, et je fonçais plus rapidement que de raison dans le Poudlard Express pour réserver un compartiment. Cela avait largement surpris James et son père, mais pas Euphémia Potter, que j’avais entendu expliquer à son fils et son mari que je ne voulais probablement pas donner l’occasion à mes parents de venir me chercher des noises. Décidément, cette femme lisait en moi comme dans un livre ouvert !
Le premier à me rejoindre fut Peter Pettigrow. Quand il arriva, son visage potelé tout rougit d’avoir traîné maladroitement sa valise et un sourire enfantin au visage qui ne faisait que montrer sa dentition loin d’être parfaite, j’eux un peu de peine. Beaucoup à l’école se demandais ce que James, Remus et moi pouvions bien lui trouver pour le laisser traîner dans nos pattes. Et parfois je me posais la même question. Peter n’était ni doué en magie, ni particulièrement intelligent, ni attirant. En fait, il n’avait aucun talent particulier, rien qui puisse le mettre un tant soit peu en valeur à côté de nous, ses trois meilleurs amis. Nous lui avons pourtant trouvé une certaine utilité l’an passé.
James, Peter et moi, après avoir découvert que notre ami Remus Lupin souffrait d’un léger problème de fourrure, avions passé la majeure partie de notre premier trimestre à devenir des animagi. Un travail de plusieurs mois dont nous n’étions pas peu fiers. Désormais James se transformait en cerf, et je le surnommais Cornedrue en raison de ses bois. Moi je prenais l’apparence d’un chien, ce qui m’avais surpris, mais pas déplu, James trouvait d’ailleurs mes pattes si douces qu’il m’avait surnommé Patmol. Peter lui, se transformait en rat. Une chose qui l’avait profondément déçu, mais qui nous avait bien fait rire James et moi. Nous l’avions même surnommé Queudver, en hommage à sa queue de rat toute rêche. Toujours est-il que Peter était alors le seul de nous trois à pouvoir se faufiler vers les racines de ce foutu Saule Cogneur, appuyer sur le nœud et immobiliser l’arbre. Découvrir ce ‘talent’ que James et moi n’avions pas l’avait rendu fier comme un paon pendant des semaines ! Jusqu’à ce que, agacé par sa nouvelle vantardise, je lui avais rétorqué que James ou moi aurions été plus que capables de jeter un Immobilus.
A peine avais-je aidé Peter, dont les bras mollassons ne lui permettaient pas de hisser sa valise sur les filets à bagages, que James nous rejoignit. Il me lança un regard que je détestais, un regard qu’il voulait gentil mais qui étais plein de pitié, vu ma situation familiale. Pour échapper à une éventuelle discussion, je lançais directement un sujet très éloigné de ma personne en demandant à Peter comment s’étaient passé ses vacances.
Il eut tout juste le temps de nous répondre un timide ‘très bien, normal’ que Remus pointa le bout de son museau, complétant notre quatuor. Il y avait dans les yeux de Remus Lupin, une reconnaissance infinie qui me touchait toujours. Quand nous avions appris sa lycanthropie à la fin de notre quatrième année d’études, il s’était attendu à ce qu’on lui tourne le dos, qu’on le fuit comme s’il avait la Dragoncelle. A la place, nous étions devenus des animagi et nous passions nos nuits de pleine lune avec lui, explorant le château comme personne avant nous n’avais pu le faire.
De nous quatre, Remus était sans aucun doute possible le plus sage. Quoique Peter se serait probablement bien passé de se faire autant d’ennemis chez les Serpentards, s’il n’avait pas eu tant envie de faire partie de notre groupe. Mais Remus lui, même s’il enfreignait toutes les règles pendant les pleines lunes, se gardait toujours d’avoir un trop grand rôle dans nos farces. Surtout depuis qu’il avait été nommé Préfet. Il essayait parfois de refreiner nos ardeurs, à James et moi. Mais c’était toujours assez vain.
« Regardez les gars, avec Patmol on a planifié les endroits à explorer aux prochaines pleines lunes. » Entendis-je de la part de James, alors que le train était finalement parti et que le paysage filait sous mes yeux. « Il nous reste ces trois zones à cartographier, donc si tout se passe bien d’ici Noël… La Carte sera finie ! »
Je regardais Cornedrue exposer notre scrupuleuse planification à nos amis avec un sourire. Sur ce point, James et moi étions identiques : les règlements n’étaient pour nous que des listes de règles à enfreindre. Autant il était clair que mon propre rapport à l’autorité était largement biaisé par mes conflits familiaux, autant je n’ai jamais vraiment su pourquoi James était contre toute forme de règlement. Peut-être était-ce la surprotection dont sa mère faisait preuve à son égard ? Il est vrai que les Potter avaient eu, paraît-il, beaucoup de mal à faire leur enfant, aussi James était leur petit miracle. Le fait est que James et moi avions le goût de la farce bien faite, du règlement méprisé et de l’interdis. Dès la première année, cela nous avait rapproché et nous étions devenus comme des frères. James, Cornedrue, était le seul autorisé à me parler de tout, y compris de ma famille. Là où même Remus et Peter devaient prendre des pincettes pour aborder un tel sujet. Il était à la fois exactement comme moi, sûr de lui et courageux, et en même temps il était tout ce que je rêvais d’être, insouciant et aimé.
Comme toujours, le trajet me sembla interminable, tant j’avais hâte d’arriver à la gare de Pré-au-Lard. J’eus cependant le loisir d’être distrait quand James me rappela la première farce que nous avions prévu à l’intention de ces sales vipères de Serpentard. Sous les maigres reproches de ce pauvre Remus, désabusés de nous voir royalement ignorer son autorité de préfet, nous partîmes dans le couloir du train, à la recherche du compartiment adéquat.
Il était évidemment à l’autre bout des locomotives, ce qui rendit le trajet incroyablement long. Nous nous arrêtâmes souvent pour saluer des amis, et Cornedrue se ridiculisa encore une fois devant Lily Evans, dont il s’était visiblement épris depuis l’an passé.
« Cornedrue, arrêtes de t’ébouriffer les cheveux comme ça. » Lui avais-je conseillé après un éclat de rire. Voir Lily Evans lui claquer la porte au nez était toujours très drôle. « Elle te trouve arrogant, fait comme si elle avait tort. »
Il reprit sa marche dans le couloir, me répondant d’un haussement d’épaules. Nous finîmes par trouver le bon compartiment. Il y avait à l’intérieur Amycus et Alecto Carrow, deux frères et sœurs que nous méprisions, Evan Rosier ainsi que notre ennemi juré, Servilus. James et moi étions sur le point de balancer quelques boules puantes de chez Zonko dans leur compartiment quand un toussotement se fit entendre derrière nous.
Et merde.
Hélène Wilkes, préfète des Serpentards et petite cheffe de tout ce petit groupe que nous haïssions tellement. Sa famille était très influente, pas autant que la mienne, mais plus que celle des Carrow ou de Rosier. Les Wilkes étaient riches, de parfaits petits Sang-Pur comparables à ma tarée de famille ou aux Malfoy. Cela faisait d’Hélène, garce de première, la tête pensante de nos principaux rivaux. Et elle venait de nous prendre la main dans l’sac.
« Black, Potter. » Minauda-t-elle de sa saleté de voix. « Vous allez finir par écoper d’une retenue avant même que nous ayons franchi la frontière écossaise. »
« Wilkes. C’est fou je n’avais jamais remarqué à quel point l’uniforme de l’école pouvait souligner tes énormes hanches. » Répondis-je, faisant rire mon partenaire de farces.
« Voilà qui est très impoli, insulter ainsi une dame. » Fit une voix derrière Wilkes.
James et moi prêtâmes alors attention à la jeune fille brune qui accompagnait Hélène. Nous ne l’avions jamais vu auparavant mais elle n’était visiblement pas une nouvelle première année. Une nouvelle élève sans doute, de notre âge. La première impression qu’elle me fit, c’est qu’elle transpirait l’assurance, peut-être encore plus que James et moi réunis.
« Si Wilkes était une dame, on s’en serait rendu compte ! » Se moqua James.
« Dégagez d’ici, avant que je ne vous colle en retenue pour un mois. » Avait craché Wilkes.
Cela avait mis fin à nos plans contre les Serpentard, et à notre première entrevue avec la nouvelle. Cette dernière suivis Hélène dans le compartiment et ne me lâcha pas du regard alors qu’elle en refermait la porte. Ce qui m’étonna cependant le plus, c’est d’entendre Wilkes lui dire ‘Franchement je ne sais pas ce que tu lui trouve.’ en partant.
Le reste du trajet se fit sans encombre et nous oubliâmes bien vite notre interaction avec Wilkes. Posant enfin le pied à la gare de Pré-au-Lard, je m’étirais de toute ma taille, savourant l’air doux de cette première nuit de septembre. Rester assis sur la banquette durant toute la fin du trajet, enfiler ma robe de sorcier dans le wagon et être obligé d’escalader les pieds de mes amis pour aller aux toilettes m’avait engourdi les muscles. Quand les calèches franchirent les grilles de l’école, je sentis mes entrailles se libérer d’un poids que je n’avais même pas conscience d’avoir jusque-là. J’étais à la maison.
J’ai toujours trouvé amusant de regarder les premières années entrer dans la Grande Salle. La majorité d’entre eux ne savaient pas à quoi s’attendre pour la Répartition et craignaient de devoir faire quelques prouesses de magie, ce dont ils étaient bien incapables. Leurs visages étaient, d’année en année, divisé entre l’émerveillement et l’appréhension. Mais cette fois, ils étaient devancés par la fille que James et moi avions croisés, celle qui était avec Wilkes. Tout le monde la regardait avec des yeux étonnés, chuchotant sur son passage. Et il y avait de quoi. Elle dépassait les autres, derrière elle, d’au moins une tête et demi pour les plus grands et malgré son uniforme qui était identique au nôtre, elle suintait la richesse. Je devinais sans peine qu’elle serait une Serpentard. Après tout, combien de fois avais-je vu mes cousines, Bellatrix et Narcissa, arborer ce port de tête hautain ?
« Eh Lunard. C’est qui cette fille ? » Demanda James, assis à côté de moi.
« Ah oui, une nouvelle élève qui va être dans notre année. Elle vient de Beaubâton. » Répondit rapidement Remus alors que McGo allait parler.
« Chers étudiants, comme vous pouvez le constater nous accueillons cette année une nouvelle élève. Je compte sur chacun d’entre vous pour faire honneur à cette école et l’accueillir comme il convient. Bien. » Commença notre directrice de maison. « Quand j’appellerais votre nom, vous vous assiérez sur le tabouret, je poserais je Choixpeau sur votre tête, et vous serez répartis. Boleyn, Morgane. »
Oh bordel.
J’en avalais de travers le maigre verre d’eau que je m’étais servis pour patienter avant le banquet. Surpris, je me mis à tousser, manquant d’air. Cela ne passa pas inaperçu, ma toux résonnant dans la Grande Salle comme dans un caveau vide. McGonagall me lança son éternel regard réprobateur, James me tapa dans le dos pour que j’aille mieux et les têtes se tournèrent quelques instants vers moi. Mais le plus marquant, ce fut le petit sourire en coin que Morgane Boleyn me lança.
Cela n’aurait pourtant pas dû m’étonner. J’étais bien placé pour savoir que la famille Boleyn, qui avait longtemps vécu en France, était de retour en Angleterre. Mais je n’avais même pas imaginé qu’elle allait venir à Poudlard, bien que finalement, cela tombe sous le sens.
La famille Boleyn était la famille de sorciers la plus influente de toute l’Europe. L’on disait même qu’elle avait des contacts jusqu’aux États-Unis. Et la fortune de cette famille, qui ne cessait de croître grâce à leur haute réputation dans l’élevage d’Abraxans, aurait fait passer mes propres parents pour de pâles fonctionnaires.
Je passais le reste de la Répartition à expliquer à mes amis que non, je ne connaissais pas cette fille. Un mensonge éhonté, car pour la première fois de ma vie j’avais trop honte de dire la vérité, même à James. Mais durant le festin, je ne pouvais m’empêcher de la regarder, assise à côté de Wilkes. Je reconnus sans peine les traces de son éducation, elle avait toute l’attitude de ceux élevés dans des familles comme les nôtres. Si d’aucun pouvait penser que c’était inconscient, je savais moi que chacun de ces gestes était scrupuleusement calculé. De la manière dont elle rangeait une mèche de cheveux derrière son oreille, à sa façon de retrousser les lèvres après avoir bu une gorgée d’eau…Tout était fait pour être, si ce n’est aguicheur, au moins sensuel.
A ce moment-là, j’étais certain d’une chose. L’arrivée de Morgane Boleyn allait secouer Poudlard. Ce que je ne savais pas encore, c’était à quel point.