Quod Erat Demonstrandum by Spiritos
Summary:



Ce qui fallait démontrer, c’est qu’abolir le Secret magique n’est pas vraiment une bonne idée. C’est que les Sorciers n’ont aucune jugeote et qu’entraîner tout Poudlard à devenir Animagus n’est pas non plus conseillé. Que Fred Weasley est un imbécile et que le Choixpeau est plus qu’un stupide couvre-chef.

Ça, c’est ce qu’on a démontré.

Ce qu’il faudrait démontrer maintenant, c’est comment moi, modeste Serdaigle de Cinquième année hantée par des souvenirs atroces, me suis retrouvée élue d’une ancienne prophétie et impliquée dans une lutte aux enjeux plus grands que je ne le pensais.

Et bien entendu, je ne dispose d’aucun indice.

Vraiment ?

Pinterest - Lully Kana


Categories: Durant Poudlard, "19 ans plus tard" Characters: Fred II Weasley, James S. Potter, Personnage original (OC)
Genres: Amitié, Aventure/Action, Romance/Amour
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Aucun
Chapters: 2 Completed: Non Word count: 10058 Read: 1092 Published: 20/01/2020 Updated: 12/05/2020
Story Notes:

Hey (belle entrée en matière, n'est-ce pas ?)

Bon, ceux qui me connaissent un peu (ils ne sont pas beaucoup j'imagine) pourraient se demander pourquoi je repose ma fic longue QED qui est aussi la première que j'ai écrite sur ce site.

La réponse est simple: elle ne me convient plus ! 

L'écriture est trop lourde et "enfantine", l'intrigue trop complexe et l'action tarde à venir.

Pourquoi ne pas l'avoir supprimée, dans ce cas ? 

La réponse est très simple: REVIEWS ! :mrgreen:

Je tiens jalousement à mes quelques 28 reviews donc je ne toucherais pas à cette fic.

J'en changerais donc complètement quelques grands axes, puisque le QED 2.0 est à la première personne du point de vue d'un autre perso et se débute en cinquième année tandis que l'ancien projetait de faire la scolarité entière (j'en étais à la deuxième année lol).

BREF je vous laissse découvrir ou redécouvir l'histoire, tout en sachant que ça n'a au premier abord rien à voir avec l'ancienne.

Bonne lecture :)

1. Prologue by Spiritos

2. Crescendo by Spiritos

Prologue by Spiritos
Author's Notes:

Donc le premier chapitre où on découvre la fameuse Shayda Adel. 

P-S: l'ancienne version va être renommée Quod Curam Demonstrandum. Ça ne veut rien dire mais c'est un clin d'oeil plus ou moins subtil au tout premier titre où mon lamentable niveau en latin m'avait suggéré une traduction erronée de "Ce qu'il fallait démontrer". On remercie Pierre de lune de m'avoir corrigée (petit instant souvenir).

Bref on s'en fiche un peu, bonne lecture ^^

De délicates plumes bleutées virevoltaient dans les airs, plongées dans une obscurité quasi-totale.

Des ombres se mouvaient lentement dans la pénombre, et le remous du décor rappelait les imperceptibles fourmillemens des vagues d'un océan.

Seule une faible lueur émanait de chaque détail, de chacune des millles nuances nacrées des plumes et émettait dans le noir d'ébène un halo rassurant. 

Lentement mais sûrement, elles semblaient évoluer avec grâce dans un gouffre infini, sereines, sans jamais en devoir toucher le front.

Elles flottaient sans encombre, libres, et le sombre fond s’éclaircit peu à peu, l’obscurité effacée par la joyeuse valse des plumes azures.

Alors que la lumière semblait enfin revenir, elles prirent soudainement feu dans un ensemble parfait, consumées par un brasier inexorable qui déchirait les ténèbres.

Une étouffante fumée opaque fit disparaître les quelques lueurs persistantes, et ne restait plus que le noir complet, un noir vile et oppressant qui étouffait une dernière plume qui gisait sur le sol glacial.

Au loin retentit un hurlement strident, atroce mélange de râle animal et de pleurs humains.

Et je me réveillai en sursaut.

Haletante et en sueur, je me débarassai de mes draps bleus et blancs pour me recroqueviller contre mon oreiller, la respiration saccadé, le coeur battant.

Rainbow vint se blottir contre moi et je le caressai machinalement, le cri de mon rêve résonnant encore dans mon esprit torturé.

Je fermais mes iris verdâtres et, portant une main tremblante à mes joues pâles, m’aperçus sans surprise que celles-ci étaient baignées de larmes.

Je repoussai ma couverture d'un geste rageur qui fit s’envoler le perroquet, avant de m’asseoir en tailleur sur mon lit pour parcourir la chambre de mes yeux embués.

Même cette vision pourtant si réconfortante ne parvint pas à arrêter mes pleurs terrifiés.

C’était une pièce ovale, aux murs crèmes et munis d’immenses baies vitrées encadrées de longs rideaux de velours. D’innombrables posters d’équipe de Quidditch et de groupes de musiques se distinguaient dans la pénombre, et les mouvements furtifs de mes idoles dessinaient dans l’obscurité des remous inquiétants. Deux élégantes bibliothèques incrustées étaient disposées de part et d’autre d’un grand mur, et de confortables poufs jonchaient le sol, non loin d’un bureau précieux en bois sculpté où s’entassaient livres et affaire scolaires - que je me devais d’ailleurs de ranger.

En face de mon lit cyan, un grand mur était tapissé de centaines de photographies sorcières qui tantôt agitaient leur main dans l’obscurité, tantôt souriaient à la caméra ou riaient aux éclats.

Un sourire s’étira sur mes lèvres fines et je me glissai hors de mon lit pour m’approcher de mes proches qui me saluaient tous, à jamais capturés dans le papier légèrement jauni que j’affectionnais tant.

Mon sourire se fana bien vite quand je décrochais avec précaution un grand portrait pour le serrer contre moi, retenant les larmes qui menaçaient de dévaler une nouvelle fois mes joues trop souvent creusées.

J’effleurai doucement son visage éclatant de bonheur, si semblable au mien, et les iris changeants que nous partagions toutes deux. Les siens étaient sur la photo d’une magnifique teinte dorée. Depuis combien de temps mes prunelles n’avaient-elles pas arboré cette couleur?

La réponse état évidente. Depuis sa mort.

Je raccrochais délicatement de la photographie, prenant garde à ne pas abimer ses bords fragiles.

Que n’aurais-je donner pour la serrer dans mes bras plutôt que de pleurer sur un vieux cliché jauni...

Je m’habillai en silence, jetant un morne coup d’œil à ma montre qui indiquait dix heures moins cinq.

J’étais sûrement en retard, mais je haussai les épaules, blasée. Mon frère me ferait transplaner, aussi je ne m’inquiétais pas. Il fallait dire que je n’accordai aucun respect au saint règlement de notre école bien-aimée, et j’avais par ailleurs d’autres Fléreurs à fouetter.

La porte de ma chambre s’ouvrit avec fracas et je ne cillai pas lorsque mon frère ainé pénétra dans la pièce de son habituel pas trainant.

Il jeta un regard outragé à mes affaires scolaires qui s’amoncelaient, désordonnées, sur mon bureau et me jeta une œillade noire.

« Shay’ ! gronda-t-il, et je sus que j’allais passer un mauvais quart d’heure. Tu n’as rien fait pendant deux mois, on est en retard et c’est maintenant que tu fais ta malle ? »

Je grimaçai et baissai la tête, penaude. Sous l’oeil sévère de mon frère, je marmonnai de vagues excuses tandis qu’il soupirait, agacé.

Ash était de trois ans mon aîné et rentrait en dernière année à Poudlard, alors que je commençais pour ma part ma cinquième année. C’était un jeune homme de dix-huit ans, fin mais bien bâti, aux cheveux bruns coiffés avec un soin relatif et aux grands iris sombres.

Nous avions beau nous ressembler sur le plan physique - chose que je niais avec aplomb - nous étions cependant deux opposés. Mon frère était discret et calme alors que je faisais tout pour attirer l’attention; il était strict et rigoureux là où je dédaignais les règles et me paraissait horriblement terre à terre tandis que mon esprit rêveur voguait souvent vers d’autres horizons.

Notre relation était plutôt particulière. Si nous nous adorions et en étions conscients, Ash exerçait souvent le rôle de nos parents toujours absents et mettait un point d’honneur à s’occuper de moi. Bien entendu, cela ne remplaçait pas l’autorité parentale dont nous étions cruellement dépourvus - ce qui n’était pas toujours pour me déplaire, mais j’étais touchée de savoir qu’une personne sur cette planète se souciait de moi.

J’exagérais peut-être, mais j’éprouvais une sourde rancune contre nos parents qui n’avaient de “père” et de “mère” que le nom. C’étaient de célèbres archéologues sorciers en constant déplacement vers des cités perdues ou des vestiges de civilisations antiques dans les contrées les plus reculées du globe. Si courir après le passé devait être passionnant, il n’en était pas moins important de partager avec ses enfants des moments précieux, songeais-je parfois avec amertume.

Mais Chayton et Pandora Adel n’étaient pas du genre à s’occuper de leur progéniture, et ne semblaient pas s’apercevoir des difficultés que celle-ci traversait parfois.

Visiblement, même des archéologues étaient incapable d’apprendre des erreurs passées, réalisai-je dans une bouffée de colère. S’ils avaient été plus présents, peut-être qu’elle ne serait pas morte. 

Mon regard noir fixé dans le vide ne passa pas inaperçu, et Ash agita une main agacée devant mes iris écarlates de colère.

« Tu comptes ranger ça dans un an ou deux ? railla-t-il tandis que je laissai violemment tomber mes uniformes froissés, entassés pêles-mêles dans ma malle. »

Il me regarda batailler pour transporter une pile de manuels de cours que je laissai tomber sur mon pied et ricana tandis que je me massai les orteils en sautillant de douleur.

Il dut avoir pitié de moi et sortit sa baguette pour l’agiter paresseusement.

Aussitôt, mes dernières affaires s’élevèrent tranquillement pour aller se plier dans ma valise qui se referma docilement.

Je lui jetai un regard mauvais auquel il répondit par un sourire moqueur.

« Tu n’as pas le droit d’utiliser la magie et tu le sais, fis-je, sérieuse tout à coup. »

Il haussa les épaules.

« J’ai dix-huit ans je te signale. Je suis majeur depuis un an et ce ne sont pas quelques Moldus qui vont me causer des problèmes.

-Ce n’a rien de “quelques Moldus” ! protestai-je avec véhémence en ramassant la cage de Rainbow.

Le Ministère a donné des instructions précises, et on doit les respecter. Désormais, on ne pourra utiliser nos baguettes en dehors de Poudlard qu’après avoir eu nos ASPICS. C’est sérieux ce qu’il se passe ne ce moment. »

Mon aîné eut un rictus méprisant.

« Ça te va bien de parler de règles, se moqua-t-il, narquois. On sait tous que tu es un exemple de docilité et de respect. »

Je lui jetai une œillade meurtrière tandis qu’il sortait en riant.

Quoiqu’il en dise, dédaigner le stupide règlement de mes professeurs et transgresser les règles formelles du Ministère était totalement différent. La situation avait changé, et mon naturel impertinent devait désormais se plier aux lois.

Le monde sorcier avait subi un profond bouleversement lorsque l’actuelle Ministre de la magie May Sullivan avait solennellement déclaré que me Sercret avait été découvert.

Les deux mois qui avait suivi son annonce avait été le plus étrange de ma courte vie.

Des centaines de sorciers avaient érigé des abris souterrains dans la panique la plus totale, indifférents aux indications du gouvernement qui intimaient de “garder son calme”.

Et après, on osait parler de flegme britannique, avais-je levé les yeux au ciel en l’apprenant.

Plusieurs avaient craint retourner à la chasse aux sorcières du Moyen-Âge, ce qui était parfaitement compréhensible dans un sens.

Tous s’étaient posés une question évidente: comment était-ce possible ?

Le secret magique avait été le mieux protégé de ses deniers siècles, et même des guerres violentes dans beaucoup de pays tels que les Etats-Unis - ma patrie d’origine - ou la Grande-Bretagne n’avait en rien affaibli le Code Magique.

Alors comment nous étions-nous retrouvé dans cette situation ?

J’avais l’immense honneur de disposer d’une source d’informations privilégiée qui m’avait permis de mieux comprendre le drame et qui n’était autre que le célèbre Harry Potter. Enfin, son fils pour être exacte.

James Potter était mon meilleur ami et m’avait fait part des recherches de son Auror de père qui enquêtait sur l’affaire depuis plusieurs mois. Il semblerait qu’un groupe de sorciers aient agressé des Non-Mages dans un cadre volontairement publique pour diffuser l’existence de leur monde.

C’était sévèrement puni par la loi et même passible de la peine de mort en Amérique si j’en croyais mes cours de primaire.

Grâce à l’existence des “faisceaux sociaux” non-mages, des images avaient été relayées à l’infini et les témoins de plus en plus nombreux avaient finis par être crus de leurs congénères.

Résultat, le Premier Ministre Non-Mage avait été contraint d’avouer à sa population l’existence du monde magique, faisant fi des recommandations de notre Ministre. Le dirigeant Moldu avait sans doute voulu calmer le peuple, mais le résultat avait été inverse.

Des groupuscules étaient nés et, encouragés par l’opinion publique, avait débuté une chasse aux sorciers qui s’était soldée cet été par une douzaine de morts, principalement des enfants sans contrôle sur leurs pouvoirs.

Ces attaques avaient raffermis la haine ancestrale de certains mages à l’origine des Moldus et enfants de Moldus, et la communauté magique était aujourd’hui à l’aube d’une catastrophe.

Les sorciers à l’origine de ce désastre avaient mystérieusement disparus, et les Aurors n’avaient visiblement aucune piste pour les localiser.

Je soupirai en passant une main soucieuse dans ma chevelure d’ébène coupée en un récent carré désordonné.

Ma rentrée de cinquième année allait sans doute être mouvementée, réalisai-je en descendant les escaliers, ma malle contre mon épaule, pour retrouver Ash.

Certaines informations que je présumais erronées avaient fuitées.

Poudlard aurait été transformé en un “camp de survie” où nous apprendrions à tuer des Non-Mages innocents.

Je frissonnais de la stupidité des rumeurs en saisissant la main de mon grand frère.

Les vacances avaient été particulièrement éprouvantes, mais je n’avais aucune envie de retrouver Poudlard. J’avais la désagréable impression que cette année allait être horrible.

Je ne savais pas encore à quel point j’avais raison… 

OoOoO

Nous nous matérialisâmes sur le quai bondé où l’air chargé de suie me fit toussoter, écoeurée.

Agrippée à la main de Ash, je me frayais un chemin parmi le flot de sorciers affolés qui étreignaient une dernière fois leurs enfants.

À travers la fumée opaque qui se dégageait du train écarlate, ce n’étaient qu’embrassades et recommandations larmoyantes.

Je levai les yeux au ciel tout en ressentant un pincement au coeur. Les récents évènements n’avaient pas encouragés nos parents à nous témoigner plus d’attention, songeai-je avec amertume.

Nous approchions du quai et mon frère lâcha ma main pour monter prestement dans le train, disparaissant dans le dédale de couloirs du wagon.

Je m’empressai de l’imiter et échappai avec bonheur à la foule oppressante qui se tassait toujours en contrebas.

Le train émit un sifflement strident, habituel signe d’un départ imminent.

Je me mis à la recherche d’un compartiment, traînant avec peine mon énorme malle derrière moi. Soupirante et à bout de force, je me demandais avec curiosité qui serait la première personne que je croiserai dans les couloirs du véhicule qui me semblaient déserts.

On heurta mon dos et je m’avachis lamentablement sur le sol immaculé, bousculée sans aucune gêne. Je me redressai bien vite, les iris écarlates, pour voir qui avait osé me traiter de la sorte.

J’eus un rictus de fureur en apercevant le stupide, le pathétique, l’insolent et le cruel, j’ai nommé Fred Weasley, qui m’observait en ricanant.

Les cheveux aussi flamboyants que mes prunelles luisants de colère, la peau d’une étrange teinte hâlée, un sourire méprisant plaqué sur ses lèvres fines, mon pire ennemi m’adressait une œillade goguenarde et meurtrière que je lui rendis.

Je dégainai ma baguette, prête à refaire le portait à ce troll infâme, lorsque qu’une voix familière m’interpela.

« Shay’ ! »

Je fis volte-face pour apercevoir un jeune homme grand et fin, aux mèches châtains désordonnées retombant sur son beau visage, une légère monture ronde surmontant un regard d’une intense teinte noisette.

James Potter dans toute sa splendeur se tenait devant moi et nous partageâmes une étreinte chaleureuse.

James était mon meilleur ami depuis notre première année, alors que nous nous étions tous deux retrouvés à Serdaigle.

Je n’avais jamais compris ce que nous y faisions, et dire que le jeune garçon qu’il était alors avait été déçu de ne pas être à Gryffondor - comme le reste de sa famille - aurait été un euphémisme.

En réalité, James avait été fou de rage et de tristesse. Il avait dédaigné sa maison pendant des semaines avant que je ne décide le secouer violemment pour qu’il ouvre enfin les yeux.

Si je n’avais jamais éprouvé le moindre regret de ne pas être dans une autre maison, il n’en était pas de même pour mon ami et il avait mis longtemps à comprendre que la Répartition ne plaçait pas les élèves dans des cases étriquées, loin de là.

Aujourd’hui il semblait très heureux chez les bleus et bronzes, et j’étais fière de lui avoir fait ouvrir les yeux.

J’étais pour ma part heureuse de ne pas être à Gryffondor, dont les représentants n’étaient pas toujours des plus respectables.

Je faisais bien sûr allusion à Weasley, mon rival depuis la première semaine de cours.

Je m’enorgueillissais de mes dizaines d’ennemis accumulés au fil des ans, mais le stupide Gryffondor était d’un autre ordre.

Nous nous vouions une haine féroce depuis notre rentrée de première année, où je lui avais renversé un pichet de jus de citrouille sur ses hideux cheveux orangés suite à une moquerie sur les Serdaigles.

Poudlard était devenu le théâtre de nos farces, et si les autres élèves avaient tout d’abord pris peur, ils s’étaient vite calmés en constatant que nos blague parfois cruelles n’avaient de cibles que nous deux.

Tout le contraire de James en somme, qui faisait souffrir chaque pauvre étudiant plus ou moins aléatoirement sous mon regard amusé - et celui bien moins indulgent de nos adorables professeurs.

Mon meilleur ami me lâcha pour adresser un sourire narquois à son imbécile de cousin qui eut un rictus.

D’après ce qu’il m’avait raconté, James avait toujours été très proche du pitoyable Weasley, même après leur Répartition respective. Mais leur relation était parfois tendue et je me doutais bien que j’y étais pour quelque chose.

Je n’aurais moi-même pas vraiment apprécié que mon cousin préféré soit le meilleur ami de ma pire ennemi.

James était très patient, parfois.

Le jeune homme m’entraîna loin de mon rival et je cédai à regret, déçue de ne pas avoir pu le mitrailler de sorts de mon invention. Une autre fois, lui transmis-je dans mon regard de feu.

James me conduisit dans un compartiment tout proche, où je retrouvai à ma grande joie des visages bien connus.

J’eus droit à un signe de tête de la part de mon autre meilleure amie, Viviana Ollivander - je la saluai tout aussi froidement, amusée de sa retenue en “public” - une accolade affectueuse de la part d’Albus, le frère de James et une étreinte qui s’apparentait plus à une tentative d’étouffement de la part de sa jeune soeur, Lily.

Lorsque sa chevelure rousse eut enfin disparue de mon champs de vision, je pus saluer plus sobrement Luck Brian et Dan Messenger, deux amis de James que je ne connaissais pas et n’avais jamais vraiment eu envie de connaître.

Je m’assis près de Viviana - ou Vivi, ainsi que je la surnommais - et lui glissai, moqueuse:

« Tu es restée seule avec la “fratrie Potter” pendant tout ce temps ? Je ne te savais pas si courageuse. »

Son regard noir tient lieu de réponse et je réprimais un sourire.

Viviana appelait dédaigneusement “fratrie Potter” les trois enfants du Survivants avec qui elle n’avait jamais eu la moindre affinité mais dont je lui imposais presque la présence.

Ma meilleure amie était l’unique héritière de la fortune considérable des Ollivanders, les célèbres Sang-Purs marchands de baguettes qui s’étaient considérablement enrichis après la Seconde Guerre.

C’était désormais une firme internationale qui régnait en maître incontesté sur ce vaste marché.

Autant dire que Vivi avait une énorme pression sur ses frêles épaules, et j’admirais son masque imperturbable presque semblable au mien. À la différence que le sien était levé en ma présence, tandis que mon armure ne s’était jamais révélée à personne.

La jeune Ollivander m’avait avoué n’avoir aucune envie de reprendre l’entreprise familiale et craindre la sévérité de ses parents. Elle les détestait, m’avait-elle avoué en un sanglot, alors qu’ils lui avaient envoyé une lettre particulièrement brutale pour lui rappeler ses devoirs de “jeune fille noble”.

Dans sa famille, elle n’adorait que son grand-père Garrick Ollivander qui lui témoignait une affection dont elle n’avait jamais senti la moindre trace chez ses parents.

Lui seul l’encourageait dans son “rêve” d’avenir qu’elle osait à peine formuler.

C’était étrange à entendre.

Viviana Ollivander, héritière d’une des plus grosses fortunes de Grande-Bretagne et destinée à un avenir brillant, songeait en secret à devenir pâtissière.

Cela aurait pu en faire sourire plus d’un, imaginant ma délicate amie les mains plongée dans une farine peu ragoûtante dans une cuisine aux vapeurs écoeurantes, mais je savais pertinemment que Vivi avait un don pour ça. Elle maniait les fourneaux à la perfection, et son âme de Serdaigle lui permettait aussi bien une grande précision qu’une créativité infinie.

Je l’encourageais avec toute ma conviction et étais bien contente de goûter ses merveilles, mais je doutais fortement que ses parents la suivraient dans son projet.

Je connaissais bien le milieu des Sang-Purs anglais sans pour autant en faire partie, et avais assisté aux plus belles disputes de famille sur les divergences d’opinion de leur enfant.

Le train filait sur les rails rouillés, traversant des paysages verdoyants et des contrées humides.

Le soir tombait peu à peu et l’incessant brouhaha des conversations s’était tu, remplacé par un silence pesant.

Tous pensaient, je le savais, aux réformes de Poudlard que nous trouverions à notre arrivée.

Qui sait ce que nous réserverait le banquet?

Je plaignais sincèrement les nouveaux élèves qui n’allaient peut-être jamais connaître l’école que nous aimions tant. Même la petite Lily qui rentrait en deuxième année n’avait pas pu profiter d’un château chaleureux et insouciant, où régnait les rires plutôt que les cris.

Mais peut-être nous inquiétons nous pour rien, songeai-je sans grande conviction.

Poudlard était Poudlard, et des siècles de crises ne le changeraient pas.

Je pensais malgré moi à la génération de la Seconde Guerre dont la jeunesse avait été troublée par les agissements du fameux Voldemort, que les Anglais craignaient toujours, plus de vingt ans après.

Les discours de mon père sur l’ascension de Grindelwald dans mon pays me revinrent en mémoire, et je frissonnai, priant en silence pour que nous ne subissions aucun conflit.

Mes traumatismes passés ne m’épargnaient toujours pas, et je n’osai imaginer les terreurs d’une guerre nouvelle.

Plus de souffrance, implorai-je tout bas, pitoyablement recroquevillée sur ma banquette dans la lumière vacillante du compartiment.

Lorsque le train s’immobilisa enfin dans un grincement funeste, nous nous dirigeâmes lentement vers la sortie, traînais et blêmes, silencieux.

La main de Lily se glissa dans la mienne et nous montâmes dans la première calèche venue.

Je devins livide comme à mon habitude lorsque les Sombrals fantomatiques s’ébrouèrent en un hennissement moqueur, une aura de mort entourant leur robe nacrée, leur silhouette cadavérique.

Je détestais les chevaux, et plus encore ceux-ci qui me rappelaient à chacun de leur regard morne ce que j’avais perdu.

Je serrai les dents tandis que les carrosses tanguaient sur la route boueuse, leur toit martelé par la pluie battante qui ne cessait de tomber. 

Je fermais mes iris translucides pour ne pas attirer l’attention des autres.

Encore une année à mentir à mes proches, à sourire à tous alors que je voulais pleurer, à feindre l’amusement quand j'aimerais crier.

Encore une année sans elle, à supporter son absence si pesante qui m’empêchait de fermer l’oeil la nuit, à chercher sa présence dans le regard de tous sans se rendre à l’évidence: elle était partie.

Encore une année à lutter contre les démons qui m’agitaient sans que je puisse extérioriser le trop plein d’émotions qui me ferait sombrer.

Une année comme les autres, en somme.

Un Sombral poussa un hennissement moqueur que je ne sus interpréter.

Il voulait me dire, sans doute, que je me trompais.

Cette année serait la pire de toutes. 











 

End Notes:

Voilà !

Alors ? Si vous avez du temps, ou des remarques à faire, ou des conseils à prodiguer ou que vous voulez tout simplement m'encourager, le cadre blanc est là pour ça ;)

À bientôt !

Crescendo by Spiritos
Author's Notes:

Coucou !

Des mois après, je mets à jour toutes mes fics dont celle-ci, qui me tient vraiment à coeur. 

Merci à Pierre de lune pour sa review et à 4a_line pour avoir mis cette fic en favori. Ça m'a donné envie de poster ce chapitre écrit depuis longtemps.

Bonne lecture !

 

La pluie martelait le plafond de la Grande Salle, et la voûte ensorcelée semblait déverser des trombes d’eau sur les élèves attablés. 

 

Les yeux aussi gris que le ciel, j’écoutai d’une oreille distraite le récit des vacances de Luck Brian, assis en face de moi. Décidément, songeai-je tristement, je ne me ferais jamais au temps de Grande-Bretagne. Des années que je vivais en Europe, et je déplorais toujours les mêmes nuages grisâtres qui nous pourrissaient la vie.

 

James me donna un coup de coude et je me redressai juste à temps pour applaudir un nouveau Serdaigle, frêle premier année qui clôturait la Répartition. 

 

« Le meilleur pour la fin, rit mon ami en applaudissant avec nettement plus d'enthousiasme que moi. »

 

J’esquissai un rictus moqueur, me gardant bien de répondre. Il tenait un discours nettement différent lors de sa propre Répartition…

 

Le professeur McGonagall, notre sèche directrice, se leva dignement de sa chaise pour faire taire les murmures qui prenaient de l'ampleur. 

 

J’observai un à un les professeurs attablés à ses côtés en songeant mi-amusée mi-inquiète que tous offraient un bien sévère tableau. 

 

Entre le professeur Arsenic, notre sadique mentor de Potions dont les sourires étaient plus effrayants que sincères, le professeur O’Connel, enseignant les DFCM avec un flegme peu commun, en passant par le professeur Vector, passionnée mais brutal professeur d’Arithmancie - je regrettais encore d’avoir choisi cette option, les cours allaient être mouvementés. 

 

Mais le pire d’entre eux était assurément le féroce Abelforth Dumbledore, frère du célèbre sorcier et redoutable enseignant de Métamorphose. Je ne pouvais songer sans frémir à ses premiers cours, durant lesquelles il avait changé un élève en chèvre sous nos regards terrifiés. S’il s’était calmé - ordre de McGo, le vieil homme avait définitivement gagné notre respect. Et notre crainte. 

 

« Shay’ ! Reprends-toi ! me réveilla James. McGo vient de nous souhaiter bon appétit et de nous dire qu’elle nous annoncerait un truc important après le dîner. 

 

-Tu m’en vois ravie, baillai-je en me servant une assiette de frites. »

 

Le jeune homme leva les yeux au ciel.

 

« T’es pas croyable, fit-il en engloutissant une cuisse de poulet. À ton avis, qu’est-ce qu’elle va nous dire ?

 

-Le traditionnel laïus de la rentrée, sans doute.

 

-Je ne pense pas, intervint Dan Messenger, camarade de dortoir de James. Je crois que c’est beaucoup plus important. 

 

-Ah oui ? s’étonna James. »

 

Le Serdaigle acquiesça et je le dévisageai un instant, vaguement surprise de le voir parler. 

 

Messenger était un jeune homme excessivement timide et je pouvais compter sur les doigts d’une main le nombre de discussions dignes de ce nom que nous avions eu. Il se déridait seulement avec Luck Brian, son meilleur ami, et parfois avec James. Rares étaient de toutes façons les personnes à qui le jeune homme n’arrivait pas à dérocher un sourire. 

 

En tout cas, même si je ne le connaissais pas beaucoup, j’aimais bien Messenger, sa présence muette et son incroyable logique. Jamais personne ne l’avait battu aux échecs, et lorsque le heurtoir des Serdaigles se montrait capricieux, il nous ouvrait toujours avec un sourire gauche. 

 

« Ma mère travaille au Ministère, dans le Département de l’Education et de la Culture Magiques, continua-il. Apparemment, il y aura une importante réforme dans l’enseignement, cette année.

 

-Comme quoi ? fis-je en fronçant les sourcils.

 

-Elle n’a pas voulu m’en dire plus, soupira Messenger, mais elle a clairement sous-entendu qu’elle n’appréciait pas du tout les nouvelles directives du Ministères et du Conseil d’Administration de l’école. Je sais juste que ça va changer beaucoup de choses. »

 

Il s’était tu, et je restai plongée dans mes pensées en grignotant un morceau de pain chaud. Un grand changement était donc prévu à Poudlard ? Je me demandai de quelle nature serait celui-ci. 

 

« Tu penses que le Conseil d’Administration de l’école est au courant de quelque chose ? m’enquis-je auprès de Messenger. »

 

Celui-ci acquiesça timidement.

 

« Oui, ils savent tout. Mais ça m’étonnerait qu’il y ai eu des fuites, ajouta-t-il précipitamment en me voyant me tourner vers la table des Gryffondors.

 

-Je reviens ! souris-je en me levant sans tenir compte de l’indication du Serdaigle. »

 

James fronça les sourcils mais j’étais déjà partie rejoindre les rouges et ors. 

 

Je repérais au bout de la table une chevelure d’un blond pâle, et souris. Près de la porte, un jeune homme pâle, aux traits fins et aux yeux aciers mangeait en silence, isolé de ses camarades qui parlaient gaiement. 

 

Je m’assis à ses côtés et lui ébouriffai tendrement les cheveux.

 

« Salut, Scorp’ ! m’exclamai-je joyeusement. »

 

Scorpius Malefoy leva vers moi un regard interrogateur, et son visage s’illumina aussitôt. 

 

« Shay’ ! sourit-il en me prenant dans ses bras. Je ne t’ai pas vue dans le train, ça va ? »

 

J’opinai, mon enthousiasme nettement refroidi.

 

« Scorpius, fis-je, sérieuse tout à coup. Pourquoi t’es-tu isolé ? »

 

Mon presque-frère haussa les sourcils avec son indifférence habituelle. 

 

« Avec le temps, j’ai fini par comprendre qu’on ne voulait pas de moi, plaisanta-t-il, mais son regard acier ne riait pas. »

 

Je le dévisageai, les iris gris. Le plus triste restait sans doute l’absence totale de regret que j’apercevais dans ses prunelles sombres. Depuis le temps, il s’était habitué à être rejeté de tous.

 

Scorpius Malefoy était mon petit frère. Bien entendu, nous n’étions pas liés par les liens du sang, mais je ne voyais pas d’autre mots pour qualifier la relation si précieuse qui nous unissait. 

 

Après la Seconde Guerre, son père, Drago Malefoy, avait quitté l’Angleterre pour fuir un passé douloureux et le fruit de ses erreurs de jeunesse. 

 

Pour échapper à ses sombres démons, il avait emménagé avec sa femme Astoria aux États-Unis, et avait réussi à occuper un poste plus ou moins important à la Banque Centrale Sorcière, qui gérait des établissements à l’échelle nationale comme Gingotts en Grande-Bretagne. À l’époque, mes parents n’étaient qu’un jeune couple d’archéologues inconnus avec une fille en bas-âge, qui cherchaient désespérément à financer leurs fouilles. Ils avaient finalement rencontré Drago, qui avait accepté de leur fournir un prêt assez conséquent. Avec le succès de leurs recherches, mes parents avaient pu retourner leur prêt avec un grand taux d’intérêt et Drago avait été promu. Adel et Malefoy devinrent alors amis, et s’installèrent dans le même quartier sorcier aux alentours de Washington DC. 

 

À ma naissance, Drago devint mon parrain et Astoria la marraine d’Ash, nous rapprochant encore des anglais au sang pur. Lorsque Scorpius, filleul de mon père, naquit enfin, je n’avais qu’un an et l’avais tout de suite adoré. Benjamine d’une fratrie de trois enfants, je désirai ardemment un cadet et me mit à considérer le jeune Malefoy comme tel. 

 

Lorsque nous avions quitté les Etats-Unis, ça avait été un déchirement de le quitter. Pendant presque deux mois, j’avais déploré ce vide supplémentaire avant que les Malefoy ne nous rejoignent en Angleterre, désireux d’après leur dire “d’affronter leurs démons d’antan”. J’avais été folle de joie de retrouver mon presque-frère, et inversement, mais je songeai maintenant que lui et sa famille auraient peut-être dû rester là-bas. 

 

Là-bas, dans leur grande villa qui jouxtait la notre, sous l’ombre fraîche des conifères, dans la joyeuse insouciance de feu notre innocence. Là-bas, Astoria n’aurait pas eu à subir les quolibets de sa belle-mère, là-bas, Drago ne se serait pas refermé sur lui-même, souffrant en silence, là-bas, leur fils ne s’assombrirait pas sous l’influence de son Mangemort de grand-père. Là-bas, Scorpius ne serait pas seul.

 

Je me dégageai de son étreinte pour jeter un regard furibond à Albus, assis plus loin avec ses amis Gryffondors.  Son regard émeraude rieur croisa mes iris écarlates, et il m’adressa un sourire auquel je ne répondis pas. Je me détournai sans faire attention aux coins de sa bouche qui s’étaient tristement affaissés. 

 

« Potter n’y est pour rien, assura Scorpius qui avait suivi mon regard. »

 

Ça, c’était à voir. 

 

À son arrivée à Poudlard, alors que je n’étais qu’en deuxième année, mon presque-frère avait à la surprise générale - mais pas la mienne - atterri à Gryffondor. Je revoyais encore sa démarche tremblante, son air ébahi mais heureux sous la décision du Choixpeau, puis la décomposition de son visage sous les huées de sa maison et les bras résolument croisés. Et puis la Répartition d’Albus, fils du Survivant, accueilli à Gryffondor sous un tonnerre d’applaudissements. 

 

Je repensais à ses premiers mois à Poudlard, à ses affaires qui disparaissaient soudainement, à ses potions saccagées, à ses livres déchirés. Je revoyais le visage triste du petit garçon qu’il était alors, je me revoyais en train de le consoler. Je revoyais le rire amusé d’Albus et de ses amis, qui orchestraient tout ça.

 

Scorpius n’avait pas à subir ça. Ce qu’avait fait son grand-père, ce qu’avait fait son père avant lui ne le concernait pas.

 

Bien sûr, le Gryffondor n’avait pas souffert longtemps. C’était un Malefoy, et il était fier. Albus et les autres s’étaient retrouvé à l’infirmerie et plus personne n’avait osé s’en prendre au jeune homme. Mais il restait seul, irrémédiablement seul, et ça me fendait le cœur de le voir ainsi.

 

« Tu ne vas pas lui en vouloir éternellement, argua Scorpius. Même moi, je lui ai pardonné. Enfin, presque, avoua-t-il sous mon regard sceptique. »

 

J’eus un ricanement dédaigneux. Albus n’était pas méchant, je le savais pertinemment, mais j’étais extraordinairement rancunière et détestais que l'on blesse les rares personnes auxquelles je tenais vraiment. 

 

« Ça fait des années que tu lui fais la tête, continua-t-il. Et il t’aime bien, même moi je le vois.

 

-Il n’avait qu’à pas s’en prendre à toi, répliquai-je. Qu’il laisse mes amis tranquilles.

 

-Mais lui-aussi, c’est ton ami, sourit Scorpius. »

 

Je sentis ma colère retomber, et soupirai. Scorpius était ce soir d’une sagesse qui me surprenait. 

 

« D’habitude, tu n’es pas si sympa, fis-je avec circonspection. Et tu détestes Albus. 

 

-Je ne déteste pas Potter, rectifia-t-il. Je ne le porte simplement pas dans mon cœur. »

 

Je me mordis la lèvre pour ne pas répliquer, et me tournai une fois encore vers le Gryffondor qui semblait triste. Devais-je lui laisser une chance ? 

 

Je me rappelais l’été de ma première année, que j’avais passé chez les Potter puis au Terrier. James, Lily, Albus et moi formions un groupe très soudé, que l’on aurait pu prendre pour une réelle petite famille. Je défendais à chaque fois Albus, qui était encore Al pour moi. C’était presque mon petit frère. Je réalisai que cette époque me manquait. Bien sûr, je venais encore chez les Potter. Évidemment, il m’arrivait de passer les fêtes au Terrier. Mais on était bien loin de cet été si insouciant, des feux de joie qui portaient si bien leur nom, des nuits à la belle étoile à regarder la voûte sombre. Peut-être devais-je renouer avec Albus. Il me manquait. 

 

« Tes yeux sont devenus rose-orangé, m’informa Scorpius avec amusement. Je t’ai donc convaincue. Tu vois que tu aimes bien Potter. »

 

Je levai au ciel mes stupides iris changeants. Maudits yeux d’Athéna. 

 

Je n’avais aucune idée d’où me venait cette particularité singulièrement agaçante dont je me serais bien passé. J’avais les yeux violets à la base, mais ceux-ci changeaient de couleur au gré de mes émotions. Mes prunelles arboraient donc une palette de couleurs diverses qui faisait de moi un vrai livre ouvert si on me connaissait bien. Moi qui préconisais le mensonge, je n’avais vraiment pas besoin de ça. 

 

Ainsi, si j’étais triste, mes yeux étaient d’un bleu pâle, si je bouillonnais de rage, ils prenaient une teinte rouge sombre, si je rougissais de gêne, ils devenaient rose vif. En général, des teintes indiscernables tourbillonnaient dans mes iris, aussi changeantes que les émotions qui m’habitaient. 

 

Je détestai mes yeux, plus encore maintenant qu'elle était morte. Elle aussi avait les yeux d’Athéna. Ses beaux iris en amande, les mêmes que les miens, étaient le plus souvent d’une délicieuse teinte or. La couleur de la joie. Oui, elle était joyeuse. 

 

Moi aussi, je l’étais, et mes yeux rieurs étaient toujours dorés. Jusqu’à sa mort.

 

« Shayda ? Ça va ? »

 

La voix inquiète de Scorpius me tira de mes tristes pensées. Il fixait mes yeux d’un regard anxieux. 

 

Je le rassurai d’un sourire, mais mes iris bleu sombre ne le trompaient pas. Mes yeux ne mentaient jamais, eux.

 

« Oui oui, t’inquiète. J’avais juste une question. »

 

Habile détournement de conversation, même si mon presque-frère ne parut pas être du même avis.

 

« Drago fait partie du Conseil d’Administration, non ? 

 

-Faisait, marmonna Scorpius, la mine sombre.

 

-Il a été renvoyé ? fis-je, choquée. »

 

Le jeune homme acquiesça. 

 

« Il a eu une… altercation avec un sorcier extrémiste de Sang-Pur qui lui a dit de “ne plus se cacher, de reprendre le flambeau et de montrer à ces animaux ce qu’ils valent vraiment”, relata-t-il avec une moue dégoûtée. 

 

-Ces “animaux” ? relevai-je, aussi révulsée que lui. Il parlait des Moldus ? 

 

-Sans doute. En tout cas, Père a sorti sa baguette et a répondu qu’il allait s’occuper "des animaux comme lui", ou un truc dans le genre. Il a salement amoché le sorcier et a été renvoyé. »

 

Je restai sans voix. J’aurais fait la même chose que mon parrain, mais je ne pouvais croire que nous en étions arrivé à de telles extrémités. 

 

Quand ma mère s’occupait encore de moi, je me souviens avoir ri aux larmes devant la bêtise des mages noirs d’antan. Sous son regard amusé, je ne comprenais simplement pas en quoi les sorciers d’ascendance non-mage seraient inférieurs. Tous ces sorciers maléfiques étaient-ils donc si stupides ? En grandissant, j’avais cependant compris la complexité de la question, et déploré la non-tolérance de notre monde. C’était fini, m'étais-je alors rassuré. 

 

Mais ce n’était pas fini. L’abolition du Secret avait fait ressurgir toute la haine, toute la violence, toute la peur que nous pensions révolues. Le monde dégoulinait de haine, de violence et de peur, envers les Non-Mages, envers les Né-Moldus, envers les être différents. Elles étaient partout, seulement, nous je savions pas les reconnaître. 

 

Nous nous étions seulement voilé la face. 

 

C’était la peur qui avait poussé les sorciers à se cacher des Non-Mages, c’étaient la haine qui les avaient poussés à les persécuter, c’était dans la violence qu’étaient nés les régimes les plus noirs. 

 

C’était la peur qui faisait que les Non-Mages traquaient des enfants sorciers pour les tuer, c’était la haine qui faisaient naître leurs groupuscules, c’étaient la violence qui les faisait agir. 

 

Et c’était dans la haine, dans la peur, dans la violence qu’elle était morte. 

 

Peur. Haine. Violence. 

 

Trois mots étrangement familiers, témoins silencieux de nos peines, témoins et acteurs. Des dieux immortels qui mouraient et renaissaient sans cesse, qui nous inspiraient, nous poussaient malgré nous. Nous vivions parmi eux, ils nous faisaient nous épanouir. Nous les connaissions intimement, et pourtant ils nous surprenaient toujours. 

 

Quels que soient le lieu, l’époque, les motifs, c’était toujours la même chose. Toujours les mêmes mots. 

 

Peur. Haine. Violence. 

 

Je saluai Scorpius et retournai à ma table en ruminant mes sombres pensées. Je manquai soudainement m’écraser sur les dalles en marbre et me rattrapai de justesse à une Gryffondor de troisième année qui recracha sa crème fouettée de surprise. Elle me jeta une œillade meurtrière mais je ne lui accordai même pas un regard, trop occupée à foudroyer Weasley qui ricanait. 

 

Si je n’éprouvai aucune peur pour cet imbécile, tous pouvaient constater la violence de ma haine à son égard. 

 

Je n’étais pas très aimée - bel euphémisme - et n’aimais pas beaucoup de gens - pour ne pas dire personne - mais Fred Weasley était indéniablement mon pire ennemi. Beaucoup auraient pu prétendre à ce titre, et pourtant à mes yeux seul le Gryffondor était digne de ma haine la plus profonde, la plus inconditionnelle et la plus sombre. 

 

Je haïssais la moindre parcelle de sa peau hâlée, je haïssais ses épais cheveux bruns qui tiraient sur le roux, je haïssais ses yeux sombres et dédaigneux, je haïssais sa voix, sa démarche assurée, son rire malicieux. Et je savais qu’il me haïssait en retour.

 

C’était le seul avec qui je perdais complètement mon sang-froid. Mes iris flamboyants d’une horrible teinte rouge sang lui étaient destinés, à lui et à lui seul. Mon visage tordu de fureur n’était que pour lui. Et il le savait, et il en profitait. 

 

À l’inverse, j’étais la seule à être mitraillée par ses iris noirs. Ses farces m’étaient exclusivement destinées. Ses œillades profondément méprisantes, ce n’était qu’à moi qu’il les réservait. 

 

« Qu’est-ce que tu fiches chez nous, Adel ? me provoqua-t-il, un sourire aux lèvres. Tu as quitté les intellos de Serdaigle ?

 

-Pour venir chez les imbéciles de Gryffondors ? répliquai-je, les iris flamboyants. Certainement pas. »

 

Weasley savait que je détestais que l’on dise du mal de ma maison. Je n’étais pas particulièrement attachée à ses valeurs, mais c’était ma maison. Ma seconde famille. J’aimais Serdaigle, et en avais assez de ces idiots qui la dédaignaient. Au profit de Gryffondor, en plus. 

 

« Tu as conscience que ton Malefoy adoré est un Gryffondor ? railla l’imbécile en question. 

 

-Jaloux ? le narguai-je. Il faut bien une exception qui confirme la règle. »

 

Weasley plissa des yeux, mais j’étais déjà retournée à la table des Serdaigles, lui épargnant l’effort de répondre. Avoir le Q.I d’un troll ne devait pas être évident tous les jours.

 

« Arrête de te lever à chaque Répartition, me réprimanda aussitôt Viviana alors que je me servais une grosse part de gâteau à la noix de coco - mon préféré. 

 

-Elle fait ce qu’elle veut, Ollivander, intervint Brian dans un sourire.

 

-Elle va se faire prendre un jour et aura encore des ennuis ! cracha mon amie, qui n’était décidément pas très sociable et détestait Luck Brian. 

 

-Et “elle" est là et vous entend, fis-je remarquer. Effectivement Vivi, je fais ce que je veux comme l’a si justement fait remarquer Brian. 

 

-Luck, renchérit immédiatement l’intéressé. »

 

Je levai les yeux au ciel. Mon excentrique camarde avait forcé tout Poudlard à l’appeler par son prénom. 

 

« Luck, capitulai-je, exaspérée par son sourire ravi. 

 

-Fermez-là, intervint James. McGo va parler.

 

-Depuis quand écoutes-tu autant la directrice ? plaisantai-je, mais je me tus moi-aussi, avide d’entendre l’information si importante. »

 

La directrice s’était levée et plissait soigneusement l’étoffe chatoyante de sa longue robe vert bouteille. Avec son chapeau vert, ses bottines vert sombre et le joyau émeraude qui scintillait à son cou, personne ne pouvait croire qu’elle ait été l'ancienne directrice des Gryffondor. 

 

Le poste était maintenant assuré par Neville Londubat, le professeur de botanique. Rond, empoté et sans autorité aucune, les Gryffondors perdaient au change. Et je ne disais pas seulement ça parce que je haïssais l’ancien héros de guerre. J’avais plus reçu de retenues de lui que de l’ensemble du corps professoral, et ce n’était pas peu dire.

 

« Chers élèves, maintenant que vous avez assagi votre faim, j’ai plusieurs informations à vous partager. »

 

La voix de McGo résonna, sèche et forte, contre les murs de marbre. La pluie s’était tue, et plusieurs élèves autour de moi étaient totalement endormis. Pourquoi faire les discours importants après avoir si somptueusement dîné ? La logique de cette école restait pour moi un mystère. Pour ma part, j’étais parfaitement réveillée. Qu’allait-donc nous annoncer McGo ?

 

« Comme chacun le sait, commença la vieille femme d’un air sombre, la Secret Magique a été aboli à la fin de l’année scolaire précédente. »

 

Jamais la Grande Salle n’avait été si silencieuse. Tous étaient pendus aux lèvres de la directrice.

 

« Durant l’été, nous avons eu à déplorer plusieurs pertes tragiques. Certains n'étaient que des enfants, d’autres auraient dû faire leur première rentrée cette année. Ils auraient dû être assis à nos côtés, à célébrer joyeusement l’année à venir. »

 

J’entendis les sanglots étouffés d’une fille de Poufsouffle, entourée de ses amis. Apparemment, elle avait perdu son petit frère sous une attaque de Non-Mages armés. Âgé de sept ans, il faisait seulement de la magie spontanée dans son jardin. Et il était mort sous les balles.

 

« Vous savez tous qui sont les responsables de leurs morts. Vous savez tous pourquoi ces enfants ne sont plus de ce monde. 

 

-A cause des Moldus ! lança une voix écumante de rage, bientôt rejointe par une vague d’assentiments. »

 

Je regardai tristement tous ces élèves, tous ces enfants cracher fureur contre les Non-Mages. Dans toutes les maisons, certains criaient pour exprimer leur colère. 

 

À la table des Poufsouffles, la fille qui avait perdu son frère avait le regard sombre. Meurtrier. Je soupirai. 

 

Peur. Haine. Violence.

 

La directrice leva une main ferme et les protestations s’évanouirent aussitôt.

 

« Les responsables ne sont autres que ceux qui ont lancés la balle. Les responsables sont les humains qui les ont tués.

 

-Des Moldus ! tonna quelqu’un.

 

-Non, des assassins, répondit McGo. Tout comme Lord Voldemort était un assassin. »

 

Le regard de la vieille femme était glacial, et je l’entrevis soudain, la femme de la Seconde Guerre qui se battait sauvagement contre des Mangemorts enragés. On avait tendance à l’oublier, mais elle était bien présente, dans le regard de McGo, dans sa voix froide. 

 

« Je ne tolérerais à Poudlard aucune discrimination contre les Né-Moldus, aucun propos insultant contre les Moldus. Le premier incident à déplorer sera suivi d’un renvoi immédiat. »

 

Des murmures de protestations s’élevèrent, qu’elle fit taire aussitôt. 

 

« Des mesures ont été prises pour nous permettre de lutter contre ces assassins. »

 

Elle balaya la salle de son regard perçant.

 

« Premièrement, le cours d’Étude de Moldus est désormais obligatoire, et le programme s’est vu renforcé en vu des récents évènements. »

 

Nouveaux chuchotements grondeurs, aussitôt évanouis.

 

« Deuxièmement, vous aurez dans votre emploi du temps une plage réservée à un entraînement physique intensif. Vous devrez maitriser plusieurs sports de combats dans le but de vous défendre.

 

-Des sports Moldus ? s’étrangla presque un Serpentard de sixième année. 

 

-Pas que, mais aussi, répondit calmement McGo. Un problème, Mr Piece ? »

 

L’intéressé ne répondit pas et la femme continua d’une voix ferme:

 

« Les cours d’Entraînement Physique seront assurés par le professeur Tsos et seront commun à toutes les maisons.  »

 

Un homme fin que je n’avais même pas remarqué se leva à la table des professeurs et salua silencieusement les élèves. Il arborait une petite barbe sombre taillée en bouc, striée d’argent. 

 

McGo reprit, détournant notre attention du nouveau venu.

 

« Enfin, le Ministère et le Conseil d’Administration ont pris une importante décision qui s’appliquera à tout étudiant à partir de la cinquième année. »

 

Chez les Serdaigles, je sentis les plus jeunes se détendre imperceptiblement. J’échangeai avec James un regard curieux. Qu’allait-elle nous annoncer ?

 

« En vu de ce changement, j’assurerai avec le professeur Dumbledore - Abelforth, précisa-t-elle sèchement à l’intention d’une première année qui avait laissé échappé une exclamation de surprise - les cours de Métamorphoses, en plus de mon poste de directrice. »

 

Je fronçai les sourcils. Ce changement concernait donc la Métamorphose ? Ou McGo satisfaisait-elle seulement ses lubies ? 

 

La directrice se racla dignement la gorge, son regard émeraude mitraillant les élèves par dessus ses lunettes carrées.

 

« Pour pouvoir se protéger contre les groupuscules Moldus qui prennent de l’ampleur, le Ministère a jugé que vous devrez maîtriser aussi bien l’art de se défendre sans baguette que de se cacher. Pour apprendre à lutter, le professeur Tsos vous proposera des exercices d’entraînements physiques que vous devriez exécuter avec le plus grand sérieux. »

 

McGo marqua un temps.

 

« Mais vous ne pourrez pas toujours vous battre. La plupart d’entre vous sont mineurs, et nous ne pouvons pas nous permettre de vous laisser risquer votre vie. Aussi, nous avons pris une mesure qui s’appliquera, comme je vous l’ai dit, aux élèves de cinquième, sixième et septième année. »

 

Je ne comprenais pas. Pourquoi cette information ne concernerait que les élèves les plus âgés ? C’était logiquement les plus vulnérables, non ?

 

Le professeur McGonagall lissa l’étoffe de sa robe émeraude, dégagea une mèche invisible de son éternel chignon et s’humecta imperceptiblement la lèvre.

 

Puis elle parla:

 

« Dès la rentrée, les élèves de cinquième, sixième et septième année suivront un programme intensif dans le but de devenir Animagus avant les vacances de Noël. »

 

Les murmures augmentèrent singulièrement. Les élèves commentaient à toute vitesse l’information qui leur était donnée. McGo les laissa parler, les toisant du regard. 

 

Moi, je n’entendais rien. Pas les chuchotement agités de James, ni les théories murmurées de Viviana. Pas le brouhaha des élèves qui emplissait la salle et me faisait suffoquer. Moi, j’étais dans une sorte de transe, fixant sans le voir le visage calme de la directrice.

 

« Pardon ? »

 

Les têtes se tournèrent vers moi. Je n’avais pas crié, mais ma voix résonna dans la Grande Salle. 

 

« Une objection, Miss Adel ? dit dédaigneusement la directrice. »

 

J’aurais pu me taire. J’aurais du me taire. Mais comment laisser passer ça ? Nous allions…elle voulait…Des Animagi ? Étaient-ils tous fous ? 

 

« C’est une plaisanterie, n’est-ce pas ? fis-je dans un murmure parfaitement audible. Vous n’allez pas mettre en jeu la vie de centaines d’élèves ?

 

-Je ne mettrai en jeu la vie de personne, répliqua McGo en fronçant les sourcils. Le Ministère a travaillé tout l’été à simplifier le processus. Aucun risque ne sera pris.

 

-Mais vous pensez que des gamins peuvent devenir Animagus ? m’exclamai-je désormais, folle de rage. Êtes vous folle ?

 

-Je ne vous permet pas de me parler sur ce ton, Miss Adel, rétorqua la directrice. Je vous rappelle que je suis moi-même devenue Animagus durant ma scolarité. »

 

James me dévisageait avec inquiétude, et Viviana avait quitté son masque de marbre pour un visage anxieux. Je sentais leur regard fixé sur mes yeux. Mes yeux translucides. 

 

Mes yeux écarquillés de peur, de haine, de violence. 

 

« Alors vous en connaissez les risques ! hurlai-je plus fort. Comment pouvez vous poussez contre leur gré des enfants à se métamorphoser en animal ? »

 

Jamais je ne m’étais dévoilée à ce point. 

 

D’habitude, mes colères, mes rires, mes sourires et mes peines, tout était soigneusement mesuré pour les dissimuler. Ma peur. Ma haine. Leur violence. Maintenant, elles éclataient au grand jour, à mesure que je fixai le visage pincé de McGo. 

 

Mais je ne la voyais pas. Non, je la voyais, agonisante,  sanglotant entre deux râles. Comment pouvaient-ils ? 

 

Je sentis les larmes me venir aux yeux. Jamais plus je n’avais pleuré après ce jour. Cela faisait quatre ans que mes iris étaient résolument secs. Emplis de douleur, mais pas de larmes. 

 

Je me levai brusquement et sortis précipitamment de la Grande Salle. J’étouffai. Ma respiration devint plus forte, je dus m’agenouiller sur les dalles de marbre pour ne pas vomir. Je regardai le sol, mais ne le voyais pas. Devant moi, seuls deux yeux vairons, bruns et verdâtres, écarquillés de terreur. Et un puissant râle presque animal qui m’arracha une série de frisson. 

 

Je m’enfonçais le poing dans la bouche pour ne pas hurler. Les larmes me montaient aux yeux mais je ne pleurerais pas. Je ne pleurerais plus. 

 

Une main agrippa mon épaule et me releva doucement. Je me laissai faire, reconnaissant la poigne de mon frère aîné. 

 

« Shayda, fit-il en m’étreignant, mais je me dégageai de ses bras.

 

-Comment peux-tu accepter ça ? m’écriai-je, déversant ma colère sur lui. 

 

-Parce qu’on nous l’impose, et que jamais l’école ne nous mettrait en danger. »

 

J’eus un rire dédaigneux en fixant les prunelles sombres et calmes d’Ash.

 

« Pourtant, c’est ce qu’ils font, rétorquai-je. Tu sais aussi bien que moi les risques. Comment peux-tu te laisser faire ? Je veux dire, même pas une exclamation de surprise, même pas un regard déconcerté… »

 

Ash était stoïque, son visage extraordinairement impassible. Il cachait aussi bien ses émotions que moi, mais comme j’avais craqué, j’étais surprise qu’il n’en ait rien laissé paraître. Aucune surprise ne transparaissait sur son visage pâle.

 

Et puis juste là. Un éclat de remords dans son regard d’ébène, aussitôt évanoui. Mais j’avais compris.

 

« Tu savais, murmurai-je en le repoussant. Tu le savais. »

 

Ash baissa les yeux.

 

« Louis est préfet-en-chef, Shayda, se justifia-t-il. Il me l’a annoncé cet été. 

 

-Et tu ne m’as rien dit ? hurlai-je désormais, indifférente aux élèves qui commençaient à sortir de la Grande Salle. Tu ne m’y as pas préparée ? »

 

Le visage de mon grand frère était plus fermé que jamais. 

 

« Je ne devais pas divulguer l’information.

 

-Tu croyais vraiment que j’allais le crier sur tous les toits ? fis-je, dans une fureur noire. 

 

-Tu as bien fait un scandale, ce soir, répliqua mon frère, et j’eus l’envie soudaine d’arracher ses yeux sombres, son regard froid. 

 

-Je ne pouvais pas me taire, moi ! crachai-je, la voix dégoulinante de haine et de rage. Moi, je ne pouvais pas rester sagement à faire ce qu’on me dit alors que c’est comme ça qu’elle est morte ! Moi, je l’aimais. »

 

La main d’Ash s’abattit sur mon visage en une puissante gifle et je serrai les poings de colère. Je portai la main à ma joue tuméfiée alors qu’il tournait les talons, et restai un instant sur place, avant de gravir rageusement les escaliers de marbre. Tout mon être écumait d’une rage muette, à son paroxysme. 

 

Je n’aurais jamais dû dire ça à mon frère, je le savais bien. Mais à cet instant je le haïssais tellement que je n’aurais jamais pensé m’excuser. Et qui était-il pour me frapper ? 

 

Mais je ne parvenais même pas à lui en vouloir pour ça. Non, j’étais trop occupée à gravir deux à deux les marches des escaliers de Poudlard, désireuse de disparaître dans le dédale de couloirs. Animagus…

 

Ce simple mot me faisait frémir. Je ne pouvais voir un cheval sans que cela me donne la nausée. Je ne pouvais penser à sa mort sans que mes iris virent au bleu pâle ou au vert translucide. Animagus…Et maintenant je devais en devenir une ? Cette pensée me semblait si risible que j’étouffai un rire hystérique. Après qu’elle en soit morte, je devais me résoudre à me transformer à mon tour ? Mais étaient-ils tous fous ? Et Ash, qui cautionnait tout ça ? 

 

Mes pas me portèrent presque inconsciemment dans le couloir de quatrième étage, devant la tapisserie de Barnabas le Follet. Je longeai trois fois les hideux trolls qui me regardaient bêtement, et ne m’étonnai même pas quand une porte en bois brûlée apparut soudainement. Je la poussai doucement pour pénétrer la fameuse Salle sur Demande, mon entre et repère secret. Fameuse, elle ne l’était que pour moi. James et Viviana ne m’y accompagnaient jamais et je ne leur avais jamais fait par de ma cachette. 

 

J’éprouvai pour cette pièce une fascination qui ne cessait de croître. Elle n’avait aucune autre limite que mon imagination, qui elle était infinie. D’habitude, je m’asseyais sur l’herbe que j’avais fait apparaître pour fermer les yeux et tenter de générer magiquement des lacs, des forêts, des fleurs. La Salle n’était que l’immense matérialisation de mes pensées fugaces, et charmait le moindre de mes sens.

 

Mais aujourd’hui, la Pièce Va-et-Viens était bien loin des paysages idylliques que j’aimais faire apparaître. Une salle ronde, au parquet ciré avec soin. Et un immense piano à queue noir en son centre, dont l’ébène chatoyant accrochait mon regard comme un grand aimant noir. 

 

Doucement, je relevai le clavier et effleurai de mes doigts les touches d’ivoire. Le contact de l’instrument contre ma peau me fit frissonner. Mais pas de peur. Ni de haine, ni de violence. Depuis combien de temps n’avais-je pas touché un piano ? 

 

La réponse était si évidente que je ne pris même pas la peine de me répondre. Lentement, comme si je retrouvais des gestes trop longtemps effectués, je tirai un tabouret en velours sombre et m’assis. Je fixai un instant le clavier si familier, mais je ne le voyais pas. Non, je ne voyais que les yeux vairons qu’elle arborait à sa mort. Et, lentement, ses iris brun et vert flottant devant moi, je me mis à jouer. 

 

Au début, je jouais mal. Quatre ans que je n’avais pas travaillé réellement le piano, et cela se ressentait dans mon jeu. Je martelais les touches, je serrais les dents sous les quelques fausses notes. Si elle était là, nulle doute qu’elle se serait moquée de moi. Je revoyais son sourire narquois et ses yeux orangés. Allons, Shay’, tu peux faire mieux que ça. 

 

Puis mon jeu changea. Mes doigts glissaient tous seuls sur les touches noires et blanches, je commençais à retrouver la transe habituelle dans laquelle me plongeait ma musique. Je jouais, mais je ne voyais rien, je n’entendais que la mélodie qui se mêlait à sa voix. Et mes accords s’enchaînaient de plus en plus forts, et je hurlais sans voix ma colère et ma haine. 

 

Crescendo.

 

Je martelais désormais le clavier avec une force presque désespérée, désireuse de me perdre dans les sons déchirants. Les notes sonnaient de désespoir. Du mien. 

 

Je me lançai dans uns descente d’accords aux accents de rage, puis plaquaient deux derniers accords, avant de m’interrompre brutalement, le morceau en suspens. 

 

Je restai un instant à fixer mon reflet dans le piano luisant. Une jeune fille pâle, aux yeux en amande bordés de longs cils noirs, frêle, à la chevelure d’ébène. 

 

Je tirai sur une mèche courte de mon carré désordonné, qui m’arrivait dorénavant juste au dessus des épaules. J’avais coupé ma longue tignasse noire parce que je ne supportais plus de lui ressembler autant. C’était inutile. 

 

Je lui ressemblais plus que jamais. Je lui ressemblerais toujours. 

 

Je portais une main à mes joues baignées de larmes. Je pleurais, réalisai-je, avant de me mettre à sangloter de plus belle. Une larme tomba sur une touche ivoire, mais je n’en eus cure. Je pleurais pitoyablement, exprimant enfin la souffrance qui me comprimait le cœur depuis quatre ans. 

 

Quatre longues années que je teintais de me mentir, de me dire que ma douleur disparaissait avec son souvenir. Mais je m’étais bien trompée. Ma tristesse était toujours là, elle augmentait, croissait, enflait pour exploser en moi de son habituelle violence.

 

Crescendo.

 

Oui, ma peur, ma haine et leur violence ne faisait qu’aller crescendo. 

 

Dans mon esprit se jouait une impressionnante descente chromatique, de plus en plus forte, incessante, si longue ! 

 

Crescendo. 

 

La chute finale n’en serait que plus forte. 

 

 

 

OoOoO

 

 

 

La tête en arrière, je fixai le plafond de la Salle sur Demande. Il était blanc. Froid. Sans vie. 

 

C’était moi qui avais demandé à ce qu’il en soit ainsi. La pièce suivait le moindre de mes désirs. Je ne pouvais en dire autant du piano d’ébène qui me faisait face. 

 

Je ne voulais pas que mes doigts frêles courent sur le clavier, je voulais que les siens en martèlent gaiement les touches. Je ne voulais pas pleurer en jouant, mais rire en l’écoutant. Les simples touches noires et blanches ravivaient des souvenirs que je m’efforçais d’oublier. Et un rêve, enfoui depuis bien longtemps, mais qu’y resurgissait doucement. 

 

Être pianiste…Petite, j’en avais tant rêvé. C’était son métier, sa passion, et la mienne aussi. Mais elle était morte, et jamais plus le vieux piano de notre salon n’avait chanté pour moi. Maintenant, c’était à moi de le faire pleurer. 

 

J’avais son talent pour la musique, j’avais sa passion, mais jamais plus je n’aurais sa joie de vivre. Jamais mon sourire n’illuminerait mon visage comme le sien le faisait, jamais mes iris dorés ne pétilleraient de bonheur comme les siens, jadis. 

 

Je fixai le plafond blanc, froid, sans vie, jusqu’à en avoir les yeux secs. Là. Maintenant, je retrouvais mon masque de marbre, celui qui s’était fissuré plus d’une fois. 

 

James, Viviana et les autres…Ils ne devaient pas savoir. Savoir que derrière la jeune fille joyeuse, cynique et insouciante derrière laquelle je m’abritai, il y avait une gamine torturée. 

 

Alors je souris. 

 

Je refermai doucement le couvercle du piano, comme pour mettre sous clé mes trop sombres pensées. Hors de la Salle sur Demande, personne ne devait savoir. Je fermai les yeux pour tenter de me calmer, puis de maîtriser mes émotions. 

 

Mes iris quittèrent enfin le vert translucide qu’ils arboraient pour un bleu pâle, que je réussi à rendre mauve. Du violet placide et calme que je n’arrivai jamais à maintenir.

 

J’inspirai, et ouvris la porte. 

 

Le couloir du septième étage était désert, aussi n’eus-je aucun mal à sortir sans être vue de la Pièce Va-et-Vient. Dès que j’eus refermé la porte brûlée, celle-ci disparut et je m’éloignai à pas furtifs. 

 

Je n’avais pas vu passer le temps. La nuit était déjà tombée depuis longtemps, et j’allais avoir de sérieux ennuis si j’étais découverte le soir de la rentrée à braver le couvre-feu. 

 

Je rejoignis l’escalier en déplorant qu’il n’y ait pas de passages secrets à proximité. J’eus à peine le temps de faire deux pas que je me heurtai violemment à quelqu’un. 

 

Je me rattrapai gauchement à la rambarde pour apercevoir un uniforme rouge-et-or décoré d’une belle insigne de préfet. Je relevai lentement la tête et croisai un regard brunâtre sous une chevelure auburn désordonnée et un visage effrayant. Me surplombant de toute sa hauteur, mon ennemi me sourit d’un air machiavélique, et je ne pus m’empêcher de déglutir.

 

Pardon ? Fred Weasley, préfet ? 

 

Voilà une décision qui me surprenait encore plus que les annonces de McGo. Et j'étais mal. Très mal. 

 

 

End Notes:

Un chapitre important, n'hésitez pas à commenter et à passer sur mes autres histoires !

<3

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