Charlie jeta un coup d’oeil à la dérobée à la jeune femme qui l’accompagnait. Elle ne portait pas de robe de sorcière - quel magizoologiste se serait encombré d’une tenue aussi peu pratique? - mais un pantalon de toile très moldu et une tunique près du corps qui révélait des formes rien moins qu’agréables. Un pendentif cylindrique sur lesquel se mouvaient de petits signes noirs se nichait à la naissance de ses seins.
- C’est un bijou original, nota le dragonnier.
- Oui, tu sembles y porter beaucoup d’intérêt depuis mon arrivée, commenta la jeune femme avec un petit sourire.
Charlie songea qu’il avait peut-être surestimé ses talents en matière de discrétion et s’empressa de relancer la discussion pour se donner une contenance.
- Alors c’est ta première visite à la réserve de Transylvanie, Luna? La plupart des apprenti-magizoologistes y font au moins un passage pendant leur formation.
- C’est vrai, répondit-elle d’une voix rêveuse, mais il y avait tellement de créatures que je n’avais jamais encore eu l’occasion de voir que j’ai choisi d’autres lieux de stage… Même si bien sûr un Dirico ou un Occamy n’ont pas la prestance d’un dragon, précisa-t-elle avec un doux sourire à l’attention de Charlie.
- Heureusement, tu répares ce faux pas aujourd’hui en venant voir mes protégés! fanfaronna-t-il en riant.
- A vrai dire, ce sont plutôt les pyropuces qui te valent l’honneur de ma visite, rectifia la jeune femme d’une voix taquine.
- C’est tout à fait scandaleux, feignit de s’indigner le dragonnier, qui a signé ton autorisation de visite?
Luna tira un parchemin dans sa besace et le déplia soigneusement, elle posa un doigt fin sur la signature pour la lui montrer.
- Hmmm… Un certain Charlie Weasley. Tu le connais?
- C’est bien ce que je pensais, un sinistre individu. Tu avais joint une photo à ta demande, je parie?
Luna rit de bon coeur et rangea soigneusement le document dans son sac.
- Je te promets d’admirer consciencieusement tous les dragons que j’aurais l’occasion de voir pendant mon séjour. Je suppose que la montagne métallique dont on s’approche est un Pansedefer ukrainien?
- Oui c’est Ronnie!
- Sérieusement?
- Seulement de façon officieuse mais j’envoie régulièrement des photos de lui à mon petit frère pour qu’il sache ce qui l’attend s’il ne ralentit pas sa consommation de bieraubeurres. Hermione a tenu à en faire encadrer quelques unes. C’est une belle-soeur formidable.
Les deux magizoologistes poursuivirent leur visite. La réserve était particulièrement vaste et, comme tout vol en balai était déconseillé, il fallait régulièrement transplaner à vue pour raccourcir les distances. Un sort particulier permettait les transplanages internes tout en interdisant toute irruption de l’extérieur. Charlie avait proposé le transplanage d’escorte à la jeune femme mais elle n’avait manifestement aucun besoin de lui pour atteindre avec précision les points qu’il lui indiquait.
A l’extrême sud de la réserve, la présence de deux Boutefeux chinois mâles sur le même territoire avait étonné Luna. Elle savait l’espèce tolérante à l’égard de ses congénères mais elle n’imaginait pas que la cohabitation pouvait être aussi rapprochée.
- Et voici ma toute belle, ma norvégienne, ma Berta, déclama Charlie lorsqu’ils s’approchèrent de l’immense lac central et Luna sentit que la fierté dans la voix du dragonnier n’était pas tout à fait feinte.
La créature d’un noir de jais émergea du lac dans un nuage de gouttelettes scintillantes.
- Elle est magnifique, murmura la magizoologiste. Mais est-ce l’angle de la plaque dorsale centrale est bien normal?
Charlie fronça les sourcils et saisit les multiplettes accrochées à sa ceinture. Il fit le point sur la dragonne avant d’émettre un juron complexe qui impliquait le postérieur de Merlin, une potion d’Enflure et une certaine quantité de bouse.
- Je lui ai redressée, il y a à peine deux jours, cette satanée plaque. - Comment a-t-elle encore trouvé le moyen de la déplacer? grogna-t-il.
- Une fois descellées, les plaques ne sont plus jamais aussi solidement fixées, regretta Luna.
Charlie acquiesça.
- Je ne peux pas la laisser comme ça… La peau en dessous des plaques est aussi tendre que des fesses de bébé et soigner une blessure sur une créature quasi imperméable à la magie de soin est un vrai casse-tête. Principalement quand la créature en question essaie de nous rôtir....
La norvégienne à crêtes s’était posée sur une berge du lac et laissait le soleil de la fin du jour sécher son corps luisant.
- Tu m’accompagnes? proposa très vite Charlie. On se désillusionne et on transplane ensemble derrière le rocher à cinquante mètres d’elle. Un transplanage avec Assurdiato intégré sinon elle va partir. Ou nous charger selon son humeur. Mais comme elle vient probablement de manger la moitié d’un banc de poissons, je parierai sur l’attaque, la digestion la rend agressive. La faim aussi d’ailleurs. C’est Norberta, elle est agressive par défaut.
- Ok.
- Pas d’inquiétude particulière?
Luna haussa les épaules :
- Je suis magizoologiste.
Elle se désillusionna puis lança le même sort à Charlie. Son toucher magique parut très doux au dragonnier. Son propre sort de désillusion lui donnait l’impression de recevoir un sac de glaçons sur la tête, celui de Luna ressemblait davantage à une caresse un peu rude. Charlie saisit le poignet de la jeune femme et les fit transplaner dans un parfait silence à côté de la dragonne. Luna eut un hochement de tête appréciateur. Puis tous deux s’approchèrent lentement de la bête…
Replacer une plaque dorsale sur un norvégien à crête s’apparentait plus à la magie de construction qu’à la médicomagie. Charlie était à peu près sûr que le sort qu’il lançait avec précaution sur le dos de Norberta était encore employé en charpenterie.A côté de lui, Luna avait également sorti sa baguette mais elle utilisait manifestement de la magie informulée et le dragonnier aurait été bien en peine de savoir ce qu’elle faisait. Un craquement se fit entendre quand la plaque dorsale retrouva sa place. La dragonne redressa son cou d’un air courroucé et tourna instinctivement la tête vers les magizoologistes désillusionnés. Charlie ne perdit pas une seconde et les refit transplaner en sens inverse dans un bang sonore. De là, ils virent la flamme de la dragonne embraser l’espace où ils se tenaient l’instant précédent.
- Joli, s’exclama Luna, les joues roses d’excitation.
Elle brandit une fiole dans laquelle s’ébattait une demi-douzaine de petits insectes dorés :
- Et j’ai mes pyropuces!
Charlie sentit la tension provoquée par l’intervention sur la dragonne tomber d’un coup. L'enthousiasme de la jeune magizoologiste était rafraîchissant. Et il devait avouer qu’elle lui plaisait beaucoup. Ils échangèrent un sourire.
- Je te montre la hutte des invités pour que tu t’installes pour la nuit? suggéra-t-il.
- J’ai faim, tu ne m’inviterais pas plutôt à dîner?
- Je t’invite à tout ce que tu veux Luna… laissa-t-il échapper et elle ne parût pas s’offusquer de l’avance explicite.
***
Les assiettes étaient vides depuis longtemps. Seules les coupes étaient encore remplies ponctuellement. Charlie dévisageait maintenant ouvertement la jeune femme en face de lui, les cheveux blonds foncés réunis en une longue tresse, le doux visage rond, les yeux clairs, les lèvres pulpeuses, le pendentif cylindrique dans le décolleté. Il se pencha au dessus de la table pour le prendre dans la main et fut étonné par sa légèreté.
- C’est un bouchon de bieraubeurre, indiqua tranquillement Luna pour répondre à sa question informulée.
Le dragonnier pouvait maintenant voir que les signes qui bougeaient étaient des mots, des noms plutôt qui apparaîssaient, s’enroulaient lentement autour du bouchon, disparaissaient et revenaient à nouveau : Ginny, Neville, Papa, Harry, Maman, Hermione, Ron, Hannah...
- Ce sont les noms des gens que j’aime, précisa-t-elle à nouveau sans se départir de son calme.
Charlie ne répondit rien. Il lâcha le pendentif pour remonter ses doigts et lui caresser la joue. Elle pencha son visage dans le creux de sa grande main de dragonnier et ferma les yeux un instant. Puis elle les réouvrit brusquement et avec une vitesse qui le stupéfia, saisit sa baguette, fit disparaître la table, jeta un Accio sur la chaise de Charlie et se retrouva assise sur ses genoux. Il émit un gémissement de surprise et d’excitation et elle l’embrassa.
Quelques minutes plus tard, il consentit à ce qu’elle fasse disparaître leurs vêtements.