Abraxas Malefoy et les Ondines de la Forêt Noire by bellatrix92
Summary:

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Ou, comment les Malefoy sont-ils devenus des partisans du Seigneur des Ténèbres?

 

Abraxas Malefoy est un jeune homme plein de fougue et grisé par l'aventure. Mais, alors qu'il effectue un voyage en Europe centrale sur la piste des origines les plus profondes de sa famille, il commet une imprudence qu'il se reprochera toute sa vie... Une imprudence fatale?

 

 

 

Peinture de J. L. Agasse

 

 

 

 


Categories: Romance (Het), Univers Alternatifs, Les Animaux Fantastiques Characters: Abraxas Malefoy, Famille Malefoy, Personnage original (OC)
Genres: Missing Moments, Romance/Amour, Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Mon centaure bien-aimé, Les Enfants perdus, Histoire de la Magie, L'illustre et noble famille Malefoy, Les chroniques du Blocksberg
Chapters: 10 Completed: Non Word count: 21769 Read: 3459 Published: 10/06/2020 Updated: 30/07/2020
Story Notes:

Cette histoire à été écrite pour le concours "Mon centaure bien aimé" et fait également partie de ma série "les enfants perdus".

1. Nurmengard by bellatrix92

2. Des créatures de Herpo l'infâme by bellatrix92

3. Discussion à Seebach by bellatrix92

4. Chez Anna et Maria Klein by bellatrix92

5. Le Blocksberg: by bellatrix92

6. les avertissements de Kuggelblitze by bellatrix92

7. Vampirisé by bellatrix92

8. Convalescence, grenouilles et corbeau by bellatrix92

9. Des complications by bellatrix92

10. L'Assemblée des Maléfices by bellatrix92

Nurmengard by bellatrix92
Abraxas avait été fasciné par cet endroit dès l’instant où il en avait entendu parler pour la première fois. Mais à présent qu’il la voyait en vrai, l’imposante forteresse noir de jais lui donnait des frissons pratiquement incontrôlables.
Ce lieu respirait la magie noire par toutes ses pores. D’ailleurs Wlad, son correspondant de Durmstrang, n’était pas rassuré non plus et gardait les mains crispées sur son balais tandis qu’il lui faisait visiter les lieux.
C’est qu’il avait de bonnes raisons de le redouter également.

- Il est enfermé dans les plus hautes cellules à ce que l’on dit, murmura le jeune homme en levant la tête vers la partie supérieure de la forteresse qui se détachait des barres rocheuses aux alentours.
- Tout en haut ? S’étonna Abraxas.
- Non, pas tout à fait. Le haut du château, c’était ses appartements privés à ce qu’on dit et maintenant c’est le QG des gardiens. Les cellules les plus sécurisées se trouvent en dessous.
- D’accord, murmura Abraxas qui regardait à présent les pieds de la forteresse, où un torrent de montagne alimentait des douves.

L’air était empli de croassements de batraciens, étrange à une telle altitude et, sur les flancs des montagnes, on voyait encore les carcasses d’étranges animaux reptiliens. La plupart d’entre-elles se concentraient à l’endroit où une large fissure, suffisante pour permettre le passage d’humains, avait été pratiquée dans la muraille. Les restes d’un affrontement sanglant à n’en pas douter.

- Il y a eu une bataille ici, fit remarquer Abraxas.
- Oui, en 1943 je crois, répondit Wlad. Un vrai fiasco en réalité, même si ses vestiges restent impressionnant. Ce sont les vivernières de la Forêt Noire dont certaines avaient été capturées par Grindelwald qui ont attaqué la forteresse pour tenter de libérer les leurs. Elles ont été complètement massacrées à ce qu’on dit. Je crois qu’il n’y a eu qu’une dizaine de survivantes et certaines ont été tuées peu après en représailles.

Abraxas qui connaissait la piètre réputation des sorciers et surtout des sorcières de la Forêt Noire s’interrogea à voix haute :
- Mais qui a pu être assez fou dans cette région pour défier Grindelwald en personne ?
- Oh mais la Forêt Noire n’a jamais été une terre acquise pour Grindelwald, répliqua Wlad. Cela faisait vingt ans que cette région lui résistait, une véritable enclave encore libre dans son domaine. On dit qu’il n’a pas réussi au départ à la rallier à sa cause, la faute à une magicienne qui se serait opposée à lui et aurait fait disparaître ses partisans dans le coin.
- Tu parles au conditionnel, fit remarquer Abraxas.
- Oui, parce qu’un tel personnage est à mon avis légendaire. Il se raconte que c’était une très jeune sorcière qui avait passé l’épreuve du grimoire avant l’âge requis puis transformé une partie de l’Assemblée des Maléfices en grenouilles. Il se dit même qu’elle était à moitié ondine.
- Rocambolesque en effet, convint Abraxas. Mais la bataille qui nous occupe a, elle, véritablement eu lieu.
- Oui, cela au moins est indéniable, répondit Wlad.
- J’aimerais bien savoir ce qu’il en est vraiment.

Abraxas était en effet curieux de tout, surtout quand un mystère s’imposait à lui. Il le voyait aux traces laissées, cette bataille livrée sans doute six à sept ans plus tôt avait été féroce et Grindelwald lui-même avait du en être ébranlé, car la brèche taillée dans la forteresse n’avait pas été rebouchée.
Cela n’avait donc rien d’une escarmouche désespérée et il voulait en connaître les tenants et les aboutissants.
- Où pourrais-je trouver des renseignements là-dessus ? Demanda t-il à Wlad qui semblait bien moins intéressé par la chose, mais qui pourtant lui répondit :
- Déjà, la Forêt Noire grouille de sorciers et sorcières qui ont pu connaître des combattantes. On dit que le QG de leurs troupes se trouvait à Seebach, un village de montagne non loin du Mummelsee. Ensuite, il y a toujours la bibliothèque magique de Freudenstadt qui possède des archives datées de plus de mille ans sur toute la région.
- Dans ce cas, je propose que nous nous y rendions.

Wlad le regardait avec une surprise mêlée d’agacement, et Abraxas savait pourquoi. Son ami était de son côté sur les traces de son frère aîné, Piotr Krum, tué par le mage noir. Aussi il choisit la voix de la diplomatie et ajouta :
- Pas longtemps, rassure-toi. Juste une étape pour me faire ma propre opinion sur cet endroit et sur les événements. Et puis, tu disais aussi que ton frère était passé par là-bas également…
- Ce coin grouille d’ondins et de vivernes, répliqua Wlad moins motivé que jamais. C’est une zone grise dans le monde magique, avec une communauté sorcière complètement dégénérée, et l’endroit est clairement indiqué comme dangereux.

Cette fois-ci, Abraxas s’agaça franchement :
- Parce que là où nous nous trouvons, ce n’est pas dangereux peut-être ? Nous sommes hors-la-loi depuis que nous avons passé la barre rocheuse je te rappelle.
- C’est vrai… Concéda Wlad à contrecœur.

Il ajouta devant l’air décidé de son ami :
- Seulement quelques jours alors, et on reste à Seebach ou Freudenstadt. Le reste de la Forêt, je ne m’y aventurerai pas.
- A ta guise, répondit Abraxas. Cela n’engage que toi. Mais je veux aller voir… Cette fissure et la puissance magique nécessaire pour la former m’intrigue trop pour que je passe à côté, et puis…

Il termina dans un souffle :
- Des archives de mille ans, je ne peux pas refuser…

Wlad poussa un soupir résigné et s’apprêtait à poursuivre la visite des lieux lorsqu’un hurlement sinistre lui fit écarquiller les yeux de terreur. Il saisit Abraxas par la manche et les deux plongèrent à l’abri derrière les rochers.
Se redressant, Abraxas aperçut dans le ciel quelque-chose qu’il ne parvint pas à identifier mais qui l’intrigua beaucoup. En effet, il s’agissait d’un reptilien volant, visiblement chevauché par un sorcier :
- C’est quoi ça ? Demanda t-il.
- Une vivernière et sa viverne, répondit Wlad. Quand on parle du loup, on en voit la queue… Tu veux toujours aller en Forêt Noire après ça ?
- Et comment ! Répliqua Abraxas. Ce que je vois là est fabuleusement… Puissant !
- Si tu pouvais garder à l’esprit que c’est également fabuleusement dangereux, je serais plus rassuré. D’autant qu’une viverne ce n’est rien… Comparé à un ondin ou une ondine.
- Tu m’expliqueras en route ce que c’est, répondit Abraxas en sortant de leur cachette, car la créature était partie.

Ils remontèrent sur leurs balais et quittèrent aussi vite que possible la zone interdite, mais non sans avoir été vus par la vivernière à laquelle ils avaient cru échapper…
Ils apprendraient bien assez tôt que cette vivernière n’était pas n’importe qui. Et pourtant ce n’était pas une ondine...
Des créatures de Herpo l'infâme by bellatrix92
Si Herpô l’Infâme était impliqué, il y avait en effet de quoi considérer les ondins comme dangereux. Encore fallait-il, cependant, que les rumeurs disent vrai.
D’après Wlad, les Ondins étaient au départ un croisement entre divers êtres de l’eau, des vélanes et même des humains, des humaines plus précisément. Leur utilité ? Tuer quiconque se serait approché de l’horcruxe d’Herpô l’infâme. Horcruxe cachée au fond d’une rivière grecque à l’origine.

Les ondins vivaient donc, toujours d’après Wlad, en communautés au fond des lacs ou au bord des rivières. Ils possédaient un langage humain, la capacité de parler de nombreuses langues et leurs femelles étaient extrêmement attirantes, pas farouches pour deux sous et elles n’hésitaient pas à venir se mêler aux humains qu’elles séduisaient volontiers. Les mâles, on disait que c’était une autre histoire…

- Elles ont le côté extrêmement séducteur des vélanes, lui avait expliqué Wlad. Mais elles possèdent l’agressivité des êtres de l’eau et le côté retors et avide de pouvoir des humains. Il faut vraiment se méfier. Tu risques d’en croiser… Dis-toi que tu peux coucher avec, pas de soucis, mais surtout ne cherche pas à les retenir la nuit et, surtout, ne te lie pas durablement à l’une d’elles. C’est un coup à se faire butter.
- Déjà, répliqua Abraxas vexé. Sache que ce genre de créatures hybrides ne m’attire nullement !
- Elles attirent tout le monde, répondit doucement Wlad. Et tu pourrais l’être sans t’en rendre compte, en croyant flirter avec une simple humaine.
- Tu m’en diras tant.

Abraxas était sûr de lui, comme il l’avait toujours été. Descendant d’une famille anglaise aussi riche que puissante, benjamin de trois enfants et chéri toutes ses jeunes années, promis en mariage à la jeune Nephtis Rosier dont les deux frères avaient épousé ses deux sœurs, il bénéficiait des appuis les plus sérieux possibles, à condition de maintenir sa réputation.
Alors se commettre avec une créature inférieure…

… Il avait bien autre-chose à faire.

En fait, il avait surtout entrepris ce voyage et ce programme de correspondance pour remonter aux origines profondes de sa famille, espérant plus que tout retrouver des traces des Malefoy en explorant les archives européennes.
Son père avant lui était remonté jusqu’à Armand Malefoy, arrivé en Angleterre aux côtés de Guillaume le Conquérant qu’il servait en temps qu’enchanteur. Il avait réussi à découvrir que cet homme avait épousé une femme de l’entourage du roi de Norvège : Astrid Thorgilsson.
Or, des Thorgilsson, il y en avait dans l’histoire sorcière de toute l’Europe car c’était une famille viking plutôt prolifique dont de nombreuses branches avaient essaimé de la Russie jusqu’à l’Espagne.
Mais à présent, elle était éteinte depuis plus de trois cents ans et cela posait problème pour la mission qu’Abraxas était venu remplir : prouver que cette Astrid (ou Estrid, ou Astrith) Thorgilsson était bien issue de la lignée de Sang-Pur Thorgilsson, ce qui permettrait de faire encore remonter leur arbre généalogique.

Cela dit, son voyage avait commencé sous des auspices particulièrement défavorables. En effet, il avait réussi là où son père avait échoué : remonter plus loin que Armand Malefoy et épluchant les archives de la Bibliothèque magique de Normandie, située à Bayeux.
Mais, loin de le conforter, sa découverte l’avait plongé dans un tel désarroi qu’il n’avait rien osé en écrire à son paternel...
End Notes:

Pour ceux qui ne savent pas qui est Herpo l'infâme: c'est le premier mage noir connu à avoir créé un horcruxe et élevé un basilic.

Discussion à Seebach by bellatrix92
Author's Notes:

Merci à Roneila20 et Destrange pour leurs commentaires!

Abraxas Malefoy et Wladimir Krum s’établirent à la Wildhexe Gasthaus, une auberge tenue d’une main de fer par Wilhelm Brandebourg, également boucher-charcutier de son état.
La nourriture était savoureuse, la compagnie agréable et l’établissement assez calme la nuit, ce qui leur permettait de dormir les soirs où ils le souhaitaient. Dans ce village moitié-sorcier, moitié-moldu, ils pouvaient se déplacer comme bon leur semblait sans avoir à se soucier de ce que leur accoutrement provoquait comme interrogations. Ils pouvaient ainsi se rendre dans les commerces et flânèrent un long moment à la librairie sorcière, sans trouver aucune mention de ce qu’ils recherchaient.

Un autre établissement sorcier se trouvait également à Seebach, un genre de Biergarten qui ouvrait jour et nuit et proposait un large panel de divertissements. Sans être mal famé, il accueillait une clientèle nettement plus délurée et il n’était pas rare que les sorciers de bonne famille du coin viennent s’y encanailler. C’est du moins la description que leur en avaient fait d’autres voyageurs de passage.

Outre la bière, l’ambiance et la musique, le Mümmeleingarten était d’ailleurs connu pour être un lieu de rencontres galantes. Pas qu’il propose les services de prostituées, mais c’était le lieu de toutes les soirées et les deux jeunes hommes choisirent de s’y rendre après une première soirée de recherches infructueuses au Wildhexe Gasthaus. Il faut dire que, si les voyageurs étaient nombreux dans l’auberge, les gens du cru ne s’y rendaient pas beaucoup.

- Je suis sûr que cette fois-ci nous ne ferons pas chou blanc, déclara Abraxas plein d’espoir en franchissant la porte du Mümmeleingarten.
- A quel sens du terme ? Demanda Wladimir qui observait l’enseigne, une jeune femme nue au milieu des nénuphars, d’un air assez sceptique.

Abraxas l’ignora. C’était la fin de l’après-midi et l’établissement était encore assez calme. Ils s’attablèrent un peu à l’écart de la piste de danse, de manière à pouvoir observer les lieux. Les autres clients étaient plus âgés mais ce n’était pas anormal à cette heure de la journée.
Ils n’eurent pas à attendre longtemps cependant. A peine avaient-ils commandé leurs bières que plusieurs jeunes gens entrèrent successivement, d’abord un jeune homme et une jeune femme à l’allure délurée et aux habits dépareillés du plus mauvais goût.
La jeune femme, jeune fille même, était rousse avec des cheveux filasses et ébouriffés, un nez en pointe et des yeux marc de café. Elle portait une robe de sorcière bien trop courte et rapiécée qui laissait apparaître ses bas, un tablier, un gilet d’homme et riait au bras de son compagnon. Celui-ci était un garçon bien bâti, comme un paysan du cru, à la physionomie de bon vivant tempérée par la présence d’une cicatrice. Vestige d’un combat avec un ours ? Un loup ?
Abraxas ne savait pas, mais ce dont il fut sûr en revanche, c’est que ce type-là était un brave. Étrangement, la veste qu’il portait faisait penser à celle d’un genre de garde forestier, ou quelque-chose d’approchant.
- Tu crois que ce sont des sorciers ? Lui chuchota Wlad sur un ton un peu effrayé.
- Au moins la fille, je pense, répondit Abraxas, également à voix basse. Le garçon, je ne sais pas.
- On devrait aller les interroger, ce genre de marginaux sont généralement plus ou moins au courant de tout.
- Seulement si on ne troupe personne d’autre, je ne tiens pas vraiment à me commettre avec ce genre de personnes.

Quelqu’un d’autre entrait alors ils se turent, d’abord par prudence, mais très vite par surprise. En effet, le trio qui venait de pénétrer dans l’estaminet ne présentait pas, mais alors pas du tout, de la même manière.

C’était trois femmes d’une grande beauté, aux cheveux blond vénitien, roux et auburn, vêtues de robes de sorcières de bonne facture à ce qu’Abraxas pouvait en juger et au port royal. Des gens de son monde, sûrement.

Si le couple en entrant s’était contenté de les saluer avant d’aller s’attabler de son côté pour se compter fleurette en bas-allemand, les trois femmes en revanche leur adressèrent des sourires charmeurs et celle qui semblait la plus ouverte leur demanda dans un allemand parfait :
- Pouvons-nous prendre place à vos côtés ?

Abraxas, immédiatement sous le charme, lui sourit aimablement et les invita d’un mouvement de baguette, rajoutant du même coup trois chaises à leurs tables.
Elles s’assirent et la conversation démarra aussitôt.

C’était trois sœurs d’une vieille famille des environs. La plus âgée, une blonde magnifique aux yeux verts qui lançaient des éclairs, répondait au nom de Kuggelblitze. C’était également la plus volubile et elle ne mit que quelques secondes à faire tomber Wlad sous son charme. Bientôt, ils engageaient une conversation à bâtons rompus pendant qu’Abraxas, quoique un peu déçu d’être laissé de côté, faisait connaissance avec les deux autres.
La seconde sœur, aux cheveux roux comme du feu et aux grands yeux noirs très vifs éclairant un visage altier, se nommait Feuersterne. Elle présenta également sa plus jeune sœur, une fille aux cheveux auburn et au visage plus fermé que celui des deux autres, mais tout aussi belle, qui se nommait Gletscher, en référence à ses deux yeux bleus au regard poli mais extrêmement froid.

Même s’il lança plusieurs regards d’envie à Kuggelblitze et quelques-uns intrigués à Gletscher qui ne sortait pas de sa réserve, Abraxas discuta surtout avec Feuersterne ce soir-là car la jeune fille était avenante et le renseignait volontiers sur la région. Il lui raconta son voyage de recherches, ce à quoi elle lui répondit qu’il était malheureusement impossible, à son avis du moins, de remonter plus haut dans son arbre généalogique si celui-ci se rattachait aux Vikings. En effet, les généalogies sorcières de ce peuple restaient très brouillées à sa connaissance.
- C’est vrai, répondit Abraxas. Mais je souhaite toutefois utiliser ce temps qui m’est donné pour élargir mes connaissances.
- C’est très noble de votre part, fit remarquer Feuersterne en lui lançant un regard à faire fondre la roche. Vous semblez sincèrement passionné par ce que vous étudiez, contrairement à de nombreux jeunes gens effectuant aussi des voyages d’étude... simplement pour avoir un prétexte afin de prendre du bon temps.

Elle semblait éprouver, tout en prononçant ces mots, comme un genre de déception qui se lisait nettement dans son regard et Abraxas lui répondit avec douceur :
- C’est vrai, et nous les Anglais ne sommes pas les derniers dans ce domaine. Mais, pour excuser un peu mes compagnons, ils sont souvent sous l’épée de Damoclès d’un futur mariage, ce qui les angoisse au plus haut point. Alors ils choisissent de brûler leur jeunesse avant qu’il ne soit trop tard et… Personne n’est dupe au fond, c’est un peu comme un genre de rituel de passage dans le monde des chefs de familles. De quoi se faire de doux souvenirs qui permettent ensuite de garder son équilibre…
- N’avez-vous pas la même épée de Damoclès au dessus de la tête ? Répondit Feuersterne. Un homme comme vous n’est-il donc pas également promis à ce genre de mariage ?
- Disons que, de mon côté, je suis plutôt chanceux. Et puis, de toute manière, j’ai toujours porté davantage d’intérêt à l’étude qu’aux amusements de toutes sortes. Chacun trouve son plaisir où il le peut…

Cette fois-ci, c’était clair, Feuersterne semblait un peu déçue et Abraxas se sentit soudain honteux de passer pour un intellectuel insipide à ses yeux. Désireux de remonter dans son estime, il raconta les différentes péripéties de leur voyage et finit même par lui parler de l’étrange brèche qu’ils avaient aperçue dans la muraille de Nurmengard.

Là, Feuersterne s’effraya :
- Vous êtes allé à Nurmengard ? Dit-elle horrifiée. Mais vous êtes fou ?
- Un peu, oui, sûrement, répondit Abraxas emporté par son élan, mais aussi un peu par sa troisième bière. Et nous avons même failli être dévorés par un gros lézard volant !
- Vous avez vu une viverne…

La voix de la jeune femme n’était plus qu’un souffle, Abraxas essaya de prendre un ton rassurant à son adresse :
- Oui, à première vue. D’ailleurs il paraît que ces créatures viennent de la région et ce qu’on raconte sur elles, notamment à Nurmengard, nous a beaucoup intrigués.
- Il y a de quoi, répliqua sèchement Feuersterne avant de jeter soudain un regard à la montre à gousset qu’elle venait de sortir de sa poche.

Elle la consulta et s’adressa à ses compagnes :
- Il est l’heure, dit-elle. Nous devons y aller.
- Qu’est-ce que tu racontes ? Demanda Kuggelblitze. Nous avons encore bien…
- J’ai dit qu’il était l’heure, nous y allons.

Le ton était insistant, non, sans réplique. Les trois femmes se levèrent, payèrent leurs consommations et sortirent sans un mot de plus. Abraxas sentit son cœur se briser. Wladimir, à côté de lui, fixait la porte d’un air tristement hébété.
Qu’avait-il pu dire de si vexant pour que ces trois merveilles prennent la fuite ?

- Reprenez-vous, dit soudain une voix à côté d’eux.

Ils se retournèrent, surpris et d’un même mouvement. La jeune sorcière rousse aux habits dépareillés se trouvait juste derrière eux à présent et leur secouait vigoureusement l’épaule. Abraxas fut le premier à reprendre totalement ses esprits et la fixa d’un regard condescendant qu’elle soutint sans ciller.

Quelques instants plus tard, Wladimir émergeait à son tour et lui renvoyait une exclamation horrifiée :
- Vous n’êtes pas du coin, dit doucement la jeune fille, et il n’y a pas qu’à votre allemand approximatif et à votre accent que cela se voit. C’est folie d’évoquer les vivernes d’une telle manière ! Surtout face aux filles de Wallenstein.
- Qui êtes-vous ? Lui demanda Abraxas, profondément agacé.

La jeune fille fit signe à son compagnon de la rejoindre et désigna une chaise du regard :
- Puis-je ? Demanda t-elle.
- Bien-sûr, répondit Wladimir, encore sous le choc mais visiblement décidé à se montrer poli.

Elle s’assit et son compagnon l’imita. Comme Abraxas la regardait avec insistance, elle se présenta :
- Je me nomme Anna Klein, je suis née à quelques pas d’ici, dans la forêt et j’y habite toujours. Et voici Burghart Walter, mon compagnon.
- Vous êtes des moldus, fit remarquer Wladimir.
- Burghart seulement, répondit Anna. Moi, je suis une sorcière et, si vous voulez visiter la région, je pourrais fort bien vous servir de guide. Mais trêves de discussion. Avez-vous compris avec qui vous venez de partager un verre ?

Abraxas pâlit un peu, et Wladimir demanda dans un souffle :
- Était-ce des Ondines ?

Anna acquiesça :
- Oui, c’était des Ondines.
- J’aurais cru que c’était des sorcières de bonne famille, grommela Abraxas.
- Des « sorciers de bonne famille », répliqua Anna. Il n’y en a pas des masses ici, du moins pas en foret. Si vous en cherchez, il vaut mieux aller dans les villes, là où ils vivent. Ici, vous ne trouverez pratiquement que des personnes dans mon genre, plus quelques vieilles mégères revenues sur les lieux de leur enfance.
- Tout de même, dit-il. Ces femmes n’avaient aucune ressemblance avec des êtres de l’eau.
- Les ondines sont métamorphomages Monsieur, elles imitent l’image humaine et généralement de manière très séduisante comme c’était le cas ce soir. D’ailleurs vous auriez certainement passé une très bonne soirée si Monsieur que voici n’avait pas abordé de sujets qui fâchent.

Ses paroles auraient pu paraître mutines, si seulement elle n’avait pas eu l’air aussi grave :
- De sujet qui fâchent ? Demanda Wladimir inquiet.
- Oui, d’ailleurs si vous comptez rester entiers, je vous conseille à l’avenir d’éviter de parler de vivernes et de Nurmengard ici. Il y a beaucoup de ressentiment sur ce territoire et toutes les plaies ne sont pas cicatrisées… Croyez-moi, j’en sais quelque-chose…

Sa voix n’était plus qu’un souffle. Elle se tut d’ailleurs et c’est son compagnon Burghart qui poursuivit :
- Il faut également être beaucoup plus prudents que cela face aux Ondines. Je sais qu’elles sont très réputées pour leur charme et que nombre de voyageurs viennent ici pour les voir. Mais je dois vous avertir, Messieurs… Ces trois-là sont extrêmement dangereuses et les côtoyer n’est pas un jeu.
- Pourquoi donc ? Demanda Abraxas ouvertement dubitatif.

Anna répondit :
- Kuggelblitze, Feuersterne et Gletscher sont les trois filles du roi Wallenstein, dont le palais se trouve au Mummelsee, un lac de montagne. Il dirige tous les Ondins de la Forêt Noire et son influence s’étend même sur une partie des affluents du Danube. Côtoyer ses filles est dangereux pour n’importe qui, du moins n’importe qui de sexe masculin. S’il soupçonnait que l’une d’elle s’attache à l’un de vous, il n’hésiterait pas à vous supprimer car c’est un fanatique de la pureté du sang.

C’était complètement fou, elle se moquait forcément d’eux :
- Mais cette créature n’est même pas humaine ! Protesta Abraxas.
- Il n’y a pas besoin d’être un sorcier, ou même un humain pour avoir des idées affreuses sur les races, Monsieur. Et dans la Forêt Noire, la plupart des sorciers sont hybrides, j’en suis d’ailleurs. C’est pour cela qu’il craint tant que ses filles ne dérogent.
- Il les laisse courir les bars, fit remarquer Abraxas.

Anna le regarda avec gravité et répondit :
- Que savez-vous des Ondins exactement ?
- C’est des créatures très anciennes, si je ne me trompe pas… Répondit Abraxas en jetant à la dérobée des regards à Wladimir.

Celui-ci soupira et consentit à prendre le relais :
- Nous savons que ce sont des êtres de l’eau, qu’ils ont des pouvoirs très importants et que leurs femelles fraient volontiers avec les humains, mais sans que cela n’entraîne des relations durables.
- En général, du moins, répondit doucement Anna. Je crois cependant qu’il y a quelques subtilités que vous ne saisissez pas.
- C’est à dire ? Demanda Abraxas

.
- Les Ondins forment un peuple lacustre et peuplent des régions comme la Forêt Noire depuis des millénaires. Mais là où le bas blesse, c’est que ce sont des créatures qui ont été créées à la base par des mages noirs.
- Herpô l’Infame, c’est cela ?
- La légende le dit en tout cas, mais il n’est peut-être pas le seul et, en réalité, leurs origines sont très floues. Sans aller jusqu’à dire que les Ondins sont tous mauvais, je vous mets en garde : ce sont des créatures qui ont une relation antagoniste aux humains, c’est dans leur nature. Même si ces trois ondines vous ont parues charmantes, leurs ancêtres ont été créés dans un but : garder des territoires contre d’éventuels pillards. Leurs femelles servent d’appâts et de leurres, leurs mâles d’assassins…

Abraxas voulait bien la croire, mais il y avait tous de même un hic :
- Et vous, dans tout cela ? Vous nous disiez justement être hybride. Comment cela se peut-il alors ?
- Je ne vous répondrai pas précisément, mais je vais vous montrer ce que cela implique.

Anna saisit dans sa poche un petit couteau et Burghart grimaça :
- Nein… Grommela t-il sans qu’elle ne l’écoute.

Saisissant le couteau, elle traça d’un geste sec une entaille sur son bras et le sang se mit à couler abondamment. Abraxas poussa un cri effaré mais elle lui sourit :
- Ce n’est rien, dit-elle doucement, tandis qu’à la surprise des deux hommes la plaie se refermait.
- Impressionnant… Souffla Abraxas.
- Dans la région, répondit Anna, on calcule souvent le degrés de métissage en fonction de la vitesse de cicatrisation des plaies. Le mien est estimé à « hybride deuxième génération ». On considère généralement que si une plaie de cette taille met moins de quarante-huit heures à disparaître totalement, la personne a du sang d’ondin dans les veines. Et cela concernerait environs deux tiers des sorciers de Forêt Noire.
- Mais comment cela est-il possible si, comme vous le dites, les ondins sont antagonistes aux hommes ? Demanda Wladimir dubitatif.
- Certaines Ondines dérogent parfois, d’ailleurs certains Ondins aussi même si cela est plus rare et qu’ils restent stériles. Chaque génération connaît quelques unions de ce genre…

Elle ajouta à voix plus basse :
- Cependant la majorité de ces histoires finissent mal, les crimes d’honneur sont nombreux…
- Vous en savez personnellement quelque-chose ?
- Oui, répondit Anna. Et je ne suis pas la seule d’ailleurs, j’ai une petite sœur, Maria, qui étudie à Poudlard… Je l’ai envoyée là-bas pour qu’elle soit en sécurité.

Abraxas l’observa de haut en bas, persuadé qu’elle mentait, et répondit :
- Vous avez envoyé votre sœur à Poudlard ? Depuis l’Allemagne ?
- Oui, répondit Anna sans perdre une once de calme. Elle s’appelle Maria Klein et elle est à Poufsouffle.

Comme il étouffait un ricanement, elle lui renvoya un regard agacé et poursuivit :
- Bref, il vaut mieux que vous gardiez vos distances avec ces trois-là.

Elle se leva à son tour et son compagnon la suivit. Ils sortirent après avoir salué l’assistance. Alors seulement Abraxas remarqua la carte de visite qu’elle avait laissée sur leur table et la saisit avec des gestes fébriles.

Une viverne dessinée sur fond bleu… Et de l’autre côté : « Ruf mich ».

« Appelez-moi ».

Il empocha la carte avant que Wladimir ne la voit à son tour.

Chez Anna et Maria Klein by bellatrix92

La sommeil d’Abraxas fut particulièrement agité cette nuit-là, hanté de rêves galants voire franchement érotiques mettant en scène chacune des trois ondines. Il se réveilla plusieurs fois en sursaut, inexplicablement angoissé et avec l’envie furieuse de bondir sur ses pieds pour partir en quête des trois femmes.

Lorsqu’il se leva et descendit déjeuner, plus épuisé encore qu’à son coucher, la mine terreuse de Wladimir lui apprit que son ami n’avait pas trouvé le repos non plus et son visage déprimé était même inquiétant.

Foutues chimères ! Ils déjeunèrent en silence, encore sous le coup de leur nuit et assez gênés à l’idée d’aborder le sujet l’un avec l’autre, jusqu’à ce que Wladimir soupire douloureusement :
- Ce qu’elle était belle…
- Les trois étaient magnifiques, répondit Abraxas sur un ton morose en cherchant son mouchoir dans sa poche afin de s’éponger le front.

Ses doigts tombèrent alors sur un objet qu’il ne reconnut pas et il le sortit machinalement. Wladimir lui lança un regard morne et s’anima soudain :
- Qu’est-ce que c’est ? Demanda t-il ?
- Anna m’a donné ça hier, marmonna Abraxas en retournant la carte de visite.
- Montre !

Il n’en avait pas très envie, mais plus le choix puisqu’il l’avait sortie. Wladimir saisit la carte qu’Abraxas lui tendait à contrecœur et l’observa attentivement, tout en la retournant dans sa main.
- « Ruf mich », lut-il au dos. Un portoloin qui s’active en appelant son créateur !

Il rendit la carte, troublé.
- Je n’aurais jamais pensé qu’une marginale comme cette Anna possède un tel objet.
- Moi non plus, avoua Abraxas en saisissant la carte et en la portant à hauteur de ses yeux.

C’était un bel objet, avec une viverne finement dessinée et sans la moindre trace d’usure.
La tentation était trop forte malgré son état, et Abraxas bouillait à présent de curiosité, aussi il l’utilisa immédiatement après être sorti de table, alors même qu’il se trouvait encore dans le couloir :
- Anna. Appela t-il.

L’objet se mit aussitôt à briller et Wladimir n’eut que le temps de le toucher comme lui avant qu’ils ne soient pris dans le tourbillon du portoloin.
Abraxas eut la sensation d’être projeté très loin dans les airs, Wladimir juste à côté de lui, jusqu’à ce que les deux hommes atterrissent brutalement, s’écrasant au milieu d’une mare remplie de grenouilles dans une gerbe d’éclaboussures et une pluie de protestations de la part des batraciens.

Des sapins entouraient la mare… Non, il y avait aussi une maison et un potager. Abraxas se releva le premier, trempé, tandis que Wladimir pataugeait encore dans l’eau rendue boueuse par leur atterrissage. Il faillit plaisanter sur leur allure, mais sa blague mourut sur ses lèvres.
Deux silhouettes encapuchonnées les mettaient en joue. Comme elles étaient à contre-jour, il ne reconnut pas immédiatement Anna mais sentit le soulagement l’envahir lorsqu’elle leur cria :
- Sortez vite de là tous les deux !

Abraxas obéit immédiatement mais Wladimir eut plus de mal à remonter sur la berge. Ses bottes glissaient et il dut l’attraper par le bras pour l’aider.
Tant bien que mal, ils arrivèrent au niveau d’Anna et celle-ci les observa attentivement sous son capuchon. A côté d’elle, une fille plus jeune mais qui lui ressemblait les observait aussi.
- Vous avez une mine affreuse, leur dit Anna sans préambule. Entrez, je vais vous préparer un chocolat.

Abraxas faillit protester mais Anna les entraîna d’autorité à l’intérieur, suivie de l’autre jeune fille à qui elle ordonna :
- Ravive un peu le poêle. Ils vont avoir besoin de quelque-chose de chaud.
- Je ne crois pas que cela soit nécessaire… Commença Abraxas, mais elle le coupa sans pitié.
- Je pense que si. Les ondines sont très particulières et vampirisent les humains. Mais ne vous inquiétez pas, pour aujourd’hui, nous allons arranger ça.
- Avec du chocolat chaud ?
- Exactement, répliqua Anna. De la même manière que pour les détraqueurs.

Elle ajouta sur un ton plus grave :
- Ces créatures ont plus en commun qu’on ne le croit.

Abraxas et Wladimir s’assirent sur un sofa élimé à l’invitation d’Anna qui sortit deux grandes tasses d’un placard. Tandis que l’autre jeune fille faisait chauffer du chocolat dans une casserole au dessus du poêle en faïence, elle-même fouillait dans un assemblage de boites et de bocaux, saupoudrant chaque tasse d’un mélange de ce qui semblait être des herbes.
- Que faîtes-vous ? Demanda Abraxas inquiet.
- Je booste un peu votre chocolat, répondit Anna. Rassurez-vous, ce ne sont pas des drogues.

La boisson étant devenue fumante, l’autre jeune fille la retira du feu et la versa dans les deux grandes tasses qu’elle donna à Wladimir et Abraxas :
- Buvez chaud, leur recommanda t-elle. C’est plus efficace.

Abraxas obéit et avala le contenu de la tasse assez rapidement, tandis que Wladimir y trempait les lèvres avec réticence. En quelques secondes, il se sentait beaucoup mieux, les idées claires et même reposé. Il adressa à son ami un signe d’encouragement et celui-ci accepta de l’imiter.

- Veuillez m’excuser Anna, dit doucement Abraxas. Mais qui est cette jeune fille derrière vous ?

Anna se retourna vers la jeune fille qui lui répondit elle-même, et dans un anglais parfaitement correct quoique mâtiné d’un fort accent allemand :
- Je suis Maria Klein Monsieur, je suis rentrée ce matin de l’école de Poudlard, pour les vacances.

Elle était plutôt jolie et leur adressait un sourire doux, Abraxas lui répondit :
- Vous êtes à Poufsouffle si je ne m’abuse.
- C’est exact, répondit-elle. Et vous, vous étiez à Serpentard et vous avez réussi à vous transformer en animagus il y a déjà quelques années.

Abraxas sursauta tant il était surpris :
- Comment le savez-vous ? Demanda t-il.
- Les trophées de Poudlard m’ont renseignée, répondit-elle. Vous étiez préfet en chef et votre nom est marqué.
- Et pour l’animagus ?

Maria sourit et répondit :
- Ce sont de chose qui se sentent, répondit-elle. Dans la région, on étudie souvent la magie à la maison et ce n’est pas comme à Poudlard en vérité. Vous vous transformez en oiseau, pas vrai ?

Fier, Abraxas acquiesça et se concentra.

Quelques secondes plus tard, un corbeau volait joyeusement dans la pièce, sous les éclats de rire des deux sorcières et le regard admiratif de Wladimir.

Le Blocksberg: by bellatrix92
Force était de constater qu’Anna et Maria Klein n’étaient pas n’importe qui dans le coin. Il en voulait pour preuve la rapidité avec laquelle il fit connaissance avec les autorités compétentes de Forêt Noire. Lui qui avait craint un instant de faire chou blanc dans ses recherches… Voilà qu’il se trouvait projeté précisément dans le milieu capable de le renseigner...

Et, lorsqu’il vit de près les vivernes pour la première fois, Abraxas fut très franchement impressionné.
Ce n’était pas des dragons comme il l’avait cru au premier abord. Cela volait, ça volait même extrêmement bien…
Et il ne souhaitait pas vérifier si ça crachait du feu même si Maria lui jurait que la plupart de ces bestioles-là n’en avaient pas la possibilité.
La plupart ? Ah oui, environ un quart en étaient capables quand-même, les mâles plus que les femelles à première vue. Mais plus que tout, voir les sorcières présentes effectuer loopings, vols en piqué et autres figures de haute voltige avait quelque-chose de complètement hypnotique.

Si les circonstances n’avaient pas été aussi graves, Abraxas aurait probablement profité avec plaisir de sa visite du Blocksberg : à la fois base d’entraînement et quartier général des sorciers de la Forêt Noire.
Le problème, c’est précisément que les circonstances étaient graves, très graves même. Emilia Backer, la chef des vivernières, le leur avait confirmé à présent et elle savait même des choses qu’ils ignoraient avant de venir la trouver.

En cette fin de matinée d’hiver, tout en admirant les prouesses des jeunes vivernières présentes en compagnie d’Anna, Abraxas se remémorait l’enchaînement d’événements qui l’avaient conduit là.

Tout avait commencé chez Anna et Maria Klein, juste après le chocolat chaud. Alors qu’ils achevaient de se remettre de leurs émotions de la veille, assis autour de la table, Anna avait écouté le récit de leur escapade à Nurmengard tandis que sa sœur jouait avec une plume de corbeau laissée par lui lorsqu’il s’était pris une poutre en plein vol.
Burghart le compagnon d’Anna, venait juste de rentrer et Abraxas ainsi que Wladimir avaient appris, non sans surprise, qu’il assurait plusieurs enseignements aux petites sorcières de la région bien que lui-même soit moldu.

Comment lui et Anna s’étaient-ils rencontrés ? Compagnons d’infortune à première vue et on n’en saurait pas plus. La discussion avait démarré sur un ton assez léger, comme si les deux allemands cherchaient à ménager leurs hôtes et à dédramatiser la situation bien qu’ils exigent de connaître la vérité.
Mais lorsque Abraxas avait confirmé devant elle la présence d’une viverne à Nurmengard, Anna était soudainement devenue toute pâle, s’était complètement affolée puis l’avait supplié de la suivre dans cette base qu’il visitait à présent.
Wladimir, de son côté, était resté avec Burghart à la maison et s’employait à vérifier les charmes de protection autour de celle-ci sur les conseils d’Anton Backer, un vieux sorcier du village qu’Anna avait contacté en catastrophe.

Selon Anna et Anton en effet, il n’y aurait jamais du y avoir de vivernière au dessus de la prison de Gellert Grindelwald. C’était un parfait non-sens et personne n’avait le droit de survoler cette prison.
- Une vraie folie ! S’était emporté le vieil homme.
- Mais, ne sont-elles pas chargées de garder la forteresse ? s’était étonné Abraxas pour qui la chose paraissait une évidence.
- Non pas du tout, avait répondu le vieux sorcier. Cela n’a jamais été leur affaire… En plus le château ne se trouve pas sur notre territoire.
- Dans ce cas, était intervenu Wladimir. Je comprends que le récit de mon ami vous paraisse étrange, mais pourquoi vous affoler à ce point ?

Anton Backer l’avait considéré avec inquiétude, presque avec méfiance, avant de répondre d’une voix mesurée :
- Il y a quelques années, Rumpel Schwarzenberg, une criminelle assez connue de la région possédait elle aussi une viverne : un mâle noir capable de cracher du feu qui a semé la terreur dans la région. Et nous craignons qu’il ne s’agisse de cette sorcière car, même si nous n’avons plus entendu parler d’elle depuis 1943, nous n’avons jamais eu la confirmation de sa mort.

Anna avait rajouté sombrement :
- Or cette femme est l’une des sorcières les plus puissantes de la région. Il s’agit d’une Wetterhexe et elle a toujours été partisane de Gellert Grindelwald.
- Une Wetterhexe ? Avait demandé Abraxas intrigué.
- Oui, avait répondu Anna. Une Wetterhexe chez nous est une sorcière spécialisée dans les charmes météorologiques. Et pour vous donner une idée, Rumpel Schwarzenberg était suffisamment puissante pour envoyer de la grêle sur toute la Forêt Noire.
- Impressionnant, confirma Abraxas. Et de quoi s’est-elle rendue coupable.

Anna le lui expliqua sur le même ton grave :
- Rumpel Schwarzenberg faisait partie de la faction la plus anti-moldue de l’Assemblée des Maléfices, le Parlement de note région. Et jusqu’en 1923, elle y était extrêmement influente et a posé de très nombreuses difficultés aux moldus de la région, n’hésitant pas à en assassiner certains. Cela a duré des années.
- Et ensuite ? Demanda Wladimir.
- Après la défaite totale de sa faction en 1923 et la disparition de plusieurs de ses alliés, elle a férocement pourchassé les sorciers et les sorcières de la région dans une sorte de Vendetta. Mes parents par exemple en ont fait les frais car ma mère avait osé… S’affranchir de sa tutelle lorsqu’elle était jeune. Rumpel a tué plusieurs sorciers, dont certains parmi les plus puissants de la région, et en a capturé d’autres pour le compte de Gellert Grindelwald. Celui-ci les utilisait ensuite comme otages...

Wladimir qui écoutait ce récit totalement atterré demanda soudain franchement :
- Elle vous en veut particulièrement Anna. Ce n’est pas vrai ?

La jeune femme baissa la tête et répondit :
- Elle en veut probablement à toute ma famille ainsi qu’à plusieurs de mes proches. C’est en effet pour cela que sa réapparition me soulève l’estomac.
- Pour quelle raison précisément ? Demanda Abraxas.
- Les parents d’Anna et Maria, répondit le vieil homme à sa place. Ont combattu très activement Gellert Grindelwald et ses partisans dans la région. Ils ont littéralement traqué les membres de cette faction en Forêt Noire et se sont par conséquent fréquemment affronté avec la sorcière Rumpel.

Wladimir acquiesça et aurait sans doute volontiers posé une autre question. Mais le vieil homme ne voulait visiblement pas s’étendre sur le sujet car il poursuivit sans lui en laisser le temps :
- Pour revenir à notre problème cependant, il faudrait que vous accompagniez Anna dans notre QG au Blocksberg et que vous livriez votre récit à Emilia Backer, notre commandante actuelle. Car elle doit absolument être mise au courant et il serait judicieux de lui fournir un récit de première main.

Abraxas, espérant surtout en savoir plus, avait accepté mais il avait conditionné son aide au fait qu’Anna réponde à certaines de ses questions, ainsi qu’à celles de Wladimir :
- Pour commencer, attaqua directement celui-ci. Comment se fait-il que vous possédiez une carte portoloin alors que vous vivez en marginale ?

Anna lui répondit par un regard outré et répliqua aussitôt :
- Oh ! mais je ne suis pas une marginale, mon petit monsieur ! Ne vous a t-on jamais dit que l’habit ne faisait pas le moine ?
- Vous vivez en pleine forêt, lui fit-il remarquer.
- C’est normal, répliqua Anna. Je vis dans la maison de ma mère qui était en effet ce que vous appelez une marginale au départ… Elle a été orpheline très jeune et s’est installée ici. Mais cela, c’était avant qu’elle ne prenne une part active à la lutte contre Gellert Grindelwald.

Abraxas, pressentant une révélation d’ampleur, demanda des précisions :
- De qui s’agissait-il précisément ?
- Ma mère était une enchanteresse puissante, connue sous le nom de guerre « Capitaine Klein », cela ne vous dit rien à vous les Anglais ? Et à vous les Russes non plus ?

Elle avait l’air de quelqu’un qui énonce une évidence. Wladimir hocha aussitôt la tête vigoureusement, Abraxas mit deux secondes de plus à faire le rapprochement et n’en fut que plus troublé :
- J’ai entendu parler de lui en effet, mais n’était-ce pas plutôt un homme ? Finit-il par demander, à la fois sceptique et intrigué.

Anna Klein pris le temps de peser ses mots avant de répondre posément :
- Le capitaine Klein était bien une femme, ma mère pour être plus précise et l’enchanteresse la plus puissante de la région. Mon père était aussi un sorcier et c’était également un des seuls viverniers homme qui n’ait jamais existé, mais il est mort lorsque Maria était bébé. Un des sbires de Grindelwald l’a tué pendant une bataille aérienne. La carte que je vous ai fournie me vient de lui. Il s’en était fait faire à Freudenstadt pour pouvoir être contacté par ses amis plus facilement puisqu’il était toujours par monts et par vaux.
- Je croyais vraiment que le capitaine Klein était un homme, répondit Abraxas en soupirant.
- Que savez-vous de lui au juste ? Répliqua alors Maria qui n’avait pratiquement rien dit jusque là. Soyez honnête.

Wladimir lui répondit d’une voix douce :
- Rien, c’est vrai. De l’extérieur il n’était qu’un nom. Un nom qui a surtout fait parler de lui à sa mort en 1943 dans l’attaque-suicide de la forteresse de Nurmengard.

Le visage de Maria se tendit comme si la phrase l’avait profondément vexée, mais sa sœur resta de marbre. Abraxas leur renvoya un regard d’excuse.
- Exactement, répliqua Anna Klein sans en tenir compte. Ma mère a disparu en 1943 sous les murs de Nurmengard, dans une attaque qu’elle dirigeait… Et, puisque c’est la brèche ouverte dans les murs qui vous a intrigués au point de venir ici, sachez qu’elle en est l’auteur.

A présent elle les fixait comme si elle les mettait au défi de répéter le mot « suicide ». Il n’en fallut pas beaucoup plus à Abraxas pour accepter de suivre Anna jusqu’au Blocksberg : ce malaise qui venait de s’installer entre eux devait impérativement être dissipé.
- Bien, dit-il. Comment se rend t-on dans votre QG ?

Pour toute réponse, Anna s’avança vers un bol de poudre posé au dessus de la cheminée de sa maison. Elle en saisit une pleine poignée et adressa à Abraxas un geste d’invite.
- Par là, dit-elle tandis qu’il prenait lui aussi une poignée de poudre et qu’elle se plaçait au centre de l’âtre dans lequel elle avait jeté sa propre poignée. Blocksberg !

Elle s’évanouit dans une gerbe de flammes vertes et Abraxas s’empressa de l’imiter en faisant très attention de bien articuler le mot « Blocksberg ».
Quelques instants plus tard, il atterrissait dans une bâtisse pourvue d’une haute et large cheminée heureusement vide à cette heure de la journée, agencée comme celle d’une cuisine ancienne, mais qui empestait la charcuterie locale à plein nez.

Abraxas se rebella aussitôt, car il détestait cette odeur :
- Quel est cet endroit ? Demanda t-il un peu décontenancé et le nez offensé.
- C’est notre fumoir à jambon, répliqua Anna sans se formaliser de l’odeur une seule seconde.
- Vous possédez un fumoir à Jambon dans votre QG ?
- Nous sommes en Forêt Noire, mon bon Monsieur, répliqua t-elle sur un ton un peu supérieur. Bon, je dois avouer que celui-ci est adapté pour servir de lieu d’atterrissage pour nos partisans… Et qu’il ne sert pas qu’à fumer que du jambon d’ailleurs. Les potionnistes et les herboristes l’utilisent très fréquemment en été et en automne. Mais en hiver, il sert surtout pour les spécialités charcutières.

Devant son air pas franchement convaincu, elle ajouta :
- Il faut bien nourrir nos vivernières. Et la charcuterie bien conditionnée est un produit qui se conserve.
- Vous les nourrissez à base de charcuterie ?

Comme Abraxas, un peu offusqué, s’avançait vers la porte, Anna l’arrêta d’un geste ferme :
- Attention, c’est protégé par magie, dit-elle. Et pour ce qui est de la charcuterie, cela fait en effet partie des incontournables… Après, en ce moment nous essayons de moderniser un peu les rations en y introduisant des conserves stérilisées.

S’avançant vers la porte, elle dit à voix haute un mot en allemand qu’Abraxas ne comprit pas, le battant s’ouvrit aussitôt et ils débouchèrent dans une cour vaste, entourée d’une rangée de conifères et semée de quelques bâtiments, dont un plus majestueux que les autres qui ressemblait un peu à une église. Il était pourvu d’une magnifique charpente en bois.
En fait, ils avaient tous des charpentes en bois et étaient tous de belle facture mais c’est vers ce grand bâtiment qu’Anna dirigea ses pas :
- Qu’est-ce que c’est ? Lui demanda Abraxas.
- La Aula, répondit la jeune fille. C’est le cœur de notre QG et c’est là que vous allez rencontrer Emilia Backer, notre chef.
- C’est votre chef depuis longtemps ?

Anna se retourna et lui lança un regard extrêmement sérieux :
- Depuis la mort de ma mère, répondit-elle. Et laissez-moi vous dire qu’elle ne me porte pas forcément dans son cœur, surtout depuis que je me suis portée candidate pour l’épreuve du grimoire.
- Pourquoi donc ? Demanda Abraxas.

Anna hésita un peu et répondit doucement :
- Je préfère ne pas répondre. C’est assez personnel…

Ils ne purent en dire plus, car déjà la porte de la Aula se trouvait devant eux et Anna répéta le mot de passe :
- Aschwinderin !

Cette fois-ci, Abraxas l’avait distinctement entendu, mais il ne comprenait toujours pas.
- De quoi s’agit-il ? Demanda t-il.
- Des créatures magiques, répondit la jeune fille. Elles sont assez communes mais très dangereuses dans cette région où les maisons sont souvent fabriquées en bois, car elles sont capables de mettre le feu partout. C’est une vraie plaie pour les familles de la région.
- Vous parlez des Serpentcendres ?

Pour un mot de passe, c’était un mot de passe.
- Je crois qu’il s’agit en effet du nom que vous leur donnez, répondit Anna. Et ils causent pas mal d’accidents. Maintenant entrons.

Sur ces mots, elle passa la porte de la Aula le visage plein d’appréhension et l’expression farouche, comme une enfant qui se serait apprêtée à affronter une figure autoritaire quelconque.
Et autoritaire, Emilia Backer l’était. Abraxas le comprit dès l’instant où il entra dans la salle.

Debout face à une carte, les poings plaqués contre une table qui occupait le centre de la salle, elle observait le territoire d’un visage dur et aucun d’eux n’osa l’interrompre avant qu’elle-même ne lève la tête :
- Voyons ça, dit-elle au bout de quelques secondes, en fixant sur Anna un regard sévère et presque carnassier. Qui me ramènes tu donc ?

Espérant ménager la jeune fille, Abraxas répondit aussitôt :
- Je me nomme Abraxas Malefoy Madame. Je suis un sorcier anglais.
- Un Malefoy, répondit Emilia Backer. Issu d’une famille aussi richissime qu’influente donc. Et, si mes renseignements sont exacts, c’est à ton sujet que le roi des Ondins m’a contactée hier soir… Totalement furieux.

Abraxas déglutit tout en s’étonnant, mais déjà la sorcière s’avançait dans leur direction. C’était une femme blonde aux yeux d’un bleu de glace dont le visage fin commençait à peine à se rider. Grande, un peu large d’épaules mais fine et sculptée par l’exercice physique, elle portait une épée sur la hanche droite, ce qui semblait bien indiquer une combattante gauchère.
Elle écarta sans ménagement Anna qui avait tenté de s’interposer et se plaça directement en face d’Abraxas :
- Le roi Wallenstein est notre allié de longue date, lui dit-elle d’une voix menaçante. Et il me serait particulièrement désagréable que cela change à cause d’un petit impertinent qui se croirait au dessus de tout.

Abraxas sentait bien qu’elle en avait après lui. Pourtant, en définir la raison lui restait difficile, aussi il répondit :
- Pourquoi me dîtes-vous cela ?

Emilia Backer le toisa de toute sa hauteur et il eut de la peine à soutenir son regard :
- Toi et ton ami, dit elle. Vous avez abordé ses trois filles au Mummeleingarten hier soir, et vous vous êtes montrés avec elles d’une familiarité plutôt… Insistante.
- Ce n’est pas vrai, répondit vivement Abraxas, que ce mensonge révoltait. Ce n’est pas ce qui s’est passé hier !
- Vous niez avoir passé une bonne partie de la soirée avec Kuggelblitze, Feuersteine et Gletscher, les filles du roi Wallenstein ?

Son regard était nettement ironique mais Abraxas ne se démonta pas :
- Je nie, et en bloc, le fait de les avoir abordées, répondit-il. Je me suis assis dans cet estaminet avec mon ami afin de boire une bière, et ces trois femmes en rentrant après nous sont venues d’elles-mêmes et sans sollicitation de notre part, discuter avec nous à la même table. Quant-à de la familiarité, il ne me semble pas m’être montré irrespectueux ou même impoli envers elles.
- Cela est vrai, ajouta Anna à l’adresse d’Emilia Backer. J’étais là, c’est moi qui ai alerté ces deux jeunes hommes une fois qu’elles sont parties. Ils ignoraient presque tout de leur nature et ne savaient même pas que c’était des ondines.
- Comment est-ce possible ? Répliqua Emilia.

Anna expliqua d’une voix aussi posée que possible, mais on sentait la panique assez proche :
- Abraxas et son ami sont étrangers et ne connaissent pas vraiment les us et coutumes de cette région. Quant-aux sœurs Wallenstein, elles s’étaient vêtues comme les sorcières de haute famille que l’on peut trouver à Stuttgart ou Freudenstadt… Abraxas et Wladimir sont simplement et complètement tombés dans leur piège.

Depuis qu’elle avait commencé à parler, Emilia Backer fixait Anna d’un regard méprisant probablement destiné à l’intimider. Cependant la jeune fille ne se démontait pas et poursuivait.
- Les trois sœurs semblaient en avoir après eux en particulier, je l’ai vu de mes propres yeux et Burghart peut le confirmer. Nous étions là-bas ensembles… Elles sont rentrées comme si elles savaient déjà qui elles étaient venues trouver et ont usé de tous les charmes possibles pour les séduire. Personne n’aurait pu y résister.

Comme elle semblait avoir piqué l’intérêt d’Emilia Backer, elle se permit même de poser une question :
- Mais pourquoi le roi Wallenstein était-il furieux ? Ce n’est pas la première fois que ses filles fraient avec les humains.
- Il a estimé, expliqua Emilia. Que ce jeune homme et son compagnon s’étaient montrés extrêmement entreprenants avec ces filles, expliqua la vivernière. Mais il n’y a pas que cela.
- Quoi alors ? Demanda Abraxas.
- Tu aurais raconté à l’une d’elle avoir pénétré dans l’espace interdit de Nurmengard.

Le regard de la sorcière brillait de fureur et Abraxas, comprenant qu’il s’agissait là d’une faute, avoua :
- Cela est vrai Madame, c’est moi qui y aie entraîné Wladimir et c’est à cause de ce que nous avons vu à ce moment précis qu’Anna a voulu que je vienne ici vous trouver.
- A cause de la viverne ? Lui demanda t-elle sur un ton moqueur.

Elle savait donc, Abraxas sentit sa poitrine se comprimer sous l’effet de l’angoisse :
- Oui, répondit alors Anna. J’étais au Mummeleingarten quand je l’ai entendu en parler. Au début, j’ai cru qu’il s’agissait d’une vantardise pour briller devant les sœurs Wallenstein. Mais ce matin, après avoir reçu Abraxas et Wladimir chez moi, il m’a fallu me rendre à l’évidence. C’était vrai.
- La situation est grave, observa Emilia Backer, sans se départir de son regard méprisant envers Anna. Vous avez enfreint le Code magique en allant là-bas et cela serait déjà passible d’emprisonnement. Là dessus, vous revenez avec une information qui a tout lieu de nous inquiéter...
- Donc, dit Abraxas. Une ancienne partisane de Grindelwald a survécu, s’est cachée et vous soupçonnez qu’elle rôde autour de Nurmengard ?
- Exactement, répondit Emilia Backer. Mais, plus préoccupant encore est le fait que les filles de Wallenstein vous aient directement abordés à votre arrivée au village. Cela, je ne le savais pas...
- Quel rapport ? Demanda Abraxas.

Ce fut Anna qui répondit :
- Wallenstein, du moins nous le soupçonnons sans jamais avoir pu le prouver, était à un moment donné un partisan de Gellert Grindelwald. Or, jamais encore nous n’avions vu ses trois filles concentrer ainsi leur pouvoir sur des sorciers. Aussi, avec Burghart, nous avons directement fait le lien lorsque nous avons entendu votre récit.
- Entre Wallenstein, ses filles, Gellert Grindelwald et potentiellement la Wetterhexe, dit plus doucement Emilia Backer. Cela fait beaucoup de monde impliqué.
- Je croyais que le roi Wallenstein était votre allié, fit remarquer Abraxas.

Le récit des deux femmes lui semblait à cet instant assez incohérent :
- Aujourd’hui oui, répondit Emilia Backer. Mais, du temps de la mère d’Anna, ce n’était pas du tout le cas car il soupçonnait qu’il s’agissait d’une sorcière hybridée, ce qu’il ne pouvait supporter. Lorsque le Capitaine Klein a disparu dans la bataille de Nurmengard et que j’ai pris sa suite, nous avons en revanche pu négocier.

Elle ajouta tout en jetant à Anna un regard réprobateur :
- Je ne pense pas qu’il ait jamais été allié à Grindelwald, mais il en a fait le jeu à plusieurs reprise lorsque celui-ci a tenté de renverser l’Assemblée du Blocksberg. Pour lui, une assemblée dirigée par une hybride était quelque-chose d’insoutenable, pour la simple et bonne raison que le Capitaine Klein risquait de lui faire de l’ombre, voire d’obtenir un ascendant sur une partie des Ondins, notamment ceux qui avaient dérogé, leurs descendants et leur famille.
- Entre eux, cela a viré à la lutte de pouvoir, compléta Anna. Mais depuis la disparition de ma mère, Wallenstein ne faisait guère parler de lui dans le monde de la surface.
- Disons, expliqua Emilia Backer. Que j’ai négocié avec lui un plan de sauvegarde de nos intérêts conjoints et un pacte de non-agression. Après la capture du mage noir, nos relations sont même devenues plutôt cordiales.
- Et ce pacte tient en peu de mots, compléta Anna : Pas de mélange, pas d’agression mutuelle.
- D’où la gravité de ce qui s’est passé hier soir, insista Emilia Backer.

Abraxas en avait compris l’essentiel mais demanda tout de même :
- Puisqu’on parle de ce souverain, pourquoi laisser ses filles se mêler aux humains s’il ne veut pas de mélange ?
- Personne n’y peut rien, répondit Emilia. Il est dans la nature d’une ondine de frayer avec la surface et… Disons qu’elles agissent en éclaireuses pour lui.
- En espionnes vous voulez dire ?

La vivernière acquiesça :
- On peut dire cela oui, aussi, mais ce n’est pas particulièrement correct. Évitez d’employer ce terme.

Le son d’un cor retentit au dehors et, contournant la table, Emilia leur fit comprendre d’un geste que l’audience était terminée. Anna entraîna aussitôt Abraxas dehors et ne souffla qu’une fois parvenue sur le perron.

Le sorcier, lui, resta longuement émerveillé en sortant de la Aula :
L’entraînement des vivernières avait commencé et une dizaine d’entre-elles venaient de s’élancer dans les airs, arpentant le ciel à grande vitesse. Debout sur le perron de la Aula, il resta longtemps pensif à les observer, jusqu’à ce qu’il remarque que le regard d’Anna était triste :
- Quelque-chose ne va pas ? Lui demanda t-il.

Anna observait toujours les vivernes, comme si elle aurait tout donné pour pouvoir les rejoindre. Elle resta plusieurs secondes sans lui répondre, et puis soudain se décida :
- Ma sœur étudie à Poudlard car Albus Dumbledore, un grand ami de ma mère, l’a faite inscrire. Il aurait pu en être de même pour moi mais à l’époque j’ai refusé.

Comme elle avait dit cela en fixant les vivernes, toujours avec le même regard attristé, Abraxas devina :
- Vous vouliez devenir vivernière.
- J’étais vivernière, le corrigea t-elle. La viverne de mon père était venue vers moi à sa mort et j’étais capable de monter dessus depuis ce temps, Quartz était même devenu un véritable ami.
- était ? Demanda Abraxas.
- En 1943, Maria a été capturée par Grindelwald comme beaucoup d’autres jeunes sorcières et ma mère qui n’était pas vivernière pourtant a exigé de mener l’attaque contre Nurmengard. Elle m’a demandé de voler pour elle afin qu’elle puisse se rapprocher du bas de la forteresse et lancer son attaque.
- Son attaque ?

Abraxas craignait de comprendre et Anna le lui confirma aussitôt :
- Elle voulait faire exploser la muraille par le bas tout en occupant les défenses du château sur le haut, le principe de la diversion. Son plan a presque marché comme prévu mais, en pleine bataille, un sortilège de la mort à atteint Quartz et l’a tué. Nous nous sommes écrasées avec lui et même si elle était trop loin pour avoir une chance de faire effondrer la muraille, ma mère a déclenché la déflagration comme prévu. Seule une brèche s’est ouverte, suffisant pour entrer délivrer les prisonniers de Gellert Grindelwald mais pas assez pour pouvoir garantir la réussite d’une évasion massive. Elle a tout de même foncé avec sa troupe et je ne l’ai plus jamais revue comme la plupart des autres. Pourtant, l’entreprise a été un succès, contrairement à ce que beaucoup croient…
- Un succès ? Lui demanda Abraxas d’un air sceptique.

Pour toute réponse, Anna lui montra la dizaine de jeunes vivernières qui s’ébattaient dans le ciel :
- C’était elles les prisonnières, dit-elle doucement. Gellert Grindelwald avait entrepris de neutraliser nos forces vives en capturant la jeune génération. A terme il aurait ainsi muselé la région… Mais nous avons réussi à l’en empêcher, malgré de nombreuses pertes. Il y a aujourd’hui près de deux cent vivernières en Forêt Noire, celles que vous voyez aujourd’hui n’en représentent qu’une toute petite fraction.
- Je vois…

Il hésita un peu avant de lui demander :
- Emilia Backer vous en veut à cause de cette bataille ?
- Oui, répondit Anna. Elle avait supplié ma mère de renoncer et de la laisser commander, ou au pire de monter sur sa propre viverne avec elle… Mais ma mère, aveuglée par la peur que Maria meure, ne lui faisait pas confiance et pensait de toute manière qu’à deux adultes elles seraient trop lourdes.
- Cela n’a pas du être simple.
- Non, répliqua Anna. D’autant que ma mère a mobilisé sa propre troupe pour mener l’attaque du bas de la forteresse, cantonnant les vivernières en haut avec Emilia. Celle-ci m’en veut de ne pas avoir refusé de suivre ce plan, d’avoir mis délibérément ma viverne en danger et d’avoir rompu ainsi le code des viverniers. A présent que mes seize ans arrivent et que je passe l’épreuve du grimoire, cette rancœur ressort de plus belle.

Elle avait prononcé ces mots sur un ton détaché, mais son regard était plein de dureté.
- Et vous, devina Abraxas. Vous en voulez aux Ondins.
- Exact, répondit Anna. Je considère que leur roi est un idiot doublé d’un personnage avide de pouvoir.
- Parce qu’il combattait votre mère ?
- Oui, répondit la jeune fille. Je n’ai jamais connu mes grands-parents et ma mère ne se souvenait pas d’eux non plus. Mais il est très probable que ma grand-mère ait été une ondine. Aussi leur mort prématurée reste à mes yeux suspecte.
- Vous pensez qu’ils ont été tués par des ondins ?
- C’est assez probable en effet, répondit Anna. Mais au-delà de ça, le roi Wallenstein a tout fait pour que ma mère tombe, il a mis en danger son propre territoire et nous a volontairement divisés pour arriver à ses fins. J’ai également de bonnes raisons de croire qu’il a aidé Grindelwald a capturer de nombreuses jeunes sorcières lors de l’épisode de 1943.
- Quelles bonnes raisons ? Demanda Abraxas.
- C’est simple, répondit Anna. La plupart d’entre elles, et notamment Maria, ont disparu à proximité de cours d’eau, dont une grosse partie non loin du Schluchsee lors d’un exercice. Et la vivernière expérimentée qui les encadrait a été tuée. Sa blessure ressemblait énormément à un coup de trident.

Elle s’arracha soudain à la contemplation du spectacle des vivernières et lui dit :
- Rentrons maintenant. Et, juste une chose…
- Quoi ? Lui demanda Abraxas.
- Jusqu’à ce que tout cela soit réglé, évitez à tout prix les rivières et les lacs ! Leur proximité pourrait vous exposer à des attaques.
les avertissements de Kuggelblitze by bellatrix92
Ils étaient rentrés de chez Anna à la fois inquiets, épuisés et stupéfaits par tout ce qu’ils avaient appris. Dans un premier temps, ils s’étaient enfermés dans la chambre d’Abraxas, l’insonorisant d’un coup de baguette pour pouvoir discuter à leur aise sans risquer d’être épiés.
Wladimir avait un avis très tranché sur la question. Pour lui, la situation était on ne peut plus dangereuse et il pressait Abraxas de partir pour reprendre leur voyage d’étude où ils l’avaient laissé. Il était urgent à ses yeux de s’éloigner à tout prix de cet endroit maléfique.
Mais Abraxas, lui ne voulait rien savoir. Ce nouveau territoire l’intriguait et il voulait en apprendre plus, comprendre les événements qui s’y étaient déroulés dans un passé plus ou moins proche. Les récits d’Anna, Anton et Emilia Backer avaient piqué sa curiosité naturelle et il ne désirait rien d’autre qu’en apprendre davantage. Les vivernes le fascinaient, il s’étonnait d’ailleurs que Norbert Dragonneau ne les mentionne pas dans son ouvrage, tout en ayant cru comprendre que leur existence était assez secrète.

Mais surtout, et même s’il ne se l’avouait même pas à lui-même, Abraxas voulait revoir les trois ondines de la veille. La beauté des sœurs Wallenstein le subjuguait et, depuis qu’ils avaient quitté Anna et que l’effet de son chocolat s’était dissipé, elles l’obsédaient à nouveau.
Anna lui avait donné une potion destinée à l’empêcher de se laisser happer par des songes comme ceux de la nuit précédente, la prendrait-il ? Rien n’était moins sûr.

Comprenant qu’il ne le ferait pas céder, Wladimir abandonna la partie pour un temps et ils sortirent se restaurer en prenant bien soin d’éviter de s’approcher du cours d’eau qui traversait le petit village. Les lieux étaient calmes et vivants, la compagnie agréable et leur repas savoureux. Une balade en cette après-midi d’hiver ensoleillée serait sans doute très agréable.
En début d’après-midi, Abraxas décida cependant qu’une sieste lui ferait le plus grand bien et rentra seul à l’auberge où il monta directement dans ses quartiers. Son ami l’avait laissé partir, à la fois soupçonneux face à son air profondément rêveur et totalement impuissant.
Il ouvrit la porte et ce qu’il vit dans sa chambre le stupéfia tellement qu’il resta un instant totalement immobile. Heureusement, personne ne se trouvait à ce moment-là dans le couloir. Il n’osait pas imaginer ce que n’importe qui aurait pensé du spectacle s’offrant à ses yeux.

Kuggelblitze, la plus aimable des filles du roi Wallenstein, se tenait devant lui comme un rêve chimérique.
La jeune ondine lui adressant un regard inquiet, Abraxas referma précipitamment la porte de sa chambre en étouffant complètement le cri de stupeur qu’il avait failli pousser.
Assise sur son lit dans une pose décontractée, ses grands yeux noirs pétillant d’ardeur et ses cheveux d’un roux doré étalés sur les épaules, Kuggelblitze semblait l’attendre depuis un bon moment mais aucune contrariété ne se lisait sur son visage.
Complètement déboussolé, il s’approcha d’elle :
- Que faîtes-vous ici ? Lui demanda t-il alarmé.
- Je vous attendais, répondit doucement la jeune femme. Il faut que je vous parle et en urgence.

Elle était si belle, à peine vêtue et à demi étendue sur son lit, qu’Abraxas se sentit fondre. Pour tout vêtement, elle portait sur elle une longue tunique d’un bleu translucide semblable à de la soie. Ses formes mignonnes et harmonieuses se devinaient sans peine au dessous.
Sans même y penser, Abraxas s’assit près d’elle et reçut en plein visage une bouffée d’un parfum chic, un genre d’eau de Cologne dont la senteur évoquait également le corail et le nénuphar.

Mais comme pour mettre fin à sa distraction, Kuggelblitze lui glissa à l’oreille :
- Je sais qui vous avez vu à Nurmengard. Cette femme sur sa viverne qui semblait monter la garde, ce n’est pas quelqu’un de bien. Il faut que vous vous en méfiez absolument.
- Je me méfie, répondit-il.

La jeune femme secoua la tête :
- Pas assez, répondit-elle. C’est une tueuse qui s’était mise au service d’un mage noir… Et aujourd’hui, elle a retrouvé un maître, un sorcier de votre pays qui devient chaque jour plus puissant. Pour l’instant il n’est qu’un jeune homme, mais dans l’avenir il pourrait bien contrôler le monde magique et ce serait la terreur…
- Est-ce pour cela que vous nous avez approchés avec Wladimir hier soir ?

La démarche des trois ondines pouvait s’expliquer après-tout, cependant Kuggelblitze secoua la tête, manière de lui exprimer que la situation était un peu plus compliquée que cela :
- En vérité, répondit-elle. Nous pensions que vous faisiez partie de ses serviteurs. Lorsque nous avons entendu que de jeunes membres d’éminentes familles de sang-purs s’étaient installés à Seebach pour une raison assez mystérieuse, nous nous sommes alarmées et notre père nous a envoyées hier soir vous rencontrer afin d’en avoir le cœur net.
- Selon Emilia Backer, répondit Abraxas. Ce que vous lui avez rapporté l’a rendu furieux.
- C’est exact, répondit la jeune fille. Mais pas pour les raisons que vous croyez. Feuersterne, ma sœur, lui a raconté votre insouciance, votre ignorance même, tandis que vous lui parliez de Nurmengard.
- Il est vrai que je n’imaginais pas les enjeux autour de cet endroit, reconnut Abraxas. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Je ne connais pas la région.
- Mon père, répondit Kuggelblitze. S’est aussi profondément agacé que vous, un sorcier de haute famille, vous soyez laissé berner par notre apparence et alors même que vous cherchez à prouver la pureté de votre sang, que vous ayez fait preuve de familiarité avec ma sœur.
- De familiarité ?

Abraxas s’était offusqué mais Kuggelblitze lui répondit doucement :
- C’est ce que Feuersterne a raconté et mon père l’a crue. Si Gletscher ne l’avait pas modéré, il aurait envoyé ses troupes contre vous en pleine nuit.

Elle le fixait avec insistance et Abraxas déglutit, soudain mal à l’aise. L’idée d’être attaqué par surprise sur ordre du roi des ondins n’avait en effet rien pour lui plaire et il n’était pas sûr d’être à la hauteur du défi.
- Et actuellement ? Lui demanda t-il. Est-il revenu de sa colère ?
- Oui, répondit Kuggelblitze. Au moins pour un temps. Mais il se remettra facilement en colère s’il a à nouveau des soupçons.
- Vous-même savez ce qu’il en a été réellement, répondit Abraxas. Pour le reste, comment puis-je éviter d’entrer en conflit avec votre père ?
- Avant tout, répondit Kuggelblitze. Soyez prudent tant que vous vivrez dans le coin. Ne frayez surtout pas avec cette criminelle, et si celle-ci vous sollicite quittez immédiatement la région. En outre restez éloigné de mes deux sœurs. Car elles ne manqueront pas de rapporter vos moindres faits et gestes à mon père.

Comme il lui renvoyait un regard atterré, elle poursuivit :
- Je sais que vos recherches vous importent et je sais aussi que nous sommes présentes dans votre esprit, car il est dans notre nature de laisser des traces dans l’esprit des humains. Mais ne vous attardez ici que le temps qui sera nécessaire à vos recherches, puis quittez les lieux et n’y revenez pas avant plusieurs années.
- Pourquoi venez-vous me dire tout cela ? Lui demanda t-il.

Kuggelblitze l’observait avec une tendresse mêlée de douceur :
- Parce que je vous apprécie, finit-elle par répondre. Et parce que je n’ai pas envie qu’il vous arrive malheur. Hier soir, nous venions vous trouver en temps qu’espionnes car nous voulions nous assurer que ce sorcier criminel qui rôde dans la région en ce moment n’était pas en train de rassembler des troupes.
- Vous pensiez que nous répondions à son appel ?
- Nous l’avons craint oui, répondit Kuggelblitze. Et nous vous aurions traité en conséquence si cela avait été le cas.
- D’où vos charmes, répondit Abraxas.
- Exactement, dit Kuggelblitze. Cependant, il est rapidement devenu évident que vous étiez innocents et, au yeux de Feuersterne qui dirigeait la manœuvre, vous avez soudain perdu tout intérêt.
- D’où votre départ précipité, devina Abraxas.
- Oui. Même votre récit de Nurmengard n’a pas suffi à retenir ma sœur et pourtant il lui a fait grande impression.
- Il m’a semblé le remarquer en effet.

Kuggelblitze sourit. Abraxas la trouva plus belle encore et se rapprocha instinctivement, attiré de manière irrésistible par ce corps qu’il devinait sous sa fine tunique :
- Hier soir, lui fit-il remarquer pour se donner contenance, le souffle rauque. Vous étiez vêtue comme une sorcière de bonne famille. Et cet après-midi en revanche, on vous croirait habillée d’un filet d’eau fraîche.

L’ondine sourit de plus belle en haussant les épaules avec insouciance :
- C’est qu’hier j’étais là en reconnaissance, répondit-elle. Je devais obtenir des informations et éviter dans un premier temps de me dévoiler. Alors qu’aujourd’hui, disons que la situation est moins tendue et que je peux me permettre d’étaler davantage ma nature. De plus, je partagerais volontiers le lit d’un homme, si vous voyez ce que je veux dire.

Abraxas voyait très bien et il sourit à son tour avec convoitise tout en attirant Kuggelblitze à lui, celle-ci accepta son étreinte mais l’arrêta un instant, juste assez de temps pour l’avertir :
- Nous ne sommes pas comme les humaines, dit-elle. Une seule fois avec nous et vous en serez marqué à vie.
- Cela m’est égal, répliqua Abraxas en l’allongeant sur le lit. Ou plutôt, je ne demande que ça.

Et il entreprit aussitôt de la débarrasser de sa tunique.
Vampirisé by bellatrix92
Fou de désir et littéralement transporté par ses étreintes avec Kuggelblitze, Abraxas ne tint aucun compte des avertissements d’Anna, pas plus qu’il ne consomma sa potion. Au lieu de cela, il se mit à se complaire dans les rêveries que lui inspiraient, non seulement la jeune ondine, mais aussi ses deux sœurs.
Il passait toutes ses nuits à en rêver, se réveillant chaque matin encore plus épuisé que la veille et il ne fallut pas longtemps avant que lui-même ne se reconnaisse plus.

Aussi en toute logique, il fallait s’attendre à ce que son entrain et son humeur s’en ressentent. Au bout de cinq jours de présence dans la Forêt Noire, Wladimir commença d’ailleurs à s’alarmer sérieusement.
- Tu n’es pas dans ton état normal Abraxas, fit remarquer le jeune homme. Depuis deux jours, tu manges à peine et ton visage est de plus en plus cerné.

Abraxas balaya sa remarque d’un revers de main. En fait, si son ami avait bien voulu se taire, il aurait probablement achevé de revivre le rêve torride qu’il avait fait cette nuit-là. Un rêve dans lequel Feuersterne avait accompli des prouesses dans ses bras, plus magnifique et attirante que jamais. La première nuit, il avait rêvé de Kuggelblitze, la seconde également, mais cette troisième nuit avait été différente et il ne s’en plaignait pas: elles étaient aussi belles l’une que l’autre.

Wladimir ne semblait cependant pas décidé à abandonner et lui demanda très franchement :
- Abraxas. As-tu encore quelque-chose à faire ici ? Quelque-chose de valable j’entends.

Abraxas aurait pu être honnête et répondre que non. Cependant il voulait gagner du temps et rester ici. Les ondines agissaient sur lui comme un aimant et il se sentait si irrésistiblement attiré par elles qu’il n’arrivait pas à envisager de partir. Les nuits chimériques qui étaient les siennes depuis presque une semaine agissaient comme une drogue et il n’arrivait tout simplement pas à envisager la suite :
- Je n’ai pas fini mes recherches, dit-il donc à Wladimir. Et comme je suis malade…
- Tu es vampirisé Abraxas, lui répondit sombrement le jeune homme. Je sais ce qui t’arrive et ce n’est pas un rhume des foins.
- Je vais très bien ! Je suis juste un peu secoué mais ça va passer. Je veux finir mes recherches et toi… Vu tout ce que nous avons appris sur la région, je pense que pousser un peu sur la question de ton frère serait peut-être productif.
- Ne détourne pas la conversation ! Gronda le russe.
- Je ne la détourne pas, répliqua Abraxas. Je pense sincèrement que ton frère, sa mort du moins, pourrait bien être liée à ce qu’il s’est passé ici pendant la guerre. Penche-toi sur la question.
- Très bien, répondit Wladimir.

Abraxas crut un instant qu’il s’était véritablement mis en colère mais son ami poursuivit à sa grande surprise :
- On va faire comme ça. J’étudie la question qui pourrait en effet être très intéressante. Mais j’y mets une condition.
- Laquelle ? Demanda Abraxas.
- Si je trouve ce que je cherche, le moment où je trouverai marquera la fin de notre séjour ici.
- J’accepte.

Wladimir ne s’attendait pas visiblement à le convaincre aussi facilement car il eut un temps d’hésitation avant de lui dire :
- Tu es vraiment pâle Abraxas, et je m’inquiète pour toi.

Abraxas balaya une fois de plus sa remarque et monta bientôt se recoucher en laissant son ami triste et désemparé, trop épuisé pour envisager la suite et trop obsédé pour admettre la gravité de son état. Il s’endormit profondément à peine eut-il posé la tête sur l’oreiller.
Combien de temps resta t-il ainsi endormi ? Il ne le savait pas mais les rêves se remirent aussitôt à l’envahir comme une brume opaque et lorsqu’une main vigoureuse le secoua comme un prunier, il émergea avec mauvaise humeur, prêt à rabrouer durement Wladimir.

Mais ses reproches moururent sur ses lèvres en voyant qui se tenait devant lui :
Anna Klein qui l’avait réveillé l’observait avec inquiétude, tandis que Gletscher, penchée sur lui, tenait ses deux mains à quelques distances de son front.
- Ce n’est pas Kuggel qui a fait cela, dit-elle au bout d’un moment d’un air profondément étonné. Elle l’a marqué en effet, comme elle marque tous ses amants, mais c’est Feuersterne qui le vampirise.

Son visage était plus doux que celui de ses deux sœurs mais à cet instant cela ne voulait plus dire grand-chose car ses yeux bleu de glace étincelaient de détermination. Son apparence était également moins séductrice que la première fois qu’il l’avait vue et, contrairement à Kuggelblitze, elle n’était pas venue vers lui vêtue de soie translucide. En fait, elle portait un ensemble gris qui aurait pu la faire passer pour n’importe quelle jeune fille moldue du village.
- Que faîtes-vous ? Demanda le jeune homme

Abraxas jetait à Anna un regard plein d’incompréhension et celle-ci répondit :
- Wladimir avait peur pour vous. Aussi il a trouvé le moyen de me contacter par l’intermédiaire d’une connaissance et j’ai prévenu Gletscher.
- Et heureusement, compléta la jeune ondine. Car vous êtes dans un sale état ! J’ignore à quel jeu mes sœurs jouent, mais entre Kuggel qui est totalement inconsciente et Feuer qui prend plaisir à vous manipuler, vous n’auriez sans doute pas fait long feu à ce rythme.

Elle avait dit cela sur un ton terriblement naturel, une vraie petite matrone sans la moindre sophistication bien loin de l’image qu’il avait gardée d’elle. Abraxas laissa retomber sa tête sur les oreillers et marmonna quelques protestations, mais lui-même se sentait si faible qu’il arrivait à peine à bouger. Alors s’insurger…
Avec cette brume qui semblait le recouvrir et le plaquer contre son lit jusqu’à l’en étouffer, c’était peine perdue.

Dans un coin de la pièce, il aperçut Wladimir qui l’observait, toujours avec cette même inquiétude. Il n’eut même pas la force de lui adresser des reproches.
- Il est de plus en plus faible, souffla Gletscher alarmée. Son état est en train de complètement se dégrader...
- Il faut que vous veniez chez moi, dit soudain Anna à Wladimir. C’est une des rares zones protégées contre la magie ondine et Feuersterne ne pourra pas poursuivre ses maléfices là-bas.

Comme Gletscher tressaillait, elle ajouta avec douceur :
- Je ne dis pas cela pour toi bien-sûr. Tu sais que je te tiens en haute estime. Mais sans une solide protection, ce garçon court droit à sa perte.

Abraxas, soudain paniqué et terrifié à l’idée d’être coupé du monde ainsi que de ses projets, essaya de protester et de trouver un prétexte pour empêcher cela :
- Je ne peux pas transplanner, souffla t-il d’une voix épuisée.

Anna, Gletscher et Wladimir devaient déjà en être conscients car ils se regardèrent avec accablement, cherchant désespérément une solution :
- Tu crois que l’Unterwelt express accepterait de le transporter ? Demanda soudain la jeune ondine à Anna.

Elle acquiesça, le visage pâle mais déterminé.
- Je vais faire en sorte que oui, dit-elle.
- Qu’est-ce que l’Unterwelt express ? Demanda alors Wladimir un peu interloqué.

Gletscher se tourna vers lui tout en adressant à Abraxas un curieux sourire en coin :
- Si votre ami était en état, dit-elle. Je pense qu’il apprécierait la découverte. L’Unterwelt express est un réseau de transport gobelin et Anna a… Disons quelques contacts avec eux.
- Une histoire de services rendus, compléta la jeune fille. En attendant Wladimir, trouvez-nous une voiture moldue et ramenez-la en bas de l’auberge.

Le jeune homme, écarquillant les yeux entre scandale et surprise, répliqua :
- Comment voulez-vous que je fasse une chose pareille ?

Anna faillit lui lancer une réplique cinglante mais réalisa visiblement que l’expérience était en effet inédite pour lui :
- Suivez-moi, soupira t-elle. Nous y allons ensemble.

Ils quittèrent la pièce, laissant Abraxas avec Gletscher pour seule compagnie :
- Vous êtes tellement… Différente. Souffla celui-ci avec ses dernières forces.
- Je n’ai pas vraiment goût pour la séduction, répliqua celle-ci. Et Anna est une amie depuis longtemps.
- Je croyais qu’elle n’aimait pas les ondins…
- Disons que je pense qu’elle fait une exception pour moi.

Abraxas n’en entendit pas plus, il sombra à nouveau dans l’inconscience.
Convalescence, grenouilles et corbeau by bellatrix92
Abraxas ne reprit ses esprits que bien des heures plus tard, allongé dans un lit sous une fenêtre ronde constituée de plusieurs bouts de verre plus ou moins colorés, un peu à la manière d’un vitrail d’art contemporain. Le soleil était en train de se lever et l’air étrangement doux pour cette journée d’hiver lui évoquait plutôt le printemps. Étrange, mais pas désagréable.
Cependant, la fenêtre était ouverte en oscillo-battants et il entendait au dehors les croassements incessants des grenouilles. Cela n’améliorait ni ses maux de crâne ni sa nausée.

Comme il tentait de se redresser, une forme floue passa devant lui et il dut forcer sur sa vue pour reconnaître la jeune Maria qui s’assit devant lui avec un grand bol à la main. Elle était visiblement en train de finir son petit déjeuner car une odeur de chocolat lui monta aux narines :
- Le grand malade est réveillé ! s’écria t-elle avec un sourire espiègle.

Sur sa gauche, il y eut soudain du mouvement et Wladimir, Anna ainsi que Burghart apparurent dans son champs de vision. Abraxas, gêné mais encore vaseux se redressa tant bien que mal. Plutôt mal que bien d’ailleurs car il retomba aussitôt sur ses oreillers.
- Bonjour… Grogna t-il d’une voix faible.
- Je pense que ce garçon a besoin de déjeuner, marmonna Anna à côté de lui.

Elle se détourna avec Maria pour gagner la cuisine. Burghart, lui, sortit de la maison. Bientôt il ne resta plus avec Abraxas que Wladimir qui lui jetait un regard contrit :
- Que s’est-il passé ? Lui demanda t-il.
- Je n’ai pas tout compris, répondit le Russe. Mais apparemment Feuersterne, l’ondine avec qui tu as beaucoup discuté il y a quelques jours t’avait jeté un maléfice qui te faisait littéralement dépérir à petit feu. D’après Anna et Gletscher, c’est un charme qui agit un peu comme les filtres d’amour il y a cent cinquante ans : une personne résistant à leur emprise finissait par dépérir jusqu’à mourir d’inanition.
- Les fameuses potions Princesse de Clèves, bougonna Abraxas.

Ces mots suffirent à accentuer sa nausée, il déglutit et Wladimir poursuivit :
- Tu as failli mourir et c’était l’affaire d’une heure ou deux.
- Comment se fait-il que je sois vivant alors ? Demanda le jeune homme.
- Nous avons pris l’Unterwelt express, répondit Wladimir. Il a suffi que tu entres dans les tunnels des gobelins pour que la magie cesse d’agir sur toi. Car le monde gobelin est globalement inaccessible aux ondines. D’ailleurs Gletscher n’a pas pu nous y suivre. Je ne saurais l’expliquer mais on a senti que ton corps se libérait d’un poids, et puis ton état s’est stabilisé.
- Maintenant, répondit Anna qui revenait vers eux chargée d’une tasse de chocolat fumant et d’un bretzel. Il faut qu’il mange. Allez debout !

Elle posa d’autorité le repas sur la table et Abraxas se leva avec des gestes mécaniques, remarquant au passage qu’on lui avait enfilé sa chemise de nuit. Il se sentait encore tellement faible qu’il lui sembla mettre un temps infini à manger. Wladimir était visiblement allé vider leurs deux chambres tandis qu’il dormait et il ressentit un pincement de cœur à l’idée de devoir rester isolé.
Ceci fait, il s’habilla et ils sortirent hors de la maison avec Wladimir pour aller faire le tour de la mare, histoire de se dégourdir un peu. Ils promenèrent un instant tous les deux, laissant le temps à Abraxas de satisfaire sa curiosité :
- C’était comment l’Unterwelt express ? Demanda t-il.
- Tu aurais aimé, répondit Wladimir. Mais malheureusement tu n’y retourneras jamais. C’est un immense réseau de voies ferrées souterraines et les familles de gobelins établies sur son tracé possèdent toutes des voitures comparables aux diligences de Poudlard, capables de cheminer à grande vitesse sur les rails, d’où le nom « Unterwelt Express ». C’est un de ces gobelins qui nous a conduit tout près de chez Anna.
- J’aimerais bien aller voir… Souffla le jeune homme.
- Je n’y compterais pas si j’étais toi, répliqua Wladimir. Le gobelin, dont je ne connais pas le nom d’ailleurs, n’a accepté de nous aider que parce qu’il avait une dette envers Anna. Et je ne vais pas essayer de retrouver le tunnel pour en forcer l’entrée, même s’il s’agit de satisfaire ton insatiable curiosité. Pas fou.

Abraxas comprenait mais il n’en était pas moins déçu, il acquiesça avec une moue dépitée et reporta son attention sur le ruisseau et la mare devant eux, dans laquelle les grenouilles s’ébattaient toujours.
- Comment se fait-il qu’ici nous soyons hors d’atteinte ? Demanda t-il en désignant l’étendue d’eau. Je croyais qu’il nous fallait éviter la proximité de… Ce genre de choses.
- Maria m’a dit que c’était grâce aux grenouilles, répondit Wladimir. Leur présence empêchent les ondins de venir dans cette zone.

Abraxas avait un peu mal à la tête à présent. Les croassements de grenouilles n’avaient pas cessé et celles-ci n’était pas le moins du monde craintives. Presque aucune ne sauta à l’eau à leur approche et le jeune sorcier ne put s’empêcher de trouver cela bizarre.
- Vous leur donnez quoi à manger ? Demanda t-il d’un air rieur à Maria en voyant celle-ci les rejoindre, le tablier rempli de feuilles d’épinards fraîchement cueillies dans la zone couverte de son jardin.

Inexplicablement gênée, la jeune fille répondit à sa question d’une voix un peu hésitante :
- Oh, elles se nourrissent seules… Mais elles ont toujours été là et ne craignent pas les sorciers. De temps en temps, certaines suivent des jeunes de chez nous pour devenir leur familier… Et on est assez sollicitées car elles ont la réputation d’être très intelligentes et de vivre longtemps. Je pense que c’est une espèce un peu à part qui vit ici.
- Votre mère a t-elle pu les créer ? Demanda Abraxas en pensant aux pouvoirs de la sorcière.
- Je ne pense pas, répondit Maria. Plutôt leur fournir un abri je dirais. D’après Anna elle n’aimait pas modifier les animaux sauvages.
- C’était une grande sorcière, mais pas une vivernière, c’est ça ?

La jeune fille hocha la tête :
- C’était une enchanteresse, répondit-elle. Elle n’a jamais possédé de vraie baguette, mais elle avait de sacrés pouvoirs, notamment en enchantements et en métamorphose.

Abraxas contemplait toujours les grenouilles et, le récit de Wladimir lui revenant en tête, demanda soudain à Maria :
- Est-ce qu’il n’est pas possible que ces batraciens aient été autre-chose auparavant ?

Comme elle le regardait visiblement sans comprendre, Wladimir qui avait compris où son ami voulait en venir expliqua :
- On raconte qu’une sorcière de la région aurait transformé les partisans de Grindelwald en grenouilles. C’est peut-être légendaire mais la coïncidence est curieuse.

Maria rougit violemment et recula effrayée. Mais avant qu’elle ait pu répondre quoi que ce soit, ou s’enfuir comme elle semblait se le proposer, la voix d’Anna s’éleva derrière eux :
- Ce fait n’est pas entièrement légendaire.

Le visage grave, elle s’approchait d’eux avec Burghart et prit doucement dans ces mains l’une des grenouilles qui venait vers elle. La soulevant à leur hauteur, elle raconta :
- On n’a jamais su pourquoi, mais l’hybridation de la majeure partie des sorciers et sorcières de Forêt Noire a fait qu’il est assez facile de nous transformer en des animaux de la famille des amphibiens, tritons ou grenouilles notamment. Alors oui, la plupart de ces animaux étaient auparavant des sorciers et sorcières, parfois même des moldus. Et ma mère les a transformés pour la plupart.
- Vous voulez dire, s’effraya Wladimir. Que nous nous trouvons au milieu d’anciens partisans de Grindelwald ?

Anna secoua la tête :
- Ce n’est pas aussi simple, dit-elle. Certaines de ces grenouilles en sont en effet. Mais d’autres non, ma mère en a transformé tout au long de sa vie et pour diverses raisons. Parfois, il s’agissait de protéger une famille pourchassée par Rumpel Schwarzenberg ou un autre mage noir. En fait… C’est un beau mélange.
- Cela paraît surréaliste, dit Abraxas.
- Pas tellement, lui fit alors remarquer Maria. Ma mère a vécu une partie de sa vie dans un orphelinat moldu où le catéchisme était obligatoire. Elle nous racontait toujours l’histoire de Moïse, persuadée que c’était vrai et qu’il était un puissant sorcier oriental.
- L’histoire l’avait tellement marquée, expliqua Anna. Qu’elle s’inspirait de lui. Elle n’avait pas de baguette, mais un bâton d’enchanteresse.
- Ceci est classique chez vous, observa Wladimir. Dans les rues de Seebach, nous avons croisé beaucoup de vieilles sorcières ainsi équipées.
- En effet, répondit Anna. Il s’agit d’une tradition régionale même si celle-ci se perd un peu. Mais ce n’est pas toute l’explication : ma mère imitait les calamités comme les sept plaies, reproduisait la colonne de fumée. Et elle excellait dans la métamorphose également… Seul les magies liées au feu lui étaient impossibles à réaliser et elle les craignait beaucoup. D’ailleurs, elle disait souvent que Rumpel Schwarzenberg lui ressemblait beaucoup, excepté par cet aspect et que c’est pour cette raison qu’elle la redoutait particulièrement.
- Davantage que Grindelwald ? Demanda Abraxas.
- Je ne sais pas, répondit Anna. Peut-être.

Les deux sorciers contemplaient les grenouilles, non sans un certain malaise à présent. Au bout d’un moment cependant, Wladimir finit par demander :
- Peut-on communiquer avec ?
- Difficilement, répondit Anna avec réticence.
- On peut lire leurs souvenirs, la tempéra cependant Maria. Grâce à la légilimencie. Pourquoi ?
- Peut-être certaines de ces personnes ont connu mon frère, expliqua Wladimir. Si je pouvais recueillir des informations sur lui… Il a disparu peu après être passé en Forêt Noire en 1942.
- Vous pouvez essayer, répondit alors Burghart que personne n’avait entendu jusque là. Mais en aucun cas vous ne devez les brutaliser car elles restent des personnes malgré tout.
- Merci, répondit le jeune homme.

Abraxas le regarda se pencher sur la mare et essayer de recueillir une grenouille dans sa main. Fatigué, il rentra dans la maison où il s’installa dans un fauteuil. La tête lui tournait et Anna le remarqua :
- Ménagez-vous, lui dit-elle doucement. Vous revenez d’assez loin.

Elle-même, armée simplement de ses mains et marmonnant des formules tantôt en latin, tantôt en vieil allemand, se mit à jeter des sortilèges basiques un peu partout dans la pièce, nettoyant et récurant les moindres recoins.
- Vous êtes douée, lui dit Abraxas. Mais vous n’avez pas de baguette ?
- Si, répondit Anna. Elle est dans ma poche mais je ne sais pas faire ces sorts-là avec, j’ai appris sans.
- Impressionnant, répondit le jeune homme. En Angleterre, il n’y a pas grand monde capable de faire une telle chose.
- Simple question de technique, répliqua la jeune fille en rendant son éclat à une marmite de cuivre d’un tour de poignet soigneusement étudié.
- Je vois…

Rêveur, il laissa son regard vagabonder dans l’intérieur de la maison, excentrique, rustique, rempli d’herbes aromatiques mais étrangement propre. Quelque-chose l’intriguait mais il ne savait pas si poser la question pouvait heurter son hôtesse.
- Anna ? Dit-il cependant au bout d’un instant.
- Oui, répondit celle-ci tout à son ménage, et il aurait juré qu’elle évitait soigneusement son regard.
- Ces grenouilles qui s’ébattent aujourd’hui dans votre mare, étaient-elles destinées à le rester ?

Anna cessa de jeter des sorts et plongea ses mains tremblantes dans ses poches. Il crut un instant qu’elle allait pleurer :
- Je ne sais pas, finit-elle par dire. Si ma mère avait survécu, Grindelwald enfermé, peut-être qu’elle les aurait retransformées… Peut-être certaines seulement…

Ses lèvres tremblaient et elle murmura dans un souffle :
- J’espérais que Rumpel Schwarzenberg était comme les autres, transformée en batracien et inoffensive. Si vous saviez seulement à quel point votre récit m’a soulevé l’estomac il y a quelques jours…
- Vous lui en voulez, remarqua Abraxas. Elle est votre ennemie mais votre ressentiment va au-delà de ça.

A présent il en était sûr, des larmes perlaient aux yeux d’Anna. Mobilisant ses efforts pour rester digne, la jeune fille lui répondit :
- Rumpel Schwarzenberg a tué mon père. Et c’est également elle qui a lancé le sortilège de la mort sur notre viverne… Pourquoi avait-elle échappé à la transformation déclenchée par ma mère en 1923 ? Je l’ignore mais je pense que c’était parce qu’elle est très puissante. Comme on n’en avait plus entendu parler depuis, j’espérais qu’à Nurmengard ma mère en était venue à bout… Mais il faut croire qu’elle a toujours eu une longueur d’avance…
- Vous avez peur ? Demanda Abraxas.
- Oui, répondit la jeune fille. J’ai peur. Pour Burghart, pour Maria et même pour moi… On dit qu’un jeune mage noir originaire de chez vous commence à sévir en Europe Orientale et qu’il cherche des partisans. Je me dis que c’est peut-être lui qui l’a retrouvée…

Abraxas resta pensif. Il avait bien sûr entendu des bruits, notamment sur un jeune homme disparu dans la nature après avoir travaillé chez Barjow et Beurk’s, magasin qu’il fréquentait de temps à autre pour ses artefacts les plus mystérieux, bien qu’il soit davantage intéressé par leur fonctionnement que par leur éventuelle utilité en temps qu’objets de magie noire.
Il n’avait pas peur d’en utiliser bien sûr, mais il devait avouer qu’il avait tout de même une préférence pour les artefacts nobles ou les objets artisanaux.

En parlant d’objet artisanal d’ailleurs, Maria vint soudain s’asseoir à côté de lui toute joyeuse, lui tendant un objet ressemblant à un tambour à broder remplis de tissus et de laine au crochet multicolore.
- Je l’ai fabriqué pour vous, dit-elle joyeusement.
- Ah, répondit Abraxas gêné. C’est joli…
- Vous avez compris ce que c’est ? Lui demanda l’adolescente.

Comme Abraxas, confus, ne répondait pas. Elle le reprit en entreprit de l’accrocher à une poutre maîtresse de la maison. Aussitôt l’objet installé, le sorcier comprit son utilité :
- Un nid suspendu pour moi ? Dit-il.
- Oui, comme ça vous pourrez dormir dedans sous votre forme de corbeau !

Elle avait l’air si contente d’elle qu’Abraxas se sentit contaminé par son enthousiasme. Se levant avec peine, il dit :
- Je vais l’essayer tout de suite.

Il eut de la peine à se transformer, n’ayant pas encore totalement récupéré, mais lorsqu’il s’envola enfin ce fut la même sensation grisante que d’habitude. Vraiment, il aimait être un corbeau !
Après un tour dans la maison à tire d’aile, il se posa avec précaution sur le lit suspendu et constata avec plaisir que la chose était aisé. De plus, se blottir là-dedans serait sûrement très agréable aussi il s’empressa d’essayer.
La sensation était divine et il croassa d’enthousiasme tout en se prélassant dans le nid douillet.

Quelques minutes plus tard lorsque Wladimir rentra à son tour, il dormait profondément, la tête repliée sous l’aile :

- Voyons le bon côté des choses, dit Anna au jeune homme. A présent il y a assez de lits ici pour que tout le monde dorme à son aise.

Elle semblait soucieuse toutefois et Wladimir la comprenait :
- Sacré Abraxas, grommela t-il. Toujours à se fourrer dans les ennuis mais cela ne l’empêche pas de dormir !
Des complications by bellatrix92
Abraxas et Wladimir restèrent chez Anna le temps que le premier se rétablisse, et suffisamment pour permettre au second de glaner quelques indices sur son frère auprès des grenouilles de la mare.
- Il allait à Francfort, dit-il aux autres en plein repas, le quatrième soir de leur présence. Il a fait étape ici avant de reprendre sa route pour Francfort.
- Cela pourrait être la prochaine étape de notre voyage, observa Abraxas. Mais penses-tu qu’il y soit arrivé ?
- Les dernières nouvelles que nous ayons eu de lui, nous les avons reçues alors qu’il séjournait à Rotterdam. Donc en toute logique, oui, il a du arriver à Francfort.
- Dans ce cas, répondit Abraxas. Nous devons nous aussi aller voir.
- D’autant qu’en ville, dit doucement Anna. Les ondins ne contrôlent pas les fleuves. Vous seriez en sécurité.

Ceci étant dit, le départ fut fixé au lendemain et Anna donna, à Wladimir cette fois, une carte portoloin afin qu’il puisse la contacter en cas de besoin.

Au petit matin, Abraxas et Wladimir chargèrent leurs affaires et utilisèrent un peu de poudre de cheminette afin de se rendre directement au sous-ministère magique qui se trouvait dans la Hesse, en périphérie de la ville.
Ayant réglé les principales formalités assez rapidement, ils s’installèrent dans un hôtel sorcier et, l’après-midi même, commencèrent à éplucher les archives en quête de Piotr Krum.

Il firent chou blanc de la manière la plus fameuse possible et durent se rendre à l’évidence :
- Ton frère n’a pas laissé de traces, dit Abraxas à Wladimir après une semaine de fouilles méticulleuses. Du moins, rien d’officiel.
- Pourtant, répondit le jeune homme désemparé. Il était ici…

Abraxas lui répondit sur un ton apaisant :
- Peut-être qu’en changeant de type de sources, nous pourrons retrouver sa trace.

Le lendemain, ils se mirent donc à faire la tournée des établissements, hôtelleries et boutiques sorcières, armés d’une photo du jeune homme pour tenter d’interroger les commerçants ou les clients. Encore une fois, ils restèrent sans réponse pendant un moment.
Enfin, après deux journées de recherches infructueuses, ils tombèrent finalement sur une piste qui leur semblait sérieuse, juste à la terrasse d’un pub :
- Je pense que je l’ai vu en effet, leur dit une vieille sorcière qui parlait avec un fort accent turc et consommait un café si fort que l’odeur leur piquait le nez. Oui je m’en rappelle, c’était il y a longtemps. Un russe très malpoli. Il a vendu un collier de perles de cendres dans la boutique là-bas.

Elle leur désignait une devanture noire derrière eux et Wladimir tressaillit à sa vue :
- C’est un magasin de magie noire, souffla t-il.
- Pour sûr, répliqua la sorcière. A qui d’autre voulez-vous vendre un truc pareil ? D’ailleurs le marchand lui en a donné un très bon prix malgré ses manières. Il n’y a pas beaucoup de sorciers qui se risquent à côtoyer les ondins dans le coin, et à l’époque c’était encore plus dangereux.
- Quel rapport avec les ondins ? Demanda Abraxas un peu déstabilisé.

La sorcière lui renvoya un regard étonné avant de demander à Wladimir :
- D’où vous le sortez cet anglais ?

Le jeune homme répondit, autant pour expliquer à Abraxas que pour calmer le jeu :
- Ce sont les ondins qui exploitent les perles de cendre. Ils élèvent une catégorie de coquillages d’eau douce qui les produisent, une créature magique qui vit notamment dans les ruisseaux de montagne. Seuls les ondins peuvent, non seulement les approcher, mais également leur faire produire ces perles.
- D’accord, répondit le jeune homme. Je pensais que c’était une huître spéciale mais bon…
- Moi en tout cas, répliqua sentencieusement la vieille sorcière. J’en vois une sacrément belle d’huître spéciale !

Vexé, Abraxas se détourna et entra dans la boutique d’un pas décidé. Wladimir le suivit, assez effrayé et plus hésitant, sa photo toujours à la main.
Il n’y avait personne dans toutes la boutique, cependant celle-ci était extrêmement bien achalandée, d’un point de vue de mage noir bien sûr. Deux mains de gloire étaient conservées dans une vitrine à l’entrée, divers bijoux maléfiques, objets anciens et meubles ensorcelés occupaient tout l’espace.
- C’est très sinistre, murmura Wladimir d’une voix tremblante.
- C’est une boutique qui vend des objets controversés, répliqua Abraxas qui examinait soigneusement tout ce qui se trouvait autour d’eux. Ohé ! Il y a quelqu’un ?

Pas de réponse, aussi les deux jeunes hommes arpentèrent les rayonnages, Abraxas toujours aussi curieux et Wladimir de plus en plus grimaçant. Sur tout un pan de mur, c’était des restes humains envoûtés qui étaient exposés.
- Oh, mon père avait une tête réduite comme ça ! S’écria soudain Abraxas d’une voix amusée en touchant l’objet en question.

Wladimir le regarda avec horreur mais n’eut le temps de rien faire, la tête réduite mordit à pleines dents le doigt d’Abraxas qui poussa un hurlement digne d’une fillette. Il se débattit un bon moment avant de réussir à la forcer à lâcher prise.
- Je ne suis pas une peluche ! Lui dit la tête réduite.
- Mais ça va ! Gronda le jeune homme, vexé une fois de plus. Pas la peine de mutiler les gens pour un truc pareil.
- J’espère, dit doucement Wladimir derrière lui. Que cette chose n’est pas venimeuse.

La tête réduite se tourna vers lui avec un air profondément offensé :
- J’étais un guerrier dans un autre temps, répliqua t-elle. Avec un sens de l’honneur extrêmement développé.
- D’où votre attaque en traître, fit remarquer Abraxas.
- Mon mignon, répliqua la tête réduite. Lorsqu’on a une dignité à protéger, il faut savoir faire des compromis. Mais pour commencer, dîtes-moi ce que vous désirez.
- Pourquoi ? Demanda Abraxas encore rancunier. C’est vous le gérant ici ?
- Je remplace le propriétaire qui s’est absenté pour la journée, répondit la tête réduite. Il y a aussi un autre employé mais… Il est parti faire une course ou deux.

Les deux jeunes hommes cherchèrent en vain quelqu’un dans la boutique. Sachant tout ce qu’elle renfermait d’objets chers, il était vraiment étrange qu’elle soit ainsi vide.
- Le propriétaire n’a pas peur de se faire voler des artefacts ? Demanda Wladimir.

La tête réduite lui adressa un sourire aussi doucereux que menaçant et répondit :
- Si vous volez, vous n’irez pas loin…

Ils frémirent, à présent convaincus que ce n’était pas là de vaines paroles.
- Ce n’est pas notre intention de toute manière, répliqua Abraxas. Mais vous, vous êtes là depuis longtemps ?
- Cent-deux ans au mois d’août, répondit la tête réduite. Pourquoi ?
- Dans ce cas, répondit Abraxas. Pourriez vous nous dire si vous avez vu, il y a quelques années, le jeune homme sur cette photographie venir vendre un objet ?

Disant cela, il avait saisi la photo de Piotr et la tenait devant le visage de la tête réduite qui plissa les yeux un long moment, l’air de réfléchir :
- Oui, dit-elle finalement. Je me souviens de lui. Il a empoché plus de cinq cents gallions contre le collier qui se trouve là-bas.

Elle désignait du regard une vitrine non loin et Wladimir s’en approcha avant de pousser un cri d’horreur :
- Raspoutine ! Il y a de quoi tuer un régiment là-dedans.
- De quoi s’agit-il ? Demanda Abraxas en s’approchant à son tour, curieux de voir quel objet pouvait valoir si cher.

C’était un lourd collier, fait de grosses perles noires irisées d’argent, une arme mortelle à n’en pas douter.
- Curieux non ? Dit la tête réduite avec un sourire. On ne voit pas beaucoup de bijoux qui en portent autant !
- Non, répondit Abraxas tandis que, très pâle, Wladimir reculait. En effet.
- Qu’est-ce que mon frère foutait avec ça ? Soupira t-il.
- Il avait besoin d’argent à première vue, lui répondit la tête réduite. Une histoire de dette à rembourser. En tout cas, le patron a vu deux gobelins rôder autour de la boutique juste après sa venue. Il s’est même demandé s’ils ne cherchaient pas à entrer.
- Bizarre, murmura Wladimir.
- Combien votre patron vend t-il ce collier ? Demanda Abraxas.
- Mille galions, répondit la tête réduite. Enchantements de protection compris.

Le jeune homme en prit note et, après avoir salué la tête réduite sans rancune, entraîna son ami hors de la boutique.
- On rentre à l’hôtel, dit-il.
- Déjà ? Demanda l’autre.
- Oui, répondit Abraxas. Nous devons parler.

Ils attendirent d’être dans la chambre de Wladimir, chambre qu’ils insonorisèrent immédiatement, pour parler franchement :
- Tu en penses quoi ? Demanda Abraxas à son ami.
- Je ne sais pas ce que Piotr aurait pu faire d’un objet de magie noire honnêtement. Je me demande si… Si on ne devrait pas contacter Anna.
- Quel rapport ? Demanda Abraxas.
- Ce collier a été fabriqué par des Ondins, c’est sûr. Aucun sorcier ne peut manier ces perles. Peut-être qu’en Forêt Noire ils sauraient des choses. Je vais lui envoyer un hibou et nous aviserons suivant sa réponse.

Abraxas acquiesçant, ils se séparèrent là dessus et le sorcier profita de sa soirée de libre pour visiter la ville, s’autorisant même à flâner du côté moldu. Elle était en pleine reconstruction cependant et il rentra au bout d’une petite demi-heure.

Quelques jours plus tard, alors qu’ils étaient attablés à leur petit-déjeuner et prévoyait pour la journée une visite de la grande banque des sorciers d’Europe continentale, Abraxas et Wladimir reçurent une lettre qui fut déposée à leur hôtel par une grande chouette effraie.
Avec angoisse, ils reconnurent le sceau du Blocksberg et Abraxas à qui elle était destinée la décacheta avec des gestes tremblants. Qu’avaient-ils donc pu dire à Anna de si sensible pour qu’elle charge le Blocksberg de leur répondre ?
A la lecture du message cependant, son cœur se s’accéléra brusquement et la surprise lui fit l’effet d’un coup de poing dans le ventre :

« Abraxas,

Ici Emilia Backer,
Votre relation avec Kuggelblitze, fille de Wallenstein roi des Ondins, a des conséquences aussi importantes que dangereuses malgré sa brièveté. Et je ne parle pas simplement de vos récents ennuis de santé.
Pour votre sécurité et la nôtre, revenez rapidement en Forêt Noire, contactez Anna et dîtes-lui de vous amener au Blocksberg. Cela doit être réglé dans les plus brefs délais car votre vie et votre réputation sont en danger. Le roi Wallenstein accepte de différer jusqu’à la prochaine lune pour négocier avec vous. Mais passé ce délais, vos actes seront publiés. Je pense que nous savons tous les deux ce que cela signifie pour vous.
En espérant vous voir sous peu et en vie. »
L'Assemblée des Maléfices by bellatrix92
Ils étaient restés cachés chez Anna presque deux mois après avoir appris ce qu’ils avaient appris. Mais ce soir de Walpurgisnacht qu’ils étaient convoqués au Blocksberg, toute la société sorcière de la Forêt Noire était venue. L’Assemblée des Maléfices, réunion annuelle des sorciers de Forêt Noire, allait commencer d’ici quelques instants.

A côté d’Anna, Abraxas, Kuggelblitze et Wladimir se sentaient gênés. L’Oberhexe, Emilia Backer, les avait gratifiés d’une invitation spéciale mais ils ne se sentaient pas pour autant très à leur place. Chez Kuggelblitze en particulier on sentait l’angoisse monter au fur et à mesure que la nuit noircissait.
Assise sur un pliant, les mains posées sur son ventre légèrement arrondi, elle avait le visage pâle et les yeux creusés. En fait, elle était dans cet état depuis la disparition de Gletscher dont ils n’avaient plus eu de nouvelles après qu’elle soit venue les visiter en cachette. Elle alternait apathie et larmes silencieuses. Aussi, cette soirée devait être pour elle une véritable épreuve.

Cette Assemblée des Maléfices de la Walpurgisnacht 1949 était particulière et chacun ici le savait. Il n’y avait qu’à regarder les visages tendus de l’ensemble des sorciers pour s’en rendre compte. Que savaient-ils exactement de ce qui se tramait sous la surface des lacs de Forêt Noire ? Suffisamment en tout cas pour s’en inquiéter.

La première partie de la réunion se passa plutôt bien cependant. Les sorciers de la Forêt Noire dans leur ensemble estimaient que la situation au dessus de Nurmengard était préoccupante du fait de l’apparition de cette vivernière, et la décision de prévenir les autorités compétentes ainsi que de renforcer les patrouilles de vigilance dans la région fut adoptée à une large majorité.
Pourtant, la tension restait palpable et de nombreux regards fugaces étaient jetés dans leur direction, parfois inquiets, parfois accusateurs.

En deuxième partie de la réunion vint ensuite la question du « maléfice » annuel, visiblement plus joyeuse car les visages se déridèrent légèrement.
Cette année, trois groupes présenteraient un projet à soumettre aux sorciers de la région qui voteraient ensuite.
Anna avait expliqué à ses hôtes que, auparavant, chaque nuit de la Walpurgisnacht était consacrée à un maléfice contre les moldus, mais que ce n’était plus le cas depuis 1923 lorsque l’assemblée avait été « dissoute ». Sa mère y avait veillé.

Le premier groupe, composé de plusieurs sorciers et sorcières visiblement très bien intentionnés, proposa une action nocturne pour accélérer un peu les reconstructions dans le monde moldu. En effet, les traces de la guerre étaient encore bien présentes dans le paysage et chacun s’accordait à dire que les voir disparaître serait plutôt positif. La proposition reçut un accueil bienveillant mais sans passion de la part des sorciers réunis.

Un second groupe, ou plutôt trois jeunes femmes à l’allure plus citadine que le reste de l’assemblée, plus prosaïques et nettement anti-moldues, proposèrent une extension et un renforcement de l’ensemble des charmes de Repello Moldum de la région. Le projet fut accueilli par une levée de bouclier, des protestations et même des injures du genre « bande de péronnelles ! Pimbêches de la ville! ». Une vieille sorcière qui ressemblait à un furet cria même plusieurs fois d’une voix suraiguë : « On n’est pas à Berlin ici! ».

Ce fut finalement le troisième groupe qui remporta la partie et Anna sourit de contentement car Burghart, malgré son statut de moldu, en faisait partie. Constitué d’une diversité de sorciers, sorcières ou même non-sorciers, il proposait la création d’une véritable école magique sur le site du Blocksberg, pour aller au-delà du simple quartier général militaire.

Le projet avait ses partisans mais, bien sûr, souleva de l’opposition. Une partie de l’assemblée qu’Abraxas identifia comme une faction à la fois aisée et traditionnelle arguait que d’autres écoles existaient, qu’il était indélicat de leur faire de la concurrence et que de toute façon, il n’y avait pas les compétences nécessaires dans la région.
Le groupe de Burghart se défendit et Abraxas apprit que parmi les sorcières et sorciers qui le constituaient, deux avaient étudié à l’étranger, dont une sorcière à Beauxbâtons où elle avait suivi un enseignement supérieur.
Toutefois, l’opposition restait forte et beaucoup de sorciers estimaient qu’une formation à la maison était préférable pour tous, et surtout plus convenable pour les jeunes filles. Le débat fut très long, houleux et finalement, une femme du groupe nommée Elisa Rotenmeier prit la parole. Étrangement, l’assemblée se calma aussitôt. Anna par contre rougit et baissa la tête.

C’était une quadragénaire, quinquagénaire même peut-être, aux yeux noirs comme du charbon et aux cheveux entièrement blancs. Abraxas remarqua qu’elle portait la tenue d’une vivernière mais pourtant, elle boitait et dut s’appuyer sur la tribune pour tenir droite.

Balayant l’assemblée du regard, elle dit posément :
- Mes sœurs et mes frères, ici tous savent qui je suis. Et je ne crois pas avoir dans cette fraternité le moindre ennemi. Aussi je me permettrai de vous parler à cœur ouvert, avec franchise et sans ménagement.

Personne ne l’interrompit, l’assemblée tout entière l’écoutait sans mot dire même si certains visages étaient poliment sceptiques :
- Notre communauté est pauvre, poursuivit-elle. Et au-delà d’être pauvre, elle dégénère d’années en années même si nous avons réussi à éviter le pire il y a maintenant vingt-cinq ans. C’est qu’il y a un drame dans ce pays : des familles n’ont plus les moyens, depuis des générations, d’envoyer leurs enfants dans les écoles de magie étrangères. Sur cinq ou six enfants, les parents envoient leurs fils, parfois seulement l’aîné à Durmstrang. Quelquefois, à la faveur d’une situation plus aisée, c’est une fille qui part à Beauxbâtons.
- Et alors ? Répliqua une voix moqueuse dans l’assistance.
- Et alors ? Répliqua Elisa Rotenmeier avec un sourire sans joie. Depuis des décennies que ce schéma se répète, la magie des sorciers et sorcières de la Forêt Noire régresse. Nos compétences s’amenuisent faute d’instruction correcte, chaque génération de parents transmet un peu moins de savoirs et de savoirs-faire à la génération de ses enfants. Certains d’entre-nous, certaines surtout, sont même incapables de manier une baguette.
- C’est parce que notre magie est ainsi ! Cria quelqu’un.
- Non ! Répliqua Elisa Rotenmeier. La magie de Forêt Noire est peut-être pleine de richesses culturelles et ancestrales dont fait partie en effet la magie sans baguette, mais l’incompétence dans toutes les autres disciplines magiques et l’incapacité à manier une baguette ne sont pas des richesses ! Et vous le savez très bien. Nous vivons de plus en plus repliés les uns sur les autres, sans mélange avec l’extérieur ne serait-ce qu’avec notre propre pays. Nous nous complaisons dans notre « culture » et nos « spécificités », autant dire que nous nous voilons la face sur notre profond isolement. Les plus brillants d’entre-nous, ceux qui ont eu la chance de tirer leur épingle du jeu quittent la région parce qu’ils veulent s’en sortir. Jusqu’où faudra t-il que cela aille ? Jusqu’à ce que nous ne formions plus qu’une confrérie de consanguins atteints de crétinisme congénital ? C’est cela que vous voulez ?
- Et en quoi une école pourrait-elle changer cela ?

Dans le silence, cette question résonnait comme une provocation. C’était un sorcier d’un certain âge aux allures de notable qui avait interpellé ainsi Elisa Rotenmeier, il poursuivit sur sa lancée :
- Si notre problème est sociétal, comme tu le défends si bien. Comment est-ce qu’une école pourrait le régler ?

La femme, sans perdre une once de calme, lui répondit :
- Une école, avec des enseignants compétents, pourrait déjà relever le niveau en magie des jeunes sorciers de la région. Elle offrirait une instruction plus poussée aux jeunes sorcières d’ici qui sont presque toutes instruites à domicile et parfois dans des contextes difficiles. Dans ces conditions, elles auraient accès à des emplois et notre région serait plus dynamique.
- Elles quitteraient la région surtout, répliqua l’homme avec morgue. Et notre population en serait complètement diminuée.

Un homme, dans l’assistance, leva soudain la main pour demander la parole et elle lui fut donnée. C’était un vieux sorcier vêtu d’une robe violette qui se hissa avec difficulté sur l’estrade et parla à toute l’assemblée d’une voix douce :
- Observez, cher frères et sœurs, dit-il. Un curieux phénomène agite notre réunion. Nous parlons d’un projet destiné à la jeunesse, aux femmes, et aux plus fragiles en particulier. Et ce sont les hommes qui parlent. Ces commentaires lancés à brûle-pourpoint, les questions et les provocations ? Tous ont été lancés par des notables qui ont eu la chance de faire des études, payées par leurs familles car elles sont très chères. Mais les autres, qu’en pensent-ils ?

Il regardait l’assemblée, comme cherchant quelqu’un susceptible de répondre. Abraxas remarqua qu’Anna gardait résolument les yeux au sol.
Le vieil homme obtiendrait-il ce qu’il voulait ? Rien n’était moins sûr mais, soudain, une jeune femme s’avança à la tribune. Mince, brune et toute petite, elle dut faire un saut pour se hisser dessus et sa robe misérable faisait de la peine :
- Excusez mes manières, dit-elle sur un ton un peu bourru. Mais comme vous le savez je n’ai pas été élevée dans du velours et, de plus, c’est ma première réunion.

Le reste de l’Assemblée en restant comme deux ronds de flan, elle poursuivit :
- Je m’appelle Gretel Stark, j’ai vingt-six ans et je viens de réussir l’épreuve du grimoire, enfin, après des années d’efforts pour un diplôme de fin de cursus scolaire.

Devant le silence tendu de l’Assemblée, elle ajouta vivement :
- Normalement c’est l’année des seize ans qu’on la passe et c’est elle qui marque notre entrée dans le monde des adultes ainsi que dans cette Assemblée par la même occasion. Heureusement pour moi que je ne me suis pas mariée, autrement je n’aurais jamais eu le temps de m’y consacrer et… Et bien je serais encore mineure sur le plan politique. Sachez en outre qu’il y a quatorze femmes dans mon cas en Forêt Noire, je ne compte que celles de plus de vingt ans qui essaient toujours désespérément de devenir des sorcières accomplies. Si je comptais toutes celles qui retentent et qui sont encore jeunes, on arriverait à un total de plus de cent cinquante femmes, ainsi que quelques hommes. Si un chiffre doit vous éclairer sur la nécessité d’une école, dans notre région où des familles ont été amputées de leurs membres adultes et où la pauvreté est endémique, je crois que vous les avez.

Là dessus, elle quitta la tribune.

Personne n’avait rien à ajouter, aussi on procéda immédiatement au vote à main levée. Le premier projet récolta environ un tiers des voix, un peu par dépit sembla t-il à Abraxas.
Il ne s’attendait pas, en revanche, à ce que le second recueille un bon quart. Toujours est-il que le projet d’école l’emportait à la majorité relative même si ce n’était pas écrasant.
- Reste à faire les preuves maintenant, souffla Anna à voix basse.

Lorsque le vote fut terminé et les résultats officiels, Emilia Backer ne congédia pas tout le monde cependant. Au lieu de cela, elle réclama le calme et fit signe à Kuggelblitze, plus blême que jamais, de s’avancer. Aussitôt, la tension regagna l’Assemblée et tous écoutèrent dans un silence presque glacial l’Oberhexe parler :
- Nous avons depuis plusieurs semaines à présent une ondine ayant dérogé dans la Forêt Noire. D’où un renforcement des protections autour de vos maisons et les consignes de sécurité qui circulent actuellement...
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