Summary:
Photo by Aadesh Choudhari on Unsplash
« Elle avait encore rêvé. Les détails du songe lui échappaient déjà, et elle les laissa s’envoler. Son cœur battait toujours très fort, un sentiment de détresse s’apaisait doucement. Elle avait rêvé de la guerre. Elle n’avait pas besoin de se souvenir des détails pour savoir qu’ils étaient terribles – au moins autant que la réalité. »
Hiver 2003. Quelques semaines dans la vie de Susan Bones, qui tente de trouver sa place dans la vie après-guerre.
Fic de Noël 2019 pour Selket !
Categories: Romance (Slash),
Après Poudlard Characters: Alicia Spinnet, Hannah Abbot, Lavande Brown, Luna Lovegood, Susan Bones
Genres: Amitié, Femslash/Yuri
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Echange de Noël 2019
Chapters: 4
Completed: Oui
Word count: 15348
Read: 3261
Published: 27/07/2020
Updated: 18/01/2021
Story Notes:
J'ai écrit cette histoire pour l'échange de Noël 2019, organisé sur le forum HPF. Selket avait demandé une fanfiction faisant intervenir des personnages secondaires, en particulier des Poufsouffle. Elle souhaitait aussi lire sur de l'amitié, de la romance, et la reconstruction des jeunes sorcier-e-s après guerre.
Vous trouverez ces thèmes dans cette petite fic en quatre chapitre, qui a pour personnage principal Susan Bones, ancienne élève de Poufsouffle, que j'ai imaginée autrice et lesbienne.
J'ai terminé d'écrire cette histoire pendant le confinement, elle a pris bien plus d'ampleur que je ne pensais, et elle m'a même inspiré un PWP avec Susan et Alicia, sa copine, sur leur première fois ensemble. J'ai plein d'autres idées de choses à faire vivre à Susan après cette fic - notamment des histoires sur la communauté queer dans le monde sorcier... On verra !
En attendant, je vous laisse avec cette histoire qui se déroule pendant l'hiver 2003. J'espère qu'elle vous plaira autant que j'ai pris plaisir à l'écrire, et Selket, j'espère que tu aimeras les prochains chapitres ! :D
1. Partie 1 by Violety
2. Partie 2 by Violety
3. Partie 3 by Violety
4. Partie 4 by Violety
Author's Notes:
Dans ce chapitre : un rêve, un couple mignon, une séance d'écriture, une incursion dans une jolie ville anglaise et une amie.
Merci à Ella C. pour sa relecture et ses encouragements.
L'univers et les personnages appartiennent à la créatrice de Harry Potter. L'auberge du Yorkshire dans laquelle vivent Dean, Neville, Seamus et parfois Luna a été imaginée par Selket. "A great big hill of hope" est une référence à la chanson de 4 Non Blondes, What's up, qui correspond plutôt bien au ton de cette histoire.
Décembre 2003
Susan se réveilla en sursaut. Elle avait encore rêvé. Les détails du songe lui échappaient déjà, et elle les laissa s’envoler. Son cœur battait toujours très fort, un sentiment de détresse s’apaisait doucement. Elle avait rêvé de la guerre. Elle n’avait pas besoin de se souvenir des détails pour savoir qu’ils étaient terribles – au moins autant que la réalité.
Elle se redressa dans le lit, et s’efforça de contrôler sa respiration. Elle prit une grande inspiration, souffla longuement par la bouche, recommença. Inspiration, expiration. Inspiration, expiration. Inspiration, expiration. Elle sentit les battements de son cœur se calmer, l’angoisse diminuer.
Lorsqu’elle estima être plus apaisée, elle se rallongea doucement sur le dos, s’efforçant de ne pas réveiller Alicia… Qui la fixait de ses grands yeux noirs, allongée sur le côté. Susan soupira et tourna la tête vers son amoureuse.
« Je suis désolée… Je t’ai réveillée. »
Alicia posa une main chaude sur le torse de Susan, dans un mouvement de confort. Accompagnant sa respiration. Susan sentit celle-ci se détendre sous le geste tendre, familier.
« Ce n’est pas grave, ça arrive. Cauchemar ?
- Je pense. Je ne m’en souviens déjà plus.
- C’est mieux comme ça. »
Susan tourna de nouveau la tête vers Alicia, et les deux femmes échangèrent un regard entendu. Les cauchemars leur étaient coutumiers. Moins fréquents que les premières années, ils revenaient pourtant, parfois. Elles avaient l’habitude. Cela ne les rendaient pas plus agréables.
Susan jeta un coup d’œil à la pendule accrochée sur le mur en face du lit. Quatre heures. Elles avaient encore le temps de se rendormir. Elle se tourna sur le côté à son tour, et vint se blottir contre Alicia. Celle-ci l’enlaça, la serrant fort contre elle. Le contact de sa peau sur la sienne acheva de la calmer. Il n’y avait rien de tel que la chaleur d’Alicia sous la couette pour faire s’évaporer l’angoisse et la peur.
« Tu sens bon, marmonna-t-elle à l’intention de sa copine.
- Je sais. C’est mon nouveau savon, répondit celle-ci du tac au tac.
- Il faudra qu’on prenne un bain ensemble avec… parvint à articuler Susan, qui sentait le sommeil l’envahir à nouveau.
- Demain », murmura Alicia, comme une promesse. Susan dormait déjà.
* * *
Lorsque Susan se réveilla de nouveau, plusieurs heures plus tard, elle était seule dans le lit. Elle se retourna paresseusement, s’étira, et entendit des bruits de talon. Alicia entra dans la chambre, déjà coiffée, et habillée d’une robe très élégante.
« Tu es déjà prête ? Il est quelle heure ? marmonna Susan.
- Huit heures et demie, tu as le temps. J’ai rendez-vous avec les coachs, mais j’ai préféré te laisser dormir…
- Oh c’est vrai, c’est aujourd’hui ! Bon courage ma chérie ! » s’écria-t-elle dans un geste enthousiaste mais paresseux, toujours à moitié allongée. Alicia lui répondit par un sourire en coin.
« Merci ma belle, dit-elle en se penchant pour l’embrasser. Pense à te lever, quand même – tu as un déjeuner ce midi, je crois.
- Ouiii, je saiiis… Allez, file ! Je crois en toi… Je t’aime !
- Je t’aime aussi », répondit Alicia avec un dernier baiser, avant de s’élancer hors de la pièce.
Susan entendit ses pas s’éloigner dans le couloir, la porte s’ouvrir, puis se refermer. Elle imagina le « crac » du transplanage, même si elle ne pouvait l’entendre. Elle soupira de nouveau, se retourna pour se blottir sous la couette.
Elle s’était rendormie très vite après son cauchemar, elle avait eu de la chance. Parfois, ils la tenaient éveillée toute la nuit – elle avait peur de se rendormir et d’y retourner. Revivre la mort, la peur et les pertes, même en songe, était toujours une expérience difficile, qui la vidait de toute son énergie.
Voilà cinq ans que la guerre était finie. Cinq années passées à se remettre, doucement, des traumatismes qu’elle avait vécus – qu’ils avaient tous vécus. Cinq années à faire le deuil de sa famille, de ses amis disparus. Cinq années à tenter de se reconstruire, et d’avancer dans sa vie d’adulte – ou au moins de faire semblant.
Cette dernière partie lui semblait plus légère depuis qu’elle était avec Alicia. Il y avait eu d’autres filles, d’autres femmes avant elle, mais avec Alicia c’était… différent. Elles se connaissaient de l’époque, même si ce n’était que vaguement. Elles avaient vécu des expériences similaires. Alicia comprenait ses regrets, ses peurs et ses souvenirs, mais gardait en elle une légèreté qui plaisait à Susan. Qui la faisait se sentir vivante.
Après quelques minutes à traîner au lit, Susan finit par se lever pour petit-déjeuner puis se préparer. Sur la table de la cuisine, le chat Austen était allongé sur le courrier – comme tous les matins, ou presque. Il miaula à son passage, Susan lui répondit par un gratouilli derrière les oreilles. Puis elle agita sa baguette, attira à elle le verre de jus de citrouille que sa copine lui avait laissé. Elle but une gorgée du breuvage encore frais, laissa échapper un soupir de contentement. La journée pouvait commencer.
* * *
Après avoir ouvert son courrier – une lettre de sa mère, une carte postale d’Hannah – et dévoré le dernier dossier du Chicaneur (« L’Internet des Moldus a-t-il des origines magiques ? »), Susan s’habilla tranquillement. Elle avait décidé de ne pas travailler ce matin. Elle avait terminé et envoyé à son éditrice un texte assez tard la veille, et elle avait bien mérité un peu de repos avant le déjeuner. Pourtant, après une heure et demie passée à nettoyer la cuisine, faire son lit et changer trois fois de tenue, Susan ne savait plus quoi faire. Elle n’avait pas le temps d’aller au cinéma – Justin leur avait fait découvrir il y a quelques années ce loisir moldu et elle l’affectionnait particulièrement – et aucun de ses livres en cours ne lui donnaient envie. Malgré la fatigue qui ne manquerait pas de se faire ressentir dans l’après-midi, elle n’avait pas assez envie de dormir. Et elle n’avait même pas besoin de faire la cuisine puisqu’elle mangeait dehors !
Désœuvrée, Susan se retrouva bientôt à son bureau, un parchemin vierge et une plume à peine usée devant elle.
Son bureau d’écriture était son endroit préféré de l’appartement. Lorsqu’elles avaient emménagé dans le petit trois-pièces, avec Alicia, Susan avait tout de suite été séduite par la bow window de la chambre, qui donnait sur la rue. Elle y avait installé un petit bureau en bois, tout simple, avec trois tiroirs qui formaient une petite tour sur le côté droit. Une étagère basse installée le long du mur contenait ses dossiers en cours… Et à venir. Elle s’efforçait de toujours garder le bureau le plus clairsemé possible : seuls une photo d’elle et Alicia, une plante offerte par Neville et Luna, et un pot à crayon aux couleurs de Poufsouffle y avaient une place permanente.
Susan trempa la plume d’oie dans l’encrier, et se mit à écrire ce qui lui venait. Peu à peu, son cauchemar, ou plutôt ce qu’elle avait ressenti après ce rêve qui restait flou, prit forme sous sa plume. L’écriture automatique, lorsqu’elle faisait de mauvais rêves, angoissait ou se trouvait en proie à des crises mélancoliques foudroyantes, l’aidait. Pas toujours – pendant longtemps, dans ces moments, elle était prise de crises de larmes, voire de panique, dont seul un sort d’apaisement pouvait la sortir. Mais au fur et à mesure que le temps était passé, et que les mauvais souvenirs s’étaient faits, non moins précis, mais moins brûlants, elle avait réussi à trouver d’autres moyens de gérer sa détresse, sa tristesse ou son anxiété.
Parfois, c’était se changer les idées grâce à une soirée avec ses amis, ou un film au cinéma ; d’autres fois, c’était le contact physique, l’affection ; souvent, enfin, c’était l’écriture. Voilà deux ans qu’elle en avait fait son métier. Deux jours par semaine, elle travaillait comme écrivaine publique sur le Chemin de Traverse. Le bureau où elle travaillait avait été créé juste après la guerre, sur une idée de l’association Alliance Sorciers-Moldus. Il fonctionnait grâce à des fonds du ministère, et de donateurs privés. Susan et ses collègues y aidaient les sorciers et les sorcières dans leurs démarches administratives, dans leurs demandes de dédommagement, dans leur recherche de soin ou simplement dans l’écriture de lettres, ou la constitution de candidatures pour des emplois. Les études de droit magique international que Susan avait entreprises après Poudlard, pensant vouloir devenir juge pour rendre hommage à sa tante, avaient tourné court assez rapidement. Elles faisaient cependant de Susan un atout indispensable du bureau.
Elle avait commencé à temps plein, mais, aidée d’un petit héritage de sa tante, elle avait décidé de s’essayer à l’écriture de manière professionnelle. C’étaient d’abord des nouvelles, par-ci, par-là, pour Le Chicaneur, qui s’était ouvert à la fiction sans grand effort. C’étaient ensuite des histoires pour enfants : Mon premier grimoire, une revue pour les jeunes sorciers et sorcières, avait été créée, là aussi sur un modèle moldu, quelques mois après la Bataille. Susan leur vendait plusieurs histoires par mois. Depuis quelques temps, elle réfléchissait à la prochaine étape. Elle et Alicia vivaient correctement, mais Susan sentait que l’écriture prenait de plus en plus de place dans sa vie, et elle avait envie d’écrire un livre. Problème : elle ne savait pas sur quoi.
Au bout d’une heure, elle reposa sa plume. Ses pensées sorties d’un cauchemar avaient dérivées, vers un texte qui s’apparentait à ce qu’elle écrivait, plus jeune, dans ses journaux intimes. Ce n’était pas tout à fait ça, elle avait écrit à la troisième personne plus ou moins consciemment, et elle sentait que quelque chose de plus essayait de sortir sous sa plume. Elle jeta un coup d’œil à la pendule accrochée au mur : il était bientôt midi et demi. Elle referma l’encrier, souffla un coup sur le parchemin, puis lui jeta machinalement un sort de conservation de l’encre. Elle ouvrit ensuite le premier dossier qui se trouvait sur l’étagère : intitulé « Divers », il épaississait de jours en jours. « Un de ces jours, il faudrait que je ressorte tout et que je vois ce que je peux en faire », marmonna-t-elle pour elle-même. Elle y rangea le nouveau parchemin, rangea le bureau, puis se leva. Elle avait rendez-vous avec Luna vers 13 heures, il fallait qu’elle finisse de se préparer.
* * *
Susan transplana dans une ruelle non loin de la cathédrale de York. Luna vivait actuellement dans la maison de Dean, Seamus et Neville, quelques kilomètres au nord de la ville, au milieu des landes des Moors. A cette époque de l’année, les collines devaient être parsemée de neige ; mais en été, la bruyère fleurissait et semblait se parer de mille couleurs sous les rayons du soleil.
Susan aimait beaucoup la demeure des trois garçons. Elle les fréquentait peu dans ses jeunes années à Poudlard, mais l’Année noire les avait rapprochés, inévitablement. Et son amitié avec Luna, qui s’était développée après la guerre, la poussait à passer de plus en plus de temps dans cette auberge, comme beaucoup de leurs amis… Enfin, c’était surtout quand Luna était en Angleterre : elle n’avait encore osé s’y rendre en son absence, à part pour accompagner Alicia à des réunions de l’ancienne équipe de Quidditch de Gryffondor.
La maison était un lieu agréable, mais certains jours Susan avait envie de voir son amie seule, et les deux jeunes femmes se donnaient alors rendez-vous en ville. Aujourd’hui était un de ces jours.
Depuis quelques temps, Susan se sentait prise d’une grande mélancolie, comme cela lui arrivait souvent. Le rêve du matin n’était que le dernier d’une longue série, après un été presque sans aucun cauchemars. Elle en avait parlé avec Alicia, mais elle n’osait lui faire porter tout le poids de sa déprime – elles partageaient assez de souvenirs à deux, et Alicia avait besoin de se concentrer en ce moment.
Luna, elle, malgré les horreurs qu’elle avait traversées – plus qu’aucune autre amie proche de Susan – semblait glisser au-delà des souvenirs. Pas qu’ils ne la hantent pas ; elle avaient, comme eux tous, les jeunes, « les résistants » comme on les appelait, ses démons. Mais Luna avait une façon de voir la vie, et de gérer ce qu’elle lui envoyait, que Susan admirait beaucoup. Sans être stoïque face aux épreuves, elle les abordait avec un calme et un espoir inspirants. Son attitude agaçait parfois : Luna pouvait donner l’impression de ne pas vraiment écouter ce qu’on lui disait. Susan savait que c’était faux, et que son amie était toujours de bon conseil, même par des moyens un peu alambiqués.
Il faisait plutôt doux pour un après-midi de fin d’automne, et Susan était en avance. Tournant au coin du passage, elle arriva dans la grande rue de York, qui faisait face à la cathédrale. Elle ralentit le pas, enfouissant son visage dans son écharpe, pour contempler les vitrines des boutiques. Les Moldus avaient déjà sorti les décorations de Noël, et cette vision remplissait son cœur de contentement mêlé de nostalgie. Nostalgie des Noëls passés, innocents, pendant lesquels toute la famille Bones se réunissait, et qui coïncidaient parfois avec Hannukah. Nostalgie des Noëls pendant lesquels elle ne pensait pas aux absents et absentes, avec qui elle ne passerait plus jamais les fêtes. Peut-être, un jour, quand elle serait plus âgée, que la guerre serait plus lointaine, vivrait-elle les fêtes sans cette pointe d’amertume qui restait toujours, en fond, tapie dans l’ombre. Mais pour l’instant, Noël, la nouvelle année, son anniversaire… Tout lui rappelait autant ce qu’elle avait perdu, que celles et ceux qui étaient toujours là.
Déambulant tranquillement, elle arriva devant le restaurant où elle avait rendez-vous. C’était un petite établissement à la devanture verte, coincé entre une pharmacie et une enseigne de prêt-à-porter. La première salle ne comptait que quelques tables, mais, juste avant les cuisines, un escalier en bois menait jusqu’à un deuxième étage, orné d’un petit balcon, puis un troisième, où seules trois tables étaient installées face à la fenêtre. C’est là que Luna et Susan avaient leurs habitudes. L’immeuble biscornu n’était pas sans rappeler les maisons sorcières. Ce n’était pas un hasard : la propriétaire était une Cracmol, mariée à un cuisinier moldu. Susan n’avait pas encore réussi à lui faire avouer que sa famille sorcière l’avait aidée à aménager le restaurant, mais elle n’en avait quasiment aucun doute.
Elles avaient découvert le lieu lors d’une balade en ville, en compagnie de Neville. Lorsqu’ils étaient entrés dans l’établissement, la propriétaire avait immédiatement reconnu Luna. Fidèle lectrice du Chicaneur, et ardente défenseuse de la cause animale, elle suivait de près les récentes découvertes sur les animaux fantastiques. Elle avait d’ailleurs avoué aux trois amis, après s’être présentée, qu’elle espérait transformer le lieu en restaurant végétarien. Mais son mari et elle devaient encore réussir à convaincre leurs habitués.
Des habitués qui comptaient désormais dans leurs rangs les deux jeunes femmes. Lorsqu’elle referma la porte derrière elle, Susan fut accueillie par le sourire de Freddy, le postier qui passait là toutes ses pauses midi, et le salut tonitruant de Janet, la pompière qui vivait à la caserne trois rues plus loin. Susan se laissa faire quand celle-ci la prit dans ses bras.
« Susie ! Ma petite Susie ! Comment tu vas ? Ça fait longtemps qu’on ne t’a pas vue par ici ! Où est ta copine ?
- Salut Jan’, répondit Susan en riant, redressant son manteau et détachant son écharpe une fois que Janet l’eut relâchée. Luna arrive, c’est moi qui suis un peu en avance !
- Ah, je me disais aussi ! Mais qu’est-ce qui vous arrive, vous êtes trop occupées pour nos vieilles carcasses ?
- Janet, lâche-lui la grappe un peu, veux-tu ! s’exclama Myrcella, la restauratrice, qui descendait les escaliers en s’essuyant les mains dans un torchon coloré. Bonjour Susie, ma chérie !
- Oh ça va, ça va, grommela l’intéressée. Je demande juste !
- Bonjour Myrcella, répondit Susan en claquant deux bises à la patronne. T’inquiète, ce ne serait pas un vrai déjeuner ici sans l’accueil de Janet », ajouta-t-elle avec un clin d’œil vers la concernée. Elle s’arrêta un moment, le temps de retirer son manteau, son écharpe et ses gants complètements – il fait toujours chaud chez Myrcella.
« Pour tout t’expliquer, Jan’, Luna était en voyage en Amérique du Sud depuis deux mois, et j’avais beaucoup de travail à la maison.
- Ah, toujours en vadrouille, la p’tite ! Mais toi, trop de travail, trop de travail… ça n’empêche pas de manger, le travail. Tu vis où, déjà ? Je ne te vois jamais en ville !
- Ah, euh… bredouilla Susan. Pas très loin, mais pas en ville…
- Mais tu sais bien, Jan’, elle est souvent à Londres chez sa copine ! », intervint Myrcella, coupant Susan qui tentait d’imaginer une raison qui lui permettrait de manger régulièrement à York tout en résidant dans la capitale. « Cette foutue ville coûte tellement cher, tu imagines bien qu’elle ne peut pas passer sa vie au restau quand elle est là !
- Ah oui, c’est vrai, tu m’avais dit ! Quelle idée, aussi, d’aller vivre à Londres… Vous les jeunes, y a que ça qui vous intéresse ! Vous pourriez rester par chez nous, vers Manchester au moins ! »
Soulagée, Susan laissa Janet se lancer dans une diatribe contre la capitale, devant le sourire amusé de Freddie. Elle fit un signe vers le haut à Myrcella, qui hocha la tête.
« Votre table est prête, et libre, cocotte ! Je viens chercher vos commandes quand Luna est là, ok ?
- Super, merci Myrcella », lui répondit Susan avec un sourire.
Elle grimpa tranquillement le petite escalier en bois jusqu’au troisième palier, et alla s’installer à « leur » table, juste devant la fenêtre. Myrcella avait changé les rideaux, dont la couleur aubergine se mariait très bien avec la peinture vert sapin des fenêtres. Une bougie était allumée au milieu de la table, petit point de lumière sur la nappe d’un rouge sombre. Elle ouvrit le menu et commença à parcourir la liste des plats.
Elle venait de se décider pour un rôti de noix aux patates douces – une tentative de Myrcella de faire glisser la carte vers le végétarisme – quand elle entendit le rire léger de Luna, puis des pas dans l’escalier. Elle se leva pour accueillir son amie, qui posait le pied sur le palier.
« Bonjour Susan, s’exclama Luna. Tu rayonnes, dans cette lumière ! Je me demande si des fées des landes ne t’ont pas suivie à ton arrivée en ville ! »
Luna ne disait jamais « bonjour » de la même manière – elle se contentait rarement d’un simple « bonjour » – et Susan adorait cela. Elle rit, remercia son amie, et la prit dans ses bras. Les deux jeunes femmes s’assirent à leur table. Après avoir commandé auprès de Myrcella qui était montée les voir – le rôti de noix pour Susan, une tourte de légumes pour Luna – elles se lancèrent enfin dans une belle conversation dont elles avaient le secret.
End Notes:
J'espère que cela vous a plus, n'hésitez pas à me laisser un retour ! :)
Author's Notes:
Voici le deuxième chapitre de cette fanfiction, qui en comptera quatre. Merci à Ella C. pour sa relecture. Je préfère prévenir : ce chapitre est très fluffy, "tant de fluff que je vais avoir des carries" m'a dit Ella ;)
J'espère que ma Susan vous plaît toujours, ainsi que ses amies. Ici on en apprend un peu plus sur ce que Luna a fait pendant deux mois, sur certain.e.s de leurs ancien.ne.s camarades d'école, et sur le rendez-vous important d'Alicia.
J'esquisse aussi dans ce chapitre quelques petites idées qui me sont venues sur les médias sorciers après-guerre, cela sera plus développé dans les chapitres suivants. J'ai assez envie de développer tout cela dans d'autres fanfics, donc n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! ;)
L'univers et les personnages appartiennent à la créatrice de Harry Potter."A great big hill of hope" est une référence à la chanson de 4 Non Blondes, What's up, qui correspond plutôt bien au ton de cette histoire.
Décembre 2003
« … Il m’a donc proposé de rester deux semaines à Castelobruxo pour profiter du fonds Magizoologie de leur bibliothèque... »
Luna venait de passer près d’une heure à raconter à Susan ses aventures sud-américaines. C’était la deuxième fois que la jeune magizoologue se rendait sur le continent. Elle avait passé plusieurs semaines au Guyana, puis s’était rendue au Brésil pour visiter des villages sorciers d’Amazonie. Elle y avait rencontré le professeur de Magizoologie de l’école de magie sud-américaine, Paulo Macuxi, qui s’était pris d’amitié pour la jeune britannique.
« Mais c’est génial, Luna ! s’exclama Susan. C’est pour ça que tu es revenue plus tard que prévu ? C’était comment ?
- Oh, c’était très intéressant. L’école est perdue au cœur de la forêt, chargé de magie… Castelobruxo m’a beaucoup rappelé Poudlard, mais c’est très différent en même temps. On n’y apprend pas exactement les même choses. Il y a beaucoup de magizoologie et de botanique au programme – Neville était vert de jalousie quand je lui ai dit…
- Tu vas voir qu’il va nous quitter pour le Brésil ! plaisanta Susan.
- Oh non, je ne pense pas, Neville est très attaché au Royaume-Uni et il ne parle aucune langue portugaise », répondit Luna, fronçant les sourcils. Susan ne s’en offusqua pas ; son amie avait parfois du mal à saisir le second degré.
« Je pense que je vais y retourner, Paulo m’a dit que ce n’était pas un problème. Il va voir si je peux encore déposer une demande de bourse, c'est un établissement de recherche en plus d'un lycée, donc ils reçoivent souvent des étudiants étrangers.
- Oh ! Mais quelle chance d’avoir fait cette rencontre !
- Je ne sais pas si la chance joue vraiment un rôle là-dedans… Mais je pense que je lui aurais écrit de toute façon, il a écrit des articles passionnants sur des créatures qui ressemblent à ce que l’on sait des Heliopathes… Enfin, je retournerai probablement au Brésil l’an prochain.
- C’est vraiment cool pour toi, mais j’espère que tu ne vas pas repartir trop tôt ! s’écria Susan.
- Oh ne t’inquiète pas, lui répondit Luna avec un doux sourire. Je suis un peu fatiguée, et j’avais hâte de retrouver mes amis… Est-ce que tu vas chez Parvati et Hannah, vendredi ? »
Leurs deux camarades d’école vivaient en colocation dans un grand appartement à Oxford, depuis plus de trois ans. Elles y organisaient régulièrement des soirées avec leurs amis de Poudlard et d’ailleurs. Cette semaine, pour la deuxième année consécutive, elles avaient invité leurs amies pour une « soirée pyjama » de fin d’année. Susan avait ri quand Hannah lui avait parlé du concept, la première fois. Celui-ci lui rappelait son enfance, et les discussions tardives dans le dortoir des filles à Poudlard. L’idée était de se réunir entre copines, « sans les gars qui prennent parfois beaucoup de place » avait précisé Hannah, pour se raconter leur vie. La première soirée avait été un franc succès, mais le petit groupe avait mis un an à trouver une date pour se réunir à nouveau. Cette fois-ci, peu d'invitées resteraient dormir chez Parvati et Hannah, mais celle-ci insistait tout de même pour parler de « soirée pyjama ». « Laissez-moi prétendre que je suis encore une enfant, s'il vous plaît ! », avait-elle répondu lors que Susan et Parvati avaient questionné le terme.
« Oui, bien sûr, je serai là ! J’ai demandé à Hannah si je pouvais venir avec Alicia, d’ailleurs, qu’elle ne reste pas seule à la maison…
- C’est une bonne idée ! J’aime beaucoup Alicia, déclara Luna. Je trouve que… Pardonne-moi, mais c’est sans doute la meilleure de tes copines que j’ai connues ! Vous êtes parfaites ensemble ! » ajouta-t-elle d’un ton pressé. Susan sentit une douce chaleur s'étendre dans sa poitrine. Elle fixa Luna un moment, surprise par cette remarque inattendue, puis lui sourit.
« Merci Luna, s’écria-t-elle avec affection. Ça me fait plaisir que tu dises ça parce que je… Je crois que je suis d’accord avec toi.
- Oh !
- Oui… J’y ai beaucoup pensé ces derniers temps, ça n’allait pas très bien et… Alicia a été parfaite avec moi. Je m’en voulais de lui faire subir ça, elle a ses propres choses à gérer.
- Comme nous tous, Sue… fit remarquer Luna d’un ton doux, posant sa main sur celle de son amie.
- Oui, oui, je sais mais… Je ne sais pas, c’est plus fort que moi, je m’en voulais. Mais elle sait trouver les mots justes, toujours, et puis, tout est tellement simple, tellement doux avec elle. Je crois… J’ai du mal à imaginer ma vie sans elle, honnêtement. »
Elle releva le regard, qu’elle avait laissé dériver vers l’extérieur, sur son amie. Luna la fixait, l’air heureux, un sourire ému sur les lèvres. Susan réalisa que ses yeux était humides, que son coeur battait très fort. C’était la première fois qu’elle disait tout haut ce qu’elle ressentait sur sa relation avec Alicia. Oh, les deux jeunes femme s’aimaient, c’était certain. Mais Susan avait longtemps cru, alors même que tout était allé vite, que cette histoire s’étiolerait, comme les autres, jusqu’à se terminer un jour. Chaque jour qui passait renforçait pourtant son amour pour Alicia. Elle était heureuse d’en parler enfin.
Les deux jeunes femmes restèrent un moment à se regarder, souriant toutes les deux, la main dans la main. Susan fut la première à rompre le moment, reniflant un grand coup, et passa sa manche sur ses yeux.
« Je suis désolée, ha ha, je ne sais pas ce qu’il me prend d’être émue comme ça…
- Tu es amoureuse, Sue, et c’est beau à voir, lui répondit Luna.
- Oui. C’est la première fois que je dis tout haut à quel point je l’aime, je crois. Merci, Luna. » Son amie avait un don précieux pour la faire parler, et comprendre des choses sur elle-même qu’elle ignorait.
« C’est normal. J’espère que j’aurai la chance de rencontrer quelqu’un comme ça, moi aussi !
- J’en suis persuadée ! Ce sera sûrement un ou une aventurière que tu trouveras quelque part dans une forêt exotique, en train de chasser les Ronflak cornus ! », déclara Susan, provoquant un éclat de rire chez Luna.
Les deux jeunes femmes terminèrent leur repas dans la bonne humeur, Susan relatant les potins que Luna avait manqué dans leur cercle de connaissance, et les dernières nouvelles de la société sorcière britannique. Luna raconta les villes qu’elle avait vues pendant son voyage, les amitiés qu’elle avait nouées, et le plaisir qu’elle avait eu à retrouver la maison de « ses trois garçons » comme elle les appelait. Susan évoqua ensuite son travail en cours, et son envie d’écrire de nouvelles choses.
« Ces derniers temps, j’ai écrit pas mal de bouts de texte, comme ça, dont je ne sais pas quoi faire…
- Ce sont des histoires ? demanda Luna.
- Non, pas vraiment de la fiction… Ce sont des idées, des émotions… Peut-être une part d’autobiographie ? Parfois je décris des choses que je ressens, ou qu’un ami m’a raconté… Il y a beaucoup de souvenirs de l’école, de la guerre aussi. Mais rien de bien précis…
- Hmm, je vois… Je pourrai lire ? » Susan rougit à l’idée de faire lire ses écrits. Même si c’était sa profession, elle avait du mal à s’y habituer. D’autant plus quand il s’agissait d’écrits aussi personnels.
« Je regarderai ce qui est lisible et je t’en apporterai vendredi.
- Très bien. Tu devrais en parler à Lavande, aussi !
- Lavande Brown ? Pourquoi ? » Leur camarade d’école sortait avec Seamus Finnigan, l’un des colocataires de Luna. Elle avait été embauchée un an auparavant par la rédaction de Sorcières Hebdo.
« Eh bien… Seamus m’a dit qu’elle a eu une sorte de promotion. Enfin, pas vraiment une promotion, mais elle a changé de rubrique. Si j’ai bien compris, Sorcières Hebdo a envie de rajeunir son lectorat, et Lavande a une nouvelle cheffe, une sorcière mêlée dont la mère est une journaliste moldue. Elle s’intéresse pas mal à ce que font les Moldus avec leurs médias, et elle veut faire intervenir des auteurs extérieurs, donner la parole à des gens qui ne sont pas forcément journalistes mais ont des choses à dire, si j’ai bien compris… Il faut que tu en parles avec elle, mais peut-être qu’ils peuvent publier des textes comme les tiens ?
- Oh ! Je ne savais pas qu’ils préparaient ça… C’est une bonne idée, mais mes écrits sont peut-être trop « sérieux » pour Sorcières Hebdo, non ?
- Je crois que c’est un peu l’idée, précisa Luna en souriant, elles ont envie d'améliorer leur réputation… On fait des meilleures ventes qu’elle, tu penses que ça a dû les faire réfléchir ! »
Depuis la fin de la guerre, Le Chicaneur était devenu un média d’investigation reconnu dans le monde sorcier. Sous l’influence de Luna, qui y publiait des reportages sur ses voyages, Xenophilius Lovegood avait réorienté la ligne éditoriale vers des sujets toujours inattendus, mais moins farfelus, et avait embauché une petite équipe de journalistes plutôt jeunes. Certains étaient très bons, et Susan dévorait la revue avec attention. Comme le reste de la société, les médias sorciers étaient en pleine révolution, et les changements chez Sorcières Hebdo pourraient s’avérer intéressants.
« J’en discuterai avec Lavande alors, déclara Susan. J’ai hâte qu’elle m’en dise plus ! »
L’horloge accrochée au deuxième étage du restaurant sonna trois heures de l’après-midi. Les deux jeunes femmes se regardèrent, étonnées – le temps avait passé vite. « Qu’est-ce que tu as prévu cet après-midi ? demanda Luna.
- Rien de particulier… Passer du temps avec toi ! Je dois être de retour vers six heures pour dîner avec Alicia, j’ai un peu de temps.
- Tu veux venir prendre le thé à la maison ? On peut transplaner dans la lande, et marcher un peu jusqu’à l’auberge.
- Avec plaisir ! »
Les deux jeunes femmes se levèrent tranquillement, alourdies par leur copieux repas. Elles descendirent au rez-de-chaussée, où elles payèrent leur repas avant de papoter un peu avec Myrcella, qui commençait à ranger. Puis les deux amies sortirent du restaurant, tournèrent quelques mètres plus loin dans une ruelle, et transplanèrent dans la lande des Moors.
Susan et Luna marchèrent environ une heure, tranquillement, au milieu de la lande enneigée. Elles arrivèrent à la maison alors que Dean préparait du thé, et le prirent avec lui. Susan connaissait finalement peu les colocataires de Luna. Elle repartit vers cinq heures et demie, pour faire quelques courses avant l’arrivée d’Alicia.
Il faisait nuit depuis un moment lorsqu’elle celle-ci passa la porte de leur appartement. Susan se leva du canapé, où elle s’était installée pour lire, et s’avança vers sa compagne. Alicia avait troqué sa robe élégante du matin pour sa tenue habituelle d’entraînement. Elle avait un gros sac sur le dos, qu’elle lâcha rapidement pour attraper Susan par la taille et l’embrasser avec ardeur. La jeune femme se laissa faire, avant de lui rendre son baiser avec la même énergie, sinon plus. La situation aurait pu rapidement dégénérer vers la chambre à coucher, si le minuteur du four n’avait pas choisi ce moment pour leur signifier que le repas était cuit.
Susan se sépara légèrement, non sans difficulté, de son amoureuse, et plongea son regard dans les yeux noirs et pétillants d’Alicia.
« Alors ?
- Je l’ai eu !
- Aaah, mais c’est génial ! Bravo mon amour, je suis tellement fière de toi », s’exclama Susan, embrassant de nouveau sa compagne. Elle écourta rapidement leur embrassade – dans la cuisine, le four sonnait toujours.
« Il faut que j’aille sortir ça, vas vite te changer ! On va pouvoir manger et tu me racontes ça. J’ai acheté une bonne bouteille d’hydromel pour fêter ça, j’étais sûre que tu l’aurais ! »
Dix minutes plus tard, les deux jeunes femmes étaient assises face à face, une soupe au potiron, un rôti, des pommes de terres sautées et la fameuse bouteille, au milieu d’elle, et Alicia racontait sa journée à Susan.
« … J’étais tellement stressée quand je suis arrivée ce matin, je me passais les pire scénarios dans ma tête, je me disais que si ça se trouve je n’avais rien compris et que la situation n’était pas du tout en ma faveur…
- Hahaha, je comprends tellement, j’aurais été pareil à ta place ! Mais je savais qu’ils diraient oui !
- Facile à dire après coup, rétorqua Alicia avec un sourire. Mais bref, je suis entrée dans le bureau de Salvina, et elle était là avec Rick, et ils avaient tous les deux des grands sourires, et j’ai su que ça devait être positif... »
Alicia occupait depuis trois ans le poste de poursuiveuse titulaire pour les Alouettes de Norwich, une équipe de deuxième ligue qui montait depuis plusieurs années. Elle avait commencé deux ans après Poudlard, en parallèle d’une activité de briseuse de sort. Alors que son importance dans l’équipe, et la cote de celle-ci, montaient, elle avait quitté son emploi de briseuse de sort, activité qu'elle continuait parfois en indépendante, pour s’engager encore plus dans l’équipe. Et son travail avait payé : l’ancien capitaine de l’équipe, Bernie, venait de se faire recruter par les Canons de Chudley après une saison remarquable. La gardienne, Irma, avait pris sa place, et Alicia avait postulé au poste de capitaine adjointe, laissé vacant. Et elle l’avait obtenu.
Susan n’était nullement surprise qu’elle ait eu le poste. Sa compagne était une très bonne poursuiveuse, et son niveau n’avait cessé de monter depuis Poudlard. Elle faisait partie des joueuses en vue de l’équipe, et de plus grosses équipes ne manqueraient sans doute pas de tenter de la recruter prochainement. Les Alouettes avaient tout intérêt à la promouvoir s’ils espéraient la garder plus longtemps.
Alicia passa le dîner à raconter en détail sa journée – après l’entretien, elle avait été accueillie en fanfare par ses collègues qui attendaient de savoir comme elle, puis l’entraînement quotidien avait repris. Elle avait ensuite passé un certain temps avec les coachs et la direction du club pour signer les contrats, avant d’enchaîner avec une réunion avec Irma et Bernie, qui s’en allaient à la fin de la semaine.
« Bon et toi, Susie, ta journée ? demanda finalement Alicia, alors qu’elles entamaient une mousse au chocolat.
- Alors… Ce matin je n’ai pas bossé, j’ai décidé que j’avais le droit de ne rien faire après hier, haha…
- Tu as raison !
- … Maiiis je m’ennuyais donc j’ai quand même écrit. En mode automatique tu sais, je fais ça depuis quelques temps après un cauchemar, c’est pas mal… Enfin je commence à avoir un gros dossier de bouts de truc, il faut que je reprenne tout ça.
- Tu ne devais pas voir Luna, aussi ?
- Si, si, on avait rendez-vous à York !
- Ah cool, comment va Myrcella ?
- Ecoute ça avait l’air d’aller, elle investit peu à peu la carte avec son menu. Elle nous a dit qu’une nouvelle famille s’était installée dans sa rue, et qu’elle est quasiment sûr qu’ils sont sorciers… Mais elle ne connaissait pas leur nom », ajouta rapidement Susan, devançant la question d’Alicia. Celle-ci sourit et lui fit signe de continuer.
« Donc voilà, on a déjeuné avec Luna, elle m’a raconté l’Amérique du Sud. Elle a eu une chance énorme, elle a rencontré un prof de l’école de sorcellerie brésilienne et a pu profiter de leur bibliothèque… Et elle va peut-être y retourner pour ses recherches !
- Ah oui c’est Castelobruxo c’est ça ? Une fille de mon année y était allée en échange, en 4e année je crois… Elle est revenue complètement fana de botanique, c’était drôle, avant elle ne s’intéressait qu’à l’étude des runes.
- Haha, oui je crois que l’école est connue pour ça, la botanique et les créatures magiques. Enfin, c’est une belle opportunité pour Luna, mais je lui ai quand même dit d’attendre avant de repartir… D’ailleurs ! Ça me fait penser, j’ai reçu un hibou d’Hannah avant que tu arrives, c’est bon pour que tu viennes vendredi si ça te dit…
- Oh oui, avec plaisir ! J’ai hâte de découvrir votre fameuse « soirée pyjama », ajouta Alicia en riant.
- Ha, ha, moque toi... Bon, et on a pas mal discuté, elle m’a dit un truc intéressant à propos de Lavande Brown, il faudra que je discute avec elle vendredi… Puis on est allées se balader, mais il faisait froid, et on est rentrées chez elle où Dean Thomas avait fait du thé. Et il nous a annoncé que lui et ses colocs avaient décidé d’organiser une fête chez eux pour le 31 décembre, et comme on n’a pas encore de plan j’ai dit qu’on venait…
- Ha, ha, ha, comme ça sans me demander ?
- Je savais que tu dirais oui ! répondit Susan avec un grand sourire. En plus il y aura la plupart de tes anciens coéquipiers de Gryffondor ! Et on peut venir avec des gens, la règle c’est « chacun amène des amis » !
- Oh, je peux inviter des gens de l’équipe ?
- Oui, oui, complètement ! Mais vous n’aviez pas un truc prévu avec l’équipe ?
- A priori pas cette année, pas mal de gens sont ailleurs… »
Susan et Alicia continuèrent de discuter un moment de leurs projets pour la fin de l’année. La bouteille d’hydromel fut terminée alors qu’elles finissaient de ranger, et Alicia proposa d’ouvrir une bouteille de vin des Elfes pour continuer de fêter sa promotion. Celle-ci fut rapidement oubliée quand Susan commença à l’embrasser dans le cou alors que les deux femmes étaient enlacées sur le canapé. Rapidement, leurs vêtements vinrent joncher le sol, tandis que chacune faisait vibrer le corps de l’autre.
Cette nuit-là, Susan ne fit pas de cauchemar.
Author's Notes:
Et voilà le troisième chapitre ! Il en restera un pour terminer cette histoire.
Selket, c'est toujours pour toi, et il y a beaucoup de Lavande dans ce chapitre, j'espère que cela te plaira !
Dans la partie 3 : la fameuse "soirée pyjama" qui n'en est pas vraiment une, de l'amitié, beaucoup d'amitié, Susan a un petit crush, on parle des médias sorciers après guerre et de santé mentale. C'est toujours bien fluffy (je ne fais pas exprès, promis !), un peu politique et plein de sororité;)
Une grande partie de ce chapitre a été écrit pendant le Combat à Mort, organisé cet été sur le forum par Catie, merci à elle. J'ai dû parfois m'adapter aux contraintes qu'elle nous préparait, ce qui peut expliquer certains détails... surprenants, je vous laisse deviner les passages concernés !
Toujours merci à Ella C. pour sa relecture, ses remarques pertinents et son enthousiasme !
L'univers et les personnages appartiennent à la créatrice de Harry Potter."A great big hill of hope" est une référence à la chanson de 4 Non Blondes, What's up, qui correspond plutôt bien au ton de cette histoire.
Décembre 2003
La semaine passa rapidement. Susan avait reçu une nouvelle commande d’histoires de la part de Mon premier grimoire et, la fin de l’année approchant, de nombreuses personnes venaient solliciter les écrivains publics. Elle avait même vu débarquer des enfants qui voulaient de l'aide pour écrire leur lettre à Merlin pour les fêtes.
Le vendredi arriva, et la soirée chez Parvati et Hannah avec lui. C’était le dernier week-end de novembre. Le froid s’était définitivement installé dans le pays, le brouillard perdurait de plus en plus tard chaque matin - et tombait chaque soir plus tôt.
Susan et Alicia arrivèrent une vingtaine de minutes après l’heure prévue – raisonnablement en retard, pour ne pas être les premières – deux bouteilles de vin des Elfes avec elles. Elles furent accueillie par une Hannah visiblement très joyeuse. Elle avait probablement quelques verres d’avance, en témoignaient ses joues rosies.
« Susie ! Alicia ! Bienvenue, bienvenue, entrez dans notre humble demeure… », s’écria-t-elle tout en les gratifiant d’une chaleureuse étreinte.
Les deux jeunes femmes laissèrent leurs capes et leurs bouteilles entre les mains de leur hôte, et s’avancèrent dans un étroit couloir jusqu’au grand salon qui hébergeait la soirée. Parvati et Hermione Granger étaient plongées dans une discussion sur l’un des canapés, plusieurs livres à la main. Lavande Brown était assise devant elles, sur des coussins, et regardait avec Ginny Weasley des photos apportées par Luna. Sur le sofa d’en face, Leanne Mingus racontait une histoire en faisant de grands gestes. Elle était entourée de deux amies américaines d’Hannah dont Susan était presque sûre qu’elles s’appelait Kelsie et Joyce, et de…
« Katie ! » s’exclama Alicia en voyant son ancienne coéquipière de Gryffondor, Katie Bell. Les deux femmes tombèrent dans les bras l’une de l’autre. Elles étaient restées très amies après Poudlard, mais elles se voyaient peu. Katie vivait en grande partie en France, et ne rentrait qu’occasionnellement au Royaume-uni. Elle avait décidé au dernier moment de venir ce week-end-là, mais Hannah avait proposé à Susan de faire la surprise à Alicia. A en juger sa réaction, c’était réussi.
« Tu veux une bièraubeurre, Susie ? » Susan fut tirée de ses pensées par Hannah qui revenait vraisemblablement de la cuisine, et faisait flotter devant elle un plateau rempli de chopes. Susan en attrapa une en remerciant son amie, et alla saluer Parvati et Hermione. Elle venait de s’asseoir à côté d’elles et de commencer à parcourir leur pile de livre, quand on sonna de nouveau. Parvati se leva à son tour pour aller ouvrir : « Normalement, ce sont les dernières ! »
Susan sentit un grand sourire étirer ses lèvres quand elle vit qui étaient « les dernières ». Il s’agissait de Megan Jones, l’une de ses camarades de dortoir et amie d’enfance. Elle était accompagnée de son amie, ou petite amie selon les moments, Leila Meadowes. Megan se jeta sur Susan dès qu’elle l’aperçut. Les deux amies ne s’étaient pas vues depuis un moment. Megan était souvent en vadrouille et il leur était difficile de se croiser durablement.
Une fois que toutes les jeunes femmes furent installées sur l’un des deux sofa ou sur les coussins, chacune un verre à la main, Hannah et Parvati se levèrent. Susan sourit ; son amie avait toujours eu le goût de la mise en scène, et elle avait trouvé une alliée en Parvati pour ce genre de moments. Hannah agita sa baguette, et un tas de plaids colorés vint se poser à côté du canapé. Des petites lampes de papiers colorés vinrent flotter dans les airs, tandis que des plats de douceurs sucrées et salées arrivaient de la cuisine, sous les applaudissement des présentes. La jeune femme s’exclaircit la voix :
« Hum, hum… Comme vous le savez toutes, ou presque, voici la deuxième édition de la réunion de sorcières la plus stylée de Grande-Bretagne, annonça-t-elle, déclenchant des éclats de rire. L’an dernier, la première édition a été un franc succès, et a permis de belles révélations et de nouvelles amitiés. Parvati et moi sommes donc très heureuses de vous accueillir de nouveau pour cette soirée placée sous le signe de l’amitié. A la vôtre ! »
Les filles applaudirent avec force « bravo » et cris d’encouragement. D’un coup de baguette, Parvati alluma un gramophone posé dans un coin, et une musique entraînante, un peu rock, s’éleva dans la pièce, en fond sonore des conversations.
Susan se retourna vers Megan et Leila, qui s’étaient assises sur un gros fauteuil juste à côté du canapé sur lequel elle se trouvait. Les deux filles lui racontèrent ce qu’elles avaient fait des six derniers mois, et Susan fit de même. Elles furent bientôt rejointes par Hannah, qui se baladait entre les convives avec une bouteille de bièraubeurre à la main.
Une trentaine de minutes plus tard, Megan se leva pour aller aux toilettes, et Leila alla rejoindre les quelques filles qui fumaient à la fenêtre. Susan se retourna vers la pièce et observa ses amies. La majeure partie des anciennes Gryffondor était plongée dans une conversation apparemment intense, dont des éclats de rire s’échappaient parfois. Katie racontait quelque chose à Alicia avec énergie, sous le regard mi-attendri, mi-moqueur de Leanne. A côté, Joyce feuilletait des exemplaires du Chicaneur sous les conseils de Luna, qui s’était enroulée dans un plaid multicolore. Hannah intercepta Megan qui revenait dans le salon, et se lança dans une histoire dont elle avait le secret, à grands renfort de gestes et d’exclamation.
Soudain, la musique changea et Parvati poussa un cri d’excitation. Elle se leva brusquement, s’écarta du petit groupe de Gryffondor et, attrapant Lavande par la main, l’entraîna au centre de la pièce où les deux ex-Gryffondor improvisèrent une piste de danse. Hannah réagit au quart de tour, marmonnant un sort pour écarter les meubles et les coussins, puis rejoignit sa colocataire sur la piste, suivie de Megan.
Susan croisa le regard d’Alicia, qui lui sourit joyeusement. Ce morceau des Bizarr’ Sisters jouait lorsqu’elles s’étaient reparlées vraiment pour la première fois après la guerre, à une soirée chez Lee Jordan. Susan y avait été entraînée par Hannah, elle-même invitée par Neville et Parvati. Elle avait eu peur de ne se retrouver qu’avec des Gryffondor plus âgés, mais un bon nombre d’ancien et d’anciennes de l’Armée de Dumbledore était présent. C’était d’ailleurs après cette soirée que leurs réunions festives étaient devenus plus fréquentes.
Perdue dans ses pensées, Susan se rendit compte au dernier moment qu’Alicia s’était levée, elle aussi, et se trouvait devant elle. Son amoureuse lui tendit la main sans un mot et les deux femmes rejoignirent leurs amies sur la piste de danse improvisée.
La soirée fut joyeuse et amusante jusqu’au bout. Susan but beaucoup, à tel point qu’elle fut prise d’un fou rire avec Hannah, qui dura une vingtaine de minutes, sans que les deux amies ne sachent plus pourquoi il avait commencé. Vers la fin de la soirée, alors que plusieurs des invitées étaient parties, Susan se retrouva près de la fenêtre ouverte, heureuse de sentir l’air froid de l’extérieur sur ses joues rougies par l’alcool et la chaleur. Lavande était là également, et lui adressa un beau sourire.
« Lavande ! Tu tombes bien ! », s’exclama Susan avec enthousiasme, sous les rires de l’autre sorcière. « Ha, ha, désolée, j’ai un peu trop bu… Je ne devrais pas parler de ça maintenant d’ailleurs, mais Luna m’a parlé de ta nouvelle rubrique, à Sorcière Hebdo, et elle m’a dit que peut-être… Mes textes… Enfin, il paraît que vous cherchez des jeunes plumes et…
- Oui ! Luna m’a dit », lui répondit Lavande avec presque autant d’enthousiasme, mais un peu moins d’alcool dans la voix. « Ce n’est clairement pas le lieu et l’heure pour en parler, mais ça m’intéresserait beaucoup de voir ce que tu écris, et si on peut bosser ensemble… Ecoute, est-ce que tu aurais le temps pour un déjeuner, la semaine prochaine ? Tu peux venir vers nos bureaux, on est près du Chemin de Traverse…
- Oh oui, avec plaisir, faisons ça !
- Super, je t’envoie un hibou lundi pour qu’on se mette d’accord ! Je vais aller me coucher là, je pense, mais j’ai hâte qu’on reparle de tout ça », termina-t-elle en gratifiant Susan d’une simple bise. Lavande s’éloigna, et Susan resta un moment sur place, un peu hébétée. Elle était heureuse de cette potentielle opportunité d’écrire plus… Et un peu embarrassée, aussi – elle avait toujours eu un petit crush sur Lavande Brown, ce n’était un secret pour aucune de ses amies.
« J’ai tout vu », murmura malicieusement Alicia à son oreille, avant d’éclater de rire quand Susan sursauta, portant sa main à son coeur. Le crush de Susan sur Lavande était une blague récurrente entre les deux femmes. « Tu es prête à partir ? Les autres s’en vont aussi, et je pense qu’il est temps que tu ailles dormir », fit remarquer Alicia avec un regard affectueux. Susan lui attrapa le bras et hocha la tête, marmonnant son assentiment. Les deux filles prirent congé d’Hannah et Parvati, et rentrèrent chez elles en transplanant.
Susan se réveilla le lendemain avec les bras d’Alicia autour d’elle, un mal de tête encombrant et un sourire aux lèvres. Elle n’avait pas eu de gueule de bois de cette envergure depuis longtemps, mais l’occasion valait le coup. Il était rare que la bande de copines puisse se réunir ainsi. Et ce d’autant plus que toutes n’étaient pas aussi proches les unes des autre. La colocation entre Parvati et Hannah avait permis de rassembler un petit groupe de sorcières soudées. Si au début, elles partagaient principalement des souvenirs d’école et de la guerre, la relation de Susan avec chacune d’entre elle avait le potentiel de mener à plus, elle en était certaine.
La sorcière se tourna vers Alicia, qui commençait à remuer. Les rayons du soleil qui passaient à travers les rideaux de leur chambre illuminaient sa peau brune, créant ces teintes cuivrées que Susan adorait. Elle déposa de légers baisers sur les épaules de sa compagne, et bientôt les yeux de celle-ci commencèrent à papillonner, jusqu’à s’ouvrir complètement.
« Madame Bones, vous me semblez bien trop réveillée pour quelqu’un qui a tant bu hier... », parvint à articuler Alicia dans un grognement. Susan éclata de rire.
Après un réveil particulièrement agréable, suivi d’une douche commune tout aussi agréable, Susan et Alicia prirent un long brunch. Elles passèrent le reste de la journée entre leur lit et le canapé. Après avoir débriefé les anecdotes et les potins de la soirée de la veille, elles discutèrent de leurs projets pour les fêtes de fin d’année. Décembre commençait le lendemain, et Susan savait qu’Alicia adorait cette période de l’année. Les amoureuses profitèrent largement du reste de leur weekend – c’était la première fois depuis plusieurs semaines qu’elles avaient toutes les deux du temps – et le terminèrent aussi bien qu’elles avaient commencé.
Lavande tint sa promesse et envoya un hibou le dimanche, et les deux sorcières convinrent de se retrouver pour déjeuner le mercredi. La veille du rendez-vous, Susan s’assit à son bureau et ressortit son fameux dossier « Divers » afin de voir s’il y avait des choses qu’elle pouvait montrer à Lavande. Elle retint dix parchemins, et nota quelques idées en plus dans le carnet qu’elle gardait toujours près d’elle.
« Susan ! » L’intéressée se retourna en entendant crier son nom. Quelques mètres plus loin, Lavande lui faisait de grands signes par dessus la foule de Moldus qui se pressaient sur Oxford Street. Lavande lui avait donné rendez-vous dans un quartier moldu, non loin du Chemin de Traverse et des bureaux de Sorcière Hebdo. Susan fendit la foule pour se retrouver face à l’autre sorcière, qui lui adressa un sourire chaleureux. Les deux femmes eurent un moment d’hésitation, ne sachant vraiment comment se saluer, puis Lavande se pencha vers Susan pour une étreinte rapide. « Viens, c’est par là », s’écria-t-elle après l’avoir relâchée.
Elles se frayèrent un chemin au milieu des travailleurs en pause déjeuner et des touristes en plein shopping. Cinq minutes plus tard, elles étaient attablées dans un petit restaurant italien moldu, qui sentait bon l’origan et le fromage fondu. Sur les conseils de Lavande, Susan commanda une pizza aux légumes, tandis que la journaliste hésitait entre des gnocchis au potiron et des penne all’arrabiata.
« Tu viens souvent déjeuner côté moldu ? demanda Susan une fois que le serveur fut reparti avec leurs commandes.
- Oui, quasiment tout le temps à vrai dire ! Enfin, non, en général j’apporte mon propre déjeuner au bureau, il y a une salle où nous pouvons nous retrouver. Mais si je veux manger dehors, je préfère venir côté moldu… Sur le Chemin de traverse, on n’est jamais tranquille, on croise toujours des gens que l’on connaît, avec qui on est obligé de faire la conversation… »
Susan sourit. Elle ne pouvait pas nier que c’était une description fidèle du Chemin de Traverse - c’était particulièrement vrai aux heures de déjeuner.
« … Et puis, continua Lavande, tant qu’un sorcier ou une sorcière italienne n’ouvriront pas de restaurant sur le Chemin, je continuerai à venir chez les Moldus pour manger une bonne pizza ou des vraies pâtes ! »
Cette fois, Susan éclata franchement de rire et acquiesça. Les deux sorcières échangèrent des nouvelles et discutèrent de la soirée du vendredi jusqu’à l’arrivée de leurs plats.
Lavande entra finalement dans le vif du sujet au milieu de ses penne.
« Alors, je crois que Luna t’a parlé de ma nouvelle rubrique chez Sorcière Hebdo…
- Oui, enfin, elle ne m’a pas donné de détails, elle m’a juste dit que ta cheffe essayait de moderniser un peu la ligne du journal pour rajeunir le lectorat, et que vous cherchiez aussi des non-journalistes…
- Oui, c’est un peu ça. Notre nouvelle rédactrice en chef, Gloria Cottin, est américaine. C’est elle qui a dirigé la relance de Nimüe, l’un des plus gros magazines féminins américains, en 1995. Le journal était en perte de vitesse depuis plusieurs années, et a trouvé un nouveau souffle avec sa nouvelle formule…
- Et tes patrons ont fait venir Gloria Cottin pour faire pareil avec Sorcière Hebdo, devina Susan.
- Tout à fait. Je crois que Mrs Envers, notre big boss, l’avait déjà contactée peu après le succès de Nimüe, mais Gloria est sang-mêlée et s’inspire des médias moldus, donc…
- … C’était pas le bon moment avec la guerre, termina Susan avec une grimace.
- Voilà. Et même sans ça, ça aurait été difficile à faire accepter aux actionnaires du journal, qui venaient de « vieilles » familles sorcières. Mais plusieurs d’entre eux ont perdu de l’argent après la déchéance des Mangemorts, continua Lavande avec un sourire féroce, et depuis la composition du CA a pas mal bougé… Et ils ont pu embaucher Gloria. Elle est arrivée l’an dernier, et il se trouve qu’on s’entend très bien. J’avais un peu peur qu’elle soit comme mon ancienne cheffe, Christine, qui franchement était une chieuse prête à écraser tout le monde pour son propre profit. Mais pas du tout ! Elle est très directe, quand on foire elle le dit clairement, mais elle est aussi très juste et de bon conseils, et elle s’intéresse particulièrement aux « jeunes »…
- C’est chouette, tout ça !
- Oui, c’est très agréable de bosser avec elle ! Pour l’instant son arrivée ne s’est pas encore vue, sauf peut-être dans la ligne éditoriale, un peu. Mais – tu gardes ça pour toi – on prépare une nouvelle version du magazine, qui sortira au printemps. Et je vais superviser une des nouvelles rubriques de cette formule, ajouta Lavande avec un petit sourire.
- Félicitations !
- Merci », répondit la sorcière avec un gracieux signe de tête.
Susan se sentir rougir malgré elle. Elle avait toujours admiré sa camarade de Gryffondor. Plus qu’une « simple » beauté, celle-ci dégageait depuis leurs quinze ans une confiance en elle qui l’impressionnait un peu. C’était d’autant plus impressionnant aujourd’hui : Lavande avait été très durement touchée par la guerre, aussi bien physiquement que mentalement, et Susan savait qu’elle avait traversé une période très sombre dans les mois qui avaient suivi la bataille. Mais elle avait tenu bon. La Lavande d’aujourd’hui était tout ce que Susan aurait imaginé pour elle à Poudlard – une lueur triste dans le regard, et quelques cicatrices, qu’elle arborait désormais fièrement, certaines recouvertes de tatouages, en plus. Ce n’était pas une surprise si elle avait obtenu si tôt une promotion importante : Susan savait que Lavande était une excellente journaliste, et elle ferait sans doute une très bonne cheffe de rubrique.
Susan se concentra de nouveau sur ce que racontait Lavande :
« L’idée de cette rubrique est de s’ouvrir à d’autres formats que ceux que nous utilisons habituellement dans Sorcière Hebdo. Donc pas de reportages, d’interview ou d’articles d’actualité. Enfin, il pourra y avoir des reportages, mais il faut que ce soit avec une qualité littéraire en plus. Gloria aime beaucoup la non-fiction, c’est un genre qui est très populaire chez les moldus…
- Oui, je vois ce que c’est. Le Chicaneur en fait déjà un peu, non ?
- Oui, tout à fait ! Honnêtement, Le Chicaneur s’en sort bien mieux que nous actuellement, et depuis que l’équipe a été rajeunie on est à peu près sûres que certaines de nos lectrices se tournent vers là… Enfin bon, donc cette rubrique n’a pas encore de nom, on y réfléchit, mais je serai en charge. On n’y publiera pas d’articles factuels, ni de fiction pure et dure, mais ça peut être tout ce qui tombe entre les deux : des essais, des enquêtes un peu longues et incarnées, des articles d’opinion, des récits de voyage, des journaux « intimes », des témoignages… On n’est pas les seules à avoir l’idée, je suis à peu près sûre que Lee veut introduire le même types de textes dans sa revue. Mais ce n’est pas grave, on n’a pas tout à fait la même ligne éditoriale, ni le même public…
- Et donc, ce serait quoi ta ligne ?
- Moi, ce que je veux, c’est donner la parole aux sorcières, déclara Lavande avec passion, une étincelle dans les yeux. Dans nos médias, l’opinion est encore trop dictée par des vieux sorciers plein de privilèges, qui se sont à peine mouillés pendant la guerre et qui ne voient pas que notre société avance. Même chez Sorcière Hebdo, jusqu’à récemment nos actionnaires étaient tous des vieux sang-pur et des femmes complices qui voulaient dicter ce que devait être une « bonne » sorcière… Honnêtement, je m’y suis laissée prendre aussi, j’ai passé mon adolescence à essayer de me conformer à ce que je pensais qu’on attendait de moi. Mais on n’est plus des ados, on a traversé des choses que tous ces gens n’imaginent même pas, et j’ai envie qu’on donne d’autres exemples aux futurs jeunes sorcières – et sorciers, s’ils sont prêts à les entendre. Donc l’idée, c’est que tout ces types de textes dont je te parlais, on en publiera un par semaine, peut-être plus si ça marche, et pour l’instant j’ai prévu de faire écrire des femmes en priorité – on ne le dit pas comme ça aux chefs, mais Gloria est d’accord. J’ai envie que ce soit un lieu de partage d’expériences, d’émotions… Que des sorcières de tout âge, tout horizon nous racontent comment elles voient le monde, les expériences qu’elles vivent, et tout ça sans le filtre du journaliste qui retranscrit leur témoignage – même si c’est aussi important d’en avoir. Qu’est-ce que tu en penses ?
- C’est… C’est une idée fantastique », répondit Susan en s’éclaircissant la gorge.
Elle était un peu émue par les propos de Lavande et la passion qui se dégageait d’elle. Celle-ci ne parut pas s’en formaliser, et lui répondit par un grand sourire.
« Tu as apporté des textes, non ? Tu veux me montrer ?
- Euh, oui, oui… Mais par contre ce n’est rien de construit, je ne suis pas du tout sûre d’avoir le niveau pour un tel projet… C’est juste que… Euh, je fais pas mal d’écriture automatique en ce moment, je me suis mise un peu à… Exorciser ? Certains moments, certaines angoisses… Donc bon, ce n’est pas très joyeux, mais voilà… »
Rougissant de plus belle, Susan se pencha vers son sac pour attraper le dossier de parchemin, qu’elle tendit à Lavande. Celle-ci souriait toujours, et commença à parcourir les parchemins, les sourcils froncés et l’air concentré. Susan, un peu gênée comme toujours quand quelqu’un lisait sa prose devant elle, bredouilla une excuse et se leva pour aller aux toilettes.
Elle revint cinq minutes plus tard, et trouva Lavande toujours en pleine lecture. Elle avait réparti les parchemins en deux piles, et celui sur lequel elle était penchée était le dernier du dossier.
Susan se rassit lentement. Un serveur avait dû passer, leurs assiettes avaient été débarrassées et la carte des desserts se trouvait désormais devant elle. Elle l’ouvrit pour s’occuper pendant que Lavande finissait sa lecture. Elle se décida pour une mousse aux trois chocolats qui lui donnait très envie.
« Oh, il y a des desserts ? Je vais me laisser tenter je pense ! », annonça Lavande d’un air satisfait après avoir reposé le dernier parchemin sur la pile de gauche. Le serveur – Steve, indiquait son badge – réapparut et les deux sorcières commandèrent leur dessert. Susan prit une grande inspiration et releva timidement les yeux vers Lavande. Celle-ci la regardait avec un sourire enthousiaste, les mains croisées devant elle sur la table.
« Susan Bones, je sens que nous allons faire de belles choses toutes les deux ! »
Quand elle rentra chez elle dans l’après-midi, Susan trouva la chouette du club d’Alicia qui l’attendait sur le rebord de la fenêtre de la cuisine. Elfrida était une chouette hulotte qui, avec son frère Wronski, servait aux joueurs et joueuses du club à communiquer avec leurs proches ou avec l’extérieur.
Susan ouvrit la fenêtre et laissa la chouette atterrir sur la table de la cuisine. Elle prit quelques biscuits dans la boîte de Miamhibou de sa propre chouette, et les apporta à Elfrida. Celle-ci se laissa caresser un moment, avant de se détourner avec impatience pour se concentrer sur ses friandises, abandonnant son chargement.
Ce n’était pas un morceau de parchemin, comme Susan l’avait d’abord cru, mais un bout de tissu qui ressemblait beaucoup aux chiffons qu’Alicia utilisait pour entretenir son balai. Susan le déplia : sur le tissu en question s’étalaient quelques mots. Les lettres étaient plus maladroites que d’habitudes, et l’encre avait un peu bavé, mais il s’agissait bien de l’écriture reconnaissable de son amoureuse.
« Rupture parchemin. Réunion tard. Ne m’attends pas dîner. »
Susan éclata de rire ; le secrétaire du club, Ivan, était un sorcier efficace dans les situations de crise, et excellent en comptabilité. Il suivait précisément les demandes de matériel, le calendrier du club et le courrier des coachs. Mais il oubliait fréquemment de commander des fournitures pour son propre bureau. Toutefois, c’était d’habitude plutôt de l’encre qui manquait : Susan avait ainsi déjà reçu des messages d’Alicia écrits au rouge à lèvres ou au crayon pour les yeux. Une rupture de parchemin était une grande première, mais elle devait avouer qu’Alicia avait fait preuve d’inventivité.
Susan posa le bout de chiffon dans le panier à courrier, vérifia que les chouettes se portaient bien, et se prépara une tasse de thé. Elle alla ensuite dans le salon, et s’assit dans son sofa préféré – un confortable meuble jaune moutarde qu’elle avait placé à côté de la fenêtre. Juste au-dessus, des petites étagères supportaient des plantes grasses et une plante grimpante. C’était son « coin Poufsouffle », selon Hannah et Alicia.
Elle laissa son regard dériver vers l’extérieur. Dans la rue, les passants vaquaient à leurs occupations. Deux enfants semblaient se courir après, tandis qu’une vieille dame noire promenait un tout petit chien engoncé dans un « vêtement » violet, assorti au tailleur de sa maîtresse.
Susan but une gorgée de sa tasse, et repensa à son déjeuner avec Lavande. Elle avait été soulagée de la voir si enthousiaste après la lecture de ses textes, il fallait l’avouer. Le projet avait l’air passionnant, et Susan trouvait formidable qu’un hebdomadaire si influent auprès des sorcières de tout âge fasse des efforts dans une direction plus responsable que celle qu’il avait suivi jusque là. Elle se souvenait encore des ragots que Sorcière Hebdo rapportait lorsqu’elle était à Poudlard, et que ses amies dévoraient au petit déjeuner. Sa tante Amelia lui avait toujours dit de se méfier de certains journalistes – et de multiplier ses sources d'information. Mais tout le monde n’avait pas la chance d’avoir la grande Amelia Bones comme tante… Et certaines de ses camarades avalaient tout cru ce que leur racontait Sorcière ou La Gazette. Voldemort et ses partisans l’avaient très bien compris, d’ailleurs.
Elle pensa à Amelia – celle-ci aurait-elle été fière que sa nièce participe à une telle initiative ? Sûrement. Elle pensait souvent à elle dans tout ce qu’elle faisait, en particulier dans son écriture, et il en serait de même pour cette rubrique.
Lavande s’était montrée très intéressée par les textes écrits après certains rêves, et par ceux qui exploraient les sensations et les traumatismes liés à ses souvenirs de la guerre.
« On a beaucoup parlé des conséquences matérielles et politiques de la guerre, et même des blessures physiques – je suis bien placée pour le savoir. Mais tout cela commence à cicatriser, et on ne parle que très peu de ce qui cicatrise plus lentement. Les traces mentales, les trauma, les peurs et les angoisses qui restent ancrées en nous… Nous avions 18 ans, Susan, que dis-je, 16 ou 17 pour certains, et nous nous sommes retrouvés en première ligne d’une guerre que nous n’avions pas choisie. C’est aussi pour ça que je veux donner la parole à notre génération. Nous avons aussi des choses à dire sur le passé. Nous avons des choses à dire sur la santé mentale – le monde sorcier a besoin de se préoccuper de sa santé mentale. »
Les quatre parchemins qu’elle avait déposés sur la pile de droite était des récits à la première personne, dans lesquels Susan évoquait le poids de ses angoisses et de ses souvenirs dans sa vie quotidienne. Lavande les jugeait déjà bien abouti et souhaitait les emmener avec elle pour les faire lire à sa cheffe. Elle enverrait ensuite des suggestions potentielles à Susan par hibou.
La pile de gauche était constituée d’autres textes, parfois plus courts, parfois non.
« Il y a là des choses très intéressantes… J’aime beaucoup ce que tu écris sur le fait d’être une adolescente lesbienne à Poudlard, par exemple. Mais je pense que tu peux retravailler tout ça, les rendre plus consistants, plus précis... Essaye de voir ce que tu peux en faire, et renvoie-les moi. Si tu en as d’autres également, bien sûr ! »
Lavande lui avait également proposé de faire comme les journalistes, en lui envoyant des synopsis des sujets sur lesquels elle pensait écrire, que la cheffe de rubrique validerait, afin d’être sûres que Susan « ne travaille pas pour rien ».
Son ancienne camarade d'école e semblait en tout cas intéressée par des témoignages ou des essais personnels. Susan estimait avoir beaucoup à apprendre sur ce format, mais elle était très enthousiasmée par le projet. En sortant du restaurant, Lavande l’accompagna d’ailleurs dans une librairie moldue et lui montra quelques revues qui publiaient « des textes intéressants qui ont inspiré Gloria ». Susan en acheta trois.
La jeune femme se leva ; sa tasse était vide. Elle alla la remplir puis retourna s’asseoir dans son fauteuil. D’un « Accio » rapide, elle attira son sac à elle, en sortit la première revue et commença sa lecture.
End Notes:
J'espère que les réflexions de Lavande et Susan sur les médias sorciers vous ont intéressé-e-s ! Moi en tout cas, ça me passionne, j'y ai mis pas mal de choses inspirées de mes propres idées et expériences et de l'évolution des médias moldus ces dernières décennies ;)
Le nom du magazine féminin américain dont vient Gloria Cottin, Nimuë, est une référence à l'un des nombreux noms de Viviane, la Dame du Lac. J'ai emprunté le prénom "Gloria" à la journaliste et activiste féministe Gloria Steinem, co-fondatrice du magazine Ms. avec notamment Letty Cottin Pogrebin, dont j'ai utilisé le nom de famille.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le genre de la "non-fiction", je vous conseille de commencer par la page Wikipédia (en Anglais).
J'ai aussi envie de développer certaines choses sur la relation entre Susan et sa tante Amélia. J'imagine celle-ci lesbienne également, et j'ai pensé à une rencontre entre Susan et l'amoureuse de sa tante, après la guerre. N'hésitez pas à me dire si ça vous intéresse !
J'essaye de publier le prochain chapitre très bientôt, j'espère que celui-ci vous a plu. Merci d'avoir lu ! :)
Author's Notes:
Voici le dernier chapitre de cette histoire, j'espère qu'il vous plaira ! Merci mille fois aux revieweurs et revieweuses des précédents chapitres, vos retours font chaud au coeur !
Des pensées pour Selket, pour qui j'ai écrit cette fanfiction ♥ On retrouve dans ce chapitre son auberge, ou plutôt l'auberge de Dean qu'elle a créée dans ses fanfictions :)
Pour terminer : il est question de la fin d'année, d'écriture, de traumas de guerre, de famille, d'une fête sans masque avec plein d'ami-e-s (#lemondedavant) et de beaucoup, beaucoup d'amour. Warning : nostalgiques des fêtes et allergiques au fluff, s'abstenir de lire la fin !
Encore mille fois merci à Ella C., qui a relu ce dernier chapitre avec un enthousiasme qui fait chaud au coeur, et dont les messages me donnent des ailes ! :)
L'univers et les personnages appartiennent à la créatrice de Harry Potter."A great big hill of hope" est une référence à la chanson de 4 Non Blondes, What's up, qui correspond plutôt bien au ton de cette histoire.
La fin d'année approchait à grand pas. Alicia se préparait à prendre ses nouvelles fonctions – le changement de poste officiel ne se ferait qu’en janvier – et commençait en même temps à ralentir ses activités de briseuse de sort. Elle avait continué en indépendante, tant que le Quidditch ne lui assurait pas un revenu suffisant et lui laissait un peu de temps. En devenant capitaine adjointe, elle obtiendrait une augmentation conséquente, et elle avait intérêt à se concentrer sur le Quidditch si elle voulait pouvoir rejoindre une équipe de première division.
Susan, de son côté, était très prise par son travail d’écrivaine publique. Il était fréquent qu’elle reste plus longtemps que d'habitude au bureau, ou qu’elle s'y rende hors des heures prévues. Heureusement, sa cheffe était très honnête et notait scrupuleusement ses heures supplémentaires.
Dès qu'elle avait du temps, elle écrivait, beaucoup. Lavande lui avait renvoyé, une semaine après leur entrevue, deux parchemins avec des notes et des suggestions. Elle avait fait les corrections demandées rapidement, et s’était ensuite penchée sur les textes à réécrire. Ce travail lui plaisait, il la sortait un peu de sa zone de confort.
Elle avait pris ses habitudes après bientôt deux ans ans à travailler pour Mon premier grimoire, et les récits qu’elle inventait pour Le Chicaneur lui venaient plutôt facilement, inspirés par ses observations des gens autour d’elle ou par les reportages du magazine. Mais son travail pour Sorcière Hebdo était différent de ses fictions. Gloria et Lavande lui faisaient travailler précisément la forme, et Susan sentait bien que les longues phrases de description dont elle était coutumière n’avaient pas leur place ici. Elle s’habituait peu à peu à faire des phrases plus brèves, à aller droit au but – elle aimait beaucoup ça. Surtout, les thèmes sur lesquels elle travaillait l’obligeaient à se concentrer sur ses émotions, ses souvenirs, à plonger au plus profond d’elle-même. Tout ceci la laissait parfois épuisée.
Elle parlait beaucoup avec Lavande. Des textes en eux-même, bien sûr, mais aussi de tout ce qu’il y avait autour. Lavande s’était confiée sur la grande dépression dans laquelle elle avait plongé après la Bataille de Poudlard. A son réveil, plusieurs semaines après les blessures infligées par Greyback, elle avait appris la mort de ses parents, tués dans un attentat effectué par des Mangemorts en fuite.
« J’étais au fond du trou, Susan, je n’aurais jamais imaginé que je pourrais sombrer à ce point. Il m’a fallu des années pour en sortir.
- Et… Tu vas mieux, aujourd’hui ?
- Oui. Honnêtement, je n’en suis pas encore complètement remise, je pense que je ne le serai jamais vraiment… Mais je vais mieux. Seamus et Parvati, Dean aussi un peu, m’ont beaucoup aidé. Le travail m’a donné un but. Mais je ne serais rien sans ma psychomage. Elle a été formidable, elle m’a permis de mettre des mots précis sur ce que je ressentais, et d’avancer au-delà. Grâce à elle, j’ai pu puiser en moi-même une force que je ne soupçonnais pas.
- J’ai vu un psychomage, après la guerre… lui avait raconté Susan. On en a tous vus, je crois, dans les semaines qui ont suivi la bataille. Mais honnêtement, je crois que c’était surtout dans l’urgence. On sentait qu’ils voulaient nous aider, mais le ministère n’avait prévu que deux ou trois séances par personne, et il y avait tellement de choses à faire… J’ai obtenu une potion de sommeil sans rêves, et puis j’ai juste oublié d’aller le voir.
- Cela ne m’étonne pas… Beaucoup de gens s’imaginent que le but d’une consultation avec un psychomage est de recevoir les bonnes potions – ce n’est pas un jugement, c’est ce qu’on nous apprend. Mais les potions doivent s’accompagner d’une vraie thérapie, sinon ça ne sert à rien. Pire, ça peut créer des dépendances qui seront encore plus dures à résoudre. Mais dans l'urgence dans laquelle nous étions, avec tant de gens à soigner, tant de choses à reconstruire… Les soins mentaux sont passés au second plan.
- Tu penses qu’il est trop tard ?
- Non, je ne pense pas. Je pense qu’il n’est jamais trop tard. Déjà, la solidarité que je vois entre nous, notre promotion, les gens de l’AD, les résistants et résistantes… C’est génial, et ça apporte beaucoup. Mais notre société dans son ensemble a besoin d’avoir une réflexion sur la santé mentale. On a traversé trois guerres civiles en soixante ans, putain ! »
Après l’une de ces discussions avec Lavande, Susan avait entrepris des démarches pour trouver un ou une psychomage. Alicia l’y avait encouragée – elle-même était suivie par un médecin du club qui l’avait beaucoup aidée. Susan avait d’abord consulté le médicomage de la famille Bones, Stanislas Oborinov. C’était un sorcier un peu vieux jeu, gentil au demeurant, mais qui avait cru que sa patiente avait besoin de nouvelles potions.
Sur les conseils de Parvati Patil, qui était passée par là, Susan s’était rendue à Sainte-Mangouste. Un nouveau service, ouvert à tous, venait d'être créé. La plupart des médicomages, psychomages et infirmières qui y travaillaient étaient jeunes, certains avaient connu la guerre, d’autres avaient été recrutés hors d’Angleterre. Après des rendez-vous préliminaires, Susan fut orientée vers la section qui s’occupait spécifiquement des traumatismes de guerre. Elle avait rendez-vous en janvier avec la Dr Kumar, une sorcière d’origine indienne qui avait étudié au Japon et au Canada.
* * *
Les fêtes n'étaient plus très loin. Le Chemin de Traverse s’était déjà paré de décorations de Noël toutes plus kitsch les unes que les autres. Le mardi précédent, Alicia avait pris une journée de congé et était venue chercher Susan après le travail ; les deux sorcières avaient entamé leurs achats de cadeaux. Susan avait trouvé des présents pour ses parents – deux places pour un spectacle de théâtre au Merlin Palladium – et s’était ensuite concentrée sur ce qu'elle allait offrir à ses amis proches. Les deux femmes participaient également à un échange de cadeaux organisé par Neville et Seamus ; chacune s’était vue attribuer l’un de leurs amis, et les présents seraient offerts lors d’une fête qui avait lieu à l’auberge de Dean Thomas pour le 31 décembre. Susan, par hasard, devait faire un cadeau à Lavande. Elle prévoyait de lui offrir un roman et un récit de voyage, écrits par une autrice qu’elle appréciait beaucoup.
Le dernier vendredi avant Noël, à treize heures pétantes, Susan posa sa plume et rangea son bureau d’un coup de baguette. Elle était en vacances, enfin. Elle ne travaillait pas pendant les deux semaines suivantes, et Alicia non plus. Elle avait prévu d’écrire, de visiter sa famille, de sortir avec ses amis, et de se goinfrer de bonnes choses.
Elle annonça à ses collègues qu’elle s’en allait, et agrafa sa cape. Sa cheffe sortit alors du bureau : « Ah Susan, très bien, je venais te dire que tu pouvais y aller ! Toi aussi, Douglas. Profitez de votre après-midi et des vacances à venir, on ferme le bureau jusqu’au 2 janvier !
- Super, merci Elvira ! », s’exclama Douglas, se dépêchant de ranger ses affaires à son tour. Dans son empressement, il fit tomber son pot d’encre, faisant rire leur collègue Margaret et la sorcière qu'elle était en train d'aider. Susan s'esclaffa à son tour.
« Bon, joyeux Noël tout le monde ! A dans deux semaines ! » Et elle s’en alla sous les « salut Susan ! » de ses collègues.
Susan passa le week-end à terminer ses achats de Noël, et à cuisiner. Elle prépara trois fournées de biscuits, une pour chacun des repas où elle était conviée. Elle passait le réveillon chez ses parents, avec Alicia. Sa grand-mère maternelle serait également présente, ainsi que la sœur de sa mère et ses deux enfants, âgés de sept et dix ans. Le lendemain, Alicia et Susan étaient invitées chez la famille Spinnet, où une bonne partie des cousins et cousines d’Alicia seraient présents avec leur famille. C’était le premier Noël que les deux filles passaient complètement ensemble.
Susan appréhendait un peu le repas chez ses parents. Certes, sa famille appréciait Alicia, et même sa grand-mère, après s’être fait à l’idée que sa petite-fille n’aimait pas les hommes, s’était détendue en sa présence. Mais son père s’était beaucoup renfermé après la mort de sa petite sœur, Amelia, pendant la guerre, et les fêtes ne manquaient pas de rappeler à Oscar que, Susan mise à part, il était le dernier des Bones. Heureusement, Susan aimait beaucoup sa tante Emily et ses cousins, et elle espérait que la présence de deux enfants apporterait un peu de gaieté au dîner.
Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre concernant le déjeuner avec la famille d’Alicia, mais elle s’entendait très bien avec sa mère, et avec les cousines de son amoureuse qu’elle avait déjà rencontrées ; elle espérait que tout le reste de la famille l’apprécierait.
Une fois les réunions familiales passées, Susan se rendrait chez Justin pour sa partie préférée des fêtes : le Noël entre amis. C’était devenu une tradition de leur petite bande de Poufsouffle, depuis la quatrième année à Poudlard. Susan, Hannah, Megan, Ernie, et Justin se retrouvaient chaque année, soit le 25 au soir, soit dans les jours qui suivaient, pour fêter Noël à leur manière. Au fil du temps, d’autres personnes étaient venues rejoindre le groupe : Parvati y avait assisté deux fois depuis qu’elle vivait avec Hannah, et le copain de Justin, Thomas, venait depuis maintenant trois ans. Ernie avait plusieurs fois invité son cousin, Herbert, et Leïla accompagnait Megan une fois sur deux. Cette année, deux nouvelles personnes y participaient : Alicia, bien sûr, et Neville Londubat, amené par Hannah. Enfin, Ernie leur avait annoncé deux semaines plus tôt qu’il avait récemment repris contact avec Wayne Hopkins, un Poufsouffle de leur année. Les cinq amis n’avaient pas gardé de lien durable avec lui, mais Susan le croisait parfois à de grandes fêtes de famille ; il était un cousin au troisième degré, du côté des Bones. Ernie lui avait proposé de passer prendre un verre dans la soirée, après ses propres obligations.
Ce premier Noël ensemble pour Susan et Alicia fut réussi. Le dîner chez les Bones était excellent, les deux enfants régalèrent la tablée d'histoires drôles, et Susan et Alicia racontèrent avec plaisir leurs nouveaux emplois respectifs. Le lendemain fut très joyeux, et Susan s’entendit très bien avec deux des cousins d’Alicia, Katia et Lawrence, qui suivaient ses histoires dans Le Chicaneur.
Quant à la soirée du 25, elle fut aussi enthousiasmante que Susan l’avait imaginée. Hannah, Neville, Megan - sans Leïla -, Justin, Thomas, Ernie et Herbert étaient présents. Wayne les rejoignit bel et bien en fin de soirée, accompagné de sa sœur, Delilah, de trois ans plus jeune que lui. Celle-ci plut beaucoup aux deux cousins MacMillan. Susan et Hannah ne manquèrent pas d’observer en riant la manière dont leurs deux amis rivalisaient dans leurs attentions envers la nouvelle invitée. Mais Alicia fit plus tard remarquer à Susan que Delilah avait semblé fascinée par Megan.
Pour continuer les vacances, Susan et Alicia allèrent passer quelques jours chez la grand-mère de cette dernière, qui vivait dans un petit cottage dans la région des lacs. Mrs Spinnett était une vieille dame énergique, qui ne s’était jamais vraiment départie de son accent de Louisiane. Veuve très jeune, elle avait rejoint son fils aîné en Angleterre peu avant la naissance d’Alicia. Elle avait deux filles cadettes, qui vivaient en France pour l’une, et au Canada pour la plus jeune.
Chez Donna Spinnet, Alicia et Susan passèrent le plus clair de leur temps à dormir, préparer des gâteaux en compagnie de leur hôte, et faire de longues balades dans la campagne. Tous les jours, Alicia s’entraînait pendant près de deux heures. Susan l’aidait parfois, en lui lançant des balles ou en se postant là où sa copine le lui demandait. Le plus souvent elle restait lire ou papoter avec Donna. Celle-ci la questionnait sur sa famille, ses amis, et sa vie avant et après Poudlard. Susan répondait de bon coeur. Elle se débrouillait toutefois pour éviter les réponses touchant de trop près à la guerre.
Toute bonne chose a une fin, et celle des vacances à la campagne arriva. Les deux jeunes femmes rentrèrent à Londres après avoir promis à Donna de revenir bientôt.
* * *
On était le dernier jour de l’année 2003. Il était tôt, et Susan et se leva en prenant soin de ne pas réveiller Alicia, entortillée dans la couette dans une position dont elle seule avait le secret.
La jeune femme se rendit dans la cuisine, prépara une cafetière, un bol de céréales, et se posta à la fenêtre en attendant que son café finisse de chauffer. Il faisait beau, dehors, une de ces journées d’hiver où l’air est froid et la vue du ciel bleu réchauffe davantage que les rayons du soleil. « C’est une belle journée pour terminer l’année », pensa Susan, avant de rire légèrement. Parfois, elle pensait comme une héroïne de roman.
Dehors, la ronde des livraisons matinales avait déjà commencé, et elle vit la vieille dame aux longs cheveux qui habitait l’immeuble d’à côté marcher à petits pas, son cadis devant elle – elle revenait sans doute du marché. Sur le trottoir d’en face, un homme d’une quarantaine d’années et une petite fille sautillante, qu’elle croisait souvent dans le square voisin, marchaient dans la direction opposée. Un taxi klaxonna quand un camion tourna le coin de la rue un peu trop vite. La vieille dame sursauta, et la fillette se tourna vers l’homme qui l’accompagnait – son père, sans doute – avec de grands gestes.
Susan sourit. Elle aimait regarder l’agitation de la rue depuis son perchoir du sixième étage. Elle appréciait particulièrement les matins de fin d’année comme celui-ci. C’était une journée normale, dont l’activité contrastait avec le calme des rues le lendemain, le premier jour de l’année. L’air vibrait d’une certaine excitation ; peut-être était-ce juste celle de Susan, à l’idée de faire la fête avec ses amis, de commencer une nouvelle année, qu’elle projetait autour d'elle. Mais peut-être était-ce quelque chose de plus, comme si le monde avait conscience que l’année se terminait, qu’une autre allait recommencer, mais qu’il fallait profiter de ces dernières heures.
Alors Susan profita. Elle récupéra sans bruit l’un des textes sur lesquels elle travaillait, qu’elle avait laissé sur son bureau dans la chambre. Ce n’était pas une commande de journal, mais une ébauche de roman. Elle avait commencé à travailler dessus chez Donna Spinnet, inspirée par ses lectures et ses longues balades dans la campagne. Elle ne savait pas encore tout à fait ce qu’elle voulait raconter. Elle avait des images, des idées en tête. Elle voulait les mettre sur parchemin le plus vite possible.
Elle s’assit à la table de la cuisine, son café et ses céréales à côté d’elle, et commença à écrire. Elle travailla ainsi pendant près d’une heure et demie, s’arrêtant parfois pour reprendre du café ou un jus de citrouille, ou simplement pour observer la rue. Elle posa sa plume quand elle sentit une douleur dans sa main. Il était 9 heures passées, et elle n’entendait aucun bruit de la chambre. Alicia dormait toujours ?
Elle alla vérifier. Sa compagne avait profité de son absence pour s’enrouler complètement dans la couette, et elle était désormais allongée à l’horizontal, en travers du lit. Susan sourit. Elle ne tarderait pas à se réveiller, probablement une fois qu’elle serait tout à fait retournée.
La sorcière s’habilla rapidement, sans bruit, attrapa un sac et son porte-monnaie moldu, et descendit ses six étages rapidement. Sortant de l’immeuble, elle se dirigea vers la petite pâtisserie qui se trouvait trois rues plus loin. Elle y acheta deux muffins, et une énorme part de carrot cake – le préféré d’Alicia. Elle passa ensuite chez l’épicier, acheta des œufs, et remonta à l’appartement. Avant qu’elles ne partent, Donna leur avait offert un énorme panier de légumes de son jardin, et trois bouteilles d’un jus de citrouille que fabriquait son voisin, un agriculteur qui, Alicia en était persuadée, en pinçait pour sa grand-mère.
Alicia se réveilla un peu avant dix heures, sans doute attirée par l’odeur des œufs et des muffins grillés qui se dégageait de la cuisine. Elle débarqua dans la cuisine, se frottant les yeux, les pas encore engourdis par le sommeil. Un grand sourire vint illuminer son visage quand son regard se posa sur la table pleine d’une énorme petit déjeuner, préparé par Susan.
« Tu es ma personne préférée, Susie », déclara Alicia avec emphase en s’asseyant à table. La cuisinière rougit. Elle allait écarter la remarque d’une boutade, mais en décida autrement. « Toi aussi, tu es ma personne préférée, Ali », répondit-elle en gratifiant sa compagne d’un regard intense. Celle-ci sursauta, parut se rendre compte de ce qu’elles venaient d'énoncer, et détourna le regard de ses œufs pour croiser celui de Susan.
Le moment ne dura que quelques instants, mais Susan sentit son coeur battre à tout rompre – Alicia comprenait-elle ce qu’elle voulait dire ? Ressentait-elle la même chose ? Celle-ci se leva, doucement, fit le tour de la table, s’agenouilla à côté de Susan, attrapa son visage entre deux mains douces, et l’embrassa avec une telle tendresse, un tel amour, que la jeune femme crut que son coeur allait exploser. Alicia mit fin au baiser rapidement, retourna s’asseoir, et si elle ne sentait pas encore son baiser sur ses lèvres, Susan aurait pu croire qu’elle avait imaginé cet instant. Un silence légèrement gêné, mais très amoureux, présida au début de leur festin.
L’année se terminait bien, en effet.
Elle se termina encore mieux avec la douche commune qui suivit, puis avec les quelques heures que les deux femmes passèrent ensemble dans le lit, puis sur le canapé, puis dans le lit à nouveau. Elles finirent par se séparer, et se mettre « au travail », c’est à dire aux fourneaux. Elles s’étaient engagées à préparer des feuilletés à la citrouille pour l’une, un gâteau au chocolat pour l’autre, et il était plus que temps de commencer. D’autant qu’il leur fallait encore se préparer, puis transplaner dans le Yorkshire sans lâcher leurs plats.
** * *
Il était 21 h 30 quand Alicia et Susan sonnèrent à la porte de l’auberge de Dean.
Le maître des lieux leur ouvrit la porte, un grand sourire aux lèvres :
« Salut les filles ! Bienvenue, bienvenue, entrez ! Faites comme chez vous... »
Les deux jeunes femmes remercièrent leur hôte, qui attrapa gentiment leurs capes et leurs sacs. Susan prit quelques plats des mains d’Alicia, et toutes deux s’avancèrent dans l’auberge.
La fête battait déjà son plein. La salle principale de l’auberge avait été transformée en salle des fêtes, une piste de danse au milieu. Le bar débordait de bouteilles de toutes formes et couleurs, et quelques plats avaient déjà été entamés. Elles se dirigèrent d’abord par là, pour y déposer leur contribution et se retournèrent pour observer la pièce.
Il y avait là une quarantaine de personnes, en grande majorité des anciens et anciennes de l’Armée de Dumbledore, et pour le reste des camarades de Poudlard des trois hôtes – une majorité de Gryffondor, donc. Il y avait aussi quelques visages que Susan ne reconnaissait pas, sans doute des personnes qui accompagnaient quelqu’un.
Des sorciers discutaient près du bar – Susan aperçut Lee Jordan qui leur fit un signe de la main -, d’autres étaient postés près des fenêtres – elle vit Leila et Terry Boot qui se partageaient une pipe dégageant une fumée multicolore. Un petit groupe, mais pas les moins énergiques, se déhanchait déjà sur la piste. Elle identifia Ginny, Parvati et Hannah au milieu. Enfin, les garçons avaient descendus les deux sofas de leur salon, pour reformer un petit espace plus calme de l’autre côté de la pièce, près du mur coloré que Susan aimait tant regarder quand elle venait. La pièce lui paraissait différente – ils avaient dû l’agrandir pour l’occasion.
Elle prit une grande inspiration, et souffla : « Il y a du monde... » Alicia lui serra la main, en signe de réconfort – Susan n’avait même pas remarqué qu’elle l’avait attrapée. Sa compagne le savait bien : Susan avait beau être une personne avenante, qui aimait passer du temps avec ses amis et adorait faire la fête, il lui fallait toujours un petit temps d’adaptation. Les situations sociales en larges groupes la rendaient un peu anxieuse, et elle sentait d’ailleurs que son rythme cardiaque s’accélérait. Elle serra en retour la main d’Alicia, et celle-ci comprit.
« Tout va bien se passer, mon amour. Ce sont tes amis, les gens que tu connais et que tu aimes, et on est là pour passer un bon moment.
- Oui…
- On va commencer par se servir deux verres de… Hmm… Tiens, il y a de l’hydromel ouvert, je parierais même que c’est celui de Madame Rosmerta, ça te dit ?
- Oui, très bien, merci !
- On va prendre ces verres, continua Alicia en servant deux généreuses portions, et on va commencer par aller se poser un peu sur les canapés. Tiens, regarde, il y a Ernie ! »
En effet, alors que les deux femmes s’éloignaient de la piste de danse, et que Susan sentait son souffle reprendre un rythme normal, elle vit Ernie qui lui faisait de grands signes. Il était assis sur les canapés, visiblement en pleine discussion avec son cousin Herbert, Luna – Susan se détendit en peu plus en la voyant – et Harry Potter. Celui-ci leur adressa un sourire, et se leva pour étreindre Alicia.
« Alicia ! Ça fait longtemps ! Ginny m’a dit que tu avais eu une promotion, félicitations ! Et salut Susan ! », ajouta-t-il avec un sourire chaleureux, auquel Susan répondit avant de s’asseoir entre Luna et Ernie.
« Ha, ha, les nouvelles vont vite, mais oui, en effet ! Merci beaucoup ! », répondit Alicia, en s’asseyant à son tour entre Harry et Herbert. Ce dernier embraya aussitôt en lui posant des questions sur son club, et bientôt une discussion animée sur la saison de Quidditch occupa le petit groupe. Susan prit quelques gorgées d’hydromel, se renfonça un peu dans le canapé, et se laissa porter par la conversation. Elle n’intervenait qu’occasionnellement, pour rire à une question de Luna ou renchérir sur une remarque d’Alicia, mais cela lui convenait. Elle sentait qu’elle se détendait peu à peu, entourée de gens qu’elle appréciait.
Elle resta un moment sur le canapé, participant parfois à la discussion, saluant ses amis qui passaient ou s’amusant à observer les gens autour d’elle. A côté, Harry tentait d’expliquer à Ernie et Herbert ce qu’étaient une télévision et un jeu vidéo, avec les commentaires décalés de Luna. Alicia les avait quittés pour la piste de danse, après s’être assurée que Susan se sentait bien. Elle fut bientôt remplacée par Justin, qui vint en aide à Harry dans ses explications – il avait l’habitude des multiples questions d’Ernie. Celui-ci parut finalement accepter que la télévision était « comme un cinéma, mais ça tient dans ton salon et il y a plusieurs choix de programmes à regarder ». Susan se leva finalement pour se resservir un verre alors qu’Ernie demandait : « Un programme ? Quoi, comme un agenda ? »
Elle arriva près du bar en même temps que Megan, qui paraissait très joyeuse.
« Susie ! Ma petite Susie ! s’exclama son amie en la serrant dans ses bras avec vigueur. Je suis tellement contente de te voir, ça fait longteeemps !
- Oui, ça fait une semaine, Megan, répondit Susan en riant.
- Oui mais c’est LONG une semaine, tu te rends compte ? Alors imagine quand je pars trois mois ! Vous me manquez tellement quand je suis là-bas…
- Mais tu aimes aller en France, et voyager sur le continent… Tu ne pourrais pas rester ici constamment ?
- C’est vrai… C’est vrai, tu as raison », répondit Megan, les yeux légèrement dans le vague. Elle se concentra et focalisa de nouveau son attention sur son amie. « Tu as raison, car tu es très in-tel-li-gen-te, Susie Susannah Suuue… C’est le génie lesbien, ça ! » Susan éclata de rire.
Se sentant encore plus détendue, Susan se servit un verre de whisky-pur-feu, l’avala rapidement sous le rire enthousiaste de Megan, et se laissa entraîner par son amie sur la piste de danse. Justin et Hannah s'y livraient à un numéro de « danse » que leurs parents auraient sûrement désapprouvé. Alicia se trouvait là également, et l’attrapa par la taille pour l’emmener dans une étreinte endiablée. Les heures qui suivirent passèrent en un clin d’oeil. Susan adorait danser, même s’il lui fallait toujours un peu de temps pour s’y mettre. Elle aimait d’autant plus danser en compagnie de ses amis, dans un cadre aussi familier et chaleureux. Dans ces moments-là, tout lui paraissait possible.
Elle s’arrêtait parfois de danser pour observer ces gens qu’elle aimait tellement tournoyer autour d’elle. On aurait presque pu croire que toutes et tous étaient des jeunes de vingt-trois ans comme les autres, qui n’avaient pas connu une guerre déchirante et des pertes traumatisantes. Elle savait que les sourires de Justin et Hannah cachaient des blessures profondes, que les tatouages de Lavande recouvraient d'épaisses cicatrices, que Parvati avait habilement recouvert les cernes qu’elle arborait souvent… Mais elle regardait autour d’elle, et elle ne voyait que les sourires et les pas de danse, et elle n’entendait que les éclats de rire et les conversations affectueuses, et elle ne sentait que les mains d’Alicia sur sa taille, et ses propres pieds tournoyant sur le sol.
Une nouvelle année allait commencer, et chaque petit bout de temps qui passait les éloignait un peu plus de la guerre, les emmenait vers un futur qu’elle voulait croire radieux, paisible. Elle n’était pas naïve – il y aurait d’autres problèmes, d’autres obstacles à surmonter, d’autres étapes à passer. Mais elle se sentait prête, prête à affronter ce que la vie lui présenterait, tant qu’elle avait ces gens à ses côtés, et cette joie dans sa vie.
Minuit approchait et tous les invités rejoignirent celles et ceux qui dansaient, prêts à faire le décompte des dernières secondes de l'année. Susan se retourna dans les bras d’Alicia, posa ses mains sur les joues brunes de sa compagne et plongea son regard dans le sien. Elle y lut tout l’amour, toute la joie et tout l’espoir qu’elle sentait en elle.
« Je t’aime. Je t’aime très, très, très fort, Alicia Spinnet, déclara-t-elle d’un ton solennel, posant son front contre celui de son amoureuse.
- Moi aussi, je t’aime très, très, très fort, Susan Bones, répondit immédiatement Alicia, resserrant son étreinte autour de sa taille.
- J’ai envie de passer le reste de ma vie avec toi, à danser et à t’écouter chanter faux et à faire l’amour et à lire à côté de toi sur le canapé », continua Susan. Elle savait ceci depuis plusieurs semaines, depuis des mois si elle était tout à fait honnête avec elle-même. « J’ai besoin que tu le saches. Ce n’est pas une demande en mariage, ce n’est pas une attente, c’est juste une déclaration. Je veux que tu saches que je veux vivre avec toi toujours, et j’ai hâte qu’on soit de vieilles sorcières retraitées qui passent leur temps à espionner les voisins. J’ai hâte d’espionner les voisins avec toi. »
Face à elle, Alicia souriait, rayonnante, les yeux humides. Autour des deux femmes, leurs amis avaient entamé le décompte. « 9… 8…. 7…. »
« J’ai hâte d’espionner les voisins avec toi aussi, Susie. Quand on sera vieilles et que tu devras m’empêcher de monter sur un balai », ajouta-t-elle, provoquant un petit rire chez Susan.
Minuit sonna. « Bonne année ! », s’exclamèrent les sorcières et sorciers qui les entouraient.
« Bonne année, Spinnet, murmura Susan, alors que des larmes coulaient le long de ses joues.
- A nos belles vies à venir, répondit Alicia sur le même ton. J’ai hâte de les vivre avec toi », déclara-t-elle avant de poser ses lèvres contre les siennes.
Leur baiser fut de courte durée, interrompu par Hannah et Ernie qui voulaient étreindre Susan, et Lee Jordan qui avait entraîné l’ancienne équipe de Gryffondor dans un câlin collectif. L’enthousiasme général était contagieux, et Susan se trouva bientôt emportée dans le flot de la fête, qui durerait jusqu’au petit matin. Mais ce n’était pas grave. Elle avait tout le reste de sa vie pour embrasser Alicia.
Fin
End Notes:
Encore une fois il y a pas mal de choses et de personnages que j'ai envie d'explorer plus, peut-être dans de futures histoires. Merci d'avoir suivi celle-ci en tout cas, j'espère qu'elle vous a plus et a apporté autant de de douceur dans vos vies que dans la mienne ♥
J'espère revenir bientôt avec Susan et Alicia ! (peut-être pour raconter leur rencontre...) Si vous ne l'avez pas lu, vous pouvez les retrouver dans mon PWP That's just the way you make me feel.
Sinon, j'ai d'autres fics en cours. Il y a un récit de voyage et de découverte avec Parvati Patil, Racines, et deux autres cadeaux de Noël : une histoire qui suit Hermione à Poudlard (avec des caméos de Susan) et parle de solitude, d'envie d'appartenir à un groupe, et de sororité, With a little help (from my friends), écrite pour Spiritos ; et une romance un peu angsty sur fond de Pokémon GO avec Rose et Scorpius, pour Layi, Attrapez-les tous !
Si vous avez la flemme de lire, mais le temps de laisser une petite review pour me dire ce que vous avez pensé de ce dernier chapitre, ou quels éléments/personnages vous aimeriez que je creuse, n'hésitez pas ! Et encore merci d'avoir lu :)
Disclaimer: All publicly recognizable characters and settings are the property of their respective owners. The original characters and plot are the property of the author. No money is being made from this work. No copyright infringement is intended.