Que la moitié de nous by AleynaButterfly
Summary:

 

 

 

Songfic à chapitres : "Mon Frère", Les Dix Commandements

 

oOo

 

Depuis le départ de Sirius du square Grimmaurd, le fossé entre les deux frères n'a fait que s'élargir. Mais la rancœur, la jalousie, les non-dits et les divergences d'opinion auront-elles raison de leur lien ?

 

Peut-on réellement cesser d'aimer un frère ?

 

oOo 

 

Cette fic courte (en 6 parties) respecte au plus près le canon et aborde la relation fraternelle entre Sirius et Regulus Black.

 

Illustration d'Alessia Jon Trunfio (tumblr : Space Dementia)


Categories: Tranches de vie, Sirius Black, Autres portraits de personnages Characters: Famille Black, Regulus Black, Sirius Black
Genres: Missing Moments, Songfic, Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Aucun
Chapters: 3 Completed: Non Word count: 7357 Read: 1175 Published: 12/04/2021 Updated: 07/09/2022
Story Notes:

Songfic à chapitres : "Mon Frère", Les Dix Commandements

 

oOo

 

Depuis le départ de Sirius du square Grimmaurd, le fossé entre les deux frères n'a fait que s'élargir. Mais la rancœur, la jalousie, les non-dits et les divergences d'opinion auront-elles raison de leur lien ?

 

Peut-on réellement cesser d'aimer un frère ?

 

oOo 

 

Cette fic courte (en 6 parties) respecte au plus près le canon et aborde la relation fraternelle entre Sirius et Regulus Black.

1. La première fracture by AleynaButterfly

2. Amères retrouvailles by AleynaButterfly

3. La croisée des chemins by AleynaButterfly

La première fracture by AleynaButterfly
Author's Notes:

Bonjour,


Cela fait longtemps que cette fic me trotte dans la tête, elle est restée longtemps dans les tréfonds de mon ordinateur. Et puis, avec les Nuits, les ateliers et un regain de motivation, j'ai repris cette fic. A la base, ça devait être un OS, mais il était bien trop long. Alors j'ai préféré le découper en 6 chapitres. Je tâcherai de publier chaque semaine.


La chanson qui accompagne le récit et qui correspond très bien, je trouve, à Sirius et à Regulus Black, est "Mon Frère", extraite de la comédie musicale Les Dix Commandements (Mercury France, Universal). Nul besoin de l'aimer, les paroles sont là pour rythmer le récit. Les paroles sont centrées, en italique. 


J'espère que ce projet vous plaira ! Je vous présente la première partie : le départ de Sirius du square Grimmaurd.


Bonne lecture.

Bien sûr qu'un jour s'en va pour l'un et pour l'autre s'en vient

Bien sûr les étoiles se meurent quand le ciel s'éteint

 

Fou de rage, Sirius jeta ses vêtements en vrac, dans la malle ouverte sur son lit. C’en était trop. Impossible de rester une heure de plus dans cette maison de fous. Au rez-de-chaussée, la voix de sa génitrice continuait de crier des insanités à son encontre. Longtemps, il avait supporté la déception de ses parents. Oh, avec le temps, il s’en était même délecté. Mais aujourd’hui, il avait atteint ses limites. Repoussant une mèche de cheveux d’une main fébrile, il saisit tout ce dont il aurait un jour besoin. La malle s’alourdissait à vue d’oeil, mais il n’en avait cure. Il n’était pas question d’oublier quoique ce soit, car il ne remettrait jamais les pieds ici. Jamais. Enfin, il referma d’un coup sec l’imposant bagage, et le jeta au sol, sans se préoccuper du bruit sourd qu’il provoqua. 

 

« SIRIUS ! » La voix stridente se rapprochait. « Cesse de te cacher, immédiatement ! Jusqu’au bout, tu as décidé de déshonorer ta famille ! Oh, mes pauvres aïeux, s’ils te voyaient aujourd’hui… »

 

Le jeune homme ferma les yeux et serra les dents. Il avait décidé qu’elle n’existait plus. Pas après l’énième discussion qu’ils venaient d’avoir. Ses mains tremblèrent à nouveau à cette pensée. Soufflant un bon coup, il écouta les pas de Walburga Black qui se rapprochaient. 

 

« Sirius Black ! » Elle s’arrêta devant la porte. Il devina qu’elle tentait de jeter des sorts sur le verrou afin de forcer l’entrée. « Sirius ! Sors immédiatement ! Nous n’en avons pas terminé ! »

 

Le Gryffondor embrassa la pièce du regard. La nostalgie étreignit son coeur alors qu’il avisait les posters moldus et les photos, suspendus au mur, masquant presque entièrement l’hideuse tapisserie. Il regretta un instant de ne pas pouvoir tout emmener avec lui, mais trop tard : il avait utilisé de la Glu Perpétuelle. Il haussa les épaules, un sourire amer sur les lèvres. Cela aurait au moins le mérite d’énerver ses parents, ce qui était parfait. A moins de brûler la maison, ils ne pourraient pas se débarrasser de ses traces si facilement. 

 

« Espèce de lâche, sors d’ici immédiatement ! »

 

Ignorant le sang qui bouillonnait dans ses veines, il ensorcela sa malle et ouvrit grand la porte. La matriarche recula, stupéfaite. La colère avait teinté ses joues pâles et ses yeux noirs le poignardaient du regard. Sans un mot, Sirius quitta sa chambre à grands pas et s’engagea dans les escaliers à la suite de son bagage, sa baguette fermement ancrée dans sa main.

 

« Où crois-tu aller comme ça, vaurien ? Je te répète que nous n’en avons pas terminé ! »

 

Sirius aurait pu jurer que ses hurlements faisaient vibrer le bois des marches d’escalier, autant qu’ils meurtrissaient ses tympans. Il s’arrêta soudain, se tourna vers elle et, d’une voix basse et menaçante, articula :

 

« Oh que si, nous en avons terminé. Une bonne fois pour toutes. »

 

Sans attendre sa réponse, il dévala les escaliers de la maison, sans se préoccuper du bruit qu’il causait ainsi. Derrière lui, Walburga ne répondit pas immédiatement, stupéfaite par le ton employé par Sirius. Cela lui donna quelques secondes de répit pendant lesquelles il rejoignit le hall d’entrée à grand fracas. 

 

« SIRIUS BLACK ! Ne t’avise pas de quitter cette maison ! »

 

Seul le claquement de la porte d’entrée lui répondit. 

 

C'est notre amour qui n'aura jamais de lendemain

Mon frère

 


Regulus attendit patiemment dans le salon, situé au premier étage, que sa mère se calme. Il avait appris depuis longtemps que dans ces moments-là, il ne servait à rien de vouloir la raisonner. Posté devant une fenêtre donnant sur la rue, il contempla la silhouette de Sirius qui disparut rapidement au coin du square. Derrière sa façade indifférente, un certain nombre d’émotions violentes se bousculaient en lui. Il peinait à les identifier. Pas une seule fois, Sirius ne se retourna vers la maison. Pas une seule fois, il ne se retourna vers lui.

 

Ignorant la crampe qui lui grignotait l’estomac, il entendit finalement les pas de sa mère descendre lentement l’escalier. Prudemment, il attendit que la porte de la chambre parentale claque avant de se faufiler au dernier étage. La petite plaque au nom de Sirius accrocha son regard et ses poings se serrèrent convulsivement. 

 

Sale traître.

 

Son départ n’avait toujours été qu’une question de temps. Et il avait entendu les derniers mots de son frère. Une bonne fois pour toutes. Bon débarras. Il avait fini par choisir son camp, pour de bon. Les hurlements de Mrs Black résonnèrent à nouveau, cette fois dans le salon. Regulus soupira. Super. Sa mère allait encore être d’une humeur massacrante pour un bout de temps… Il entra dans son espace soigneusement rangé et se laissa tomber sur le lit. 

 

« Vous vous rendez compte, Orion ? Il a choisi de faire allégeance à ces traîtres à leur sang et ces Sang-de-Bourbe. Oh mes pauvres aïeux, il brise notre coeur… »

 

La réponse de Mr Black resta inaudible. Contrairement à sa femme, il ne haussait jamais le ton. Même avec Sirius. Surtout avec Sirius. Il avait renoncé depuis longtemps à le remettre dans le droit chemin, et n’opposait à son frère qu’une froide indifférence.

 

« Je suis d’accord. » Regulus haussa un sourcil à la réponse de Walburga. Cela arrivait rarement que sa mère et son père aient le même avis. « Il ne fait plus partie de la famille ! »

 

Un léger bruit d’explosion parvint jusqu’à sa chambre. Regulus soupira. Mrs Black avait sans doute brisé un vase ou il ne savait quel objet pour extérioriser sa rage.  

 

« Kreattur ! », appela-t-il. Il savait déjà que la famille ne se réunirait pas pour le dîner. C’était le cas chaque fois que Sirius provoquait leurs parents, c’est-à-dire très souvent.

 

L’elfe de maison apparut devant lui et s’inclina profondément. Un léger sourire flottait sur ses lèvres. Il n’avait jamais aimé Sirius, qui le lui rendait bien. 

 

« Oui, Maître Regulus ?

— Monte-moi le dîner ce soir. Je crois que c’est plus prudent que nous mangions chacun de notre côté », lui dit-il avec un sourire de connivence.

 

L’elfe s’inclina et disparut aussitôt. Quelque part dans la maison, il entendait sa mère maudire son aîné et se lamenter à grands cris. 

 

 

Bien plus qu'un monde qui s'ouvre à l'un et pour l'autre chavire

Bien plus qu'une mer qui supplie quand la source est tarie

 

Lorsque Sirius arriva chez James Potter, il fulminait toujours de rage. La longue marche, traînant sa lourde valise, ne l’avait pas calmé, pas plus que le trajet en Magicobus. Son meilleur ami ne prononça pas un seul mot et lui indiqua l’étage. Il était bien trop énervé pour le remercier ou l’enlacer. Dans les escaliers, il ne prit même pas la peine de soulever sa malle avec délicatesse, la faisant tambouriner contre les marches. Toujours aveuglé par la colère, il ouvrit la porte de la chambre d’amis à grand fracas et y abandonna son bagage, avant de se laisser tomber sur le lit. 

 

Sa première pensée fut pour Regulus. Il avait quitté la maison familiale sans un mot pour son frère. Il balaya la culpabilité en se persuadant que, de toute façon, son cadet le haïssait. Il avait toujours mangé dans la main de leurs parents, adhérant sans réserve à leurs vues étroites et puritaines. James apparut dans l’encadrement de la porte, les bras croisés. Oui, c’était lui son frère. Depuis leur arrivée à Poudlard, Sirius et James étaient comme deux doigts de la main, unis par un amour bien plus puissant que celui qui liait les membres de la famille Black. 

 

« Que s’est-il passé, Patmol ? 

— J’en ai eu marre, c’est tout. »

 

Il rit, sans joie, et contempla les tentures rouges du lit à baldaquins. Il avait toujours aimé la chambre d’amis des Potter. Elle était chaleureuse, bien plus que n’importe quelle pièce de la maison du square Grimmaurd. 

 

« Je n’en pouvais plus, j’étouffais… Les hurlements de ma mère, le silence de mon père… Je n’y retournerai plus jamais.

— Et Regulus ?

— Quoi Regulus ? », riposta-t-il d’une voix dure.

 

 

James comprit le message et se tut.

 

« Tu seras toujours le bienvenu ici, tu le sais. Viens, on va voler un peu. Tu me lanceras des pommes, ça te défoulera. » 

 

Sirius acquiesça. Plus il se calmait, plus l’image de son frère se dessinait dans son esprit. Il avait beau se convaincre que Regulus le détestait, qu’il serait ravi de son départ, au fond de lui, il savait qu’il serait blessé. Dans leur enfance, il était aussi calme que Sirius était indomptable, aussi réfléchi que l’aîné était impulsif. Combien de fois l’avait-il protégé de l’ire de leurs parents ? Non. Il ne devait pas prendre cette voie. La culpabilité n’avait pas sa place dans son esprit. Il avait eu raison de partir. Son frère était chéri par leurs parents, il ne lui arriverait rien. Regulus avait choisi la voie de la facilité, de la lâcheté. Et lui, Sirius, n’y pouvait rien.

 

« J’arrive. »

 

C'est tout notre amour qui s'éloigne des rives et se perd

Mon frère

 

 

La nuit était tombée depuis deux bonnes heures lorsque la porte de la chambre de Regulus grinça légèrement. Précautionneux, celui-ci descendit les marches d’un pas souple, peu désireux de réveiller Orion et Walburga Black. Il avait besoin d’air. Pour une raison inconnue, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. D’abord, il avait tenté de se plonger dans un ouvrage, mais il était devenu rapidement clair que La Pureté à travers les Âges ne parviendrait pas à le distraire. Puis, il avait décidé de nettoyer son balai de Quidditch, ce qui n’eut pas l’effet escompté non plus. Seule la crainte de réveiller ses parents l’avait dissuadé de lancer le nécessaire de nettoyage contre le mur. Et pourquoi l’aurait-il fait ? Regulus ne le savait pas vraiment. 

 

Et pourquoi le saurait-il ? Il avait toujours été si calme, si raisonnable et si silencieux. Contrairement à Sirius, il n’avait jamais ressenti le besoin de hurler et de briser des choses. Son  frère ressemblait tant à leur mère sur ce point… Et pourtant, ce soir-là, une douleur non identifiée lui prenait les tripes et il ne parvenait pas à s’en débarrasser. L’émotion sourde l’empêchait de se reposer, de se distraire. Il lui semblait entendre, encore et toujours, les derniers mots de Sirius.

 

« Oh que si, nous en avons terminé. Une bonne fois pour toutes. »

 

Où était-il à présent ? Certainement chez Potter. Depuis qu’il l’avait rencontré à Poudlard, ils étaient devenus inséparables. Aux yeux de Sirius, Regulus avaient cessé d’exister. A cette pensée, il fit une pause sur le palier du premier étage, le coeur lourd. Un rayon de lune illuminait la grande tapisserie des Black, leur arbre généalogique. Une légère odeur de brûlé s’échappait de la pièce. Intrigué, le jeune homme franchit le seuil du salon et se figea aussitôt.

 

Là, à côté de son propre portrait, un trou noir laissait encore dégager une légère fumée. Sirius avait disparu.

 

Ainsi, c’était vrai. Il était parti, pour de bon. 

 

Sa réaction aurait dû être l’indifférence. C’était logique. Depuis des années, Sirius clamait ses envies de départ et provoquait leurs parents par tous les moyens. Alors, à quoi s’attendait-il ? Mais ce petit trou dans la tapisserie déclencha autre chose en lui.

 

Mû par un instinct irrépressible, Regulus tourna les talons et grimpa à nouveau les escaliers. Cette fois, il n’eut cure des grincements de protestation émis par les marches à son passage. Aveuglé par la colère, il remonta vers son étage et franchit la porte de l’antre de Sirius. Nargué par les posters immobiles de jeunes filles dénudées et par les photos animées d’étudiants de Gryffondor souriants, le dernier des Black se laissa tomber à genoux au sol, les poings tremblants. 

 

Le sale traître.

 

Jamais Regulus n’avait haï quelqu’un auparavant. Non, la haine était pour les faibles d’esprit. Et pourtant, elle lui brûlait les veines à présent. Seule une vie de self-control l’empêcha de détruire la chambre de son frère. Seule une unique larme roula le long de sa joue et alla s’écraser au sol.

End Notes:

J'espère que cette première partie vous a plu. Quelles sont vos impressions ? Est-ce ainsi que vous vous représentiez le départ de Sirius ? La réaction de Regulus ? 

N'hésitez pas à m'en faire part en review, j'adore ça :)

Merci d'avoir lu et à bientôt, je l'espère ! 

Aleyna.

Amères retrouvailles by AleynaButterfly
Author's Notes:

Bonjour,

Merci à Alrescha pour sa review ! 

Je vous présente la seconde partie de cette songfic, avec les premières retrouvailles de Sirius et Regulus, suite au départ de Sirius du 12, square Grimmaurd. 

Bonne lecture !

Tout s'oublie

Chacun avec sa peine

La locomotive rouge laissait déjà échapper de larges panaches de fumée, annonciateurs de leur départ proche. Sirius se laissa brièvement entraîner par l’étreinte de Mrs Potter, puis recula. Bien qu’il en crevât d’envie, il ne faisait pas partie de cette famille aimante qu’étaient les Potter. Il recula de trois pas, afin de laisser un peu d’intimité à James et ses parents. Son regard acier balaya la foule. Retourner à Poudlard pour la dernière fois lui laissait un goût doux-amer sur les lèvres. Il aimait le château plus que son propre foyer et le quitter serait un déchirement. Il soupira. Il n’était pas encore temps de penser aux adieux.

 

« Tu as trouvé Lunard et Queudver ?

— Non, ils sont certainement déjà à l’intérieur. Allons-y. »

 

James fendit alors la foule, avec un dernier geste d’adieu en direction de ses parents. Sirius lui emboîta le pas, un sourire fleurissant naturellement sur ses lèvres… jusqu’à ce qu’il croise un regard aussi orageux que le sien.

 

Regulus. 

 

La culpabilité lui tordit aussitôt les entrailles, aussi vive et cinglante qu’un coup de fouet. Les yeux du jeune homme étaient accusateurs, luisant d’une haine qu’il ne lui avait jamais vue. Jamais Regulus ne l’avait regardé ainsi, jamais. Le Gryffondor eut un mouvement de recul, involontaire. La réaction de son frère le blessa plus qu’il ne l’avait imaginé. La déception, l’indifférence, la rancoeur même, tout cela, il connaissait. Mais cette colère sourde, froide, il ne l’avait jamais vue sur les traits habituellement altiers de son cadet. 

 

Puis, il se ressaisit. Le dernier des Black était aussi pétri de préjugés que ses parents, Sirius ne lui devait rien. Strictement rien. Alors il esquissa un sourire narquois, hautain, sa carapace, son meilleur visage, celui pour lequel il était connu. 

 

Le Serpentard fronça les sourcils, peu dupe. Sirius détourna le regard et reprit son chemin en direction de James qui l’attendait, interloqué. Celui-ci lui adressa une oeillade interrogatrice, mais le jeune Black secoua la tête en signe de dénégation. Il lui raconterait plus tard. Au milieu de cette foule, ce n’était pas le moment. 

 

Soudain, il trébucha et s’étala, face contre terre. Refusant de céder à l’embarras, il éclata de rire et James détourna l’attention avec une pitrerie bienvenue. Il se releva péniblement, inspectant le sol derrière lui. Il n’y avait rien. Seul le sourire satisfait de Regulus au loin lui mit la puce à l’oreille. Ah, il voulait la jouer ainsi ? Très bien… Il ne perdait rien pour attendre. Guidé par la rage, il sortit sa baguette et la pointa discrètement dans la direction du Serpentard. 

 

Mais le visage fermé de Regulus l’en dissuada. Il avait mérité ce maléfice de croche-pied. Malgré toutes ses justifications intérieures, il n’avait pas l’esprit en paix. En abandonnant une famille indésirable et indésirée, il avait laissé un frère derrière lui. 

 

Que le temps nous reprenne

Les souvenirs d'un frère


Londres disparaissait progressivement, cédant la place aux pavillons de banlieue, encadrés de jardins proprets. Ces derniers fascinaient Regulus bien plus qu’à l’accoutumée. Il y avait quelque chose d’hypnotisant dans cette litanie conformiste. Même chez les Moldus, il existait un impératif d’ordre, de ressembler aux voisins. 

 

 « Black. »

 

La voix basse et mielleuse d’Evan Rosier eut pour effet immédiat de plonger le compartiment dans le silence. Rogue, près de la porte, se raidit imperceptiblement. Ce dernier n’avait jamais beaucoup apprécié le jeune Black, en raison certainement de son lien de parenté avec Sirius.

 

 « Des nouvelles de ton frère ? »

 

Regulus ne répondit pas tout de suite. Il se tourna nonchalamment vers Rosier, qui le dévisageait avec attention, face à lui. Le ton glacial qu’il avait employé ne le trompait pas : il n’était pas question de plaisanter. Il ancra ses yeux gris, si semblables à ceux de son frère, dans le regard brun de Rosier. Il n’était pas question de se dérober. Sirius avait entaché le nom et l’honneur des Black. Il lui appartenait désormais de les restaurer. Avery, Wilkes et Rogue les observaient avec avidité, retenant leur souffle. 

 

 « Quel frère ? »

 

Un sourire en coin se dessina sur le visage de Rosier. L’atmosphère dans le compartiment s’allégea significativement. Regulus retourna à sa contemplation du paysage. Caché dans les plis de sa robe, son poing serré tremblait légèrement.

 

Il s’était préparé mentalement à son retour au quai 9 3/4, à leurs retrouvailles. Le jeune homme avait rejoué ad nauseam cette scène dans son esprit, afin d’imaginer toutes les scénarios possibles. Dans la plupart d’entre eux, Regulus abandonnait invariablement son frère à ses doutes et ses regrets, dans la plus froide indifférence. Il ne méritait rien d’autre. Mais ses belles résolutions avaient volé en éclat lorsqu’il avait aperçu le visage rieur de Sirius. La fureur s’était emparée de lui, à peine contrôlable, accompagnée d’une douloureuse pointe de jalousie. Il a déjà un frère, que t’étais-tu imaginé, Regulus ? Tu n’es rien pour lui. 

 

Oui, bien qu’il préférerait mourir que de l’avouer, il aurait tant aimé que Sirius le regarde de la même manière qu’il regardait James Potter. Exaspéré contre lui-même, il repoussa cette pensée avec violence. Désormais, il était temps de mûrir. 

 

Chacun avec sa peine

Que le temps nous apprenne


« Qu’est-ce que t’as, Patmol ? »

 

Le coup de coude que James lui donna lui arracha un cri de surprise. Les sourcils froncés, Sirius se massa les côtes endolories et lança un regard assassin à son meilleur ami. Il croisa les bras et se replongea dans ses pensées.  

 

« Laisse tomber, Cornedrue », entendit-il Remus chuchoter. 

 

Sirius se débattait avec ses émotions. Elles s’emmêlaient dans son esprit, vives et à l’état brut, le tiraillant entre tristesse, honte, colère et déni. Chaque seconde, son coeur empruntait cette montagne russe improbable dans laquelle l’avait embarqué le visage de Regulus. Pendant tout l’été, il s’était efforcé de ne pas penser à son cadet, se persuadant qu’il devait être heureux d’être à présent le fils unique, le dernier des Black. Mais cette haine dans ses yeux… A chaque fois qu’il les revoyait, son coeur se serrait avec une telle force qu’il en avait mal. 

 

Mais que ressentait-il exactement ? Comment interprétait-il la fureur de Regulus ? Lui en voulait-il d’avoir sali le nom des Black ou de l’avoir abandonné, lui ? Il tentait désespérément de se convaincre que seul l’honneur de la famille comptait pour Regulus, auquel cas il n’avait aucune raison de s’en vouloir… Mais en son for intérieur, il savait qu’il n’y avait pas que ça. 

 

Sa relation avec Regulus avait toujours été étrange, hésitante même. Vis-à-vis de son frère, il ne ressentait pas la même rancoeur que ses géniteurs éveillaient systématiquement en lui. Il conservait même des souvenirs heureux, pourtant teintés d’amertume, car le cadet désapprouvait régulièrement les actions de son aîné. Parfois, il réparait ses bêtises avant même qu’elles ne soient découvertes, dénotant une maturité ennuyeuse de sa part. Non, il n’avait rien en commun avec Regulus, même s’ils avaient pu, occasionnellement, être compagnons de jeux.

 

Il se tourna vers James, Remus et Peter, tous trois plongés dans un débat de la plus haute importance : comment allaient-ils pouvoir contribuer à la lutte contre Vous-Savez-Qui ? Sirius et James avaient pu rencontrer Fabian Prewett lors d’un repas chez les Potter durant l’été. La discussion avait rapidement tourné au débat politique et il avait laissé entendre qu’il connaissait des sorciers qui lui résistaient activement. Les deux compères n’avaient pas hésité une seconde et imploré Fabian d’arranger une rencontre. 

 

La porte du compartiment s’ouvrit sur une jeune femme à l’abondante chevelure rousse. Le visage de James s’illumina aussitôt. Il se poussa aussitôt pour lui faire de la place à côté de lui.

 

« Ah Lily, viens donc t’assoir avec nous !

— Tu n’aurais pas oublié quelque chose par hasard, Potter ? » répondit-elle, visiblement agacée.

 

James ne se laissa pas démonter. 

 

« Je surveillais ce compartiment, voyons Lily ! N’est-ce pas là que le risque de troubles à l’ordre public est le plus grand ? », répliqua-t-il, déclenchant l’hilarité de tous, y compris Sirius qui se dérida.

 

« Potter…

— D’accord, j’arrive. »

 

Et avec un clin d’oeil dans la direction des autres Maraudeurs, il s’éclipsa. Comment Sirius pouvait-il rester si longtemps maussade avec des compagnons comme ceux-là ? Regulus quitta finalement ses pensées. 

À nous aimer

En frères


La nuit était tombée depuis longtemps lorsque le train ralentit en entrant en gare de Pré-au-Lard. Regulus attendit patiemment que ses voisins quittent le compartiment au compte-goutte, et observa la masse d’étudiants qui se déversait sur le quai.

 

« Vas-y, Wilkes, je dois juste échanger un mot avec Black. »

 

Evan Rosier ferma la porte et se tourna vers Regulus. 

 

« Ecoute Reg, je t’aime bien, vraiment. Mais tu sais, le Seigneur des Ténèbres se pose des questions concernant ta famille… L’histoire avec le traître à son sang, tout ça. Ca laisse des traces.

— Il ne fait plus partie de la famille. Mon père a toujours assuré le Seigneur des Ténèbres de son soutien et cela n’a pas changé. »

 

Le septième année avança d’un pas et posa une main paternelle sur l’épaule de Regulus, qui fit un effort pour ne pas se dégager. Avec Rosier, il n’avait pas droit à l’erreur. Il savait parfaitement que son père faisait partie des proches les plus influents du Seigneur des Ténèbres. 

 

« Je crois que nous ne nous sommes pas bien compris, Black », rétorqua-t-il en faisant glisser sa main vers l’avant-bras gauche de Regulus, qu’il serra doucement. Les mots ne suffisent plus. Il faut des actes maintenant. Une preuve de loyauté dont ta famille ne pourra se dédire. 

 

Regulus n’exprima aucune émotion. Il ne s’était pas attendu à ça. Certes, il voulait agir pour le bien des sorciers, de sa famille, contre l’oppression opérée par les Moldus et leur engeance. Mais s’engager ? C’était pour des gens comme Sirius, pas des solitaires comme lui. Il hésita intérieurement, risqua un regard vers l’extérieur. A la lueur vacillante des lampadaires, il aperçut Sirius, le visage rieur comme à l’accoutumée. Inconscient, dans tous les sens du terme, de ce qu’il provoquait dans son sillage, il croquait la vie à pleines dents. Les traits de Regulus se durcirent. 

 

« Ne t’inquiète pas. Je ferai ce qu’il faudra. »

 

End Notes:

Quelles sont vos impressions sur cette seconde partie ? Ne trouvez-vous pas que la chanson s'accorde à merveille à leur histoire ?

 

N'hésitez pas à m'en faire part en review !

 

Merci d'avoir lu et à bientôt, je l'espère ! 

 

Aleyna.

La croisée des chemins by AleynaButterfly
Author's Notes:

Bonjour,

Je reviens, tardivement certes, avec la suite de cette mini-fic. Je m'en suis souvenue lors du décès de Daniel Levi (paix à son âme), l'un des interprètes de la chanson qui illustre cette fic.

J'espère que cette 3e partie vous plaira. 

Bonne lecture !

Bien sûr que la terre est brûlée quand la pluie l'oublie


Bien sûr que tout est cri puisqu'on n'se l'est jamais dit 



L’ambiance au sein du château était électrique, comme chaque fois qu’un match de Quidditch approchait. Elle en devenait presque malsaine lorsque les équipes qui s’affrontaient portaient les couleurs rouge et or, d’une part, et vert et argent, d’autre part. Et lorsque lesdites équipes étaient les dernières en lice pour remporter la Coupe, l’atmosphère en devenait irrespirable, insupportable. 


 


Regulus sortait de la bibliothèque, le nez plongé dans un parchemin lorsqu’il fut témoin d’une échauffourée entre Gryffondors et Serpentards. Il aurait pu faire demi-tour, cela aurait été même une excellente idée. Mais il avait remarqué la présence de son frère dans un des deux groupes, flanqué de ses habituels comparses. Ils se faisaient appeler les Maraudeurs, il l’avait entendu une fois. Face à eux, Rosier, Wilkes, Avery et Rogue les narguaient comme ils savaient si bien le faire. Alors, Regulus resta un instant de trop.


 


« Reg, viens donc par ici. Je crois que tu sais comment communiquer avec cet abruti, peux-tu m’aider ? »


 


Le jeune homme serra les dents, mais obéit, les yeux résolument fixés sur Evan Rosier. Mais avant qu’il n’ait pu répondre quoique ce soit, Sirius avait rétorqué d’un ton glacial :


 


« Cela m’étonnerait qu’il te soit d’une grande aide, Rosier. Ce n’est pas comme si nous avions la moindre chose en commun, à l’exception malheureusement de notre nom. »


 


Regulus encaissa. Depuis des mois, les deux frères s’étaient soigneusement évités, s’arrangeant toujours pour ne pas se trouver au même endroit en même temps. Finalement, cela n’avait pas été très compliqué. Sirius était constamment accompagné, dans les endroits les plus propices à la socialisation et du grand air, loin de la bibliothèque, du terrain de Quidditch et du club de Slughorn que fréquentait Regulus.


 


« Il a raison, Evan. Je ne côtoie pas les traîtres à leur sang. Tu perds ton temps avec eux. » 


 


Il fit un mouvement pour s’éloigner mais Rosier le retint par l’épaule. Dos à Sirius, il pouvait  littéralement sentir son frère fulminer de rage. Face à lui, Evan esquissa un sourire malveillant alors qu’il fixait le petit groupe de Gryffondors.


 


« Au moins, ta famille peut compter sur toi pour redorer son blason, n’est-ce pas Reg ? », rétorqua le Serpentard. « Certains sont prêts à faire les engagements qu’il faut. »


 


Regulus hocha brièvement la tête et quitta le petit groupe, sans jeter un seul regard derrière lui. Il n’appréciait pas la manière dont Evan avait voulu l’utiliser pour asticoter son frère. Ce qui se passait entre Sirius et Regulus ne concernait qu’eux. C’était déjà suffisamment pénible de devoir s’engager activement auprès du Seigneur des Ténèbres, nul besoin d’en faire la publicité à tous vents. Et Sirius… Il ne pouvait pas s’empêcher de faire le coq, de jouer le martyr incompris de tous, inconscient des ravages qu’il provoquait dans son sillage. A cause de son numéro de persécuté, Regulus se retrouvait à assumer son rôle et se sacrifier pour le bien de la famille…



Bien sûr l'amour puisqu'il ne peut plus grandir, s'enterre 


Mon frère 



Si Sirius n’avait d’abord pas cru Rosier, le silence renfrogné de Regulus et son départ des lieux l’inquiéta. Qu’insinuait-il ? Les sourcils froncés, il fixa le dos de son frère, jusqu’à que James le prenne par l’épaule et l’entraîne à distance des Serpentards. Mais cela le tracassait bien plus qu’il ne souhaitait le montrer à ses frères adoptifs. Certains sont prêts à faire les engagements qu’il faut ? Il avait peur de comprendre… Il fit aussitôt volte face et courut, ignorant les cris des Maraudeurs qui s’engagèrent aussitôt à sa poursuite.


 


« Sirius ! Reviens ! » 


 


Mais il ne les écoutait plus. Lancé à toute vitesse, il bouscula des premières années qui tombèrent au sol, si bien que les autres furent obligés de s’arrêter pour les aider. Il dépassa, sans un regard, les Serpentards qui les avait provoqués un peu plus tôt. La peur lui donnait des ailes. Mais au bout du couloir, il dut faire un choix. A droite ? A gauche ? Par où avait-il bien pu passer ? Réfléchissons… Il avait un livre dans les mains, il sortait donc de la bibliothèque qui est… à gauche. Ce fut donc à droite qu’il reprit sa course. 


 


Bingo. Il reconnut sans mal les cheveux noirs, soigneusement coiffés, de Regulus. Ce dernier marchait vite, le livre serré dans une main aux jointures blanchies. Sirius se porta à sa hauteur. S’il fut surpris, le cadet n’en montra rien, se contentant de lever les yeux au ciel avec un soupir exaspéré. Sirius ouvrit une porte et tira son frère par la manche à l’intérieur de la salle de classe désaffectée.  


 


« Qu’est-ce qu’il raconte, Rosier ? »


 


Le jeune homme ne lui répondit pas, le regardant avec une colère contenue. Sirius ne flancha pas. L’inquiétude était bien plus forte. Son cadet pouvait bien le mépriser, le rejeter, tempêter, il n’en avait cure. Il voulait une réponse. Égoïstement, il avait besoin de la réponse qui apaiserait sa conscience. 


 


« Reg ! Réponds-moi ! », reprit-il en saisissant son frère par les épaules et le secouant. 


 


Reg… Voilà des mois qu’il ne l’avait pas appelé ainsi. L’éclat dans les yeux de Regulus, si semblables aux siens, durcit et il se dégagea avec violence. 


 


« À ton avis ? Si tu es là, c’est que tu as compris. Laisse-moi maintenant. »


 


Malgré la stupéfaction, il empêcha Regulus de sortir, pointant sa baguette sur la porte et la refermant avec violence. Il craignait le pire, mais… Cela n’était pas possible, non ? Que Regulus soit converti aux vues de leurs parents, soit. Mais qu’il devienne un Mangemort… Cela ne lui ressemblait pas.


 


« Ne le rejoins pas », murmura-t-il d’un ton menaçant. 



Bien plus qu'un dernier regard peut décider d'une vie 


Bien plus que cette fin d'espoir que le courant charrie 



Regulus n’en croyait pas ses oreilles. Comment Sirius pouvait-il être aussi dupe, aussi stupide ? Il vivait dans son monde idéal, ne pensant qu’à lui. Ne pensait-il pas que s’il y avait une autre solution, les choses seraient différentes ? La colère déferlait dans ses veines. Il n’y avait vraiment que Sirius pour lui inspirer cette émotion. Regulus en voulait en son aîné. Tout était de sa faute. Et maintenant il osait porter un jugement ?


 


« Ce ne sont pas tes affaires. L’instant où tu as quitté la maison, ça a cessé de te concerner. »


 


L’aîné cligna des yeux, pris au dépourvu, mais il ne céda pas.


 


« Tu as raison. Plutôt mourir que de vivre sous le même toit qu’un Mangemort », cracha-t-il avec hargne. 


 


Mais il ne bougeait pas. Ce stupide Gryffondor restait planté devant lui, l’oeil brillant de défi. Qu’attendait-il ? Qu’espérait-il ? Regulus ne comprenait pas.


 


« Maintenant que les choses sont claires entre nous, je vais retourner à ma salle commune », dit-il en amorçant un pas vers la sortie. 


 


Mais Sirius le retint par le bras, une expression étrange peinte sur ses traits. Un instant, il ressembla à son frère dans l’enfance, déconfit après une bêtise. Mais aussitôt, l’expression disparut. L’avait-il rêvée ? 


 


« Sirius, laisse-moi.


— Tu ne comprends pas, Reg. Tu ne sais pas ce qu’ils font, ils se fichent du sang pur, ils…


— C’est toi qui ne comprends pas. Tout ce qui compte, c’est ta précieuse liberté, ta popularité, tes amis. » La colère vibrait dans sa voix. « Tu te fous des conséquences. 


— C’est faux, je ne dois rien à personne.


— Ça, je l’avais bien compris. Espèce de lâche. »


 


Sirius se figea, la bouche entrouverte, incapable de répondre. Regulus en profita pour se dégager d’un geste sec et quitter enfin la pièce. Il marcha d’un pas rapide, jusqu’à ce qu’il soit certain que Sirius ne l’ait pas suivi. Enfin seul. Il leva ses mains devant ses yeux. Elles tremblaient. Jamais encore, il ne s’était disputé avec Sirius aussi frontalement. C’était étrange, mais c’était pourtant la vérité. Jamais il ne l’avait traité de lâche. Désormais, il était impossible que Sirius lui pardonne.


 


La limite avait été franchie. La rupture était désormais consommée et il n’y avait plus de retour en arrière possible.  



C'est un amour qui ne trouvera pas de rivière 


Mon frère 



Rendu aveugle et sourd par la rage, Sirius n’entendit pas la porte claquer.


 


« Espèce de lâche. »


 


Il avait osé. Les semblants de liens qui avaient continué de les unir gisaient à présent, irrémédiablement brisés. Choqué, estomaqué, énervé, insulté, Sirius se laissa tomber, ignorant ses genoux qui gémirent de douleur en rencontrant la pierre glacée. Pendant des mois, ils s’étaient soigneusement évités. Ils n’avaient plus rien à se dire, mais ils n’avaient pas non plus à s’affronter. Jusqu’à aujourd’hui. Les poings du jeune homme rencontrèrent à leur tour le sol, lui arrachant un cri. Il n’en avait cure. Cette douleur, ce n’était rien. Rien du tout.


 


Il avait osé. Lâche. Le pacte tacite de leur enfance avait volé en éclats. Regulus savait très bien ce qu’il faisait. Il savait qu’il appuyait là où ça faisait mal. Qu’importait que Walburga et Orion le dénomment ainsi, leurs mots n’avaient plus de valeur depuis longtemps aux yeux de leur fils aîné. Mais Regulus… 


 


Ce qui le blessa le plus, c’est qu’il savait parfaitement que Regulus ne parlait jamais en vain. Contrairement à Rosier, contrairement à Rogue, et même contrairement à lui, il ne lançait pas des piques dans le but de provoquer. Il disait simplement la vérité, sa vérité. Il le voyait ainsi. Un lâche.


 


Non. Il se trompe, se révolta-t-il. Le cadet pensait n’avoir pas le choix ? Il avait tort. Il existait toujours un autre chemin, une alternative. Lui seul était assez courageux pour saisir sa chance, s’affranchir de son existence toute tracée. Regulus, lui, avait toujours été étroit d’esprit. Alors s’il avait décidé de rejoindre Vous-Savez-Qui, c’est qu’il le voulait vraiment. Toute autre interprétation des faits n’est que poudre aux yeux. Qu’il assume.


 


Bluffait-il ? Sans doute pas. Il se remémora amèrement la détermination qui brillait dans ses yeux orages, le dégoût aussi. Si Regulus était aussi coincé qu’il le sous-entendait, il n’avait qu’à s’en prendre à lui-même. Sirius n’avait pas à culpabBien sûr que la terre est brûlée quand la pluie l'oublie


Bien sûr que tout est cri puisqu'on n'se l'est jamais dit 



L’ambiance au sein du château était électrique, comme chaque fois qu’un match de Quidditch approchait. Elle en devenait presque malsaine lorsque les équipes qui s’affrontaient portaient les couleurs rouge et or, d’une part, et vert et argent, d’autre part. Et lorsque lesdites équipes étaient les dernières en lice pour remporter la Coupe, l’atmosphère en devenait irrespirable, insupportable. 


 


Regulus sortait de la bibliothèque, le nez plongé dans un parchemin lorsqu’il fut témoin d’une échauffourée entre Gryffondors et Serpentards. Il aurait pu faire demi-tour, cela aurait été même une excellente idée. Mais il avait remarqué la présence de son frère dans un des deux groupes, flanqué de ses habituels comparses. Ils se faisaient appeler les Maraudeurs, il l’avait entendu une fois. Face à eux, Rosier, Wilkes, Avery et Rogue les narguaient comme ils savaient si bien le faire. Alors, Regulus resta un instant de trop.


 


« Reg, viens donc par ici. Je crois que tu sais comment communiquer avec cet abruti, peux-tu m’aider ? »


 


Le jeune homme serra les dents, mais obéit, les yeux résolument fixés sur Evan Rosier. Mais avant qu’il n’ait pu répondre quoique ce soit, Sirius avait rétorqué d’un ton glacial :


 


« Cela m’étonnerait qu’il te soit d’une grande aide, Rosier. Ce n’est pas comme si nous avions la moindre chose en commun, à l’exception malheureusement de notre nom. »


 


Regulus encaissa. Depuis des mois, les deux frères s’étaient soigneusement évités, s’arrangeant toujours pour ne pas se trouver au même endroit en même temps. Finalement, cela n’avait pas été très compliqué. Sirius était constamment accompagné, dans les endroits les plus propices à la socialisation et du grand air, loin de la bibliothèque, du terrain de Quidditch et du club de Slughorn que fréquentait Regulus.


 


« Il a raison, Evan. Je ne côtoie pas les traîtres à leur sang. Tu perds ton temps avec eux. » 


 


Il fit un mouvement pour s’éloigner mais Rosier le retint par l’épaule. Dos à Sirius, il pouvait  littéralement sentir son frère fulminer de rage. Face à lui, Evan esquissa un sourire malveillant alors qu’il fixait le petit groupe de Gryffondors.


 


« Au moins, ta famille peut compter sur toi pour redorer son blason, n’est-ce pas Reg ? », rétorqua le Serpentard. « Certains sont prêts à faire les engagements qu’il faut. »


 


Regulus hocha brièvement la tête et quitta le petit groupe, sans jeter un seul regard derrière lui. Il n’appréciait pas la manière dont Evan avait voulu l’utiliser pour asticoter son frère. Ce qui se passait entre Sirius et Regulus ne concernait qu’eux. C’était déjà suffisamment pénible de devoir s’engager activement auprès du Seigneur des Ténèbres, nul besoin d’en faire la publicité à tous vents. Et Sirius… Il ne pouvait pas s’empêcher de faire le coq, de jouer le martyr incompris de tous, inconscient des ravages qu’il provoquait dans son sillage. A cause de son numéro de persécuté, Regulus se retrouvait à assumer son rôle et se sacrifier pour le bien de la famille…



Bien sûr l'amour puisqu'il ne peut plus grandir, s'enterre 


Mon frère 



Si Sirius n’avait d’abord pas cru Rosier, le silence renfrogné de Regulus et son départ des lieux l’inquiéta. Qu’insinuait-il ? Les sourcils froncés, il fixa le dos de son frère, jusqu’à que James le prenne par l’épaule et l’entraîne à distance des Serpentards. Mais cela le tracassait bien plus qu’il ne souhaitait le montrer à ses frères adoptifs. Certains sont prêts à faire les engagements qu’il faut ? Il avait peur de comprendre… Il fit aussitôt volte face et courut, ignorant les cris des Maraudeurs qui s’engagèrent aussitôt à sa poursuite.


 


« Sirius ! Reviens ! » 


 


Mais il ne les écoutait plus. Lancé à toute vitesse, il bouscula des premières années qui tombèrent au sol, si bien que les autres furent obligés de s’arrêter pour les aider. Il dépassa, sans un regard, les Serpentards qui les avait provoqués un peu plus tôt. La peur lui donnait des ailes. Mais au bout du couloir, il dut faire un choix. A droite ? A gauche ? Par où avait-il bien pu passer ? Réfléchissons… Il avait un livre dans les mains, il sortait donc de la bibliothèque qui est… à gauche. Ce fut donc à droite qu’il reprit sa course. 


 


Bingo. Il reconnut sans mal les cheveux noirs, soigneusement coiffés, de Regulus. Ce dernier marchait vite, le livre serré dans une main aux jointures blanchies. Sirius se porta à sa hauteur. S’il fut surpris, le cadet n’en montra rien, se contentant de lever les yeux au ciel avec un soupir exaspéré. Sirius ouvrit une porte et tira son frère par la manche à l’intérieur de la salle de classe désaffectée.  


 


« Qu’est-ce qu’il raconte, Rosier ? »


 


Le jeune homme ne lui répondit pas, le regardant avec une colère contenue. Sirius ne flancha pas. L’inquiétude était bien plus forte. Son cadet pouvait bien le mépriser, le rejeter, tempêter, il n’en avait cure. Il voulait une réponse. Égoïstement, il avait besoin de la réponse qui apaiserait sa conscience. 


 


« Reg ! Réponds-moi ! », reprit-il en saisissant son frère par les épaules et le secouant. 


 


Reg… Voilà des mois qu’il ne l’avait pas appelé ainsi. L’éclat dans les yeux de Regulus, si semblables aux siens, durcit et il se dégagea avec violence. 


 


« À ton avis ? Si tu es là, c’est que tu as compris. Laisse-moi maintenant. »


 


Malgré la stupéfaction, il empêcha Regulus de sortir, pointant sa baguette sur la porte et la refermant avec violence. Il craignait le pire, mais… Cela n’était pas possible, non ? Que Regulus soit converti aux vues de leurs parents, soit. Mais qu’il devienne un Mangemort… Cela ne lui ressemblait pas.


 


« Ne le rejoins pas », murmura-t-il d’un ton menaçant. 



Bien plus qu'un dernier regard peut décider d'une vie 


Bien plus que cette fin d'espoir que le courant charrie 



Regulus n’en croyait pas ses oreilles. Comment Sirius pouvait-il être aussi dupe, aussi stupide ? Il vivait dans son monde idéal, ne pensant qu’à lui. Ne pensait-il pas que s’il y avait une autre solution, les choses seraient différentes ? La colère déferlait dans ses veines. Il n’y avait vraiment que Sirius pour lui inspirer cette émotion. Regulus en voulait en son aîné. Tout était de sa faute. Et maintenant il osait porter un jugement ?


 


« Ce ne sont pas tes affaires. L’instant où tu as quitté la maison, ça a cessé de te concerner. »


 


L’aîné cligna des yeux, pris au dépourvu, mais il ne céda pas.


 


« Tu as raison. Plutôt mourir que de vivre sous le même toit qu’un Mangemort », cracha-t-il avec hargne. 


 


Mais il ne bougeait pas. Ce stupide Gryffondor restait planté devant lui, l’oeil brillant de défi. Qu’attendait-il ? Qu’espérait-il ? Regulus ne comprenait pas.


 


« Maintenant que les choses sont claires entre nous, je vais retourner à ma salle commune », dit-il en amorçant un pas vers la sortie. 


 


Mais Sirius le retint par le bras, une expression étrange peinte sur ses traits. Un instant, il ressembla à son frère dans l’enfance, déconfit après une bêtise. Mais aussitôt, l’expression disparut. L’avait-il rêvée ? 


 


« Sirius, laisse-moi.


— Tu ne comprends pas, Reg. Tu ne sais pas ce qu’ils font, ils se fichent du sang pur, ils…


— C’est toi qui ne comprends pas. Tout ce qui compte, c’est ta précieuse liberté, ta popularité, tes amis. » La colère vibrait dans sa voix. « Tu te fous des conséquences. 


— C’est faux, je ne dois rien à personne.


— Ça, je l’avais bien compris. Espèce de lâche. »


 


Sirius se figea, la bouche entrouverte, incapable de répondre. Regulus en profita pour se dégager d’un geste sec et quitter enfin la pièce. Il marcha d’un pas rapide, jusqu’à ce qu’il soit certain que Sirius ne l’ait pas suivi. Enfin seul. Il leva ses mains devant ses yeux. Elles tremblaient. Jamais encore, il ne s’était disputé avec Sirius aussi frontalement. C’était étrange, mais c’était pourtant la vérité. Jamais il ne l’avait traité de lâche. Désormais, il était impossible que Sirius lui pardonne.


 


La limite avait été franchie. La rupture était désormais consommée et il n’y avait plus de retour en arrière possible.  



C'est un amour qui ne trouvera pas de rivière 


Mon frère 



Rendu aveugle et sourd par la rage, Sirius n’entendit pas la porte claquer.


 


« Espèce de lâche. »


 


Il avait osé. Les semblants de liens qui avaient continué de les unir gisaient à présent, irrémédiablement brisés. Choqué, estomaqué, énervé, insulté, Sirius se laissa tomber, ignorant ses genoux qui gémirent de douleur en rencontrant la pierre glacée. Pendant des mois, ils s’étaient soigneusement évités. Ils n’avaient plus rien à se dire, mais ils n’avaient pas non plus à s’affronter. Jusqu’à aujourd’hui. Les poings du jeune homme rencontrèrent à leur tour le sol, lui arrachant un cri. Il n’en avait cure. Cette douleur, ce n’était rien. Rien du tout.


 


Il avait osé. Lâche. Le pacte tacite de leur enfance avait volé en éclats. Regulus savait très bien ce qu’il faisait. Il savait qu’il appuyait là où ça faisait mal. Qu’importait que Walburga et Orion le dénomment ainsi, leurs mots n’avaient plus de valeur depuis longtemps aux yeux de leur fils aîné. Mais Regulus… 


 


Ce qui le blessa le plus, c’est qu’il savait parfaitement que Regulus ne parlait jamais en vain. Contrairement à Rosier, contrairement à Rogue, et même contrairement à lui, il ne lançait pas des piques dans le but de provoquer. Il disait simplement la vérité, sa vérité. Il le voyait ainsi. Un lâche.


 


Non. Il se trompe, se révolta-t-il. Le cadet pensait n’avoir pas le choix ? Il avait tort. Il existait toujours un autre chemin, une alternative. Lui seul était assez courageux pour saisir sa chance, s’affranchir de son existence toute tracée. Regulus, lui, avait toujours été étroit d’esprit. Alors s’il avait décidé de rejoindre Vous-Savez-Qui, c’est qu’il le voulait vraiment. Toute autre interprétation des faits n’est que poudre aux yeux. Qu’il assume.


 


Bluffait-il ? Sans doute pas. Il se remémora amèrement la détermination qui brillait dans ses yeux orages, le dégoût aussi. Si Regulus était aussi coincé qu’il le sous-entendait, il n’avait qu’à s’en prendre à lui-même. Sirius n’avait pas à culpabiliser. Non. Il n’était pas lâche. Les muscles raides, le Gryffondor se releva péniblement. Un lourd fardeau se posa sur ses épaules, le faisant suffoquer. Impossible de s’en débarrasser. 


 


« Espèce de lâche. »


 


Alors, c’était ça, perdre un frère ? Une larme solitaire s’écrasa au sol. Pour la dernière fois, se promit-il. Une telle trahison ne se pardonnait pas. iliser. Non. Il n’était pas lâche. Les muscles raides, le Gryffondor se releva péniblement. Un lourd fardeau se posa sur ses épaules, le faisant suffoquer. Impossible de s’en débarrasser. 


 


« Espèce de lâche. »


 


Alors, c’était ça, perdre un frère ? Une larme solitaire s’écrasa au sol. Pour la dernière fois, se promit-il. Une telle trahison ne se pardonnait pas. 

End Notes:

On dirait que le point de non-retour est atteint chez les frères Black... Cela brise mon petit cœur de penser à leur histoire, tout ce qu'ils auraient pu résoudre ensemble... Snif. Et le vôtre ? 

La prochaine partie abordera l'enrôlement de l'un et de l'autre dans des camps opposés.

Merci pour votre lecture et n'hésitez pas à me donner votre avis en review !

Cette histoire est archivée sur http://www.hpfanfiction.org/fr/viewstory.php?sid=38079