26 ans plus tard by Emojifeu
Summary:

Illustration réalisée par @ghostmouthart pour "26 ans plus tard", représentant les personnages principaux.

 

Le frère de Rose est Cracmol. Scorpius est amoureux d'une Née-Moldue. Albus préfère les garçons. Teddy n'a jamais vraiment eu de famille. Hors des murs de Poudlard, Percy Weasley et Draco Malefoy se disputent le titre de Ministre de la Magie et les entraînent dans leurs intrigues politiques, comme si grandir et quitter l'école n'était pas assez effrayant.

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Je n'écris pas de lemon.

Illustration réalisée par @ghostmouthart pour 26 ans plus tard


Categories: "19 ans plus tard" Characters: Albus S. Potter, Personnage original (OC), Rose Granger-Weasley, Scorpius Malefoy, Teddy Lupin
Genres: Aucun
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Aucun
Chapters: 84 Completed: Oui Word count: 176994 Read: 21214 Published: 13/05/2021 Updated: 31/12/2022

1. Partie 1, chapitre 1 - “Très classe, ton paternel !” by Emojifeu

2. Partie 1, interlude 1 by Emojifeu

3. Partie 1, chapitre 2 - “Mr. Moore a toujours été un crétin, après tout.” by Emojifeu

4. Partie 1, interlude 2 by Emojifeu

5. Partie 1, chapitre 3 - “Je n’ai rien à faire là.” by Emojifeu

6. Partie 1, interlude 3 by Emojifeu

7. Partie 1, chapitre 4 - "Et puis, il y a le Whisky." by Emojifeu

8. Partie 1, interlude 4 by Emojifeu

9. Partie 1, chapitre 5 - “Quand j’ai accepté d’avoir un enfant” by Emojifeu

10. Partie 1, interlude 5 by Emojifeu

11. Partie 1, chapitre 6 - “Et puis, ce n’est pas bien méchant !” by Emojifeu

12. Partie 1, chapitre 7 - “Non, tu ne l’écoutes pas.” by Emojifeu

13. Partie 1, interlude 7 by Emojifeu

14. Partie 1, chapitre 8 - “Tu es si jeune…” by Emojifeu

15. Partie 1, chapitre 9 - “Weasley et moi, on a deux trois trucs à se dire.” by Emojifeu

16. Partie 1, chapitre 10 - “Mais tu m’intéresses !” by Emojifeu

17. Partie 1, chapitre 11 - “T’assumes pas.” by Emojifeu

18. Partie 1, interlude 11 by Emojifeu

19. Partie 1, chapitre 12 - “On en a déjà un dans la famille” by Emojifeu

20. Partie 1, interlude 12 by Emojifeu

21. Partie 1, chapitre 13 - “Sérieusement, Maggie ?!” by Emojifeu

22. Partie 1, chapitre 14 - “C’était une blague !” by Emojifeu

23. Partie 1, interlude 14 by Emojifeu

24. Partie 1, chapitre 15 - “Tellement, tellement peur…” by Emojifeu

25. Partie 1, interlude 15 by Emojifeu

26. Partie 1, chapitre 16 - “Je veux être avec toi.” by Emojifeu

27. Partie 1, interlude 16 by Emojifeu

28. Partie 2, chapitre 1 - “T’es sûr qu’il n’y a rien d’autre ?” by Emojifeu

29. Partie 2, interlude 1 : 6 ans plus tard by Emojifeu

30. Partie 2, chapitre 2 - “Quels sont les potins du jour ?” by Emojifeu

31. Partie 2, interlude 2 : 8 ans plus tard by Emojifeu

32. Partie 2, chapitre 3 - “Tout le monde n’est pas aussi courageux que toi. by Emojifeu

33. Partie 2, interlude 3 : 8 ans et 3 mois plus tard by Emojifeu

34. Partie 2, chapitre 4 - “Si c’était vous qui aviez tort by Emojifeu

35. Partie 2, interlude 4 : 8 ans, 3 mois et 3 jours plus tard by Emojifeu

36. Partie 2, chapitre 5 - "Ne dis rien !" by Emojifeu

37. Partie 2, interlude 5 : 9 ans plus tard by Emojifeu

38. Partie 2, chapitre 6 - "Je t'aime." by Emojifeu

39. Partie 2, interlude 6 : 10 ans plus tard by Emojifeu

40. Partie 2, chapitre 7 - “Ça devient presque banal.” by Emojifeu

41. Partie 2, interlude 7 : 12 ans plus tard by Emojifeu

42. Partie 2, chapitre 8 - “Je ne crois pas que ma vie privée...” by Emojifeu

43. Partie 2, interlude 8 : 15 ans plus tard by Emojifeu

44. Partie 2, chapitre 9 - “Je ne vais rien raconter à personne.” by Emojifeu

45. Partie 2, interlude 9 : 19 ans plus tard by Emojifeu

46. Partie 2, chapitre 10 - Chapitre 10 - “On est un adulte, à dix-sept ans ?” by Emojifeu

47. Partie 2, interlude 10 : 22 ans plus tard by Emojifeu

48. Partie 2, chapitre 11 - “On se dit tout à partir de maintenant.” by Emojifeu

49. Partie 2, interlude 11 : 25 ans plus tard by Emojifeu

50. Partie 2, chapitre 12 - “J’ai jamais cru que t’étais parfaite.” by Emojifeu

51. Partie 2, interlude 9 : 25 ans et quelques mois plus tard by Emojifeu

52. Partie 3, chapitre 1 - "Il faut que tu te soignes." by Emojifeu

53. Partie 3, interlude 1 : Olivier by Emojifeu

54. Partie 3, chapitre 2 - "Pourquoi elle ?" by Emojifeu

55. Partie 3, interlude 2 : Louis by Emojifeu

56. Partie 3, chapitre 3 - “Pourquoi, on a un problème ?” by Emojifeu

57. Partie 3, interlude 3 : Maggie by Emojifeu

58. Partie 3, chapitre 4 - “T’es sérieux, Potter ?!” by Emojifeu

59. Partie 3, interlude 4 : Basil by Emojifeu

60. Partie 3, chapitre 5 - “Vous vous sentez coupable.” by Emojifeu

61. Partie 3, interlude 5 : Harry by Emojifeu

62. Partie 3, chapitre 6 - “Personne ne veut m’écouter.” by Emojifeu

63. Partie 3, interlude 6 : Damian by Emojifeu

64. Partie 3, chapitre 7 - “Foutez-nous la paix !” by Emojifeu

65. Partie 3, interlude 7 : Neela by Emojifeu

66. Partie 3, chapitre 8 - “J’ai pas envie d’être pote.” by Emojifeu

67. Partie 3, interlude 8 : Augustus by Emojifeu

68. Partie 3, chapitre 9 - “Et là, je bafouille ?!” by Emojifeu

69. Partie 3, interlude 9 : Mère by Emojifeu

70. Partie 3, chapitre 10 - “J’ai fait de mon mieux.” by Emojifeu

71. Partie 3, interlude 10 : Molly by Emojifeu

72. Partie 3, chapitre 11 - “J’essaye pas de faire le bien des gens malgré eux !” by Emojifeu

73. Partie 3, interlude 11 : Louis II by Emojifeu

74. Partie 3, chapitre 12 - “Pas vite." by Emojifeu

75. Partie 3, interlude 12 : Augustus II by Emojifeu

76. Partie 3, chapitre 13 - “Voilà. Ce n’est pas ta faute.” by Emojifeu

77. Partie 3, interlude 13 : Père by Emojifeu

78. Partie 3, chapitre 14 - “Tu nous enterre déjà ?” by Emojifeu

79. Partie 3, interlude 14 : Maggie II by Emojifeu

80. Partie 3, chapitre 15 - “Tu détestes le Quidditch.” by Emojifeu

81. Partie 3, interlude 15 : Augustus III by Emojifeu

82. Partie 3, chapitre 16 - "Ça serait bien que tu viennes…” by Emojifeu

83. Partie 3, interlude 16 : Victoire by Emojifeu

84. Épilogue by Emojifeu

Partie 1, chapitre 1 - “Très classe, ton paternel !” by Emojifeu

Chapitre 1 - “Très classe, ton paternel !”

 

 

À quatorze heure, le soleil froid de décembre était au zénith. Ses rayons venaient frapper les vitres de la tour d’Astronomie, renvoyant vers le lac des éclats de lumière pure qui mouraient sur les rives. Dans le parc, les rares promeneurs qui osaient braver les températures hivernales et s’aventurer dans la neige se voyaient forcés de plisser les yeux lorsqu’ils observaient la surface de l’eau, à la recherche de remous laissés par le Calamar Géant. Beaucoup, ayant entendu la cloche de l’immense horloge sonner ses deux coups, se hâtaient de rassembler leurs affaires éparpillées autour d’eux et de remettre leurs gants avant de retourner en cours. Le parc, déjà peu fréquenté en cette période de l’année, se vida en quelques instant de toute présence humaine.


Scorpius Malefoy, accoudé au muret de pierre qui bordait la volière, regardait d’un œil indifférent les derniers élèves qui couraient dans le chemin verglacé pour ne pas arriver en retard en cours. Il réfléchissait. Sous son bonnet de laine, vert à liseré d’argent, quelques mèches d’un blond presque blanc dépassaient, dansant dans la brise froide qui se levait. Le jeune homme frissonna et porta sa main droite, dégantée, à sa bouche. Il souffla plusieurs fois à l’intérieur, tentant de la réchauffer, et finit par la glisser dans son gant émeraude, soustrayant sa peau à la morsure du vent. Un long morceau de parchemin, qu’il tenait entre deux doigts de sa main gauche, menaçait de se faire emporter. Il hésitait à le laisser partir dans la brise, pour pouvoir prétendre ne jamais l’avoir reçu. “Ça n’arrangera rien, Père saura que je mens.” Son père savait toujours tout.


Le parchemin se balançait dans le vent. Scorpius le regardait du coin de l'œil, agacé. Il n’avait pas envie de le relire, mais son regard était attiré par les grandes boucles d’encre qui se détachaient sur le fond de la feuille. Sans y penser, il se remit à parcourir des yeux les phrases que son père lui adressait.


Fils, - la lettre commençait ainsi. Pas “Mon fils”, pas “Cher Scorpius”, pas “À mon cher fils Scorpius”. “Fils.” Au moins, il n’était pas dépaysé : son père était toujours aussi peu expansif.


Fils,
Ta mère et moi-même espérons que tu te portes bien. Au Manoir, les températures ont baissé, et nous avons de la neige dans le parc. Tu t’en rendras compte lorsque tu viendras dans quelques semaines.


Scorpius jugea que ce début n’était pas si mal, comparé à de précédentes lettres. Son père avait au moins fait l’effort d’inclure quelques lignes de politesse et de conversation mondaine, on ne pouvait que l’en féliciter.


Je te passe les mondanités d’usage.


Ah, retour au sujet qui l’intéressait vraiment ! Il avait tenu trois phrases - mais l’une d’elles incluait un bon sentiment pour Scorpius, c’était vraiment un progrès.


Dès demain matin, certaines rumeurs vont te parvenir par la presse. Je ne souhaite pas entrer dans les détails, tu les apprendras bien assez vite, mais sache qu’elles sont vraies.


Très rassurant.


Lorsque tu en entendras parler, ne m’écris pas. Il se pourrait que ton hibou soit intercepté par nos opposants, et je ne peux que trop mettre l’emphase sur la catastrophe que cela serait.


Ah, l’habituelle paranoïa de son père ! Ne pas envoyer de hiboux, ne pas parler à voix haute en passant devant une cheminée, ne pas s’approcher des armoires… Père avait une magnifique collection de ces petites lubies, dont Scorpius ne connaissait pas l’origine - la guerre, disait Mère sur un ton qui signifiait “Ne pose pas de question”. A chaque nouvelle lettre, son père lui rappelait de ne pas répondre, se répétant comme un mécanisme grippé. De toute façon, il lui écrivait peu - quatre lettres seulement en sept ans, incluant celle-ci - et Scorpius aurait eu bien du mal à trouver quoi lui dire. Chaque lettre servait un but précis : s’assurer de son obéissance aveugle et totale.


Nous en discuterons plus avant lors de ton séjour pour les congés de Noël. Je souhaitais te mettre en garde, en revanche : il est possible que beaucoup d’yeux se tournent vers toi suite à ce qui paraîtra dans la presse demain. Voici mes directives quant à l’attitude à adopter :

- Ne te fais pas remarquer outre-mesure ;    
- Si on venait à te demander des précisions à mon sujet, réponds que tu ne sais pas (car de toute façon, j’ai veillé à ce que tu ne saches pas) ;
- Reste courtois, mais surveille tes fréquentations (d’ailleurs, s’il te venait à l’idée de ne plus fréquenter personne jusqu’en mai prochain pour te concentrer sur les révisions de tes ASPICs, je n’en serai que plus fier de toi).

Une liste de directives… Ça ressemblait bien à son père, ça ! Une liste de directives obscures, qui plus est, puisque Scorpius n’avait aucune idée de ce qu’étaient les “rumeurs” évoquées en début de lettre. Le message général était cependant assez simple à comprendre : “Reste dans ton coin et ne fais pas de vagues”, chose pour laquelle Scorpius était, de toute façon, doué de nature.


Je joins à cette lettre un petit manuel que j’ai jugé instructif, à toutes fins utiles. Il devrait t’apporter quelques éclairages sur mes prochaines occupations.


Ah, un peu de lecture supplémentaire ! Une charmante attention. Scorpius jeta un œil distrait au Petit précis de citoyenneté à usage des sorcières et sorciers de Grande-Bretagne qu'il avait fourré dans son sac. Merlin soit remercié, il avait l’air assez court. Il n’y avait que trois feuillets !


Ta mère se joint à moi pour t’adresser toute notre affection, et me charge de te dire qu’elle a hâte de te voir pour Noël.

Au 23 donc,
Drago Malefoy


La signature était précédée de la mention “Père”, raturée d’un grand coup de plume décidé. Un peu plus, et son père aurait versé dans le sentimentalisme ! “Merlin nous en préserve”, souffla Scorpius à voix basse, fixant toujours le parchemin couvert d’impeccables anglaises tracées à la plume qu’il tenait dans sa main gantée. Cette lettre inattendue n’avait aucun intérêt. En revanche, elle avait provoqué une angoisse diffuse, mais tenace, à son destinataire. “Je ne peux rien te dire mais tout de même fais attention à ce que tu fais et comment tu te comportes.” Merci Père, voilà qui est bien utile.


Scorpius soupira en repliant le parchemin et le fourra dans l’enveloppe qui lui était adressée. Sur son épaule, sa besace en cuir sombre menaçait de tomber, trop pleine de livres. L’esprit ailleurs, il saisit la sangle et la rajusta. Le poids du sac le fit grimacer. Il aurait dû passer dans la salle commune de Serpentard pour le vider avant de venir ici, mais la curiosité pour ce courrier arrivé après l’heure avait pris le dessus. Il regrettait un peu, à présent.


Il descendit d’un pas lourd les marches qui menaient à l’extérieur de la volière, dans le parc enneigé. La sensation de froid dans ses pieds ne réussit pas à la faire revenir à la réalité, trop absorbé qu’il était par le courrier qu’il venait de recevoir. Quelles étaient ces rumeurs dont son père parlait ? Qu’est-ce qu’il avait fait ? Et pourquoi en informer son fils - ou pourquoi l’informer maintenant, alors qu’il allait être mis au courant le lendemain par La Gazette du Sorcier ?

Agacé de ne pas comprendre, il sortit de son sac le Petit précis de citoyenneté à l’usage des jeunes sorcières et sorciers de Grande-Bretagne. Si Père avait jugé que ce manuel pouvait l’aider à comprendre sa lettre, c’est bien qu’il y avait un rapport entre les deux. Scorpius se mit à lire les feuillets de parchemins, reliés entre eux par une simple agrafe. C’était un manuel très simple et assez bien conçu, qui retraçait le fonctionnement du système électoral sorcier, l’importance de voter - droit acquis seulement 25 ans auparavant - et le déroulement des scrutins. Scorpius s’en fichait comme d’une guigne mais, énervé de ne pas comprendre la lettre de son père, il le lut et le relut plusieurs fois durant son trajet de la volière au reste du château. Absorbé, il ne fit pas attention à la neige qui mouillait le bas de son pantalon et s’infiltrait dans ses chaussettes, si bien qu’il parvint à la Grande Porte trempé jusqu’au mollet.


“Mr. Malefoy !”


Scorpius leva les yeux de sa lecture et blêmit. Mr. Sherrington, l’intendant du collège, le fixait de ses petits yeux porcins, un rictus mauvais sur les lèvres. Cet homme l’avait toujours détesté.


“Vous allez salir les couloirs.
-Je…
-Vous voulez salir les couloirs ? Je ne crois pas que vous ayez envie de salir les couloirs”, déclara Sherrington d’un ton menaçant.


Il l’embêtait, avec ses couloirs !


“Je vais me sécher, répondit Scorpius très vite en rougissant un peu.
-Je préfère ça. Sinon, je serai obligé de dire à votre directeur de maison que vous aimez salir les couloirs, que ça vous amuse de dégrader les lieux !”


Scorpius sortit sa baguette sans répondre. Il était à peu prêt certain que le Professeur Zabini se fichait de qui salissait les couloirs et dans quel but, mais Sherrigton avait une façon si personnelle de rapporter les moindres incartades et infractions faites au règlement que le directeur de Serpentard aurait tôt fait de mettre Scorpius en retenue. Une seule fois, il s’était retrouvé en retenue avec le professeur Zabini, et il ne tenait pas à réitérer l’expérience : il avait passé la soirée à laver les Veracrasses dont se servaient les troisièmes années pour leur cours de Soin aux Créatures Magiques, et le seul souvenir de cette punition lui rappelait l’odeur horrible des baquets. Et ce mucus gluant qui avait tâché toutes ses robes !


Scorpius se sécha d’un geste désinvolte de la baguette, le regard de Sherrington toujours braqué sur lui. Qu’il aille s’occuper de quelqu’un d’autre, celui-ci ! Le jeune homme ne comprenait toujours pas pourquoi il lui en voulait autant, après sept ans d’étude. Peut-être parce qu’il passait son temps avec Weasley, Raban et les autres, connus pour laisser une pagaille énorme partout où ils passaient.


“Je préfère ça”, lança le concierge alors que Scorpius franchissait les portes du château.
“Vas terroriser des Poufsouffles ou passer le balais chez Mimi Geignarde, ça me fera des vacances”, grinça Scorpius entre ses dents.

Courageux mais pas téméraire, il avait parlé très bas, pour ne pas à se faire de nouveau rappeler à l’ordre. Après tout, la lettre de Père disait de faire profil bas !


Les portes de la Grande Salle étaient fermées. Le hall était désert, les élèves étant soit en cours, soit calfeutrés dans la douce tiédeur des salles communes. Seuls quelques fantômes, glissant sans bruit au-dessus des dalles, passaient ça et là, discutant à voix basse. Sans réfléchir, Scorpius laissa ses pas le guider vers les escaliers qui menaient aux cachots, pour rejoindre la salle commune de Serpentard. L’idée de brûler la lettre de son père dans la grande cheminée s'immisça dans son esprit, séduisante. Ça ne changerait rien, mais ça le soulagerait peut-être. De toute façon, il n’avait rien compris à cette lettre sauf la partie qui l’enjoignait à la plus grande prudence - mais pourquoi, par Merlin, devait-il être prudent ?!

Alors qu’il longeait le mur de pierre humide des cachots du premier sous-sol - au lieu de l’embêter, Sherrigton aurait dû s’occuper de ré-appliquer un sort d'étanchéité, tiens ! - un rire familier lui fit tourner la tête. Par la porte d’une salle de classe restée entrouverte, il aperçut un éclat blond et bleu, furtif. On était jeudi après-midi, et le groupe des septième année de Serdaigle et Poufsouffle avait cours de potion.


Scorpius s’arrêta à l’angle du mur. De là, il voyait l’intérieur du cachot sans pour autant être vu. A la première table, penchée sur un chaudron qui faisait la taille de son buste, une jeune fille un peu petite pour son âge riait en agitant sa baguette. Quelques mèches couleur miel s’échappaient de son bandeau bleu et bronze, soufflées par l’épaisse fumée lavande qui se dégageait du chaudron en fonte.


“Maggie, tu sais qu’elle n’est pas censée devenir violette, lui souffla la jeune femme à côté d’elle.
-La cou… La cou… Couleur...”


Hoquetant de rire, la jeune fille était incapable d’articuler, mâchant la moitié des mots qui lui restaient dans la gorge. Ses épaules tressautaient au rythme des gloussements qui s’échappaient de sa bouche, et ses mains tremblaient si fort que Scorpius craignit qu’elle ne fasse tomber sa baguette dans le chaudron.


“Professeur Zabini ! appela son amie d’un ton affolé. Professeur, je crois qu’il y a un souci avec la potion de Maggie.
-Couvrez-vous la bouche, Miss Granger, répondit une voix appartenant à un homme que Scorpius ne voyait pas. Miss Taylor a ajouté ses racines de Dictame avant de faire bouillir son mélange, et non après, ce qui produit un gaz hilarant d’une efficacité redoutable. Ne respirez pas les vapeurs !”


De là où il était, Scorpius vit une baguette en noyer sombre s’agiter au-dessus du chaudron, et le gaz disparut sans laisser de trace. Un instant, la silhouette d’un homme passa dans son champs de vision, l’empêchant d’observer la jeune femme qui se tordait à présent les côtes de rire.


“Il semblerait qu’elle en ait inhalé une bonne dose, reprit la voix d’homme. Miss Granger, pouvez-vous l’accompagner à l’infirmerie ? Elle ne risque pas grand-chose, mais on n’est jamais trop prudent.
-Oui, professeur.
-Laissez vos affaires, ajouta-t-il, vous aurez le temps de terminer votre propre antidote après.
-Bien, professeur.”


L’homme se déplaça et, de nouveau, Scorpius vit la petite Serdaigle qui riait aux éclats. Elle trébucha un peu en tentant de s’extirper de derrière la table, et se rattrapa à l’épaule de son amie qui grimaça sous le choc. Ah, s’il avait pu la faire rire le quart de ce qu’elle riait à présent ! Même un simple sourire amusé lui aurait suffit, en vérité. Mais il n’arrivait déjà pas à lui adresser la parole sans bégayer, alors la faire rire…


Scorpius, perdu dans ses pensées, réalisa soudain que les deux amies se dirigeaient dans sa direction. Paniqué, il chercha des yeux une issue de secours. Il ne fallait pas qu’elles le voient ! Quel abruti… Qu’est-ce qu’elles allaient s’imaginer ? “La vérité, se dit-il affligé : que je les espionne comme le dernier des imbéciles !”


Du coin de l'œil, il avisa les deux jeunes femmes qui venaient à sa rencontre, et décida de se réfugier dans un des cachots qui bordaient le couloir. Plutôt tomber sur le Baron Sanglant en plein rituel de magie noire que de se faire voir ! Scorpius ouvrit la porte du cachot situé sur sa droite à la volée et la referma aussitôt derrière lui, soulagé. Elles n’avaient pas encore tourné l’angle du couloir, aucune chance qu’elles l’aient vu !


“Qui va là ?”
La voix, familière, provenait de derrière le jeune homme. Il se tourna par petits accoups, peu désireux de se trouver nez-à-nez avec la personne à qui elle appartenait. Cette journée ne faisait rien pour s’améliorer… 


“Ah, mec, c’est toi. Comment tu savais qu’on était là ?
-Je savais pas Weasley, répondit Scorpius d’un ton assuré. J’croyais que vous aviez cours ?
-Ouaaaais, mais Flitwick s’est senti très mal au bout d’un quart d’heure, et le cours de Sortilèges a été annulé !
-En même temps, ajouta un garçon aussi large que haut, s'il s’était pas jeté sur le chocolat qu’il nous a confisqué…
-Grave, le pauvre, renchérit Weasley d'un ton qui feignait la pitié. Si seulement quelqu'un s'était douté qu'il contenait une pastille de gerbe… C'est quand même pas de chance…"


Le garçon qui ressemblait à une commode sur pattes partit d'un gros rire gras. Scorpius se força à sourire, pour donner le change. Des tours comme celui-ci, Louis Weasley était capable d'en infliger une dizaine par jours à ses nombreuses victimes, dont le Serpentard n'avait pas envie de faire partie, merci beaucoup. D'ailleurs, il en faisait déjà bien assez les frais en tant que simple observateur : c'était la faute de Louis s'ils s'étaient retrouvés plongés jusqu'aux coudes dans les Veracrasses, l'année dernière.


Alors qu'il était en quatrième année, s'occupant de ses devoirs dans son coin à la bibliothèque, Scorpius s'était retrouvé nez-à-nez avec Louis Weasley, déjà grand pour ses treize ans. Croyant qu'il voulait lui demander un renseignement, et flatté qu'un élève plus jeune puisse voir en lui un mentor, Scorpius lui avait demandé d’une voix polie ce qu'il voulait. La réponse du rouquin avait été succincte, mais directe : "Tu es un Malefoy. Je connais ta famille. On devrait traîner ensemble." Scorpius n'avait même pas réfléchi au manque évident de logique dans cette phrase. Il se voyait déjà, modèle pour le petit groupe de Louis et ses amis, leur faire découvrir Poudlard et ses secrets, les guidant comme lui aurait aimé être guidé à l'école de sorcellerie. Et, après tout, il n'avait pas beaucoup d'amis…


La réalité avait été assez différente. Louis était beaucoup de choses, mais en aucune façon un gamin en recherche d'un exemple à suivre. Là où Scorpius était timide et effacé, lui était assuré et m'as-tu-vu au possible, cherchant à se faire remarquer autant que faire se peut. Il passait son temps à se pavaner dans les couloirs, élaborant mauvais coups sur mauvais coups. Il avait dit à Scorpius, une fois : « Le nom Weasley a une certaine réputation, il faut que je sois à la hauteur ! », en parlant de deux de ses oncles qui étaient devenus des légendes pour avoir quitté Poudlard en créant la plus grande pagaille de toute l’histoire du château. Très fier de cet héritage, le jeune Weasley multipliait les coups fourrés et incartades, espérant lui aussi obtenir un entrefilet à sa gloire dans L’Histoire de Poudlard – édition révisée. Ses plaisanteries, au début innocentes et sans grandes conséquences, étaient devenues de plus en plus cruelles et gratuites au fil des ans, et le Gang à Weasley, comme l’appelaient certains étudiants, inspirait une peur tenace à nombre d’élèves plus jeunes. Peu importait le nombre de retenues, de punitions ou de Beuglantes qu’il recevait, le Gryffondor continuait de terroriser les autres étudiants – et certains membres du corps enseignant.


“Flood et Raban sont pas avec vous ? demanda Scorpius lorsqu’Eames eu terminé de rire.
-Ils ont Métamorphose.
-Eh, Eames, viens me filer un coup de main !”


L’armoire à glace se tourna vers son ami. Scorpius le voyait s’agiter, tournant et retournant sa baguette d’un vieux balais en bois clair, qui avait vu des jours meilleurs.


“Vous bricolez quoi ?
-Eames a piqué les clés de la réserve de Quidditch des Poufsouffles au crétin qui leur sert de capitaine. Je trafique un peu le balais de leur batteuse. Rien de bien méchant, t’inquiète.
-La saison n’a pas commencé…
-C’est l’idée ! Si elle pouvait se casser un bras pendant les sélections, ça m’arrangerait ! Elle avait qu’à pas m’envoyer ce Cognard dans les côtes, l’an dernier. C’est la meuf blonde avec les nattes, tu vois laquelle ? Flood a entendu dire qu’elle était Sang-de-Bourbe, c’est toujours ça de pris…”


À chaque fois que Weasley, ou un des abrutis qui lui servait d’amis, se lançait dans leurs grands discours sur la pureté du sang et la nécessité de le préserver, un profond malaise s’insinuait en Scorpius. Il n’aimait pas parler de ça. Son père comme sa mère lui avait toujours dit d’éviter d’en discuter en société, que le sujet était sensible, qu’il valait mieux ne pas en parler. “Ton sang est une fierté, disait souvent Père, mais il est bon de ne pas être fier trop fort.”


“Au fait, dit soudain Eames en levant le nez, bien ouej’ pour ton père.
-Mon père ? répéta Scorpius sans comprendre.
-Ça va, pas la peine de faire comme si tu savais pas avec nous, répondit Eames en fixant le balais qui se débattait sur la table du cachot. Ma tante m’a envoyée l’interview au p’tit déj’. Très classe, ton paternel !
-Ah, l’interview ! lança Scorpius d’un ton assuré. Oui, bien sûr, grave… J’avais zappé.” 


Il n’avait aucune idée de ce qu’était cette interview. À croire que l’intégralité des sorciers de Grande-Bretagne était au courant des affaires de son père avant lui - mais c’était à lui qu’on envoyait des mises en garde, bien sûr.


“Tu l’as avec toi ? Je l’ai pas lue encore.
-Normal, ricana Eames en fouillant dans son sac, ma tante l’a terminée hier ! Les avantages de connaître du monde à La Gazette”, termina-t-il sur un ton évocateur en tendant à Scorpius l’édition du lendemain.


Le Serpentard s’en saisit. Sous le nom La Gazette du Sorcier en gros caractères d'imprimerie s’étalait un portrait sépia, sur lequel son père le toisait d’un regard austère. Par moment, il prenait appui sur sa canne, ou ajustait la robe noire qui lui tombait jusqu’aux genoux. Juste en dessous, un titre énorme clamait “Interview exclusive avec Drago Malefoy : “Il faut rendre à notre communauté ses lettres de noblesse !” Scorpius s’assit sur une des tables du cachot et parcourut l’article d’un œil, pressé de comprendre enfin ce que son père préparait.


L’article s’ouvrait sur un long paragraphe retraçant le parcours politique de Lucius Malefoy, le grand-père de Scorpius, aujourd’hui décédé. S’ensuivait une interview d’une bonne page avec Drago Malefoy qui expliquait avoir, après des années à se consacrer aux affaires de la famille Malefoy, racheté la charge de son père à la chambre des Mages - une des deux instances politiques en charge de la nomination du Ministre de la Magie, et s’allier au Parti des Mages pour la campagne électorale à venir. L’interview se terminait sur l’annonce de sa candidature au poste de Ministre de la Magie, avec pour objectif de “remettre au centre du débat les valeurs chères aux sorcières et sorciers de Grande-Bretagne : la famille, l’éducation et la préservation de notre mode de vie.”


Scorpius reposa le journal. Voilà qui expliquait mieux le Petit précis de citoyenneté qui accompagnait la lettre ! Et dire que ce crétin d’Eames était au courant avant lui de la candidature de son père au poste le plus en vue du pays ! Brillant. Sa colère, retombée lorsqu’il était passé devant la salle de cours des Potions tout à l’heure, remontait à présent en flèche. Il était impossible que son père ait pris sa décision la veille, mais il avait attendu le dernier moment pour en informer Scorpius. Parfait.


“Il présente bien, dit Eames en récupérant son journal.
-Bof, il est un peu tiède, non ? demanda Weasley en rangeant sa baguette dans sa poche.
-Il fera un meilleur Ministre que ton oncle, en tout cas !
-Grave, souffla le rouquin, j’espère bien ! Celui-ci… Les Moldus ceci, les Moldus cela… Mais vas-y, habiter avec tes Moldus, personne te retient !”


Un rire gras sortit des lèvres d’Eames. Scorpius n’avait qu’une hâte : que la cloche sonne enfin pour qu’il puisse prétendre avoir cours à l’autre bout du château, et ruminer en silence ce qu’il venait d’apprendre. L’indifférence totale de son père à son égard - qui n’avait, cette fois encore, pas jugé bon de le mettre au courant de ses affaires - le mettait dans un état de rage qu’il devenait difficile de contenir. 


“Malefoy, bouge, râla Weasley en s’approchant de lui, il faut qu’on remette le balais dans la remise avant 16h !
-Allez-y, répondit Scorpius en s’écartant de la porte du cachot, je vous rejoins plus tard. J’ai, euh… Divination.” 


La tour de Divination était à l’opposé du château. Parfait. Scorpius attrapa son sac, le jeta sur son épaule et s’en fut dans le couloir humide sans jeter un regard en arrière. Il entendit la voix gutturale d’Eames résonner le long de la coursive alors qu’il avançait d’un pas vif vers l’escalier :
“Depuis quand il fait Divination, lui ?”

Partie 1, interlude 1 by Emojifeu

Petit précis de citoyenneté à l’usage des sorcières et sorciers de Grande-Bretagne

 

Vous avez dix-sept ans ou plus ? Félicitations ! Vous êtes désormais majeur ! Cela implique un certain nombre de droits et devoirs. Vous avez par exemple le droit de vous exprimer sur les affaires du Ministère de la Magie de Grande-Bretagne, et pour ce faire, vous avez un outil : le vote.

 

1) Voter, pourquoi ?
En votant le 5 mai prochain, vous prendrez part à la plus importante décision de la communauté magique ! Vous avez la possibilité d'exprimer votre opinion et de rendre service à la communauté en choisissant des députés qui représentent toute la population de Grande-Bretagne. C'est ce qu’on appelle le devoir citoyen.

 

2) Voter, pour qui ?
La population magique de Grande-Bretagne est appelée à voter tous les 4 ans pour élire ses représentants. L'ensemble des députés élus s'appelle la Magocamérale. Avec la Chambre des Mages, la Magocamérale procède dans le mois qui suit son élection à la nomination du Ministre de la Magie.

 

3) Comment ça marche, une élection ?
Notre communauté dispose de trois grands organes politiques : la Magocamérale, chambre élue évoquée ci-dessus ; La Chambre des Mages et la Cabale.
La Chambre des Mages, seconde assemblée politique de Grande Bretagne, est composée des représentants des plus nobles et anciennes familles de sorciers. Ses membres ne sont pas élus, mais peuvent hériter de leur siège ou l’acheter en posant une candidature auprès de la Cabale.
La Cabale est un comité réunissant les  cinq sorcières et sorciers les plus respectés du pays, nommés d’après leurs postes. Les membres qui en font part sont : le Directrice de Poudlard, le Directeur de la Banque de Gringott, la Chargée d’Entente et d’Entraide à la Population Non-Magique, la Représentante des Intérêts des Créatures Magiques et le Président du Magenmagot.
C’est ce comité qui est en charge de reconnaître le nouveau Ministre de la Magie - la personne ayant le plus de voix au sein des deux chambres - et de lui transmettre les plein pouvoirs, s’ils jugent qu’il est bien sain d’esprit et qu’il agit dans l’intérêt plein et entier de notre communauté. 

 

4) Où et comment voter ?
Vous serez automatiquement inscrit sur les listes électorales si vous avez dix-sept ans révolu le 31 décembre prochain à minuit. il vous suffit de vous rendre au Ministère de la Magie le 5 mai entre 9h et 20h, muni de votre baguette qui atteste de votre identité. Si vous êtes encore étudiant à Poudlard, sachez qu’il est également possible de voter dans l’enceinte de l’école. Si vous êtes à l’étranger, et/ou dans l’impossibilité de rejoindre le Ministère aux horaires proposés, il vous est possible de mandater un de vos proches pour voter à votre place.
Le vote a lieu à bulletin secret, dans les isoloirs prévus à cet effet. Vous trouverez du parchemin, des plumes et des enveloppes dans l’isoloir. Pour voter, munissez-vous simplement de la plume noire présente sur le pupitre et inscrivez le nom du candidat pour lequel vous souhaitez voter. Ne vous inquiétez pas ! La plaie présente sur votre main disparaît en quelques secondes et ne laisse aucune trace. Le moment du vote pouvant être légèrement désagréable (saignements, possible malaise…), une équipe de Médicomages est toujours présente sur les lieux. N’hésitez pas à vous adresser à eux en cas de problème.
Ensuite, glissez votre bulletin dans l’enveloppe et rejoignez les urnes électorales pour voter. Une empreinte de votre baguette vous sera demandée à l’issue du vote pour confirmer votre identité. 

 

5) Puis-je voter plusieurs fois ?
Non, il est interdit de voter plusieurs fois. C’est d’ailleurs pour cela que nous demandons à chaque sorcière et sorcier de se munir de leur baguette, afin de contrôler l’identité des votants et éviter que certains ne votent plusieurs fois.
De plus, l’utilisation des Plasmaplumes, certes désagréable, permet de prévenir le vote multiple, l’usurpation d’identité ou le trafic de bulletins, et rend impossible toute altération des bulletins. 

 

6) Quand les résultats sont-ils annoncés ?
Les résultats sont annoncés le 5 mai au soir après le dépouillement des bulletins, et donnent lieu à une assemblée exceptionnelle de la Magocamérale et de la Chambre des Mages le lendemain. A l’issue de cette dernière, le premier représentant du parti majoritaire est déclaré Ministre de la Magie, et présenté à la Cabale, qui décide de son investiture. Et voilà, le nouveau Ministre de la Magie est désormais en poste ! 

 

Nous espérons avoir répondu à l’ensemble de vos questions avec ce petit précis de citoyenneté. Nous vous attendons nombreuses et nombreux aux urnes dans quelques mois ! N’hésitez pas à demander, par retour de hibou en utilisant le coupon détachable ci-dessous, que d’autres manuels vous soient envoyés.

Partie 1, chapitre 2 - “Mr. Moore a toujours été un crétin, après tout.” by Emojifeu

Chapitre 2 - “Mr. Moore a toujours été un crétin, après tout.”

 

“Teddy !”


Plumard trop petit. Bruit de ressorts. Soupir. Il se leva de mauvaise grâce. Le ton de sa logeuse ne lui plaisait pas du tout. Qu’avait-il bien pu faire, cette fois-ci ? Ramasser son tee-shirt sur le dossier de la chaise. Odeur de tabac froid. Se laver les mains dans l’évier fixé à même le mur. “N’oublie pas de cacher le magazine”, pensa-t-il. Il se frotta les mains avec le savon verdâtre. Un, deux, trois tours… Ça irait. Teddy passa une paume humide dans sa tignasse bleue. L’ébouriffa. Retourner près du lit, fourrer sous le matelas un amas de pages cornées et tachées. Personne n’avait envie que Mrs Harris, la sexagénaire fouineuse qui lui faisait une vie de chien, tombe sur des clichés de mecs à poil. Elle passait son temps à fouiller sa piaule.

Il ouvrit la porte et tomba nez-à-nez avec ladite Mrs. Harris. Elle s’appliquait chaque jour à devenir un peu plus une caricature d’elle-même. Bigoudis dans les cheveux, un déshabillé transparent réhaussé de fausse fourrure rose sur les épaules. Clope au bec. Elle était adossée au cadre de la porte. Négligeante. Flegmatique. Sale. Un peu plus, et elle aurait craché sa fumée au visage de Teddy. Ses longs ongles cramoisis attrapèrent son bras musclé. Le pincèrent sans vraiment lui faire mal.


“Teddy, je t’appelle depuis dix minutes !
-Pardon, Mrs. Harris, j’vous ai pas entendu”, Teddy répondit.


Ton faux, désolé sans l’être. “J’avais pas envie de t’entendre”, il pensa sans le dire. Impossible de dire ça. Il ne pouvait pas l’envoyer promener. C’était la seule qui acceptait qu’il ait presque deux semaines de retard sur son loyer tous les mois. Pour quelle raison, ça… Teddy séchait. Ses beaux yeux, probablement… Ou le fait qu’il ne porte jamais de tee-shirt en allant à la douche. Il traversait les parties communes en short, rien d’autre. 


“Un hibou pour toi, en bas. La sale bête a fait des fientes partout sur mon comptoir ! Elle m’a presque mordue, quand j’ai voulu prendre la lettre, alors tu te débrouilles avec elle. Et tu me nettoies le plan de travail”, hurla-t-elle à Teddy alors qu’il disparaissait dans l’escalier.


Bruit de grincement. Descendre les marches quatre à quatre. Empressement. Il n'avait pas envie qu'elle lui colle au train. Mrs. Harris était une plaie. Elle s’amusait à lire son courrier par-dessus son épaule. En plus, elle savait le faire d’une distance impressionnante pour quelqu’un de son âge ! Il n’attendait aucun hibou. Pourvu qu’il arrive du Congrès magique des Etats-Unis ! Mr. Moore aurait pu revoir sa position… Trois mois après ? Ça semblait peu probable, mais sait-on jamais.


Teddy pénétra dans la grande cuisine ouverte. L’avalanche de rose qui semblait s’être abattue sur la maison l'écœurait de plus en plus. Assiettes roses. Gobelets roses. Bonbon. Fushia. Rubis. Criad. Ça détonnait sur les murs blancs de la cuisine. Même les manches des couteaux ! Plan de travail en faux granite rose sur le comptoir. Il jurait avec la nappe framboise de l’îlot central. Impression de trop-plein. Le rose qui dégoulinait sur les ustensiles rendait la pièce plus petite. L’étouffait.


Il s’approcha des voilages fushia de la grande fenêtre. Un superbe hibou Grand-Duc l’attendait. Épaisse enveloppe de parchemin dans son bec. Teddy tira la tronche. Le Congrès utilisait du papier glacé pour transmettre ses lettres. Rien à voir avec l’enveloppe que ce piaf lui tendait. Il était stupide : ici, personne n’utilisait de hibou. Les américains préféraient les carouges, plus petits et plus rapides. Non, a priori cette lettre arrivait d’Angleterre. À tous les coups, c’était Harry et Ginny qui venaient aux nouvelles. Ils allaient lui proposer de venir passer Noël au Terrier. Comme chaque année. Ils envoyaient une lettre tous les mois depuis cinq ans. Mais il avait reçu la dernière deux semaines avant… En y repensant, peut-être un peu plus... L’inactivité lui faisait perdre la notion du temps.


Gamelle d’eau pour le piaf. Coup d’oeil au comptoir. Une seule fiente, minuscule. Il fallait toujours que Mrs. Harris en fasse des tonnes… Il attrapa un couteau rose. Décachetta la lettre. L’enveloppe tomba sur ses pompes. Ah. Elle ne venait pas d’Harry et Ginny. C’était Percy qui lui écrivait. Son oncle. Enfin.. Adoptif. Il n’avait pas connu ses parents. Juste la maison bizarre et trop pleine des Weasley. Sa presque famille. Son presque oncle. Depuis 25 ans.


La lettre ! Surprenante. Percy ne lui écrivait pas souvent. Il se concentra pour déchiffrer ses pattes de mouches.


“De bonnes nouvelles ?”
La voix traînante de Mrs. Harris. Elle se tenait à deux pas de lui.
“Plutôt oui, il souffla. Du boulot.
-Ah ! J’aurai peut-être enfin mes loyers à l’heure, alors.”
Reproche à peine dissimulé. Il s’en fichait.
“Je crois pas, non, il répliqua. Je rentre à Londres.”


Affolement de Mrs Harris. Yeux ronds. Bouche-bée. Elle faillit avaler sa clope.

 

*

 

Nuages menaçant au-dessus de Londres. Ciel gris. Pavés gris. Béton gris. Tison de cigarette. Teddy l’écrasa d’un mouvement de talon. Sur son épaule, son sac. Un énorme fourbi à grosses sangles marrons qui pesait trop lourd. Il remontait la rue vers l’entrée du Ministère de la Magie.  Est-ce qu’il avait une dégaine de touriste ? Personne ne le regardait, en tout cas. Marcher, marcher, marcher. Le Portoloin l’avait lâché non-loin des bureaux. Apparaître juste devant aurait pu alerter les moldus qui se baladaient aux alentours. Marcher, encore. Bouffée d’euphorie. il aimait marcher dans les rues de la capitale. Cinq ans sans les arpenter, elles lui avaient manqué. 


Cinq ans de New-York ! Cinq ans d’Etats-Unis. Cinq ans qui étaient passé à une vitesse folle. Ce n’était pas la veille qu’il s’en allait travailler au Congrès Magique des Etats-Unis ? Percy l’avait bien aidé, sur ce coup-là. Il avait 20 ans à l’époque. Culpabilité. Revenir maintenant vers celui qui lui avait permis de partir alors qu’il s’était fait viré trois mois aupravant… Viré pour une raison dure à avaler, en plus ! Son boss, Mr. Moore, avait un fils de son âge qui montrait un peu d’intérêt pour les relations magiques internationales, et beaucoup d’intérêt pour Teddy. Mr. Moore n’avait pas vraiment apprécié retrouver son fils avec son assistant dans son propre lit. Sous son propre toit.


Pour les autres, Teddy avait perdu son job car son boss le jugeait prêt, après cinq ans à ses côtés, à devenir autre chose qu’un assistant. En vrai, il avait interdiction d’approcher à nouveau le Congrès, la famille Moore et en particulier Aaron, le fils. Bien dommage. Aaron avait un joli sourire et il en pinçait pour Teddy. Mais du jour au lendemain, silence radio. Teddy avait eu le temps de se remettre, en trois mois. La perte de son boulot le mettait plus en rogne que le silence d’Aaron. Il aimait bien le jeune homme, sans plus. Pas de quoi chouiner.


Devant lui, la cabine rouge. Panneau “Hors service” collé sur la vitre. Enfin ! L’entrée du Ministère. Il attrapa la poignée. Une pensée, fugace. Personne ne savait qu’il était là. Quelqu’un allait pouvoir lui filer un badge ? Il aurait dû envoyer un hibou pour dire qu’il arrivait… Ou mieux, répondre à Percy. Teddy se mordit l’intérieur de la joue. Il était trop impulsif. Soudain, il commença à flipper. Percy. Il allait dire quoi, Percy, quand il débarquerait dans son bureau en tee-shirt et short en plein mois de décembre, son sac de baroudeur sur le dos, deux jours seulement après le hibou ? Son boulot. Il allait parler de son boulot. Il allait demander comment il avait quitté son job. Ensuite il serait déçu. Ses méninges tournaient à toute vitesse. Il était revenu au pays sans réfléchir. Il s’était contenté de rassembler ses affaires, laisser son fric à Mrs. Harris pour la faire taire, et de prendre le premier Portoloin que la commission des transports lui avait désigné. Quel crétin !


“Nom, prénom, objet de la visite ?”


Crachotement. Voix de l’opératrice dans le combiné. Blanc. Teddy ne savait pas quoi dire. Est-ce qu’il voulait vraiment se rendre au Ministère, tout compte fait ? Plus insistante, la voix grésilla encore dans son oreille.


“Nom, prénom, objet de la visite ?
-Lupin, Teddy, visite de courtoisie à un parlementaire, Teddy lâcha.
-Attendez un instant.”


Clic. Communication coupée. Silence. Il reposa le combiné sur son socle. Cliquetis pas vraiment rassurants dans la cabine. Puis “Bonk !” sonore. Le casier à monnaie s’ouvrit. Dedans, un gros badge rond sur lequel était inscrit “Lupin, Edward, visite de courtoisie à Monsieur Percy Weasley, député parlementaire.” Teddy renifla. Personne ne l’appelait “Edward”... Même pas Molly quand elle l’engueulait ! Il accrocha le badge sur son tee-shirt. La cabine descendit dans les entrailles du Ministère.

 

*

 

“Teddy, quel plaisir !”


Signe discret à l’assistante. La porte se referma. Percy se leva du fauteuil. Grand sourire, bras ouvert. Léger malaise chez Teddy. Dans son souvenir, Percy n’était pas un homme affectueux. Mais c’était le premier visage familier qu’il voyait depuis son arrivée.  Ça, ça lui faisait plaisir. Familier aussi, le bureau. Il avait travaillé là. La pièce était identique à ses souvenirs : les bouquins trop nombreux sur les étagères, le carreau magique qui donnait sur un coin de Londres, le feu qui ronronnait dans la cheminée, les binocles de son oncle posées à droite des plumes… La seule inconnue, c’était la secrétaire. Normal : après tout, c’était lui qui occupait ce poste avant. Lors du cours passage de Percy au département des relations magiques internationales. C’était pour se faire pardonner d’abandonner ce poste et de le laisser en plan qu’il lui avait trouvé un job au Congrès. Un joli cadeau de départ, sans blague ! Son cœur se serra. Il avait de l’estime et de l'admiration pour Percy. L’idée de le décevoir lui tordait le bide.


“Tu arrives directement de New York ? Pas trop froid ? Percy demanda en avisant ses fringues trop légères.
-Oh, le temps de New York n’est pas si éloigné de celui de Londres, mais moi j’ai toujours trop chaud.
-Mais pose ton sac, assieds-toi ! Tu veux une tasse de thé ?
-Un soda, c’est possible ?
-Merlin, Percy murmura d’un ton grave, les américains ont donc réussi à te corrompre à ce point ?”


Éclat de rire. Percy passa la tête par la porte pour demander à son assistante de leur apporter une tasse de Christmas Tea et un soda à l’orange. Teddy se laissa tomber dans un fauteuil en velours. Percy le mettait en confiance. Pas de faux-semblants. 


“Alors, comment était New York ? Percy demanda en se rasseyant. Et le Congrès ? Différent du Ministère, j’imagine. Ils sont plus… Ah, comment dire…
-Bruyants ?
-Précisément, Percy approuva, ils sont plus bruyants. Plus modernes. Et méfiants, aussi. J’ai entendu dire Mr. Moore t’avais congédié, il y a quelques mois ?”


Gorge sèche. Mains qui tremblent. Teddy déglutit.


“Tu n'as pas à t’en faire, il m’a tout expliqué. Il avait besoin de la place pour son fils, et tu travaillais pour lui depuis cinq ans, il était peut-être temps de se lancer dans autre chose. De toute façon, les américains n’ont pas le même, euh… Respect que nous pour le travail accompli, disons ça comme ça, Percy termina en levant les yeux au ciel. Ici, on t’aurait proposé une nouvelle position, mais enfin.”


Soupir. Soulagement. 


“Oui, Teddy dit en se relâchant, c’est dommage.
-Enfin, enfin, si c’est ce qui te fait rentrer au pays, je ne me plains pas ! Je suis bien content de te voir. Que penses-tu de ma proposition ?”


Percy tout craché, ça ! Sauter à pieds joints dans le boulot, deux minutes à peine après son arrivée. Mais Percy n’avait jamais été intéressé par les banalités d’usage. Il n’avait pas beaucoup vieilli, en cinq ans : sa crinière rousse flamboyait sur son crâne, impeccablement plaquée en arrière, et sur son nez, les gros verres qui encerclaient ses yeux étaient sans doute les mêmes. Tiré à quatre épingles, comme d’habitude. Sa robe noire tombait à la perfection sur ses épaules étroites. La seule touche de couleur, c’était une cravate rouge qui dépassait du col. Et son bureau rangé au cordeau ! Pas un morceau de parchemin ne dépassait de la pile qui attendait sagement sur le côté. Tout l’inverse de Teddy. Malgré cinq ans de travail au Congrès, il restait désordonné. Il perdait tout ! Et passait son temps à chercher ses papiers... Il oubliait même d’attacher ses cravates. Pic de honte. Même sa tenue d’aujourd’hui ne ressemblait à rien. Un bermuda de baroudeur et un tee-shirt tâché. Qu’avaient pensé les employés du Ministère ? Qu’il se rendait au pub ?


“J’ai pas très bien compris ce que tu me proposes, il hésita, mais je serai très heureux de bosser à nouveau avec toi.
-Ah, voilà qui fait plaisir à entendre, Percy s’écria. Je ne voulais pas entrer dans les détails dans ma lettre, il ajouta, tu sais qu’ici tout se sait… Je voudrais que tu prennes part à la campagne électorale, comme je te le disais dans ma lettre.
-Ça, j’ai saisi. C’est la partie sur Poudlard qui est plus obscure.
-J’y viens. Comme tu le sais, le 5 mai prochain, tous les sorciers et sorcières en âge de voter seront appelés à prendre le chemin des urnes. Or, tu as dû t’informer de la situation politique ici, mais l’Union Sorcière, que je vais représenter cette année…”


Point d’arrogance. Regard fier. Il bomba le torse. 


“L’Union Sorcière est, je vais être franc, dans une mauvaise passe. Déjà, nous avons du mal à nous maintenir au même niveau que le Parti des Mages depuis une dizaine d’années, comme tu le sais, mais surtout, ils ont un nouveau candidat. Un candidat jeune, charismatique et surtout très riche. Un Sang-Pur d’une grande famille. Est-ce que le nom de Drago Malefoy te dit quelque chose ?”


Teddy fit oui de la tête. Un été au Terrier, il était jeune, Hermione et  Percy n’avaient que son nom à la bouche. Peu de souvenir, mais ils n’étaient pas contents. Cet homme pouvait fiche en l’air tout leur travail, s’il avait bien compris.


“Son arrivée à la tête du Parti des Mages n’a absolument rien de réjouissant, Percy continua d’un ton grave. Nous avons réussi à maintenir, depuis dix ans, le statut quo avec Algol Yaxley, car notre Ministre n’est pas très, hum… Actif, il termina après une pause. Mais je crains que Malefoy ne soit plus enclin à revenir sur les mesures que Kingsley avait prises lors des ses mandats précédents. C’est même certain : après tout, il a des intérêts financiers dans à peu près tout ce que produit le monde sorcier, et il a beaucoup d’amis à Gringott. Ma priorité est, évidemment, d’assurer la pérennité de ce que Kingsley a bâti", Percy déclara en regardant Teddy droit dans les yeux.


Pas besoin de réponse. Il comprenait très bien. “Si tu peux récupérer la charge de Ministre de la Magie dans la foulée, tu ne diras pas non.”  Sourire entendu. Ils formaient une bonne équipe, tous les deux. Teddy était doué en politique. Il comprenait ce langage muet. C’était peut-être pour ça que Percy l’avait fait revenir.
Une pause. Percy resta silencieux. Laissa le temps à son assistante de déposer une tasse de thé fumante et un grand verre orange sur la desserte. Il se remit à parler quand elle referma la porte.


“J’ai eu une idée, Percy dit enfin. Les jeunes votent de moins en moins car ils ne se sentent pas concernés. Je crois qu’il est temps qu’on aille à leur rencontre, qu’on leur explique en quoi c’est important.
-C’est interdit, ça non ?” Teddy rétorqua.


Percy sourit.


“Justement, non. Il est interdit de faire campagne ou de recruter pour une association politique, mais là je te parle de cours de citoyenneté. D’éducation. D’information. C’est cela, reprit-il fier de sa formule, c’est mener à bien une mission d’information de ces jeunes pour qu’ils comprennent leurs droits et devoirs.
-Et McGonagall ?”


Pour sûr, la directrice de Poudlard avait son mot à dire dans l’histoire. Le choix du prof, par exemple.


“McGonagall connaît et comprend les enjeux de la vie politique, et trouve que c’est une excellente idée pour apprendre aux jeunes l’importance de la démocratie. Elle approuve mon choix.”


Ça ne l’étonnait pas, elle l’avait toujours eu à la bonne. 


“De toute façon, je ne parle pas d’embrigader des jeunes pour constituer des milices, mais de les informer sur la vie politique de leur pays, et sur leur droit. En sommes, nous ne ferions qu’approfondir leur cours d’Histoire de la Magie. Et puis, il s’agit de quelques rencontres facultatives, sans obligation d’assister aux cours… On est loin du recrutement massif !”


Changement discret de ton. Mise en garde voilée. Teddy comprit. Éviter à tout prix de suggérer cette idée à d’autres qui pourraient l’utiliser à leurs fins.


Pause. Il réfléchit. 


“Pourquoi moi ? il demanda.
-Tu es jeune, tu t’y connais en politique… J’ai besoin de quelqu’un de confiance, quelqu’un de ton âge avec de l’expérience. Quelqu’un qui ne sera pas nommé à ce poste par le Parti des Mages. Et puis, tu comprends mieux les jeunes sorciers que moi. J’ai déjà du mal à cerner mes propres filles, et elles sont plus proches de ton âge que de celui d’un adolescent de 17 ans”, il ajouta en riant.


Molly et Lucy. Quelque chose comme 24 et 22 ans. Plus vraiment des écolières. Molly, il la connaissait mieux. Elle lui envoyait souvent des lettres. Elle lui avait prêté de l’argent, aussi. Lucy, moins. Aux dernières nouvelles, elle était perdue quelque part en Roumanie avec Charlie et Fred. Il les avait vu grand maximum trois fois dans sa vie. 


“Qu’en penses-tu, Percy demanda, est-ce qu’une position de ce type pourrait t’intéresser ? Évidemment, si nous gagnons les élections, il se pourrait qu’il y ait une ouverture de poste au département des relations magiques internationales par la suite…
-J’accepte”, Teddy répondit.


Assurance feinte. Voix trop forte pour masquer. Il pouvait bien faire le fier ! Quel autre choix avait-il ? Il avait déjà dit oui rien qu’en revenant à Londres. Percy le savait très bien. Il aurait pu lui proposer de balayer des toilettes dans le Poudlard Express qu’il aurait dit oui. Mais l’idée de travailler à une campagne électorale était séduisante. Percy ne se fichait pas de lui.


“Ah, formidable ! Je ne doutais pas que le sujet t’intéresserait. Il faudra qu’on organise une rencontre avec le reste de l’équipe, évidemment, et puis que tu rencontres les autres députés de la Magocamérale… Voyons, pourquoi pas demain matin ? Ah non, c’est samedi… Au fait, Percy interrogea sans lui laisser le temps de répondre, que fais-tu dimanche ?
-Dimanche ?
-Pour le réveillon, bien sûr, Percy répondit.”


Noël. Noël lui était passé au-dessus de la tête ! Il avait oublié que c’était si proche. Harry et Ginny l'invitaient tous les ans au Terrier. Il n’avait jamais eu envie d’y aller. Un réveillon, pour lui, c’était plutôt une grosse cuite entre collègues suivie d’une journée de gueule de bois. De toute façon, depuis plus de dix ans, l’ambiance au Terrier était lourde. Beaucoup d’histoires de famille. De vieilles embrouilles qui empoissonnaient l'air et polluaient les conversations. À 20 ans, il avait décidé qu’il n’était pas concerné par ces histoires. Après tout, il s’appelait Lupin, pas Weasley ! Mais après plusieurs années de mal du pays... La perspective de revoir sa presque-mais-pas-tout-à-fait famille lui faisait de l'œil.


“Je pense, Percy reprit d’un ton doux, que Papa et Maman seraient ravis de t’accueillir pour Noël. Tu connais la devise de Maman…
-On peut toujours ajouter un couvert, Teddy récit.
-Voilà, sourit Percy. Est-ce que tu sais où tu vas loger, pour les mois à venir ?”


Excellente question !  Teddy n’avait pas de réponse. Où allait-il loger ? Il se mordit l’intérieur de la joue. Il ne pensait vraiment à rien. Pour les intrigues politiques, il y avait du monde ! Mais alors les détails pratiques… 


“Au Terrier, si Grandma et Grandpa veulent bien de moi, j’imagine, il finit par répondre.
-Tu ne vas pas retourner vivre au Terrier ! Percy s’exclama. La campagne après New York, le calme plat alors que tu es si jeune ! Les jeunes aiment la ville. Non, le Terrier c’est bien pour Noël, mais ensuite...”


Approbation. Il n’avait pas tort. Teddy avait autant envie de  passer ses soirées aux coins du feu entre Molly et Arthur que de se pendre. Mrs.Harris était une casse-pied mais elle n’avait jamais râlé quand il rentrait à pas d’heure. Molly allait vouloir faire la popote, puis il faudrait manger ensemble, et passer du temps tous les trois… Non, il en aurait vite marre. Y penser l’agaçait déjà.


“Non, Percy reprit, il faut que tu sois à Londres, tu te sentiras bien mieux. Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais si tu ne peux pas te permettre de prendre un appartement tout de suite, tu peux toujours rester avec moi. La chambre de Molly est libre depuis qu’elle a déménagé, l’été dernier.
-J’veux pas déranger...
-Penses-tu ! Je connais le prix des loyers ici, et puis si tu n’as pas de travail depuis trois mois, j’imagine que tu vas avoir besoin d’attendre un peu avant de reprendre un appartement à toi. Il faut simplement que je vérifie avec Olivier si ça ne le dérange pas, mais ça ne devrait pas poser de soucis”, Percy continua d’un ton égal.


Pause. Hein ? Olivier ?


“Olivier ?
-Eh bien, oui, Olivier. Mon, euh… Compagnon ? Percy proposa d’un ton hésitant. Ça fait quelques années, maintenant, que nous l’avons dit à la famille et Maman a même accepté qu’il vienne au Terrier pour Noël, cette année !”


Ah oui, cette vieille casserole… Le divorce de Percy et d’Audrey avait fichu le bazar dans la famille Weasley.Dix ans auparavant, déjà. Teddy n’avait que 15 ans. Molly s’était vraiment énervée. Elle avait refusé de parler à Percy pendant plusieurs années. Teddy était “trop jeune pour comprendre”. Personne n’avait voulu lui expliquer ce qui se passait vraiment. Voilà qui rendait les choses plus claires !


Le ton de son oncle lui brisa le coeur. Un gamin recevant un bonbon… Il avait le droit de venir avec son mec et ça le rendait content comme un gosse qu’on pardonne après une bêtise. Une phrase, et il comprit à quel point Percy avait dû en baver.


“Mais tu étais à New-York, Percy se reprit, tu n’as pas su… Pourtant, Molly t’écrit souvent, elle et Lucy vivaient encore à la maison lorsqu’il s’est installé, elle ne t’a rien dit ?”


Teddy fit non de la tête. Silence. Percy avait l’air blessé. Ça devait lui mettre un coup.


“Elle a peut-être jugé que ce n’était pas à elle de m’en parler ? Teddy dit d’une voix plus douce.
-Peut-être bien, oui… C’est possible.”


Percy se redressa. Visage neutre, regard inexpressif. Une statue. Il se protégeait.


“Quoiqu’il en soit, je vis donc avec Olivier, et tu peux tout à fait venir t’installer chez nous le temps que tu puisses à nouveau avoir un chez toi.”


Il attendait quelque chose. Ça se voyait. Teddy s’était fait jeter plusieurs fois à New York, à commencer par son ancien boss. Il connaissait bien cette trouille mélangée à de l’espoir qui serrait le cœur. Peur d’être rejeté, espoir ténu d’être accepté comme on est. Teddy n’avait jamais vécu ce que Percy vivait en ce moment. Il n’avait jamais rien dit à sa presque-famille. Déjà parce qu’il y avait Victoire, dans sa presque-famille. Et puis, c’était plus simple comme ça. Mais il comprenait. Ça le prenait aux tripes, de voir Percy dans cet état, parce qu’il comprenait.


“Je serais ravi de vivre avec vous”, il sourit.


Soupir discret. Soulagement. Quelque chose dans l’attitude de son oncle se relâcha. Il lui rendit son sourire. Plus sincère, le sourire.


“C’est arrangé, alors ! Je vais demander à Olivier s’il est là, comme ça tu pourrais voir l’appartement, t’installer et te changer, Percy dit d’un ton amusé en désignant son bermuda. Et je vais écrire à Maman, pour lui dire que tu viendras avec nous au Terrier dimanche.”


Percy se leva. S’approcha de la cheminée. Teddy le fixa. Un sale goût dans la bouche. Dans le bide, une sensation de ne pas avoir été tout à fait honnête avec son lui. Non content de lui offrir un poste, Percy se proposait de l’héberger. Et cette bombe qu’il avait lâchée… Teddy ne se sentait pas réglo. Il décida de jouer cartes sur table, lui aussi. Prendre son courage à deux main. Se racler la gorge. Respirer. 


“Percy ?
-Hum ? fit ce dernier, penché vers la cheminée.
-C’est pas parce qu’il pensait que je devais me débrouiller seul, ou parce qu’il voulait le poste pour son fils que Mr. Moore m’a viré.
-Ah non ? Percy demanda en faisant volte-face.
-Nope, Teddy répondit en fixant la semelle de ses tennis, il m’a renvoyé parce qu’il aimait pas que je, euh… Fréquente son fils.”


Blanc. Plus un mot dans le bureau. Crépitement du feu dans l'âtre. Derrière la porte, bruits discrets des gens qui travaillaient.


Percy se redressa. Le fixa. La poudre de Cheminette dans ses mains coula sur le tapis.
L’air ne passait plus trop dans les poumons de Teddy.


“Bah, Percy répondit, Mr. Moore a toujours été un crétin, après tout.”


Et il sourit, alors Teddy sourit aussi.

Partie 1, interlude 2 by Emojifeu

Une lettre de Molly Weasley à son cousin Teddy Lupin 

 

Cher Teddy, 

J’espère que tu vas bien. L’autre jour, Papa m’a demandé de tes nouvelles. Je lui ai répondu qu’on ne s’était pas écrit depuis plusieurs mois, comme tu m’avais demandé, et bien sûr il ne sait pas que tu t’es fait virer, mais il est possible qu’il te contacte dans les semaines à venir. Je te préviens pour que tu ne me fasses pas mentir et que tu puisses trouver un alibi ! Franchement Ted, perdre son job parce qu’on a couché avec la fille du patron… Tu es un cliché de toi-même.


Bref. 


J’ai enfin trouvé un appartement, figure-toi ! Ça y est, je vais avoir mon chez-moi, comme une vraie adulte ! Je suis tellement contente ! C’est à deux pas des bureaux de Sorcières Hebdo, je pourrai même y aller à pied - oui, avant que tu ne te moques, mon aversion pour la poudre de Cheminette ne s’est pas estompée, bien au contraire. Rends-toi compte que maintenant, je vomis pendant et après le voyage quand je suis forcée de prendre le réseau de cheminée. Vraiment pratique, et très, très glamour.


Enfin, j’ai eu un pincement au cœur en déménageant, il y a quelques semaines. Lucy était partie juste après avoir obtenu son diplôme, et c’est mon tour… Papa n’a plus aucune de ses filles à la maison, maintenant. Mais bon, je ne m’inquiète pas trop pour lui, il est bien entouré.


Comment ça, “j’ai bien fait de ne pas venir aux fiançailles de Victoire ?” Pardon ?! Elle était très triste que tu ne sois pas là, figure-toi ! Et son mec est vraiment bien, je suis sûre qu’il t’aurait plu ! Même Granma a fini par se montrer agréable avec lui. Il faut vraiment que tu arrêtes de t’en vouloir pour cette histoire, ça date d’il y a tellement longtemps… Victoire t’a pardonné, et si tu acceptais de lui parler, tu t’en rendrais vite compte. La seule personne qui t’en veut encore, c’est toi-même. Bon, j’arrête, mais réfléchis-y quand même.


Venons-en à ta question principale : oui, le date s’est bien passé. Et non, je ne vais pas le revoir. Il était très gentil mais… Il n’était pas très intéressant. Disons qu’il manquait quelque chose, je ne sais pas comment t’expliquer. Il n’était pas très drôle, je pense qu’on ne se serait pas amusés tous les deux. Ceci dit, j’ai passé une bonne nuit eheh. Très… Dynamique. Ça va être plus simple, ça, maintenant que j’ai mon appart’ ! 


Bon, et toi, où en es-tu ? Du travail à l’horizon ? Si non, ne t’en fais pas : trouver du travail, ç’est vraiment pas évident, ces jours-ci… Et puis tout s’est passé si brusquement, c’est normal que tu aies besoin d’un peu de temps. D’ailleurs à ce propos, bien sûr que tu peux prendre ton temps pour me rembourser, ne t’en fais pas. Au fait, elle ne t’a toujours pas écrit ? Je pense qu’il faut laisser tomber… Elle va faire ce que son père lui demande, et tu n'as pas envie de sortir avec une fille à papa.


Allez, courage Teddy ! Je pense bien fort à toi ! Lorsque tu auras retrouvé du travail et que tu auras un nouvel appart’, je viendrai te rendre visite, c’est promis. Maintenant que je peux voyager seule et que j’ai les moyens, j’ai hâte de voir les Etats-Unis !


Je t’embrasse (et bisous à Mrs. Harris si elle a décidé d’ouvrir cette lettre !), 

Molly 

Partie 1, chapitre 3 - “Je n’ai rien à faire là.” by Emojifeu

Chapitre 3 - “Je n’ai rien à faire là.”


Le train, lancé à grande vitesse sur les rails, avalait les kilomètres dans la campagne écossaise. La brume habituelle avait cédé sa place au givre, qui mangeait les vitres du Poudlard Express. Dehors, le paysage paraissait ne jamais changer, englouti par une neige d’un blanc presque douloureux à l’oeil qui recouvrait tout et rendait chaque endroit semblable au précédent. Dans le train, des élèves surexcités à l’idée de rentrer chez eux pour les fêtes se succédaient au chariot à friandises et discutaient bruyamment dans les wagons, insensibles au froid mordant de l’extérieur qui s’infiltrait dans le convoi.


Rose Granger-Weasley, le froid posé contre la vitre bringuebalante, qui menaçait à tout instant d’exploser à cause de la vitesse du train, réfléchissait, indifférente à l’agitation qui lui parvenait depuis la porte entrouverte du compartiment. Ses cheveux noirs, bouclés et denses, encadraient son visage jusqu’à sa mâchoire droite et volontaire. Machinalement, à intervalles réguliers, elle portait ses longues mains noires à sa bouche et soufflait dedans pour les réchauffer. L’isolation du train était défectueuse, il aurait fallu refaire le charme qui permettait de garder le froid dehors. Elle finit par enfouir ses mains dans son écharpe bleu à liseré bronze. Il faudrait qu’elle en parle avec Mr. Sherrington, à l’occasion. Quoique, ce n’était peut-être pas le rôle du concierge, l’enchantement du train. Mais de qui, alors ?


“Oh, y avait du monde ! Trop relou.”


Rose lâcha le paysage des yeux et tourna son regard vers son amie Maggie qui referma la porte du compartiment derrière elle. La petite Serdaigle, pétillante, lui adressa un sourire éclatant et lui tendit une des timbales qu’elle avait à la main.


“Tiens, ça va te réchauffer.
-Merci Maggie.”


Rose attrapant le gobelet fumant et la chaleur du récipient couru le long de ses doigts, les réchauffant délicieusement. La jeune fille soupira de bien-être. La Bièraubeurre était interdite à la vente à bord du Poudlard Express, mais on pouvait toujours mettre la main sur une tasse de thé. Elle souffla légèrement dessus, ayant peur de se brûler la langue si elle buvait trop vite.


“Tu me diras combien je te dois ?
-Oh, arrête, Rose ! Pour 2 Mornilles, je m’en remettrais.
-Je t’offre une Bièraubeurre à la rentrée, alors, sourit Rose en levant son gobelet.
-Ouais, c’’est ça qu’on veut, répondit Maggie avec malice.”

Elle bu une gorgée de thé et les joues de son visage rond, rendues roses par le froid ambiant, passèrent soudain au rouge soutenu.


“Eh, c’est chaud !
-Eh oui Maggie, se moqua Rose, le thé c’est chaud, c’est d’ailleurs sa caractéristique principale.
-Ha ha, vas-y, fiches-toi de moi. Tu rigoleras moins quand tu iras te chercher ta propre tasse, la prochaine fois.”


Elle feignait d’être énervée mais ses yeux bleus, rieurs, ne trompaient pas Rose. De toute façon, Maggie était de bonne composition : en sept ans d’amitié, les deux amies avaient dû se disputer deux fois, et encore !


“Tu crois qu’on est assez loin de Poudlard, maintenant ? demanda Maggie en reposant sa tasse sur sa tablette.
-Je pense que les charmes du train sont trop puissants pour que tu puisses utiliser ton machin, là, répondit Rose, sachant très bien où elle voulait en venir.
-Mon portable, Rose. Je te l’ai dit genre, douze fois, dit la jeune femme en sortant un petit carré de métal, de la taille de sa paume, recouvert d’une énorme vitre. Rah, t’as raison, soupira-t-elle. Je devrais le savoir, pourtant : ça fait sept ans que je fais le trajet, et il refuse toujours de s’allumer avant qu’on arrive à King’s Cross !
-C’est la magie qui fait ça.
-Je sais, je sais, soupira Maggie en rangeant l’appareil dans sa poche. Mais tu sais que ça me soûle : le monde magique…
-Devrait fonctionner avec le monde moldu, pas contre lui, termina Rose qui connaissait la chanson.
-Yes, exactement mademoiselle.”


Maggie était née moldue, et elle ne perdait jamais l’occasion de le rappeler à Rose, très fière de cette dualité. Contrairement à elle, elle avait fréquenté une école moldue lorsqu’elle était petite, avant de recevoir sa lettre d’admission à Poudlard, et avait conservé plusieurs amis de cette époque qui vivaient encore près de chez ses parents. Mis à part ses grands-parents maternels, Rose ne connaissait aucun moldu. La magie avait toujours fait partie de sa vie. Maggie, elle, n’avait réellement compris qu’elle était sorcière qu’à l’âge de 11 ans et, si le monde magique la fascinait, elle était tout de même restée attachée à l’univers des moldus qui avait été celui de sa petite enfance. Réconcilier les deux était sa marotte, un combat qu’elle portait à bout de bras et dont elle n’hésitait jamais à parler - du moins dans le monde sorcier, puisqu’elle prétendait qu’elle respectait scrupuleusement le secret de l’existence du monde des sorciers. 


“Tu restes à Londres, pour les vacances ? demanda Rose pour changer de sujet.
-Oui, on va chez mes grands-parents, puis ensuite je voudrais voir des potes, peut-être un ciné, ou alors on ira faire du patin à glace… Et toi ? Vous restez tous les quatre ?
-Nope, soupira Rose. Papa vient nous chercher avec Hugo à King’s Cross et on part directement pour le Terrier. Je ne sais pas si on est censés y rester longtemps, probablement quelques jours… Toute la famille sera là, ajouta-t-elle sur un ton dépité.
-Même Louis ?
-Surtout Louis, répondit-elle en levant les yeux au ciel. Oh, celui-là ! Le monde serait carrément mieux si mon cousin avait eu la bonne idée de ne pas naître.
-Grave, j’y pense chaque jour qui passe, confirma Maggie en sirotant son thé. C’est un vrai crétin. Je l’ai croisé hier, devant les toilettes des filles, au troisième étage. Tu sais ce qu’il faisait ?
-Laisse-moi deviner… Une liste des nanas qui lui plaisent ?
-Non, bien pire ! s’écria Maggie. Avec les quatre crétins qui lui servent de potes, ils avaient foutu leur cravate dans leurs pantalons, tu vois ? Elles dépassaient de leur braguette, et à chaque fois qu’une meuf s’approchait, ils faisaient ça.”


Elle mima un geste obscène avec les hanches, renversant un peu de thé sur la moquette du train au passage.


“Mais quel abruti, souffla Rose. La honte…
-Alors je leur ai dit d’arrêter, et puis j’ai enlevé dix points à Gryffondor, pour le principe, et là… C’est parti en vrille, évidemment ! Tu peux pas me dire quoi faire, singea Maggie d’une voix de fausset, sale Sang-de-Bourbe…
-Attends, il a vraiment dit ça ? la coupa Rose, affolée.
-Ouais ! Heureusement, il est complètement débile, et McGonagall est passée à côté juste à ce moment-là. Je crois que Gryffondor a perdu pas mal de points, avec cette histoire, et que les toilettes des filles de chaque étage sont éclatantes de propreté. ll les a récurées tout l’après-midi !”


Maggie eut un petit sourire satisfait et avala une gorgée de thé.


“Et toi, ça va ?
-Quoi, l’insulte ? Oh, Rose, c’est pas comme si c’était la première fois, tu sais ?
-Je sais bien, mais c’est quand même un peu, euh... moche, termina Rose en baissant la voix.
-Ouais, c’est moche, répondit gravement Maggie. Ce qui m’inquiète le plus, c’est que ton cousin est loin d’être le seul à dire ça, ces derniers temps. J’ai l’impression que le terme revient à la mode. Et ça, c’est l’angoisse.”


La jeune femme se tut, les yeux perdus dans le vague. Au dehors, le paysage hivernal défilait toujours, et la lumière déclinait lentement dans le ciel. Il ferait bientôt nuit. Le train continuait d’avancer à un rythme soutenu, et la vétusté des rails provoquait parfois des cahots dans l’habitacle.


“Je peux en parler à ma mère, proposa Rose, je suis certaine qu’elle le dira à son père.
-Je ne sais pas si ça changera grand-chose, tu sais : ces idées, il les a bien entendues quelque part, hein.
-Ça m’étonnerait que ça vienne de ses parents, oncle Bill et tante Fleur sont des héros de guerre. Et puis, mes cousines Victoire et Dominique ne sont pas comme ça.
-Si tu le dis…
-Tu me crois pas ? questionna Rose sur la défensive.
-Si, je te crois quand tu dis que tu y crois. Je ne suis juste pas certaine qu’être un héros de guerre soit une garantie d’être quelqu’un de bien, expliqua Maggie. Oh, s’exclama-t-elle soudain, il faut que je fasse ma ronde ! Quelle plaie, soupira-t-elle en terminant le contenu de son gobelet.
-Tu veux que je t’accompagne ? proposa Rose, trop heureuse de se dégourdir les jambes.
-Carrément, sourit son amie.”


Elles se levèrent et sortirent du compartiment. Maggie profita de la première poubelle qu’elles croisèrent pour se débarrasser de son verre vide, et elles avancèrent l’une après l’autre dans le couloir étroit, discutant des projets de Maggie pour les vacances. Ce garçon, une connaissance de connaissance, insistait pour lui offrir un verre depuis les vacances d’été, et ne comprenait visiblement pas pourquoi elle n’était jamais à Londres.


“Il pige pas le concept d’internat, je crois, ajouta Maggie en riant. Il est gentil, mais il a pas l’air très fut-fut.
-Maggie !
-Quoi ? C’est vrai ! Je lui ai expliqué plusieurs fois, et maintenant il pense que je fais mes études à l’étranger !
-Peut-être que t’expliques mal, se moqua Rose.”


Maggie ouvrit la bouche pour rétorquer, mais une exclamation dans le compartiment sur leur droite, dont la porte était fermée, l’interrompit avant qu’elle n’ait pu lancer une pique à Rose. L’air soudain sérieux, elle ouvrit la porte à la volée et se figea. Rose s’approcha et jeta un œil à l’intérieur de l’habitacle.


Dans un coin, un jeune homme d’une quinzaine d'années, aux cheveux noirs crépus, regardait avec frayeur les cinq garçons qui se tenaient debout en face de lui, leurs baguettes sorties. Hugo, son petit frère, se faisait encore embêter par ces crétins de sixième année. Le sang de Rose ne fit qu’un tour. Elle saisit sa propre baguette dans sa poche arrière et la pointa en direction d’un des adolescents, un grand garçon aux cheveux roux flamboyants et aux traits fins, d’une grande beauté, qui menaçaient son frère.


“Qu’est-ce que vous fichez ici, vous ? pesta Maggie en entrant dans le compartiment.”


Le grand garçon roux qui se tenait au milieu du groupe ne lui répondit pas, ne lui lança même pas un regard. Il préféra se pencher vers Hugo, recroquevillé sur la banquette du train, l’air mauvais.


“Encore sauvé à la dernière minute, à ce que je vois, mon cher cousin. C’est bien dommage, je suis sûr que ça allait fonctionner, cette fois-ci.
-Qu’est-ce qui allait fonctionner, Louis ? demanda Rose d’une voix froide, sa baguette toujours pointée sur son cousin.
-Mais rien de mal, enfin ! J’aide ton frère à réaliser son vrai… Potentiel, répondit-il en se tournant vers elle, un rictus animant ses lèvres trop fines. Rien de bien méchant.
-Je suis certaine que ma mère sera ravie d’apprendre que tu es aussi assidu à aider Hugo, répliqua Rose sans sourire. On pourra en discuter à table demain, ça nous fera un bon sujet de conversation, tu crois pas ?”


À l’évocation du réveillon familial qui devait avoir lieu le lendemain, Louis pâlit. “Cet abruti a oublié” pensa Rose.


“Tu veux encore faire perdre des points à Gryffondor, Weasley ? renchérit Maggie.”
Une mou agacée passa sur le visage du garçon.
“Raban, tu peux répondre à Madame la Préfète-en-chef, dit-il en appuyant sur ce dernier terme, que je ne souhaite pas lui adresser directement la parole, s’il te plait ?
-Ça m’embête, Weasley, répondit un échassier brun en ajustant ses lunettes trop grandes sur son nez en trompette, j’aurai peur de me salir si je lui parle…”


Louis et trois de ses amis partirent d’un grand éclat de rire gras, très fiers de leur petite blague. Dans sa main, la baguette de Rose tremblait. Un bon coup de maléfice de Chauve-Furie et on verrait bien qui rirait… Sa tante Ginny lui avait appris à le perfectionner, l’été dernier, et il laisserait des traces pendant une bonne semaine si elle parvenait à le lancer correctement. La seule raison qui la faisait hésiter, c’était que la famille allait poser des questions si Louis arrivait le lendemain au Terrier avec le visage couvert de créatures ailées…


“Allez vous faire voir ailleurs, ordonna Maggie, le regard noir mais la voix stable. Je pense que ça fait longtemps que les toilettes du Poudlard Express n’ont pas été astiquées, Weasley, et comme il paraît que tu es devenu un expert en nettoyage…”


Louis serra les dents et rangea sa baguette.


“Dix points de moins pour Gryffondor. Ah, pardon Eames, je t’avais pas vu, reprit Maggie en s’adressant à un garçon qui ressemblait à une armoire à glace avec des bras. Ça fera vingt points en moins pour Gryffondor. Et voyons, qui avons-nous là ? Raban, Flood et Malefoy ? Donc trente points en moins pour Serpentard. Fichez le camp, maintenant.”


Quatre des cinq garçons quittèrent le compartiment en bousculant Rose et Maggie du mieux qu’ils purent. Alors qu’ils s’éloignaient dans le couloir, Rose entendit distinctement les termes “Sang-de-Bourbe” et “Cracmol” résonner le long de la coursive, mais ils étaient trop loin pour qu’elle les rattrape. D’un geste discret de baguette, elle fit partir un filament rougeâtre qui vint s’écraser sur le postérieur de Flood. Il bondit en avant et son coude alla se loger entre les côtes de Louis, qui gémit de douleur. Bien fait. Elle jeta un œil à son amie pour vérifier qu’elle n’avait rien vu, mais Maggie fixait toujours l’intérieur de la cabine.


“T’es sourd, Malefoy ? demanda la jeune femme en haussant le ton. Je t’ai dit de te casser.
-Pardon, répondit le jeune homme blond d’un ton penaud, je m’en vais.
-Franchement, soupira Maggie, tu es en dernière année, tu es brillant dans toutes les classes qu’on a ensemble, t’es plutôt sympa… Pourquoi tu traînes avec cette bande de crétins de sixième année ?”


Rose nota une pointe de pitié dans la voix de son amie, comme si elle était réellement soucieuse du sort de Scorpius Malefoy. Elle n’avait pas tort, du reste : Scorpius était doué, et, lorsqu’il était seul, pouvait même se montrer d’une compagnie agréable. Personne ne comprenait ce qu’il fichait avec Louis et sa bande de harceleurs à la petite semaine.


“Tu trouves que je suis sympa ? répéta Scorpius en rougissant légèrement.”


Maggie haussa les sourcils et échangea un regard de connivence avec Rose. Cette dernière se retint de rire, et dû se mordre l’intérieur de la joue pour ne pas laisser échapper un gloussement.


“Je trouve que tu es plutôt sympa, oui, quand tu ne terrorises pas des cinquièmes années, répondit Maggie en désignant Hugo d’un signe de tête.”


Scorpius rougit de plus belle et se tourna vers Hugo, qui était resté plaqué contre la banquette du train sans bouger, sous le choc.


“Je suis désolé pour, euh… Je suis désolé, termina Scorpius en s’adressant à Hugo. Pardon, je ferai en sorte que ça ne se reproduise pas.
-D’ac.. D’accord, hésita Hugo en levant les yeux vers lui.
-Je vais, euh… Je vais sortir, continua Scorpius en désignant le couloir d’un geste de main.”


Maggie s’écarta pour le laisser sortir, évitant toujours de croiser le regard de Rose pour ne pas éclater de rire. Cette dernière fixait ses pieds, incapable de contenir le sourire qui lui montait aux lèvres. Scorpius quitta le compartiment et partit dans le couloir à la suite de la bande de Louis. Après quelques pas, il fit volte-face, les joues carmins, et lança sur un ton gêné, la voix enrouée :


“Moi aussi, je trouve que tu es plutôt sympa, Margaret.”


Il se retourna et partit d’un pas pressé dans le corridor qui courait le long du Poudlard Express. Maggie regarda Rose et les deux jeunes filles explosèrent de rire.
“Il est sérieux, lui ? demanda Maggie entre deux éclats de rire.


-Merlin… Maggie, il crush encore sur toi ! s’exclama Rose.
-Ça va faire quoi, trois ans ? Faut qu’il passe à autre chose ! renchérit la jeune femme en rangeant sa baguette.
-Qui t’appelle Margaret, en plus ?
-À part McGonagall ? Personne ! répondit Maggie.”


Elles se remirent à rire et fermèrent la porte du compartiment derrière elles. Dans son coin, Hugo se tenait toujours en retrait, les yeux résolument dirigé vers le paysage extérieur. Rose se força au sérieux et vint s'asseoir à côté de son frère, Maggie leur faisant face. Rose passa un bras autour de son frère, l’enjoignant à poser sa tête sur son épaule. Hugo se laissa aller et se blottit contre sa sœur. Elle caressa quelques instants ses cheveux frisés, jouant avec les boucles qui s’emmêlaient sur son crâne. Lentement, Hugo se détendit, réalisant petit à petit que la menace était passée.


Dehors, la nuit était enfin tombée. Il devait être cinq heures, le Poudlard Express était à une ou deux heures de trajet encore de la gare. Parfois, on voyait par la fenêtre une grappe de maison aux toits recouverts de neige épaisse. Il faisait moins froid, dans ce compartiment, et l’étreinte avec son frère acheva de réchauffer la jeune femme.


“Qu’est-ce qu’il a fait, cette fois-ci ? demanda finalement Rose.
-Il voulait me faire léviter, j’crois, dit Hugo d’une voix faible. Il disait que s’il me laissait tomber, j’arriverai peut-être à voler en tombant.
-Quel abruti ! pesta Maggie entre ses dents. Je suis désolée, Hugo.
-Tu sais, Hugo, reprit Rose, je suis toujours dans le compartiment des préfets avec Maggie, tu peux venir avec nous, les autres diront rien.
-Je ne vais pas éternellement me cacher derrière toi, répondit le jeune homme en se dégageant de l’étreinte, faut que j’arrive à me défendre. Ça serait plus simple, reprit-il après un temps de pause, si je pouvais lui lancer un sort…”


Maggie détourna les yeux, mal à l’aise. Rose pianota sur la vitre, ne sachant que répondre. Son amie se leva au bout de quelques secondes de silence, prétextant qu’elle devait terminer sa ronde, et sortit du compartiment.


“Tu vois, soupira Hugo une fois que Maggie eut refermé la porte, elle aussi, elle est mal à l’aise avec moi !
-Hugo, raisonna Rose calmement, Maggie t’adore et tu le sais.
-J’ai pas dit qu’elle m’aimait pas. J’ai dit qu’elle était mal à l’aise. Toi aussi, ajouta-t-il en regardant sa soeur dans les yeux, tu es mal à l’aise.”


Rose accusa le choc et fixa son frère une seconde avant de répondre. Les yeux sombres du jeune homme, sous ses sourcils épais, luisaient d’un éclat accusateur. Son menton carré tremblait légèrement, et ses longs doigts noirs attrapaient et lâchaient à intervalles irréguliers le tissu de son pantalon. Il était nerveux.


“Non, Hugo, je ne suis pas mal à l’aise. Je suis embêtée qu’on te fasse subir ce que Louis et sa bande de trolls te font subir. Je suis inquiète pour mon petit frère. Mai pas mal à l’aise. Je t’aime, ajouta-t-elle, que tu puisses ou non faire de la magie.”


Hugo soupira et regarda par la fenêtre. Rose se sentait bête. Elle savait que si le jeune homme se refermait, elle ne pourrait plus lui parler, et elle sentait qu’il avait besoin de parler.


Son frère n’avait jamais montré de grandes aptitudes pour la magie. En fait, il était à peine capable de faire de la magie. Lorsqu’il était plus jeune, il avait commencé à montrer tardivement les signes qui font des enfants des sorciers : faire changer les habits de couleur, déplacer des objets, faire bouger un balais… Leurs parents s’étaient inquiétés mais, lorsqu’il avait reçu sa lettre d’admission à Poudlard, tout le monde avait été soulagé. Pourtant, les pouvoirs d’Hugo ne s’étaient jamais vraiment développés : il était à peine capable de faire léviter une plume au bout de cinq ans d’études. Tous ses professeurs s’accordaient à dire qu’il y avait un souci avec ses pouvoirs, car il travaillait d’arrache pied, pour des résultats toujours plus limités. Les seules matières dans lesquelles il parvenait à se maintenir étaient celles qui reposaient presque exclusivement sur la production d’essais et demandaient peu de pratique avec une baguette, comme l’histoire, l’astronomie, la botanique ou encore le soin aux créatures magiques. Et les potions. Hugo était anormalement doué en potions, pour quelqu’un qui n’avait que peu de pouvoirs magiques, c’est pourquoi il avait été autorisé à continuer ses études au collège de magie.


“Hugo, s’il te plaît, implora Rose, parle-moi.
-J’en ai marre, siffla le jeune homme, d’être le clown de l’école. Tout le monde le sait. Tout le monde en parle constamment, Rose, genre, en permanence ! Je n’ai pas d’amis, et…
-Tu m’as moi, le coupa Rose.
-Tu es ma sœur ! C’est pas pareil !
-Et Lily ?
-Lily est ma cousine !
-C’est aussi ton amie, corrigea Rose, et elle a ton âge ! Elle sera toujours là l’an prochain !
-Lily est adorable, accorda Hugo, mais ses amis sont mal à l’aise quand je suis avec eux. Toute l’école est mal à l’aise quand je suis là, ajouta-t-il à mi-voix.
-C’est parce qu’ils ne voient pas à quel point tu es quelqu’un de génial…
-Non, c’est parce que je n’ai rien à faire là, répliqua Hugo d’un ton sans appel.”


Rose se tut. Elle savait qu’elle ne pouvait pas comprendre exactement ce que vivait son petit frère. Elle, elle était douée en cours, on ne cessait de le lui dire : “Oh, Mrs. Granger, vous êtes aussi douée que votre mère ! Je me souviens, quand elle était à Poudlard…” Et bla, bla, bla… Et puis, elle avait Maggie. Et Augustus, et Neela, et Damian. Son cousin, Albus, aussi… Non, Rose était talentueuse, et bien entourée, et elle aurait été bien hypocrite de dire à son frère qu’elle comprenait sa douleur quant à l’école de sorcellerie alors qu’elle-même voyait en Poudlard une seconde maison, qu’elle pleurait déjà à l’idée de quitter dans quelques mois.


“Tu veux faire quoi, du coup ? finit-elle par demander à Hugo.
-J’sais pas, répondit-il en soupirant. J’y réfléchis. Papy m’a parlé d’une école, à côté de chez lui et Mamy, qui pourrait m’accepter en cours d’année.
-Une école… Moldue ?
-Oui, une école moldue. C’est p’t’être la solution, tu sais ? J’y pense depuis un moment. Après tout, Maman est Née-Moldue, c’est pas comme si j’y connaissais rien… Et puis, je vais louper mes B.U.S.E. à la fin de l’année. Je suis incapable d’obtenir un “Acceptable” en Métamorphose ou en Sortilège. Autant prendre de l’avance, nan ?”


Il lui adressa un pauvre sourire, un peu dépité. Rose sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Elle le revoyait, sur le quai 9 ¾ de la gare, des années auparavant, si jaloux qu’elle parte enfin pour Poudlard alors que lui devrait attendre deux longues années encore…


“C’est toi qui décide, Hugo, finit-elle par déclarer en lui prenant la main. Je ne sais pas ce que diront Papa et Maman, ajouta-t-elle en se mordant la lèvre.
-Moi non-plus. Ça me fait un peu flipper…
-Je serai avec toi, dit-elle en lui serrant la main.”


Son frère pressa sa main, en signe de reconnaissance. Ils restèrent un moment en silence, le train fonçant toujours à pleine vitesse sur les rails dans la nuit. Les rares maisons devenaient des petites villes illuminées qui brillaient dans l’obscurité. Le vent était tombé et soufflait moins fort contre la vitre. Parfois, au dehors, on distinguait quelques silhouettes qui se déplaçaient, qu’on n’apercevait qu’un bref instant avant de les perdre, englouties par le noir du soir de décembre.


“Au fait, demanda soudain Hugo après un long moment de silence confortable, c’est quoi, cette histoire entre Maggie et Malefoy ?”


Rose sourit et se redressa, heureuse de pouvoir une fois de plus raconter la complainte de Scorpius Malefoy, éternel amoureux transis de la belle Magaret Taylor.

Partie 1, interlude 3 by Emojifeu

La complainte de Scorpius Malefoy, éternel amoureux transis de la belle Magaret Taylor

 

Il était une fois, dans un temps pas si lointain mais un peu quand même…

"En quelle année ? l'interrompit Hugo.
-Il y a trois ans. Me coupe pas, répondit Rose avant de reprendre."

Il était donc une fois, il y a trois ans, un jeune garçon de 14 ans appelé Scorpius Malefoy. Il était plutôt petit pour son âge, mais était tiré à quatre épingles. Ses cheveux d'un blond presque blancs étaient plaqués en arrière sur son crâne, et ses grands yeux bleus-gris lui donnaient l’air rêveur.

"Ouais, tu le trouves mignon, quoi.
-Bah, tu le connais aussi, il est plutôt pas mal, non ? Et arrête de m’interrompre, répéta Rose."

Comme tous les ans depuis quatre étés, il attendait à la gare de King's Cross le train qui devait l'emmener à Poudlard, la célèbre école de sorcellerie de Grande-Bretagne. Alors qu'il patientait sur le quai en compagnie de son père, il vit au loin un éclat qui lui fit tourner la tête. Il ne se doutait pas, alors, que ce simple regard allait changer sa vie à tout jamais.

“T’en fais un peu des caisses, là, non ?
-Hugo, si tu me coupes encore une fois, j’arrête de raconter !
-Pardon, pardon. Continue, s’il te plait !”

Sur le quai, à quelques mètres de lui, se tenait la plus belle fille qu’il ait jamais vu de sa vie. Une jeune fille un peu petite, portant une robe de sorcier noire avec l’écusson de Serdaigle accroché au niveau de la poitrine. Ses courts cheveux couleur miel encadraient son visage rond, aux joues roses et fraîches comme deux fleurs de cerisiers et couvertes de taches de son. Ses yeux, d’un bleu clair comme le ciel de cette journée de septembre, brillaient d’un éclat doux et lorsqu’il croisa son regard, elle lui adressa un sourire rayonnant qui le réchauffa jusque dans sa moelle épinière. Elle avait le plus beau sourire qu’il ait jamais vu. A partir de cet instant, il n’eut plus d’yeux que pour elle. Sur le quai bondé, il ne voyait que cette jeune femme, aussi douce et ronde qu’un Boursouflet, baignée par la lumière ambrée du soleil d’automne qui jouait avec ses mèches les plus claires. Ce qui est bien dommage car, eut-il vu d’autres personnes, il aurait aperçu la magnifique amie avec qui elle discutait, une séduisante jeune femme noire au regard perçant, avec de superbes boucles sombres et de beaux yeux dorés…

“Arrête de te jeter des fleurs, se moqua Hugo en riant.
-Genre, c’est pas le pure vérité ?! s’insurgea Rose.”


Bref, de toute façon Scorpius ne vit pas la séduisante jeune femme noire. Il venait de tomber amoureux de la petite Serdaigle, en un instant et un sourire. Il la connaissait déjà, bien sûr, puisqu’elle était dans son année et qu’il avait déjà eu cours avec elle. Mais il ne se souvenait pas qu’elle fut aussi jolie, les années précédentes. Il ne se souvenait pas de ses jolies pommettes rosées, ou de l’adorable fossette qui se dévoilait lorsqu’elle souriait… Il se souvenait de son nom, en revanche. Margaret Taylor. Comme mû par une force extraordinaire - ou un moment de bêtise profonde, ça dépend comment on voit les choses - il s’éloigna de son père et s’avança vers la jeune femme, en grande discussion avec son amie au sein d’un groupe très animé de gens roux, particulièrement nombreux.

“Parce qu’il y avait tout le monde, Hugo, ce jour-là ! Tout le monde ! James et Roxane allaient entrer en dernière année, Louis était en troisième année… Les seuls qui n’étaient pas venus, c’était oncle Percy, Molly et Lucy. Et surtout, tu sais qui était là, juste à côté de Maggie ?
-Son copain ?
-Non, non, répondit Rose avec un sourire moqueur. Bien pire. Ses parents.”

Mais le nombre de personnes composant le groupe qui évoluait autour de Magaret n’avait pas dissuadé Scorpius. Personne ne savait vraiment s’il était rendu compte, en avançant vers la jeune femme comme dans un rêve, qu’il y avait tant de monde. Il paraissait insensible à tout ce qui n’était pas, eh bien… Magaret elle-même. Le reste ne comptait visiblement pas.
Arrivé à sa hauteur, il se planta derrière elle, sans dire un mot. Il resta planté là, à la regarder pendant un long, long moment. Si long que l’amie qui discutait avec Magaret, à un moment, dû lui faire signe pour qu’elle se retourne enfin.
“Oh, Scorpius, je ne t’avais pas vu ! Excuse-moi, déclara la jeune femme.”
Pas de réponse. Scorpius se faisait la réflexion qu’elle avait une jolie voix, et qu’elle était encore plus belle de près. Il sembla soudain réaliser qu’elle attendait une réponse, et il rougit vivement. Il n’avait absolument pas pensé à ce qu’il allait lui dire. Derrière eux, son père approchait à grand pas, ne comprenant pas pourquoi son fils s’était précipité d’un coup vers le grand groupe de rouquins à l’autre bout du quai.
"Ça va, reprit Maggie pour meubler le silence gênant qui s’était installé, tu as passé de bonnes…
-Margaret, tu veux sortir avec moi ?
-Pardon ?!
-Est-ce que tu veux sortir avec moi ? demanda Scorpius en haussant la voix.”

“Non ?!
-Si ! s’écria Rose en riant. Sauf que j’sais pas ce qui lui est passé par la tête, il a dû croire qu’elle ne l’avait pas entendu, il a parlé très fort. Vraiment, vraiment très fort.”

Si fort que la moitié du quai avait entendu. L’amie de Margaret, évidemment, avait entendu. Ses parents aussi, derrière elle, avaient entendu, et riaient déjà à moitié de la maladresse du jeune homme. L’intégralité de la famille Weasley avait entendu et pire, le père de Scorpius, qui était enfin arrivé à la hauteur de son fils, avait entendu. Les joues roses de Magaret étaient devenues cramoisies tant elle était gênée.
À ce moment, Scorpius réalisa ce qui venait de se passer. Ses yeux s’écarquillèrent d’effroi, et il était devenu blanc comme un linge. Son père, à quelques pas de lui, se figea.

“On aurait dit que plus rien ne bougeait. C’était horrible, j’avais envie de rire tellement fort !
-T’es pas sympa, reprocha Hugo.
-Oh, si tu l’avais vu… Et son père, derrière ! Parce que son père a cru que Maggie faisait partie de notre famille, figure-toi !”

Le père de Scorpius, après un moment de flottement, avait attrapé son fils par le bras et l’avait tiré en arrière, adressant un bref signe de tête à l’ensemble de la famille Weasley qui attendait sur le quai. Il était parti avec lui, parlant à voix basse mais avec agitation, balançant sa grande canne autour de lui en avançant. La seule chose qu’on avait pu entendre de cette conversation étaient les mots “nom de famille”, prononcés un peu plus fort que le reste. Quand ils se furent éloignés de quelques mètres, l’intégralité du groupe resté sur le quai explosa d’un rire sonore. Magaret était toujours cramoisie.

“C’est pour ça, s’écria Hugo, que vous rigoliez tous comme des farfadets quand on est revenus avec Lily !
-Oui !
-Je n’arrive pas à croire que personne n’ait voulu m’expliquer ce qui venait de se passer…
-Bah, personne ne voulait en faire plus devant Maggie, la pauvre…
-C’est tout ? Je veux dire, c’est la fin de l’histoire ?
-Oh, si seulement !”

Parce que Scorpius ne s’est pas avoué vaincu, non ! Il était bien décidé à obtenir une réponse de la part de Margaret : après tout, c’était un vrai coup de foudre, et ces choses-là sont rares. Alors, deux heures plus tard, alors que le train filait à grande vitesse vers les collines écossaises, il avait ouvert en grand la porte du compartiment dans lequel Rose, Maggie et leurs amis s’étaient installés. Et il était resté là, tétanisé devant les cinq personnes qui occupaient l’habitacle, incapable de parler.

“Il est resté debout, la porte grand ouverte, sans rentrer pendant… Je dirai trois bonnes minutes. Il fixait Maggie, mais il ne disait rien ! C’était tellement gênant, Maggie était à nouveau toute rouge !
-Et il n’a rien dit ?
-Rien du tout ! Il était paralysé !”

Finalement, Scorpius avait marmonné quelque chose d’inaudible et avait refermé la porte. Il avait bien fallu expliquer ensuite à Neela, Damian et Augustus ce qui s’était passé sur le quai. A nouveau, tout le monde avait bien ri. En quelques heures de train, Scorpius Malefoy était devenu le principal sujet de conversation du groupe d’amis. Maggie, remise de sa surprise, avait même commencé à trouver ça drôle, ce petit gars qui surgissait à côté d’elle pour ne rien dire du tout.

“Et il a fait ça jusqu’à Noël, figure-toi ! Dans tous les cours qu’on avait en commun, il se plantait devant Maggie, comme s’il attendait quelque chose, il la fixait pendant quelques minutes puis il rougissait et partait. Franchement, Hugo, c’était à mourir de rire.
-Le pauvre, il devait être tellement stressé…
-Surtout que c’est arrivé de nulle part, cette histoire ! On avait dû lui parler, quoi, deux fois en trois ans ? Il connaissait à peine Maggie.
-Et il a arrêté ?
-Il a arrêté quand elle et ce crétin de Derek, tu sais, le Gryffondor blond avec qui elle sortait avant, se sont mis à aller à Pré-au-lard ensemble. Et depuis, plus rien !
-Comment ça, plus rien ?
-Bah, il est toujours mal à l’aise devant Maggie, mais je pensais qu’il était passé à autre chose et qu’il se sentait juste honteux pour ce fameux “Tu veux sortir avec moi ?” d’il y a trois ans. Mais visiblement, non.
-Et Maggie, elle en pense quoi ?
-J’crois pas qu’elle ait très envie de fréquenter un type qui menace de tomber dans les pommes à chaque fois qu’il s’approche d’elle… Voilà, déclara Rose après une pause, la complainte de Scorpius Malefoy, éternel amoureux transis de la belle Margaret Taylor !”

 

Partie 1, chapitre 4 - "Et puis, il y a le Whisky." by Emojifeu

Chapitre 4 - "Et puis, il y a le Whisky."


“Bill ! Oh, mon chéri, je suis si contente de te voir ! Allez, viens embrasser ta mère !
-Attends Maman, laisse-moi le temps de poser les sacs.
-Bonjour Fleur, vous allez bien ?
-Pas trop mal Arthur, et vous ?
-Alors, ce voyage en France ?”


Dans le salon de Terrier, l’agitation était à son comble alors que les invités arrivaient les uns après les autres par la grande cheminée de pierre. Partout on s’embrassait, on s’étreignait, on prenait des nouvelles… Certains ne s’étaient pas vus depuis l’an dernier à la même période, retenus par leurs obligations ou leur travail. D’autres ne se lassaient jamais de se fréquenter. Le salon, d’une taille pourtant respectable, paraissait minuscule, et il n’y avait plus un siège de libre, ou un endroit sous le sapin pour déposer les paquets qui s’entassaient dans les sacs de voyage des uns et des autres.

Albus, gêné par le vacarme des retrouvailles, était assis dans les marches de l’escalier menant à l’étage supérieur. Il observait les allées et venues du monde qui grouillait autour de lui, scrutant les visages des uns et des autres. Gandma et Grandpa, accueillant leurs invités devant la cheminée, étaient rayonnants, heureux comme à chaque fois de retrouver leur famille au sein de la maison qui l’avait vue grandir. Oncle Bill et tante Fleur, qui venaient d’arriver, cherchaient à se dégager de leur étreinte pour laisser la place à leurs deux enfants, Dominique et Louis, de sortir de l’âtre qui luisait d’une lueur verdâtre. Victoire n’était pas là, elle fêtait le réveillon dans la famille de son fiancé depuis quelques années à présent. Albus eu une mou de dégoût en voyant son cousin embrasser chaleureusement sa grand-mère : ce lèche-bottes ne loupait jamais une occasion de jouer les petits-fils parfaits ! Il détourna le regard.


Au fond de la pièce, assis côte à côte dans un vieux canapé élimé, son grand frère James discutait avec animation avec leur mère, sous le regard amusé de leur père. Ça parlait probablement encore de Quidditch. La nouvelle coupe du monde aurait lieu l’été prochain et James venait de passer les sélections pour tenir le poste d’Attrapeur au sein de l’équipe d’Angleterre - ce qui rendait évidemment tout le monde très fier, sa mère la première. Maman avait été joueuse professionnelle avant de tenir la rubrique sportive de La Gazette du Sorcier, et tout le monde s’accordait à dire que Papa avait été, à l’école, un des meilleurs Attrapeurs que Poudlard ait connu : que James ait hérité de cette passion pour le sport semblait couler de source. Albus, lui, n’avait aucune aptitude pour le Quidditch et n’hésitait pas à qualifier de “plutôt médiocre” ses rares tentatives de jeu.


À côté de sa famille, formant une boule sur le canapé, une jeune femme aux cheveux courts d’un noir de jais, vêtue d’un énorme pull à capuche bleu beaucoup trop grand pour son corps fin, lisait paisiblement, insensible au brouhaha ambiant. Sa cousine Roxane n’avait jamais été très douée pour les grandes embrassades familiales, préférant se réfugier dans les pages des romans à l’eau de rose qu’elle dévorait en quelques heures. Albus aimait bien Roxane, de quelques années seulement son aînée. Elle était drôle quand elle n’était pas plongée dans ses livres et faisait souvent preuve de sarcasme, si bien qu’Albus n’était jamais totalement sûr qu’elle soit en train de faire de l’humour. Roxane avait un grand frère, Fred, qui avait décidé de ne pas rentrer pour les fêtes - tout comme Lucy et leur oncle Charlie. Ces trois-là, travaillant ensemble en Roumanie, passaient le plus clair de leur temps avec les dragons qu’ils aimaient tant, et il était rare de les croiser aux réunions de famille depuis que Fred et Lucy avaient terminé leurs études à Poudlard.


En revanche Molly, la sœur de Lucy, était très présente au Terrier, et visiblement très heureuse de retrouver le reste du clan Weasley. Elle plaisantait avec Rose et Lily, sa petite sœur à lui, qui buvaient ses paroles. Son travail chez Sorcière Hebdo lui permettait de fréquenter pas mal de stars de la musique et de sorcières influentes, et ses deux cousines ne se lassaient jamais d’entendre ses petites anecdotes qu’elle racontait, encore et encore. Ses jolis yeux bridés pétillaient tandis qu’elle parlait, et elle partit d’un grand éclat de rire devant l’air choqué de Lily. Elles avaient l’air de bien s’amuser, toutes les trois.


Derrière, la mère et le père de Rose discutaient avec leur fils, Hugo. Oncle Ron, un pied dans la cuisine et un autre dans le salon, agitait sa baguette sans même la regarder, provoquant un remue-ménage de casserole qui se rangeaient dans l’évier et d’assiettes qui venaient doucement se poser sur la table. Hugo était visiblement nerveux, tordant ses longs doigts noirs en parlant, incapable de regarder sa mère dans les yeux. Cette dernière le fixait d’un air sévère, hochant parfois de la tête. Certaines mèches de cheveux crépus s’échappaient de son chignon bouclé quand elle bougeait un peu trop. Le sérieux de la conversation contrastait avec le tableau joyeux que formait le reste de la famille, et Albus espérait simplement que son jeune cousin, qu’il aimait bien, ne soit pas en train de se faire passer un nouveau savon par ses parents. Hugo avait beaucoup de difficultés en cours, et pour en avoir souvent discuté avec sa cousine Rose, Albus savait que ce n’était jamais un sujet facile à aborder en famille. Il jeta d’ailleurs un œil à Grandma, vérifiant qu’elle n’était pas en train de regarder dans cette direction. Mais non, elle complimentait Dominique sur sa tenue. Grandma se mêlait beaucoup trop de la situation d’Hugo, et puis elle avait tendance à pleurer…


Oncle Bill embrassait maintenant son frère George et sa femme, Angelina, qui attendaient à côté de la cheminée. Comme d’habitude à Noël, Oncle George avait déjà un verre à moitié vide entre les mains. Alors qu’il était bien plus jeune, Albus avait demandé à Papa pourquoi son oncle buvait autant, à Noël, et son père lui avait répondu que c’était pour éviter de pleurer. Albus avait mis plusieurs années à comprendre cette phrase. Il y avait des histoires qui ne lui avaient été racontées que plus tard, des choses dont on ne discutait pas ouvertement à la table du réveillon. Maman appelait ça “le décorum”. Rose appelait ça “une bonne grosse tranche d’hypocrisie”.


Albus balaya des yeux la petite assemblée. Ils étaient vingt, entassés dans le salon du Terrier, et Oncle Percy manquait encore à l’appel. Quel cauchemar… Le dîner allait durer des plombes ! Et, comme il n’était plus un enfant, il faudrait tenir jusqu’à une heure avancée de la nuit pour ouvrir les cadeaux et remercier tout le monde. Hors de question qu’il soit encore là l’an prochain, se promit Albus. Il se trouverait une mission, un gros dossier à terminer, un responsable peu compréhensif… Peu importe, il ne revivrai pas une nouvelle fois ce débordement d'effusions et de sourires factices, où on faisait semblant que tout allait pour le mieux, que son cousin n’était pas un petit crétin virant Mangemort, qu’Oncle Percy n’avait pas été exclu pendant plusieurs années suite à son divorce et que la situation d’Hugo était parfaitement normale.


“Bon, s’exclama Grandma après avoir serré Dominique dans ses bras une nouvelle fois, on va peut-être pouvoir se mettre à table !
-Maman, et Perce ? demanda oncle Ron en rangeant sa baguette.
-Oh, ton frère ! Pour quelqu’un qui se targue d’être toujours à l’heure… grinça Grandma entre ses dents.
-Est-ce qu’il vient avec Olivier, cette année ? demanda Maman d’un ton froid.”


Le silence tomba sur la petite assemblée. Maman n’avait pas parlé très fort, mais le simple nom d’Olivier suffisait à faire surgir des souvenirs peu joyeux dans les esprits des plus âgés - et de Molly, la fille de Percy. Des souvenirs de comment Percy avait été privé de réveillon de Noël en famille pendant plusieurs années, après son divorce, ou de grandes disputes entre Ginny et sa mère lorsqu’elle avait appris que cette dernière interdisait à son fils de venir au Terrier accompagné de d’Olivier, avec qui il vivait pourtant depuis presque une dizaine d’années - ce qu’on avait su bien après, évidemment, puisque Percy avait officialisé cette relation auprès de sa famille quatre ans seulement auparavant. Albus se souvenait très bien de La Grande Colère de sa propre mère, un soir de Noël assez semblable à celui-ci : elle s’était levée, furieuse, avait ramassé ses affaires et avait pris la poudre de Cheminette. Papa, James, Lily et lui n’avaient eu d’autre choix que de la suivre, quittant la table du réveillon en plein repas, sous les regards atterrés des autres cousins qui n’avaient pas tout à fait compris ce qui venait de se passer. Lily avait 12 ans.


Plus tard dans la soirée, Maman, le visage bouffi de larmes, avait expliqué que son frère vivait avec un garçon, que personne ne voulait en parler au Terrier mais qu’il fallait bien qu’on en parle, parce que c’était ça, la vie, et que parfois les frères vivent avec des garçons et les soeurs vivent avec des filles. Lily avait répondu qu’elle ne voyait pas ce qu’il y avait de si grave, après tout, elle, elle vivait avec cinq autres filles à Poudlard ! Maman avait souri en lui ébouriffant les cheveux. Encore après, Albus avait dû lui avait expliquer ce que voulait dire “homosexuel”. Quand Lily lui avait demandé comment il savait, il n’avait pas répondu.


Grandma Molly eu un gloussement gêné et répondit très vite, comme pour dissiper le malaise qui s’installait dans le salon du Terrier.


“Bien sûr, ma chérie, bien sûr ! Ton frère peut venir avec qui il veut, évidemment, il est chez lui.
-Hum, évidemment. Comme si ça avait toujours été le cas ! lança Ginny à mi-voix.”


Grandma fit semblant de ne pas avoir entendu cette dernière pique, parlant d'une voix forte avec Oncle Ron en se dirigeant vers la cuisine. Albus s’approcha de sa mère, qui avait toujours l’air énervé, et lui pressa timidement l’épaule. Elle le prit dans ses bras et il s’abandonna un instant. Il était plus grand qu’elle, maintenant. Il la dépassait d’une tête, une tête aux cheveux bruns en pagaille. Un court instant, il se demanda si elle savait, mais un craquement sonore dans la cheminée interrompit le fil de ses pensées.


“Tout le monde est déjà là ? Formidable, formidable !”


Oncle Percy sortit de la cheminée en époussetant sa robe de sorcier noire. Il rajusta ses lunettes et parcourut l’assemblée des yeux. Un sourire se dessina sur son visage en croisant le regard de sa fille.


“Mais, cette magnifique jeune femme ne serait-elle pas ma fille adorée ?
-Hello, Papa.”


Molly se leva pour embrasser son père, l’air gêné. Albus savait qu’elle détestait être le centre de l’attention, et en cet instant, toute l’assemblée fixait la cheminée, saisie par le moment qu’avait choisi Percy pour faire son entrée. Alors qu’il prenait Molly dans ses bras, un homme d’une cinquantaine d’années, très grand, sorti de l’âtre. Il était plutôt large d’épaules, la carrure encore athlétique. Ses grands bras enserrait un énorme sac rempli de paquets colorés. Quelques mèches strillait sa chevelure brune de reflet argenté, au niveau des tempes. Albus le connaissait un peu, pour être déjà allé avec ses parents chez Percy et Olivier. Il aimait bien Olivier, même si son frère James était bien plus à l’aise que lui en sa présence : évidemment, quand on peut parler Quidditch pendant trois heures sans interruption, ça aide !


“Je crois que tu connais tout le monde ? demanda oncle Percy en attrapant les paquets des bras d’Olivier.
-Ça fait une éternité, Olivier ! s’exclama George en lui serrant la main.”


Pendant un instant, Albus craignit que les effusions repartent de plus belle, mais Oncle Percy se tourna vers sa mère et lui chuchota quelques mots à l’oreille. Gandma acquiesça et, après un regard entendu, prit la parole.


“Percy et moi avons une petite surprise pour vous, gloussa-t-elle.
-Tu vas lui faire des excuses en bonne et due forme ? murmura Maman si bas qu’Albus fut le seul à entendre.
-Nous avons un invité de plus ! déclara Percy en s’écartant de devant la cheminée.”


Les flammes du foyers passèrent du orange soutenu au vert émeraude et, une seconde plus tard, un jeune homme qui devait avoir l’âge de Molly sortit des flammes. Vêtu d’un pull écru en laine élimé, marqué d’un grand “P” rouge, qui tombait sur un jean un peu trop large, il s’avança timidement. Les mouvements des flammes imprimaient des reflets dans ses cheveux bleus, qui passaient de l’indigo au lavande. Ses yeux sombres scrutaient les personnes qui se tenaient devant lui et lorsqu’il sourit, Albus eut l'impression que son cœur venait de manquer un battement.


“Par Merlin, Teddy ! s’écria Papa en courant vers le jeune homme.”


Maman lâcha Albus pour s’élancer, elle aussi, vers la cheminée d’où Teddy venait de sortir. Albus, quant à lui, n’osait pas bouger. Il connaissait Teddy, bien sûr, mais il ne l’avait pas vu depuis si longtemps… Il avait à peine douze ans quand il était parti aux États-Unis, après tout.


“Fraîchement débarqué de New York, clama Percy visiblement très fier de sa surprise, et prêt à reprendre sa vie londonienne !
-C’est pas vrai, s’exclama Harry, tu reviens à Londres ?
-Pardon, répondit Teddy avec une pointe de gêne dans la voix, j’aurai dû vous prévenir…
-Tu plaisantes, j’espère ? Oh, Teddy, c’est une excellente nouvelle !
-Et comment c’était, le Congrès ?
-Attendez, laissez-le respirer une seconde !
-Allez, trompeta Grandma par-dessus la cohue, tout le monde à table !”

 

*

 

L’arrivée de Tedddy avait chamboulé le dîner. Albus lui-même se sentait plus guilleret, plus enclin à la discussion. Les conversations ne se faisaient pas à bâtons rompus, comme d’habitude, en évitant les sujets les plus sensibles, comme “le cas Hugo” ou les inclinations politiques de Louis. Il n’était question que de Teddy, des États-Unis et du travail que Percy, Hermione et lui allaient mener, durant les mois à venir.


“Tu veux dire, demanda Hugo, qu’on s’adresse peut-être au futur Ministre de la Magie ?
-C’est pas si exceptionnel hein, répondit Dominique en coupant la parole à son oncle, après tout, on a déjà vu Kingsley plusieurs fois.
-Dominique, tu veux dire que voir ton vieil oncle à la tête du Ministère ne te ferait ni chaud ni froid ? dit Percy, faussement outré.
-J’ai pas dit ça !
-Quel orgueilleux, celui-ci ! s’exclama Grandma. J’espère, ajouta-t-elle en se tournant vers Olivier, que vous n’en faites pas trop les frais ?
-Oh, on a bien dû agrandir quelques portes pour ses chevilles, mais dans l’ensemble…”

Grandma et Olivier se mirent à rire, sous l'œil faussement vexé de Percy. Tout le monde pouvait voir à quel point le simple fait de partager le réveillon en famille avec Olivier lui faisait plaisir, et depuis qu’il était arrivé, plusieurs heures auparavant, son large sourire ne disparaissait pas.


En face d’Albus, Teddy et son père discutaient, penché l’un vers l’autre. Papa avait l’air incroyablement heureux de retrouver son filleul : un bras passé autour de sa chaise, il essayait de le convaincre de venir habiter avec eux.


“Allons, rien n’est loin de Londres, quand on a une cheminée ! Et Godric’s Hollow est particulièrement joli sous la neige.
-C’est gentil, répondit Teddy pour la troisième fois, mais Percy m’a proposé de prendre la chambre de Molly.
-Ma chambre ?! s’écria Molly.
-Ou celle de Lucy, ma chérie, si tu préfères ! dit précipitamment Percy. Je suis certain que Lucy s’en fiche.
-Je croyais que t’avais déménagé, Molly, se moqua Teddy, que t’avais “un vrai appartement d’adulte” ?”


Pour toute réponse, Molly lui tira la langue et ils partirent d’un grand éclat de rire. James, à droite de Teddy, tenta de l’entretenir de Quidditch. Albus soupira : il détestait quand son frère ressentait le besoin de faire l’important. James aimait trop se faire plus vieux qu’il ne l’était en réalité, et Albus l’avait même surpris en train de discuter du cours de la bourse gobeline avec oncle Bill. Qui s’intéressait au cours de la bourse à 19 ans ?!


“Dis-moi, Teddy, demanda James sur un ton emprunté, tu as eu l’occasion de voir les Carouges de New York en action ?
-Oh, tu sais, je ne suis pas très Quidditch, répondit Teddy sans le regarder. Des gars taillés comme des arbres qui essayent de se mettre des coups de battes, très peu pour moi !”


James se ratatina sur sa chaise, à la grande satisfaction d’Albus. Bien fait ! Il dû avoir l’air un peu trop content, car Teddy lui adressa un petit sourire entendu. Ce fut au tour d’Albus de se recroqueviller sur son siège, honteux.


“Au fait, reprit Teddy, Rose, Albus, vous allez quitter Poudlard, à la fin de l’année, non ? Vous savez ce que vous voulez faire, ensuite ?”


Albus pria pour que la réponse de Rose soit si longue qu’on oublierait de lui reposer la question après. Il n’avait aucune idée de ce qu’il voulait faire plus tard.


“Eh bien, hum… commença Rose d’un ton mal assuré. C’est drôle que tu en parles, justement, car j’en ai discuté avec mon amie Maggie dans le train, hier. Maggie est née-moldue…”


Tout le monde fit semblant d’ignorer le reniflement de Louis, à l’autre bout de la table.


“Et elle a cette idée, un peu originale, d’aider les moldus à résoudre la question du climat.
-Le climat ? Tu veux dire, la météo ?
-Non, non, corrigea Rose précipitamment, pas la météo. Je ne sais pas si tu lis la presse moldue…”


Nouveau reniflement en bout de table.


“Mais, euh… Ils sont très inquiets, parce que le climat se dérègle, à cause des énergies qu’ils utilisent pour générer leur technologie.
-Ah, la tech-no-lo-gie ! articula Grandpa. J’ai toujours dit que c’était l’avenir des Moldus !
-Oui, approuva Rose, mais l’énergie qu’ils utilisent polluent l’atmosphère.
-La quoi ?
-L’air, si tu préfères. C’est un peu compliqué à expliquer, mais les véhicules qu’ils utilisent, tu sais, les voitures…
-Tu connais bien, les voitures, hein Ron ? s'exclama Georges un peu trop fort en tapant sur l’épaule de son frère.
-Bref, ils mettent un liquide, dans leur voiture, pour qu’elle avance, et ce liquide se transforme en gaz qui va dans l’air et le rend irrespirable. J’avoue ne pas avoir saisi toutes les subtilités, mais Maggie m’a expliqué que c’était assez grave et qu’ils sont très inquiets pour la planète. Et elle veut aller aider les Moldus à résoudre le problème avec la magie, parce que la magie ne pollue pas. Et je me disais, termina-t-elle en baissant la voix, que je pourrai peut-être travailler avec elle ?”


Un grand silence se fit autour de la table. Albus se détendit : après ça, aucun risque qu’on lui demande ce qu’il voulait faire plus tard ! Il remercia intérieurement sa cousine et ses idées farfelues.


“C’est, euh… Intéressant ? risqua Teddy. J’avais jamais entendu parler de ça, en tout cas.
-Et vous allez faire ça comment, demanda vicieusement Louis depuis l’autre côté de la table, vous prévoyez de partir toutes les deux avec vos petites baguettes et vos petits sacs à dos ?
-Louis, le prévint son père.
-Non, figures-toi, Maggie a vraiment travaillé ! Elle veut constituer une commission de Nés-Moldus, expliqua Rose, et travailler avec des Moldus qui seraient mis au courant, et…
-Ah, s’exclama Louis, tu veux travailler avec des Moldus ! Tu veux aller voir des Moldus et leur parler de notre monde, comme si ça allait bien se passer !
-Louis, attention, répéta son père.
-Mais quoi, Papa, quoi ? C’est moi qui me fait rappeler à l’ordre, alors que c’est elle qui veut dévoiler notre secret à ces… Ces...
-Ces quoi ? le coupa Tante Hermione, le regard fermé.”


Louis se tut immédiatement, conscient d’avoir dépassé les bornes. Il baissa les yeux, soudain fasciné par son pudding à l’orange. Un ange passa.


“C’est quand même une drôle d’idée, dit finalement Grandma. Comme ton Grand-Père quand il était plus jeune ! C’est un peu idéaliste, ma chérie, si tu veux mon avis. 


-Oh, tu sais Maman, avec les bons appuis au Ministère, tout est possible ! déclara Percy en adressant un clin d'œil à sa nièce.”


Et, juste comme ça, la campagne électorale de l'Union Sorcière redevint le principal sujet de conversation. L’ambiance, à présent tendue, ressemblait bien plus à celle dont Albus avait l’habitude au Terrier.

 

*

 

“Je suis désolée, Hermione, je ne pensais pas…
-Ne t’en fais pas, Fleur, c’est oublié.
-Je ne comprends pas qui lui a mis ces idées dans le crâne ! s’exclama tante Fleur en appuyant les “r”. Ce n’est pas moi, et ce n’est certainement pas son père, tu connais Bill. Tu sais, tu sais que nous adorons les moldus. Je disais justement à Bill, l’autre jour : “Il serait temps qu’on se fasse des amis moldus, non ?” Et puis, Victoire et Dominique ne sont pas comme ça…”


Caché derrière un pan du mur, Albus ne perdait pas une miette de la conversation entre ses deux tantes, qui continuait à sens unique, Hermione ne répondant que par onomatopées brèves et sèches. Leurs voix semblaient cependant de moins en moins fortes, comme si elles s’éloignaient. Albus risqua un regard derrière le mur : les deux femmes, l’un aussi blonde que l’autre était brune, étaient bien en train de regagner l’intérieur du Terrier. Il soupira. Enfin seul.


Il était sorti quelques minutes plus tôt pour prendre l’air, fatigué de toutes les discussions et de tout le monde qui avait envahi le Terrier. Dans le jardin couvert de neige, tout était silencieux. La lune se reflétait sur la surface glacée des champs qui bordaient les alentours. Les gnomes devaient dormir, à moins qu’ils n’aient migré pour l’hiver. En tout cas, tout était paisible. Albus se sentait en paix, la joue appuyée contre le mur de pierre frais. Il avait peut-être un peu abusé du Whisky Pur Feu qu’Oncle George lui avait servi. “T’as dix-sept ans, maintenant, mon vieux ! Tu peux bien en goûter un peu.” Albus avait quand même quêté du regard l’approbation de son père, toujours en grande conversation avec Teddy. Papa ne l’avait pas lâché de la soirée.


“Ah, c’est là que tu t’planques !”


Albus sursauta, un peu honteux de se faire surprendre dans un moment d’abandon. Teddy, qui sortait par la porte de la cuisine, s’approchait de lui à petits pas mesurés. Dans la nuit froide, son souffle se transformait en une petite buée dense qui s’accrochait à ses lèvres. Il avait enlevé son pull et se promenait en tee-shirt noir, visiblement insensible à la température polaire qui régnait autour d’eux. Il sortit un paquet de cigarettes en s’asseyant à côté de lui. Une flamme brilla au bout de sa baguette pendant une seconde avant de s’éteindre, laissant place au tison orange de la cigarette dans l’obscurité.


“T’as pas froid ?
-Mec, c’est à moi de te poser cette question, répondit Albus en haussant les sourcils. Qu’est-ce que tu fiches en tee-shirt en plein mois de décembre ?!
-J’ai toujours trop chaud, éluda Teddy d’un geste de la main. Et puis il y a le Whisky.
-Je confirme, il y a le Whisky.
-Il boit toujours autant, George ?
-Ça fait combien de temps que t’étais pas venu au Terrier ? demanda Albus sans répondre.
-Mon dernier réveillon ici ? Il y a… Six, sept ans ? Je travaillais au Ministère, j’crois, mais avant les relations internationales. J’étais en stage, si je me rappelle bien. Oui, c’est ça, se souvint-il, j’habitais dans cette coloc à Londres et on était tous resté pour fêter Noël au pub.
-Grosse ambiance, donc, ironisa Albus.
-Presque comme ici, les histoires de famille en moins.
-Ça va faire sept ans qu’on s’était pas vus, alors, compta rapidement Albus.
-Tant que ça ? Attends, t’avais genre dix ans, la dernière fois ?
-Ouais, je crois bien. Je me souviens pas trop, j’étais… jeune.”


Il avait failli dire petit, mais il n’avait pas envie de rappeler à Teddy leur l’écart d’âge.

“Attends, je réfléchis… Ouais, ça doit être ça, parce que j’suis parti directement à Londres après Poudlard, je suis revenu la première année et ensuite, plus du tout… Et puis les États-Unis !
-Pourquoi tu es rentré ?”


Teddy le regarda, surpris, et ses yeux sombres s’éclairèrent.


“C’est marrant, répondit-il en souriant, tout le monde a passé la soirée à me demander pourquoi j’suis parti. T’es le seul à vouloir savoir pourquoi je suis revenu.”


Albus sourit, un peu gêné.


“Je sais bien qu’il y a la proposition d’oncle Percy, mais je me disais… T’as dû faire ta vie, là-bas, et pourtant t’es rentré d’un coup, sans prévenir personne. Genre, même pas mes parents.
-J’ai eu quelques euh… Déconvenues, on va dire ça.
-Mais t’avais pas des gens, insista Albus, avec qui tu voulais rester ? Des potes, une meuf ?”


Au regard de Teddy, il comprit immédiatement qu’il avait été bien moins subtil que ce qu’il croyait. Le Whisky lui faisait perdre ses repères, et Albus eut la soudaine impression d’être en train de se ridiculiser.


“Rien qui ne me retienne, répondit Teddy après un silence. Une logeuse un peu collante, un employeur pas très sympa et un… Quelqu’un qui n’avait plus envie de me voir, se reprit-il.”


Albus se tût un instant, trop angoissé à l’idée de passer à nouveau pour un abruti. Autour d’eux, la campagne était toujours aussi calme. Le ciel dégagé donnait à voir les étoiles piquées sur la voûte céleste, brillant dans la nuit de décembre.


“Tu vas habiter chez mes parents ? demanda-t-il après un long silence. Je sais que Papa a très envie.
-J’ai bien vu ! s’exclama Teddy en riant. Mais non, la proposition de Percy d’habiter en ville me plaît plus. Et puis, je ne sais pas si tu connais bien Olivier, mais il est vraiment sympa.
-Je crois que Percy était très heureux qu’il puisse être là ce soir, murmura Albus.
-J’crois aussi.”


Albus scruta Teddy. Le jeune homme avait le nez en l’air, absorbé par les constellations qui s’étendaient, loin au-dessus de leurs têtes. Ses cheveux malmenés par la brise froide qui se levait paraissaient noirs, dans la pénombre. La seule source de lumière provenait des fenêtres de Terrier, derrière lesquelles bruissait l’agitation de la fête. Les yeux rivés sur le ciel, Teddy ne semblait même pas entendre les rumeurs en provenance du salon. Albus se demandait s’il avait remarqué que ses mains tremblaient. Combien de différences d’âge y avait-il entre eux, déjà ? Neuf ans ? Et ils ne s’étaient pas vus depuis presque dix ans… Et puis, Teddy n’était pas son cousin, à peine le filleul de son père ! Filleul élevé par Grandma et Grandpa, certes, mais pas lié par le sang. Peut-être qu’il s’imaginait des choses…


"Un truc qui cloche ? demanda Teddy en croisant son regard. Tu me fixes depuis trois minutes.
-Je, euh… C’est le Whisky, balbutia Albus en cachant ses mains derrière son dos.
-Albus, Teddy ! C’est l’heure des cadeaux ! cria Roxane depuis le pas de la porte d’entrée.”


Albus fonça vers l’intérieur de la maison, bénissant sa cousine pour cette interruption plus que bienvenue. S’il avait pu transplaner pour aller plus vite, il l’aurait fait sans hésiter. À quelques secondes prêt, il allait encore passer pour un imbécile !

End Notes:

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Et voilà, vous avez rencontré les quatre personnages principaux (ainsi qu'une bonne partie de ceux qui gravitent autour, même si vous n'avez pas encore vu toute l'équipe des petit.e.s jeunes de Poudlard).
Et vous aurez également compris les thèmes principaux de l'histoire et les questionnements de Scorpius, Teddy, Rose et Albus.
J'espère que cette histoire vous plaira :)

Partie 1, interlude 4 by Emojifeu

La (Première) Grande Colère de Maman

 

“Quelle…. Quelle…
-Idiote ? proposa Papa.
-Petite femme ! Oui, c’est une toute petite femme, stupide, effrayée et incapable de la moindre empathie pour ses enfants !
-Ginny, chérie, c’est ta mère…”

Cachés plus loin dans le couloir menant à la chambre parentale, James et Albus écoutaient leurs parents, se partageant la tige de l’Oreille à Rallonge qu’ils avaient glissés sous la porte. Albus n’avait jamais vu Maman dans une telle rage.

“Et donc, Harry, et donc ?! C’est ma mère, et quoi ? Je lui dois quelque chose ?
-Eh, ne t’en prends pas à moi ! Je suis de ton côté !
-Pardon, souffla Maman. Je suis en colère.
-Je n’avais pas remarqué, se moqua Papa.
-Déjà, quand on était petits, j’avais du mal à comprendre ses soit-disants principes, mais maintenant que je suis mère… Comment quelqu’un peut agir de la sorte avec ses enfants ? Tu te vois, toi, interdire à James ou Albus de venir à Noël ?
-Bien sûr que non, ma chérie.
-Son fils est homo, pas meurtrier ! Oh, je suis tellement énervée !”

James lança un regard à son frère. C’était donc ça !

“D’abord elle l'exclut de la maison parce qu’il a l’audace de divorcer, et maintenant, après des années, tu m’entends Harry, des années à lui refuser l’accès au Terrier, elle l’empêche de venir avec Olivier ?! Je n’arrive même pas à y croire !
-Elle est chez elle, tenta Papa.”

Énorme erreur. Leur mère hurla si fort que James et Albus sursautèrent et éloignèrent vivement la tige de l’Oreille à Rallonge de leurs têtes, sonnés.

“Mais lui aussi, il est chez lui ! “Le Terrier sera toujours votre maison”, déclara Ginny en imitant sa mère sur un ton de fausset, “vous êtes ici chez vous”. Ah, je pense que Percy se sent particulièrement chez lui, en ce moment !
-Ginny, moins fort, tu vas réveiller Lily.
-Tu as raison, reprit Maman après un court silence. James et Al dorment aussi ?
-Ils sont dans leurs chambres, à savoir s’ils dorment… James va avoir seize ans, mon amour, je ne suis pas certain qu’on puisse encore le border, sourit Papa.
-Il ne nous laisserait pas faire, de toute façon, admit Maman.”

Elle avait l’air de se calmer. Albus l’entendait toujours marcher de long en large, ses pas résonnant dans le long conduit de fausse chair.

“Honnêtement, reprit Papa après un silence, entre les jumeaux, Charlie et ses dragons ou Ron et moi qui avons fait les quatre cent coups chaque année, je n’aurai jamais imaginé à onze ans que ce soit Percy qui devienne l’enfant à problème de la famille Weasley.”

Maman eut un petit rire enroué, qui se bloqua dans sa gorge. Est-ce qu’elle pleurait ?

“Ce n’est pas un enfant à problème… Il n’a rien fait de mal !
-Je sais, ma chérie, je plaisantais. Je suis désolé, souffla Papa.
-D’accord, il s’est comporté n’importe comment quand Voldemort est revenu mais… Il s’en est tellement voulu, Harry ! Tellement ! Il a passé des heures à m’en parler, à s’excuser auprès de tout le monde et maintenant… Maintenant… ”

Un son étouffé provint de l’Oreille à Rallonge, qu’Albus prit pour le bruit d’un de ses parents s’asseyant sur le lit. Pendant un moment, James et lui n’entendirent que les reniflements de leur mère.

“Quand je pense, dit Maman entre deux sanglots, à toutes les grandes déclarations de Maman après la guerre ! “J’ai déjà perdu un fils, cita-t-elle, et Percy m’a tellement manqué. Tout est oublié !” C’est elle qui a bien vite oublié ses jolies résolutions, oui ! Et Papa qui ne dit rien…
-Ton père a toujours été effacé, répondit Papa doucement.
-Effacé ? À ce stade, il pourrait aussi bien faire partie des meubles ! Et les autres… Tu crois que Georges, ou Ron, ou même Bill, dirait quoi que ce soit ? Quand je les revois, tous assis autour de la table… Tous occupés à bien faire semblant que tout est parfaitement normal…
-Ron n’a jamais su répondre à ta mère, tu le sais.
-Mais aucun d’entre eux, Harry ! Aucun. Ils sont là, à attendre bien sagement que leur mère leur dise quoi faire… Ron a quarante ans, Merlin, pas quinze ! Se battre contre Voldemort à dix-sept ans ne lui posait aucun souci, mais s’opposer à sa mère à quarante, c’est un problème ?!
-C’est un peu dur, comme comparaison, non ?
-Pour ma mère ?
-Pour Voldemort, répondit malicieusement Papa.”

Maman laissa échapper un ricanement sincère. Albus se détendit, heureux qu’elle ait arrêté de pleurer.

“Promets-moi, reprit Maman en reniflant bruyamment, que jamais on ne fera subir quelque chose comme ça aux enfants. Jamais.
-Ginny, tu sais très bien que non.
-Promets-moi.
-Je le jure, assura Papa. Je ne crois pas, de toute façon, que la situation se présentera.
-Harry, répondit Maman d’un ton grave, tu n’en sais absolument rien. Albus…
-Maman, tu pleures ?”

La voix de leur petite sœur, dans le conduit de l’Oreille à Rallonge, surpris James et Albus. Trop préoccupés par la discussion de leurs parents, ils ne l’avaient pas entendue approcher. Albus se sentit soulagé : sans vraiment savoir pourquoi, il n’avait pas envie que James entende la suite de la conversation, qui visiblement le concernait.

“C’est rien, ma chérie, dit Papa d’une voix douce, Maman est un peu triste, c’est tout.
-C’est parce qu’on est partis très vite de chez Grandma et Grandpa ?
-Oh, Lily… souffla Maman. Harry, tu veux bien aller voir si James et Albus dorment ? Il faut qu’on leur explique.”

James replia en vitesse l’Oreille à Rallonge tandis qu’Albus se précipitait vers sa chambre. Leurs parents ne devaient pas savoir qu’ils avaient espionné leur conversation.

Partie 1, chapitre 5 - “Quand j’ai accepté d’avoir un enfant” by Emojifeu

Chapitre 5 - “Quand j’ai accepté d’avoir un enfant”

 


“Je ne comprends pas pourquoi vous ne m’avez rien dit.

-Tu es un enfant, enfin ! Ça ne te regarde pas !
-Il me semble que ça me regarde quand vous me demandez d’agir comme bon vous semble.”


Touché. Scorpius vit dans le regard de son père qu’il avait tapé en plein dans le mille. Père ouvrait et fermait la bouche, son gant noir crispé sur le pommeau de sa canne. Il avait l’air un peu bête.


“Je ne t’ai pas dit quoi faire de tes journées, répondit sèchement Drago Malefoy après un silence.
-Oh, à d’autres ! Quand on envoie une lettre comme celle que j’ai reçue, accompagnée du Petit précis de citoyenneté à l’usage des sorcières et sorciers de Grande-Bretagne - ce nom, Merlin ! s’écria Scorpius, agacé. Bref, quand on reçoit ça, je peux vous assurer que le message est très clair.
-Écoute, fils…
-Scorpius. J’ai un prénom, cracha le jeune homme d’un ton sans appel.”


Il avait peur d’en avoir fait un peu trop. Son père allait finir par s’énerver un bon coup et le remettre à sa place. Mais, contre toute attente, Père se contenta de fermer la bouche, de soupirer et de reprendre, sur un ton plus calme.


“Scorpius. Écoute-moi. C’est moi qui décide ce qui te concerne ou pas dans mes affaires, d’accord ? Tu n’as pas…
-Vous me trouvez trop bête ? demanda soudain le jeune homme d'une voix doucereuse.
-Quoi ? Bien sûr que non !
-Vous me trouvez trop lâche, alors ? Ou pas assez brute, reprit-il en haussant le ton, pas assez dirigiste ? Ou alors, insinua-t-il d’une voix mauvaise, pas assez Malefoy ?
-Qu’est-ce que tu…
-Dites-moi Père, cria Scorpius, qu’est-ce que je n’ai pas pour que vous refusiez de me considérer comme votre fils, hein ?
-Tu es mon fils ! répondit Père d’une voix blanche. C’est bien parce que tu es mon fils que je ne te dis rien !”


Scorpius le fixa un instant, soufflé. Quel culot ! Il s'apprêtait à lancer une réplique cinglante quand son père l’interrompit.


“Laisse-moi parler, maintenant. Que tu le vois ou non, je fais ça pour ton bien. Oui, parfaitement, ajouta Père en voyant son regard assassin. Quand j’avais ton âge, mon père me mêlait à toutes ses affaires. Toutes. Les imports et export de créatures magiques, les rendez-vous à la banque, mais aussi le trafic de fourrures rares, la revente illégale d’objets de magie noire, les réunions avec les anciens Mangemorts, les reliques du Seigneur des Ténèbres… Ça a faillit me coûter la vie, d’accord ?”


Pause. Quoi ? Les Mangemorts ? Le Seigneur des Ténèbres ? Son père avait été mêlé à ça ? À la guerre ? Aux partisans de Jedusor ?


“Pourquoi je n’ai jamais été au courant ? souffla Scorpius.”


Sa bouche était sèche, à présent. La colère qui lui serrait le cœur depuis des semaines retomba d’un coup. La rage qui lui avait délié la langue lui sembla d’un coup futile. Il avait l’impression d’être à nouveau un petit garçon pris en faute. Une petite voix, très loin dans son crâne, lui souffla tout de même que ça n’était pas une raison, et que son père se trouvait des excuses, comme d’habitude. Il l’ignora.


“Tu es beaucoup trop jeune… Comment te raconter ça ? Ça ne te concerne même pas.
-Ça me regarde aussi, siffla Scorpius, à nouveau agacé. Je fais partie de cette famille, j’ai le droit de savoir !
-Tu veux que je t’explique ? s’écria Père en lui saisissant le bras. Tu crois que tu vas avoir droit à une belle histoire qui finit bien, tu crois que ton père était un gentil héros ? Tu vas être déçu !
-Draco !”


Saisis, les deux hommes se retournèrent vers Mère, qui les fixait, l’air scandalisé. Drago lâcha le bras de Scorpius mais son visage se durcit.


“Non, Astoria. Il est majeur, il l’a cherché : il va savoir. Assieds-toi ici, ajouta-t-il à l’attention de Scorpius sans lui jeter le moindre regard.”


L’air penaud, le jeune homme se posa d’un mouvement maladroit du bassin sur un fauteuil crapaud en velours jaune. La colère avait cédé la place au malaise. Il aurait cent fois préféré être dans les cachots du professeur Zabini, à nettoyer des Veracrasses en compagnie de Weasley.

“Tu veux savoir ce que m’a dit mon père ? Ce qu’il m’a forcé à faire, en décidant de me mêler à ses petites histoires ? Tu sais ce que c’est que la Marque des Ténèbres ?”


D’un geste brusque, Père remonta la manche droite de sa chemise. L’étoffe blanche découvrit une peau presque aussi pâle, sur laquelle on discernait, estompée, une tête de mort qui vomissait un serpent. Scorpius fixa le tatouage, fasciné. Il sentait qu’il regardait quelque chose qu’il n’aurait jamais dû voir. Un tabou. Quelque chose qu’on ne montre jamais, dont on ne parle pas, qui devrait ne pas exister et qui pourtant existe. Il était incapable de détacher ses yeux de la forme imprimée sur la peau trop blanche, délavée mais encore visible.


“C’est ça, reprit Père d’un ton glacial, la Marque des Ténèbres. La Marque de ceux qui ont prêté allégeance au Seigneur des Ténèbres. Crois-moi, ajouta-t-il en rabaissant sa manche, tu ne la reverras pas de sitôt : tous ceux qui la portent sont morts, ou enfermés dans un endroit qui leur fait envier la tombe.”


Scorpius frémit. Père n’était pas d’un naturel très rieur, mais il ne se rappelait pas l’avoir déjà vu aussi grave. Il comprit qu’il était en train de lui confier quelque chose d’important, qu’il était en train d’entrevoir un héritage qui, jusqu’alors, lui avait été dissimulé avec grand soin. Quelque chose qui rongeait son père depuis longtemps, et qui avait grignoté au fil des années les fils des maigres relations qu’ils avaient réussi à tisser tous les deux. Quelque chose qui les gênait dans cette relation père-fils malingre et insatisfaisante.


“Cette Marque, continua Père les yeux rivés sur les boutons de sa manche qu’il refermait un à un, c’est mon père qui m’a forcé à la prendre. J’avais seize ans. J’étais plus jeune que toi, réalisa-t-il en écarquillant les yeux. Tu te rends compte ? Imagine, s’écria-t-il en saisissant Scorpius par les épaules, imagine que je te demande, pour l’honneur de la famille, de porter la Marque du Mage le plus puissant et le plus haït de notre temps ? Que je te charge, à seize ans, d'assassiner ton directeur d’école pour redorer le blason de notre maison, sans que tu ne puisses jamais refuser car si tu osais, alors ta mère mourrait ? Est-ce que tu peux seulement comprendre, ça ?”


Père était devenu fou. En dix-sept ans, Scorpius n’avait jamais vu son visage animé d’émotions aussi intenses. Ses yeux le foudroyaient et l’imploraient tout en même temps, sévères et durs mais brillants par instant d’un éclat apeuré. Quelque chose n’était pas terminé, comprit le jeune homme. Son père menait encore une bataille qu’il ne pouvait pas comprendre, quelque chose de profond qui lui engluait l’esprit. Pour la première fois, il ressentit pour cette figure paternelle, qu’il aimait autant qu’il lui en voulait, un sentiment nouveau. Il fut pris de pitié.


“J’espère, reprit Père en se redressant, que tu ne peux pas comprendre. Je m’en suis assuré. Je me suis promis une chose, quand j’ai accepté d’avoir un enfant : jamais, jamais mon fils ne serait menacé par mes affaires. Jamais je ne te demanderai de tuer au nom d’un autre, ou pour la gloire de notre sang. J’ai probablement fait des erreurs, en te tenant aussi éloigné de nos intérêts, mais je t’ai préservé, je le sais. Je ne m’excuserai pas, ajouta-t-il en regardant son fils droit dans les yeux, de t’avoir exclu. Tu as seulement dix-sept ans, tu ne le comprendras pas, mais sache que j’ai bien fait. Je t’ai préservé.”


Il relâcha son étreinte et laissa le bras de son fils filer entre ses doigts. Un goût amer envahit la bouche de Scorpius alors qu’il regardait Père quitter la pièce. Il avait envie de pleurer, mais il ne voulait pas lui donner cette satisfaction. Il avait l’impression que s’il se laissait aller aux larmes, dans les bras de sa mère qui le regardait d’un air inquiet depuis le fond de la bibliothèque, son père aurait gagné. Gagné quoi ? Peu importait. Si Scorpius pleurait, alors cela voudrait dire qu’il n’était qu’un enfant, et Père aurait raison.


La simple pensée que son père puisse, en cet instant, avoir raison à son sujet donnait au jeune homme envie de hurler.
Il tourna les talons et, sans un mot pour sa mère, transplana.


Ce fut seulement à ce moment, perdu dans l’Allée des Embrumes sur laquelle il venait de se matérialiser, que Scorpius se laissa aller. Il sentit quelque chose craquer à l’intérieur de lui, et des larmes de rage roulèrent sur ses joues.
Quel homme détestable ! Quel…

Il ne trouvait pas les mots. Ses mains martelaient les pierres des façades. Impuissant. Seul. Ses phalanges lui faisaient mal, et certaines égratignures saignaient. Il ne parvenait pas à s’arrêter.


Il le haïssait. Il en était certain, il le haïssait. Il l’avait regardé de haut, il l’avait traité comme un enfant, comme un incapable. Il n’y avait pas une once d’amour dans son regard quand il lui avait dit “Je t’ai préservé”. Pas une. Seulement un constat froid et satisfait. A cet instant, Père s’était félicité lui-même.


La rage le consumait tout entier, il avait envie de hurler, il voulait détruire ce mur, non, son père, il voulait le réduire à rien…


“Scorpius ?”
La voix chaude et ronde le stoppa net dans son élan alors qu’il allait porter un nouveau coup aux pierres de l’Allée. Ben voyons.


“Scorpius, c’est toi ?”


Scorpius soupira et prit le temps d’essuyer du revers de la manche les larmes qui lui coulaient toujours sur les joues. S’il avait imaginé la pire rencontre possible, il aurait décrit exactement celle-ci.


“Bonjour, Margaret, dit-il enfin en se tournant vers la jeune femme.”


Emmitouflée dans une doudoune moldue lila, Margaret le fixait, interdite. Ses grands yeux bleus posaient sur lui un regard doux, emprunts d’une inquiétude sincère. Quelques mèches couleur miel dépassaient de son bonnet de grosse laine mauve, malmenées par le vent glacial qui soufflait dans l’Allée. Ses joues rondes, presque rouges à cause de la température, étaient humides, elle avait pleuré ?


Scorpius remarqua alors, pour la première fois depuis qu’il avait transplané, qu’il neigeait à gros flocons. Il était vêtu d’un simple pull de cachemire qui, malgré le col roulé, ne l’empêchait pas de ressentir la morsure du froid ambiant. Il avait l’air stupide.


“Scorpius, mais qu’est-ce que tu fiches ici, enfin ? Tu vas crever de froid ! T’as pas une cape ?
-Oubliée à la maison, murmura le jeune homme entre ses dents.”


Il avait vraiment froid, maintenant qu’il était en mesure de se rendre compte de ce qui se passait autour de lui.


“Tiens, répondit Margaret en lui tendant une sorte de pelote de laine géante couleur moutarde, prends mon écharpe.
-Non ! s’écria le jeune homme, effaré.
-Oh, ça va, s’agaça Margaret en fronçant les sourcils, j’ai pas la peste. Ton sang ne va pas s’embourber parce que tu mets mon écharpe, enfin !
-Non, non, bafouilla le jeune homme très vite, pardon ! Je ne voulais pas insinuer… C’est ton écharpe, tu vas avoir froid ! Pardon, je ne voulais pas dire…
-Eh, je rigole !”


Scorpius la regarda. Aucune trace de colère dans ses grands yeux bleus. Margaret lui tendait toujours la pelote géante. La couleur était ignoble. De nouveau, il sentit les larmes lui monter aux yeux. Pourquoi maintenant ?


"Ça ne va pas trop, hein ? finit par dire Margaret.
-Pas vraiment, non, souffla Scorpius en attrapant l'écharpe.”


Il aurait pu faire trois tours autour de sa taille avec la bande de laine, tant elle était grande. D’une main mal assurée, il plaça l’écharpe autour de ses épaules et l’ajusta du mieux qu’il pu autour de son cou, le geste hésitant. Il tressaillit en sentant les doigts de Magaret lui effleurer la joue alors qu’elle arrangeait la laine. Son odeur était enivrante, un mélange de pain d'épices et de feu de bois, sucré et chaleureux. Scorpius faillit grogner de déception lorsqu’elle s’écarta, mais constata avec satisfaction que l’écharpe aussi sentait le pain d’épice.


“Viens boire un chocolat chaud avec moi, proposa Margaret. Tu me raconteras. J’ai du temps.”


Scorpius ne répondit pas, mais saisit la main qu’elle lui tendait en rougissant. Bah, à cause du froid, ses joues étaient déjà d'une couleur brique soutenue : elle ne se rendrait compte de rien. Margaret lui adressa un regard bienveillant et ils transplanèrent, pour réapparaître la seconde d’après dans le centre moldu de Londres.


Scorpius ne connaissait pas cet endroit. De toute façon, il ne connaissait pas le Londres moldu. Il prit à peine le temps de noter le nom de la rue, car Margaret l’entraînait déjà vers un pub qui faisait l’angle, et elle n’avait pas lâché sa main, et l’écharpe sentait encore plus fort qu’avant dans la brise qui se levait. Toute sa colère s’était envolée depuis que Margaret l’avait rejoint. Il savait qu’il en voulait à son père, il sentait que la rage pouvait revenir à tout instant mais il n’avait aucune envie d’y penser.


Il se fit la réflexion qu’il était donc vraiment très, très amoureux en regardant Margaret commander au comptoir alors qu’il s’asseyait sur une des banquettes en cuir élimé du pub dans lequel ils avaient atterris.


“Bon, dit Margaret en revenant avec deux tasses fumantes, tu veux en parler ?”


Scorpius déglutit. Il n’était plus si sûr, d’un coup. Comment expliquer l’état dans lequel elle l’avait retrouvé ? Comment lui faire comprendre à quel point ce qu’il avait appris l’avait bouleversé ?

“Ou pas, reprit la jeune femme en le scrutant. C’est toi qui décide.
-Qu’est-ce que tu sais de mon père ? demanda Scorpius en fixant le fond de son chocolat chaud.
-Ton père ? répondit Margaret en fronçant ses jolis sourcils clairs. Euh, pas grand-chose… Je l’ai vu une ou deux fois à la gare.”


Pendant une demi-heure, Scorpius entreprit de lui raconter sa relation avec son père. Comment ce dernier l’avait exclu de toute ses affaires, comment il avait appris qu’il se portait candidat au poste de Ministre de la Magie, comment son père refusait de lui accorder sa confiance ou de voir en lui un successeur, mais comment il lui demandait d’être irréprochable en toute circonstance. Surtout, comment il lui avait annoncé que tout ceci était pour son bien alors qu’il était un ancien criminel.


“Un Mangemort, Margaret. C’était un Mangermort, conclu-t-il en avalant une gorgée de chocolat.
-Personne ne m’appelle Margaret, répondit la jeune femme.”


Scorpius la fixa, interdit. C’était tout ce qu’elle avait à dire ?


“Appelle-moi Maggie. J’ai l’impression de me faire engueuler par McGonagall quand tu m’appelles Margaret, c’est affreux.
-D’accord, souffla Scorpius.
-Ça a l’air d’être quelqu’un de complexe, ton père.
-Pas tant que ça, répondit Scorpius. C’est un ancien Mangemort, ça me paraît pas très, très complexe.
-Ouais, mais de ce que tu dis, il avait pas l’air particulièrement fier de ça, nan ?
-Pas vraiment, en effet, accorda Scorpius. Je crois qu’il essayait de me donner une leçon.
-Je pense pas, moi. Je crois qu’il essaye plutôt de t’inciter à faire tes propres choix.
-Comment ça ?
-Écoute, expliqua Maggie, lui est marqué à vie – littéralement – par les choix que son père a fait en son nom, c’est ça qu’il t’a dit, non ? Il regrette de s’être fait embrigader dans des histoires qu’il était trop jeune pour comprendre. Je crois qu’en ne te mêlant pas à ses affaires, il a plutôt dans l’idée de te laisser décider par toi-même.
-Dans ce cas, s’agaça Scorpius, pourquoi me rappeler constamment que je suis un Malefoy, que je dois avoir une conduite impeccable, que “l’honneur de la famille repose sur toi, Scorpius !” déclara-t-il d’une voix grave en roulant des yeux, singeant son père.”


Maggie éclata de rire et Scorpius la regarda un instant, un sourire aux lèvres. Elle était très jolie, lorsqu’elle riait.


“T’en fais un peu beaucoup, nan ?
-Clairement, tu connais pas mon père, soupira le jeune homme. Il est tellement… Solennel.
-Je pense qu’il est complexe, voilà tout. Je pense qu’il est partagé entre l’envie de te donner une l’opportunité de faire des choix qu’il n’a jamais pu faire, et ses propres opinions et intérêts. Il aimerait bien que tes choix soient ceux qu’il juge les meilleurs.
-Et c’est sain, ça ? s’écria Scorpius.
-Eh, répondit Maggie, j’ai jamais dit que c’était sain ! J’ai dit que c’était complexe.”


Scorpius la scruta, dubitatif. Elle avait peut-être raison. Peut-être qu’il y avait plus à voir là-dedans qu’une série d’injonctions stupides dispensées par son père dans le seul but de lui apprendre la discipline et le sens de l’honneur. Ceci dit, cela nécessiterait d’admettre que son père avait autre chose que ses propres intérêts en tête, et ça, Scorpius en doutait fortement.


“Tu sais ce qu’il a dit, reprit-il après avoir avalé la dernière gorgée de chocolat qui traînait dans le fond de sa tasse, lorsqu’il a parlé de moi ? Il a dit, et je t’assure qu’il a utilisé cette phrase très précisément : “Quand j’ai accepté d’avoir un enfant.”
-Outch, fit Maggie en tordant sa bouche rosée. Ok, ça c’est moche.
-Tu imagines tes parents te dire ça, toi ? “Quand j’ai accepté d’avoir un enfant”. Pas quand j’ai décidé, ou quand j’ai eu envie, non. Quand j’ai accepté.
-Il est p’t’être maladroit ? tenta la jeune femme d’une voix peu convaincue.
-Non, je ne crois pas. Je pense qu’il a dit exactement ce qu’il voulait dire. Je suis donc le fils d’un ancien Mangemort qui ne voulait pas d’enfant. Brillant, ironisa le jeune homme.”


À nouveau, Maggie se mit à rire, un son clair qui réchauffa Scorpius. Il se sentait un peu moins seul. De toute façon, à qui d’autre aurait-il pu raconter ça ? Jamais la Bande à Weasley n’aurait accepté d’entendre ses états d’âme et, en dehors d’eux, il fallait bien avouer qu’il ne croulait pas sous les amis.


“Je pense que ton père est quelqu’un de très dur, dit Maggie en reprenant son sérieux, qui a lui-même vécu des choses très dures. Je pense qu’il essaye à tout prix de te protéger, même si tu ne le vois pas comme ça, et que c’est ça qui provoque ce manque de confiance. Si tu veux tout savoir, d’après ce que tu dis, je pense qu’il a plus confiance en toi qu’il n’a confiance en lui. Ou dans sa façon de t’éduquer. Après tout, il vient de te confier ce qui doit être le plus gros secret de sa vie, non ? Tu connais d’autres personnes qui sont d’anciens Mangemorts, et qui en parlent ?
-Tu penses que c’est une marque de confiance, ça ?
-Oui, répondit Maggie après un temps de réflexion, je pense. Je pense que c’est une façon de te dire que lui aussi, il est faillible.
-Il n’est pas faillible, renifla Scorpius, c’est un Mangemort. Il est détestable.
-C’est justement ce qu’il a essayé de t’expliquer, je crois, objecta Maggie d’une voix douce. Il avait à peine seize ans.
-Et ? Weasley aussi a seize ans ! Il n’est pas si loin des anciennes croyances des Mangemorts, tu vas me dire que tu l’excuserais ? protesta Scorpius.”


Maggie se tut un instant. Elle n’avait pas l’air énervée, elle semblait plutôt réfléchir réellement à la question. Ses grands yeux bleus scrutaient la place qui s’étendait derrière la vitre embuée. C’était la première fois depuis le début de leur scolarité qu’ils discutaient, constata Scorpius. Ils avaient déjà échangé au sujet de cours, et lui l’avait déjà écouté parler avec ses amis alors qu’il l’espionnait – il eut honte en y repensant – mais ils n’avaient encore jamais parlé ainsi. A force de l’écouter, il savait qu’elle était brillante, mais il ne s’était pas imaginé qu’il prendrait autant de plaisir à discuter avec elle. Il ne pensait pas qu’il l’intéresserait assez pour qu’elle souhaite discuter.


“Non, je n’excuserai pas Weasley, finit par répondre Maggie en tournant ses yeux clairs vers lui, mais je n’excuse pas ton père non-plus. Il n’y a pas d’excuse pour ce qu’il a fait. Cependant, si Louis changeait comme ton père a sans doute changé, s’il réalisait sa bêtise, s’il s’amendait comme j’imagine que ton père a dû s’amender pour pouvoir continuer à mener la vie qu’il mène aujourd’hui, alors oui, je serai peut-être en capacité de le pardonner.
-Alors même que tu es née-moldue ? insista Scorpius.
-Justement parce que je suis née-moldue, répliqua Maggie. C’est à moi de pardonner, c’est après moi qu’ils en ont. Tu peux t’indigner tout ce que tu veux, et je t’en remercie, et leurs propos dégueulasses peuvent t’énerver autant que tu veux, ça ne sera jamais dirigé contre toi, et ça ne sera jamais à toi de pardonner. Même, ajouta la petite Serdaigle devant l’air ahuri de Scorpius, si je vois bien que t’as beaucoup d’empathie pour moi.”


Il ne trouva rien à répondre et fixa ses mains. Il se sentait un peu bête. Le sang sur ses phalanges avait séché, et il ne restait que quelques croûtes qui allaient vite guérir. La lumière du jour qui baissait jouait avec les paillettes de sang qui maculaient ses articulations. Sous certains angles, il aurait pu croire qu’elles brillaient.


“Scorpius, demanda Maggie après quelques instants de silence, si ça te dérange tellement d’avoir un père Mangemort, pourquoi tu traînes avec Weasley et les autres crétins ? Tu l’as dit toi-même, ils ne sont pas si loin des anciennes idées de Jedusor.
-Je ne sais pas, avoua le jeune homme sans lever les yeux, je crois que je n’ai personne d’autre… Et puis, reprit-il en se raclant la gorge, Louis peut être très persuasif, quand il veut.
-Mais t’as envie d’être avec eux ? Je veux dire, il est assez évident vu ta colère et ton attirance pour…”


Elle s’arrêta en rougissant. Scorpius eut envie de disparaître sous terre. Ce fut ce moment précis que l’écharpe choisit pour se mettre à sentir encore plus fort le feu de bois et le pain d’épice. Ce moment aussi que l’intégralité des clients du pub décidèrent de se taire. Scorpius avait l’impression qu’on entendait ses joues devenir cramoisies. Parfait.


“Enfin, bref, dit précipitamment Maggie, ça se voit que tu ne penses pas comme eux, je te l’ai déjà dit. T’es intelligent, sympa et je découvre que t’es plutôt drôle, aussi. Très pince-sans-rire, dit-elle en souriant. Si t’as pas envie d’être avec eux, ne reste pas avec eux. Mieux vaut être seul…
-Oui, mais je n’ai pas envie d’être seul, rétorqua Scorpius.
-Alors viens avec moi, proposa Maggie.”


Oh oh.


“Avec toi ? demanda Scorpius, le cœur battant la chamade.
-Et Rose, Augustus, Neehla et Damian. La bande, quoi, ajouta-t-elle en souriant de plus belle.”


Ah. Brillant.
Scorpius se maudit de s’être emballé pour rien.


“Ils me détestent, répondit le jeune homme en se renfrognant.
-Personne ne te déteste, répliqua Maggie en fronçant les sourcils. Tout le monde voit bien que tu subis Louis. Je t’assure qu’ils seront contents que tu squattes.
-Peut-être…
-J’espère que tu… Oh merde, quelle heure il est ? s’écria soudain Maggie en avisant le soir qui tombait au dehors.”


Des yeux, Scorpius chercha une pendule dans le pub, et adressa à Maggie un regard désolé en n’en trouvant pas. La jeune femme fouillait dans les poches de sa doudoune immense, pliée sur le dos de sa chaise, et finit par en sortir ce que Scorpius identifia comme étant un miroir noir brillant.


“Ohlala, déjà dix-neuf heures… C’est pas possible, geignit Maggie en fixant le miroir (Scorpius jeta un œil au plafond, mais non, la pendule n’y était pas, et il ne comprenait pas pourquoi Maggie fixait ce miroir, décidément les moldus vivaient dans un autre monde), ma mère va me tuer et je n’ai même pas terminé mes courses… Ça te va si je paye ? demanda-t-elle sur un ton empressé à Scorpius, sans même le regarder.”


Il voulut lui répondre que oui, que de toute façon il n’avait pas de quoi payer dans ce pub moldu, mais la petite Serdaigle s’était déjà levée pour aller au comptoir, fouinant dans la poche centrale d’un portefeuille en toile parme. Scorpius la vit déposer un billet sur le zinc et revenir dans sa direction au pas de course. Elle attrapa ses affaires sur le dossier de la chaise et se hâta d’enfiler son manteau.


“On y va ?”


Ils sortirent dans le froid. Scorpius s’emmitoufla au plus profond de l’écharpe, profitant de sa chaleur pour les quelques instants à venir. Maggie marchait très vite et se mit à courir au niveau du passage piéton qui traversait l’esplanade, afin de rejoindre le recoin caché aux regards vers lequel ils s’étaient matérialisés une heure plus tôt et où les moldus ne les verraient pas transplaner. Le jeune homme courait presque pour la rejoindre.


“Maggie, attends ! Attends-moi !”


À bout de souffle, la jeune femme se tourna vers lui alors qu’ils atteignaient le renfoncement du mur qui les dissimulerait aux yeux des passants.

“Il faut que je te dise un truc, articula Scorpius en soufflant.
-Faut vraiment que j’y aille, répondit très vite Maggie, on en reparle une autre fois, d’accord ?
-Attends ! s’écria Scorpius.”


L’air froid qui lui emplissait les poumons l’empêchait de parler correctement, et il se sentait haleter. Très classe, pour un premier rencard.


“Je voulais juste te dire merci, finit-il par lâcher en fixant le sol.”


Surprise, Maggie s’arrêta pour le regarder. Son bonnet mal mis glissait sur ses cheveux rendus épais par l’humidité ambiante. Elle avait mal boutonné sa doudoune, et un pan de son pull de grosse maille dépassait de son manteau. Elle avait l’air plus frêle que lorsqu’elle l’avait trouvé dans l’Allée des Embrumes, tout à l’heure, plus vulnérable avec ses vêtements mis à la hâte.


“De rien, souffla la jeune Serdaigle en ajustant la lanière de son sac sur son épaule. T’avais besoin de parler, et j’étais là.
-Qu’est-ce que tu faisais dans l’Allée des Embrumes, d’ailleurs ?”


Il n’avait pas envie qu’elle parte. Tout pour prolonger ce rendez-vous inattendu de quelques minutes, quelques secondes.


“Ah ! Je, eh bien… bafouilla la jeune femme en fixant ses pieds. J’essayais d’échapper à quelqu’un, en fait. J’ai croisé Derek en allant chez Fleury et Bott.”

 


Derek. Son ex, donc. Très bien. Excellente stratégie, ça : lui rappeler son ex. Scorpius se traita d’abruti en tentant de garder une expression d’agréable neutralité. Au moins, elle le fuyait, c’était déjà ça de pris. Il ne savait vraiment pas quoi faire. Qu’est-ce qu’il devait lui dire ? Est-ce qu’il devait l’embrasser ? C’était peut-être un peu tôt ? Beaucoup trop tôt, oui ! Mais alors, quoi ? Surtout qu’il voyait bien qu’elle devait rentrer, et lui était paralysé, incapable de bouger un orteil…


“Scorpius, j’ai passé un très bon moment mais faut vraiment que je bouge, pressa Maggie, ma mère va me tuer, toute ma famille m’attend à la maison.
-Est-ce que je pourrais t’inviter à prendre un verre à la rentrée ? Demanda Scorpius d'une voix mal assurée.”


Il était tétanisé, mis à part ses mains qui tremblaient, derrière son dos. Une désagréable sensation de déjà-vu lui donnait envie de vomir. Il avait fait attention à ne pas crier, cette fois-ci. C’était un progrès. 


“Pour, euh… Te remercier pour celui-ci, ajouta-t-il en se raclant la gorge.”


Maggie lui lança un regard malicieux.


“Bien sûr. De toute façon, il faudra bien que tu me rendes mon écharpe, ajouta-t-elle en souriant, tripotant la laine du bout des doigts.”


Scorpius ne comprit pas ce qui se passa alors. Il devrait, par la suite, repasser plusieurs fois la scène dans son esprit pour tenter de l’analyser, car tout eut lieu en une poignée de secondes. Maggie, l’écharpe toujours entre les mains, l’attira à elle et lui déposa un baiser sur la joue. C’était un tout petit baiser, frais car ses lèvres étaient glacées, doux comme les flocons qui tombaient autour d’eux. Puis elle lâcha l’écharpe et, le temps que la laine retombe sur la poitrine de Scorpius, elle avait déjà transplané. Il se retrouva seul dans son immense écharpe moutarde, caché derrière un bâtiment de Trafalgar Square, sonné. Et heureux. Vraiment, vraiment heureux.

 

End Notes:

Bonjour ! 

Je suis désolée, je suis en déplacement et je n'ai eu accès à une connexion stable que ce matin, d'où le léger retard de post. Ca ne se reproduira pas et je ne vous laisse pas tomber, comme je l'ai déjà dit la partie 1 est de toute façon écrite en entier donc vous aurez forcément la suite.

J'ai une question pour vous car j'hésite beaucoup : on m'a demandé plusieurs fois pourquoi Louis était comme il est et ça a fait surgir pas mal d'idée dans ma tête concernant ce personnage.
Il devait être mis de côté durant la deuxième partie (que je suis en train d'écrire) mais à présent je me demande si lui permettre de se racheter ne serait pas plus intéressant.
D'où ma question : est-ce que vous préférez que j'écrive un redemption arc pour Louis, ou que je l'abandonne comme il était initialement prévu ?

Merci d'avance pour vos réponses !
Emojifeu

Partie 1, interlude 5 by Emojifeu

Minutes du procès de Drago Malefoy (extraits)

 

Première journée, audience du matin - 16 novembre 1998

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Avant que l’accusé soit appelé à dire s’il plaide coupable ou non coupable, aux termes de l’Acte d’accusation qui lui a été remis et d’après lequel il est accusé de crimes contre la Paix ; crimes contre le monde magique ; complicité de meurtre sur la personne de feu Albus Dumbledore, directeur de Poudlard ; tentative d’attenter à la vie de plusieurs moldus ; acte de torture ; perpétration d’actes discriminatoires et affiliation avec Tom Riddle Jedusor et ses Mangemort, je souhaite, en ma qualité de présidente de l’actuel Magenmagot, faire une courte déclaration.
Le présent tribunal se réunit dans des circonstances extraordinaires, mais non inédites. Le procès qui s’ouvre aujourd’hui, opposant la personne de Drago Malefoy et ses représentants, contre la partie civile constituée du Ministère de la Magie au nom de la communauté magique de Grande-Bretagne, est le dernier d’une longue série qui s’est révélée épuisante pour la cour. Je remercie chacune et chacun d’entre-vous d’avoir, au nom de la Justice, participé à ces audiences et conservé votre droiture et votre impartialité, quand bien même certains d’entre vous étaient directement touchés par les crimes jugés par ce tribunal.
Je vous demande, en tant que présidente, de conserver votre sens de la justice pour ce dernier procès, et de ne pas l’écourter ou l’expédier. Les chefs d’accusation sont graves, cependant attendu que le prévenu était âgé de seulement 17 ans lors des faits, ce procès requiert toute notre attention et notre impartialité afin de rendre un verdict juste.
Je vous remercie de votre écoute. Il me reste seulement à demander qu’il soit procédé à la lecture de l’Acte d’accusation. 

 

Deuxième journée, audience de l’après-midi - 17 novembre 1998

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Le Magenmagot entendra à nouveau la Défense, empêchée de poursuivre à la suite de la suspension de l’audience de ce matin.

AVOCATE DE LA DÉFENSE, MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Plaise au Magenmagot. Avant la suspension de l’audience ce matin, la Défense s’apprêtait à répondre au chef d’accusation concernant le meurtre d’Albus Dumbledore. Nous sommes en mesure de produire un témoin qui disculpe notre client.

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Qui est votre témoin ? 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Mr. Harry Potter, présent lors de la mort d’Albus Dumbledore.

(Exclamations dans les rangs du Magenmagot.)

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Silence au sein de la cour ! La Défense souhaite-t-elle appeler Mr. Harry Potter à la barre ?

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Non, votre Honneur. Nous présentons à la cour le souvenir de Mr. Potter du meurtre d’Albus Dumbledore, ainsi qu’une lettre certifiant qu’il nous l’a bien remis en étant en pleine possession de ses moyens.

(Une fiole et le dit-certificat s’envolent et atterrissent sur le bureau de la présidente-sorcière.)

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Le certificat joint atteste bien de la véracité de cette pièce à conviction, qui est donc jugée recevable. L’audience va être suspendue un quart d’heure afin que le Magenmagot puisse examiner cette nouvelle preuve. Le prévenu et son avocate sont invités à quitter les lieux. 

 

Troisième journée, audience du matin - 18 novembre 1998

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Avant d’entendre le témoin de la Défense, le Magenmagot souhaite rappeler au procureur de la partie civile que, conformément à la décision prise hier suite à l’examen d’une nouvelle pièce à conviction, le chef d’accusation suivant est abandonné : “Complicité de meurtre sur la personne d’Albus Dumbledore”. La charge est nulle et non-advenue. La cours reconnait que l’accusé, Drago Malefoy, a effectivement facilité l’intrusion des Mangemort à Poudlard, cependant, attendu que le perpétrateur du meurtre est Severus Rogue, professeur déjà présent sur les lieux du crime, la cours a jugé que l’intrusion des Mangemorts est concomitante du meurtre, et non sa cause directe. Le Magenmagot n’entendra plus de plaidoirie du Procureur ou de la Défense concernant ce chef d’accusation. 

 

Troisième journée, audience de l’après-midi - 18 novembre 1998

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
La Défense appelle à la barre Miss Hermione Granger, plaise au Magenmagot. 

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Veuillez décliner vos noms, prénoms, âge et occupation. Veuillez attester que vous ne comparaissez pas ici sous la contrainte et que vous êtes saine d’esprit.

MISS HERMIONE GRANGER
Hermione Jean Granger, 19 ans, élève à l’école de sorcellerie de Poudlard. Je jure que je témoigne ici en étant en pleine possession de mes facultés intellectuelles, et que je comparais de mon propre chef, en toute conscience des implications que mon témoignage aura sur le déroulement du procès. 

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
La Défense est autorisée à procéder à l’interrogatoire du témoin. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Merci, votre Honneur. Miss Hermione Granger, la Défense souhaite vous entendre au sujet de la capture de Mr. Harry Potter, Mr. Ronald Weasley et vous-même en mars dernier par des Mangemorts, et le séjour qui a suivi au Manoir Malefoy. Lors de votre audience préliminaire, vous avez déclaré que Drago Malefoy, l’accusé, avait tenté de vous protéger ?

MISS HERMIONE GRANGER
C’est exact.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Pouvez-vous développer ce point pour la cour, je vous prie ? 

MISS HERMIONE GRANGER
Lorsque nous sommes arrivés au Manoir Malefoy, Harry avait la tête complètement gonflée et déformée. C’est moi qui lui avait lancé ce maléfice, dans l’espoir qu’il ne soit pas reconnu et capturé. Bellatrix Lestrange, présente sur place, a demandé à Drago de nous identifier, tous les trois, bien que ni Ron ni moi ne soyons sous l’emprise du maléfice. Il nous a forcément reconnus, mais a prétendu le contraire devant sa tante. Je suis persuadée qu’il a tenté de nous protéger, ce jour-là.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Et pourquoi pensez-vous qu’il a tenté de vous protéger ? 

LE PROCUREUR
Objection, votre Honneur. La Défense appelle le témoin à spéculer. 

LA PRESIDENTE SORCIERE
Objection retenue. Mrs. Fairfocket, reformulez votre question ou abandonnez-la. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Bien, votre Honneur. La question est abandonnée, je demande à Miss Hermione Granger de ne pas y répondre. Miss Granger, pouvez-vous produire d’autres exemples de tentative de protection de la part de Drago Malefoy ? 

MISS HERMIONE GRANGER
Oui. Ron et Harry ont été mis aux cachots mais je suis restée plusieurs heures avec Bellatrix Lestrange, qui m’a torturée en me soumettant au sortilège de Doloris. Drago était présent au début de cet interrogatoire. Lorsque sa tante lui a proposé de procéder lui-même à ma torture, pour l’aider, il a refusé à deux reprises.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Mr. Malefoy est-il resté lors de tout l’interrogatoire ? 

MISS HERMIONE GRANGER
Je ne me souviens pas de tout, mais je sais qu’il a fini par partir, car il n’était plus présent lorsque Bellatrix Lestrange a finalement arrêté. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
D’autres personnes peuvent-elles attester de la véracité de vos propos ?

MISS HERMIONE GRANGER
Pour ce qui est de la première partie, Harry Potter et Ron Weasley étaient présents. Pour la seconde, à part Bellatrix Lestrange, nous étions seuls. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
La Défense entendra Mr. Weasley à ce sujet. Seriez-vous prête à remettre à la cour les souvenirs concernant cet événement afin que le Magenmagot puisse constater l’authenticité de vos déclarations ? 

MISS HERMIONE GRANGER
Oui. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
La Défense n’a pas d’autres questions, votre Honneur. 

 

Quatrième journée, audience de l’après-midi - 19 novembre 1998

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Si le Procureur a terminé son interrogatoire, la Défense peut procéder au contre-interrogatoire du témoin. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Plaise au Magenmagot. Miss Pansy Parkinson, vous avez évoqué la première fois que Drago Malefoy vous a parlé de la Marque des Ténèbres, reçue de la main de Tom Riddle Jedusor lui-même. Pouvez-vous pour la cour raconter cet événement en détail ? 

MISS PANSY PARKINSON
Oui. Nous étions dans le train qui nous conduisait à Poudlard lorsque Drago nous a pour la première fois montré la Marque.

MRS. FAUCONA FAIFOCKET
Vous souvenez-vous de la date à laquelle a eu lieu ce fait ? 

MISS PANSY PARKINSON
Je ne me souviens plus de la date exacte, mais c’était lors du début de notre sixième année. Les vacances venaient de se terminer. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Pour préciser, vous parlez de l’année 1996, soit deux ans en arrière. Le procès-verbal indique que le retour des étudiants à Poudlard cette année-là a eu lieu le dimanche 1er septembre. Cela vous parait-il exact ? 

MISS PANSY PARKINSON
Oui, je pense que c’est correct. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Poursuivez votre histoire, Miss Parkinson.

MISS PANSY PARKINSON
Nous étions dans le train, et Drago nous racontait qu’il avait été chargé par Vous-Savez-Qui d’accomplir une mission. Il refusait de nous dire laquelle, cependant il était assez fier de nous montrer la Marque qu’il avait reçu au courant de l’été.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Êtes-vous certaine qu’il s’agissait bien de la Marque des Ténèbres ? 

MISS PANSY PARKINSON
Oui, elle était identique en tout point à celle qui était apparue dans le ciel deux ans avant, lors de la finale de la Coupe du Monde de Quidditch. Je l'ai vue dans les journaux. C’était un crâne, avec un serpent qui lui sort par la bouche. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Miss Parkinson, vous êtes une amie de Drago Malefoy, n’est-ce pas ?  

MISS PANSY PARKINSON
Nous nous connaissons depuis des années, oui. Nos parents étaient amis avant nous.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
En qualité d’amie, vous devez connaître la date de naissance de Mr. Malefoy ? 

MISS PANSY PARKINSON
Le 5 juin 1980. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Pouvez-vous rappeler à la cours la date à laquelle s’est produit l’événement dont nous discutions, à savoir la première fois que Mr. Malefoy vous a montré la Marque qu’il avait reçue ? 

MISS PANSY PARKINSON
Le 1er septembre 1996.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Quel âge avait Drago Malefoy, l’accusé, au moment des faits ? 

MISS PANSY PARKINSON
Eh bien, 16 ans.

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Par conséquent, il était mineur ?

MISS PANSY PARKINSON
Tout à fait, oui. 

MRS. FAUCONA FAIRFOCKET
Madame la Président-Sorcière, je demande au Magenmagot de porter une attention toute particulière à ce détail. Mon client était mineur au moment où il a prêté allégeance au Mage Noir et ne peut, par conséquent, être tenu pour entièrement responsable de ses actes. En sa qualité de mineur, il a pu être impressionné, menacé ou forcé de prendre la Marque. Les souvenirs de Mr. Malefoy étant irrecevables comme pièce à conviction, du fait de son statut d’accusé, nous vous proposons de prendre ceux de Miss Parkinson afin d’attester de la date à laquelle il a reçu la Marque. Si les faits évoqués se révélaient avérés, la Défense demandera l’abandon des charges suivantes : “Crimes contre la Paix, crime contre le monde magique, affiliation avec Tom Riddle Jedusor et ses Mangemorts.” 

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Le Magenmagot considérera votre requête après examen des preuves fournies par Miss Parkinson. L’audience va être suspendue jusqu’à demain matin pour que la cour puisse se concerter. 

 

Cinquième journée, audience de l’après-midi - 20 novembre 1998

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Concernant le procès opposant la partie civile, constituée du Ministère de la Magie au nom de la communauté magique de Grande-Bretagne, et Mr. Drago Malefoy, le Magenmagot, en sa qualité de cour de justice du monde magique de Grande-Bretagne, a étudié toutes les preuves et les témoignages fournis tant par le Procureur que par la Défense. La cour va à présent rendre son verdict. Mr. Malefoy, veuillez vous lever. 

(L’accusé se lève.)

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Le Magenmagot va rendre son verdict concernant les charges suivantes, inscrites à l’Acte d’accusation : crimes contre la Paix, crimes contre le monde magique, tentative d’attenter à la vie de plusieurs moldus, acte de torture, perpétration d’actes discriminatoires et affiliation avec Tom Riddle Jedusor et ses Mangemorts.
Le chef d’accusation “complicité de meurtre sur la personne d’Albus Dumbledore” a été abandonné suite à l’examen de preuve fournies par la Défense, et aucun verdict ne sera rendu concernant cette charge.
Pour les chefs d’accusation “crimes contre la Paix, crimes contre le monde magique, affiliation avec Tom Riddle Jedusor et ses Mangemorts”, le Magenmagot déclare l’accusé non-coupable et acquitté. Attendu qu’il était mineur lors de son association avec Voldemort, le prévenu ne peut être jugé responsable de ses actes.
Pour le chef d’accusation “tentative d’attenter à la vie de plusieurs moldus”, le Magenmagot n’est pas en mesure de rendre un verdict du fait du manque de preuves quant à la complicité ou la culpabilité de Drago Malefoy lors des faits. Par défaut, l’accusé est acquitté.
Pour les chefs d’accusation “acte de torture, perpétration d’actes discriminatoires”, le Magenmagot déclare l’accusé coupable, au titre de sa participation au régime instauré par Tom Riddle Jedusor. La cour reconnaît toutefois des circonstances atténuantes à l’accusé, du fait de l’appartenance de son père aux Mangemorts et aux menaces proférés par Tom Riddle Jedusor à l’encontre de sa famille. La cour demande que l’accusé verse des dommages et intérêts à hauteur de 12 500 Gallions aux familles des victimes, et qu’il soit condamné à un an de travaux d’intérêts généraux, selon les modalités qui conviendront aux exécutants du présent verdict.
L’accusé est libre de quitter le tribunal.

MR. DRAGO MALEFOY
Merci, votre Honneur.

LA PRÉSIDENTE-SORCIÈRE
Ne me remerciez pas, Mr. Malefoy. Remerciez votre avocate et les gens qui sont venus témoigner et qui ont fourni des preuves. Votre père avait de bons contacts au Ministère, mais il semble que vous, vous ayez de bons amis. Ne gâchez pas la chance qu’ils vous ont offerte. 

(L’audience est levée.)


Partie 1, chapitre 6 - “Et puis, ce n’est pas bien méchant !” by Emojifeu

Chapitre 6 - “Et puis, ce n’est pas bien méchant !”

 

“Bref, je pense que c’est mieux de réfléchir déjà à la suite, tu vois ?”


James le soulait. Il n’en pouvait plus. Deux jours qu’il était collé à ses basques ! Officiellement gavé. Trop d’enthousiasme du môme de dix-neuf ans qui voulait jouer aux adultes avec lui. Flemme de discuter Quidditch, carrière et projets d’avenir toute la journée !  Il avait sa dose. Mrs. Harris avait beau être une grosse fouineuse, elle au moins, elle ne parlait pas de “se poser dans un petit cottage dans deux ou trois ans, et puis se marier hein, y a que ça de vrai !”


James avait trente balais de plus que ses dix-neufs ans.


“Parce que tu vois, quand on aura gagné la Coupe, je vais vite me retrouver désœuvré ! J’en ai pour quoi, maximum dix ans ? C’est court, une carrière de sportif, Maman me l’a toujours dit, et il faut assurer ses arrières dès le début ! Surtout si je veux pouvoir avoir des enfants avec Diana dans quelques années, faut commencer à se projeter…”


Et bla bla bla… Non, c’était bien réel. Envie profonde et tenace de gerber. Si ce sujet n’était arrivé sur la table qu’une fois en deux jours, passe encore ! Mais c’était la quatrième ou cinquième fois que James parlait de “se projeter” avec Diana. On arrivait au moment où, d’habitude, il casait une petite bafouille sentimentale pour sa dulcinée - en rappelant que, bien sûr, on ne sait jamais, la vie parfois…


“Je sais que je suis jeune, bien sûr, et puis on ne sait jamais comment les choses vont évoluer, mais on est ensemble depuis nos quinze ans et je sens qu’avec Diana, c’est du solide. On est partis pour longtemps, tu vois ? C’est ce dont elle a envie aussi, je le sens. C’est pour elle que je veux réussir, et surtout être prévoyant.”


Ben voyons ! Teddy se retenait de lui hurler à la figure. “Tu as dix-neuf ans, pauvre tâche ! Sors t’amuser un peu, vas te beurrer la tronche et faire des conneries avec ta baguette magique !” Ne pas le faire, par respect pour Harry et Ginny. Ils écoutaient patiemment leur fils aîné. Acquiesçaient par moment, se lançaient de petits regards entendus. Teddy aurait presque pu entendre ce qu’ils pensaient : “Qu’il est responsable ! Quel enfant charmant !” Beurk.


“Et en parlant d’elle, d’ailleurs, il ne faut pas que tu files, mon chéri ? Ginny demanda en fixant la pendule. Tu n’avais pas rendez-vous à quatorze heures ?
-Oh, Merlin, tu as raison ! James s’exclama en jetant un coup d'œil à l’heure. Elle va me tuer… il ajouta en avalant la dernière bouchée de son repas, à moitié debout. Merci Maman ! À plus tout le monde, il cria depuis la cheminée où il se tenait déjà, manteau à moitié enfilé sur l’épaule, écharpe dans une main et poudre de cheminette dans l’autre.”


Un éclair vert. Il disparut. Léger nuage de fumée flottant quelques secondes dans l’air. Harry soupira et Lily éclata de rire.


“Bien vu, Maman, le coup du rendez-vous. Je n’en pouvais plus ! Qu’est-ce qu’il aime parler, c’est dingue !”


Teddy leva un sourcil interrogateur. Vraiment ?


“Lily, ne dit pas de mal de ton frère ! Harry gronda.
-C’est vrai qu’il faut qu’il se calme un peu, Ginny approuva. Depuis cette qualification au poste d’Attrapeur pour la Coupe, il se prend tellement au sérieux…
-Bah, on a toujours su qu’il était légèrement prétentieux. Ça ressort un peu en ce moment, c’est tout ! Ce n’est pas bien méchant…
-Je sais, et puis ça se soigne facilement. Tu verras, Ginny ajouta sur un ton malicieux, qu’il suffira d’une défaite ou d’un râteau pour qu’il cesse de jouer les m’as-tu-vu et qu’il se comporte en ado normal de dix-neuf ans.
-Je ne lui souhaite aucun des deux, mais c’est vrai qu’un brin d’humilité ne lui ferait pas de mal, Harry dit le regard dans le vague.”


Silence de Teddy. Ses méninges tournaient à plein régime. Que disaient Harry et Ginny de lui lorsqu’il n’était pas là ? Le trouvaient-il paresseux ? Distant ? Versatile ? Lui en voulaient-ils d’être parti aux Etats-Unis ? Savaient-ils ce qui s’était passé avec Victoire ? Si oui, qu’en pensaient-ils ? Pourquoi n’en parlaient-ils pas ? Angoisse. Les avait-ils déçu ? Mais il n’était pas leur fils. Il ne s’attendait pas à ce qu’ils le considèrent comme tel, d’ailleurs. Arthur et Molly l’avait vêtu, nourri et couché jusqu’à sa majorité. Plus proches de l’âge de feu ses parents, aussi. C’était eux qui avaient joué ce rôle. Mais l’opinion d’Harry et Ginny lui était tout aussi précieuse que celle d’Arthur et Molly. Il faisait partie de la famille. Pas comme les autres enfants, pas comme un frère d’Harry non-plus. Il avait un statut bien à lui. Quelque chose d’un peu à part qui parfois avait ses avantages et souvent le faisait sentir très seul.


“Il finira par comprendre qu’il a le temps, Ginny ajouta en souriant. Tu sais, il est encore bien jeune… Il essaye de faire comme Papa et Maman ! Lily, elle sermona à la jeune femme rousse qui ricanait déjà, pas un mot de toute cette conversation à ton frère !
-On ne s’est pas marié à vingt-et-un an, Harry grogna. Ou alors, je m’en souviens mal.
-Non, mais on s’est rencontré à Poudlard quand on y est entré, et on ne s’est plus vraiment lâchés… Un peu comme mes parents, ou comme l’histoire de ton père et ta mère, Ginny dit en désignant son mari. C’est ça qu’il aime bien, avec Diana. C'est normal. Ca fait comme tout le monde - et tu sais à quel point James aime être comme tout le monde !
-Tu dois avoir raison, ma chérie. Pardon, il lança à Teddy, on t’ennuie avec nos histoires ! C’est sympa d’être venu déjeuner avec nous, ça nous fait plaisir !
-Oh, c’est normal, Teddy répondit en souriant, Percy enchaîne les réunions cet après-midi, et c’est plus ou moins top secret. En tout cas, j’suis pas invité.
-Tu as ton après-midi de libre alors ?
-Oui, enfin... Pour avoir déjà travaillé avec Percy, Teddy grimaça, je vous assure que ça ne va pas durer ! Au fait, Albus n’est pas là ?
-Parti faire du patin à l’étang d’à côté avec ses amis, je crois. Tu sais, il n’y a pas beaucoup de moldus à Godric’s Hollow, alors ils peuvent trafiquer leurs patins comme ils veulent, Harry expliqua en levant les yeux au ciel.
-Une vraie bande de casse-cous, ces trois-là ! Ginny s’exclama, exaspérée. Mais va expliquer à ton fils qu’il ne peut pas enchanter ses patins à glace quand il t’a vu gagner ta vie à grand coup de loopings sur des balais volants ! Ca serait plutôt à son père d’intervenir, elle grinça, mais là…
-J’aime bien les voir faire leur bêtises, tous les trois, Harry avoua. Ça me rappelle un peu Fred et Georges, ou les Maraudeurs… Albus ressemble tellement à Cornedrue, par moment… Et puis, ce n’est pas bien méchant.”


Un ange passa. Souvenirs précieux pour son parrain, Teddy le savait. Harry lui avait remis un parchemin vierge plié en huit le jour de ses treize ans. Il lui avait raconté une longue, longue histoire à propos de son père et de leurs amis. Il avait parlé de qui ils étaient, de ce qu’ils avaient fait et de qui ils étaient devenus. Teddy avait gardé la lettre accompagnant le parchemin. Parfois il la relisait. Il y trouvait toujours quelque chose de nouveau. Comme si elle aussi prenait de l’âge avec les années. Elle grandissait comme lui. Teddy songea avec honte à la carte du Maraudeur, qui traînait au fond de son sac à dos. Il ne l’avait pas ouverte depuis qu’il avait fui Poudlard en laissant Victoire. Il faudrait qu’il la donne, lui aussi, cette carte… Transmettre la plus brillante créations des Maraudeurs. Albus, peut-être, aimerait la carte ? Pour terminer le dernier semestre de sa dernière année… 


“Lily, tu veux accompagner Teddy pour faire du patin avec ton frère et ses amis ?
-Beurk, non, la jeune fille grimaça en fronçant le nez. C’est pas contre toi, Teddy, hein ! Mais je suis sûre qu’il est avec Basil et Eden et, euh… Disons qu’ils ont le fond du chaudron bien, bien épais !
-Ca veut dire quoi, ça, jeune fille ?
-Rien du tout, Papa ! J’y vais, moi, j’ai rendez-vous avec les cousines pour faire les boutiques ! A ce soir !
-C’est fou, Harry dit alors qu’un nouveau nuage de fumée verdâtre envahissait la cuisine, on en a fait trois et pas un ne reste jusqu’au dessert… Ginny, je crois qu’on les a mal élevés, il ajouta en pâlissant.
-Tu t’en fais trop, sa femme répondit en lui déposant un baiser sur le front. Aller, file Teddy, elle dit en souriant, poussant le jeune homme à l’extérieur. Laisse les vieux aller faire la sieste, sinon ils seront ronchons au dîner.”

 

*

 

“Passe le Souaffle ! Basil, passe le Souaffle !”


Voix de claire Teddy ricochant sur la surface gelée du lac. Tout le monde l’avait entendue dans un rayon de dix kilomètres à la ronde. Sauf, bien sûr, son abruti de destinataire. Basil. Le gamin l’ignora. Il fonça vers son opposant en hurlant et lui sauta dessus. La balle valsa à l’autre bout du terrain.

 
Presque une demi-heure à jouer à cette variante de jeu de balle sur patins propulseurs. Teddy avait eu le temps de comprendre ce que Lily entendait par “le fond du chaudron bien épais”. Il n’avait pas souvent eu l’occasion de rencontrer des ados aussi adorablement bêtes que Basil et Eden. Oh, les amis d’Albus n’avaient rien de méchant, bien au contraire ! Ils étaient juste d’une naïveté et d’une bêtise rare.


Ça l’attendrissait un peu. L’agaçait beaucoup. Les deux mômes se bousculaient pour aller chercher la balle. Mouvement de baguette. Ses patins cessèrent de pétarader. Il faillit tomber et réalisa que si plus rien ne le propulsait il fallait qu’il patine. Il se rattrapa d’un geste maladroit. Éclat de rire sur la droite. Tentative de conserver son équilibre. Déstabilisé, il finit de se casser la tronche.


“Mais moque-toi, vas-y, je t’en prie ! il lança à Albus.”


Assis sur un des bancs qui bordaient le lac, Al continua de rire. Il ne fit aucun geste pour l’aider à se redresser. Teddy crapahuta sur le sol pour le rejoindre. Lui balança une énorme poignée de neige au visage.


“Merci pour le coup de main !
-Oh, tu te débrouillais tellement bien, Albus répondit d’un ton railleur, ça aurait été dommage d’intervenir !
-On en reparlera quand tu te casseras la bobine, il grinça entre ses dents en époussetant sa parka.
-La bobine ? On dirait mon père, Albus se moqua en roulant des yeux.
-Tu insinues que je suis vieux ? Sympa ! Si tu n’étais pas un jeune insolent, tu réaliserais que c’est comme ça que parlent les adultes responsables, Teddy se rengorgea.”


Il avait espéré faire rire Albus. Effet inverse. Du coin de l'œil, il vit que l’adolescent fixait un point sur le sol. Air morose, moue boudeuse tordant ses lèvres. Teddy réfléchit : il avait dit quelque chose de mal ?

“Ils sont un peu, euh… Pas très futés, tes potes, non ? il demanda pour changer de sujet.
-Pourquoi tu dis ça ?
-Al, ça fait trois minutes qu’ils se battent pour aller chercher le Souaffle. Avec leurs baguettes. Ils pourraient appeler le Souaffle mais non, ils préfèrent se balancer des maléfices d’entrave. Franchement ! Je ne suis même pas sûr qu’ils aient remarqué qu’on avait arrêté de jouer.
-Rose dit pareil, répondit Albus en souriant. Mais c’est mes potes, ils sont cools. Basil, je le connais depuis longtemps, c’est le fils d’une amie de Maman. Eden, on l’a rencontré le jour de la rentrée. On s’est retrouvé à Poufsouffle tous les trois, et on ne connaissait personne d’autre, alors on est resté ensemble. Meilleure décision. Tu as gardé des potes de Poudlard, toi ?
-Hum ? Pas vraiment, Teddy répondit, mais j’ai pas essayé non-plus. Enfin, la première année, si. Et puis je passais encore du temps à Pré-au-Lard, parce que j’étais avec…
-Victoire, non ? termina Albus pour pallier à l’hésitation de Teddy.
-Voilà, ta cousine. Victoire. Elle. Bref, se reprit Teddy, et puis hein, tu connais l’histoire : les Etats-Unis, le départ déchirant… Disons que garder le contact avec les anciens de ma promo n’était pas une priorité.
-Ca en sera une, pour moi, affirma Albus en fixant ses potes à l’autre bout du lac gelé. On est potes pour la vie.”

Albus était de profil. Un peu petit pour son âge. Cheveux bruns qui tombaient en pagaille sur le front sous son bonnet en laine. Yeux marrons étaient perdus derrière de longs cils noir. Comme s’il rêvait en permanence. Malingre, il frissonnait dans sa doudoune malgré le soleil. Cachait son nez dans son écharpe, une création de Molly en laine bouillie, verdâtre par endroit. Impression générale de maladresse fragile. Quelque chose un rien hésitant qui donnait envie à Teddy de le protéger. La lueur de défi qui luisait au fond des yeux d’Albus, décidé à conserver ses meilleurs potes jusqu’à la mort, n’arrangeait rien. Un zeste de rébellion qui termina de l’attendrir.


Albus tourna la tête. Surprit son regard. Il rougit, se tortilla sur le banc pour s’éloigner. Bon joueur, Teddy fit semblant de n’avoir rien remarqué. Le soir de Noël, il s’était amusé à le mettre mal à l’aise. Pas cool de sa part. Une vraie peau de vache. Mais c’était si drôle de le voir rougir et bafouiller…


Un sentiment de malaise diffus traversa Teddy. Il le balaya en reprenant la parole.


“J’ai un truc pour toi.
-Pour moi ? murmura Albus en le regardant.”


Battements de cils. Ses grands yeux bruns l’interrogeaient. Comme une sorte de lapin, un animal très innocent. Un peu apeuré, mais très mignon.


“C’est un truc que m’a donné ton père, et il le tenait de son père… Enfin, non, pas exactement d’ailleurs, s'emmêla Teddy. Est-ce que Harry t’a déjà expliqué comment son père et le mien se connaissaient ?
-Ils étaient à Poudlard ensemble, non ?
-C’est ça, confirma Teddy. Il t’a déjà parlé des Maraudeurs ?
-C’était pas le nom de leur groupe ou je ne sais pas quoi ?
-Si, c’est ça. Mon père, ton grand-père et deux autres garçons avaient cette petite bande de Gryffondor qui faisaient les quatre cent coups, et ils avaient créé un truc… Tiens, regarde !”


Teddy sortit la carte de la poche de sa parka. Un peu humide, un des coins était corné. Au regard que lui lança Albus, Teddy comprit qu’il pensait qu’il se moquait de lui.

“Attends, tu vas voir… Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises, Teddy récita en passant sa baguette sur le parchemin.”


Il guetta la réaction d’Albus. Ses yeux s’ouvrirent en grand lorsque le parchemin se couvrit d’une multitude de petites pattes de mouches pour former une carte. Air émerveillé. Sourire éclatant à l’intention de Teddy. Gorge sèche et malaise en lui rendant son sourire.


“C’est quoi ? demanda Albus, impatient. Je peux l’avoir ?
-Une carte du château, répondit Teddy en baissant les yeux vers le parchemin. Regarde, là, dit-il en désignant un point, tu vois ? On voit Sherrington qui marche dans les couloirs, ou McGonagall dans son bureau…
-C’est ce qui arrive en ce moment ?
-Exactement. Très pratique. Bon, et puis tu as aussi les passages secrets indiqués sur la carte. Il y en a huit, maintenant, c’est ton père qui a ajouté le dernier ici mais comme il est dans la Salle sur Demande, ce n’est pas le plus accessible. J’aime assez celui derrière la statue de la Sorcière Borgne, là. Il mène chez Honeydukes, mais fais gaffe, tu arrives dans leur stock et il faut pouvoir en sortir.
-Je vois, souffla Albus. Elle est géniale, cette carte !
-Quand tu as terminé avec, indiqua Teddy, il te suffit de passer ta baguette dessus en disant “Méfait accompli” et elle redeviendra vierge. Bien pratique pour la camoufler.
-J’ai compris.
-Et si quelqu’un essaye de la consulter sans qu’elle ne soit activée, ajouta le jeune homme en souriant, tu verras qu’elle est assez bien protégée. Les créateurs y ont veillé.”


Albus prit le parchemin redevenu un vieux morceau de papier miteux. Le regarda un instant. Yeux pétillants de joie. Teddy s’en voulu de ne pas avoir pensé à lui donner avant. Qu’il était tête en l’air ! C’était évident que la Carte aurait pu servir à Al autant qu’elle lui avait servie à lui - même s’il ne l’avait jamais plus consultée après la nuit où il s’était enfui de Poudlard.


“Merci, Teddy, lui dit Albus en bafouillant. C’est un super cadeau.
-C’est rien, répondit Teddy un peu embarrassé, après tout c’est normal qu’elle te revienne à un moment… Peut-être que tu pourras la filer à Lily, quand tu quitteras Poudlard ?
-Peut-être… Tu es content de revoir le château, au fait ? Tu vas passer pas mal de temps à l’école, non, avec la mission que t’a refilé Percy ?
-Je n’y ai pas vraiment pensé, mais oui, j’imagine que je vais être pas mal au château... Ca va me faire bizarre, Teddy avoua en passant la main dans ses cheveux bleus.”


Abus se tourna vers lui. Le regarda d’un air grave, les pommettes d’un rouge soutenu.


“Pense à me dire quand tu viens. On pourrait aller à Pré-au-Lard ensemble.”


Quoi ? Teddy le fixa quelques secondes. Il avait plus de culot que prévu, lui ! Il hésita un instant à le rembarrer… S’il continuait de jouer avec lui, Al finirait par avoir un vrai béguin. Ils seraient dans la merde... D’un autre côté, il était à croquer sans le faire exprès, avec ses grands yeux et ses joues qui se coloraient pour un rien…Rah, par Merlin, il pouvait bien l'emmener boire une Bièraubeurre aux Trois Balais à l’occasion ! Après tout, Al était majeur et ça n’engageait à rien ! Ça faisait du bien, juste un peu, de voir quelqu’un lui courir après. Ça faisait longtemps. C’était agréable, et il ne faisait rien de mal, à part le laisser un peu espérer… Il ne se passerait rien, Teddy y veillerait. Il maîtrisait la situation. 


Il sourit à Albus. Il le fixait toujours en attendant sa réponse. Moue décidée, mains tremblantes sur ses genoux. Joues presque carmin, à présent. Mèches brunes mises à mal par le vent, courant sur son front, s'emmêlant. Quelques gouttes de neige fondue sur sa pommette droite. D’un geste calculé, étudié, Teddy avança la main et passa son pouce sur la zone humide. Il laissa sa main sur la joue d’Albus juste une seconde de trop pour que son geste puisse paraître anodin. Albus donnait l’impression qu’il allait se liquéfier. Teddy sourit de plus belle, fier de lui. Il maîtrisait.


“Bien sûr que je te dirai quand je serai au château, dit-il en enlevant sa main du visage d’Albus, ça serait dommage de ne pas te voir.”


Albus hocha la tête sans rien dire, déglutit. Teddy se leva pour rejoindre Basil et Eden qui venaient à leur rencontre, trempés jusqu’aux os. Il ne réussit pas à retenir une dernière pique, qui glissa de ses lèvres :


"Ça va, tu n’as pas trop froid avec ton écharpe de travers ? Tu es tout rouge.” 

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Partie 1, interlude 6 :
La Carte du Maraudeur

 

Messieurs Lunard, Queudver, Patmol et Cornedrue
spécialistes en assistance
aux Maniganceurs de Mauvais Coups
sont fiers de vous présenter
La Carte du Maraudeur

 

Monsieur Lunard est honoré de rencontrer enfin un enfant Potter-Weasley, et salue au passage son propre rejeton, qui aurait pu penser à transmettre la Carte plus vite. 

 

Monsieur Queudver souhaite tous ses vœux de réussite à Monsieur Potter pour ses études, mais aussi pour ses farces et sottises en tout genre.

 

Monsieur Patmol est profondément ému de se trouver en présence de l’enfant de son filleul, et a la gorge serrée par l’émotion. 

 

Monsieur Cornedrue transmet à Monsieur Potter toute son affection, entière et sincère, et regrette de ne pas avoir pu le rencontrer de visu. Il aurait été un merveilleux petit-fils.

End Notes:

Hello !
Mon interlude de la semaine étant bien trop court pour HPF, j'ai décidé de vous le produire à la fin du chapitre !

J'espère que ça ne gênera pas la lecture :)
Merci,

Emojifeu

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EDIT : donc une partie de mon interlude avait sautée, bien bien... Décidémment, j'ai bien des soucis avec ces interludes ! Je suis absolument navrée, le voilà complété :)

Partie 1, chapitre 7 - “Non, tu ne l’écoutes pas.” by Emojifeu

 Chapitre 7 - “Non, tu ne l’écoutes pas.”

 

Sur le plan de travail en aluminium, le fouet bougeait tout seul, montant les blancs en neige de sa propre initiative. Juste à côté, son père faisait partir le feu dans la cheminée, sa baguette pointée vers l'âtre. Les couleurs chaudes des flammes jouaient avec ses cheveux roux, leur reflet ondulant au rythme de leur danse sur la bûche. Rose jeta un coup d'œil aux blancs d’oeufs : ils seraient bientôt fermes, et son père pourrait y ajouter le sucre. Encore quelques tours de fouets…


“Comment tu vas, ma chérie ?”


Rose sursauta et se tourna vers son père, qui la regardait d’un air soucieux. Allongée dans le grand canapé blanc du salon, un plaid sur les jambes, elle était censée rédiger son devoir de Métamorphose, et plusieurs parchemins et plumes s’étalaient sur la table basse qui lui faisait face. Ca faisait au moins vingt minutes qu’elle n’avait pas écrit, la pointe de sa plume en suspens dans l’air. Elle rêvait en regardant le fouet monter les blancs en neige, fascinée par le mouvement parfait de l'ustensile de cuisine. Il n’accélérait pas, ne ralentissait pas… Une sorte de ballet perpétuel qui recommençait sans cesse dans les blancs d’oeufs. 


“Tranquille, Papa, répondit-elle en souriant à son père qui la fixait.
-Je t’ai trouvée fatiguée, quand tu es rentrée de Poudlard. Tu as beaucoup de travail ?
-Un peu, oui. Tu sais ce que c’est, l’année des ASPICS…
-Nan, je ne sais pas, répondit son père en haussant les épaules. Je n’ai pas passé mes examens.”


Rose fronça les sourcils.


“Ah bon ?
-Tu ne le savais pas ? C’est à cause de ta mère, ça, lâcha son père en souriant, elle ne veut pas que vous sachiez que techniquement, on n’a pas eu notre diplôme.
-Pas de diplôme ? s’écria Rose. Je ne te crois pas ! Maman adore les diplômes !
-Oui, mais l’année de nos ASPICS, c’était la fin de la guerre, tu vois ? Et on a fait autre chose, cette année-là. Un jour, je te raconterai ça, mais tu es encore un peu jeune. Mais lorsque la guerre s’est terminée, l’école a donné le diplôme sans examen de fin d’année à tous les élèves de dernière année de Poudlard. Ça aurait été un peu hypocrite de nous tester pour les ASPICS alors qu’on avait passé l’année à  combattre. On n’étaient certainement plus des élèves.
-Je ne savais pas, dit Rose en réfléchissant, qu’ils avaient annulé les examens cette année-là, mais c’est logique…
-Oh, tu sais, les examens ont été annulés deux fois durant toute ma scolarité à Poudlard. Je ne crois pas que ce soit aussi sacré que le prétend ta mère, ajouta son père en lui adressant un sourire malicieux.”


Rose lui rendit son sourire et posa le parchemin ainsi que sa plume, qu’elle tenait toujours. Son père avait raison, elle était en vacances ce soir encore, elle avait bien le droit de se reposer un peu. Et puis, elle avait encore le temps de terminer cette dissertation de Métamorphose. Elle se leva et d’un mouvement de baguette stoppa le fouet dans sa course.


“Je vais t’aider, dit-elle à son père.”


Ils cuisinaient depuis à peine une dizaine de minutes lorsque la voix de sa mère fit sursauter Rose, qui renversa par terre la moitié du saladier d’oeufs battus en neige.
“C’est hors de question, Hugo !


-C’est moi qui décide ! hurla à son tour son frère.”


Rose et son père échangèrent un regard inquiet, tendant l’oreille pour tenter d’entendre la suite de la conversation. Les voix semblaient provenir de la chambre d’Hugo, à l’étage du dessus. Soudain, tout le petit cottage anglais se mit à trembler. Hugo, très énervé, martelait une à une les marches de l’escalier de bois sombre en descendant. Derrière lui, fulminant de rage, essoufflée, sa mère tentait de le rattraper, dévalant elle aussi les marches sans égard pour le bois vermoulu.


“Reviens ici, Hugo ! Ne crois pas que cette conversation est terminée !
-Ah, je sais bien, ça, cracha le jeune homme. J’anticipe, c’est tout ! Il va bien falloir qu’on en discute “tous ensemble”, fit-il en se moquant, hein, puisqu’on est une “famille unie” !”


Sur son épaule, Rose sentit la main de son père qui lui pressait le bras en une question muette : savait-elle de quoi il était question ? Elle avait un peu peur d’être au courant, en effet... 


Leur mère fixait Hugo, la bouche ouverte, l’air blessé par la mauvaise imitation qu’il venait de leur servir. C’est vrai qu’elle voulait toujours discuter et discuter encore, tous les quatre, en en exposant tous les détails lors d’une sorte d’assemblée familiale dédiée à la résolution de soucis des uns et des autres. C’était un peu agaçant, et la jeune femme comprennait que son frère se soit emporté.


“Il veut quitter Poudlard, dit finalement leur mère en s’adressant à son mari.”


Il y eut un silence. Hugo baissait les yeux. Sur son épaule, Rose sentait la main de son père presser de plus en plus fort, comme pour demander confirmation. Elle n’osait pas le regarder dans les yeux. Il fit par répondre, au bout d’un temps qui semblait interminable.


“On ferait mieux de s'asseoir, non ?”


Hugo se laissa tomber dans le canapé et Rose se précipita à ses côtés. Quoi qu’il arrive, elle lui avait promis, quelques jours auparavant, qu’elle l’aiderait et qu’elle appuierait sa décision. C’était maintenant, et elle ne laisserait pas son frère se débrouiller seul. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle allait dire, mais elle refusait de lui faire faux bond. Pour elle, ça aurait été une trahison.


“Hugo, demanda leur père après s’être assis, est-ce que c’est vrai ?
-Oui, souffla le jeune homme, bien sûr que c’est vrai. Je refuse de retourner dans cette école.”


Rose surprit un regard exaspéré de sa mère en direction de son père. La jeune femme savait que la discussion ne serait pas facile, mais elle se rendait à présent compte qu’elle serait même peut-être impossible à avoir. Sa mère n’était pas capable d’entendre ce qu’Hugo avait à dire. Rose serra les dents.


“C’est inconséquent, comme attitude ! Tu peux expliquer ton plan à ton père, Hugo ?
-Je voudrai rentrer dans une école moldue, répondit Hugo en levant les yeux d’un air de défi. Je n’ai visiblement pas ce qu’il faut pour être à Poudlard, plutôt crever que d’y retourner !
-N’importe quoi, explosa sa mère, on aura tout entendu ! Bien sûr que tu as ta place à Poudlard !
-Ah oui, laquelle ? l’agressa Hugo. Celle du crétin de service, celle du dernier de la classe ? Le pitre qui rassure les autres car “y a toujours pire ?” Ou celle du monstre “pas comme nous” ?
-Je t’ai dit cent fois de me le dire si quelqu’un t’embêtait, Hugo ! Évidemment que je ne veux pas que tu te sentes comme ça ! Tu dois pouvoir te sentir bien, à Poudlard !
-Eh ben c’est pas le cas ! cria Hugo, des trémolos de désespoir dans la voix. C’est pas le cas !”

 

Des larmes de rage coulaient sur ses joues. Rose sentait son corps trembler contre le sien. Il était hors de lui, dans un état de colère et de détresse qu’elle ne lui connaissait pas - et pourtant, ce n’était pas la chose la plus dure qu’il ait eu à vivre. Les mains agrippant son propre pull, il se tenait la poitrine comme s’il avait mal, une douleur physique que les sanglots n’apaisaient pas - au contraire, il se mit à hoqueter et pendant un court instant, et Rose cru qu’il ne parvenait plus à respirer.


“Hugo, reprit leur mère d’un ton plus doux, tu sais que je ferai n’importe quoi pour que tu te sentes bien à l’école. Tu peux me parler de ce que tu veux, tu peux me dire qui te fait subir ce que tu subis, je ferai en sorte que ça ne se reproduise pas.
-Ce n’est pas… Le problème, hoqueta le jeune homme entre deux sanglots. Je n’ai… Rien…. À faire là-bas…
-Bien sûr que si, Hugo ! se récria sa mère, l'air horrifié. Tu es un sorcier au même titre que les autres, et tu as ta place au château et dans le monde magique ! C’est tout ce que j’ai toujours défendu, et il ne sera pas dit que mon fils sera exclu de ce monde ! C’est hors de question !
-Tu… Ne m’écoute… Jamais, souffla Hugo dont les larmes reprirent de plus belle.
-Bien sûr que je t’écoute ! Si j’avais su que c’était à ce point ! Je vais en parler avec McGonagall le plus vite possible, et dès demain…
-Non, tu ne l’écoutes pas.”


Rose s’était levée et toisait sa mère. Une colère froide l’animait. Elle l’avait écouté parler, elle l’avait vu retourner les arguments d’Hugo contre lui et elle la voyait à présent, déjà en train de prévoir de parler à une telle et faire passer tel point dans le règlement alors que son fils pleurait de rage sous ses yeux, impuissant et terrorisé à l’idée de retourner au collège. C’était assez pour que Rose, qui pourtant s’était toujours bien entendue avec ses parents, en veuille à sa mère.


“Tu ne l’écoutes pas, reprit-elle en haussant le ton. Tu vois dans quel état il est ? Tu vois à quel point il a peur ?
-Ne me parle pas sur ce ton, bredouilla sa mère, interdite devant la rébellion de sa fille.
-S’il te plait, Maman, écoute ce qu’il a à te dire ! Il est malheureux, à Poudlard ! Et pas uniquement parce que Lou… Parce que des gens s’en prennent à lui, se reprit-elle avant de donner le nom de son cousin par inadvertance. Mais parce qu’il ne réussit pas ce qu’il fait, là-bas. Il n’est pas à sa place. Oui, il a le droit d’y être, et oui, il a une place s’il le souhaite, mais elle ne lui convient pas, d’accord ? Ce n’est pas ce qu’il veut faire, Maman !”


Elle se mordit la lèvre, inquiète d’être allée trop loin. Sa mère la fixait d’un air étrange, comme si elle n’était pas tout à fait présente, comme si une partie de ses pensées étaient consacrées à autre chose. Assit sur le canapé blanc, son père gardait les yeux rivés au sol. Il était à quelques centimètres de son fils et pourtant, il ne faisait aucun geste pour le réconforter alors que l’adolescent se répandait en pleurs, le visage humide d’un mélange de larmes et de morve. Rose sentit la colère battre à nouveau dans ses tempes : elle ne supportait plus de voir son petit frère dans cet état. Tout le monde s’en prenait à lui, il était tout le temps blessé ou meurtri. Elle en avait assez d’être la seule qui se soucie d’Hugo.


“Papa… Dit quelque chose, s’il te plait... “


Son père resta muet. Dans le salon, tout était suspendu. Hugo reniflait dans sa manche, prostré sur le canapé. Sa mère, debout à ses côtés, le regardait sans oser le toucher, la main suspendue au-dessus de son épaule - de peur peut-être que son fils s’effondre sous ses doigts comme un château de cartes. Elle semblait avoir enfin pris la mesure de la douleur d’Hugo, et Rose se félicita d’être intervenue. Après un long moment, son père finit par soupirer et leva les yeux vers son fils, qui sanglotait toujours.


“Je suis désolé, Hugo. Je suis vraiment, vraiment désolé de ne pas avoir vu que Poudlard te causait tant de souffrance.
-Ron, lui reprocha leur mère en le fixant.
-Hermione, c’est une réalité. Regarde-le ! Regarde dans quel état il est ! C’est ce que tu veux pour ton fils ?
-Bien sûr que non, protesta-elle indignée, mais il ne faut pas confondre une bande de crétins et l’école au complet ! Ce n’est pas Poudlard qui…
-Tu es certaine de ça ? Tu es certaine que c’est le meilleur endroit pour lui ? Que c’est juste “une bande de crétins”, et pas le fait qu’il ne se sente pas à sa place là-bas qui lui fait du mal ? Parce que moi, en le voyant dans un tel état de panique rien qu’à l’idée de remettre les pieds là-bas, je me pose des questions !”


Son père ne levait jamais la voix face à sa mère. Rose ne l’avait jamais vu faire. Ils passaient leur temps à se chamailler, et il aimait la taquiner - ce qui provoquait chez elle des réactions allant de l’exaspération à l’amusement - mais il ne criait pas, ne s’énervait jamais. Rose les avait toujours vu être d’accord, et si ce n’était pas le cas, son père avait plutôt l’habitude de s’incliner sans faire de vague et se ranger à l’avis de sa mère. C’était la première fois qu’il lui tenait tête et qu’il haussait le ton. Il n’avait pas crié, mais les accents d’urgence et le timbre plus grave de sa voix avaient suffit à en donner l’illusion.


“J’ai tout fait pour qu’il se sente chez lui, là-bas, souffla la mère de Rose, je me suis battue au Ministère pour qu’il soit accepté ! J’ai demandé des aménagements, j’ai négocié avec McGonagall pour son bien !
-Pour mon bien ? cria Hugo en sortant de l’apathie larmoyante dans laquelle il se terrait depuis quelques minutes. Tu l’as fait pour toi !
-C’est faux ! Depuis que tu es entré à Poudlard, je me suis saignée aux quatre veines pour que tu puisses prétendre à la même éducation que les autres, et je l’ai fait pour toi ! Et je le referais s’il le fallait, malgré ton ingratitude !”


Hugo ouvrit la bouche et la referma. A nouveau, des larmes de rage perlaient à ses paupières. Il parut sur le point de répliquer quelque chose, mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Il se leva et remonta quatre à quatre dans sa chambre, dont la porte claqua fort. Le bruit résonna dans la pièce un instant, inquiétant et définitif. 


“Hugo !
-Laisse-le partir, Hermione, dit leur père d’une voix douce. Il faut qu’il se calme.
-Il est hors de question qu’il n’y retourne pas, tu m’entends Ron ?
-On peut en discuter ? Est-ce qu’on peut juste en parler, Hermione ?
-Maman, s’il te plaît, implora Rose en sentant les larmes la gagner elle aussi, s’il te plaît, ne le force pas à y retourner. Tu ne sais pas ce qu’il vit, là-bas, Maman…”
Sa mère se tourna vers elle, indécise. Un instant, Rose crut qu’elle allait lui faire changer d’avis, qu’elle allait réussir à plaider la cause de son frère. Mais le visage d’Hermione se ferma brusquement, et elle détourna les yeux.
“S’il a des problèmes avec des élèves, j’interviendrai. J’irai voir McGonagall demain, pendant que vous serez dans le train. Mais il est hors de question qu’il abandonne ses études maintenant. Il a quinze ans !”


Rose ouvrit et ferma la bouche, soufflée par la froideur de sa mère. Elle se tourna vers son père.

“Papa…
-Hermione, il faut qu’on en discute, s’il te plaît. Tu as vu dans quel état il était ? Je refuse de voir mon fils aller aussi mal et de ne rien faire !
-Je ne fais pas rien, cracha la mère de Rose. Qui a permis qu’il commence à étudier à Poudlard, hein ? Qui a parlé avec les professeurs, qui a fait en sorte qu’il soit accepté, qui s’est battu au Ministère pour que son fils puisse faire ses études comme n’importe quel garçon de son âge, toi peut-être ?
-Et ça l’a rendu heureux, rétorqua son père sur un ton tranchant que Rose ne lui connaissait pas, hein, il a l’air sacrément épanoui, dis donc ! Bravo ! C’est ça que tu veux, des remerciements ? Tu veux être sûre que tu as tout bien fait dans les règles, comme d’habitude ? Mauvaise nouvelle, je crois que cette fois-ci, c’est loupé ! On peut en parler, maintenant, ou on continue à faire comme si notre fils allait parfaitement bien ?”


Hermione le fixa, un mélange de surprise et de colère imprimé sur le visage. Ses yeux bruns lançaient presque des éclairs. Elle toisait son mari, tremblante de colère.


“Rose, lança-t-elle à sa fille sans la regarder, monte dans ta chambre.
-Maman…
-TOUT DE SUITE !”


Rose ramassa son livre et ses parchemins à côté d’elle et se dirigea vers l’escalier. Le pied sur la première marche, elle se retourna et tenta une dernière phrase avant de disparaître dans sa chambre : 


“Papa a raison. Il est vraiment malheureux, Maman. S’il te plaît...”

End Notes:

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Bonjour !
Je suis profondément désolée du retard, j'ai déménagé il y a quelques jours et je n'avais pas internet pour uploader ce chapitre.
Bon, voilà qui est rétabli ! Pour me faire pardonner, je conserver un rythme de publication normal et vous aurez bien un chapitre jeudi aussi !
Merci,
Emojifeu

Partie 1, interlude 7 by Emojifeu

Interlude : Louis

 

2011
C’est lui qui a cassé la toute nouvelle baguette de Victoire, mais c’est Dominique que Papa gronde.
“C’est pas juste, pleurniche Dominique en essayant son nez qui coule, c’est la faute de Louis !
- Ton frère a cinq ans, Dominique ! Ce n’est pas lui de faire attention à ce genre de choses ! C’est toi la grande sœur, tu comprends ? Tu es responsable de lui.”
Et Papa punit Dominique. Seulement Dominique.

 

2012
Louis ne va pas à l’école moldue, comme Victoire et Dominique. Maman décide qu’elle va s’occuper de lui apprendre à lire et à compter à la maison, puisqu’elle ne travaille plus. C’est plus facile, parce que ses sœurs ont eu de petits accidents de magie à l’école et qu’après, c’est à Maman et Papa d’aller voir leurs maîtresses pour les faire changer d’école, et que c’est compliqué avec le travail de Papa qui le force à partir en voyage tout le temps. À cause de ça, ils ont dû déménager et Louis pleure encore parfois en repensant à la Chaumière aux Coquillages et la mer qu’il voyait depuis les fenêtres de sa chambre. Londres est grande et grise, pas comme sa maison.
Il passe toutes ses journées avec Maman. Parfois elle l’emmène manger son goûter sur le Chemin de Traverse. Parfois ils vont voir des amies à elle, qui ont aussi des enfants de son âge. Louis aime bien y aller parce qu’il est le chef du groupe.

 

2014
Maman a eu un accident en traversant la rue. Louis ne comprend pas bien ce qui se passe, mais elle est à St Mangouste depuis une semaine. Papa a eu très peur, et il répète plusieurs fois à Louis pendant qu’il le garde qu’il faut faire attention aux voitures des moldus partout dans Londres, qu’elles sont dangereuses.
Quand Louis veut aller au parc qu’il aime bien une après-midi, Papa décide qu’ils iront plutôt sur le Chemin de Traverse, parce qu’il dit qu’il n’y a pas de moldus et de voitures là-bas.

2015
Louis est le chef du groupe et il aime bien ça. Les autres garçons qu’ils fréquentent le suivent partout et ils font ce qu’il veut. Quand il demande à Herveus d’aller lui chercher le Vif d’Or qui s’est enfui au fond du jardin, il le fait. Quand il oblige Edouard à boire l’eau croupie dehors, tout le monde rigole.
Maman et Papa le grondent un peu, mais ils disent aussi qu’il a le caractère d’un vrai capitaine et que ça lui servira, plus tard.
C’est lui le chef. 

 

2018
À Poudlard, Louis est plutôt doué. Ses amis d’enfance le suivent toujours partout et ses professeurs lui parlent de ses parents, de la guerre, des héros qu’ils sont. Louis est fier de faire partie de cette famille quand il voit les autres élèves lui jeter des regards curieux.
“T’es un Weasley ? Waaaah, comment c’est trop cool ! C’est vrai que c’est ta grand-mère qui a tué Bellatrix Lestrange ? Tu connais Harry Potter ?”
Tout le monde le connaît alors qu’il vient d’arriver et Louis adore ça.

 

2019
Dans l’édition de L’Histoire de Poudlard - édition augmentée, Louis tombe sur un paragraphe qui parle de ses oncles Fred et Georges. Ça ne parle pas de la mort de son oncle, non. Ça parle de leurs bêtises spectaculaires et de la fois où ils se sont enfuis de Poudlard en perturbant les examens, et du marécage dont il reste encore un carré dans le couloir du cinquième étage de l’aile Est et devant lequel Louis est déjà passé. Il trouve ça incroyable et ses yeux se mettent à pétiller.
Il veut absolument avoir son nom dans l’Histoire de Poudlard, un jour.

 

2019
Ce qui dégoûte le plus Louis, c’est la voiture rouillée que son grand-père garde dans un coin du Terrier. Il déteste cette voiture. De toute façon, il trouve que tous les objets moldus que son grand-père accumule sont stupides et prennent de la place inutilement. C’est ce que sa grand-mère pense aussi parce qu’elle le dit très souvent et passe son temps à vider le bureau de son grand-père en douce.
Louis adore sa grand-mère, qui est toujours si gentille avec lui.

 

2019
Hugo ne sait pas faire de magie et ça énerve Louis. Il est arrivé à Poudlard depuis quelques mois seulement mais c’est déjà le sujet le plus discuté dans tout le château. Même ses amis lui parlent de son cousin Cracmol, c’est la honte.
Il déteste Hugo, il déteste le voir échouer et il déteste qu’il s’appelle Weasley comme lui. Les Weasley sont une grande famille de sorciers, tous ses oncles et tantes ont participé à la Guerre. Hugo est une erreur. 

 

2020
En cours d’Histoire, Louis apprend que les moldus ont torturé les sorciers pendant des siècles et qu’ils les ont chassés. Binns prétend que ces évènements n’étaient pas grave et que très peu de sorciers sont vraiment morts à cause des bûchers, mais Louis trouve ça affreux et ne le croit pas.
Il se demande si c’est à cause de ça qu’ils doivent se cacher et ça l’énerve. Il sait qu’il vaut mieux qu’eux.
Il en parle à ses amis, qui sont comme d’habitude d’accord avec lui. Flood lui dit que son père pense qu’ils sont mieux entre eux, et il est d’accord avec lui. On ne peut pas faire confiance aux moldus.

 

2021
L’amie de Rose qui n’arrête pas de l’engueuler quand il corrige Hugo lui tape sur le système. Elle n’arrête pas de lui retirer des points et de le sermonner, mais ne dit jamais rien à Hugo qui pourtant échoue partout. Comme si sa présence à Poudlard était parfaitement normale, alors qu’il ne vaut pas mieux qu’un moldu et que les moldus n’ont rien à faire à Poudlard.
Une fois, pour la blesser et qu’elle fiche enfin la paix, il répète une insulte que Raban lui a apprise et qu’il tient de son oncle. Maggie devient toute rouge et semble au bord des larmes. Elle part sans le punir, cette fois-ci.
Il n’est pas vraiment sûr de ce qu’il a dit, mais derrière lui le petit groupe rigole et Gryffondor n’a perdu aucun point, cette fois-ci. 

 

2022
Parfois, Tante Hermione parle de sa famille moldue et ça met Louis très mal à l’aise. Il n’aime pas penser qu’il a des moldus dans sa famille. Il savait déjà que les moldus détestaient les sorciers, mais ce qu’il a  appris en troisième année en cours d’Histoire lui a glacé le sang. Les moldus ont chassé les sorciers pendant des siècles, les ont torturés et tués.
Lorsqu’il essaye d’en discuter avec sa tante, elle lui jette un regard scandalisé et lui explique qu’il voit le problème à l’envers, que nombres de sorciers s’en sont pris aux moldus qu’ils considèrent comme inférieurs pour faire des exépriences, que pleins de Mages Noirs avaient exactement le même point de vue que lui et qu’il faut faire attention avec ce genre de propos. Que de toute façon, les moldus ne sont même pas au courant aujourd’hui de l’existence des sorciers. Louis répond que c’est justement à cause de ce que les moldus ont fait que les sorciers doivent se cacher.
Tante Hermione prend un moment pour réfléchir et répond que non, que c’est d’abord parce que les sorciers se considèrent supérieurs qu’ils ont décidés de vivre entre eux et ne pas se mélanger à la population, et que la violence des moldus est une conséquence de cet isolement. Mais Louis n’est pas convaincu. De toute façon, elle est forcément biaisée puisqu’elle est à moitié-moldue...

Partie 1, chapitre 8 - “Tu es si jeune…” by Emojifeu
Author's Notes:

Hello !
Attention, en raison de sa briéveté, l'interlude de ce chapitre est à la fin !
Comme d'habitude, il n'est pas essentiel pour comprendre la suite :)
Bonne lecture et bon courage, avec le chapitre précédent on est entrés dans un tunnel de drama qui ne va qu'en s'intensifiant...
Emojifeu

Chapitre 8 - "Tu es si jeune..."

 

“Mais quel sale type, je te jure ! Une semaine qu’on est rentré et bim ! Six pages de parchemins à faire sur les propriétés des gousses de Snargalouf ! Je déteste ce prof, soupira Basil en renfermant son sac.
-Ça aurait grave pu être pire, répondit Albus sans y prêter attention.
-Pire ? Ben tu m’expliqueras comment, gars ! On a déjà un devoir d’Histoire, et un gros tas de boulot en Métamorphose aussi… Jamais on arrive à tout faire et à aller à Prè-au-Lard demain aprèm’.
-J’ai déjà fait l’Histoire, moi.
-Eh bah super, mon pote ! Bravo ! Tu penseras à nous quand tu t’en enverras une aux Trois Balais !
-Franchement, Basil, t’abuses. Moi aussi, j’ai terminé l’Histoire, ajouta Eden en souriant, moqueur.
-Sérieux ?! Mais vous avez fait ça quand ? Vous auriez pu m’attendre, vous êtes pas des potes !”


Albus n'écoutait son ami que d’un oreille distraite. La tête ailleurs, il scrutait les couloirs et les corridors qu’ils traversaient, cherchant un éclat bleu au-dessus de la marée d’élèves envahissant les galeries du château. Rose, qu’il avait croisé la veille en cours de potion, lui avait dit que Teddy devait venir à Poudlard. Pourquoi sa cousine savait-elle que Teddy venait et pas lui ? Il sentit sa gorge se nouer. Il s’était peut-être fait des idées…


“Oh oh, à dix heure ! Basil, c’est pour toi !”


Albus tourna vivement la tête et se rembrunit. Ce n’était que Rose et ses amis. Maggie et elle discutaient avec un garçon blond, de taille moyenne, qui  agitait beaucoup les mains en discutant. Derrière eux, une jeune femme élancée, à la peau brune, rajustait ses deux nattes noires qui encadraient sagement son visage. En l'apercevant, Basil eut un large sourire.


“Ah, cette journée s’améliore enfin ! Au fait, ça se passe avec Maggie, toi ?
-Pour la dix-septième fois en quatre jours, Basil, je ne suis jamais sorti avec Maggie, répondit Eden, exaspéré. On est allé à la bibliothèque ensemble, je l’ai embrassée et elle m’a mis un vent. Rien de méchant.
-T’as pécho Maggie, toi ? demanda Albus en faisant volte-face.
-Al, sérieux ?! C’est genre, la troisième fois en cinq jours que je vous raconte ça ! Oh, les mecs, vous avez laissé vos cerveaux chez vos mères à Noël ou quoi ? Entre Basil qui a décidé de penser avec son caleçon et toi qui est tout le temps dans la lune, j’suis grave pas aidé… Basil, tu fous quoi ? Basil ? Basil !”


Mais le jeune homme était déjà parti à la rencontre des trois filles qui discutaient dans le couloir, bombant le torse comme un coq, sa robe de sorcier à moitié coincée dans son pantalon.


“On devrait lui dire, nan ? demanda Albus à Eden.
-Pourquoi ? C’est vachement plus marrant comme ça. Amène-toi, je veux assister au massacre.”


Albus haussa les épaules. Après tout, peut-être qu’il pourrait demander à sa cousine comment elle savait que Teddy devait venir, voir même si elle savait quand il devait passer.


Il s’approcha du petit groupe à la suite d’Eden. Basil s’était adossé au mur de pierre dans une attitude qu’il voulait sans doute nonchalante, mais qui lui donnait surtout  l’air supérieur et prétentieux.


“S’il n’y avait pas tous ces devoirs à rendre et les ASPIC qui arrivent, j’aurai certainement essayé de passer les sélections de l’équipe, ouais, déclarait le jeune homme d’un ton emprunté.
-Toi ? pouffa la jeune indienne qui lui faisait face. Commence déjà par mettre ta robe de sorcier correctement, on verra comment tu te débrouilles sur un balais ensuite !”


Elle partit d’un éclat de rire cristallin qui secoua ses deux nattes brunes. Basil, mal à l’aise, rajusta maladroitement sa robe et fit tomber son sac dans la manœuvre, ce qui provoqua un nouveau gloussement à son interlocutrice. Albus lui lança un regard navré.


"Ça va les filles, Rose, Maggie ? Damian, la forme ? salua Eden d’un ton égal.
-Et toi, Davies ? répondit Maggie sans animosité.
-Écoute, pas la folie, cette semaine. Celui-ci, dit-il en désignant Albus, est tout le temps dans la lune, et puis celui-là… Cas désespéré, termina-t-il en jetant un regard désolé à Basil.
-Eh !”


Basil lui envoya un coup de coude dans les côtes. Albus les regardait à peine, concentré sur autre chose. Il cherchait encore, dans le couloir à présent presque vide, à apercevoir Teddy, si ce dernier venait à passer.


"Ça va, Al ?”


Interrompu, il fixa Rose un instant sans comprendre ce qu’elle lui avait demandé.

 
“-Quoi ?
-Je te demande si tout va bien.
-Oh ! Ouais, pardon. J’étais ailleurs. Tu sais quand Teddy doit venir ?”


Rose le regarda un instant sans rien dire. Il voyait bien qu’elle avait une idée derrière la tête, mais ça l’agaçait, qu’elle le scrute ainsi.

“Beaucoup de boulot, ajouta-t-il pour couper court à toute spéculation. Et vous ? On sort de botanique, là, et on ne peut pas dire que Londubat ait été tendre ! Six pages à rendre la semaine prochaine.
-C’est de moi que tu parles ? demanda une voix derrière lui.”


Albus fit volte face et se retrouva nez-à-nez avec un jeune homme plus grand que lui d’une dizaine de centimètres. Sa cravate bleu et noire était rabattue sur son épaule. Il tenait deux livres volumineux sous le bras, et de l’autre tentait de mettre de l’ordre dans sa tignasse brune, dérangeant plus qu’autre chose les mèches qui se dressaient sur son crâne. Ses yeux en amande, d’un noir profond, lancèrent à Albus un éclat rieur.


“Salut, Londubat, répondit Albus en se renfrognant."


Il avait vraiment cru que c’était Teddy.


“Cache ton enthousiasme ! répliqua le jeune homme en souriant. Eh t’inquiète hein, j’vais pas te donner de dissert’ à faire sur la mandragore ou je sais pas quelle autre plante chelou. T’façon, je déteste la botanique.”


Augustus Londubat était le fils du professeur Londubat, qui dispensait les cours de botanique à Poudlard. Albus le connaissait très mal. Ils avaient peu de cours en commun avec les Serdaigles, et Augustus n’était pas dans le cours de potion. Et puis, c’était avait tout un ami de Rose.


"T’es sûr que tout va bien, mec ? T’as l’air éclaté, ajouta Augustus, compatissant.
-Ouais, ça va. C’est ce que je disais à Rose, commença Albus.” 


Il se tourna vers sa cousine, mais cette dernière n’était plus à côté de lui. Elle parlait à présent avec Neela et Eden d’un ton animé. Albus remarqua que Basil tentait de reprendre sa conversation avec la jeune femme aux longues tresses noires, sans succès.


“Enfin bref, on a juste pas mal de boulot en ce moment. J’imagine que c’est pareil pour vous.
-Ouais, la même. J’ai à peine le temps d’assister aux entraînements, ces temps-ci.”


Albus se retint de lever les yeux au ciel. Génial, un autre joueur de Quidditch. Il détacha son regard de son interlocuteur et recommença à balayer des yeux le hall. Ils étaient devant l’entrée du château, il allait forcément passer par ici. 


“Eh, tu fais un truc, ce week-end ? demanda Augustus d’un ton peu assuré.
-Hein ? fit Albus en scrutant la grande porte derrière le jeune homme.
-Nan parce que si t’as rien de prévu ce week-end, j’me disais qu’on pourrait peut-être aller boire un verre à Pré-au-Lard, si tu voulais…”


Soudain, il le vit. Il était là, dans l’encadrure de la porte, ses cheveux bleus acides recouverts de flocons qui commençaient déjà à fondre dans la chaleur magique du lieu. Ses larges épaules dissimulées sous une cape de velours vert, il paraissait presque déguisé. Albus ne l’avait vu qu’en tenue de moldu, et le costume trois pièces en tweed qu’il avait passé lui donnait une allure étrange, un peu solennelle. Il leva les yeux et son regard croisa celui d’Albus, qui crut fondre sur place quand il lui sourit.


“Pardon, Londubat, on peut en parler plus tard ? De toute façon, je vais jamais aux matchs.”


Sans attendre de réponse, Albus s’élança vers la porte du château, à la rencontre de Teddy. Il entendit à peine le “Je m’appelle Augustus !” murmuré lorsqu’il eut tourné les talons. 

 

*

 

“Pourquoi tu m’as pas dit que tu venais ?”


Albus s’en voulut à la minute où la question eut passé ses lèvres. il n’aurait pas dû lui demander. Il se sentait stupide.


“Bah, j’avais pas vraiment prévu de venir, déclara Teddy d’un ton dégagé, mais je devais voir McGonagall pour régler quelques détails. Pour mon cours, ajouta-t-il en lui adressant un clin d'œil."


Albus se tût. Il savait que c’était faux, que Rose avait été prévue avant lui, mais il décida de ne rien dire. Après tout, il n’avait pas envie de l’embêter plus que ça. Teddy était occupé, il avait plein de choses à faire, il n’avait pas le temps de s’en faire pour les états d’âme d’un adolescent.


“Sinon ça va, depuis Noël ?
-Bof, tu sais ce que c’est, t’es passé par là aussi. Pas mal de boulot. Les profs nous lâchent pas.
-Ah, la préparation des ASPIC ! Un grand moment, acquiesça Teddy en souriant. Bah, je ne m’en fais pas pour toi, tu vas cartonner.
-Et toi ?
-Eh bien, pas mal de boulot aussi ! Je commence mon cours la semaine prochaine, c’est pas dingue ? Cours d’initiation à la citoyenneté sorcière, récita-t-il. Un nom un peu pompeux pour pas grand chose. Ça me fait un peu flipper, d’être prof. Tu viendras, hein ? ajouta-t-il.”


Albus se sentit rougir légèrement. Pour couper court à la gêne qui s’insinuait en lui, il continua comme si de rien n’était. 


“Tu restes longtemps ?”
Il espérait que sa voix n’avait pas d’accents trop pressants.
“Je repars tout à l’heure, faut que je redescende à Pré-au-Lard d’abord.
-Oh.”


Albus baissa les yeux, déçu. Pourquoi s’était-il imaginé autre chose ? Il pensait, dans sa naïveté, que Teddy serait là le lendemain, et qu’ils pourraient aller ensemble aux Trois Balais, comme ils en avaient discuté pendant les vacances.


“T’as faim ? demanda Teddy.
-Hein ? Euh, ça va.
-Je vais dîner à la Tête de Sanglier avant de rentrer à Londres, j’ai promis à Percy et Olivier qu’ils auraient leur appartement pour eux ce soir. Tu veux venir ?”


Albus se sentit propulsé dans les airs, son estomac décrivant un looping dans son torse. Bien sûr qu’il voulait y aller ! Mais il redescendit presque immédiatement.


“J’peux pas, répondit-il la mort dans l’âme, les élèves n’ont pas le droit de sortir seuls le soir.
-Si seulement t’avais une carte indiquant les passages secrets du château, et si seulement certains te permettaient d’aller à Pré-au-Lard sans te faire voir ! railla Teddy.”


Albus leva les yeux vers lui. Teddy le fixait d’un air moqueur, mais son sourire était bienveillant. 


“Allez, je promets que tu seras rentré pour minuit, pas plus tard.
-Ok, souffla Albus.”

 

*

 

“Attends-moi, Teddy !”


Ça faisait seulement une dizaine de minutes qu’ils crapahutaient dans la neige et le froid, mais Albus commençait à fatiguer. Il était vingt-deux heures, tout était calme dans  les rues de Pré-au-Lard. La chaleur de la Tête de Sanglier, qu’ils avaient quittée après leur repas, lui manquait. Il se félicita d’avoir pensé à mettre deux pulls sous son énorme parka verte. De toute façon, se dit-il pour se rassurer, il n’avait pas à marcher beaucoup pour rejoindre la Cabane Hurlante. Pas comme s’il devait rentrer à Poudlard à pieds dans la neige !


“T’es sûr que je vais pouvoir rentrer dans la cabane ? demanda-t-il à Teddy, stressé.
-Mais oui ! Je t’ai dit, j’ai ouvert un passage, la dernière fois que j’y suis allé. Et tu n’auras qu’à stupéfixer le Saule Cogneur s’il t’embête. Ensuite tu passes par les serres, puis direction la salle commune des Poufsouffle. T’y seras en un rien de temps.
-Je te fais confiance, dit Al d’une voix mal-assurée.” 


Il avait passé une excellente soirée mais maintenant, le risque de se faire attraper hors de son dortoir au beau milieu de la nuit faisait monter en lui une angoisse sourde. Ce n’était peut-être pas une si bonne idée… Mais il ne voulait pas passer pour un ado apeuré devant Teddy, alors il se força à continuer dans la neige et le froid, ses chaussures trempées glissant à moitié sur la moindre plaque de verglas au sol.


Les lumières du petit village écossais disparaissaient une à une alors qu’ils avançaient sur le long chemin balisé au bout duquel se dressait une baraque bringuebalante. La Cabane Hurlante était encore plus inquiétante dans la nuit. Quelques rares étoiles perçaient le ciel bleu corbeau, la lune était cachée quelque part derrière un nuage. Une brise piquante s’était levée dans les branches des sapins qui se balançaient à son rythme désordonné. S’il n’avait pas fait un froid terrible, la soirée aurait pu être agréable pour une promenade.


“Quand est-ce que tu reviens à Poudlard ? demanda Albus.”


Leur destination s’approchait un peu trop vite à son goût, et malgré ses frissons, il voulait prolonger ce moment qu’il avait l’impression d’avoir arraché à Teddy. Depuis qu’il était arrivé par le passage de chez Honeydukes, avant leur repas, il trouvait Teddy un peu distant. Il avait bien été aussi drôle et affable que d’habitude pendant leur dîner improvisé, mais il avait coupé court à toute tentative de flirt de la part d’Albus. Ce dernier, un peu découragé, commençait à accepter l’idée de s’être trompé et d’avoir inventé toute cette histoire. Teddy l’aimait bien, voilà tout. Rien de plus. De toute façon, pourquoi se serait-il intéressé à lui ? Il était plus vieux, plus beau, plus libre. Il pouvait avoir qui il voulait, pourquoi choisir un gamin qui ne pouvait même pas sortir dîner sans faire le mur ? “Oui, mais pourquoi il t’aurait proposé à toi, alors ?” souffla une petite voix dans l’esprit d’Albus. Il s’accrocha à cette pensée comme à une bouée de sauvetage. 


“Vendredi prochain, pour mon premier cours. J’espère que tu viendras !”


Le cœur d’Al se mit à battre à nouveau la chamade.


“Et ramène tes potes, d’ailleurs. Si tu peux. J'aimerais qu’il y ait un peu de monde, histoire de rendre les débats plus intéressants.”


Quelque chose se brisa dans son torse, Al le sentit. La boule dans la gorge était de retour. Ça avait été ça toute la soirée. Un mot, et il avait l’impression d’être spécial, puis un autre, et il se sentait plus bas que terre. Il baissa les yeux et parcourut en silence les derniers mètres qui les séparaient de la cabane. 


“Et voilà, le passage que j’ai ouvert ! déclara Teddy, très fier.”


Il écarta un panneau de bois assez grand qui masquait une des fenêtres du rez-de-chaussé. Derrière, il manquait un carreau. Albus regarda le trou, évaluant la largeur de l’ouverture. Il était assez fin, il devrait pouvoir passer.


“Allez, rentre. Je t’accompagne jusqu’à l’entrée du passage.”


L’intérieur de la maison était couvert de poussière et de marques inquiétantes qui striaient le bois des murs et des meubles. Albus avait beau savoir que celui qui avait fait ça était mort depuis longtemps, il ne se sentait pas rassuré. Il ne dit rien. Il ne voulait pas paraître peureux, et il n’avait pas envie de parler du père de Teddy. En fait, il n’avait envie de rien. Il était déçu. Il voulait dormir.


Teddy s’arrêta devant une armoire et en ouvrit les portes toutes grandes, révélant une galerie inégale qui courrait vers un point lumineux se perdant dans l’obscurité.


“T’as qu’à suivre le tunnel, c’est toujours tout droit. Tu seras à Poudlard en deux deux.
-Ok.”


Albus n’avait plus l’énergie de faire comme si tout allait bien, comme s’il n’était pas blessé et vide.


“-J’ai passé une très bonne soirée avec toi, déclara Teddy. T’es très drôle, comme mec.
-Moi aussi, souffla Albus.”


Une main se posa sur ses cheveux. Une main très chaude, bien trop chaude pour le froid ambiant. Teddy lui ébouriffa les cheveux. Le geste était tendre et doux. Plus rien ne bougeait autour  d’eux. Une petite voix soufflait à Albus que c’était vrai, ça, que ce qui se passait était réel et que c’était maintenant ou jamais, que c’était sa dernière chance. Il leva les yeux. Teddy lui adressa un sourire sincère. La moue moqueuse qu’il affichait en permanence avait disparue. Le peu de lumière qui leur parvenait éclairait en partie seulement son visage. Albus cru à une invitation quand la main de Teddy glissa sur sa joue. Il se leva, sur la pointe des pieds, et posa un baiser maladroit sur les lèvres du jeune homme, un baiser  timide et à peine appuyé.
Teddy fit un bond en arrière. Sa main quitta la joue du jeune homme en catastrophe. Une chaleur insoutenable envahit les joues d’Al, que la panique commençait à gagner. Quel idiot, quel sombre crétin !


“Pardon ! Pardon, désolé... J’ai mal compris, pardon !”


Il sentait sa gorge se nouer, et les larmes lui montaient aux yeux. Merde !


“Non, c’est moi, répondit Teddy d’un ton haché, j’aurai pas dû… Je suis désolé… T’es juste tellement jeune…”


Les mots transpercent Albus de part en part. Il savait, il sentait depuis le début que c’était ça, le problème, mais il avait refusé de le voir. Il allait se mettre à pleurer. Les larmes lui piquaient les paupières, déjà. Il fallait qu’il parte, qu’il disparaisse, qu’il s’enterre quelque part. Il tourna les talons et s’enfonça en courant dans le boyaux sombre qui lui faisait face, lançant un “À la semaine prochaine !” maladroit à Teddy, toujours sonné.


Une fois rentré au château, dans la tiédeur de son lit, il pleura tout son soûl.

 

_

Interlude 8 :
Une note volante passée en cours, qui ne trouva jamais son destinataire parce qu’elle s’échappa par une fenêtre ouverte et atterrit sur les genoux d’un sixième année. 

 

Albus,

Mec, t’as vraiment une mine terrible, est-ce que tout va bien ? Ce n’est peut-être pas à moi de proposer ça, parce qu’on ne se connait pas si bien que ça, mais si t’as besoin de parler à quelqu’un, je suis là.


T’es parti très vite hier après-midi, mais je voulais te proposer de venir aux Trois Balais avec moi ce week-end. Pour une Bièraubeurre. Ou autre chose. Tu bois ce que tu veux.
Fais-moi signe si ça te tente !

 

Augustus (Londubat)

Partie 1, chapitre 9 - “Weasley et moi, on a deux trois trucs à se dire.” by Emojifeu
Author's Notes:

Bonjour bonjour !

Comme le chapitre précédent, interlude à la fin (décidément... Mais en même temps c'est les lettres, c'est court !).
J'espère que ce chapitre vous plaira, c'est un de mes préfèrés (et ça n'a rien à voir avec le fait que Louis ** ***** ** ****. RIEN !)

Chapitre 9 - “Weasley et moi, on a deux trois trucs à se dire.”

 

Merlin, pas eux. Pitié, pas eux ! Ça faisait presque deux semaines qu’il essayait de leur échapper, ils n’allaient pas le coincer maintenant ! Coup d'œil à l’autre bout du couloir. Peut-être qu’il pourrait s’échapper par là ? Ils ne l’avaient pas vu, encore.
Scorpius rajusta son sac sur son épaule et baissa la tête. Il avait réussi à échapper à Louis et sa bande ces deux dernières semaines, il pouvait encore faire profil bas et esquiver cette confrontation qui lui broyait les tripes. Il ne voulait plus faire partie de cette petite bande de crétins arrogants. Déjà, parce que Maggie n’aimait pas ça. Et puis, ça ne le rendait pas heureux. Il préférait rester tout seul. Après tout, il avait tellement de travail depuis la rentrée, il ressentait à peine la solitude.

“Eh, Malefoy !”


Merde. Ils l’avaient vu. Scorpius accéléra le pas, cherchant à tourner à l’angle du couloir le plus vite possible. Il pourrait toujours se cacher dans les toilettes, ou bifurquer vers les cachots. Raban et Flood pourraient le trouver dans la salle commune, mais ils ne pouvaient pas entrer dans son dortoir, il aurait la paix. Ou alors, la bibliothèque ? Ils ne pensaient jamais à le chercher, à la bibliothèque, et il pouvait toujours prétendre faire des recherches à la Réserve. Aucune chance que Cunningham, le bibliothécaire revêche qui veillait sur ses vieux livres plus assidûment qu’un gobelin à Gringott, leur donne accès à la Réserve.


“Malefoy, eh ! Attends-nous !”


Scorpius fonça droit devant. S’ils l’attrapaient, il dirait qu’il n’avait rien entendu, avec tout le monde qu’il y avait dans le couloir à cette heure. Il savait qu’ils commenceraient à se douter de quelque chose, après tout, il avait décliné plusieurs invitations à manger avec eux ces dernières semaines, et il avait fait exprès de ne jamais se trouver dans la salle commune des Serpentards le soir. Il aurait pu leur parler, mettre les points sur les i, mais à chaque fois qu’il s’imaginait le faire, il se liquéfiait. Ces gars n’étaient pas spécialement sympathiques. Il y avait une chance non-négligeable qu’il finisse par s’en prendre une, et Eames avait des poings aussi larges que des assiettes… 


Encore quelques pas et il pourrait tourner à l’angle du couloir. Il entendait encore qu’on criait son nom, derrière lui, mais il y était presque… 


BAM !


Scorpius vola en arrière, étourdi. Il atterrit sur le dos, le souffle coupé. La violence du choc avait vidé tout l’air de ses poumons et ses reins avaient heurté le sol dur. Une pression désagréable lui broyait l’arrière de la tête. Sonné, il leva les yeux et croisa un regard terrorisé. Il était rentré de plein fouet dans un môme aux cheveux crépus et aux grands yeux bruns effrayés. Hugo.


“Pardon, bégaya le gamin d’un ton plaintif, je suis désolé !
-T’en fais pas, grimaça Scorpius en se redressant.”


Son dos était une compote de points douloureux. Son sac avait volé contre le mur, et ses parchemins étaient éparpillés tout autour d’eux. Les élèves qui passaient dans le couloirs les regardaient sans intervenir, prenant un grand soin à éviter de marcher sur ses livres. Quelle délicate attention ! 


"Ça va, lança Scorpius à Hugo en rassemblant ses affaires pour les fourrer dans sa besace marron, tu t’es pas fait mal ?
-Euh, ça va, merci.”


Hugo se massait le cou en lui décochant de petits regards inquiets. Ah oui, il avait peur de lui. Tellement de choses avaient changé pendant les vacances de Noël que Scorpius avait oublié que la dernière fois qu’il l’avait vu, il avait essayé de le faire léviter dans un wagon de train. En y repensant, il rougit de honte. Quel imbécile ! 


“Eh ben, Malefoy ? Un peu plus et j’aurai été vexé, dit une voix traînante au-dessus de lui. J’ai presque cru que tu nous fuyais !”


Scorpius n’eut même pas besoin de lever les yeux pour savoir qui c’était. Louis. Il grogna en se relevant. Son sac lui sciait l’épaule, encore plus qu’avant la chute. Louis et ses trois sbires lui faisaient face, un air mauvais peint sur leurs visages patibulaires.


“Eh, mais qu’avons-nous là ? s’écria Louis, une lueur cruelle dans les yeux. Ça s’rait pas mon Cracmol préféré, par hasard ?”


Hugo, encore au sol, se recroquevilla. La foule, autour d’eux, avait disparu. En moins d’une minute, le couloir s’était vidé. Scorpius pesta tout bas. Il aurait pu prendre quelqu’un à témoin, envoyer un élève prévenir un professeur. Hugo et lui allaient devoir s’en sortir tous les deux et, vu la terreur pure qui déformait les traits du jeune homme, Scorpius devrait se débrouiller seul. Super.


“Alors, Hugo, comment ça va, depuis la dernière fois ? Flood, tu te rappelles de la dernière fois qu’on a vu mon cher cousin Cracmol ?
-Comment oublier, railla Flood d’un ton goguenard, c’était vraiment un beau moment ! Il était tout trempé, le pauvre !”


Gros rire gras de la part de tout le groupe. Scorpius se durcit. Qu’est-ce qu’ils avaient encore fait, ces quatre idiots ?


“T’étais pas là, expliqua Louis entre deux éclats de rire, mais c’était hilarant. On lui a fichu la tête dans les toilettes ! Mimi Geignarde était furieuse, il y avait de l’eau partout ! C’était quand, la semaine dernière ?
-Ce week-end, ouais, corrigea Raban.
-Et depuis, pouf ! Il a disparu, le petit. Ben alors, le débile, on fuit son cousin ? demanda Louis à Hugo. T’es pas très famille, nan ?
-Fous-lui la paix.”


Il n’avait pas reconnu sa propre voix. Déformée par la colère, elle avait des accents bien plus graves que d’habitude. Il ne sentait même plus son épaule qui pourtant était si douloureuse une minute avant. Les poings serrés, Scorpius se planta devant Hugo. La rage envoyait des décharges d’électricité dans tout son corps.


“T’as dit quoi, là ?”
Fini de rire. Louis le fixait, les yeux l’interrogeant sans bruit, une moue méprisante aux lèvres. Derrière, les trois autres relevaient déjà leurs manches.
“J’ai mal entendu, Malefoy. T’as un truc à dire ?
-Fiche-lui la paix. Vas jouer ailleurs, avec tes trois trolls.
-J’hallucine, tu vas prendre sa défense ? Tu veux qu’on en discute ? Eames a de très bons arguments, ajouta Louis, menaçant.
-Hugo, dit Scorpius d’une voix blanche, retourne dans ta salle commune. Weasley et moi, on a deux trois trucs à se dire.”


Du coin de l’oeil, il vit le gamin se relever et détaler dans le couloir, courant le plus vite possible pour échapper à ses agresseurs. Scorpius aurait bien aimé qu’il reste, qu’il n’ait pas à se battre à un contre quatre, mais il savait que ce n’était pas raisonnable. Il fut surpris de constater qu’il n’avait pas peur. Il avait imaginé ce moment de nombreuses fois, ces derniers temps, et il s’était toujours figuré qu’il serait transit de peur. Mais non. Il se sentait plein de rage, il n’avait jamais haï quelqu’un aussi fort qu’en cet instant, mais il n’avait pas peur.


“Je vais te laisser une chance pour faire machine arrière, annonça Louis.
-Tu sais où tu peux te la mettre, ta chance ? renifla Scorpius.
-On peut savoir ce qui te prend ? Tu nous fuis pendant deux semaines, et puis d’un coup tu débarques de nulle-part pour défendre l’autre Cracmol. T’es tombé amoureux de lui pendant les vacances ? Vous avez organisé un petit date et t’as décidé que c’était plus un traître à son sang ?”


Scorpius tiqua. Son sac tomba à terre dans un mouvement désordonné. C’était moins les propos de Louis qui le faisait réagir que le fait qu’il soit si proche de la réalité. Est-ce qu’il savait, pour Maggie et le chocolat chaud ? Est-ce que quelqu’un les avait vu ? Impossible, ils étaient en plein Londres moldu, le Gang à Weasley n’allait jamais là-bas.


“Ah, on dirait que j’ai tapé juste, reprit Louis en le voyant rougir. Ça n'aurait pas quelque chose à voir avec ça ?”
Louis brandit un amas de laine d’un jaune moutarde hideux au-dessus de sa tête. Scorpius blêmit en reconnaissant l’écharpe de Maggie.
“Comment tu as eu ça ?”


Sa voix le trahissait. Il laissait échapper des accents de panique qui décrochèrent un sourire mauvais à Louis. D’un geste frénétique, Scorpius chercha sa baguette. Ses doigts n’accrochaient que du vide. Elle était au fond de son sac. Merde.


“T’sais, c’est pas parce que tu te crois en sécurité dans ton dortoir que c’est vrai, hein, Raban ?”


Ce dernier fit un signe de sa mâchoire carrée, sans répondre. Scorpius déglutit. Il n’aurait jamais le temps d’attraper sa baguette avant qu’ils lui sautent dessus.


“Alors, dis-moi, elle est à qui, cette chose ? Ça serait pas celle de la petite Sang-de-Bourbe, celle qui nous casse toujours les pieds ?
-Ne l’appelle pas comme ça, siffla Scorpius entre ses dents.”


Finalement, tant pis pour la baguette. Il allait lui coller une droite bien méritée, et ça lui ferait plus de bien que tous les sortilèges du monde. 


“Quoi, on peut plus désigner une Sang-de-Bourbe par son nom ? Elle as fait quoi, elle t’as…”


Louis ne termina jamais sa phrase. Scorpius, d’un geste ample, lui envoya son poing en plein dans le nez. Le cartilage du rouquin fit un bruit inquiétant. Scorpius n’eut même pas le temps de se demander si ça lui avait fait du bien, il se prit presqu’aussitôt un uppercut qui lui coupa le souffle. Pour la seconde fois en quelques minutes, il se retrouva au sol, cherchant à remplir ses poumons d’air, le dos déchiré par la souffrance. La douleur qu’il avait réussi à oublier se rappela à son bon souvenir. Son épaule le lançait à nouveau. Ses yeux le trahissaient, il voyait flou. Aïe.


Il sentit plus qu’il ne vit qu'une main le redressait, et chercha le sol du bout des pieds, tentant de reprendre appui avant l’impact. Mais le choc ne vint jamais.


“Touche-le, dit une voix marquée d’une colère froide, et je ferais en sorte que ça soit la dernière fois que tu puisses utiliser tes mains.”


Scorpius secoua la tête, essayant de rendre sa vision plus nette. Eames était penché sur lui mais il avait été stoppé dans son élan par une baguette pointée sur sa gorge. Maggie. Une seconde, Scorpius cru qu’il s’était cogné trop fort. Mais non, Maggie était bien là, fulminante de rage.


“Lâche-le.”


Scorpius retomba au sol. Il grogna de douleur. Merci bien pour l’intervention, un peu plus de douceur la prochaine fois peut-être ?


“Il paraît que vous vous en prenez encore à n’importe qui, tous les quatre ?
-Ferme-la toi ! siffla Louis d’une voix éraillée." 


Scorpius constata avec satisfaction que son nez saignait sans discontinuer. Il avait au moins réussi quelque chose, aujourd’hui ! 


“Ben alors, Weasley, tu t’es pris un mur ? Fais gaffe où tu mets les pieds, dit Maggie, pince-sans-rire.
-N’importe quoi, c’est ce crétin qui m’a frappé !
-Non. Tu t’es pris un mur. En tout cas, c’est ce que j’ai vu. Tu t’es pris un mur et celui-là, ajouta-t-elle en désignant Eames, a décidé d’en coller une à Scorpius. Et ça, tu vois, je suis obligée d’en faire part à un professeur. Je pense que vous allez passer pas mal de week-ends en retenue, dans les mois à venir. Allez, barrez-vous. Et si j’en vois un seul, cria-t-elle au groupe qui disparaissait dans le couloir, un seul s’en prendre encore une fois à Hugo, c’est l’exclusion !”


Louis et sa bande s’évanouissaient déjà dans le corridor, laissant derrière eux de petites taches de sang à intervalles irréguliers. La menace était passée. Soudain, la douleur que l’adrénaline masquait en partie vint frapper Scorpius de plein fouet. Sonné, il dérapa et faillit tomber pour la troisième fois. Maggie, un bras autour de sa taille, le soutint jusqu’au banc en pierre qui courait le long de la galerie. Elle l’aida jusqu’à ce qu’il soit assis. D’un geste doux, elle écarta les pans de sa robe et releva son tee-shirt. 


“Eh bah, ils t’ont pas loupé ! Ça va faire un sacré bleu, ajouta-t-elle en effleurant du bout des doigts la marque rouge imprimée sur le torse du jeune homme.”


Scorpius frémit au contact de sa main. Il aurait bien aimé faire comme s’il ne sentait rien et prolonger ce moment, mais il avait beaucoup trop mal pour ne serait-ce qu’essayer. Gêné, il baissa son tee-shirt et rajusta sa robe de sorcier sur ses épaules.


“Merci, croassa-t-il.”


Chaque muscle était douloureux. Il avait été jeté deux fois au sol, entre la collision avec Hugo et la bagarre. 


“C’est pas moi qu’il faut remercier.  C’est Hugo qui est venu me chercher. Il dit que tu as pris sa défense ?
-Ouais, après lui être rentré dedans. Lui aussi, il va avoir un beau bleu.
-Ouais, enfin, d’après ce qu’il a dit, toi t’as pas fait exprès. Merci d’être intervenu.
-Merci de m’avoir couvert, répondit Scorpius en soupirant. Je ne sais pas si Londubat croira vraiment qu’il s’est pris un mur, cet imbécile.
-J’irai voir McGonagall directement, s’il le faut. Par contre, c’est la dernière fois, Scorpius, ajouta-t-elle d’une voix sévère.”


Scorpius leva les yeux pour croiser son regard. Ses grands yeux bleus le fixaient d’un air grave. 


“J’aime pas les gens qui se battent. C’est pas la solution, t’es assez intelligent pour le savoir. Si tu décides de mener une vendetta ouverte contre eux, je te préviens, je t’aiderai pas
-Margar… Maggie, se reprit Scorpius, ils t’ont insultée. Je ne pouvais pas laisser passer…
-T’abuses, le coupa Maggie, c’est quoi cette excuse pétée ? Bien sûr que tu pouvais laisser passer ! C’est toi qu’ils ont insulté, peut-être ?
-Tu ne comprends pas…
-Je te promets que si. Et je t’en veux pas. Mais je préfèrerai juste que tu t’enfuis, la prochaine fois. Tu crois que je trouve ça cool, un mec qui peut à peine marcher parce qu’il a pris une droite pour sauver mon honneur ?
-Vu comme ça, répondit Scorpius, penaud.
-Pardon, se reprit-elle plus doucement, je voulais pas être reloue. C’est juste… Prends soin de toi, d’accord ? J’aime pas trop te voir dans cet état.”


Silence. Scorpius savoura ce moment un peu hors du temps, où il n’y avait personne, où il n’avait rien d’autre à faire que rester assis à côté d’elle. Respirer lui faisait de moins en moins mal. Il sentait son parfum de pain d’épices, enivrant, lui chatouiller les narines. Même si elle ne voyait pas les choses comme lui, il était content d’avoir tenu tête à Louis. Il était content qu’elle soit là, avec lui. Il se sentait pousser des ailes, presque invincible. Il avait gagné. Un peu trop confiant, il rassembla son courage et prit la main de la jeune femme, qui reposait sur sa jupe parme. Elle ne la dégagea pas.

“Maggie, je suis désolé pour ton écharpe, dit-il en désignant l'agrégat de laine moutarde qui traînait au sol. Je sais pas comment ils l’ont trouvée, elle était planquée dans mon dortoir.
-Bah, répondit la jeune femme en haussant les épaules, t’inquiète. J’avais plus ou moins décidé de te la laisser, en plus.”


Il ne dit rien. Il n’avait pas envie de savoir précisément ce qu’il se passait, à ce moment-là. Il préférait cette bulle d’ignorance dans laquelle il se sentait bien et où elle lui laissait lui tenir la main. Elle finit par se dégager, se levant du banc de pierre.


“Allez, faut que tu bouges à l’infirmerie. Je suis sûre que Pomfresh pourra t’arranger ça. Je t’accompagne.”
Il grogna et se leva. La douleur refit surface au premier mouvement.


“Merci beaucoup, murmura-t-il.”


Il clopina dans le couloir. Merlin, et il faudrait monter des escaliers pour arriver à l’infirmerie ! Quel enfer… 


“Scorpius, dit Maggie après quelques minutes de marche silencieuse, samedi on va à Pré-au-Lard avec Rose, Augustus, Damian et Neela. Si tu veux venir avec nous, tu peux.
-C’est gentil, haleta-t-il entre deux grimaces, mais je veux pas déranger.
-Non, je veux dire… Ça me ferait plaisir que tu viennes, bafouilla Maggie.”


C’était la première fois qu’elle lui paraissait gauche. Il sourit.


“Je viendrais, alors.” 

 

_

Interlude 9 :
Un mot de Maggie, jamais envoyé

 

Cher Scorpius, 

 

Merci pour le
J’ai bien aimé aller boire un chocolat chaud avec toi la dernière fois. 

J’espère que ça s’arrange avec ton père. 

Je ne t’ai pas beaucoup vu depuis
On ne se croise pl
J’aurai bien aimé

Tu peux garder mon écharpe. 

À bientôt, 

Bi

 

Maggie 

Partie 1, chapitre 10 - “Mais tu m’intéresses !” by Emojifeu
Author's Notes:

Salut la team !
Une fois n'est pas coutume, l'interlude se trouve à la fin...

Difficile de maintenir des formes expériementales de plus de 500 mots, surtout quand ce sont des ajouts et qu'on a pas tant que ça à dire... Mais ce n'est pas très grave, si ? Ca impacte votre lecture ?

N'hésitez pas à me faire savoir si des ital' ou des alignements sautent encore à l'upload ! Je suis désolée la team de relecture, je n'arrive pas à me servir correctement de l'éditeur je crois, j'ai toujours des trucs qui sautent à la mise en ligne... Pourtant je repasse toujours le style de mon texte avant de cliquer sur "ajouter l'histoire".

Je fais ce que je peux pour poster jeudi prochain, mais je serai perdue dans la pampa italienne ! On verra bien si c'est possible, sinon vous aurez le chapitre 11 dimanche seulement :) Merci de votre compréhension !

Emojifeu

Chapitre 10 - “Mais tu m’intéresses !”

 

Qu’est-ce qu’il se les caillait, dans cette baraque ! Il faisait un froid de gueux. Teddy agita sa baguette dans tous les sens pour essayer de réactiver le charme de chaleur qui aurait dû réchauffer la pièce. Mouvement de flammes dans la cheminée, crépitement. Une vague brûlante parcouru la pièce.


Des plombes qu’il n’avait pas fichu les pieds dans cet endroit. Les tapisseries aux murs, les pierres grandes comme des tables, le bruit du feu dans la cheminée… Tout le ramenait à ses années d’élèves, huit ans en arrière. Enfin, l’année suivante, surtout. La dernière fois qu’il était venu. La fuite dans les couloirs. Le retour précipité à Pré-au-Lard. Les larmes de Victoire. Une sale nuit, ça ! La pire de sa vie.


Il posa son paletot sur le dossier d’une chaise. Ne pas y penser, une stratégie sûre. Nouveau boulot, nouveau contexte. Il était prof, maintenant !


Un prof sans élève.


La salle était vide. Il avait prévenu tous les gamins Granger-Weasley-Potter pourtant ! Eux, ils devraient bien se pointer à un moment ou un autre, non ?  Sinon, ça allait faire vide, ce premier cours de sensibilisation à la citoyenneté ! Quel nom pourri…
Sur le papier, l’idée de Percy lui avait plut. Mais à présent, devant le peu d’enthousiasme des mômes qui ne s’étaient même pas pointés, il commençait à l’avoir mauvaise. Il n’était peut-être pas assez bon… 


“Salut !”


Une voix légère. Joyeuse. Teddy tourna la tête. Un sourire immense collé sur une gueule d’ange, deux pupilles azur, pétillantes, qui le fixait. Une gamine minuscule venait d’entrer dans la salle de classe. Sur ses talons, un visage familier. Rose. Enfin !


“On a vu de la lumière, alors on est rentrés !
-Maggie…”


Rose soupira. Elle lui adressa un petit haussement d’épaule en guise d’excuse. Teddy ne se formalisa pas. De toute façon, il ne se formalisait jamais. 


“Salut Teddy.
-Ça me fait plaisir de te voir, Teddy lança en s’avançant vers eux, j’ai cru que personne n’allait se pointer.
-On a été retenus en sortant de métamorphose, Rose s’excusa en agitant la main.
-Pas très grave. Tiens, prends ça et distribues-en à tes potes, tu veux bien ?”


La pile de bouquins passa de ses mains à celles de Rose. Sans un mot, elle commença à les distribuer aux autres, assis derrière leurs pupitres comme de bons petits élèves. Teddy grimaça. Ça ne lui paraissait pas naturel.


“Attendez, on va faire ça autrement, dit Teddy.” 


Il improvisait. Ça ressemblait trop à un cours, ça l’agaçait. Il ne se sentait pas l’étoffe d’un prof, et ces gamins étaient là sur leur temps libre. Autant passer un bon moment.


Un geste saccadé de la baguette et un tapis apparu sur le sol, rejoint par une dizaine de coussins. Teddy s’assit en tailleurs. Rose le fixa quelques secondes. L’air surpris imprimé sur son visage fit douter Teddy. Elle finit par le rejoindre et attrapa un coussin qu’elle serra dans ses bras. Les autres vinrent s’asseoir à leurs côtés. Eux aussi étaient surpris, mais Teddy se relâcha en les voyant tous jouer le jeu.


“C’est quoi vos noms ? il demanda lorsque tout le monde se fut installé.
-Maggie, lança la gosse minuscule qui était entrée en pétaradant dans la pièce.”


Elle mesurait la moitié de la taille de Teddy, mais avait une énergie impressionnante pour un si petit corps, et un sourire immense se dessinait entre ses joues rondes. Mignonne.


À côté d’elle, un garçon pas très grand, à la tignasse d’un blond sale, prononça “Damian” d’un ton peu assuré. Sa cravate était mal nouée. Ses yeux marrons étaient rivés sur le sol. Bon. Un timide, Teddy décida. La gamine d’à côté, en revanche, dit “Neela” d’une voix très sûre et claire. Cheveux impeccablement plaqués sur son crâne tressés dans une natte faite au cordeau, col repassé et parchemin déjà sorti devant elle. L’intello de la bande, probablement. Et un dernier gamin un peu grand à l’uniforme débraillé. Facile, le sportif, ça se voyait. Il avait la même assurance nonchalante que James. Teddy ressentit une animosité immédiate pour Augustus, comme il s’appelait. Ses airs m’as-tu-vu, ou sa confiance en lui affichée, peut-être. Ou ses cheveux noirs savamment décoiffés. Il n’aimait déjà pas ce genre de mecs quand lui-même faisait ses études à Poudlard. Ils lui ressemblaient trop.


“Ben moi c’est Teddy, il conclut lorsque le tour des prénoms fut terminé. Et je suis là pour vous parler des élections qui ont lieu dans moins de cinq mois. Enfin, vous parler…”


BAM ! La porte de la salle vola contre le mur dans un fracas assourdissant. Teddy fit volte-face. Trois mômes se tenaient dans l’embrasure.


“Sérieux Basil, t’es obligé de défoncer le mobilier à chaque fois qu’on arrive quelque part ?
-Mais je fais pas exprès, je contrôle pas ma force !
-C’est trop la honte, mec, tout le monde nous fixe tout le temps avec tes conneries…
-Oh, ça va, le prof est même pas là, Basil renifla en s’asseyant à côté de Neela. Salut toi, ça va ? il demanda à la jeune femme avec un sourire stupide.”


Sans répondre, elle désigna Teddy de l’index. Basil lui lança un regard bête.


“Oui bah ? Eh, on se connait, nan ? On s’est pas vu chez Al pendant les vacances ? Teddy, c’est ça ?
-Oui, salut. Vous pouvez vous asseoir ? il demanda à Albus et Eden restés debout.”


Il entendit Neela chuchoter un “C’est lui le prof, crétin !” à Basil qui blêmit. Albus évita son regard en se posant sur le tapis. Il faudrait lui parler, après. Mais ce n’était pas le moment.

*

“Mais quel est l’intérêt ? Qu’est-ce qui va changer ? Est-ce qu’on a vraiment besoin que les choses changent, d’ailleurs ? Eden lança.
-Mais bien sûr qu’on a besoin que ça change, Rose s’exaspéra, tu ne vois pas dans quelle crasse on est en ce moment ? Tu crois que les gens comme mon crétin de cousin sont sortis de nulle-part, qu’ils poussent comme les champignons, sans aide ?
-Rose, la guerre c’était il y a mille ans. Y a rien là ! On n’a pas à se battre, sérieux. Je ne comprends pas ce que tu trouves si grave. On peut faire ce qu’on veut, y a aucune menace…
-Mais c’est faux, Eden ! La guerre, elle est pas arrivée toute seule d’un coup, enfin ! Avant, il y a eu des tonnes de signaux, des agressions, des meurtres, de la pauvreté… On est dans la même situation, c’est dingue que t’arrives pas à lire les signes !
-La dernière fois, les coupa Augustus, y avait un Mage Noir, non ? Je n’essaye pas de dire que t’as tort, il ajouta en regardant Rose, mais tu dois bien avouer que la situation n’est pas la même.
-D’accord, si tu veux. Mais la dernière fois, les gens ont fini par se battre n’importe comment. T’as déjà vu le mur d’hommage du grand hall ? Ça, c’est que les gens morts à Poudlard le soir de la Bataille, mais il y en a eu plein d’autres, en fait ! Je te dis simplement qu’on a un moyen simple et efficace d’éviter de se retrouver dans le même contexte, où n’importe quel crétin qui fricote avec la magie noire peut prendre le pouvoir sans que personne ou presque ne s’y oppose.”


Teddy était content. Ils s’étaient mis à débattre sans qu’il ait trop à les aider. D’accord, ils n’étaient que huit à être venus, mais ils avaient de sacrés idées. C’était une bonne première séance. Il avait pu expliquer comment fonctionnait leur système électoral, le vote, le Premier Ministre… Et ensuite ils s’étaient mis à parler de ce qu’ils pensaient de ça sans qu’il ait besoin de les pousser. Un bon groupe.


“On en reparlera la semaine prochaine, Teddy déclara en coupant la parole à Rose. Vous posez des questions plutôt intéressantes. Je n’ai pas de réponse, mais ça serait bien qu’on soit plus pour avoir d’autres points de vue. Si vous pouviez motiver d’autres potes à vous la semaine prochaine, ça serait top.
-Ouais, enfin ça nous bloque nos vendredis soir, ça, Basil grommela en se relevant. On y gagne quoi, nous, à venir ?
-Mais t’es vraiment toujours à côté de la plaque, toi, hein ? Binns nous a dit qu’on validait des crédits supplémentaires en assistant à ces cours, Augustus expliqua en rajustant sa robe de sorcier.
-Crédits supplémentaires dont t’as bien besoin, hein mon pote ? Eden ajouta en se dirigeant vers la porte.
-En vrai, ça pourrait m’éviter de me taper un “Troll” en Métamorphose ça, c’est pas mal !”


Le petit groupe se dirigea vers la sortie. Mouvement de baguette. Le tapis disparu du sol. Mouvement de baguette. Les précis de citoyenneté s’alignèrent contre le mur du fond. Mouvement de baguette. Le feu diminua dans la cheminée. Teddy soupira. Ses doigts dérangèrent sa tignasse indigo. Bon. Il était épuisé.


Il avait une dernière chose à régler. 


“Albus ? il appela en se tournant vers la porte.”


Le jeune homme qui traînait des pieds pour sortir fit volte-face. Il rougissait. Teddy le vit faire un signe à ses amis qui l’attendaient. Il surprit le regard meurtrier que lui adressa Augustus avant que la porte ne se referme. Désagréable jusqu’au bout, celui-là !


“On peut se parler ?
-Euh, oui, bien sûr.”


Albus bafouillait. Ses pupilles étaient rivées au sol. Il était agité, nerveux. Teddy nota quand même qu’il serrait les poings. Ca ressemblait à l’autre soir dans la Cabane Hurlante, cette proximité gauche entre eux. 


“Écoute, Teddy soupira en levant les yeux, je suis désolé pour l’autre jour, c’est ma faute. J’ai pas été très clair avec toi.”


Albus ne répondit rien. Il fixait toujours le sol de la salle de classe.


“J’pensais pas que tu le prendrais aussi… Euh… J’aurai pas dû te balader comme ça. C’était con, il conclut en baissant les yeux.”


Voilà. La chose raisonnable était faite. Couper court à toutes les rêveries d’Al. Et les siennes. Teddy se sentait plus bas que terre, il voyait déjà les larmes qui perlaient au paupières d’Al. Mais il savait qu’il avait raison. C’était la bonne chose à faire. Ça allait lui éviter un tas d'ennuis.


“Pourquoi tu l’as fait, alors ?”


Aïe. Albus avait fini par lever les yeux. Ses pupilles étaient luisantes comme s’il allait pleurer, mais son regard était décidé. Lueur de bagarre. Teddy battit en retraite, fixant ses mains.


“J’sais pas…
-C’était marrant de te foutre de moi, c’est ça ? Tu voulais te payer ma tronche ?
-Mais pas du tout... Teddy commença.”


Albus ne lui laissa pas le temps d’en placer une.


“Alors c’est quoi ? Un test, tu voulais savoir si je suis homo, c’est ça ? Ça te fait rire, ça aussi, hein ? C’est rigolo de se foutre de la gueule du cousin gay ?
-Quoi ?! Mais non ! Tu racontes n’importe quoi !
-Alors, Albus cria en lui lançant un regard dur, explique-moi pourquoi tu t’es foutu de moi ! J’ai bien vu hein, que je ne t’intéressais pas, et pourtant t’as continué !
-Mais tu m’intéresses !”


La colère céda la place à l’incompréhension sur le visage d’Al. Il était vraiment très proche. Son coup de sang l’avait grandi. Il était venu plus près, aussi. Teddy se sentait acculé par ces deux grands yeux bruns qui exigeaient des réponses.


“J’voulais pas te faire de mal, Teddy déclara. J’ai vu comment tu me regardais, à Noël, quand on est arrivés au Terrier…”


Albus rougit mais ne détourna pas les yeux. Ok, il ne lâcherait pas l'affaire. Après tout, Teddy l’avait cherché.


“Je trouvais ça euh… Mignon ? J’ai pas eu envie de te mettre un vent… Mais j’aurai dû.
-Mais pourquoi ?
-Parce que j’ai pas réussi, voilà ! Je sais pas, t’es mignon, tu me plais bien, j’ai pas réussi, ok ?
-Non, je veux dire,  pourquoi tu veux te débarrasser de moi ? Je comprends pas !”


Teddy n’arriva pas à répondre. Il savait ce qu’il aurait dû dire. “Parce que tu es à peine majeur et que tu es le fils de mon parrain. On est presque cousins à ce stade et en plus j’ai dix ans de plus que toi. Ça va nous foutre dans une merde noire et ça va blesser tout le monde, tes parents les premiers.” Mais sa gorge était nouée. S’il le disait, ça deviendrait réel. Albus allait comprendre qu’il avait raison. Il savait qu’il devrait lui dire, que c’était ça, la chose à faire. Peine perdue. Ça bloquait.


Il sentit la main d’Al se glisser dans la sienne. Ses doigts jouaient avec les siens. Sa tignasse brune en pagaille.


“Tu l’as dit toi-même, tu sais ce que moi j’en penses, Albus continua.”


Il était rouge mais soutenait son regard. Il lui rappelait ce moment près du lac où ils étaient allés patiner. Aussi adorable. Teddy s’approcha de plus en plus d’Albus, presque hypnotisé. Il n’avait plus du tout envie d’être raisonnable. Et puis Al était majeur, il ne faisait rien de mal. La porte était fermée, personne ne saurait. Et les conséquences, bah… Elles n’arriveraient qu’après. Le malaise qu’il avait ressenti au début de leur conversation s’évanouissait dans les pupilles sombres d’Al, toujours plus proches. Il pouvait presque compter le nombre de ses cils.


“Ah ouais, t’en penses quoi ? Teddy murmura.
-Je crois que je t’aime bien, Al répondit sur le même ton.”


Teddy n’eut pas à avancer beaucoup pour l’embrasser. Ses lèvres tombèrent presque naturellement sur celles d’Al. Quelque part, il sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Il savait que c’était une mauvaise idée. Mais il ignora tout ça et se laissa aller à embrasser Albus dans la salle de classe déserte.

 

*

 

“Tu vas être en retard dans ton dortoir.
-Je sais, je sais… Mais il y a personne dans le couloir, personne me verra.
-Ok. File, maintenant.
-Tu reviens quand ?
-La semaine prochaine, vendredi.
-Tu peux pas venir avant ?
-Al…
-Ok ok, pardon. C’est juste…
-Je sais.”


Il l’embrassa encore pour couper court à la discussion. Teddy sentit Al se dérober contre lui. Ses joues étaient cramoisies. Ses cheveux bruns n’était qu’une masse informe de mèches, parce que Teddy avait trop passé les doigts dedans. Albus était très mignon. Innocent. Abandonné. Teddy n’eut pas envie qu’il rejoigne son dortoir, parce qu’alors il serait à nouveau seul. Et qu’il allait réfléchir.


“-Al, aller ! On va pas passer la nuit ici, il est déjà presque dix heures.
-D’accord, râla Albus, j’y vais.”


Il se hissa sur la pointe des pieds. L’embrassa. Et s’éloigna dans le couloir sombre sans se retourner. Sa baguette formait un halo de lumière de plus en plus faible qui disparut à l’angle. Teddy soupira. 


Il avait fait n’importe quoi.

_

Interlude 10 :
Quelques questions d’Albus

 

“T’as tout de suite su que tu me plaisais ?
-Ben, étant donné que t’arrivais pas à décoller les yeux de la cheminée, oui.”

 

“T’as pensé à moi, parfois ?
-Tous les jours.
-Tous les jours où on se voyait pas ?
-Tous ceux où on se voyait aussi.”


“Pourquoi tu m’as pas embrassé dans la Cabane ?
-Parce que… Parce que ça sonnait faux.
-Et là, ça sonne juste ?
-J’sais pas…”

 

“Si on pouvait faire ce qu’on voulait, là, maintenant, tu ferais quoi ?
-Je pense qu’on transplanerait loin d’ici. Dans un endroit chaud.
-Tous les deux ?
-Bien sûr, tous les deux.”

 

“Et moi, je te plaisais ?
-Oui. Tu es toujours absolument adorable, quoi que tu fasses. C’est parce que t’es petit.
-J’suis pas petit !”

 

“Tu veux que je fasse le mur ?
-Pour aller où ?
-Chez toi.
-J’habite chez ton oncle, en ce moment.
-Alors à la Cabane.
-Non… Non ! Il fait moins quinze, dehors, il est hors de question qu’on dorme dans la Cabane, ou ailleurs ! Tu passes la nuit ici !
-Et si je veux rester avec toi ?
-Une autre fois.
-Ok...
-Mais je peux rester encore dix minutes, si tu veux.” 

 

Partie 1, chapitre 11 - “T’assumes pas.” by Emojifeu
Author's Notes:

Salut :)

Je suis de retour de ma pampa italienne, dans laquelle il y avait malheureusement très peu de 4G ! Du coup, 2 chapitres cette semaine. Un maintenant et un jeudi.

Merci pour votre compréhension.

Dites, je vois beaucoup de lectures et ça me fait plaisir comme tout ! Si jamais vous avez des remarques, des critiques ou des demandes (pourquoi pas ?), n'hésitez pas à laisser une review, je suis toujours ravie de vous lire.

Bonne lecture,
Emojifeu

Chapitre 11 - “T’assumes pas.”

 

Tout au bout du chemin enneigé, le village se dessinait dans la brume. La surface luisante des pierres humides scintillait dans la lumière froide du début d’après-midi. Il était à peine treize heures, le soleil était au zénith dans le ciel bleu  de ce samedi de janvier. Pas un seul nuage ne venait salir la clarté du jour. Il faisait bon être dehors.


Rose soupira de bien-être. Elle en oubliait même la pointe de son nez piquée par le froid ambiant. Il faisait beau, mais c’était toujours l’hiver. Un filet de buée s’échappait d’entre ses lèvres lorsqu’elle parlait. A côté d’elle, Damian peinait un peu à avancer, et Neela lui tirait la manche à intervalles réguliers pour le forcer à continuer. Plus loin devant, comme immunisés à l’effort, Maggie et Augustus discutaient avec animation, se dirigeant vers Les Trois Balais.


Ils se rendaient à Pré-au-Lard pour boire un coup. Ce n’était plus aussi excitant et amusant d’aller au village, maintenant qu’ils avaient 17 ans. A 13 ans, ces escapades étaient nouvelles et sentaient bon la liberté, loin des professeurs et des cours. Maintenant, à 17 ans, Rose préférait souvent rester au château et éviter l’heure de marche qui la séparait de Pré-au-Lard. Mais de la Bièraubeurre, il n’y en avait pas au château… 


“J’ai grave hâte qu’on puisse transplaner d’un endroit à un autre, grommela Damian dans sa barbe, ça sert à quoi d’avoir le permis si on passe notre vie à marcher ?
-Oh, ça va ! Tout le monde le fait tout le temps, t’es hyper paresseux ! jeta Neela.
-Dites, c’est pas Scorpius, là ?”


Rose regarda l’endroit que Damian désignait. Un jeune homme blond, petit pour son âge, semblait les attendre devant l’entrée du pub. Il avait l’air encore plus mal à l’aise que d’habitude. Scorpius, aussi loin que Rose se souvienne, avait toujours l’air mal à l’aise. Elle vit Maggie lâcher Augustus et se précipiter vers Scorpius, quelques mèches volant hors de son béret.


“-Attendez attendez, pause. Depuis quand… ? commença Neela.
-Meuf, la coupa Rose, j’en ai aucune idée. Genre aucune. Je savais même pas qu’il allait venir !
-Elle t’a rien dit ?
-Mais nan ! Trop bizarre…”


Ils arrivèrent à la hauteur de leurs amis. Augustus adressa un regard interrogateur à Rose, et elle haussa les épaules en guise de réponse. Elle était aussi perdue que lui. Elle essaya d’attirer l’attention de Maggie, mais cette dernière évitait son regard, feignant de concentrer son attention sur Scorpius.


“Ah, ben vous êtes enfin là ! J’ai invité Scorpius à boire un coup avec nous, hein, d’accord ?
-On avait cru comprendre, oui, répondit Damian. T’aurais pu...”


Neela lui marcha sur le pied et il étouffa une exclamation.


“On va peut-être aller s’asseoir, non ?”


Rose ouvrit la porte de l’établissement. Une délicieuse vague de chaleur la cueillie. Comme chaque samedi, et encore plus lorsqu’il faisait beau, le pub était plein à craquer. Après sept ans au château, pourtant, Rose et ses amis avaient leurs habitudes. Elle se dirigea avec assurance vers une alcôve et s’installa, ôtant son écharpe bleue et la jetant sur la banquette sans cérémonie. Ses cheveux pesaient une tonne sur son crâne, ils avaient encore gonflé à cause de l’humidité.  Des frisottis s’échappaient partout et ses boucles étaient distendues. Elle tenta de les sécher un peu du bout de la baguette, histoire qu’ils arrêtent de partir dans tous les sens, mais peine perdue. Elle soupira. Il faudrait encore qu’elle passe six heures dans la douche, ce soir, pour essayer de récupérer de jolies boucles ordonnées…


“Hum… Je vais commander, non ?”


Scorpius était resté debout, nerveux. Ses doigts tordaient son écharpe verte, enroulant et déroulant les franges argentées autour de son index. Ses yeux sautaient du sol à Maggie à l’horloge du fond au comptoir. Rose se surprit à le plaindre. Il avait l’air vraiment mal à l’aise.


“C’est gentil, sourit Maggie. Je crois qu’on prendra tous une Bièraubeurre. Sauf Augustus, il ne boit pas.
-Une tisane d’ortie, pour moi, confirma leur ami depuis le bout de la table.”
Scorpius compta le nombre de personnes attablées et acquiesça avant de tourner les talons et se diriger vers le bar.
“Bon, Maggie, commença Augustus, qu’est-ce qu’il fait là ?
-Sérieux, t’aurais pu nous prévenir !
-Pourquoi Damian, tu te serais sapé autrement ? lança Maggie en rougissant.
-Non mais… Avoue que c’est quand même une surprise, quoi !
-J’avais envie de l’inviter, c’est tout ! On peut encore ramener qui on veut au pub, nan ?”


Rose ne disait rien. Elle fixait son amie. Les pommettes de Maggie étaient d’un rose soutenu, et elle n’arrivait pas à la regarder dans les yeux. Son regard fuyait. Elle lui cachait quelque chose. Soudain, Rose réalisa.


“Oh Merlin.
-Quoi ? demanda Damian, paniqué.
-Maggie, t’es amoureuse !
-Quoi ? s’écria Maggie. Mais pas du tout, enfin !
-C’est pour ça qu’il est là ! C’est un rencard, en fait !
-Si j’avais voulu lui filer un date, je vous aurai pas tous invité, siffla Maggie en fulminant.
-T’assumes pas.
-Rose, ça n’a rien à voir. Écoute, l’autre jour, il a collé une droite à Louis parce qu’il emmerdait encore ton frère, d’accord ? Et il s’est mangé un coup de la part de Raban.
-Outch, grimaça Augustus, ça doit pas faire du bien, ça. Une fois ce mec m’a bousculé en entrant sur le terrain, j’ai eu mal à l’épaule pendant une semaine.
-J’ai eu pitié, continua Maggie. Il s’est payé Weasley pour aider Hugo, et maintenant il se cache dans les couloirs, et il a pas trop de potes… Je me suis dit que ça lui ferait plaisir de passer son week-end avec des gens, d’accord ?
-Pourquoi Hugo ne m’a rien dit ? demanda Rose à mi-voix. Je ne savais pas…
-Attention, il revient. Neela, rigole !”


La jeune femme parti d’un rire cristallin qui se répercuta sur les murs et mourru dans le brouhaha ambiant. Scorpius qui revenait vers eux, un plateau lévitant devant lui, lui jeta un regard d’incompréhension, mais ne fit aucun commentaire. Il posa le plateau sur la table et fit voleter l’unique tasse vers Augustus avant de répartir entre eux les cinq pintes de Bièraubeurre.


“On te doit combien ? demanda Neela en fouillant dans sa sacoche.
-C’est bon, répondit Scorpius, c’est moi qui invite. Je devais un coup à Marg… Maggie.”


Rose échangea un coup d'œil entendu avec Augustus. Le teint de Maggie, jusqu’alors d’une délicate couleur brique, était passé au cramoisie franc. Il se passait vraiment quelque chose entre ces deux là. Pourtant, le fait que son frère ne lui ai pas parlé de ce qui s’était passé lui paraissait plus important que cette histoire de flirt entre Maggie et Scorpius. Pourquoi Hugo ne lui avait-il rien dit, une fois de plus ? Elle lui avait pourtant répété, durant les vacances, qu’il pouvait venir lui parler quand il le souhaitait. Est-ce qu’il ne lui faisait pas confiance ? Et pourquoi Maggie n’avait rien dit non-plus, d’ailleurs ? En temps normal, elle lui disait tout. Est-ce qu’il s’était passé quelque chose de plus ?


Scorpius se glissa à côté d’elle, à la place restée libre, et avala une gorgée de Bièraubeurre. Les conversations reprenaient autour d’eux, leurs amis parlant du match à venir et des ASPIC qui ne tarderaient plus à arriver. Par moment, Rose se tournait vers Scorpius, l’observant sans rien dire. Quelques mèches blondes tombèrent sur son front lorsqu’il passa sa main dans ses cheveux, nerveux. Il se mordillait la lèvre inférieure à intervalles réguliers, agité. Même s’il n’arrivait pas à fixer son regard, ses yeux semblaient attirés par Maggie, à côté d’elle, car il ne cessait de lui jeter des coups d'œil à la dérobade. Il buvait par moment pour se donner une contenance, et restait silencieux la plupart du temps.


Au bout d’une dizaine de minutes, elle se décida.


“Merci pour mon frère, lui glissa-t-elle à mi-voix.
-Euh… De rien ? hésita-t-il, très visiblement mal à l’aise.
-Écoute, Maggie m’a raconté, continua la jeune femme toujours à voix basse. Mais c’est trop chelou, Hugo ne m’a rien dit.
-C’est parce que c’est ma faute, soupira Scorpius en portant son verre à ses lèvres.”
Surprise, Rose leva les yeux pour croiser son regard.
“Non mais, pas comme ça… En fait, je cherchais à éviter Weasley, euh… Louis, pardon.
-Tout le monde l’appelle Weasley, t’inquiète.
-Je voulais pas le voir, mais il était collé à mes basques, j’ai pas regardé  où j’allais et je suis rentré dans ton frère dans le couloir. On s’est retrouvé par terre, je te jure que j’ai pas fait exprès ! Mais Louis nous a rattrapé, et il a commencé à emmerder Hugo, et… La vérité, c’est que je me sentais responsable, termina Scorpius.
-T’as pas fait exprès de lui rentrer dedans.
-Je sais. Mais il ne t’a pas raconté ? Parce qu’il est parti en courant quand je lui ai dit, et comme Maggie est arrivée juste après, j’ai vraiment cru qu’il t’avait trouvée...
-Ben… Non. Mais il ne m’a pas beaucoup parlé, depuis qu’on est rentré de vacances, en fait.
-Attends, il t’a dit qu’ils lui ont foutu la tête dans la cuvette des toilettes ?
-Ils ont fait quoi ?!
-Louis me l’a raconté quand on s’est mit sur la tronche. Il était très fier, grinça Scorpius.
-Mais pourquoi Hugo m’a rien dit ?
-Je sais pas. Écoute, reprit-il en se raclant la gorge, maintenant qu’on en parle… Je n’ai pas recroisé Hugo depuis, et je lui dirai aussi hein, mais euh… Je suis désolé.”


Scorpius marqua une pause. Il avait l’air embarrassé, mais il soutenait le regard de Rose.


“Je sens que je te dois aussi des excuses. J’aurais pas dû rester aussi passif face à ce que faisaient Weasley et les autres. Je ne sais pas pourquoi j’ai pas agi plus tôt, parce que je t’assure que ça me dégoûte depuis le début, ce qu’il fait. Mais il me faisait peur, et c’était facile d’être de son côté. Je ne peux rien faire de plus que m’excuser. Pardon, finit-il.
-C’est à Hugo que tu devrais dire ça.
-Je sais bien, mais ton frère se planque en permanence. Ça fait quatre jours que je le cherche pour m’excuser, justement, et puis savoir s’il va bien, et je l’ai toujours pas vu.
-Il reste souvent dans sa salle commune, concéda Rose, mais il vient aux repas…”


En y réfléchissant, elle n’avait pas vu son frère à la table des Gryffondor depuis une bonne semaine. D’habitude, il dînait avec Lily et ses amis, mais il n’était pas dans leur petit groupe. Ou peut-être que si ? Rose ne se souvenait pas bien, elle n’avait pas été attentive… Il fallait qu’elle parle à son frère le plus vite possible. Il ne pouvait pas se replier sur lui-même comme ça.


“Je lui dirai quand je le verrai, promit Scorpius. Et je suis aussi désolé d’avoir frappé ton cousin, au fait.
-Hein ? Ah non, répliqua Rose en sortant de ses pensées, ne t’excuse pas pour ça ! Depuis le temps que moi, je veux lui en mettre une !
-Mais Maggie a dit… Enfin, elle m’a expliqué qu’elle trouvait ça nul et que j’aurai pas dû…
-Eh ben, Maggie pense ce qu’elle veut, mais moi je suis grave contente qu’il s’en soit enfin prit un, ce crétin. Ça devrait lui remettre les idées en place.
-Ok, souffla Scorpius en souriant, tant mieux alors.”


Rose jeta un coup d'œil à son amie, en grande conversation avec Neela. Elle voulait vraiment en savoir plus sur cette histoire avec elle. Bah, Maggie n’écoutait pas, de toute façon. Elle se pencha vers le Serpentard. 


“Scorpius, dit-elle d’un ton pressant, il se passe quoi entre Maggie et toi ?”
Le jeune homme rougit en une seconde, ses yeux cherchant une issue de secours.
“Hein ? Mais comment ça ? Je sais pas de quoi…
-Quand est-ce qu’elle t’a payé un coup à boire ?
-Euh, à Londres, pendant les vacances ? On s’est croisé sur le Chemin de Traverse, et ensuite on est allé boire un chocolat chaud et…
-C’est elle qui t’a invité à venir aujourd’hui ?
-Ben… Oui ? Mais elle ne t’a rien dit ?
-Non.
-Je dois m'inquiéter ? demanda Scorpius après un instant de réflexion. C’est normal qu’elle ne t’ai pas prévenue ?
-Non, c’est pas normal, répondit Rose, mais à mon avis tu n’as pas à t’en faire. Elle n’a jamais fait ça. Eh, fit-elle encore plus bas, tu veux qu’on échange de place ?”


Sans un mot, Scorpius hocha la tête. Bonne joueuse, se leva en prétendant devoir aller aux toilettes, et le laissa prendre sa place à côté de Maggie. Lorsqu’elle revint, quelques minutes plus tard, le jeune homme fixait le fond de son verre sans dire un mot, l’air un peu perdu. D’un signe de la tête, Rose posa une question muette à Augustus, qui acquiesça. Il se racla la gorge.


“Au fait, Scorpius, t’es dans l’équipe de Serpentard, cette année ?
-Euh… Non, répondit le jeune homme, j’ai pas eu envie de passer les sélections. En plus, je suis pas super bon sur un balais. Deux ans, ça m’a suffit je crois.
-Moi non-plus, renchérit Damian, j’ai pas passé les sélections.
-Toi, c’est parce que personne t'aurait pris, pouffa Neela.
-Trop pas ! J’aurai été super, en gardien de Gryffondor. Mais on avait juste trop de travail, cette année.
-J’avoue, répondit Scorpius. Je sais pas comment vous arrivez à caler des entraînements là-dedans.”


Il s’adressait à Neela et Augustus, tous les deux Poursuiveurs dans leurs équipes respectives, Gryffondor et Serdaigle. Augustus haussa les épaules.

“Perso, ça m’aide à me détendre.”


Les conversations continuèrent bon train pendant l’heure suivante. Rose nota que Scorpius se détendait de plus en plus. Il paraissait moins gauche que lorsqu’il les avait rejoint devant le pub en début d’après-midi. Elle voyait le jour décliner dehors mais, entourée de ses amis dans la chaleur du bar, parlant des cours, de Quidditch, des examens à venir, de musique et de leur avenir, elle avait du mal à déclarer qu’il était l’heure de partir. Rose savait qu’il ne lui restait plus beaucoup de mois à vivre ce genre d’après-midi. La fin de sa scolarité au château se profilait à une vitesse hallucinante, elle voyait à peine le temps passer.


Elle secoua la tête, faisant voler quelques boucles autour d’elle. Elle n’avait pas envie d’y penser maintenant. Emplie d’amour, elle jeta un œil à ceux et celles qui l’entouraient. Neela et Damian, fidèles à eux-mêmes, se chamaillent. Augustus discutait avec Maggie, mais ses yeux étaient résolument tournés vers une table derrière elle, à laquelle Eden, Basil et Albus venaient de s’asseoir. Maggie riait en replaçant une mèche derrière son oreille, et Rose surprit le regard que Scorpius posa sur elle. Il souriait largement. Peut-être se croyait-il discret, mais de là où elle était, Rose vit sa main chercher celle de Maggie sur la banquette en bois, et la prendre dans la sienne. Elle se retint de pouffer et détourna le regard. Il avait été honnête avec elle et s’était même excusé, elle n’allait pas lui casser son coup.


Une heure encore après, ils avançaient les uns derrière les autres dans la pénombre ambiante sur le chemin du retour. Leurs semelles crissaient sur la neige à moitié fondue qui recouvrait la pente qui les menait à Poudlard.


“Damian, avance plus vite ! pesta Rose en le poussant.”


Augustus et Neela étaient loin devant, mais elle savait que Scorpius et Maggie étaient encore proches derrière eux. Elle ne voulait pas leur voler le peu d’intimité qu’ils avaient réussi à se ménager.


“Mais pourquoi ? On n’est pas pressé, on  a encore le temps de rentrer !
-Damian, je te jure, quand t’es comme on dirait Basil.
-L’espèce de crétin de Poufsouffle ? s’offusqua le jeune homme. Ben merci, n’hésite surtout pas à me faire ce genre de compliment, ça fait toujours plaisir !
-À ton avis, murmura très vite Rose, pourquoi je te dis d’avancer ? Je suis presque sûre qu’il va se passer un truc entre Maggie et Scorpius !
-Tu crois ? Mais je croyais qu’elle avait un truc pour Eden, moi ! Oh, soupira-t-il, j’ai rien suivi à votre histoire de mecs…”


Un éclat de rire parvint aux oreilles de Rose. Maggie était toute proche. Elle avisa les buissons qui bordaient le bout du chemin, juste avant l’allée qui menait à la grande porte.


“On se met là-dedans, chuchota-t-elle en désignant sa cachette, et on ne bouge pas, c’est clair ?
-On peut respirer ou c’est comment ? grommela Damian.
-Chut !”


Nouveau rire à quelques mètres d’eux. Rose s'aplatit autant qu’elle put. Avec un peu de chance et l’aide de la pénombre ambiante, ils ne les verraient pas… La lumière de la lune jouait doucement dans les feuilles des arbres autours. Son cœur battait la chamade. Si son amie la voyait, elle savait qu’elle lui en voudrait. D’un autre côté, elle avait trop envie de savoir ce qui se passait entre ces deux-là… Et puis, c’était Maggie qui avait commencé en ne lui disant rien… Elle était obligée de chercher les réponses par elle-même !


Scorpius émergea du chemin, emmitouflé dans sa cape de velours qui paraissait presque noire dans la nuit. Maggie était juste à côté de lui. De là où elle était, Rose ne voyait pas bien, mais elle était à peu près sûre qu’ils se tenaient à nouveau la main. Quand ils avancèrent vers eux, elle fronça les yeux pour tenter de mieux distinguer dans le noir. Maggie s’arrêta un peu avant qu’ils atteignent le buisson où Damian et elle se cachaient.


“C’est cool, que tu sois venu.
-Merci de m’avoir invité, Rose entendit Scorpius répondre.”


Un silence. Rose jeta un coup d'œil entre deux branches. Ils se tenaient l’un en face de l’autre. Maggie avait bien sa main glissée dans celle du jeune homme. A côté d’elle dans le buisson, Damian lui fit un signe, et elle lui intima l’ordre de rester silencieux.


“Ils sont sympas, tes potes, reprit Scorpius d’une voix embarrassée.
-Ouais, ils sont cools. J’espère que Rose t’a pas soûlé ? J’ai vu qu’elle te tenait un peu la jambe, au début.
-Ah, non, elle m’a surtout parlé de son frère et de Weasley.
-Oh.
-Elle m’a aussi demandé, dit Scorpius après un silence, ce qui se passait entre toi et moi.
-Et, euh… T’as répondu quoi ?
-Que je savais pas. Parce que je sais pas, ajouta-t-il plus bas.”


Rose se pencha un peu plus en avant pour mieux entendre. Damian était aussi silencieux qu’elle, elle l’entendait à peine respirer. Lui aussi devait écouter avec attention.


“Maggie, demanda Scorpius, il se passe un truc entre toi et moi ?
-Je sais pas…
-Et tu crois que…”


Rose faillit crier, mais elle se retint de faire le moindre bruit. Maggie avait sauté au cou de Scorpius et l’embrassait à pleine bouche. Elle distinguait à peine leurs deux silhouettes dans la pénombre, mais elle voyait bien leurs visages éclairés par la lumière blanchâtre de la lune. Elle échangea un regard complice avec Damian, qui souriait d’un air entendu.


Soudain, Maggie se détacha de Scorpius et rajusta sa cape. Son ton était mal assuré.


“Euh, il faut que j’y aille !
-Hein ?!
-Je dois vraiment rentrer, on se voit une autre fois, d’ac ?
-Quoi ?!
-Aller, cria Maggie en s’éloignant, on en reparle ok ?
-Mais comment ça ? Maggie ? Maggie !”


Rose vit son amie s’enfuir vers le château sans se retourner. Elle jeta un coup d'œil à Scorpius, resté immobile sur le chemin. Il avait l’air perdu. Damian lui lança un regard interrogateur, et elle se contenta d’hausser une fois de plus les épaules. Quelle mouche avait piqué Maggie ? 

Partie 1, interlude 11 by Emojifeu

Une conversation dans le dortoir, beaucoup trop tard pour un soir de semaine


“-Maggie…


-Hum ? 


-Avoue qu’il te plaît.


-Qui ?


-Scorpius.


-N’importe quoi.


-Maggie… Je te connais. Il te plaît, et t’assumes grave pas, et c’est pour ça que tu lui as proposé de venir avec nous et que tu ne l’as pas juste invité à un date.


-Rien à voir, Rose.


-Tu le trouves pas mignon ?


-Si, il est très mignon.


-Alors avoue qu’il te plaît.


-Je vais pas avouer ça parce que c’est faux, voilà.


-Mais, Maggie…


-Arrête d’insister, Rose ! T’es pénible !


-...


-... 


-Il m’a raconté, pour le coup du chocolat chaud, à Londres… Pendant les vacances de Noël…


-Et ? 


-Et Pourquoi tu m’en as pas parlé ?


-Mais parce que ça n’a aucun intérêt ! Si tu veux tout savoir, il ne se passe absolument rien entre Scorpius et moi.


-Hum hum, pas à moi, Maggie.


-Quoi ? 


-Je ne te crois pas, c’est tout.


-Tu veux l’histoire en entier ? Tu vas être déçue hein ! J’ai eu pitié de lui, voilà. Il pleurait tout seul dans l’Allée des Embrumes, j’étais censée faire quoi, hein ?


-Et quand tu l’as invité à venir aux Trois Balais, t’avais pitié aussi ?


-Je t’ai expliqué ce qui s’est passé ! Il s’était pris une droite, il était mal en point et en plus, il avait plus de potes. J’ai pensé que voir un peu de monde pourrait lui faire du bien, voilà !


-J’ai vu qu’il t’avais pris la main, tout à l’heure au bar...


-...


-Et j’ai vu que tu ne l’as pas repoussé...


-Eh bien non, Maggie, je l’ai pas repoussé ! Et si tu veux tout savoir je l’ai même embrassé ! Voilà, t’es contente, maintenant ?! Tu sais tout !


-Mais pourquoi ça te met dans cet état ? D’habitude tu me parles des mecs qui te plaisent !


-Mais il ne me plaît pas !


-Maggie, tu l’as embrassé !


-J’ai eu de la peine pour lui, c’est tout ! Je me sentais nulle, et il a un petit crush sur moi et du coup j’en ai un peu profité, c’est pas très sympa mais…


-Un petit crush ?! Maggie, ça fait quatre ans ! C’est pas un petit crush ! Je ne vois pas pourquoi c’est un souci, en plus. Si tu l’aimes bien…


-Mais je ne l’aime pas, voilà ! Il se passe rien, entre Scorpius et moi, c’est bon.


-Maggie…


-Lâches-moi les baskets, Rose !


-Mais enfin Maggie, je comprends pas ! 


-Bon, les filles, ça suffit ! Il est super tard, et j’ai un devoir de Potion à rendre pour demain ! Et vous aussi, d’ailleurs. Si vous voulez continuer cette conversation ô combien passionnante, vous descendez dans la Salle Commune, mais moi j’en ai par-dessus la tête là !


-C’est bon Emily. Sujet clôt. Rose et moi on a terminé.


-Mag…


-Sujet clôt, j’ai dit !”

Partie 1, chapitre 12 - “On en a déjà un dans la famille” by Emojifeu

Chapitre 12 - “On en a déjà un dans la famille”

 

 

“Et pour la semaine prochaine, je ne peux que trop vous recommander de revoir en détail le chapitre consacré aux antidotes dans votre manuel scolaire. Il est probable - je dis bien “probable” - que votre premier examen blanc porte sur le sujet.
-La galère, soupira Basil. Je suis tellement à la bourre, c’est un scandale. T’en es où toi ?”


Albus fourrait ses affaires dans sa sacoche noire. Dans quelques heures maintenant, Teddy serait de nouveau au château, après une longue semaine d’absence. Il attendait ça depuis sept jours. Sept longs jours. Le temps s’était étiré. Depuis vendredi dernier, les minutes étaient des heures.


“Al ? Albus ?
-Hein ?
-Ça fait dix minutes que j’essaye de te parler ! râla Basil en rajustant son sac sur son épaule. Je te demandais où t’en es dans le bouquin.
-Quel bouquin ?
-Mais t’es sérieux gars ? Hello Albus, reviens sur terre ! se moqua Basil en sortant de la salle de classe.
-Ça fait une semaine que t’es ailleurs mon pote, t’es sûr que tout va bien ? s’inquiéta Eden.
-Oui, oui, tranquille, éluda Albus. Je pensais à autre chose.
-Ben ouais, on a bien vu ça. La question c’est à quoi tu peux bien penser quand on a des exams blancs la semaine prochaine.
-P’t’être qu’il est amoureux ? proposa Basil en réfléchissant.”

 

Albus frémit, soudain concerné par la conversation. Est-ce qu’ils se doutaient de quelque chose ?


“Naaaan gars, ça c’est toi, se moqua Eden. Du progrès avec Neela ou quoi ?
-Fous-toi de moi, vas-y !
-J’oserai jamais ! protesta Eden.”


Albus se détendit un peu. Ses amis n’avaient pas l’air d’avoir la moindre idée de ce qui se passait vraiment. Au pire, ils penseraient qu’il avait un crush sur une fille - et il se garderait bien de les détromper.

 

Il avait rejoué dans son esprit la soirée de vendredi dernier à chaque minute qui s’était écoulée. Il lui semblait impossible de se concentrer plus d’une minute sur autre chose que ça : Teddy et lui, seuls dans cette salle de classe sombre, s’embrassant à en avoir les lèvres rougies et le souffle court. Rien d’autre n’était intéressant.


“Mec, c’est pas ton cousin là ?”


Sentant qu’on lui tapotait l’épaule, Albus tourna la tête. Sur les marches de l'escalier d’en face, un air misérable sur le visage, Hugo fixait le vide.


“Si, c’est lui. Je suis sûr que c’est encore la faute de ce crétin de Weasley, là…
-Tu veux qu’on vienne avec toi ?
-C’est sympa, répondit Albus, mais Hugo est pas très groupe… Je pense que c’est mieux si j’y vais seul.
-Comme tu veux. Gars, on se retrouve devant la salle commune, ok ?
-À toute, lança Albus.”


Il s’avança vers un escalier proche et sauta sur la première marche. Il y avait encore pas mal d’élèves dans les couloirs, les escaliers en profitaient souvent pour se déplacer dans tous les sens et perdre les plus jeunes. Il avait mis des mois à retenir tous les accès et les itinéraires qui ne nécessitaient pas d’utiliser les escaliers, en première année. On ne pouvait pas leur faire confiance, ils étaient capables de mettre en retard le plus ponctuel des élèves s’ils en avaient envie.

 

Louvoyant pour rejoindre son cousin, il finit par s’asseoir à ses côtés en quelques minutes. Les escaliers cessèrent de bouger, les couloirs se vidaient, les élèves étaient retournés en cours ou dans la chaleur de leurs salles communes. Personne ne viendrait les déranger.


Hugo reniflait sans vraiment faire de bruit, le nez enfouit dans la manche de sa robe noire. Albus ne vit aucune larme dans ses yeux. Difficile de dire s’il avait pleuré. Mais sa robe était maculée de boue, et son sac semblait avoir implosé. S’il ne pleurait pas, en revanche Hugo tremblait. Il paraissait loin, perdu dans ses pensées, et inconscient de l’image pitoyable qu’il renvoyait.


Il sursauta quand Albus se laissa tomber à côté de lui.


“Tu m’as fait peur !
-Je vois ça, répondit Albus en fronçant les sourcils. Ça va ou quoi ? T’as la pire tronche que j’ai vu depuis un moment.”


Hugo haussa les épaules pour toute réponse. En y prêtant plus d’attention, Albus nota une tache de boue sur son épaule.


“C’est quoi, ça, Hugo ?
-Je crois que c’est les gars de Serdaigle qui m’ont balancé un Fangieux dessus pendant le cours de Soin aux Créatures Magique.
-Exprès ?!
-Bien sûr exprès, souffla Hugo.
-Mais t’as fait quoi ?! Tu t’es défendu ?
-Ils étaient trois. J’ai pris mon sac - ils l’ont défoncé avec je ne sais quel sort, d’ailleurs - et je suis parti. Ça fait trente minutes que je me cache ici. Je me suis dit, ajouta-t-il, qu’ils ne devraient pas passer dans les étages tout de suite.
-Je croyais qu’il n’y avait plus que Louis qui t’embêtait…
-Oh, balaya Hugo d’un revers de main, c’est vrai, mais il trouve très amusant de demander à des élèves de mon année de l’aider quand il est en cours. Il est en Métamorphose, là.
-Comment…?
-J’ai appris sont emploi du temps par coeur, coupa Hugo, comme ça j’évite de trop lui rentrer dedans. Je pensais pas qu’il se rattraperait en demandant aux autres de s’en prendre à moi...”


Hugo se tut. Albus était scandalisé. Comment pouvait-il être aussi résigné ? Il avait dû en baver… Il ne savait même pas quoi lui dire pour le consoler. Tous ses conseils lui semblaient débiles. “Fais attention à toi” ? Au mieux, ça n’était qu’une formule creuse, au pire Hugo se sentirait coupable. Albus fixa son sac posé devant lui sur le sol, cherchant ce qu’il pourrait bien dire à son cousin. Sa saccoche était un dépotoir : une plume menaçait de s’en échapper, un de ses manuels avait perdu sa tranche et un morceau de parchemin froissé dépassait de l’ouverture. La Carte du Maraudeur, qu’il n’avait bien sûr pas rangée. Si Teddy voyait comment il traitait son cadeau !


L’idée frappa Albus de plein fouet.


“Hugo, lança-t-il en fouillant dans son sac, j’ai un truc pour toi !”


Il tira le parchemin froissé de son sac et le lissa avec la paume. Hugo le regardait en biais, l’air désabusé. “Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises” murmura Albus en parcourant le papier du bout de sa baguette, et le parchemin frémit.


“Qu’est-ce que…
-C’est une carte ! Regarde, Hugo, c’est une carte du château !
-Où est-ce que t’as eu ça ? demanda Hugo à voix basse, époustouflé.
-Teddy me l’a filée. Elle appartenait à mon père, avant. C’est son père qui l’a créée, avec ses amis. Regarde, expliqua-t-il en désignant les points qui se déplaçaient, tu peux voir où sont les gens ! Tu vois tout le monde, regarde !
-C’est incroyable…
-Et surtout, il y a des passages secrets, et puis les façons d’y accéder. Hugo, reprit-il après un silence, je vais te donner cette carte.
-Quoi ? Non ! s’insurgea l’adolescent avec un mouvement de recul.
-Si ! Comme ça, tu pourras toujours savoir où est le Gang à Weasley, et tu pourras te cacher ! Ça va pas résoudre tous tes problèmes, mais ça devrait t’aider, non ?
-Mais je ne peux pas faire de magie, répondit Hugo, comment tu veux que j’arrive à faire fonctionner un truc aussi compliqué ?
-Je crois pas qu’il faille beaucoup de magie pour lire la carte, déclara Albus après un temps, juste connaître le mot de passe. On va essayer.”


Il murmura en agitant sa baguette, et le parchemin redevint vierge. D’un geste décidé, il le tendit à Hugo. Ce dernier n’avait pas l’air convaincu mais, après avoir caressé la feuille de sa baguette en récitant l’incantation, la carte se dessina de nouveau.


“Tu vois ? C’est un objet intelligent, elle sait que tu as besoin d’elle !
-C’est génial, souffla Hugo sous le choc. J’y arrive !
-Bien sûr que t’y arrives !
-Al, tu dis qu’il y a des passages secrets ?
-Oui, là, là, là…
-Ils mènent à l’extérieur du château ? le coupa Hugo, agité.
-Yep, à Pré-au-Lard surtout ! Si jamais tu as besoin de prendre l’air un peu plus loin. Écoute, je n’ai pas eu la carte longtemps, mais j’ai retenu quels passages étaient les plus pratiques, et tu en as plus besoin que moi. Je te la donne. Il faudra juste que tu la passes à quelqu’un en quittant Poudlard, d’accord ?
-Oui, bien sûr…”


Hugo l’écoutait à peine. Il fixait la carte sans lever les yeux, fasciné par les mouvements des élèves qui apparaissaient et disparaissaient sur le papier. Albus sourit. Il avait trouvé une façon de remonter le moral à son cousin.

 

*

 

Adossé devant la grande porte, Albus n’en pouvait plus d’attendre. Il était presque cinq heures, Teddy devrait arriver d’une minute à l’autre. Nerveux, il ajustait sa position en permanence, feignant la nonchalance alors qu’il ne tenait pas en place. Il espérait qu’il avait l’air cool, dos au mur, les mains dans les poches, son sac se balançant sur l’épaule. Il avait coincé sa robe de sorcier dans une des sangles. Toutes les deux minutes, il ébouriffait sa tignasse brune pour lui redonner du volume. Il se sentait un peu ridicule, mais l’idée d’avoir l’air trop enfantin, ou trop impatient, le terrifiait.


“En même temps, se dit-il, je suis venu l’attendre à l’entrée du château… Évidemment que j’ai l’air impatient ! Quel idiot… Je devrais retourner dans la salle avec les autres, et l’attendre là-bas.”


Il ne bougea pas. Le temps s’étirait. Pourquoi Teddy n’était-il pas là ? Tout le monde était déjà arrivé, dans la salle, et il n’y avait plus un élève dans les couloirs. Ils profitaient tous d’un rayon de soleil impromptu dans le parc, ou bien révisaient dans leurs salles communes.


Une ombre passa par l'entrebâillement de la grande porte, et le cœur d’Albus sauta un battement. Il se rembrunit presque aussitôt en voyant qui venait d’entrer. Louis et ses potes. De là où il se tenait, il vit Eames, ou Raban - il confondait toujours les deux - le désigner. Le groupe de quatre garçons se dirigea vers lui. Louis avait un rictus mauvais accroché aux lèvres. 

 

“T’attends quelqu’un ? lui lança-t-il en s’approchant.
-Pas que ça te regarde, mais oui, répondit Albus d’un ton froid.”


Même s’il était plus âgé d’un an, son cousin ne le rassurait pas. Déjà, les trois gardes du corps qu’il traînait partout où il allait faisaient tous deux fois sa taille. Ensuite, Louis n’avait jamais rechigné à s’attaquer à un membre de sa famille - il l’avait bien prouvé avec Hugo. La seule qui semblait réussir à le tenir en respect était Rose. Albus s’était toujours débrouillé pour se tenir loin des conflits, et ne jamais se retrouver seul à Poudlard avec ce crétin prétentieux. Et il fallait bien avouer que, souvent occupé par Hugo, Louis ne lui prêtait pas une grande attention.


“J’ai un truc pour toi, glissa Louis en arrivant à sa portée. Un truc qui m’est tombé dessus l’autre jour. Tu t’appelles bien Albus, non ?
-Abrège, Louis, répondit Albus d’un ton ferme.
-”Albus”, commença à lire Louis d’un ton goguenard, “Tu as vraiment une mine terrible, est-ce que tout va bien ?”
-C’est vrai ça Albus, est-ce que tout va bien ? se moqua un des crétins qui suivaient Louis.

-”Ce n’est peut-être pas à moi de proposer ça”, continua Louis, “parce qu’on ne se connait pas si bien que ça, mais si tu as besoin de parler à quelqu’un, je suis là.” Alors Albus, t’as besoin de parler à ce qu’il parait ?”


Un concert de sifflement et de braillements railleurs s’éleva du petit groupe. Albus se sentit rougir. Il ne savait absolument pas ce que Louis était en train de lui lire, il était certain de n’avoir jamais vu ce mot de sa vie.


“Tu es parti très vite hier après-midi,” reprit Louis, “mais je voulais te proposer de venir aux Trois Balais avec moi ce week-end. Pour une Bièraubeurre. Ou autre chose. Tu bois ce que tu veux. Fais-moi signe si ça te tente !”
-Et c’est signé ? demanda Flood, mauvais acteur.
-Augustus Londubat.
-Houlala, Albus, mais t’as un admirateur secret ?
-Il est pas secret, abruti, siffla Louis entre ses dents, exaspéré.”


Albus avait envie de disparaître. Il n’avait jamais reçu ce message, mais Londubat aurait pu faire attention à ne pas laisser traîner ce genre de note n’importe où ! Il sentit une bouffée de colère lui monter au visage. Il avait toujours fait attention à ne pas être vu avec Teddy, à la Cabane et vendredi dernier, mais c’était une lettre de Londubat qui allait vendre la mèche. C’était injuste.


“J’ai jamais reçu ce truc, répondit-il d’un ton mal assuré.
-Évidemment, puisque c’est moi qui l’ait ! Alors, tu vas aller boire un coup avec lui ? Ça te plairait ?”
Il y avait une menace à peine voilée dans la voix grave de Louis. Ses yeux d’un bleu profond scrutaient Albus avec dégoût.
“Qu’est-ce que ça peut te foutre ? brava Albus en se redressant. C’est pas toi qui va y aller, non ?”


Louis pâlit un peu et se pencha en avant. Son bras empêchait Albus de bouger. Très bas, il lui murmura à l’oreille à toute vitesse, comme s’il avait peur d’être entendu.


“Je te signale qu’on en a déjà un dans la famille. Si tu veux finir comme Percy, dis-le moi. Je me ferai un plaisir d’en parler moi-même à Grandma.”


Albus se raidit. Louis se redressa et s’écarta, méprisant.


"Ça commence à bien faire. Entre le Cracmol, la cinglée qui traîne avec des Sangs-de-Bourbe et maintenant cette lettre… Vous avez tous décidé d’enterrer la réputation de cette famille, c’est ça ?!
-Eh, qu’est-ce qui se passe ici ?”


Teddy. C’était Teddy, qui passait à l’instant la Grande Porte, qui venait tirer Albus de ce bourbier. En le voyant, la tension qui lui avait raidit les membres s'évanouit. Tout son corps se relâcha. Teddy était là.


“Une petite discussion entre cousins, rien de plus, se justifia Louis en arrangeant sa robe de sorcier. Mais on allait y aller, d’ailleurs. Hein, Albus, on te laisse, tu as sûrement d’autres choses à faire ? Allez, les gars, on y va.”


En moins d’une minute, ils avaient vidé les lieux. Albus vérifia qu’ils avaient tourné l’angle du couloir. Teddy s’avança vers lui et il posa sa tête brune sur son torse. Un instant, il se sentit en sécurité. Il se laissa aller quelques secondes, profitant de la chaleur qui émanait du jeune homme.


Au bout de quelques minutes, il sentit Teddy lui tapoter le dos d’un geste gauche et mal-assuré. Quelque chose clochait.


“Il voulait quoi ? demanda Teddy.”


Albus ne leva pas les yeux. Il sentait que quelque chose n’était pas normal. Il l’entendait aux accents de gène dans la voix de Teddy. De toutes ses forces, il espérait avoir tort, et quand il lèverait les yeux, Teddy lui sourirait. Mais l’air de Teddy était grave. Il semblait mal à l’aise.


“Il voulait rien, il me parlait d’un devoir que j’ai déjà fait l’an dernier. Qu’est-ce qu’il y a, Ted ?
-Rien.

-Arrête, soupira Albus. C’est pas rien. Je le vois.”


Il jeta un regard pour vérifier qu’ils étaient seuls et tenta de se hisser à sa hauteur pour l’embrasser. Teddy détourna la tête, encore plus mal à l’aise que quelques minutes auparavant. Albus sentit les larmes le gagner. Il avait pensé toute la semaine à ce moment. Il se l’était imaginé des dizaines de fois, et maintenant il était fichu.


"Écoute, Al, je… J’ai cédé, la semaine dernière, mais j’aurai pas dû. Tu es toujours beaucoup trop jeune, et moi je travaille au cabinet de Percy… Tu te rends compte de ce qui se passerait, si ça venait à se savoir ?
-Et tu as eu besoin d’une semaine pour réfléchir à tout ça ? gronda Albus entre ses dents. T’étais obligé d’attendre de revenir pour me dire ça ? Ou tu le savais déjà la semaine dernière, mais ça t’amusait de me faire courir ?
-Arrête, c’est pas comme ça ! protesta Teddy en s’écartant.”


Albus serra les poings de rage. De nouveau, la colère lui remontait dans la gorge. C’était injuste.


“Alors j’avais raison, tu t’es juste bien moqué de moi ! Tu t’en fous de moi, en fait ! Tu voulais juste...
-Quoi ? Non ! J'étais sincère, balbutia Teddy.
-Allez c’est bon, j’ai compris. Je t’embêterai plus. Et t’en fais pas vas, je ne dirai rien à personne, ajouta Albus en tournant les talons.
-Al, attends !
-FOUS-MOI LA PAIX ! VAS DONNER TON COURS À LA NOIX ET FOUS-MOI LA PAIX !”

Partie 1, interlude 12 by Emojifeu
Author's Notes:

(Hello,
Sachez que j'aime d'un amour profond ces deux débiles).

Basil et Eden, à deux doigts de découvrir le concept d’homosexualité


BASIL : Il est passé où Albus ? 

 

EDEN : Je sais pas, mec. Il est trop chelou en ce moment. Fais gaffe, t’as fait tomber ton parchemin, là.

 

BASIL : Rah, merde. Comment ça, Al il est chelou ?


EDEN : Gars, il est tout le temps dans la lune.


BASIL : Tu trouves ? Bof, j’sais pas...  Il est toujours ailleurs de toute façon, non ?


EDEN : Nan, rien à voir. Y a un truc, je t’assure que c’est pas normal. Il est grave fuyant, il répond à peine quand on l’appelle, il fait zéro vannes… Vendredi dernier il est rentré hyper tard dans le dortoir et il a jamais voulu me dire ce qu’il fichait.


BASIL : Ah bon ?! J’me souviens pas de ça, moi !


EDEN : Normal, tu ronflais déjà !

 

BASIL : Je ne ronfle pas.

EDEN : Mec, après six ans et demi à dormir à deux lits de toi, je dois t’annoncer une nouvelle terrible : tu ronfles.


BASIL : Lâche-moi. P’t’être qu’il a vraiment une meuf.

 

EDEN : Qui ?

 

BASIL : À ton avis, de qui on parle depuis tout à l’heure ? Albus, il a peut-être une copine.


EDEN : S’il avait une meuf, il nous le dirait. Ou alors on l’aurait vue, la meuf, non ? Difficile de louper une nana qui galoche ton meilleur pote.


BASIL : Hum… P’t’être qu’il a une meuf genre secrète. Oh ! OH ! Imagine il sort avec McGo ?!


EDEN : Déjà, beurk. Ensuite, t’es vraiment bizarre toi. Il se passe de ces trucs dans ta tête… 


BASIL : Non mais mec imagine ! Il nous le dit pas parce qu’il sort avec une prof ! Grave possible !


EDEN : Tu vois Albus draguer une prof, toi ?


BASIL : Je vois pas Albus draguer, de toute façon. J’sais pas, il a jamais été à fond sur une meuf non ? J’veux dire, on est potes depuis toujours et il a jamais parlé d’une seule nana je crois.


EDEN : Bon point. C’est vrai que ça l’intéresse pas des masses…

 

BASIL : Contrairement à toi, hein, charo ! 

 

EDEN : Eh, ça va ! 

 

BASIL : Un nouveau plan toutes les deux semaines, faut reconnaître qu’à ce stade c’est presque du sport. Pas trop fatigué ? 

 

EDEN : Fous-toi de moi, en attendant moi il m’arrive des trucs. Parce que la dernière fois que j’ai croisé Neela, eh bah elle était toujours bien occupée à t’ignorer.

 

BASIL : Oh ça va ! Ça prend un peu de temps, c’est tout ! J’suis pas pressé, moi je ne fais pas dans le fast-food affectif. 

 

EDEN : C’est ça… 

 

BASIL : … 

 

EDEN : …

 

BASIL : Bon, et pour Al alors, c’est quoi le soucis si c’est pas une histoire de coeur ? 

 

EDEN : Ben j’sais pas, moi… Un truc de cours peut-être ?


BASIL : Ou un problème avec sa famille. En tout cas, il sort pas avec une prof.


EDEN : Non, personne ici ne sort avec une prof. T’es vraiment chelou.

Partie 1, chapitre 13 - “Sérieusement, Maggie ?!” by Emojifeu
Author's Notes:

Hello :)

Aujourd'hui on entame le début de la fin de cette partie 1, composés de quatre chapitres qui se suivent dans une période de temps très court pour la résolution du 1er arc.

J'ai encore dû mettre l'interlude à la fin de ce chapitre pour des raisons de "c'est trop court".

J'espère que ça vous plaira !

Emojifeu

Chapitre 13 - “Sérieusement, Maggie ?!”


La bibliothèque était remplie d’élèves de septième année qui consultaient de vieux ouvrages élimés, les mains fébriles et le regard frénétique. Les premiers examens blancs approchaient à grand pas. Personne dans le château ne pouvait l’ignorer, tant l'effervescence des élèves les plus âgés était bruyante et visible. Toutes les tables de la bibliothèque étaient occupées et certains élèves de cinquième année, qui souhaitaient travailler eux aussi, s’étaient vu refuser l’entrée des salles de révision.


L’agitation ambiante troublait la concentration de Scorpius. Un livre de métamorphose ouvert devant lui, il relisait la même phrase depuis presque cinq minutes, cherchant à comprendre comment fonctionnait le charme de transfert dont il était certain qu’il serait proposé à l’examen. Bumblebee avait bien insisté dessus au dernier cours. La barbe. Scorpius n’était pas mauvais en sortilèges, mais ce charme lui donnait du fil à retordre. La dernière fois, le motif tartan qu’il avait essayé de transférer à la place des gravures sur une coupe en cristal avait bavé le long des parois du verre et s’était répandue sur la table, le forçant à nettoyer sous le regard atterré de son professeur et du reste de la classe. Un vrai moment de plaisir.


Il n’arrivait pas à se concentrer depuis une semaine. Maggie investissait ses pensées de façon aléatoire, arrivant sans s’annoncer et s’installant dans un coin de son cerveau sans qu’il puisse la déloger. Ou alors, il arrivait à ne pas y penser, puis il l’apercevait dans les couloirs et la foule de questions reprenait sous son crâne durant l’heure qui suivait. Il ne comprenait toujours pas pourquoi elle était partie aussi vite, cette fois où ils étaient rentrés ensemble de Pré-au-Lard. Et ce n'était pas comme si elle lui avait expliqué ! Elle prenait un soin tout particulier à l’éviter depuis cette fameuse soirée, fuyant les moments où ils auraient pu être seuls. Impossible de discuter avec elle en tête à tête - et il ne pouvait pas en parler quand les autres étaient là. Brillant.


Parce que les autres étaient toujours là. Depuis leur escapade en groupe aux Trois Balais, Scorpius passait de plus en plus de temps avec Rose, Damian et les autres. Cette semaine, ils l’avaient presque tous les jours invité à le rejoindre à leurs tables aux repas, et l’avaient inclus dans leur groupe de révision. Cette nouvelle proximité avec eux lui plaisait assez. Il les connaissait de visu depuis des années, mais ne savait pas Neela aussi drôle, ou Augustus aussi m’as-tu-vu.


Scorpius soupira. Il avait encore laissé son attention dériver sur autre chose. Il se força à relire une fois de plus son manuel de Métamorphose. “Un quart de cercle vers la gauche…” Oui, oui, il savait ça ! Il n’avançait pas. Agacé, il ferma le livre. Le bruit résonna dans la bibliothèque et une rangée d’élèves sur sa droite lui lança un regard courroucé. Oh, ça va !


“Mec, murmura Damian, y un problème ?
-J’arrive pas à faire marcher ce sort à la noix, répondit Scorpius sur le même ton. Viens on fait une pause.
-Ça fait à peine deux heures qu’on bosse !
-Tu as mal prononcé “Oui, tu as raison Scorpius, ça fait deux heures qu’on bosse et ma tête va exploser, barrons-nous de cet endroit maudit.”


Damian se mit à rire, un peu trop fort au goût de la bande de rabats-joies qui occupaient la table de derrière.


“T’as gagné vas, on y va. Neela, Augustus, appela-t-il en chuchotant, on bouge ?
-Par Merlin oui, souffla la jeune femme.”


En deux temps trois mouvements, les livres étalés devant eux retrouvèrent leur place sur les étagères et leurs plumes et parchemins se rangèrent dans leurs sacs. Moins d’une minute après, ils étaient sortis de la bibliothèque. Scorpius soupira de soulagement en arrivant dans le couloir.


“J’ai cru que mon cerveau allait fondre ! Quelle angoisse ces révisions !
-On va se planter dans les grandes largeurs, prévint Augustus, si on n’est pas capables de travailler plus de deux heures sans s’interrompre.
-Et bah au moins, on saura quoi bosser quand on aura nos notes ! C’est l’enfer d’avancer à l’aveugle comme ça, je ne sais même plus quoi réviser tellement il y en a !
-Et encore, ajouta Neela, songe qu’on n’est qu’en janvier… Qu’est-ce que ça va donner en mai, sérieusement ?
-Viens on n’en parle pas.”


Leurs pas les menaient vers l’entrée du château sans qu’ils ne s’en aperçoivent. Les couloirs étaient vides et il faisait un froid terrible, à glacer les os. Scorpius ajusta l’écharpe moutarde autour de son cou.


“De toute façon, déclara Damian, je vois pas bien à quoi ça va me servir, de connaître la différence entre le napel et l’aconit. J’ai pas prévu de devenir le prochain professeur de potions de ce bahut !
-Heureusement, répondit Neela en levant les yeux au ciel, c’est la même plante, abruti ! Et je sais pas, tu t’es jamais dit que si quelqu’un prenait son temps pour te l’enseigner, c’est bien que ça avait une utilité ?
-Pour devenir journaliste ? Non, pas vraiment ma vieille. Au fait, Scorpius, on n’a pas eu l’occasion d’en parler mais toi, tu veux faire quoi plus tard ?
-Je, euh… C’est à dire qu’en fait, j’ai, euh… On n’a pas vraiment, hum...
-Bah alors, c’est déjà terminé ces révisions ?”


Merci Merlin, il était sauvé ! Scorpius se retourna. Rose et Maggie, les joues rougies par le froid, se tenaient juste derrière eux.


“Il est déjà cinq heures ? demanda Neela d’un ton paniqué.
-Presque, mais on n’en pouvait plus de replanter des machins dans la serre. Et nos pousses grandissent à une vitesse folle !
-Je ne comprendrais jamais pourquoi vous avez décidé de passer un ASPIC de Botanique, dit Augustus. On passe son temps à se salir, faut faire des heures en plus le week-end et cerise sur le gâteau, le prof est détestable, ironisa-t-il.
-Arrête, il est sympa ton père. Et j’aime bien les plantes ! Le vrai souci, c’est qu’on se les gèle en hiver, ajouta Maggie désolée.
-Vous parliez de quoi ? Pourquoi celui-ci est tout blanc ? demanda Rose en désignant Scorpius.”


Oh oh. Il n’allait pas y couper. Dommage, il avait vraiment cru que l’arrivée des filles lui permettrait d’éviter cette conversation atroce.


“Il allait nous expliquer ce qu’il a de prévu de faire après Poudlard, mais je me demande s’il va faire un malaise avant ou après, répondit Damian en souriant d’une oreille à l’autre.
-Oh, ça va, s’agaça Scorpius. Vous avez très bien compris, mes explications étaient parfaitement claires, ajouta-t-il avec mauvaise foi.
-Ouais, ce que j’ai compris c’est que t’en as pas la moindre idée, rigola Neela.
-Comme si vous saviez mieux que moi !
-Journaliste.
-Aurore.
-Avocate.”


Déstabilisé par ces réponses du tac-au-tac, Scorpius se tourna vers Rose, cherchant un soutien. Peine perdue.


“Ne me regarde pas, on sait aussi ce qu’on fait avec Maggie ! On veut monter une commission d’aide aux Moldus, pour les aider à résoudre leur problème d’énergie.
-Faire quoi ?
-En gros, expliqua Maggie les yeux vissé au sol, on aimerait bien intéresser le monde sorcier à la crise écologique qu’on traverse.”


La quoi ? Scorpius était perdu.


“T’en fais pas mec, lui glissa Damian, il a fallu qu’elle m’explique trois fois avant que je ne comprenne.
-C’est pas si compliqué ! s’agaça Maggie. En gros, les Moldus ont un souci avec leur source d’énergie, d’accord ? Leurs ressources sont limitées et polluantes, elles créent des déchets très dangereux ! Par exemple, ça provoque des changements dans le climat ambiant, ou bien ça provoque des maladies. Comme la magie est une ressource plus, euh, saine et qu’elle ne fait pas de déchets, je voudrais proposer à une commission d’examen la possibilité de fournir cette énergie-là aux Moldus, pour éviter qu’ils ne pourrissent définitivement la planète.”


Scorpius partit d’un éclat de rire franc, mais le sérieux imperturbable de Maggie le stoppa net. Elle était sérieuse ?


“Pourquoi tu te marres ?
-Je sais pas, euh… Ça va pas à l’encontre du secret du monde magique ?
-Pleins de Moldus dans le monde sont déjà au courant de notre existence. Le Premier Ministre de ce pays, pour commencer, répondit Maggie d’une voix froide.
-D’accord, mais c’est dû à un cas de force majeur, bégaya Scorpius.”


Il ne savait plus où se mettre.


“Mais là aussi, c’est un cas de force majeur ! Ça bousille la planète sur laquelle on vit aussi, je te le rappelle ! On fera quoi, quand ils auront tout détruit ? Parce que je te rappelle qu’il y a bien plus de Moldus que de Sorciers ! On n’a pas vraiment d’autres endroits où aller, non ? Si on est condamné à vivre au même endroit, je ne crois pas que détourner le regard et attendre que ça passe fonctionne dans ce cas-là. Je pense que s’il est en notre pouvoir de les aider pour ces questions d’écologie, on devrait le faire, non ?
-Euh, oui. Pardon, soupira Scorpius, je ne voulais pas t’énerver, je ne savais même pas ce que c’était que ces cologies.”


Maggie fronça les sourcils, puis se mit à rire sans prévenir. Elle se moquait de lui, maintenant ? Scorpius ne se vexait pas en trois phrases, d’habitude, mais ça commençait à faire beaucoup !


“Non, “l’écologie”, en un seul mot !”


La colère de Scopius retomba en une fraction de secondes. Pendant une minute, tout était redevenu normal, et Maggie lui souriait sans détourner les yeux. Autour d’eux, les autres riaient aussi de sa bourde, et les conversations reprenaient petit à petit. Il prit son courage à deux mains. C’était maintenant ou jamais.


“Maggie, demanda-t-il en se sentant rougir, tu veux faire un tour dans le parc ?”

 

La jeune femme perdit son sourire et baissa les yeux. Pitié qu’elle dise oui.


“Pourquoi pas, souffla-t-elle assez bas.”


Dehors, la neige tombée la veille commençait à fondre. Le soir tombait vite, Scorpius n’apercevait déjà plus la vieille cabane de l’ancien garde chasse, devenue depuis une remise. Il faisait encore plus froid que dans le château, et il se surprit à frissonner. A côté de lui, Maggie marchait d’un pas hésitant. Elle paraissait perdue dans ses pensées. Au bout de quelques pas, et après s’être assurés qu’ils étaient bien seuls, Scorpius se tourna vers elle.


“Eh.
-Eh, souffla la jeune femme.”


Elle refusait de croiser son regard, la tête basse. Elle n’avait rien de la jeune femme enthousiaste et un peu gauche qui l’avait invité la semaine précédente à se joindre à elle et ses amis au pub. Scorpius se sentait démuni, ne sachant pas comment entamer le dialogue.


“T’as froid ?
-Un peu… Ça caille, dehors.
-Tiens.”


D’un geste maladroit, il enroula l'écharpe qu’elle lui avait donnée autour de son cou à elle, l’arrangeant du mieux qu’il put sur ses épaules. Quelques mèches de cheveux se prirent dans les plis de laine.


“Merci.
-Tu me la rendras, hein ? Enfin, je sais que c’est la tienne mais je l’aime bien. Elle est plus chaude que mon écharpe de Serpentard. Et puis, maintenant je sais que mon sang va pas s’embourber parce que je porte ton écharpe…
-Pardon ?”


Maggie l’avait coupé net, la voix grondante. Elle fit un pas en arrière. Malgré la pénombre, Scorpius distinguait un éclat de colère brillant à la surface de ses pupilles bleues. Aïe.


“Non non pardon, c’est ce que tu m’as dit quand tu me l’as donnée ! Je ne voulais pas…
-Il y a des choses que je dis qui sont marrantes quand c’est moi qui les dit, lâcha Maggie, méprisante. Ça veut pas dire que tu dois les répéter n’importe comment !
-Je suis désolé, je savais pas, bégaya Scorpius. Je voulais pas me moquer de toi.
-Eh bah, c’est raté ! Et même, qu’est-ce que je fais là, moi ? Si tu as un truc à dire, dis-le. Sinon, je rentre me mettre au chaud.”


Scorpius, la bouche ouverte sous le coup de la surprise, ne répondit rien. Maggie le fixa une seconde et tourna les talons d’un pas résolu, empruntant le même chemin qu’ils avaient pris quelques minutes plus tôt pour rejoindre cet endroit du parc.


La surprise se mua en colère en un instant. Ça commençait à bien faire ! Une semaine qu’elle ne lui adressait pas la parole, qu’elle l’esquivait et maintenant, elle le plantait là ? C’était hors de question. Scorpius était venu pour avoir une réponse et par Merlin, il allait l’obtenir.


“Maggie ! Maggie attends-moi !”


Il courut sur le chemin de terre et, arrivé à sa hauteur, lui attrapa la manche. Elle se retourna, plus énervée encore. Mais il en avait assez de se laisser faire.


"Ça va pas ou quoi ? Fiche-moi la paix ! siffla Maggie en se dégageant.
-Explique-moi pourquoi tu t’es barrée la semaine dernière et je te laisse tranquille jusqu’à la fin de l’année, si c’est ça que tu veux !
-Mais je te dois rien !
-C’est pas la question ! cria presque Scorpius. C’est toi qui m’a invité à venir avec vous, toi qui m’a raccompagné au château, et c’est toi qui…
-Tais-toi ! le coupa Maggie, l’air effrayé.
-C’est toi qui m’a embrassé, termina Scorpius. Et c’est toi aussi qui est partie en courant et qui refuse de m’adresser la parole depuis une semaine ! Tu me dois rien, mais tu pourrais avoir la décence de m’expliquer !
-Mais je…”


C’était au tour de Maggie de balbutier. Elle semblait chercher ses mots, hagarde.


“Je sais pas, je… J’aurai pas dû...
-Partir ?
-Non, j’aurais pas dû, euh…
-Sérieusement ?! explosa Scorpius. Sérieusement Maggie ?! Quoi, tu t’en veux de t’être jetée sur moi, c’est ça ? Tu regrettes ?
-J’ai pas dit ça !
-Mais c’est bien le souci, tu ne m’as rien dit du tout ! Tu ne me dis rien du tout, d’ailleurs, parce que c’est pas vraiment comme si tu me parlais, là !”


Silence. Il fulminait de colère. Maggie le fixait comme si elle le voyait pour la première fois, hésitante et confuse. Son silence l’énervait encore plus. Scorpius soupira.


“Je ne comprends pas… Je ne comprends juste pas pourquoi tu es partie. Ou si tu regrettes, je ne comprends pas pourquoi t’es pas venue m’en parler. Je te fais peur ?
-Je ne sais pas, Scorpius, je suis désolée… Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, et je ne sais pas pourquoi je suis partie. Je sais juste que je voulais pas t’en parler avant d’être sûre…
-Mais sûre de quoi ?”


Maggie resta muette. Elle baissa les yeux vers le sol. La frustration lui serrait la gorge. Il avait l’impression de bouillir. Il en avait marre de se faire balader. Marre d’avoir le sentiment désagréable qu’elle se moquait de lui. D’un geste brusque, il ajusta son sac sur son épaule et se dirigea vers le château.


“Tu sais quoi, lança-t-il par dessus son épaule sans se retourner, tu me feras signe quand tu sauras. J’peux pas, là."


Il marcha d’un pas rapide, espérant qu’elle ne le suivrait pas. Plus il avançait, plus ses enjambées devenaient grandes. Il voulait mettre un maximum de distance entre eux. La colère et la nuit qui tombait rendaient tout flou autour de lui. Il n’avait plus envie de penser. Il n’arrivait même pas à être triste, il était juste frustré qu’elle n’arrive même pas à lui parler. Comme s’il l’effrayait. Comme si elle avait peur de lui. Cette pensée était insoutenable, mais elle revenait sans arrêt. Est-ce qu’il lui faisait vraiment peur ?


En quelques minutes à peine, il avait rejoint l’entrée du château. La marche et l’air froid avaient fait retomber quelque peu son énervement, et Scorpius soupira. Il faudrait qu’il essaye de lui reparler, qu’il s’excuse. Un instant, il pensa à faire demi-tour pour aller la chercher, mais se força à ne pas le faire. Il avait besoin de temps, ou il allait à nouveau se mettre dans tous ses états.


Un choc terrible le frappa en pleine poitrine alors qu’il entrait dans le hall du château. Rose le percuta de plein fouet. 


“Où est Maggie ?
-Euh, dehors. Elle arrive, je crois. Rose, qu’est-ce que…”


En baissant les yeux, Scorpius remarqua deux choses. D’abord, que le Grand Hall était noir de monde - et ce n’était pas encore l’heure du dîner. Ensuite, les joues de Rose étaient trempées de larmes. Sa mine était déformée par l’angoisse. Ses yeux cherchaient partout une accroche sans se fixer nulle-part. Quelques sanglots désordonnés agitaient ses épaules par moment. Elle avait l’air en pleine crise de panique.


“Rose, ça va ? Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il en la serrant dans ses bras.
-C’est Hugo, ânonna-t-elle entre deux sanglots. Il a disparu.”

 

_

Interlude 13 :
Une annonce de Minerva McGonagall


“À tous les élèves entendant ce message,


Merci de rejoindre immédiatement la Grande Salle. Hugo Granger-Weasley, élève de cinquième année, manque à l’appel depuis hier soir. Il a été vu pour la dernière fois hier vers quatre heures dans la Salle Commune de Gryffondor. Si vous avez connaissance de quelque chose, ou que vous avez été témoin de la disparition, merci de prévenir votre directeur ou directrice de maison le plus rapidement possible. Toute information est importante.


Tous les élèves sont invités à prendre leurs affaires de nuit, ainsi que les éventuels documents de travail dont ils auraient besoin pour la soirée. En l’absence de piste concrète concernant la disparition de Monsieur Granger-Weasley, nous ne pouvons prendre aucun risque. Vous passerez la nuit dans la Grande Salle, où des commodités sont actuellement mises en place par vos professeurs.


Je vous enjoins à ne pas paniquer, puisque nous ne savons pas encore ce qui s’est passé. Il est néanmoins important que chacun soit responsable et coopératif.


Messieurs Louis Weasley, Grégory Raban, Justin Flood, Owen Eames et Scorpius Malefoy, ainsi que Miss Rose Granger-Weasley, sont invités à se rendre dans les plus bref délais à la table des professeurs.


Je répète, à tous les élèves entendant ce message, merci de rejoindre immédiatement la Grande Salle…”

 

Partie 1, chapitre 14 - “C’était une blague !” by Emojifeu
Author's Notes:

Bonjour,

Plus que trois chapitres avant la fin de cette première partie ! Ca va tomber pile sur la fin des vacances, je ne l'avais pas prévu mais c'est chouette.

(Voir note de fin après la lecture pour un commentaire personnel qui spoile).

Je vous souhaite une très bonne lecture !

Emojifeu

Chapitre 14 - “C’était une blague !”


Le brouhaha ambiant était insupportable. La rumeur constante bourdonnait dans ses oreilles, envahissait son crâne et l’empêchait de se concentrer. Rose essayait de ne pas y prêter attention, mais chaque son lui faisait tourner la tête, et elle s’attendait à apercevoir son petit frère partout alors qu’elle se précipitait vers la table des professeurs, à l’extrémité de la grande salle. Droite comme un “i”, le regard grave et la mine sombre, McGonagall l’attendait et lui fit signe lorsqu’elle arriva à sa hauteur.


“Miss Granger, avez-vous la moindre idée de ce qui a pu se passer ?
-Non, souffla Rose, aucune… Je l’ai vu hier pour la dernière fois alors qu’il se rendait en cours de soin aux créatures magiques. Personne ne l’a vu au dîner, j’ai demandé à Lily… Professeur, qu’est-ce qu’on va faire ? Vous allez le retrouver ?”

 

Les larmes lui montèrent au yeux en un éclair. Hugo… Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ? Est-ce qu’il était parti - mais comment ? Est-ce que Louis et les autres avaient enfin eu raison de lui, est-ce qu’il était quelque part dans le château, seul ou pire ? En train de se vider de son sang ? Elle frémit.


“Nous avons fouillé le château de fond en combles, dit McGonagall comme si elle pouvait lire dans ses pensées, mais nous n’avons rien trouvé.
-Ses affaires ?
-Tous les livres et son matériel sont dans son dortoir. Les seules choses qui semblent manquer sont sa cape et sa baguette magique.
-Qu’est-ce que ça veut dire ?
-Je ne sais pas, répondit la directrice d’un ton las. Soit il est sorti se promener et a fait une mauvaise rencontre, soit il est parti… La seule chose certaine, c’est qu’il n’est plus sur le domaine de Poudlard. Nous avons lancé tous les charmes de détection possibles et imaginables, et rien n’a fonctionné.
-Mes parents ? demanda soudain Rose.
-Ont été prévenus dès que nous avons constaté sa disparition. Votre père se charge d’avertir votre mère, qui était à une réunion à Londres. Ils ne devraient pas tarder.
-Qu’est-ce qu’on peut faire, Professeur ? Je veux partir le chercher !
-Rose, soupira MacGonagall, vous savez que c’est impossible. Je vous assure que le corps enseignant fait tout son possible pour retrouver votre petit frère.
-Et s’il ne veut pas être retrouvé ? Professeur, c’est mon frère, déclara Rose d’une voix larmoyante. Il a besoin de moi !
-Je ne le souhaite pas, mais si votre frère est en danger, je ne peux pas prendre le risque qu’il vous arrive la même chose.
-Et la Chambre des Secrets ? Vous avez regardé là aussi ?
-Comment connaissez-vous… Vos parents vous ont parlé de ça ?
-S’il vous plaît, répondez juste à ma question, sanglota Rose.
-C’est la première chose à laquelle nous avons pensé, mais il n’y avait rien. Le Basilic est mort depuis longtemps, et le dernier héritier de Salazar Serpentard aussi. La Chambre est vide.
-Professeur, vous vouliez nous voir ?”


Rose fit volte-face. Le Gang à Weasley au complet se tenait là, mal à l’aise. Flood fixait le sol, Eames se tordait les mains. Mais c’était Louis qui avait l’air le plus mal en point. Il avait perdu son habituelle moue arrogante. Ses cheveux roux ne flamboyaient plus du même éclat, et l'inquiétude se peignait sur son visage. Un tic nerveux l’agitait et il se mordillait la bouche à intervalle régulier. Une goutte de sang perlait à la commissure de ses lèvres. Il avait l’air pitoyable, mais cela ne parvint pas à éveiller un soupçon de pitié en Rose. Pire, le voir aussi misérable, dépossédé de sa superbe, la mit en colère. Il osait jouer la carte de l'inquiétude alors que - et Rose en était persuadée - il était la cause de la disparition d’Hugo ? Elle eut envie de le frapper et de faire disparaître cette angoisse feinte. Elle le haïssait.


“Professeur, c’est lui ! C’est de sa faute, s’exclama Rose en le pointant du doigt, je suis sûre que c’est de sa faute ! C’est lui qui a fait quelque chose à Hugo !
-Miss Granger…”


Mais Rose ne l’entendit pas. Elle était folle de rage. Louis croisa son regard et ce fut trop. Elle sentit la vague de colère la frapper de plein fouet et se jeta sur son cousin, le secouant dans tous les sens.


“QU’EST-CE QUE TU AS FAIT À MON FRÈRE ? IL EST OÙ ?
-Lâche-moi, gémit Louis, tu me fais mal !
-RÉPONDS ! QU’EST-CE QUE TU AS ENCORE FAIT À HUGO ?
-MISS GRANGER !”


Rose n’avait jamais entendu le professeur McGonagall élever la voix. La surprise lui fit lâcher le bras de Louis, qui recula d’un pas.


“Je sais que vous êtes inquiète, et que vous n’êtes pas dans votre état normal, mais je vais gérer moi-même cette discussion avec Monsieur Weasley et ses camarades, déclara McGonagall d’un ton sans appel. Vous pouvez rejoindre vos amis, je vous préviendrai si nous avons des nouvelles.
-Mais professeur…
-Maintenant, Miss Granger.”


Rose s’écarta. Elle avait l’impression d’avoir pris un coup. Titubante, elle s’éloigna de quelques pas, regardant son cousin discuter avec leur directrice.


“Rose ?”

 

La jeune femme tourna la tête et se retrouva nez-à-nez avec Maggie.


“Pardon, je suis restée dehors un long moment, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
-Hugo a disparu…
-Je sais, Damian m’a raconté, acquiesça Maggie. Elle a dit quoi, McGonagall ?
-Elle a prévenu mes parents, ils arrivent. Ils n’ont trouvé Hugo nulle-part au château, ils ont cherché partout…
-On va le retrouver.”


Rose sentit les larmes monter d’un coup. Elle était épuisée. Maggie lui caressa la joue, compatissante, et elle se jeta dans ses bras. Rose se laissa aller tout son soûl. La mince barrière qui retenait encore ses pleurs avait cédé. Les sanglots lui serraient la gorge et de grosses larmes roulaient sur ses joues. Maggie lui effleurait les cheveux du bout des doigts.


“Ne t’en fais pas, on va le retrouver. Calme-toi, murmurait-elle à son oreille. Ça va aller.”

 

Maggie lui prit la main et avec une grande douceur, l’entraîna vers le fond de la salle, où leurs amis les attendaient. Ils avaient tous l’air gêné, les bras ballants. En les apercevant, Rose sentit les larmes redoubler. Ils étaient aussi désemparés qu’elle. Elle n’eut même pas à parler. Lorsqu’elles arrivèrent à leur hauteur, d’un commun accord, ils la serrèrent tous dans leurs bras, formant un rempart qui l’abritait du reste du monde. Pendant un court moment, Rose resta au creux de cette étreinte chaude et familière.


“Bon, dit Damian lorsque Rose se redressa en reniflant, raconte-nous exactement ce qui se passe.”


Une nouvelle fois, elle expliqua ce que McGonagall lui avait dit, la disparition d’Hugo et la certitude qu’elle avait de la culpabilité de Louis. Ses amis l’écoutaient avec attention, sans l’interrompre.


“Et maintenant, termina-t-elle, on doit passer la nuit ici, et je ne sais même pas où il est, ni s’il est en sécurité… McGonagall a été très claire, elle ne me laissera pas partir à sa recherche.
-Tes parents vont arriver, ils vont pouvoir participer aux recherches, eux, répondit Neela d’une voix douce. Tu peux leur faire confiance. Au fait, j’ai demandé à une fille de Serdaigle, Emily je crois, de récupérer tes affaires.
-Merci, dit Rose en reniflant une nouvelle fois, c’est sympa…
-Si tu veux, déclara Scorpius, hissé sur la pointe des pieds, je crois que McGonagall a terminé avec Louis. Je peux aller lui casser la tronche pour savoir si c’est de sa faute.”


Rose eut un pauvre sourire. Maggie, en revanche, leva les yeux d’un coup et décocha un regard mauvais à Scorpius, qui le soutint. 


“Je suis sérieux, Rose. Je me le suis déjà payé, et je le referai si tu crois que ça peut aider.
-En quoi ça aide, de tabasser ce pauvre mec ? lança Maggie, fulminante.
-Déjà il le mérite, répondit Scorpius d’une voix sèche, et surtout ça pourrait l’inciter à parler un peu plus que les menaces de McGonagall. Je ne me souviens pas qu’il se soit jamais arrêté après qu’elle l’ait menacé trois fois d’exclusion - et oui, je suis certain qu’elle l’a fait trois fois, je l’ai suffisamment entendu s’en vanter.
-En même temps si je me souviens bien, pendant un moment ça ne te gênait pas trop, renifla Maggie d’un ton méprisant.
-Ça suffit ! s’écria Rose en sentant la colère remonter en flèche. Ce qui ne m’aide pas, c’est que vous vous chamaillez comme des gamins ! Vous parlerez de vos problèmes quand on aura retrouvé mon frère !”


Maggie baissa les yeux, penaude. Scorpius détourna le regard. Rose se força à respirer, tentant par tous les moyens de retrouver son calme. Ses émotions étaient en vrac, et elle n’arrivait plus à distinguer les bonnes idées des mauvaises. 


“Je ne vais pas lui casser la gueule, continua Rose, mais oui, je voudrais bien parler à Louis.
-Je viens avec toi, déclara Scorpius d’un ton sans appel.
-Moi aussi, ajouta Augustus en ramassant son sac. Eh, Weasley, appela-t-il à travers toute la Grande Salle, viens par ici !”


Rose se précipita à sa suite en le voyant foncer vers le petit groupe de sixième années qui s’était formé autour du Gang à Weasley. Quelques filles interrogeaient Louis, se demandant ce que leur directrice pouvait bien lui vouloir. “Elles vont être servies !” pensa Rose en serrant les dents.


“-Toi, lança-t-elle à Louis sans préambule, tu m’expliques tout de suite ce que tu as fait à mon petit frère !
-Et commence pas à raconter n’importe quoi, menaça Augustus.
-Mais je lui ai rien fait, à ton frère, gémit Louis en se recroquevillant, absolument rien ! Je l’ai pas vu de la journée, hier !
-Tu mens, siffla Rose.
-Non, il dit la vérité, s’interposa un des deux adolescents massifs qui lui servaient de garde du corps, on n’a pas croisé Hugo hier ! On a même fini par demander à des mecs de son groupe de Soins aux Créatures Magiques de lui balancer des Fangieux dessus, tellement on n’arrivait pas à mettre la main dessus !”


Rose resta interdite une seconde. Ce garçon était d’une bêtise abrutissante.


“Donc maintenant, quand ta victime préférée est introuvable, tu envoies des gens faire tes sales commissions à ta place ? explosa-t-elle en s’adressant à Louis. Tu es encore plus pitoyable que ce que je pensais !
-C’était une blague ! C’est bon, j’ai jamais voulu qu’il lui arrive quoi que ce soit, à ton frère !
-Une blague ?! Sérieusement ?! s’indigna Augustus. C’est une blague, ce qui se passe, là ? Tout le château qui cherche un môme de quinze ans parce que tu passes tes journées à le harceler ? Tu me répugnes. Viens Rose, on bouge. Il ne sait rien de plus, sinon il te le dirait. Il a tellement peur qu’il est à deux doigts de se pisser dessus.”


Rose sentit que son ami lui attrapait le poignet, qu’une main bienveillante la tirait en arrière. Tout ce qu’elle voyait, c’était le visage de Louis, ses cheveux roux qui luissaient dans la lumière des bougies magiques flottant au-dessus d’eux, et le sourire moqueur qui se dessina sur son visage lorsqu’elle s’éloigna. Elle cria de rage, se débattant pour l’atteindre, mais Scorpius fut plus rapide. D’un mouvement fluide, comme si c’était la chose la plus naturelle qui soit, il écrasa son poing dans le visage satisfait de l’adolescent, écorchant au passage son rictus qui céda sa place à une grimace de douleur.


“On va gagner du temps, déclara Scorpius d’une voix forte. Je vais aller dire moi-même à McGonagall que je t’ai mis un pain. Tu sais quoi ? On va aller la voir ensemble, avec tes copains là, comme ça on ira encore plus vite. Mais tu fous la paix à Rose, comme tu foutras définitivement la paix à Hugo lorsqu’il reviendra au château. C’est clair ? Un seul regard dans sa direction et je t’en colle un autre. Allez, bouge !”


Il attrapa la manche de Louis et se dirigea d’un pas résolu vers la table des professeurs. Le groupe de sixième années qui entourait Louis et sa bande s’écarta en panique pour les laisser passer. Les trois crétins qui accompagnaient Louis partout les suivaient, forcés d'accélérer le pas tant Scorpius était rapide.


“Je crois qu’on s’est fait un vrai ami, souffla Augustus en les regardant partir. Je ne suis pas sûr que j’aurai eu le cran de faire ce qu’il vient de faire.
-Moi non-plus, répondit Rose à mi-voix, encore sous le choc. Mais il ne risque pas grand-chose, son père est au Conseil d’Administration de l’école. Ça devrait aller. Ça devrait aller, non ? interrogea-t-elle, une pointe d’anxiété dans la voix.
-Bien sûr que ça va aller, ne t’en fais pas. Il ne va pas se faire renvoyer pour ça. Et je suis assez d’accord avec lui, Louis méritait cette droite depuis un moment.
-C’est la deuxième qu’il lui met en quelques semaines…
-Il en méritait largement deux.”


Pourtant, Rose ne ressentait aucun soulagement. Maggie avait raison, ça n’avait pas aidé. Pire, ça avait dû empirer les choses, et maintenant Scorpius allait sans aucun doute être puni. Peut-être même que les professeurs jugeraient le sujet assez sérieux pour prévenir ses parents. Rose renifla. Elle en doutait. Après tout, personne n’avait jamais trouvé que ce que Louis faisait subir à Hugo était assez important pour en informer ses propres parents. Elle regrettait un peu d’avoir promis à Hugo, lorsque ce sale type avait commencé à s’en prendre à lui alors qu’il était en troisième année, de ne rien dire. Elle avait tenu parole, mais n’avait jamais imaginé qu’ils en arriveraient là. Elle aurait pourtant eu l’occasion des dizaines de fois d’aborder le sujet avec sa mère, ou son père, et de dire que c’était leur cousin qui était responsable du mal-être d’Hugo. Rose se mordit la lèvre. Elle aurait dû… Elle aurait dû parler. Hugo lui en aurait voulu un temps, mais au moins il serait toujours ici.


La culpabilité lui enserra le cœur d’un coup, l’étouffant et menaçant de l’avaler toute entière.


“-Rose ? appela Augustus. Ça va ?
-C’est ma faute, murmura la jeune femme. C’est ma faute aussi si Hugo est parti.
-Quoi ? Non, bien sûr que non !
-Mais je n’ai rien dit à personne. J’ai gardé le secret. Personne n’en a jamais parlé, ni Albus, ni James, ni Lily… Personne n’a rien dit, alors qu’on savait tous. On est aussi responsables que Louis...
-Rose, écoute-moi. Tu n’as pas toujours assuré, mais ce n’est certainement pas ta faute. Tu as essayé de le protéger, je sais que tu as toujours voulu protéger Hugo, affirma Augustus en lui serrant la main. Et ça sert à rien de chercher des coupables maintenant. Ce qui importe, c’est de retrouver ton frère.
-Rose !”


La voix frêle lui fit tourner la tête. Au loin, surnageant au milieu d’une marée d’élèves qui peinaient à lui dégager un chemin, Albus l’appelait. Rose lança un regard à Augustus, qui fit un signe de tête et s’avança vers le jeune homme. Albus souffla en arrivant enfin à leur hauteur. Il était essoufflé comme s’il courait depuis dix bonnes minutes.


“-Al ? Tu étais où ? Tu l’as vu ?
-Attends… Ah…”


Albus avait du mal à reprendre son souffle. Chaque inspiration entamait un peu plus la patience de Rose, qui ne parvenait plus à se contenir.


“Al !
-Pardon ! J’étais à l’autre bout du château quand l’alarme s’est déclenchée, je viens d’arriver.
-Tu sais où il est ?
-Non, déclara Albus en se redressant, je ne sais pas où il est. Mais je sais qu’il est partit tout seul, et je sais comment.
-Quoi ?! Mais comment…
-Rose, l’interrompit Albus d’une voix grave, je suis désolé.”

 

Albus parut incapable de soutenir son regard une seconde de plus. Il baissa les yeux au sol. Sa mine était sombre et il tapait le sol du pied tant il était nerveux.


“C’est de ma faute si Hugo est parti, lâcha-t-il enfin. C’est moi qui lui ai montré comment faire.”

 

End Notes:

(J'ai bien aimé quand Louis s'est pris une droite. Pour la deuxième fois.
Bisous !)

Partie 1, interlude 14 by Emojifeu

Où Louis est enfin puni


“S’il s’avère que vous êtes à l’origine de la disparition de Monsieur Granger-Weasley, déclara McGonagall, je suis au regret de vous informer que vous passerez en Conseil de Discipline. Je ne vous cache pas qu’il est plus que probable que la solution envisagée soit le renvoi, pur et simple.


-Mais Professeur…


-Tous les quatre, ajouta-t-elle d’un ton sans appel. Ces trois dernières années, nous n’avons pas cessé de vous rappeler à l’ordre. Il est grand temps que vous compreniez que vos actes ont des conséquences.

 

-C’est injuste, souffla Louis.


-Injuste, Monsieur Weasley ? Je ne crois pas, répondit McGonagall d’une voix sèche. Ce qui est injuste, c’est qu’un élève de quinze ans soit dehors, sans que personne sache où il se trouve, probablement par votre faute, et que vous soyez ici à rire et vous réjouir avec vos amis de son départ. Ça, c’est injuste.

 

-Mais on n’a rien à voir avec tout ça ! On ne l’a pas vu depuis deux jours !


-Je suis désolée que nous soyons obligés d’en arriver à ces extrémités. J’ai tout essayé avec vous, Monsieur Weasley. J’ai essayé de parler avec vous, comme mon prédécesseur l’aurait fait, j’ai essayé de vous menacer, j’ai essayé de vous faire comprendre la gravité de vos actes, j’ai essayé de vous donner des responsabilités pour que vous preniez la mesure de votre comportement. Rien n’a porté ses fruits. En tant qu’enseignante, je vous ai failli. Et vous ne me laissez plus d’autre alternative. Parce qu’à chaque fois que j’échoue avec vous, ce n’est ni vous, ni moi qui sommes punis. C’est un jeune garçon qui a déjà suffisamment de problèmes à gérer sans que vous en rajoutiez. Et je suis aussi responsable que vous de la situation présente, et comme vous qui passerez en Conseil de Discipline, j’assumerai mes erreurs auprès de ses parents. Vous n’êtes pas le seul en cause ici, bien au contraire.

 

-Mes oncles n’ont jamais été renvoyés de cette école, et pourtant ils faisaient d’avantages de bêtises que moi !


-Oui, répondit McGonagall, songeuse, les jumeaux n’ont jamais été exclus... Peut-être parce que Fred et George étaient moins violents, peut-être parce qu’il n’y a jamais eu de plainte pour harcèlement à leur encontre. Peut-être aussi qu’à cette époque, nous considérions les choses différemment, et que nous ne voyons pas le mal sous-jacent à leurs plaisanteries. Je ne suis sûre de rien. Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui un de mes élèves a disparu, et qu’il est plus que probable que vous en soyez la cause. C’est un problème que je compte résoudre. Ma priorité est de retrouver Monsieur Granger-Weasley. Mais soyez assuré que je m’occuperais de votre cas dès qu’Hugo aura réapparu. Et vous passerez en Conseil de Discipline, conclut-elle. C’est tout, Monsieur Weasley.


-Professeur !


-J’ai terminé, Louis. Vous pouvez retourner avec vos camarades.”


Partie 1, chapitre 15 - “Tellement, tellement peur…” by Emojifeu
Author's Notes:

Bonjour !

Aujourd'hui, avant-dernier chapitre de cette première partie !

Vous serez content.e.s d'apprendre que l'écriture de la 2e partie a commencé et est bien avancée. Je dois encore évaluer le temps que ça va me prendre, plus d'info à venir à ce sujet la semaine prochaine en note de fin.

Je vous prépare aussi une petite surprise pour patienter en attendant la partie 2, je vous en redis plus bientôt.

Il est temps de conclure l'histoire d'Hugo, je vous laisse découvrir tout ça.

Bonne lecture !

Emojifeu

Chapitre 15 - “Tellement, tellement peur…”


Odeur du feu qui crépitait dans la cheminée. Thé bouillant entre les mains. Murmures ininterrompues des conversations se déroulant en arrière-plan. Parfois, un rire ou une voix résonnait plus fort que les autres. Teddy avait du mal à se concentrer sur le sujet. La réunion n’en finissait plus de durer. Trois heures qu’ils échangeaient leurs idées sur le plan de communication de la campagne de Percy. 


Ses pensées retournaient toujours au Grand Hall de Poudlard. Où Albus l’avait laissé en plan la semaine dernière. Il revoyait sans cesse le garçon se retourner, lui hurler de le laisser tranquille et s’éloigner dans le couloir immense et sombre. Son cri avait résonné sur les murs de pierre. Teddy n’avait pas voulu lui courir après. Il se sentait minable. Il ne savait pas s’il aurait dû, ou si c’était mieux comme ça. C’était sans doute mieux comme ça.


“Teddy ? Teddy, tu es avec nous ?”


Il leva les yeux. Hermione, Hannah et Percy le fixaient.


“Pardon, je suis fatigué, il se justifia en se redressant.
-Ca fait un moment qu’on y est, Percy lui accorda, je comprends. On a bientôt fini.
-J’ai loupé la dernière phrase, je crois, Teddy dit. On était sur quoi ?
-La vie personnelle de Percy, répondit Hermione.
-Moi, en fait, Olivier répliqua d’un ton sec. On parlait de moi.
-Olivier…
-J’ai compris, j’ai compris, il concéda en se levant. Mais je ne peux pas rester là à vous écouter parler de moi comme d’un obstacle à vos grandes ambitions politiques. Je vais prendre l’air.”


Agacement dans son regard lorsqu’il se redressa. Mouvement fluide, rapide. Énervé. Sa main attrapa une veste sur la patère de l’entrée. Il vida les lieux en quelques secondes. Percy soupira.


“Je suis désolé…
-Il a raison, déclara Hermione en baissant les yeux. Je sais qu’il faut qu’on aborde le sujet, je sais qu’il faut qu’on trouve une façon de parler de ça à la presse, mais c’est normal que ça soit difficile pour lui. C’est votre vie, Percy.
-Teddy, Percy commença en se tournant vers lui, qu’est-ce que tu en penses ?
-Qu’est-ce que je pense de… ?
-On se demandait s’il fallait qu’Olivier et moi évitions d’être vus en public d’ici la fin de la campagne, Percy résuma. Et j’aimerai beaucoup avoir ton avis là-dessus.”


Un soupçon d’attente traînait dans sa voix. Teddy savait très bien pourquoi il lui demandait son avis à lui. Il prit une minute pour réfléchir à la question.


“Je crois, il dit enfin, qu’il ne faut pas mentir. Je pense qu’on ne peut pas faire de grande déclaration à la presse en déclarant que notre candidat vit avec un homme, mais que ce n’est pas une bonne idée de le cacher non-plus. Si on le traite comme un tabou et que la presse le découvre par la suite, alors ils en feront un scandale. Si on est honnête directement, ils ne pourront pas nous atteindre avec ça.”


L’ironie de la situation était mordante. Il avait tenu le discours inverse à Albus la semaine précédente. Il s’en était même servi comme d’un argument pour le repousser ! Teddy se sentait très petit.


“Je suis d’accord avec toi, répondit Hannah, mais tu sais que ça va être dissuasif pour certains électeurs.
-Ma mère, par exemple.”


Percy rit jaune à sa propre mauvaise vanne.


“Oui, Teddy concéda, mais d’une part ça peut nous aider à attirer les votes d’une autre frange de la population, et surtout, ça confirmera le programme d’ouverture que Percy s’efforce de mettre en place.
-Malefoy va forcément utiliser cet argument contre nous, Hermione prévint.
-Ce à quoi nous répondrons, Teddy répliqua, que nous avons la décence de ne pas l’attaquer sur le plan privé, car sa vie personnelle ne regarde que lui, et que nous sommes là avant tout pour un débat politique, pas pour jouer à qui décrochera le plus gros scandale dans Sorcière Hebdo.
-Excellent, Percy souffla avec admiration. Tu es vraiment devenu un très bon communiquant.
-Je fais de mon mieux. Cependant, Teddy reprit après une courte pause, ça ne veut pas dire qu’il faut vous afficher partout et tout le temps ! Vis ta vie normalement, mais n’en fait pas trop non-plus. On ne veut pas surjouer cette carte-ci, ça serait très mal perçu.
-C’est d’un cynisme, Hannah grogna.
-La politique, c’est cynique, balaya Percy d’un revers de main. Je suis d’accord avec Teddy, on peut tout à fait essayer de s’en tirer comme ça. Et ça m’évitera de me disputer avec Olivier, en prime. Il va vite devenir invivable si je lui dis qu’on ne peut plus sortir au resto pour les cinq mois à venir, il ajouta avec malice.
-Est-ce qu’on a…”


Hannah ne termina jamais sa phrase. Un “CRAC !” sonore retentit dans l’appartement. Ron apparut d’un coup à quelques centimètres de sa femme. Il avait transplané au milieu du salon et avait manqué de peu de renverser la table basse.


“Hermione !
-Ron ? Mais qu’est-ce que… ?
-Je viens de recevoir un message de Poudlard, il la coupa. Hugo a disparu.
-Quoi ?! Comment…
-McGonagall n’en a aucune idée, Ron répondit avant qu’elle ne finisse de poser sa question, mais il manque à l’appel depuis hier soir. Ils viennent de s’en rendre compte.
-Depuis hier soir ? Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Il est où ? Pourquoi ils n’ont rien vu avant ?”


Hermione enchaînait les questions, passant de l’une à l’autre comme elles lui venaient. Elle semblait perdue. Son regard sautait de son mari à Percy à Hannah à Teddy, attendant des réponses qu’ils ne pouvaient pas lui donner.


Une boule se forma dans le ventre de Teddy. Il connaissait à peine Hugo. Un gamin timide, qui n’avait pas beaucoup parlé à Noël. À peine capable de faire léviter une tasse à café, Albus lui avait dit. Albus. Et s’il était aussi arrivé quelque chose à Al ? Non, Ron aurait été au courant. Teddy réfréna l’envie de transplaner à Pré-au-Lard sur le champ. Al allait bien. Al allait certainement bien.


“On est samedi, répondit Ron, il n’avait pas cours. Personne n’a vu qu’il n’était plus là ce matin. La seule chose dont on est certains, c’est qu’il n’est plus à Poudlard : McGonagall a fait fouiller tout le domaine, et ils n’ont retrouvé aucune trace de lui.”


La phrase eut l’effet d’une massue. Hermione se laissa tomber dans le fauteuil derrière elle. Elle fixa le sol. Se serra la poitrine. Un sanglot monta dans sa gorge, qui ne tarda pas à éclater. Presque une enfant en cet instant. Terrifiée et impuissante. Teddy ne savait pas où se mettre. Il n’avait jamais vu ça. Il se sentait étranger à ces émotions qui jallissaient d’Hermione. Elle débordait. 


“Mon fils… Il est tellement jeune… C’est un petit garçon… Ron, elle gémit d’un ton désespéré, il faut qu’on le retrouve.
-On va le retrouver, Ron assura en la prenant dans ses bras. Parce que je pense savoir où il a pu aller. Hermione, tu te souviens de ce qu’il nous a dit à la fin des vacances ? Que tes parents lui avaient proposé de s’inscrire dans l’école d’à côté de chez eux ?

-Tu crois qu’il serait chez Papa et Maman ? Mais c’est à l’autre bout du pays ! Qu’est-ce qui nous dit qu’il est parti de lui-même, en plus ? Il a pu se faire enlever !
-Mais il a aussi pu fuguer, Hermione, Ron reprit d’une voix douce, rappelle-toi dans quel état il était à l’idée de retourner à Poudlard. S’il a pris le dernier train qui partait de Pré-au-Lard hier soir, il a pu arriver à Londres dans la matinée. Il est probablement sur le point d’arriver, ou alors il y est déjà. Ça vaut le coup d’aller vérifier non ? De tout façon, il n’est plus à Poudlard, McGonagall en est certaine. Autant transplaner là-bas et vérifier. S’il n’y est pas, il sera toujours temps de se rendre au château ensuite pour aider aux recherches.
-Tu as raison, Hermione dit d’une voix blanche, bien sûr que tu as raison. Percy…
-Les balais sont dans le meuble de l’entrée, Percy déclara. Je reste ici, comme ça je pourrais dire aux gens où vous êtes si quelqu’un vous cherche. Allez-y ! Ron a raison, Hermione. Si vous ne le trouvez pas chez tes parents, vous irez au château. Vous en avez pour une heure tout au plus.
-Je viens avec vous, Teddy ajouta en se levant. Je veux aider aux recherches.”


Il ne savait pas pourquoi il avait dit ça. Cette histoire ne le concernait pas. Ce n’était pas sa famille, son frère, son cousin qui avait disparu. Mais ses pensées ne cessaient de retourner dans le Grand Hall de Poudlard. Il voyait Albus s’éloigner dans le couloir, ivre de rage. Cette image se surperposait à la disparition d’Hugo. Il avait peur pour Al.


Ron acquiesça. Tremblante, Hermione se leva. Regard décidé. Teddy hocha la tête. Elle lui tendit la main. Il l’attrapa. Ils transplanèrent. Un instant, tout fut flou et sens dessus dessous, puis le monde se remit droit.


“-Hermione ? Oh, j’ai failli faire une attaque !
-Papa ! Papa, tu as vu Hugo ?”


Voix désespérée. Cri, presque. Les larmes roulaient sur ses joues. Quelques mèches s’échappaient de son chignon trop sage. Teddy assistait impuissant à la détresse d’un parent qui a perdu son enfant. Une pensée fugace s’imprima dans son cerveau. Quand lui-même s’était enfui de Poudlard, ce soir-là, qui avait demandé à s’en briser la voix où il était ? Harry ? Molly, peut-être ? Mais il était majeur, déjà. Peut-être que personne n’avait crié.


“Non, ma chérie, je n’ai pas eu de nouvelles d’Hugo depuis les vacances, le père d’Hermione répondit d’une voix paniquée. Qu’est-ce qui s’est passé ?
-Papa, il a disparu ! Hugo n’est plus à l’école, personne ne sait où il est !
-Reste avec tes parents, Ron murmura avec une grande douceur. Je vais voir s’il n’est pas à la gare, je reviens dans quelques minutes. S’il n’y est pas, on part pour Poudlard. Teddy, il appela en lui tendant la main.”


Une nouvelle fois le monde vrilla. Une seconde pendant laquelle les yeux pleins de larmes d’Hermione se mélangèrent en un tourbillon de couleur. Puis la gare. Ron lui lâcha la main.


“Hugo ! Hugo !
-Papa ?”


Ron fit volte-face. Derrière eux, assis sur un banc sale, Hugo. Il les fixait. La panique se lisait dans ses yeux.


“Hugo !”


Ron s’élança vers lui et le prit dans ses bras. Il le serrait à l’en étouffer. Ils cessèrent de bouger, prit dans une étreinte que rien ne pourrait briser. 


Teddy resta debout à côté d’eux, gauche. Il était soulagé d’avoir retrouvé le gamin mais ne savait pas quoi faire. Il se sentait de trop. À nouveau, son esprit s'égara dans le couloir. Albus qui partait. C’était seulement hier ? Pourtant, il avait eu le temps d’y songer un million de fois, depuis. Il réalisa alors qu’il n’avait pas cessé d’y penser. Sa journée était une longue rêverie ininterrompue d’Albus qui s’éloignait dans le hall sombre.


Il frissona. Le vent s’engouffrait dans la gare. Ron et Hugo s’enlaçaient toujours. Il prit sa décision à ce moment précis. Il n’en pouvait plus d’être seul.


“Papa, je suis désolé, Hugo lâcha dans un sanglot.
-J’ai eu tellement peur… Tellement, tellement peur…”


Les grosses larmes de Ron se mêlaient à celles d’Hugo.


“Papa, je pouvais plus… Je pouvais plus rester là-bas, le garçon hoqueta en reniflant. Pardon…
-C’est moi qui suis désolé, mon chéri. Oh, j’ai eu si peur !”


Ils restèrent enlacés encore un moment. Teddy décida qu’il était temps de partir, pour lui. Il n’avait plus rien à faire ici. Ce qu’il voulait vraiment se trouvait à Poudlard.
“Je vais prévenir Hermione, Teddy glissa d’une voix très basse à Ron. Prenez votre temps.”


Il transplana aussi vite que possible.

 

Partie 1, interlude 15 by Emojifeu
Author's Notes:

C'est pas moi qui pleure, c'est vous.

(J'ai pleuré aussi).

Ce que les parents d’Hugo acceptèrent enfin d’entendre


Hugo ne bougeait plus depuis presque quinze minutes. Enfoui dans les bras de sa mère, il restait là, immobile, à respirer son odeur familière. Elle non-plus ne bougeait plus. Devant elle, le thé que son père lui avait préparé refroidissait sur la table du salon. La seule chose animée dans ce tableau immobile, c’était la main de son père, qui caressait la sienne avec douceur, comme pour l’apaiser.
Parfois, un “Mon chéri… Mon tout petit bébé” sortait des lèvres de sa mère, puis elle embrassait ses cheveux crépus. Et tout se figeait à nouveau.
À un moment, Ron prit la parole.


“Hugo, explique-nous, s’il te plaît. Pourquoi tu es parti ?
-J’ai pas envie, souffla Hugo avec des larmes dans la voix. Vous allez vous énerver.
-Non, mon chéri, répondit sa mère en s’écartant pour le regarder, je te promets de ne pas m’énerver. Je te le jure, appuya-t-elle.
-Hugo, on veut juste t’aider. Mais pour pouvoir t’aider, il faut qu’on comprenne ce qui se passe, renchérit son père.
-Vous n’avez pas voulu m’écouter, la dernière fois.
-C’est vrai, admit son père en baissant les yeux, et j’en suis désolé. C’est notre faute. Pardon.”


Hugo ne répondit pas. Il hésitait. Même s’il leur expliquait ce qui se passait, ce qui se passait vraiment, qu’est-ce qui changerait ?

 

“Je sais que tu ne nous fais sans doute plus confiance, reprit son père la voix brisée, mais j’ai besoin que tu essayes de me croire quand je te dis que je suis de ton côté, Hugo. Je t’assure que c’est vrai.
-Mon chéri, ajouta sa mère, rien n’est plus important pour nous que ton bonheur.”


Elle le serra plus fort contre elle.


“D’accord.”


Il avait parlé très bas. Hugo se dégagea de l’étreinte de sa mère et se redressa pour regarder ses parents dans les yeux. Un ange passa. 


“Je ne sais pas par où commencer, admit-il enfin.
-Explique-nous comment tu es parti du château, et ce que tu voulais faire.
-J’ai trouvé cette carte, menti le jeune homme en sortant la Carte du Maraudeur de sa poche, et j’ai découvert comment elle fonctionne par hasard.”


Ses parents échangèrent un regard, et il sut qu’ils ne le croyaient pas. Mais il était hors de question qu’Albus se retrouve mêlé à cette histoire.

 

“Je ne voulais pas disparaître, continua Hugo très vite, je voulais juste quitter le château. Je ne pouvais plus rester là-bas… Je voulais venir chez Papy et Mamy, parce qu’il y a une école, ici, qui serait prête à m’accepter malgré mon retard, et Papy s’est renseigné, et il m’a même envoyé un prospectus… Alors je suis parti du château par un des passages secrets, et j’ai pris le dernier train de Pré-au-Lard. Je voulais le dire à Rose, mais j’ai eu peur qu’elle m’empêche de partir. Et puis j’ai réfléchi dans le train, et j’ai eu peur que Papy s’énerve, je n’avais rien dit à personne, je ne voulais pas vous inquiéter… À Londres, j’ai hésité à venir à la maison plutôt, mais je me suis dit que vous alliez me renvoyer à Poudlard. Alors j’ai continué jusqu’ici, mais j’ai eu trop peur que tout le monde me cherche chez Papy et Mamy. J’ai attendu à la gare. Je ne savais pas quoi faire ! J’ai pensé à rentrer à Poudlard, mais je ne veux plus y retourner… Je suis désolé…
-Pourquoi tu ne veux plus retourner à Poudlard, Hugo ?
-Je déteste cet endroit, Maman. Je le déteste. Je sais que c’est ce que tu veux, mais je déteste être là-bas. Je suis mauvais en tout. Je n’arrive à rien, jamais. Je ne me sens pas à ma place. Et tout le monde est d’accord avec moi. Les profs, les élèves…
-Il y a encore des gens qui t’embêtent ?”


Hugo soupira. Il avait l’impression d’avoir déjà eu cette conversation dix fois, avec ses parents, depuis que Louis avait commencé à lui rendre la vie impossible, trois ans en arrière.


“Non, Maman, personne ne “m’embête”. Ils me pourrissent la vie, voilà ce qu’ils font ! La plupart me regardent avec pitié. Certains se moquent de moi. Et quelques-uns sont violents, d’accord ? s’agaça-t-il devant le regard horrifié de sa mère.
-Violents comment ? Pourquoi tu ne nous as jamais parlé de ça ?
-Parce que j’avais honte ! Je voulais réussir à me défendre moi-même, je voulais vraiment !
-Violents comment, Hugo ? redemanda son père, la mine grave.
-Je ne sais pas… Parfois ils me font léviter, parfois ils me lancent des trucs… Ils m’ont frappés, aussi, une fois… L’autre jour, ils m’ont forcé à mettre la tête dans une cuvette et…
-Qui ? le coupa son père, livide. Qui te frappe, Hugo ?
-Pourquoi tu ne nous as jamais rien dit ? Mon chéri, sanglota sa mère en lui pressant la main.
-Je ne voulais pas que vous croyez que je suis faible, répondit-il d’une toute petite voix. Je ne peux pas me défendre quand ils font de la magie… Je suis désolé de ne pas savoir faire de la magie, lâcha-t-il, des larmes dans la voix.
-Hugo, dis-moi qui te fait ça. S’il te plaît.”


Les larmes roulaient sur ses joues. Il n’osait pas. Après des années, et même en haïssant Louis du plus profond de son être, il avait toujours peur. Hugo sentait la morve lui dégouliner du nez, mais il n’y avait pas de mouchoir sur la table.


“Hugo… supplia son père.
-C’est Louis, finit-il par lâcher. Et sa bande.
-Ton cousin Louis ?”


Hugo acquiesça en reniflant.


“Je vais en parler à Bill et Fleur. Non, Hermione, protesta son père en la voyant ouvrir la bouche, c’est moi qui vais leur en parler. Ça suffit. Il va… Non, ils vont tous s’excuser. Et le premier qui s’approche de mon fils aura affaire à moi. Depuis combien de temps, Hugo ?
-Le début de la troisième année, répondit Hugo d’une voix blanche.
-Presque trois ans… Tu en as parlé à d’autres gens ?
-Tout le monde est au courant. Le professeur McGonagall a même menacé de la renvoyer plusieurs fois.
-Pourquoi elle ne nous a rien dit, celle-là ? lâcha sa mère avec colère.”


Hugo sursauta. Pour autant qu’il se souvienne, sa mère n’avait jamais eu que du respect pour la directrice de Poudlard. Mais elle semblait dans une rage folle, en cet instant. Elle se leva et commença à faire les cent pas, agitant les mains dans tous les sens.


“Quelle idiote ! Mon fils se fait harceler par une bande de crétins et elle décide de ne rien dire ? Ah, elle gère bien la situation, celle-là ! Elle n’arrive même pas à faire en sorte qu’on fiche la paix à mon enfant mais elle préfère la boucler plutôt que d’en avertir les parents ? Elle a eu des dizaines d’occasions de m’en parler, en plus ! Tu sais combien de fois je l’ai vu au sujet d’Hugo ces deux dernières années, Ron ? Huit fois ! Tu ne vas pas me dire qu’elle manquait de possibilités ! Ah, ils sont beaux, les directeurs de Poudlard ! Dans la droite lignée de Dumbledore, ça ! Préférer envoyer des gamins au casse-pipe plutôt que d’essayer de trouver des solutions ! Quelle…
-Hermione ! Je suis d’accord avec toi, approuva le père d’Hugo en tentant de l’apaiser, mais ce n’est pas le sujet. Pas là.
-Il est hors de question que mon fils remette les pieds dans cette école, déclara sa mère, tant que ce gamin est là-bas.

-Même s’il n’y est plus, Maman, je ne veux pas y retourner. S’il te plaît, supplia Hugo en lui jetant un regard misérable, s’il te plaît. Je ne suis pas un sorcier, Maman.”


Sa mère ouvrit et ferma la bouche. Elle se rassit à côté de lui et prit ses mains dans les siennes, les pressant comme pour l’encourager à continuer. Hugo soupira et reprit la parole, d’une voix plus basse mais plus calme.


“Tu dis tout le temps que tu as dû te battre pour être une sorcière comme les autres. Moi, je ne suis pas un sorcier comme les autres. Je ne veux pas être un sorcier. Je sais que j’en serai toujours un, tu me l’as suffisamment dit. Mais je veux faire autre chose. Quelque chose que je puisse faire. S’il te plaît, Maman… Papa… Je voudrais vraiment aller dans une école moldue. Et ce n’est pas que à cause de Louis, ou des autres, ajouta-t-il très vite. Je voudrais juste être à ma place… Et je crois que ma place, ce n’est pas à Poudlard…”


Il se tut et baissa les yeux. Le temps ne passait plus. Il se forçait à respirer avec calme.

 

“D’accord.” 


Hugo leva les yeux et regarda son père, qui soutint son regard.


“D’accord, Hugo. Je suis désolé que tu ais dû quitter l’école pour qu’on t’écoute enfin. Vraiment, vraiment désolé. Je ne te promets pas que tu vas aller dans une école moldue dès demain, ni même que tu iras dans celle que t’as conseillé ton grand-père. Mais d’accord. Si tu crois que c’est mieux pour toi…
-Oui !
-Alors d’accord. Hermione ?”


Sa mère le regarda et inspira. Sa voix était douce et calme, autant que la main qu’elle passa sur sa joue pour l’apaiser.


“Poudlard a été pour moi la plus belle découverte que j’ai pu faire de ma vie. Moi, je n’étais pas à ma place chez les moldus. J’étais mauvaise en classe, je n’avais pas d’amis… J’ai compris que je n’étais pas là où je devais être à la seconde où j’ai reçu ma lettre d’admission. J’ai tout donné pour cette école, dès que j’ai su son existence. Moi qui ne lisais presque pas, j’ai dévoré tous les livres qu’on m’avait demandé d’acheter pendant l’été. Poudlard m’a fascinée. Le monde magique m’a fascinée. Je m’en veux, de ne pas avoir vu ce qui t’arrivait, Hugo. J’ai cru que tu vivrais à Poudlard ce que moi, j’y ai vécu. Pardonne-moi, mon chéri, de t’avoir forcé à en arriver à fuguer pour que je comprenne enfin. Je suis vraiment, vraiment désolée. Et je ne te forcerai pas à y retourner. À partir de maintenant, c’est toi qui décide.”

 

Elle le prit dans ses bras, et Hugo s’abandonna, enlacé par ses deux parents. 

Partie 1, chapitre 16 - “Je veux être avec toi.” by Emojifeu
Author's Notes:

Nous y sommes donc. La fin de la 1re partie.

Merci à  ceux et celles qui ont pris le temps de lire cette histoire, qui j'espère vous plaît.
Je vais me concentrer sur l'écriture de la partie 2 (j'en suis à 30% aujourd'hui), j'ai besoin d'un gros mois pour terminer.

En attendant qu'Al, Teddy, Rose et Scorpius reviennent vous partager leurs dramas d'adolescents, je vous propose de découvrir à partir du 1er septembre le premier spin-off de cette fic, "Maggie et le grimoire", qui raconte comment Maggie et les autres sont devenus amis en 5e année !

Merci encore pour votre présence et vos lectures. N'hésitez pas à me faire un retour sur cette 1re partie, je suis toujours heureuse de vous lire.

Bonne lecture,
Emojifeu

Chapitre 16 - “Je veux être avec toi.”

 

 

“Comment ça, c’est toi qui lui a montré ? Qu’est-ce que tu racontes, Al ?”

 

Albus tentait toujours de reprendre son souffle. Il avait couru depuis le dortoir des Poufsouffle, ce qui faisait un bon sprint jusqu’à la Grande Salle. Lorsque l’annonce de McGonagall avait retenti dans tout le château, il avait compris sur le champ. Il n’avait pas cessé de se traiter d’abruti fini durant toute sa course : donner une carte permettant de s’enfuir de l’école à la seule personne qui avait envie de se faire la malle, mais à quoi pensait-il donc ? Il avait bien vu, en plus, qu’Hugo regardait avec attention les passages secrets qui permettaient de sortir en douce, mais il s’était dit qu’il voulait se promener dans la Forêt Interdite de nuit, ou se rendre à Pré-au-Lard comme lui quelques semaines en arrière. Il n’avait jamais imaginé que son cousin fuguerait !


“Teddy, il m’a donné une carte, il y a quelques semaines, expliqua-t-il d’un ton hachuré. Une carte magique, qui montre tout le château, et où sont les gens, et les passages secrets. Et j’ai donné la carte à Hugo ! Je lui ai montré comment s’en servir, je voulais qu’il puisse s’enfuir si Louis lui tombait encore dessus, tu comprends ?
-Mais t’es stupide ou quoi ?! Albus, sérieusement !
-Je sais, Rose, cria Albus. Je sais ! J’ai pas pensé… Je pensais pas qu’il allait s’en servir pour se barrer ! Je croyais que ça l’aiderait !
-Ah bah ça l’a bien aidé, oui ! Espèce de… D’abruti ! Mon frère est dehors, tout seul ! ET C’EST DE TA FAUTE !”


Rose hurla. Un groupe de seconde années à côté d’eux sursauta, et le silence tomba sur la Grande Salle. Albus était tétanisé. Une fois, en troisième année, Basil avait reçu une beuglante de la part de son père. Il se souvenait très bien de la gêne ressentie à ce moment-là. Elle n’avait rien à voir, en comparaison, avec la honte dont il faisait à présent l’expérience. Il se sentait minable. Il aurait préféré disparaître sur le champ. Rose, hors d’elle, continuait de lui crier dessus.


“-À QUOI TU PENSAIS ?!
-Rose ! cria Augustus. Arrête !
-AH, TU VAS PAS T’Y METTRE, TOI AUSSI HEIN ! TU DÉFENDS TON CRUSH, SÉRIEUSEMENT ?! TU AS ENTENDU CE QU’IL A FAIT ?”


Augustus fit un pas en arrière, comme s’il s’était brûlé. Il était blessé, et la douleur se lisait sur son visage. Albus jeta des coups d'œil tout autour d’eux, mal à l’aise. Tout le monde avait entendu ! Il baissa la tête, essayant de passer au travers du sol de la Grande Salle. Il aurait préféré qu’il ne dise rien, au moins ils se seraient évité cette situation ! Ce mec était définitivement un nid à problèmes. Il ne répondit même pas. S’il ne disait rien, peut-être que tout le monde se dirait que c’était seulement Londubat.


Ce dernier prit une longue inspiration.


“Au nom de notre longue amitié de sept ans et du fait que tu es bouleversée, reprit Augustus entre ses dents, je vais faire comme si tu n’avais rien dit. Je voulais simplement te rappeler qu’il y avait plus urgent que d’engueuler Albus. Si tu veux aider Hugo, il faut que tu ailles tout de suite avertir McGonagall. Et toi aussi, ajouta-t-il en se tournant vers Albus, les joues cramoisies. Tu expliqueras mieux l’histoire de la carte qu’elle.”


Albus fit oui de la tête. Rose paraissait interdite. Elle finit par acquiescer et se mit en mouvement, mue par une forme extérieure, à la manière d’un pantin. Albus commença à la suivre, puis se retourna, prit d’une impulsion soudaine.


“Londubat…
-Te fatigues pas, vas, lui répondit Augustus d’un ton mordant. Vas réparer tes conneries.”

 

Penaud, Albus baissa la tête une seconde fois et suivit sa cousine dans la foule.

 

*

 

“Professeur ! Professeur, Albus sait comment Hugo est parti !
-Ah, Miss Granger ! J’allais justement vous faire appeler. Vos parents ont retrouvé votre frère.”


Rose s’arrêta net, indécise. Puis elle sembla réaliser que McGonagall disait très certainement la vérité, et fondit en larmes. Elle se froissa comme un morceau de parchemin, et Albus accouru pour la soutenir, le temps qu’elle s’assoie.


“Papa et Maman ont… Mais où ? Comment… ?
-Je ne sais pas grand chose, dit McGonagall en lui tapotant le dos. Votre père m’a fait parvenir un Patronus qui est reparti à l’instant. Ils sont chez vos grands-parents maternels, à Plymouth. Quelqu’un doit venir vous chercher d’une seconde à l’autre pour vous y emmener.
-Comment va Hugo ? demanda Rose d’une voix faible.
-Votre frère est sain et sauf. Votre père a seulement dit qu’il ne reviendrait pas à Poudlard pour le moment, et demande à ce que vous soyez excusée pour quelques jours, ce que je vous aurai proposé de toute façon. Monsieur Potter, dit-elle en levant les yeux vers Albus, pourriez-vous aller chercher les affaires de Miss Granger, je vous prie ?
-Bien sûr, professeur, balbutia Albus.”


Il se redressa et avec la plus grande douceur du monde, se dégagea de l’étreinte de Rose, qui sanglotait toujours de soulagement sur les marches de l’estrade. D’un pas chancelant, il se dirigea vers le petit groupe dans lequel il aperçut Maggie. Ils avaient retrouvé Hugo. Lui aussi se sentait libéré d’un poids. La culpabilité qu’il avait ressenti sembla se faire moins forte dans sa poitrine. Au moins, Hugo n’avait pas disparu pour toujours.


Lorsqu’il arriva à la hauteur du petit groupe de septième années, il fut surpris d’y trouver aussi Basil et Eden, qui lui jetèrent un regard grave. Il avait passé la journée à les éviter, se terrant sous sa couette. Sa dispute avec Teddy la veille au soir, et la journée qu’il avait passé à pleurer au lit lui semblaient vieilles d’une dizaine d'années, à présent. Tout s’était accéléré dans une désagréable tourbillon d’événements atroces. Il se sentait même un peu stupide de s’être autant apitoyé sur son propre sort alors que son cousin s’enfuyait du château. Par sa faute.


“Ils ont retrouvé Hugo, annonça-t-il sans préambule. Il est chez les grands-parents moldus de Rose, à Plymouth. Avec ses parents, ajouta-t-il.
-Merci Merlin, souffla Maggie. Il va bien ?
-McGonagall dit qu’il est sain et sauf. Il a fugué.
-Augustus nous a dit.”


Albus jeta un coup d'œil à Londubat, qui le défia du regard. Mal à l’aise, il reporta son attention sur Maggie.


“Rose va partir les rejoindre. Elle va avoir besoin de ses affaires, tu les as ?
-Oui, répondit Maggie en ramassant un sac pour lui tendre, bien sûr. Elle part là, tout de suite ?
-Quelqu’un doit venir la chercher d’un instant à l’autre.
-Tu crois que je peux lui dire au revoir ?
-Eh, Maggie, elle va revenir, hein.
-Je sais, éluda la jeune femme, mais je me suis tellement inquiétée… Je suis sa meilleure amie…
-Ok, ok, mais viens maintenant, alors.
-On vient tous, déclara Scorpius d’un ton sans appel.”


Pour ce qui lui sembla la douzième fois en quelques instants, Albus traversa la Grande Salle. Maggie courait presque. Derrière, Scorpius, Damian et Eden suivaient sans rien dire. Neela se collait un peu à Basil, qui lui murmurait que tout irait bien, qu’Hugo avait été retrouvé… Albus fermait la marche, à côté d’Augustus. Il n’osait même pas le regarder, les yeux fixés sur l’estrade au fond de la salle. Lorsqu’il surprit le regard sans équivoque d’une quatrième année qui les montrait du doigt, il accéléra le pas pour rattraper Maggie.


“Ah, Monsieur Potter est là ! Et, euh… Il semblerait que vos amis soient venus vous dire au revoir, Miss Granger.”


Rose sourit à travers ses larmes et se jeta dans les bras de Maggie. McGonagall se tourna vers Albus.


“Monsieur Potter, donnez donc les affaires de Miss Granger à Monsieur Lupin.”


Derrière la directrice, au moins aussi mal à l’aise que lui, Teddy tendit le bras. Albus se pétrifia. Qu’est-ce qu’il faisait là ?


“Je suis venu chercher Rose, expliqua Teddy sans qu’Albus eût ouvert la bouche. J’étais avec Hermione quand Ron est venu la chercher.”


Il prit le sac des mains d’Albus, toujour incapable de bouger.


“Je peux te parler ? glissa Teddy à Albus lorsque McGonagall se fut tournée.”


Albus hocha la tête. La veille, une éternité auparavant, il lui avait hurlé dessus, en plein milieu du Grand Hall. Il se sentait stupide.


“Attends-moi, s’il te plaît. Dans la salle de classe de la dernière fois. Je dois emmener Rose chez ses grands-parents, je n’en ai pas pour longtemps. Je reviens ensuite.
-Je ne sais pas si… Je ne peux pas… Le château est sens dessus dessous, il va y avoir du monde partout dans les couloirs toute la nuit, ils vont faire trois fois l’appel, répondit Albus d’une voix blanche.
-Je dois te parler, répliqua Teddy. J’avais tort, Al. À propos de nous deux.
-Monsieur Lupin ? appela McGonagall.
-Trouve un moyen, chuchota Teddy en lui ébouriffant les cheveux.” 

 

*

 

“Il ne va pas venir.”


Albus faisait les cent pas dans la salle de classe vide. La lumière de la lune se reflétait sur les pierres blanches. Tout était silencieux. Parfois, la lueur blanchâtre d’un fantôme qui flottait dans le couloir passait sous l’interstice de la porte et Albus sursautait. Il attendait depuis une bonne demi-heure.


Sortir de sa salle commune s’était avéré bien plus facile qu’il ne l’avait laissé entendre à Teddy. En quittant son dortoir, il avait bien entendu Eden remuer dans son sommeil, mais personne ne s’était réveillé. Un simple charme de transparence lui avait permis de se glisser dans les couloirs sans se faire prendre. De toute façon, les professeurs avaient communément décidé qu’ils ne courraient aucune menace, car il n’en avait pas croisé un seul. Hugo avait fugué, la piste d’un potentiel agresseur avait donc été abandonnée. On les avait tous renvoyés dans leurs salles communes après le repas, en leur expliquant qu’ils ne risquaient rien. Quelques premières années avaient paru effrayés, mais la plupart des élèves étaient contents de retrouver leurs lits plutôt que les matelas de fortune sur lesquels ils étaient censés dormir dans la Grande Salle.


Albus hésitait à remonter se coucher lui aussi. Teddy lui avait laissé entendre qu’il n’en avait pas pour longtemps, mais Rose et lui étaient partis depuis plusieurs heures, à présent. Albus se mordit la lèvre. Est-ce qu’une fois de plus, il allait se faire poser un lapin ? Est-ce que Teddy jouait encore avec lui, comme les semaines précédentes ? Pourtant, il y avait quelque chose dans son regard, quand il lui avait demandé de l’attendre, qui semait le doute dans l’esprit de l’adolescent. Il avait l’air sérieux. Décidé.


Albus sursauta. La porte de la salle de classe s’entre-ouvrit et se referma presque aussitôt. Il cessa de bouger, indécis.


“Al ?”


La voix de Teddy avait quelque chose de réconfortant. Albus resta tout de même sur la défensive. Il s’assit sur une des tables alignées dans la salle.


“Je suis là.”

 

Teddy apparu dans son champ de vision, ses cheveux sombres auréolés par la lumière diaphane de la lune qui filtrait par les fenêtres. Albus lui en voulait toujours pour la veille, mais il ne pouvait pas s’empêcher de le trouver d'une beauté terrible. C’était la première chose qui l’avait frappé, lorsqu’il l’avait vu au Terrier, et maintenant elle l’effrayait presque. Il y avait quelque chose de dangereux dans cette façon qu’il avait de le désirer autant.


“Tu voulais parler ? Alors on parle, déclara Albus d’un ton sec.

-Ok…”


Une hésitation dans la voix de Teddy. Il ne devait pas s’attendre à ce qu’il soit aussi froid.


“Écoute, Albus, je suis désolé pour hier. Je ne savais pas… Non, je savais, c’est faux, se reprit-il. Je n’ai pas d’excuse.
-C’est sûr ça commence mieux… 
-Je voulais faire ce qui est bien, continua Teddy. J’ai juste oublié que ça ne serait pas ce qui te rendrait heureux, ou ce qui me rendrait heureux.
-Ce qui est bien ?
-Al, tu te rends bien compte qu’un mec de vingt-six ans avec un ado de dix-sept, c’est un peu bizarre, non ?
-Je suis majeur, répondit Albus avec mauvaise fois.
-J’ai dit bizarre, pas illégal. On a presque dix ans d’écart. Il y a des gens qui ne vont pas comprendre, ça. Tes parents, déjà.
-Je ne vois pas trop ce que mes parents ont à voir là-dedans. Aux dernières nouvelles, c’est pas avec eux que tu sors.”


Teddy rit. Albus se détendit un peu.


“C’est ça, que je voulais te dire. J’ai compris que je me préoccupais un peu trop de ce qui pourrait se passer, plutôt que de m’intéresser à ce qui se passait. À ce qui se passe. Entre toi et moi. Comme pour cette histoire d’être vus ensemble, et la campagne de Percy… C’était du flan. J’avais un peu peur, je crois.
-Peur de quoi ? De moi ?
-Non, pas de toi, non, rigola Teddy. Tu dois être la chose la plus inoffensive qui soit jamais entrée dans ma vie.
-Je peux être très dangereux, si je veux ! répliqua Albus.
-Ouais, à la manière d’un Boursouflet. Non, reprit Teddy, j’avais un peu peur de ça… De m’attacher… Mais la vérité, c’est que j’ai passé la soirée à transplaner partout pour chercher un gosse qui avait fugué, et je n’ai pas réussi à penser à autre chose qu’à toi.”


Le cœur d’Albus manqua un battement. Il n’osait plus dire un mot. Accoudé au pupitre de professeur de la salle de classe, Teddy le fixait. Il devait y avoir un bon mètre entre eux, pourtant Albus avait l’impression qu’il n’était qu’à quelques centimètres tant son regard était magnétique. Présent.


“Je n’ai pas arrêté de me demander si tu allais bien, si tu étais en sécurité. Ou ce que j'aurais dû dire ou faire après que tu sois parti hier. J’ai imaginé cent fois que je te courrais après, quand tu t’es barré.
-Tu ne m’as pas beaucoup laissé le choix, murmura Albus.
-Je ne te demande pas de t’excuser, c’est pas ce que j’essaye de dire. Ce que je veux dire c’est…”


Il soupira, passa sa main dans ses cheveux bleus. Albus ne dit rien, attendant la suite. Son cœur battait la chamade.

 

“J’avais peur de m’attacher, mais je crois que je le suis déjà, en fait. C’est ça, que je voulais te dire. Et c’est pour ça que je suis là. Je sais, ajouta-t-il, que j’ai agi comme un crétin, et que je t’ai fait galérer, et que j’ai abusé. Tout ce que tu as dit hier, c’était vrai. J’ai réalisé que c’était vrai et maintenant je suis là, parce que j’ai vraiment, vraiment essayé de ne pas avoir de sentiments pour toi, et que j’y arrive pas, et que j’ai vraiment, vraiment voulu faire ce qui était bien, et que ça me bouffe parce que c’est peut-être bien, mais c’est pas ce que je veux.
-C’est quoi, ce que tu veux ?”


La gorge d’Albus était sèche. Il se retenait de se lever et de rejoindre Teddy. Il voulait l’entendre, il voulait être certain qu’une semaine après, il ne se retrouverait pas encore à pleurer tout un samedi dans son lit en prétextant une indigestion.


“C’est toi. Ce que je veux, c’est toi.
-Pour de vrai, cette fois ?
-Pour de vrai. Plus d’excuses, plus de “je sais pas”, plus d’hésitation. Je veux être avec toi. Et on verra bien ce qui se passe.
-Attends, j’ai pas bien entendu, répondit Albus en portant la main à son oreille.
-J’ai dit que je voulais être avec toi, dit Teddy en haussant le ton.
-T’es trop loin mec, j’arrive pas à t’entendre.”


Teddy rit et s’avança de quelques pas.


“Je veux être avec toi, répéta-t-il encore une fois.
-C’est terrible mais je crois que j’ai un gros, gros problème d’audition là ! Tu veux quoi ?”


Teddy franchit en une enjambée les quelques pas qui les séparaient encore et se pencha vers lui. Le coeur d’Albus cessa définitivement de fonctionner correctement lorsqu’il murmura à son oreille :


“Je veux être avec toi.
-Moi aussi, répondit Albus dans un soupir.
-Ah donc ça va mieux, cette surdité soudaine ? ironisa Teddy en se redressant.
-Chut.” 

 

Teddy se pencha un peu et l’embrassa. 

 

End Notes:

(Ne vous attachez pas trop hein, sinon la chute va être dure. I'ma gonna break them up so bad...)

Partie 1, interlude 16 by Emojifeu

Basil et Eden découvrent vraiment le concept d’homosexualité

 

BASIL : Bordel. 


EDEN : Ouais. 


BASIL : Mec quand tu m’as réveillé pour me dire “Al s’est tiré, on le suit”, je m’attendais à tout, vraiment à tout, sauf à ça. 


EDEN : La même. 


BASIL : Il sort avec un prof. Un prof. J’étais trop pas loin hier !


EDEN : … 


BASIL : On se les caille, non ?

 

EDEN : Sérieusement ? Basil, est-ce qu’un jour tu vas réussir à être vraiment sur le sujet ? Faut que tu t’accroches mon pote, je sais que c’est pas facile mais quand même quoi !


BASIL : Ben quoi ? On est resté genre, quarante minutes sans bouger dans cette salle de classe à regarder par l'entrebâillement de la porte, on est fin janvier, on se les pèle, j’en parle. J’vois pas le problème. 


EDEN : T’es grave. Tu viens d’apprendre un truc gigantesque sur Albus, notre meilleur pote, et t’es là à te plaindre que t’as froid ! C’est la seule chose qui te marque ?!


BASIL : Gars, ça va hein. Ok c’est un peu bizarre de se taper un prof, mais ça va il est pas très vieux, celui-ci. C’est presque pas un prof en plus, on a fait du patin avec lui ! 


EDEN : Ok. Et la partie où c’est un mec et où ton pote est homo, on en parle ou pas ?


BASIL : Tu sais, ma tante elle est homo. Donc bon. C’est pas très important, si ? Je veux dire, je pensais pas qu’Al préférait les mecs, mais ça change vraiment quelque chose ? 


EDEN : Je sais pas… J’arrête pas de me dire qu’il y a une raison pour laquelle il nous en a jamais parlé. 

 

BASIL : Genre quoi ?

 

EDEN : Genre je sais pas p’t’être qu’il a peur que tu sois trop bête pour comprendre.

 

BASIL : Oh ça va hein, je ne suis pas si...

 

EDEN : Ça va ? Tu t’es fait mal ?

 

BASIL : Non, j’ai… Juste glissé sur la marche, là ! Ils sont relous à foutre des marches partout aussi !

 

EDEN : C’est le concept d’un escalier, Basil… 

 

BASIL : Ouais bah c’est naze. On disait quoi ?

 

EDEN : Tu disais que t’étais pas bête. Non mais en vrai, on a fait un truc qui fallait pas, pour Al ? Ou alors il a honte tu crois ? 


BASIL : Possible. Je suis pas dans sa tête. On lui dira qu’on s’en fout. 


EDEN : Ah non, on va pas lui dire ça, non.


BASIL : Ben on s’en fout pas ? 


EDEN : Bien sûr que si on s’en fout, mais on va certainement pas lui dire. Parce qu’après, il va nous demander comment on sait ça, et t’as vraiment envie de lui expliquer qu’on a passé presque une heure à le regarder galoche un mec ?


BASIL : … 


EDEN : … 


BASIL : J’avoue c’est chelou, t’as raison. On lui dit rien.


EDEN : On lui dit rien. Et on attend qu’il nous en parle.


BASIL : Et s’il nous en parle pas ? 


EDEN : C’est son choix. C’est lui qui décide. S’il a envie, il en parlera. J’espère.


BASIL : P’t’être que je pourrais lui faire comprendre subtilement qu’il peut nous en parler ?


EDEN : Basil je te jure, tu te la boucles. La subtilité et toi ça fait douze donc ferme-la. On ne dit rien.

End Notes:

Moi j'aime écrire des personnages très bêtes.

Partie 2, chapitre 1 - “T’es sûr qu’il n’y a rien d’autre ?” by Emojifeu
Author's Notes:

Salut les campeurs et haut les coeurs !

Je suis de retour pour 12 semaines de publications de la partie 2 de 26 ans plus tard.

J'espère que mon absence prolongée ne vous aura pas dégoûtés, j'ai été très occupée mais je n'ai pas abandonné !

Je vous souhaite une très bonne lecture,

Emojifeu

 

Chapitre 1 - “T’es sûr qu’il n’y a rien d’autre ?” 

 

“Albus !”

 

Surpris, Albus tourna la tête et aperçut une masse de cheveux bleus au-dessus de la marée des élèves, à moitié cachée derrière un renfoncement du mur. Jetant un coup d'œil autour de lui pour être certain que personne ne lui prêtait attention, il rebroussa chemin et se coula dans le creux du mur.

 

À peine l’avait-il rejoint que Teddy plaça une main sur chacune de ses joues, lui attrapant le visage pour l’embrasser à pleine bouche. Albus voulut se dégager, mais déjà Teddy le relâcha et lui adressa un regard radieux. Albus risqua un coup d'œil vers le couloir pour vérifier que personne n’avait rien vu. Aucun élève ne leur prêtait attention, trop occupés à rejoindre leur salle de classe. Rassuré, il adressa un sourire à son petit-ami.

 

“Qu’est-ce que tu fais ici ? murmura-t-il.

-J’suis venu te voir, qu’est-ce que tu crois ? répondit Teddy. J’avais un truc à régler avec Minerva, et je me suis dit que je pourrai t’enlever au passage.

-M’enlever ?

-Si tu veux, ajouta-t-il avec un clin d'œil. J’me disais que peut-être, ça te dirait d’aller te balader avec moi… Près-au-Lard est vide, tout le monde est ici…

-Ted, j’ai cours, dit Albus d’une voix angoissée. Je ne peux pas.

-Tu peux sécher, suggéra Teddy en laissant planer sa phrase.

-J’ai déjà séché le cours de Métamorphose la semaine dernière, et celui de Potions… Je commence à être à court d’excuses, là.”

 

Albus se mordit la lèvre lorsqu’il vit le regard peiné que Teddy lui adressa. Il l’avait blessé. Teddy se redressa et soupira en passant une main désinvolte dans ses cheveux, cherchant à retrouver son attitude nonchalante habituelle.

 

“J’pensais que ça te plairait, lâcha-t-il d’un ton déçu, mais c’est pas grave. On se verra vendredi et voilà, conclut-il avec un sourire qui paraissait faux.

-Non, non, répondit Albus en essayant de le rassurer, c’est bon ! Je préfère être dehors avec toi, de toute façon. Je vais m’arranger, je vais aller voir les gars et leur dire de dire à McGonagall que je suis malade.

-C’est vrai ? s’exclame Teddy. Trop cool ! Je t’attends devant chez Honeydukes, alors ? Dans… Quarante minutes, ça te va ?

-Ouais, souffla Albus, faisons ça.

-J’te laisse partir devant, ajouta Teddy avant de l’embrasser. À toute à l’heure.

-À toute, murmura Albus.” 

 

Il s’extirpa de derrière le mur et rejoignit la marée d’élèves qui se répandait dans le couloir dans une cohue assourdissante. Quelques coups d'œil rapides et anxieux lui confirmèrent que personne ne l’avait vu, et il se dépêcha de rejoindre le deuxième étage où il était censé avoir cours.

 

Teddy surgissait toujours aux moments où il s’y attendait le moins, se fit-il la réflexion alors qu’il descendait les escaliers. La dernière fois, il avait débarqué en plein milieu du cours de Potions, et Albus avait eu un mal fou à faire croire au professeur Zabini qu’il devait sortir de classe à tout prix parce qu’il se sentait mal. Mais il avait réussi, et l’après-midi qui avait suivi valait toutes les soirées passées à reprendre le cours qu’il avait loupé à partir des notes décousues d’Eden. Il sourit. Teddy était un peu trop insouciant, mais il aimait passer du temps avec lui. Il fallait juste qu’il soit discret.

 

Eden et Basil l’attendaient devant la salle de classe et soupirèrent lorsqu’il arriva à leur hauteur, l’air agacé.

 

“Mec, tu déconnes, commença Eden lorsqu’il fut assez proche. Comment t’as réussi à être à la traîne comme ça ? On était ensemble, pourtant !

-Pardon, j’ai dû, euh… Refaire mon lacet, expliqua Albus en désignant sa chaussure, et je vous ai perdu.

-On va encore se faire saquer parce qu’on est en retard, répondit son ami en haussant les épaules. Bouge !

-Attends ! dit Albus en lui attrapant le bras. Je suis juste venu vous dire que je ne me sens pas bien, en fait. Je vais aller, euh… À l’infirmerie, je crois.”

 

Eden fit volte-face et le fixa une seconde sous le nez, l’air peu convaincu. Il échangea un regard entendu avec Basil et Albus se demanda de quoi ils avaient bien pu parler avant qu’il arrive. Après quelques secondes de silence, son ami se redressa et lui adressa un regard dénué de toute compassion.

 

“Encore mal au ventre, c’est ça ? Bah, ça ne sera jamais que la troisième fois en moins de deux semaines, après tout !

-Qu’est-ce que tu insinues ? demanda Albus en hésitant. Je dois juste traîner un truc, c’est tout…

-Ouais, c’est tout, lâcha Eden d’un ton méfiant. Comme il y a trois semaines, quand t’avais des migraines à répétition.

-Ou le week-end où on devait aller à Pré-au-Lard ensemble et que tu es resté cloué au lit, ajouta Basil d’une voix peinée.

-Attendez, les mecs, je comprends pas, répondit Albus en sentant la colère monter, vous me croyez pas, c’est ça ? 

-Ça commence à devenir difficile, ouais, dit Eden en baissant les yeux. Ça fait un mois que tu sèches un cours sur cinq et que tu es malade tous les week-ends, mais bizarrement, le reste du temps ça va ! 

-Eh bah je dois avoir un truc cyclique, ou un genre de maladie chronique ou j’en sais rien ! déclara Albus avec mauvaise foi.

-Tu vas étrangement bien, le vendredi soir, pourtant, ajouta son ami avec un rictus mauvais. Mais dès que le samedi matin arrive, pouf ! Malade à en crever.

-Si tu as un truc à dire, dire-le, cracha Albus en ajustant son sac sur son épaule. Sinon, je vais à l’infirmerie avant de gerber.”

 

Et il tourna les talons. Il entendit Basil qui criait son prénom pour le retenir, et Eden qui lui disait que ça ne servait à rien. La porte de la classe se referma avec un claquement sourd qui résonna le long du couloir vide.

 

*

 

Albus avait beau être assis à son bureau le lendemain matin durant son cours de Sortilèges, son esprit était ailleurs. Il s’évadait vers l’après-midi précédente qu’il avait partagé avec Teddy, vers la montagne où ils s’étaient promené pendant deux heures dans le froid de fin d’hiver, vers la clairière où ils s’étaient assis et où Teddy l’avait embrassé jusqu’à ce que ses lèvres rougissent et que sa tête tourne. Il voyait Flitwick agiter sa baguette magique mais ses yeux percevaient encore les éclats bleus du ciel qui se mêlaient à ceux des cheveux de son petit-ami.

 

“Al, gémit Basil à côté de lui, faut que tu m’aides… J’arrive pas à faire son truc là…”

 

Albus soupira et tourna la tête vers son ami. Basil avait encore collé sa baguette dans sa manche à cause du sort de Glue Perpétuel qu’ils révisaient, et n’arrivait plus à la déloger. D’un geste négligent de sa propre baguette, Albus le libéra.

 

“Merci, souffla son ami en lui adressant un sourire.

-Oh, de rien, lança Albus d’un ton cynique. Content de voir que quand tu as besoin de moi, tu es encore en mesure de m’adresser la parole.”

 

Basil ouvrit la bouche et la referma sans rien dire tel un poisson un peu stupide. Presqu’aussitôt, Albus se senti stupide de l’avoir attaqué et s’en voulu.

 

“C’est pas… commença Basil. Al, personne ne te fait la gueule, si c’est ce que tu crois. Pas vrai, Eden ? ajouta-t-il en donnant un coup de coude à leur ami.

-Aïe !

-Messieurs Davies, Potter et Thomas, s’éleva la voix fluette de leur professeur depuis l’estrade, comme d’habitude ! Tâchez de vous faire discrets, messieurs. Au bout de sept ans, ça serait un vrai petit exploit !

-Pardon Professeur, murmurèrent les trois amis en plongeant le nez dans leurs livres.” 

 

Pendant quelques secondes, essayant de se faire oublier, aucun d’eux n’ose parler, puis Eden se pencha sur la table et croisa le regard d’Albus.

 

“Écoute, Al, je suis désolé pour hier. J’aurai pas dû m’énerver comme ça, et j’espère que ton mal de bide va mieux.

-C’est passé, répondit Albus sur le même ton. Moi aussi, je suis désolé, en profita-t-il pour glisser.

-Comprends-nous, mec… Depuis qu’Hugo a quitté le château, t’es super distant ! On se voit à peine, tu sautes pas mal de cours… Je sais que le départ de ton cousin t’a affecté mais… T’es sûr qu’il n’y a rien d’autre ? demanda Eden.

-Que veux-tu qu’il y ait d’autre ? murmura Albus un peu trop vite. J’ai juste un sale virus qui me colle aux intestins, mais sinon…

-Al, le coupa Basil en lui adressant un regard grave, tu es certain que tu n’as rien à nous dire ?”

 

Albus fixa ses deux amis quelques instants, interloqué. Il n’y avait aucune raison qu’ils sachent, il avait fait encore plus d’effort pour leur cacher à eux qu’à n’importe qui d’autre dans le château, et pourtant… Pourtant la voix pleine d’attente d’Eden, le sérieux inattendu de Basil et le regard entendu qu’ils avaient partagé hier lorsqu’il leur avait annoncé être malade le faisaient douter. Peut-être étaient-ils juste inquiets pour lui, mais Albus prit peur et se ferma d’un coup.

 

“Bien sûr que je n’ai rien à vous dire, dit-il en surjouant l’indifférence.”

 

Un énorme soupir s’échappa des lèvres de Basil et du coin de l'œil, Albus vit Eden faire une moue agacée. Ils ne le croyaient pas !

 

“Mais c’est fou de douter de moi comme ça ! lâcha-t-il en haussant un peu la voix. Vous ne pouvez pas juste me croire ?

-Tu passes ta vie à nous fuir, tu simules des maladies que tu n’as pas… Ouais, expliqua Eden en réponse à l’air estomaqué d’Albus, on sait très bien que t’es pas malade. Figure-toi qu’on est passé te voir à l’infirmerie après le cours, hier. Pomfresh dit qu’elle ne t’y a pas vu depuis des mois !

-Le week-end dernier non-plus, d’ailleurs, ajouta Basil d’un ton triste. Je suis remonté chercher mon écharpe que j’avais oubliée dans le dortoir et tu n’y étais pas, alors que soit disant tu étais terrassé par la fièvre… 

-On n’est pas aussi stupides et naïfs que tu crois, conclut Eden en détournant le regard. Et je commence à en avoir marre que tu nous mentes tout le temps. Qu’est-ce que tu crois qu’on va te faire, si tu nous dis ce qui t’arrive, hein ? On t’a déjà envoyé paître, nous ? insista-t-il en croisant le regard d’Albus.

-Je… Je ne peux pas, répondit Albus en baissant les yeux.”

 

La frustration de ses amis devenait trop dure à supporter. Albus essaya de se concentrer sur son livre, relisant encore et encore la même formule sans détacher ses yeux de la page. S’il était certain de leur réaction, alors peut-être qu’il oserait leur dire ce qui se passait vraiment… Mais Teddy lui avait demandé de ne rien dire, insistant beaucoup sur ce point. Et puis, Eden s’était moqué d’Augustus plusieurs fois l’année précédente, parce qu’il “avait des doutes”, et Basil avait suivi, et il n’avait pas envie d’être leur prochaine cible. Il ne pouvait pas.

 

“Bon, s’exclama Eden après quelques minutes de silence, eh bien t’as qu’à régler tes problèmes de ton côté, puisque c’est ce que tu veux ! Et tu reviendras nous voir quand ça sera bon, hein ! C’est bon là, on n’est pas potes juste pour te servir d’excuse quand tu veux louper les cours !

-Monsieur Davies, retentit la voix de Flitwick depuis l’avant de la salle, je vous préviens !”

 

Eden se tut et Basil adressa un regard désolé à Albus avant de mettre le nez dans son livre de cours. Mortifié, Albus n’osa même pas lever les yeux et se concentra sur sa baguette.


Pendant le reste de l’heure, un silence de mort régna sur la salle de classe. 

 

*

 

“C’est le chaos, ici, soupira Albus à la cheminée de la salle de classe dans laquelle il s’était isolé.” 

 

Le feu crépitait dans l’âtre. Il était si près que la chaleur lui donnait presque la nausée, mais c’était la seule façon que Teddy et lui avait trouvée pour parler lorsque ce dernier n’était pas à Poudlard - ce qui arrivait assez souvent, puisque ses visites à l’improviste n'étaient pas si nombreuses.

 

La salle de classe déserte était la seule dans laquelle Albus pouvait se glisser le soir sans risquer d’être découvert. Les premiers temps, il s’était rendu dans les cachots, mais après avoir manqué par deux fois de se faire pincer par Zabini, il avait préféré se réfugier dans celle-ci. Personne ne venait jamais dans l’aile nord du cinquième étage le soir, de toute façon.

 

“Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est parce que t’as loupé les cours, c’est ça ? demanda le visage de Teddy dans le feu.

-Y a ça, aussi, gémit Albus en laissant sa tête tomber entre ses mains. Ugh, je sais pas comment je vais m’en sortir… 

-Comment ça, “ça aussi” ? Il s’est passé autre chose ?

-C’est les gars… murmura Albus, sa voix étouffée par ses paumes. Ils savent que je ne suis pas malade. On s’est engueulé, hier. Ils me parlent plus.

-Ils te parlent plus ? Mais qu’est-ce que ça peut leur faire, que tu sèches ? dit Teddy d’une voix distante.”

 

Son visage apparaissait et disparaissait de l’âtre par moment, comme s’il était en train de faire autre chose, là où il se trouvait. Parfois, Albus entendait un éclat de rire ou la rumeur d’une conversation en arrière-plan, et il reconnaissait la voix de son oncle Percy au-dessus du reste. Teddy avait beau s’isoler dans l’ancienne chambre de Lucy, ils n’arrivaient pas à être seuls. Frustré, Albus leva les yeux et croisa le regard de son petit-ami, tentant d’obtenir son attention pleine et entière.

 

“Je me servirai d’eux, ou quelque chose du genre… bougonna-t-il. Je crois qu’ils sont juste énervés parce que je leur ai menti. J’ai pensé à leur dire… ajouta-t-il en laissant traîner sa voix.

-Tu peux pas, répondit Teddy en le fixant d’un air grave. Je sais que c’est relou, mais si les gens venaient à l’apprendre, ça serait la cata pour Percy. J’te l’ai déjà expliqué, Al. 

-Je sais, je sais, répondit très vite Albus. Je ne comptais pas le faire, de toute façon.

-Ils vont pas te faire la tronche pour toujours, hein ! C’est tes potes, Al. Ils finiront par revenir. J’suis désolé, finit par dire Teddy en baissant la voix. J’me sens un peu coupable, sur ce coup…

-C’est pas ta faute. Je savais dans quoi je mettais les pieds, déclara Albus en se redressant.

-J’vais arrêter de te faire sortir de cours n’importe quand, dit Teddy en farfouillant sur le côté. Déjà, ça devrait aider un peu.

-Aucun prof n’a remarqué, ceci dit. Enfin, aucun ne m’en a parlé. Par contre j’ai encore eu une sale note en Métamorphose, le cours d’Eden était naze, j’ai à peine pu le relire et je suis à la ramasse… 

-Ouais, répondit son petit-ami, j’vais définitivement venir moins souvent, Al.”

 

Albus sentit sa gorge se nouer. Il se rapprocha davantage des flammes, cherchant à établir une proximité dont la distance le privait.

 

“Non, s’exclama-t-il, c’est pas la peine ! C’est bon, c’est juste une note ! Je vais travailler plus le soir et voilà tout. Je m’en sors, assura-t-il alors que sa voix mourrait sur ses lèvres, trahissant ses doutes.

-Al, je suis pas en train de dire que je vais plus venir. J’dis juste qu’il faut que t’arrête de sauter les cours à cause de moi. C’est ma faute, pas la tienne, hein ! Mais si tu cumules les absences et que tes notes commencent à baisser, c’est le bazar…

-C’est bon, s’écria Albus en sautant sur ses pieds, c’est une note ! Une seule ! Vous êtes tous tellement… Ah ! pesta-t-il, soudain énervé. Tout le monde veut toujours TOUT décider à ma place, ça me gonfle !

-Eh, répondit Teddy en haussant le ton, j’ai pas dit ça !

-Alors arrête de t’en faire pour rien, répliqua Albus en agitant sa baguette. J’ai dit que c’était bon, que c’était qu’une note. Je dois y aller, termina-t-il après un coup d'œil vers la porte. Il se fait tard. On se voit vendredi, hein ?

-Ouais, murmura Teddy, on se voit vendredi. Albus…

-Bonne nuit, le coupa le jeune homme.”

 

Et d’un mouvement de baguette, il fit disparaître le feu dans la cheminée. L’obscurité retomba sur la salle de classe vide. Un moment, Albus resta debout à regarder les ombres s’allonger et reprendre leurs droits sur les pupitres et les livres qui traînaient. Il avait peur que Teddy lui en veuille, à présent. Il s’était vraiment énervé d’un coup. Angoissé, il débattit un moment pour savoir s’il devait essayer de lui reparler pour arranger la situation, puis il décida que ça attendrait vendredi. Il quitta la salle de classe en faisant bien attention de ne faire aucun bruit et de se camoufler alors qu’il progressait dans les couloirs. Il ne pouvait pas risquer de se prendre une retenue en plus du reste !

 

Au détour d’un couloir, il faillit rentrer dans Augustus Londubat qui rentrait de son entraînement de Quidditch, et se félicita d’avoir pensé à se dissimuler. Il ne lui avait pas adressé la parole depuis le départ d’Hugo et n’avait aucune intention de le faire. Il s’était demandé s’il lui devait des excuses, et il avait décidé que non. Il n’avait rien fait de mal, et il se fichait un peu de ce joueur de Quidditch m’as-tu-vu. S’il avait vraiment un crush, comme l’avait dit Rose, c’était son problème, pas le sien. 

 

En entrant dans sa salle commune, la première chose qu’il vit fut Eden et Basil avachi dans les grands fauteuils en cuir, en train de rire aux éclats.

 

“Elle m’a totalement regardé avec des étoiles plein les yeux, mec, je te jure !

-Dans tes rêves, Baz.” 

 

Il esquissa un mouvement pour les rejoindre, puis se souvint qu’ils s’étaient disputés et qu’ils avaient pris un grand soin à l’éviter, au repas. Agacé, il se dirigea vers les escaliers et leur passa devant sans même les regarder. Alors qu’il montait, quelques bribes de leur conversation lui parvinrent.

 

“On devrait pas le laisser tout seul comme ça… dit Basil d’un ton peiné.

-Non, répliqua Eden, c’est trop facile. Il peut pas continuer à se servir de nous et à le couvrir h24 alors qu’il veut même pas nous dire ce qui se passe ! C’est bon, Basil, il reviendra quand il sera décidé.” 

 

Atteignant le haut de l’escalier, Albus se laissa tomber sur son lit, épuisé, triste et très, très seul. 

 

Partie 2, interlude 1 : 6 ans plus tard by Emojifeu

6 ans plus tard


“Je ne comprends toujours pas pourquoi vous voulez vous séparer.”

 

Une main dans les cheveux de sa fille Molly, l’autre cherchant à tâtons un élastique sur la table, Percy soupire et lève les yeux vers sa mère. Elle lui tourne le dos, occupée à cuisiner pour le repas de midi, mais il sait qu’elle est agacée. Il le voit à sa façon d’agiter sa baguette avec rage autour d’une innocente pomme de terre pour la découper. Un morceau vole à travers la pièce et atterrit sur la tablette du siège pour bébé sous le gazouillis approbateur de Lucy. Assit à table, Teddy feuillette un livre pour enfant sur les créatures magiques, indifférent au brouhaha ambiant.

 

“Pourquoi on s’est séparé, Maman, corrige-t-il en se levant pour arracher le morceau de patate des mains de sa fille de deux ans. J’ai signé les papiers ce matin, c’est fait.

-Je sais, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai eu la chance de voir mes petites-filles ! Tu pourrais me les confier pour des occasions plus sympas, d’ailleurs.

-Oh, ne t’en fais pas pour ça, tu vas beaucoup les voir dans les semaines à venir. Audrey ne les garde que le week-end, et moi je suis occupé avec le boulot toute la semaine… Je vais avoir besoin d’un sacré coup de main.

-Tu sais très bien que je m’en occuperai toujours avec plaisir.

-Je passerai te les déposer le matin, et je viendrai les chercher après le travail, d’accord ? Juste le temps que je trouve quelqu’un pour les garder.
-Et Audrey, elle ne peut pas les garder, elle ? fulmine sa mère.

-Je viens de te le dire, Audrey ne peut les prendre que le week-end à cause de son travail. Elle fait tout ce qu’elle peut pour essayer de les récupérer un jour dans la semaine aussi, mais il faut qu’elle négocie avec son chef…”

 

Le couteau retombe sur la planche à découper et sa mère fait volte-face.

 

“Mais enfin, Percy, essaye de m’expliquer ! La dernière fois que vous êtes venus, tout allait bien, qu’est-ce qui s’est passé pour que les choses se dégradent aussi vite ?!

-Mais rien, Maman. Rien.

-Tu as rencontré une fille ?”

 

Percy ravale un ricanement. Ce n’est pas le moment. L’ironie le fait sourire, parce que c’est ce qui s’est passé pour Audrey. C’est ce qu’elle lui a annoncé il y a un mois à peine, lorsqu’elle a abordé la question du divorce. “J’ai rencontré une femme. Je veux faire ma vie avec elle. On savait tous les deux que cette situation allait se présenter un jour ou l’autre, on avait convenu de ce qu’on ferait ce jour-là. On y est.” Percy s’était contenté de hocher la tête.

 

“Non, Maman, je n’ai rencontré personne. On a juste réalisé qu’on avait des envies différentes, je te l’ai déjà dit.

-Prétexte moldu, ça encore, renifle sa mère en se concentrant sur sa pomme de terre.”

 

Percy lève les yeux au ciel. C’est la troisième fois en un mois qu’elle lui dit que “Le divorce est un truc de Moldus, chez nous personne ne fait ça !” et la ribambelle de sermons qui l’accompagne. C’est vrai qu’il connaît peu de couples de sorciers qui divorcent, mais en même temps, il connaît peu de couples comme Audrey et lui, qui se sont mis ensemble pour faire des enfants et vivre leur relations amoureuses séparément.

 

“Peut-être, dit-il à mi-voix, que si tu ne nous avais pas tant supplié pour qu’on se marie quand Audrey est tombée enceinte, on n’aurait pas à divorcer aujourd'hui."

 

La casserole de pomme de terre tombe au sol dans un fracas retentissant. Effrayée, Lucy gémit et de grosses larmes perlent au coin de ses yeux et Molly s’agite sur sa chaise, mal à l’aise. Teddy se rapproche d’elle et lui plaque son livre sous les yeux, essayant naïvement de détourner son attention. La mère de Percy se tourne vers lui, sa baguette serrée dans sa main qui tremble, les traits déformés par la colère.


“Percy Ignatius Weasley, tu ne viens pas de dire ce que je crois que tu viens de dire, crache-t-elle, menaçante.

-Calme-toi, Maman, tu fais pleurer Lucy, répond son fils en prenant l’enfant dans ses bras.”

 

Son autre fille, Molly, s’accroche au livre que lui montre Teddy comme à une bouée de sauvetage. La tresse que Percy vient de lui faire est de travers et plusieurs mèches s’en échappent. Il grimace. Il aurait dû être plus attentif quand Audrey lui a appris à coiffer leur fille, parce qu’elle ne peut pas décemment sortir avec cette chose sur la tête. Il remercie silencieusement Teddy qui montre une par une les petites illustrations du livre à sa cousine pour essayer de détourner son attention, mais Molly lance de petits coups d'œil anxieux à son père, guettant ses réactions.

 

Sa mère le fixe, bouillonnante d’une rage qu’elle contient pour ne pas faire paniquer davantage ses petites-filles.

 

“Je ne suis pas responsable de votre séparation, siffle-t-elle en agitant sa baguette pour récupérer les pommes de terre tombées au sol.

-Je sais, Maman. Je suis désolé, je n’aurai pas dû dire ça. Je suis épuisé, admet-il en baissant les yeux.”

 

Sa mère pose sa baguette sur le comptoir et s’approche de lui. Elle ne semble plus aussi énervée qu’une seconde auparavant, mais il a l’habitude de ses sautes d’humeur brusque et brèves. D’un geste très doux, elle le prend dans ses bras en faisant attention à ne pas serrer trop la petite Lucy qui sanglote toujours.

 

“Je sais, mon tout petit, je sais. C’est trop, pour toi, tout ça… Deux enfants en bas âge, ton travail au Ministère et maintenant ça… Tu es trop jeune pour avoir à supporter tout ça.
-J’ai 28 ans, Maman, plaisante Percy en se détachant de l’étreinte de sa mère. Je ne suis plus un enfant.

-Tu seras toujours un enfant pour moi, répond sa mère en lui prenant Lucy des bras. Tu as ta journée, non ? Profites en, va faire une sieste, pendant que les filles et moi terminons de préparer le déjeuner. Teddy, Molly, vous allez m’aider à cuisiner, hein ?

-Et toi ? Tu n’as pas envie de faire une pause, tu as gardé les enfants toute la matinée et je sais que Molly est agitée, en ce moment.

-Ton père ne devrait pas tarder à rentrer, il sera ravi de jouer avec ses petites-filles. File te coucher, je m’occupe du reste.

-D’accord, souffle Percy.”

 

D’un geste absent, il tapote la tête de Molly en lui désignant sa grand-mère et la petite fille de quatre ans lève les yeux vers elle. Elle semble toujours inquiète mais le sourire que lui adresse Teddy paraît la rassurer un peu. Dormir n’est peut-être pas une mauvaise idée. Il avait beau savoir depuis le début que sa relation de façade avec Audrey se terminerait un jour, il se sent dépassé par les événements. Il pensait qu’il avait plus de temps, que Molly et Lucy seraient plus âgées… Soudain, le besoin de s’isoler se fait violent, et il se dirige vers l’escalier qui mène à sa chambre d’adolescent. Il a besoin de réfléchir.

 

“J’espère que toi aussi, tu trouveras quelqu’un” lui a dit Audrey lorsqu’ils se sont séparés ce matin après la signature des papiers. Il soupire. Si seulement il avait le temps de penser à ça ! 


Partie 2, chapitre 2 - “Quels sont les potins du jour ?” by Emojifeu

Chapitre 2 - “Quels sont les potins du jour ?”


Les hiboux étaient agités, ce matin. Le Grand Duc que Rose empruntait de temps en temps pour envoyer du courrier à ses grands-parents moldus n’arrêtait pas de piaffer d’impatience alors qu’elle attachait la lettre à sa patte, tentant même de la mordre par moments pour accélérer la cadence. La jeune femme esquiva les deux premiers coups de bec avec grâce, mais le troisième fut trop rapide et le hibou lui pinça la main.

 

“Aïe ! s’exclama-t-elle en portant son pouce à la bouche.”

 

Aussitôt, l’oiseau ouvrit ses ailes et s’envola par l’embrasure de la tour, quittant la volière sans lui adresser un regard. Se précipitant à la fenêtre pour qu’il l’entende, Rose hurla aussi fort qu’elle put : “Pour Hugo, chez mes grands-parents à Plymouth !”

 

Ses mots furent emportés par le vent et le hibou ne se retourna pas. Rose soupira, espérant qu’il avait quand même compris où il devait livrer la lettre. Elle rajusta son bonnet sur ses boucles noires et remit ses gants bleus. L’endroit où l’oiseau l’avait mordu était un peu rouge et gonflé, mais rien qu’un sort ne puisse guérir.

 

Elle redescendit de la volière à petits pas mesurés. La neige avait en grande partie fondu, mais des plaques de verglas recouvraient encore le sol par endroit, et elle n’avait aucune envie de tomber comme Damian la semaine précédente. Il boitait encore, plus de cinq jours après ! Elle essaya de faire attention alors qu’elle se dépêchait de rejoindre le château avant que le petit déjeuner ne se termine. Son estomac qui gargouillait lui rappela qu’elle n’avait rien avalé depuis la veille et elle pressa encore le pas. 

 

Ses pensées dérivérent vers son petit frère. Dans sa dernière lettre, il semblait aller de mieux en mieux. Il avait fait sa rentrée dans sa nouvelle école moldue, celle que ses grands-parents avaient recommandé, et paraissait même s’être fait quelques amis. Le problème, d’après ce que Rose avait compris, était que l’enseignement était bien différent de celui de Poudlard et qu’il lui manquait les bases les plus élémentaires. Même dans l’établissement pour jeunes déscolarisés dans lequel il se trouvait, il n’était pas au niveau. Mais il semblait enthousiaste dans sa lettre, se souvint Rose, disant qu’il avait hâte d’apprendre. Elle sourit en pensant à son petit frère qui avait enfin réussi à obtenir ce qu’il voulait. Il lui manquait, mais il était mieux là-bas qu’à Poudlard, qui le rendait si malheureux.

 

Rose bifurqua à droite en passant la Grande Porte et fonça vers la table des Serdaigles, où Maggie finissait son petit déjeuner. En la voyant débarquer habillée de pieds en cape, elle haussa un sourcil interrogateur, un énorme toast à la marmelade à moitié-englouti l’empêchant de parler.

 

“J’étais à la volière, lança Rose en guise d’explication. Oh, je meurs de faim ! Tu restes avec moi le temps que je termine, hein ? 

-On fa être en refard en cours, articula Maggie du mieux qu’elle put en mâchant son toast. Depêfe-toi.

-Promis, promis, répondit Rose en se servant une tasse de thé.

-C’était ta lettre pour Hugo ?

-Yep, je voulais absolument qu’elle parte ce matin ! Elle devrait arriver ce soir, et il aura tout le week-end pour me répondre, sourit Rose en attrapant un œuf sur un plateau.

-Tu m’as pas dit, il va bien ?

-Qui va bien ? demanda Augustus en balançant ses grandes jambes par-dessus le banc. De qui on parle, quels sont les potins du jour ?

-Énorme ragot, rigola Maggie en s’essuyant la bouche. Rose a reçu une lettre de son frère, hier.

-Ah ! Alors ça n’a aucun intérêt, répondit leur ami en se servant un bol de porridge.

-Augustus ! s’écria Rose.

-Je rigole, ça va… Il va bien, ton frangin ?

-Il va bien, merci pour ton intérêt sincère. Il a fait sa rentrée, la semaine dernière ! Dans son école moldue. Il dit que c’est bien, mais qu’il a du boulot.

-Bah, au moins il n’y a pas ton abruti de cousin pour lui casser les pieds, c’est toujours mieux qu’ici !

-En parlant de Louis, dit Rose en baissant la voix, vous avez entendu que McGonagall a reçu ses parents la semaine dernière ? J’ai vu mon oncle dans les couloirs ! 

-Je veux, s’exclama Augustus en enfournant une cuillère gigantesque de porridge. La rumeur veut qu’ils aient essayé de filer un pot de vin pour éviter son exclusion.

-La rumeur dit vrai, confirma Maggie. La préfète de Gryffondor m’en a parlé. Apparemment, elle a refusé et ils ont décidé de l’envoyer à Beauxbâtons. Sa mère était furieuse. Elle a traité McGonagall de “vieille rosbif rabougrie”, quoi que ça signifie.

-Ça a pas l’air sympa, sourit Augustus avec malice.

-Eh bah, soupira Rose en terminant son thé, elles vont être gaies, nos réunions de famille de cet été ! Je sais même pas s’ils vont oser venir au Terrier… 

-D’ailleurs, toujours au sujet de ta famille, renchérit Maggie, est-ce que vous savez qui s’est engueulé, vendredi dernier ? Albus et ses potes se parlent plus, d’après ma copine Lena. Les Serpentards ont Sortilèges avec les Poufsouffle, et elle m’a dit qu’ils s’étaient mis à se crier dessus avec Eden en plein milieu du cours !”

 

Rose baissa les yeux et ne répondit pas. Albus restait un sujet encore sensible entre Augustus et elle, et elle se sentait toujours désolée de ce qui s’était passé lorsque son frère avait disparu, un mois auparavant. Elle glissa un coup d'œil vers son ami qui fixait le fond de son bol, absorbé par sa cuillère. Maggie émit un grognement et reprit la parole.

 

“C’était un super potin, grommela-t-elle. Eh, va falloir passer au-dessus, hein ! Oui, Rose a fait de la daube…

-Merci, ginça la jeune femme entre ses dents.

-Et c’était pas sympa de sa part, continua Maggie sans lui prêter attention, mais y a pas mort d’homme !

-Maggie… commença Augustus.

-Nope, le coupa-t-elle, plus d'excuses ! Ça fait un mois que tu boudes dès qu’on parle d’Albus, c’est bon, elle a bien compris qu’elle avait fait n’importe quoi ! Mais comprends-la, aussi ! Elle était bouleversée, personne ne savait où était Hugo. Tu avais été beaucoup plus compréhensif avec moi en cinquième année, alors que je me comportais vraiment comme une…

-Crétine arrogante et mesquine ?

-J’avais “vieille rosbif rabougrie” en tête, plutôt, sourit Maggie, mais oui. Bref, j’en ai marre que vous tiriez des tronches d’enterrement dès qu’on mentionne ton cousin, conclut-elle. Je vais retrouver Neela et Damian, ajouta-t-elle en se levant. Vous n’avez qu’à en profiter pour discuter un peu, ça vous fera pas de mal !”

 

Et elle tourna les talons, le bandeau rose vif qu’elle portait dans les cheveux sautillant sur son carré sage au rythme de ses pas. Rose fixa son assiette. Penaude, elle évitait à tout prix de lever les yeux, trifouillant sa nourriture du bout de son couteau, cherchant dans le jaune de son oeuf ce qu’elle pourrait bien dire à Augustus. Rien ne lui semblait à la hauteur de ce qu’elle avait fait. Et devant toute l’école ou presque…

 

“Maggie a raison, soupira Augustus en se tournant vers elle. Je ne peux pas continuer à bouder à chaque fois que le sujet arrive sur la table, c’est ridicule. Et puis, à qui je vais raconter mes problèmes de coeur, hein ? 

-Je te conseille plutôt Maggie, répondit Rose sans oser croiser son regard. Il paraît que j’ai une sale tendance à ne pas savoir garder un secret…

-Rose, non. Tu n’as pas le droit de faire ça.”

 

Surprise, elle redressa la tête. Augustus, les bras croisés, lui adressa une moue exaspérée.

 

“Hum hum, c’est mort. Interdiction de te morfondre sur ton propre sort sur ce coup ! C’est toi qui a fait n’importe quoi, c’est toi qui assume !

-Mais…

-Et assumer, continua son ami plus fort, c’est être responsable de ce qu’on a fait, pas se plaindre en répétant à qui veut bien l’entendre qu’on est nul et indigne de confiance et je ne sais quelles autres bêtises. Je refuse de t’écouter te lamenter, j’ai d’autres problèmes.

-Ok, souffla Rose. Compris. Je suis désolée, Augustus. Par contre, ajouta-t-elle après un silence, est-ce que dans tes autres problèmes il y a Maggie et Scorpius ? Parce que moi, c’est définitivement sur ma liste !

-J’ai cru qu’on en parlerait jamais… Une idée de ce qui s’est passé ?

-Aucune, soupira Rose. Je t’avais dit qu’avec Damian, on les avait surpris à se bécoter ?

-Ouais, je me souviens vaguement de ça, dit Augustus avec malice. Tu me l’as pas raconté, genre, vingt ou trente fois déjà.

-Oh, ça va ! grogna Rose, de mauvaise foi. C’était marrant. Et puis c’est Scorpius, quoi ! Le pauvre, ça fait mille ans qu’il attendait ça…

-Et du coup ?

-Et du coup, rien. Elle s’est barrée, comme je t’ai raconté “genre, vingt ou trente fois déjà”, singea-t-elle, et ensuite ils ont juste commencé à se disputer tout le temps. Bien sûr, Maggie refuse qu’on en parle.

-C’est presque un cas d’école, à ce stade, répondit Augustus d’un air songeur. Je crois pas avoir passé un moment avec les deux où ils se sont pas mis sur la tronche. 

-Neela ne veut plus les voir ensemble, dit Rose d’une voix triste. Elle dit que c’est trop pénible.

-Elle a pas forcément tort, grommela son ami. J’aime bien Scorpius, hein, mais c’est insupportable d’être avec les deux en même temps. L’autre jour, ils se sont engueulés à propos du plafond de la Grande Salle, Rose ! s’écria-t-il d’une voix désespérée. Qui en a quelque chose à faire du plafond de la Grande Salle, hein ?

-Le pire c’est qu’ils sont faits l’un pour l’autre, en plus. J’ai jamais vu Maggie dans cet état pour un garçon, et pourtant j’en ai vu, des garçons ! 

-Tu crois qu’on devrait leur dire qu’ils nous cassent les pieds ? Trouvez-vous une chambre, ou un truc du genre ?

-Oh, moi je ne m’occupe plus des histoires d’amour des autres, déclara Rose en s’extirpant du banc sur lequel elle était assise. Trop de dégâts ces derniers temps. 

-Rose, c’est ok, répondit Augustus d’un air grave. Au moins, ajouta-t-il en haussant les épaules, maintenant il sait que la porte est ouverte.” 

 

Il y avait un peu de tristesse dans son sourire et un pincement de culpabilité serra le cœur de Rose. Si tout le monde savait que Scorpius aimait Maggie depuis une éternité, elle, elle savait qu’Augustus avait un truc pour son cousin depuis presque aussi longtemps. Une histoire de patins à glace en cinquième année. Elle n’avait rien dit à personne, d’abord parce qu’Augustus ne voulait pas, et puis surtout parce que c’était son cousin. Albus était le garçon le plus timide et secret qu’elle connaissait - et elle connaissait Damian, qui ouvrait la bouche deux fois par jour dans l’unique but de manger ou respirer. Et puis elle ne savait pas comment Albus réagirait. Ce n’était pas un sujet qu’ils abordaient beaucoup dans leur famille, Oncle Percy en savait quelque chose. 

 

Augustus se leva à son tour et la suivit alors qu’elle quittait la Grande Salle pour se rendre en cours de Métamorphose. Un sentiment réconfortant lui emplissait tout de même la poitrine pendant qu’ils traversaient les couloirs en discutant. Elle avait réussi à parler à son meilleur ami et elle avait écrit à son frère. Même si son devoir de Métamorphose ne lui valait qu’un Effort Exceptionnel, elle pourrait estimer que sa journée valait le coup - mais elle était à peu près certaine que sa dissertation sur les différentes formes de métamorphoses humaines valait un Optimal.

 

Soudain, un cri la tira de ses pensées. Elle grimaça et Augustus ricana.

 

“Eh ouais, on a cours avec les Serpentards, t’avais oublié ?”

 

Rose soupira sans répondre. Fidèles à eux-mêmes, Maggie et Scorpius se chamaillaient devant la salle de cours sous le regard médusé du reste de la classe. Rose distingua quelques bribes de conversation entre les éclats de voix, quelque chose à voir avec le devoir de la semaine dernière. Elle leva les yeux au ciel.

 

“On fait quelque chose ? Augustus demanda d’une voix blasée.

-On se planque, décida Rose en vérifiant que le Serpentard qui se tenait devant elle la cachait bien.”

 

Rose soupira. C’était pénible, ces disputes incessantes. Elles troublaient le peu de temps qu’il leur restait encore à passer tous ensemble au château. Elle avait l’impression que l’obtention de leur diplôme se rapprochait à la vitesse d’un train. Le mois de février se terminait déjà, et avec lui le dernier hiver qu’elle passerait à Poudlard. Elle n’avait pas envie de devoir se cacher, ou de ne pas pouvoir voir Scorpius en même temps que Maggie. Ils n’avaient plus que quelques mois, et la pensée douloureuse de leur départ prochain lui pinça le cœur.

 

Bien sûr, ils resteraient amis après, mais ça ne serait plus jamais pareil. Comme s’il lisait ce qui la tracassait sur son visage, Augustus posa sa main sur son bras et lui adressa un petit sourire rassurant. Elle s’accrocha à la pensée que son amitié avec Augustus était bien la preuve qu’ils seraient toujours là les uns pour les autres, comme leurs parents. Après tout, avant d’être son meilleur ami, Augustus était d’abord le fils d’un ami de sa mère et son père. Elle ne l’avait jamais rencontré parce qu’il avait toujours été là, un peu à la manière de ses cousins. Il serait là après, elle en était certaine.

 

“T’as l’air un peu paumée, ma vieille, lui glissa-t-il en murmurant.

-Je réfléchis, répondit Rose sur le même ton.

-Au fait, je t’ai pas demandé : ça se passe bien, pour ton oncle ? 

-Lequel ? demanda-t-elle en soupirant. 

-Celui qui se présente au poste de Ministre de la magie.

-Percy ? C’est pas… Enfin, si remarque, se corrigea-t-elle, c’est un peu ça… Disons que si son parti est majoritaire, il finira Ministre. T’écoute jamais quand Teddy parle ? 

-Teddy ? dit Augustus avec un reniflement de mépris. C’est un cours optionnel, j’y vais que pour rattraper le T que je vais me payer en Potions.

-Sympa…

-Alors, ton oncle ? 

-Je sais pas, répondit Rose. Je crois que ça ne se passe pas très bien, non. 

-Ah… Dommage, il aurait bien présenté, en ministre. Énorme DILF énergie, ajouta-t-il avec un sourire espiègle.

-Augustus ! s’écria Rose, horrifiée.

-Rose ? demanda la voix de Maggie plus loin dans la file.

-C’est malin, murmura Rose à l’adresse d’Augustus qui riait, tu nous as grillé ! Arrête de rire ! J’arrive, Maggie, lança-t-elle en levant les yeux au ciel.”

 

Elle n’avait aucune envie de jouer encore les arbitres entre elle et Scorpius. 

Partie 2, interlude 2 : 8 ans plus tard by Emojifeu

8 ans plus tard

 

“Vous n’aurez pas à travailler le week-end” a promis son supérieur lorsque Percy a été nommé chef du département du Sport et de la Culture du Ministère de la Magie, et pourtant il est là, au milieu du plus grand terrain de Quidditch de Grande-Bretagne, un magnifique samedi d’avril. Audrey lui a proposé de venir avec les filles et Anna, sa compagne, au pique-nique qu’elle organise pour les quatre ans de Lucy mais non, il se retrouve à devoir jouer les représentants du Ministère parce que les matchs ont été mal calés dans son emploi du temps.


À l’intérieur, Percy bouillonne de rage. Il sait que s’il veut obtenir un poste plus important dans quelques années, il doit faire des concessions, mais louper l’anniversaire de sa plus jeune fille… Surtout que Molly et Lucy commencent à peine à se faire à la séparation de leurs parents ! La grande surtout a eu un peu de mal, ces deux dernières années. La situation a changé trop vite, pour elle. Audrey et lui ont été trop brusques, ils s’attendaient à ce qu’elle s’habitue beaucoup trop rapidement pour une si petite enfant. À présent, Molly a saisi ce qui se passe et comprend pourquoi elle va chez sa mère seulement les week-end et le mercredi, et ses crises de colère et de larmes se sont calmées. Mais Percy sait qu’elle adore les moments qu’ils partagent encore tous les cinq, avec Anna en plus, et il s’en veut de ne pas pouvoir être avec elles ce week-end.

 

Le match est d’un inintérêt affligeant, qui plus est ! C’est un match amical en prévision de la Coupe du Monde qui doit avoir lieu à la fin de l’été, mais l’équipe de Grande-Bretagne domine celle du Pays de Galles presque sans effort, et les batteurs en profitent pour parader et flirter avec les spectatrices dans les gradins, ce qui a le don d’agacer encore plus Percy. Quitte à louper le pique-nique, il aurait pu assister à du beau sport, mais non. Le seul spectacle, c’est cette bande de coqs qui paradent et font des loopings sur leurs balais. Ridicule. Lorsque le poursuiveur de Grande-Bretagne finit par attraper le Vif d’Or vingt minutes plus tard, Percy ne peut retenir un soupir de soulagement. Il sait qu’il ne lui reste qu’à passer dans les vestiaires saluer la victoire au nom du Ministère, serrer quelques mains et qu’il sera libre de rentrer chez lui s’affaler dans son fauteuil et, avec un peu de chance, dormir jusqu’au lundi matin.

 

Lorsqu’il pousse la porte des vestiaires une dizaine de minutes plus tard, il a encore plus hâte d’en finir que lorsque le match s’est terminé. Les joueurs lèvent la tête, surpris, et il leur adresse un sourire de circonstance avant de prendre la parole.

 

“Bonjour à toutes et à tous ! Ah, sacré match ! Au nom du département des Sports et de la Culture que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui, je tenais à vous adresser mes félicitations pour cette victoire bien méritée, et…

-Percy ? Percy Weasley ?”

 

Une des sept personnes assises sur le banc qui lui fait face se lève et s’approche de lui. Percy le regarde et se souvient immédiatement. Il n’a pas le loisir d’oublier les gens, pas dans son métier, mais il se serait de toute façon rappelé d’Olivier Dubois n’importe où, n’importe quand. Ils ont partagé un dortoir pendant sept ans, après tout ! 

 

"Ça alors, s’exclame-t-il alors que le joueur s’approche de lui, Olivier ?

-Mais qu’est-ce tu fais là ?

-Je ne savais pas que tu étais dans l’équipe de Grande-Bretagne, continue Percy sans répondre, c’est incroyable ! Tu as finalement réussi !

-Représentant du Ministère hein ?

-Seulement pour le département des Sports et de la Culture, corrige Percy.

-N’empêche, pas mal…

-Dubois, désolée de t’interrompre mais on peut terminer de se changer ?”

 

Derrière Olivier, Percy voit une jeune femme qu’il identifie comme une des poursuiveuses de l’équipe. Sa robe aux couleurs de la Grande-Bretagne est à moitié détachée et les plaques de bois qui protègent ses genoux traînent au sol, mal accrochée. Quel idiot ! Si préoccupé qu’il était à l’idée de rentrer chez lui, il n’a même pas laissé aux joueurs le temps de se changer avant de venir les féliciter ! Il rougit et regagne la porte pour sortir. 

 

“Je suis désolé, bafouille-t-il, je voulais juste vous féliciter pour cette belle victoire ! Le Ministère vous encourage dans les sélections, bonne chance pour la suite !
-Percy attends !”

Olivier le rattrape alors qu’il va s'extirper de cette situation affreusement gênante et tenter de s’enterrer vivant dans le premier trou qui aura la bonne idée de croiser son chemin.

 

“Tu peux m’attendre ? J’en ai pour dix minutes, maximum ! 

-Mais, euh… 

-S’il te plaît ! On va boire un verre, hein, en souvenir de Poudlard. 

-Hum…

-Et puis, je viens de remporter ce match hautement important, et il paraît que le Ministère est très fier de nous, ajoute Olivier en souriant. 

-Ok, souffle Percy, mais pas longtemps.

-Super ! À tout de suite !”

 

Si un jour Percy Weasley avait pris le temps dans sa vie bien remplie de se demander ce qu’est devenu Olivier Dubois - ce qu’il n’a jamais fait - il aurait sans doute imaginé quelqu’un de très similaire à la personne qui lui fait face dans ce pub du Chemin de Traverse. Un homme d’une trentaine d'années, qui le dépasse d’une bonne dizaine de centimètres et qui semble incroyablement en forme alors que lui peine à monter les trois escaliers qui mènent à son appartement. Olivier est un sportif qui ressemble à tous les sportifs : il respire la santé et bien qu’il passe la main dans ses cheveux environ trois fois par minute, ceux-ci paraissent toujours coiffés. “Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne”, pense Percy en frottant sous la table une tache blanchâtre sur sa robe de sorcier, un petit cadeau de Lucy qui a trouvé très drôle de renverser ses céréales par terre ce matin.

 

“J’ai toujours su que tu finirais par devenir quelqu’un, lance Olivier en reposant son verre de bière devant lui.

-Quoi, mon job au Ministère ? Ce n’est qu’une étape, balaye Percy d’un revers de main.”

 

Olivier sourit et il lui lance un regard suspicieux.

 

“Tu te moques de moi ?

-Non, au contraire. Je trouve que tu n’as pas changé. Tu es toujours aussi ambitieux. Qu’est-ce que tu vises, cette fois, Percy Weasley ? Après le poste de Préfet-en-chef de Poudlard, après celui du plus jeune assistant au Ministère, le siège du Ministre de la Magie ?

-C’est une idée, répond Percy en souriant.

-Tu en es capable, en tout cas.

-Et toi, Olivier Dubois, qu’est-ce que tu prévois ?

-On va essayer de gagner cette Coupe du Monde, déjà. J’ai hâte de voir à quoi ressemble Tokyo. Ensuite, je m’arrête.

-Comment ça, tu t’arrêtes ?

-Eh, rigole Olivier, j’ai fêté mes trente ans, cette année ! Pour un sportif, c’est vieux !

-Mais tu as l’air en pleine forme !

-Merci, tu n’es pas mal non-plus.” 

 

C’est plus une pique amicale qu’un flirt assumé, mais Percy rougit tout de même et bafouille en reprenant. 

 

“Non mais, je veux dire… Tu n’as que trente ans ! C’est très jeune !

-J’ai du mal à tenir la distance, pourtant. Les deux batteurs là, ils ont à peine vingt-et-un ans et je sens que je ne suis pas au niveau. Je ne suis plus aussi rapide, et j’ai laissé passer deux ou trois souaffles aujourd’hui. Il est temps de raccrocher, conclut-il avec un sourire triste.

-C’est injuste, s’indigne Percy.

-C’est la vie, répond Olivier en lui adressant un sourire. Mais c’est drôle que ça t’énerve, je le prends comme un compliment.

-Et tu vas faire quoi, ensuite ?

-Je ne sais pas trop… Le Quidditch, c’est un milieu exigeant. Je n’ai pas beaucoup vu mes parents ces derniers temps et à part mon équipe, je n’ai pas des masses d’amis. Essayer de fonder une famille, ça pourrait être pas mal, j’imagine… Tu es marié, toi ?

-Divorcé, répond Percy. Depuis deux ans. Et j’ai deux filles.” 

 

Olivier redresse la tête et lui lance un regard étonné en sifflant.

 

“Deux filles ? Et tu es à la tête d’un département du Ministère ? Mais comment tu fais ?

-Je déteste dormir, répond Percy en rigolant. Molly, la plus grande, va avoir six ans et Lucy a quatre ans aujourd’hui. Elles sont, bien évidemment, les deux êtres les plus adorables que cette terre ai porté.

-Bien évidemment, sourit Olivier. Mais c’est fou… Pendant que je m’échinais en presque quinze ans à atterrir enfin dans l’équipe de Grande-Bretagne, tu as eu le temps de te construire une carrière, de te marier, de faire deux mômes, de divorcer… Tu as aussi trouvé un remède aux morsures de loups-garous ou tu te gardes un petit quelque chose pour tes vieux jours ?

-Fous-toi de moi…

-Je n’oserais jamais, se moque Olivier. Et elles sont où, tes filles ? Je ne t’ai pas privé de ta soirée avec elles au moins ?

-Elles sont avec leur mère, c’est elle qui les garde le week-end. Ça fait deux ans que c’est comme ça, ça fonctionne plutôt bien.

-Et le divorce ? C’était compliqué, ou… ?

-Non, on s’est séparés d’un commun accord. On avait des… inclinations différentes, choisit-il de dire.
-Hum. Je vois.” 

 

Percy scrute son visage. Il n’arrive pas à déterminer si c’est un “je vois” qui signifie “je ne comprends pas mais je vais faire comme si” ou si c’est un “je vois” qui veut dire qu’il comprend très bien ce que Percy sous-entend. Olivier semble réfléchir et il n’arrive pas à déchiffrer son expression. Soudain, il redresse la tête et croise son regard.

 

“Et tes inclinations, Percy Weasley, reprend Olivier après un silence, elles seraient partantes pour aller boire un verre chez moi, par exemple ?

-Elles pourraient, Olivier Dubois, répond Percy en souriant. Par exemple.

-Par exemple.” 


End Notes:

Personne n'a de preuve que j'ai commencé toute cette histoire uniquement pour caler du Percoliver à toutes les sauces c'est FAUX.

Partie 2, chapitre 3 - “Tout le monde n’est pas aussi courageux que toi. by Emojifeu

Chapitre 3 - “Tout le monde n’est pas aussi courageux que toi.”


La cata. Tout simplement la cata. Geste rageur. Le journal s’écrasa contre le mur. Glissa à terre. Murmure de papier froissé. Ressorts grinçants du lit. Teddy se redressa.

 

Percy était au plus bas dans les sondages. Sa candidature datait d’une semaine auparavant, à peine ! Et déjà placé bon dernier. Une catastrophe. 

 

Une sensation désagréable dans sa poitrine. Il se sentait coupable. Les sondages laissaient un goût amer sur son palais. Ses doigts tatonnèrent sur la table basse. Attrapèrent le vide en cherchant ses clopes. Agacé, il tourna la tête. Les vit dans le bazar de son bureau. Il faudrait ranger. S’il avait le temps, un jour !

 

Teddy avisa l’horloge du salon en tirant une latte. Presque l’heure de se mettre en route pour Poudlard. Encore ce cours qu’il donnait. Cours qui ne changeait rien. Percy était trop bas dans les sondages, c’était pas la dizaine de mômes qui se pointait chaque semaine qui allait y changer quelque chose !

 

Filet de fumée emplissant l’atmosphère. Il toussa deux fois et ouvrit un carreau. Olivier détestait quand il fumait à l’intérieur. Il allait encore l’épingler. Entre ça et Al, Teddy avait hâte de trouver enfin un appart’ à lui ! Mais pour ça, il faudrait que Percy puisse l’embaucher à temps plein.. Et donc qu’il soit Ministre…

 

Il en revenait à la même chose. Ce foutu sondage.

 

Le mégot s’écrasa contre les briques de l’embrasure de la fenêtre. Gerbe d’étincelles. Ses doigts frottèrent les uns contre les autres pour repousser l’odeur de tabac. Teddy fit volte-face. L’horloge indiquait moins dix. Il fallait qu’il se bouge. Sa main chercha son paletot. Il l’enfila à l'envers sans faire attention. Trop concentré sur la mauvaise nouvelle. Le sondage. Ça lui remplissait le crâne comme une soupe trop épaisse. Bam ! La porte claqua. Silence.


*

 

“Parce que c’est vital, de voter ! C’est normal de donner le droit de vote à tous, en fait ! Maggie lâcha avec un regard mauvais.

-Mais c’est une galère à mettre en place, tu te rends compte ? Pourquoi est-ce que les créatures magiques n’ont pas le droit de vote aujourd’hui, hein ? A ton avis ? Scorpius rétorqua. Parce qu’elles n’ont pas de baguettes ! Si on voulait leur donner le droit de voter, on devrait revenir sur un principe de base de ce qu’on a instauré, personne ne comprendrait !

-Ah, parce que ça pose des problèmes logistiques, on ne doit même pas y réfléchir alors ?! C’est dingue d’être borné comme ça !” 

 

Trois séances que Maggie et le fils Malefoy se prenaient la tête à chaque fois. Il n’en pouvait plus. Son cours était devenu un duel sans fin entre les deux, qu’ils reprenaient là où ils l’avaient laissé la fin précédente. Ça faisait fuir les autres élèves, en plus. Teddy soupira. Hésita à les virer de la salle. Il ne pouvait pas se permettre de perdre les rares personnes qui venaient encore. Et ça ne servirait à rien, de toute façon. C’était pas le cours, le problème.

 

Albus lui avait expliqué que Maggie et Scorpius cherchaient toutes les occasions pour se sauter à la gorge. Il ne les fréquentait pas, n’en savait pas vraiment plus. A priori juste une histoire de cœur qui aurait mal tourné. C’était la rumeur. Teddy n’avait aucun mal à y croire. Les regards sous cape que Scorpius lançait à l’adolescente, les sourires en coin, la rage folle qui l’habitait elle… Il y avait quelque chose d’irrésolu.

 

Sourire en coin. Si Malefoy savait ! S’il voyait son môme comme ça, en pâmoison devant une petite Née-Moldu… La tronche qu’il tirerait ! La tronche que tout le monde tirerait, d’ailleurs. Un gosse de Sang-Pur avec une petit Née-Moldue alors que Papa brigue le poste de Ministre de la Magie… Il ne connaissait pas toute la clique de Malefoy, mais Teddy était certain que ça ne leur plairait pas trop, de voir le gamin jouer les progressistes en pleine campagne électorale. Ça allait faire tâche avec le reste du programme, quoi. Une idée se formait sous son crâne. Grossissait.

Une main passa dans ses cheveux bleus. Regard discret vers le reste du groupe. Les deux tourtereaux se prenaient toujours le bec. L’idée devenait plus tangible. Plus proche. Plus claire. Oui, c’était immoral mais… Soupire. Il en avait besoin. 

 

“Ok, ça suffit, Teddy lança alors que Maggie reprenait son souffle. On reparlera de ça la semaine prochaine. Ou jamais, d’ailleurs. Personne n’a proposé de donner le droit de vote aux créatures magiques, j’sais même pas comment on en est arrivés là. Prenez vos affaires, allez profiter de votre week-end. On se voit la semaine prochaine.

-Mais… Maggie ouvrit la bouche.

-Merci, Maggie, Teddy appuya en se levant. Albus, il lança par-dessus son épaule sans se retourner, un mot ?”

 

Raclements de chaises et de tables sur le sol. Bruit léger des coussins empilés. Murmures des conversations qui s’éloignèrent. La salle redevint silencieuse. Nouveau soupir. Teddy s’affala sur l’estrada. Fatigue.

 

“C’est si compliqué de ça ? la voix d’Al demanda.”

 

Il se laissa glisser à côté de lui. Teddy posa sa tête sur son épaule sans répondre. Il avait sommeil. Il voulait rester là toute la soirée. Ne rien faire d’autre.


“C’est épuisant. Jouer les profs, ça pompe toute mon énergie, il finit par dire sans lever les yeux.

-Tu es prof, Albus s’amusa.

-Temporairement, il corrigea. Hors de question que je passe ma vie à faire ça.

-T’es pas mauvais, pourtant.

-Tu dis ça parce que t’es jeune. Tu te rends pas compte à quel point je galère.”

 

Pas de réponse. Teddy ouvrit les yeux. Albus fixait un point ailleurs. Évitait de croiser son regard. Ah oui, il avait encore évoqué leur différence d’âge. Al détestait quand il faisait ça. Il se redressa et le prit dans ses bras.

 

“Pardon, c’est une façon de parler, Teddy murmura à son oreille. Boude pas. 

-Je boude pas, Al répondit sans le regarder.

-Ok, ok… J’veux juste pas qu’on se prenne la tête comme Maggie et Malefoy là.

-Oh, t’imagines ? Al s’écria en faisant volte-face d’un coup. L’angoisse ! Et ils font ça tout le temps !

-J’ai bien vu.

-Non mais même en dehors d’ici ! Ils passent leur temps à se crier dessus, c’est l’horreur !

-Alors qu’ils sont clairement amoureux.

-Alors qu’ils sont clairement amoureux, Albus confirma en hochant la tête. C’est vraiment genre, parlez-vous pour de vrai en fait, au lieu d’en faire profiter tout le château, non ?

-Ils osent pas, j’imagine.

-Se parler ?

-Nan, Teddy répondit, je veux dire s’ils se parlent, ils vont devoir reconnaître leurs torts et tout, ça demande un peu de courage… Je pense qu’ils osent pas faire le premier pas en fait et qu’ils attendent que l’autre le fasse à leur place.

-C’est débile, Albus lâcha en levant les yeux au ciel. Même si ça me foutait les jetons, j’ai toujours essayé de te parler, sinon on avançait pas, en fait.

-Tout le monde n’est pas aussi courageux que toi, faut croire.”

 

L’idée qu’il avait eu tout à l’heure était de retour. Avoir une preuve que le fils Malefoy sortait avec une Née-Moldue et filer l’info à la presse. La Gazette en ferait forcément des choux-gras ! La rédac’ adorait tirer dans les pieds des candidats, mais n’avait pas eu grand chose à se mettre sous la dent. Personne ne savait pour Olivier, et Teddy tenait à ce que ça reste ainsi. Mais l'info finirait par sortir. Il le savait. S’il pouvait juste les coiffer au poteau… S’il pouvait juste offrir un scoop qui dirigerait l’attention ailleurs…

 

“Al…”

 

Deux yeux bruns dirigés vers lui. De l’attente dans les yeux d’Al. Un sourire qui flottait sur ses lèvres. Il s’en voulait de le mêler à ça. Ça serait plus simple, pourtant. Et puis, c’était pour eux aussi, pour la suite. Pour l’appart’ de Teddy. Si Percy perdait, il ne savait pas ce qu’il allait faire. Ça n'était pas bien méchant. Pas si grave. Un peu désagréable sur le coup, et puis… Un pansement qu’on arrache. Il se décida.

 

“Tu sais, on pourrait peut-être les aider à se rabibocher.

-Comment ça ?

-On pourrait faire en sorte qu’ils se parlent.

-Mais pourquoi…

-Pour qu’ils arrêtent d’embêter tout le château avec leurs disputes, Teddy le coupa, et particulièrement mon cours. Ça prend trop de place, on n’avance pas… Et je vais finir par me faire taper sur les doigts, il ajouta.”

 

Un mensonge. Personne ne savait ce qui se passait dans ce cours et tout le monde s’en fichait pas mal. Percy avait d’autres choses à faire. Non, juste un petit mensonge. Juste de quoi décider Albus. Albus ferait n’importe quoi pour lui, il le savait. Et il était si naïf… Une boule de culpabilité dans la gorge. Il ravala. C’était pour la suite. Il le faisait pour une raison. Non, il avait raison. Et si Al venait à l’apprendre, il verrait qu’il avait raison.

 

“Ah bon, Albus paniqua en se redressant, on t’a dit des trucs à cause de tes cours ?

-Rien de trop grave, Teddy le rassura en esquivant son regard. Mais ouais, on n’avance pas, et Percy doute de l’utilité de ce que je fais…

-Il parle d’arrêter ?

-Hum, Teddy fit pour rester vague.

-Ça veut dire… Tu ne viendrais plus à Poudlard ?

-C’est possible, ouais.”

 

La tristesse et la peur mêlées dans les yeux d’Albus. Il avait l’air paniqué. Sur le point de perdre quelque chose de vital pour lui. Teddy se détestait. Il ne dit plus rien. Mieux valait le laisser cogiter un peu. Éviter d’en rajouter.

 

“Et si, Albus souffla après un temps, s’ils on avançait plus vite, tu crois que tu pourrais continuer jusqu’en mai ?

-Probable, ouais.”

 

La boule de culpabilité était de retour dans sa gorge. Il ne pouvait même plus lever les yeux.

 

“On devrait essayer de faire quelque chose, alors… Peut-être que si on ramenait plus d’élèves…

-C’est pas le nombre d’élèves qui est important, tu sais… Et même pour moi, c’est pénible. Ça décrédibilise un peu mon rôle de prof, tu vois ? 

-Je vois… Et si on faisait un truc pour eux, tu penses que tu pourrais continuer ton cours comme avant ?

-J’espère.”

 

Frustration. Il avait presque envie de hurler à Al de se réveiller. Que c’était impossible, que c’était n’importe quoi. Il était beaucoup trop candide. Trop gentil, trop innocent. C’était presque… Facile. Il se dégoûtait. Il devrait lui dire, arrêter les frais mais maintenant qu’il était dedans… Et puis quel scoop pour La Gazette !

 

“On pourrait faire en sorte qu’ils se parlent… Al hésita en réfléchissant. Provoquer une rencontre et puis… 

-Leur filer un coup de main ?

-Ouais, on pourrait… C’est pas très sympa mais ça va leur permettre de régler leur truc, tu crois pas ?

-Si, si ! Teddy répondit. C’est presque une bonne action. Enfin on aide tes potes quoi.

-Et toi. 

-Et moi.” 

 

Sa culpabilité prit ses aises, lovée au creux de sa gorge.

 

*

 

Provoquer une rencontre, ça allait. Pas compliqué de faire se croiser deux élèves à la sortie de la Grande Salle. C’était plus dur de trouver une excuse pour laisser Albus seul. Teddy prétexta qu’il ne fallait pas qu’on les croise ensemble. Ça sembla suffire. Teddy abandonna Albus derrière une statue, avec pour ordre de mission de faire trébucher Malefoy sur la petite Serdaigle. Pour “créer un rapprochement”. Lui, il se cacha en face. De là, il verrait comme personne les deux gamins et pourrait prendre la photo qu’il voulait tant vendre à La Gazette.


Arthur lui avait offert l’appareil enchanté. Il s’en était servi trois fois depuis qu’il l’avait. Une photo de Victoire et lui, un milliard d’années auparavant. Une photo avec le fils Moore, aux Etats-Unis. Et une photo d’Albus, prise quelques semaines en arrière. Immortaliser d’autres choses paraissait débile. Pourquoi faire ? Déjà, la photo de Victoire bougeait moins bien. Le sourire de la jeune fille était crispé. Presque une grimace. Al regardait l’objectif sans comprendre puis lançait un sourire magnifique. Détendu. Confiant. Teddy aimait bien cette photo. C’était la plus réussie des trois.

 

Il avait envoyé un mot à Malefoy signé par Maggie, et l’inverse pour elle. Juste trois lignes indiquant un rendez-vous “pour parler”. Il était à peu près certain que les deux gamins allaient sortir en courant du réfectoire. La fois où Victoire lui avait fixé rendez-vous quand ils s’étaient engueulés après quelques semaines seulement, il s’était précipité. Et il n’était même pas très amoureux, à l’époque.

 

Malefoy arriva le premier. L’air nerveux. Il tirait sur les manches de sa robe. Arrangeait ses cheveux. Jetait de petits coups d'œil vers le fond du couloir. Teddy se remercia de savoir lancer un charme de dissimulation efficace. De là où il était, il ne voyait pas Al non-plus. Parfait. Le gamin Malefoy s’agitait de plus en plus au fil des minutes. C'était le portrait craché de son paternel, mais ça s’arrêtait là. Une ressemblance physique. Il n’avait rien de la superbe de Drago Malefoy, ou son air arrogant, ou son attitude réservée. Il ressemblait plus à l’espèce de hibou surexcité que Ron envoyait à ses parents quand il était encore en vie.

 

“Ah. C’est toi.”

 

Teddy fit volte-face. Se colla le plus possible contre le mur pour laisser passer Maggie. Elle l'effleura sans le voir. Ses yeux lançaient des éclairs. Merlin, il aurait détesté être Malefoy dans cette situation ! 

 

“Salut, le gosse souffla en passant la main dans ses cheveux.

-Je t’écoute. Tu voulais t’excuser ?

-Quoi ? Non ! Enfin, il se reprit un peu gauche, si, je ne sais pas… C’est toi qui…

-C’est ce que ton message laissait entendre, en tout cas.”

 

Elle se tenait trop loin de lui. Jamais Albus n’arriverait à le faire trébucher sur elle, même s’il était numéro 1 mondial du Maléfique de Croc-en-jambe ! Teddy pesta tout bas. 

 

“C’est toi qui m’a envoyé un message, le gamin balbutia.”

 

Il sortit un morceau de parchemin de sa poche et le tendit à la jeune femme. Elle avança de quelques centimètres. Presque, se dit Teddy. Encore un peu et Al pourrait… Maggie sursauta, comme électrocutée.

 

“Je n’ai pas envoyé ça ! Mais c’est… C’est bien mon écriture. Mais je n’ai pas… Attends.”

 

Elle tira un autre morceau de parchemin de son sac. Le montra à Malefoy. Ils se tenaient à seulement un pas l’un de l’autre, à présent. Teddy sortit l’appareil, prêt. Mais Albus n’avait pas l’air décidé. 

 

“Mais je n’ai pas écrit ça non-plus ! Malefoy s’écria en arrachant le parchemin des mains de Maggie. Tu crois…

-Que nos potes en ont eu assez qu’on se dispute tout le temps et ont décidé de régler le problème ? Maggie le coupa. Ouais, je pense, ouais.

-Quelque chose dans ce goût-là… Malefoy soupira.”

 

Ils étaient presque collés l’un à l’autre, pourquoi Albus ne faisait rien ? Teddy chercha sa baguette d’une main. L’autre s’accrochait à l’appareil photo. Il se fichait pas mal de cette histoire d’ado débile ! Il était venu pour une photo et il allait l’avoir. Ah, sa baguette était de l’autre côté ! Quelle plaie !

 

“Maggie…”

 

Et ça se produisit. Malefoy trébucha sur du vide. S’étala de tout son long sur la jeune femme. Le cri qu’elle lança fit sursauter Teddy. Albus s’était réveillé ! Mouvement ample des bras. Il dirigea l’objectif de l’appareil sur le couple au sol. Hésita une seconde. Maggie souriait dans la pénombre. Riait même. Un éclat clair et joyeux qui emplissait le couloir froid. Est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Il imagina la tête de Malefoy en voyant son fils en première page de La Gazette. Sourit. Ouais, ça en valait la peine. Décidé, il appuya sur le déclencheur. Clac ! Le bruit de l’appareil comme un coup de feu.

 

“C’était quoi, ça ? il entendit dire la jeune femme, paniquée.

-Il a quelqu’un ? le fils Malefoy hurla en se redressant. Maggie, que… Attends !”

 

Elle sauta sur ses pieds. Se mit à courir vers Teddy. Il crut qu’elle allait le percuter, mais non. Elle s’enfuyait. Malefoy s’engouffra à se suite. Passa à un cheveu de Teddy sans le voir. Le calme revint sur le couloir.

Partie 2, interlude 3 : 8 ans et 3 mois plus tard by Emojifeu

8 ans et 3 mois plus tard

 

“Percy Weasley, tu ne dors donc jamais ?

-Je te l’ai dit, Olivier Dubois, je déteste dormir.

-Il est quatre heures du matin… 

-Et pourtant, tout est allumé, dit Percy en jetant un œil par la fenêtre de l’hôtel. Eux non-plus, ils ne dorment jamais.

-Qui ?

-Les japonais.” 

 

Tokyo s’étend à perte de vue sous les vitres de l’hôtel. Ils ne sont revenus à la capitale qu’hier soir, après avoir laissé derrière eux l’immense stade construit en pleine forêt à l’occasion de la Coupe du Monde de Quidditch et qui doit déjà avoir été détruit pour conserver le secret. Percy aurait aimé passer plus de temps dans cette ville qui rayonne tout autour de lui. Les néons, les lampadaires et les guirlandes donnent l’impression d’y voir presque comme en plein jour et il sent qu'au-delà de ses fenêtres, Tokyo bouillonne de gens, d’agitation et de vie. Quelque part dans le quartier magique où ils résident, la délégation britannique et l’équipe de Grande-Bretagne doivent encore fêter leur victoire.

 

“Ils ont été bien inspirés de prendre le même hôtel pour les représentants et les membres de l’équipe, soupire Olivier en passant une main sur son visage. Mes nuits auraient été trop calmes si tu n’avais pas pu débarquer n’importe quand.

-Alors déjà, ils ont été bien inspirés ou quelqu’un du département des Sports et de la Culture a eu son mot à dire, réplique Percy en lui souriant, et ensuite je ne t’ai pas dérangé, les autres nuits ! C’est toi qui m’a invité, ce soir !

-Je voulais fêter la victoire avec toi, répond Olivier en baillant.”

 

Percy ne répond pas. Il a beau savoir qu’Olivier travaille, que c’est son métier et que son sommeil est essentiel pour ses performances sur le terrain, il a eu du mal à accepter que le jeune homme ne décide pas de partager sa chambre tous les soirs avec lui. Il ne peut s’empêcher de se dire que c’est parce qu’ils ne sont pas vraiment ensemble, et que les choses se seraient passées différemment, si c’était le cas. Tokyo lui laisse un goût doux-amer dans la bouche, comme toutes leurs rencontres avec Olivier depuis qu’ils se sont retrouvés en avril dernier. Des rendez-vous brefs entre deux entraînements, des restos avalés en une heure avant ses réunions professionnelles, des nuits écourtées pour éviter que ses filles ne croisent Olivier… Une demi-mesure agaçante qui rend chaque moment passé ensemble plus frustrant que le précédent. Mais aussi terriblement addictif, et c’est pour ça que Percy est incapable d’en parler à Olivier, de peur qu’il ne décide qu’il est temps d’arrêter de se voir.

 

“Percy, tu as vraiment demandé à la commission d’organisation de nous mettre dans le même hôtel ? Mais ils n’avaient pas fait les réservations il y a genre un milliard d’années ?

-Hum ? Oui, répond-t-il en pensant à autre chose, mais une réservation, ça se change, hein. Quelle heure il est, à Londres ?

-Environ 20h, je crois. Pourquoi ?

-Je me demandais si mes filles étaient déjà couchées.”

 

Il n’est parti qu’une semaine, pourtant Molly et Lucy lui manquent déjà. Il se rend compte à quel point sa vie tourne autour d’elles, maintenant, plus encore que de son travail. Il savait qu’il voulait des enfants, mais il ne s’attendait pas à ce qu’elles le bouleversent si profondément.

 

“J’aimerai bien les rencontrer, un jour, tes filles, déclare Olivier à mi-voix.”

 

Percy, les yeux perdus dans les lumières de Tokyo qui s’étalent sous la fenêtre, fait volte-face. Surpris, Olivier se redresse aussi.

 

“Quoi, j’ai dit une bêtise ?

-Non, non, s’exclame Percy, je… Enfin, peut-être. Je ne sais pas. Pourquoi ?

-Pourquoi quoi ?

-Pourquoi tu voudrais rencontrer mes filles ?

-Percy, on ne va pas se cacher toute notre vie, quand même ! Et Audrey a une copine, il me semble, non ? Molly et Lucy doivent pouvoir comprendre que…
-Pause, le coupe Percy. Comment ça, “toute notre vie” ?”

 

Olivier le fixe, interloqué. Percy prend soudain conscience qu’il est quatre heures du matin, qu’il est dans un pays qu’il ne connaît pas, complètement nu dans le lit d’un hôtel dont il a oublié le nom, avec un homme qui le dévisage à ses côtés et il se sent soudain très vulnérable. Puis Olivier fait quelque chose d’inattendu. Il explose de rire, un grand rire clair et fort qui résonne sur les murs de la chambre. 

 

“Tu vas réveiller tout l’hôtel ! s’alarme Percy à voix basse.

-Percy, reprend Olivier sans répondre, rassure-moi, tu sais qu’on est ensemble ?

-Quoi ?! Mais depuis quand ?

-Oh merde, tu n’avais vraiment pas compris.”

 

Olivier passe sa main sur son visage et retrouve son sérieux d’un coup. Il s’assoit sur le lit en tailleurs et fixe Percy un moment. Ce dernier ajuste le drap sur ses jambes, gêné. 

 

“Percy Weasley, déclare Olivier après quelque secondes de silence, pour quelqu’un d’aussi intelligent que toi, tu es brillamment stupide.

-Je te remercie ! renifle Percy, vexé.

-À ton avis, continue Olivier sans s’interrompre, pour combien de gars je me démène pour trouver de la place dans mon planning, en pleine Coupe du Monde de Quidditch ?

-Je ne sais pas, bafouille Percy, on n’a jamais parlé de…
-À combien de personne j’ai dit au premier rendez-vous que je cherchais à fonder une famille ? Non, mieux, s’exclame-t-il, combien de personne j’ai supplié d’aller prendre un verre avec moi ces cinq derniers mois ?

-Mais qu’est-ce que tu veux que j’en sache, moi ! répond Percy, agacé et jaloux.

-Si tu m’avais juste posé la question, espèce de gnome borné, tu saurais que la réponse c’est un ! Toi, il n’y a que toi !

-Mais comment je suis censé…

-Parce que moi, je sais ! le coupe une nouvelle fois Olivier. Je sais que tu es débordé en permanence et que tu trouves quand même le temps de déjeuner avec moi tous les jeudis ! Je sais que tu transplanes à deux pas du terrain d’entraînement pour me voir ! Je sais que tu fais des magouilles avec la commission d’organisation pour te retrouver dans le même hôtel que moi ! Et je sais, conclut-il, qu’avec l’emploi du temps de ministre que tu as, tu as à peine le temps pour moi, alors quelqu’un d’autre ? Mais laisse-moi rire ! Et si tu avais juste posé la question, au lieu de partir du principe que j’allais te demander de sortir avec moi comme un collégien, tu saurais aussi ! “

 

Percy le fixe, interloqué. Olivier soupire et baisse les yeux un instant, avant de le fixer très intensément. Ses pupilles sombres ont l’air noires dans la pénombre qui règne sur la chambre. 

 

“Avec combien de personnes tu es sorti dans ta vie, Percy ?

-Qu’est-ce que ça a à voir avec…
-Réponds juste à la question.

-Eh bien… Pénélope, à Poudlard…

-Donc avant tes dix-sept ans, marmonne Olivier.
-Et puis Audrey. 

-Donc une relation fabriquée de toutes pièces et quasi-contractuelle pour que vos mères respectives vous fichent la paix.
-Mais j’ai fréquenté quelques gars, aussi, hein ! ajoute Percy d’un ton présomptueux.

-Hum. Et tes “gars”, ils t’invitaient à déjeuner ?

-Non, répond Percy en hésitant.
-Tu sais pourquoi ? Parce que personne n’invite son plan cul au resto ! Une fois, pourquoi pas, mais de façon répétée tous les jeudis, non. Personne ne fait ça. Est-ce que les gens qui “se fréquentent”, comme tu dis, ils vont se balader tous les week-end à la campagne ? Est-ce qu’ils vont acheter leur robes de sorcier ensemble, comme les vieux couples mariés depuis trente ans ? Non ! Personne ne fait ça !

-Mais pourquoi tu pars toujours avant que Molly et Lucy se lèvent, alors ?! s’énerve Percy. J’ai cru que tu ne voulais rien avoir à faire avec elles, que ça te saoulait que j’ai des enfants !

-Parce que mes entraînements commencent à 7h du matin, tête de mule ! J’en rêve, de rencontrer tes filles, moi !

-Pourquoi tu ne m’as proposé de dormir dans ta chambre que ce soir ? demande-t-il, suspicieux.

-Par Merlin, Percy, ce que tu peux être borné ! Je travaille, j’ai besoin de dormir, c’est tout ! Ça fait une semaine que je me retiens de te demander de venir toutes les nuits, espèce d’abruti, parce que j’avais cette stupide Coupe du Monde de Quidditch à gagner !”

 

La surprise les stoppe tous les deux et Olivier plaque ses mains sur sa bouche, comme choqué et effrayé par ses propres paroles. Percy lui adresse un rictus moqueur et s’approche de lui. 

 

“Tu viens de dire “stupide Coupe du Monde de Quidditch” ou je rêve ?

-Je ne le pensais pas, souffle Olivier, c’est un accident.

-Merlin, s’exclame Percy, j’ai fait dire à Olivier Dubois que le Quidditch est stupide !

-Je ne voulais pas !

-Mais tu l’as dit ! Ah ah ! s’exclame Percy.

-C’est de ta faute, réplique Olivier, c’est toi qui m’a poussé à bout !
-Ouais… Moi, ce que j’ai entendu, c’est que tu me préfères au Quidditch !

-Évidemment, grand cornichon, que je te préfères au Quidditch ! Ça fait vingt minutes que j’essaye de te faire comprendre que je suis fou amoureux de toi et que je veux faire partie de ta vie !”

 

Le visage de Percy devient blanc et ses yeux s’écarquillent. Stoppé net, il retombe sur le lit dans un tumulte de draps qui volent et de matelas qui s’enfonce dans le sommier. Il ne prête même plus attention à la couverture qui a glissé à terre et découvre ses jambes. 

 

“Tu es amoureux de moi ? demande-t-il d’une voix blanche.

-Sérieux, Percy ?! s’exclame Olivier en se laissant tomber sur le côté, dépité. J'abandonne, reprend-t-il à moitié sous la couette, fin de cette conversation. Je capitule, tu as gagné. Il est trop tard, je suis trop claqué pour ça et toi tu es beaucoup trop bête. Viens là, Percy Weasley.”

 

D’un geste ample, il ouvre les bras et Percy se pose là, sur son torse, dans la chaleur de la fin de l’été qui envahit la chambre. Le calme revient, les lumières rassurantes de la ville en dessous vont et viennent sur le mur et il se sent bien. La respiration d’Olivier se fait plus lente et Percy est bercé par le souffle qui anime sa poitrine.

 

“Mais tu m’aimes vraiment ? demande-t-il après une dizaine de minutes de silence.

-Je dors, répond Olivier dans un demi-sommeil.

-Mais vraiment ? 

-Oui, je t’aime vraiment. Je suis amoureux de toi depuis la fois où tu es venu au milieu de l’après-midi pour “vérifier si notre très chère équipe de Grande-Bretagne n’avait besoin de rien” au club.

-C’était pas très subtil… s’excuse Percy.

-Pas très, non. Maintenant, dors.

-Eh, Olivier Dubois ? reprend Percy après quelques secondes de silence, le sang battant à ses oreilles.

-Hum ?

-Moi aussi, je t’aime.

-Oh, ça je sais ! Percy Weasley, crois-moi, j’en ai eu plus de cent preuves en cinq mois ! Je ne crois pas que ton prédécesseur aurait demandé à revoir une organisation mise en place depuis plus de trois ans pour que la délégation du Ministère et les joueurs se retrouvent dans le même hôtel !

-Ça ne veut rien dire, répond Percy avec mauvaise fois. On a eu un excellent tarif de groupe, par exemple.

-Par exemple.”

Partie 2, chapitre 4 - “Si c’était vous qui aviez tort by Emojifeu

Chapitre 4 - “Si c’était vous qui aviez tort ?”


Un instant, il y avait eu la chaleur de Maggie contre son corps et son sourire radieux lorsqu’il s’était redressé avec maladresse. Le son cristallin d’un rire de surprise sincère qui se répercutait contre les murs du château. Et puis un bruit étrange, et c’était terminé. Mais ce moment hors du temps avait permis à Scorpius de réaliser quelque chose. Elle l’aimait bien. Parce que sinon, pourquoi aurait-elle sourit ? Pourquoi se serait-elle mise à rire ? Il ne se souvenait pas avoir ressenti autant de bonheur et de confiance depuis des semaines ! Ce sourire, après ces longues semaines de disputes incessantes, lui avait redonné un peu d’espoir. 

 

Mars faisait des miracles, se dit-il en émergeant des cachots pour rejoindre la Grande Salle. Le château baignait dans une lumière très douce de fin d’hiver, et même la moisissure sur les murs des couloirs paraissait printanière. En passant devant une fenêtre, il vit que la neige du parc commençait à fondre. La journée allait être magnifique. C’était samedi, il n’avait rien à faire - hormis préparer ses ASPIC, évidemment - et il allait juste rejoindre ses amis. Et Maggie.

 

Tout le monde paraissait guilleret, dans la Grande Salle. Scorpius surpris quelques regards dans sa direction, et deux Poufsouffle plus jeunes que lui lui sourirent d’un air entendu. Il devait avoir l’air un peu trop heureux, se dit le jeune homme, les autres élèves n’avaient pas l’habitude de le voir dans cet état. Il chercha Maggie des yeux, mais ne vit que Rose et Augustus à la table des Serdaigle, en pleine conversation. Sans y accorder trop d’importance, il rendit leur sourire aux cinquième années et se dirigea vers la table de Serpentard. Son ventre grognait et l’odeur des toasts grillés n’arrangeait rien.

 

Se fut après sa deuxième tartine de marmelade qu’il commença à se demander si vraiment tout le monde s’était décidé à célébrer comme lui un printemps un peu précoce, ou s’il y avait quelque chose qu’il n’avait pas saisi. Le Gang à Weasley, dont le nom perdurait malgré l’absence de Louis,  paraissait un peu trop enjoué pour être honnête. Eames, debout derrière les deux Serpentard qui lui servaient d’amis, le pointait du doigt en rigolant bêtement. Flood tenait quelque chose que Malefoy voyait mal, un parchemin ou un devoir quelconque. Depuis qu’Hugo avait quitté le château, le Gang à Weasley se tenait plutôt bien et, avantage considérable, avaient visiblement décidé de lui foutre la paix. C’était la première fois depuis des semaines qu’ils semblaient s’intéresser à lui.

 

Nullement intimidé, Scorpius haussa un sourcil et leur lança, assez fort pour que sa voix porte : 

 

“Un problème, les gars ?

-Je ne sais pas, Malefoy, répondit Flood d’un ton mauvais, est-ce qu’on a un problème ?

-Quelqu’un va avoir des problèmes, en tout cas, ajouta Rabban en rigolant.

-Pourquoi, Rabban ? Ta mère s’est enfin rendu compte qu’elle avait élevé un gros crapaud stupide à la place de son fils, elle t’a remplacé ?

-Espèce de…

-Rabban, rappela Eames d’une voix douce. Est-ce qu’on cherche la bagarre, nous ?”

 

Il faisait le fier, mais Scorpius le vit jeter de petits coups d'œil inquiets à la table des professeurs. Courageux mais pas téméraire.

 

“Tu sais quelle devait être la une de La Gazette, ce matin, Malefoy ? reprit Eames, acide.

-Un scoop sur votre incroyable débilité ? On a retrouvé l’unique neurone que vous partagez depuis dix ans ?

-Fais le malin, vas-y. Ma tante m’a dit que c’était une interview de tous les candidats ou quelque chose du genre.

-C’est fascinant, Eames. Tu m’appelles quand je dois en avoir quelque chose à faire, surtout.

-Sauf que ce n’est pas du tout ce qu’on a reçu ce matin, hein les gars ?

-Nope, se réjouit Flood, en effet. 

-On a reçu une très belle photo, à la place. Alors dis-moi, déclara Eames plus fort en lui balançant le journal de Flood, ça fait longtemps que tu te tapes la Sang-de-Bourbe de Serdaigle, ou c’est récent ?”

 

Les trois idiots partirent d’un grand éclat de rire. Scorpius fronça les sourcils et attrapa le journal lancé devant lui. C’était l’édition du jour de La Gazette du Sorcier. Une immense photo en noir et blanc s’étalait sur la première page. Une photo de Poudlard, qui montrait le couloir dans lequel ils s’étaient vus avec Maggie la veille. Il était clairement reconnaissable, couché sur la jeune femme qui le fixait en rigolant. Avec horreur, il se vit sourire et bouger comme pour l’étreindre. Il savait qu’à ce moment-là, pourtant, il essayait en réalité de se relever, mais l’angle de la photo était trompeur. Il avait beau savoir ce qui s’était vraiment passé, comment il avait senti son pied attiré vers le haut, comment il avait trébuché sur du vide et s’était retrouvé au sol, Maggie en dessous de lui, il comprenait pourquoi La Gazette titrait : “La jeune Née-Moldue qui fait chavirer le fils Malefoy !”

 

Il leva les yeux vers le Gang à Weasley qui hurlait à présent de rire. En tournant la tête, il remarqua avec horreur que tous les élèves à côté de lui avaient un exemplaire de La Gazette entre les mains. Il pouvait même apercevoir une édition dans les mains de Zabini, à la table des professeurs. En fait, toute la Grande Salle lisait à présent le journal du jour, et les coups d'œil et murmures dans sa direction se faisaient plus pressants. Partout, Maggie lui souriait et il lui rendait son sourire, visiblement enamouré.

 

Scorpius sentit ses joues prendre feu et plongea dans la lecture de l’article qui courait sur quelques pages. Le journaliste rappelait qui il était, présentait Maggie, parlait de son père, de la campagne électorale en cours… “Le fils, plus progressiste que le père ?”, “Un choix qui interpelle les soutiens de Drago Malefoy”, “Une jeune femme brillante malgré son ascendance Née-Moldue” etc, etc, etc… Ça s'étalait en gros caractères sur presque trois pages, avec des interviews de membres de la Chambre des Mages, du parti de son père… Et cette conclusion inquiétante, qui lui donna des sueurs froides : “Interrogé ce matin par nos journalistes, Drago Malefoy n’a pas souhaité faire de commentaires sur les fréquentations de son fils.” Merlin, il savait… 

 

“Alors, Malefoy, il est pas bien, cet article ? Tu crois qu’on devrait demander à Taylor ce qu’elle en pense ? claironna Eames. Ah bah justement, quand on en parle…”

 

Avec horreur, Scorpius vit Maggie entrer dans la Grande Salle. Le silence tomba sur le réfectoire quand elle traversa la salle pour se rendre à la table des Serdaigle, brisé ça et là par quelques murmures accompagnant son passage. De là où il était, il vit Rose se lever et lui tendre le journal. Son coeur fit un bond et il sentit ses intestins se liquéfier alors que les yeux de la jeune femme s’agrandissaient sous le coup de la surprise. Elle fit volte-face et l’espace d’un instant, croisa son regard. Ses yeux bleus semblaient déborder et de grosses larmes roulaient sur ses joues roses. Puis elle tourna les talons et s’enfuit de la Grande Salle en courant.

 

“Maggie !”

 

Il avait crié avant de s’en rendre compte. Scorpius se leva d’un bond, décidé à la suivre. En quelques enjambées, il s’extirpa de la table de Serpentard et se dirigea vers l’entrée de la salle, conscient des regards qui pesaient sur lui. Il allait sortir lorsqu’un voix ferme l’interpella.

 

“Monsieur Malefoy !”

 

Surpris, Scorpius se retourna. Pincée, McGonnagall s’approchait de lui d’un pas pressé.

 

“Mon bureau, dit-elle sans explication. Maintenant !”

 

Pouvait-elle l’exclure pour une photo ? Scorpius se posa la question alors qu’il la suivait le long des couloirs. Il n’était jamais allé dans son bureau. Non, elle ne pouvait pas le virer pour ça ! Il n’avait rien fait de mal, ils n’étaient même pas en dehors de leur dortoir après le couvre-feu ! Louis avait terrorisé des dizaines d’élèves, dont un qui avait fini par s’enfuir, avant qu’elle ne finisse par l'exclure. Mais alors, pourquoi l’accompagnait-elle à présent dans les escaliers du deuxième étage ? Sa directrice s’arrêta devant une statue représentant une gargouille immonde, statue que Scorpius était certain de n’avoir jamais remarquée. McGonagall murmura quelque chose et la statue s’écarta pour révéler un escalier en colimaçon.

 

“Montez, Monsieur Malefoy. Il vous attend.”

 

Il l’attendait ? Mais qui ? Scorpius s’engagea dans l’escalier. Il entendait McGonagall sur ses talons. Arrivé en haut, Scorpius poussa une lourde porte en bois qui s’ouvrit sur un bureau circulaire, rangé à la perfection. Des rayonnages de livres s’étalaient de chaque côté de la pièce, avec de petites échelles pour accéder aux ouvrages qui se trouvaient en haut des étagères. Les fauteuils devant la cheminée qui crépitait étaient recouverts d’un velours émeraude qui lui rappelait la salle commune de Serpentard, et plusieurs portraits ornaient le mur. Les sorcières et sorciers à l’intérieur dormaient, pour la plupart. À côté de la fenêtre du fond, un tableau en ardoise noire était couvert d’équations compliquées et de formules qu’il ne comprenait pas. Et assis sur un banc en bois sombre, l’air furieux, son père, Drago Malefoy, l’attendait. Il se leva d’un mouvement rapide, prenant appui sur sa canne, lorsque Scorpius et McGonagall passèrent la porte.

 

“Merci, Minerva, adressa Père à la directrice de Poudlard.”

 

Il ne la regardait pas, nota Scorpius. Ses yeux gris étaient posés sur son fils, et il pouvait voir une flamme de colère les animer. McGonagall se plaça devant Scorpius et déclara, une main sur son épaule :

 

“Je tiens à être claire, Drago : les dons que vous faites régulièrement à l’école vous octroient le privilège d’aller et venir à votre guise au château, et dans cette situation bien particulière, de vous entretenir avec votre fils. Mais il reste sous ma responsabilité tant qu’il est dans l’enceinte de Poudlard et à ce titre, il est hors de question que le moindre mal arrive à Scorpius. Nous sommes bien d’accord ?

-Comment osez-vous… balbutia Père en perdant un peu sa contenance. C’est mon fils, je ne vais pas…

-Je crois me souvenir que Lucius n’avait pas cette délicatesse avec vous.

-Contrairement à ce que vous semblez croire, lança Père d’un ton contenu, tous les Malefoy n’ont pas la même vision de l’éducation. Je ne suis pas mon père. Maintenant, si vous pouviez nous laisser... ”

 

McGonagall parut hésiter, puis se retira en fermant la porte derrière elle. Scorpius aurait préféré qu’elle reste. Il n’avait pas peur. Son père était dur, parfois, mais il n’avait jamais levé la main sur lui. Et depuis Noël, de toute façon, Scorpius percevait mieux quel genre d’homme il était et savait qu’il ne lui ferait pas de mal. Mais il n’avait pas envie d’avoir la conversation qui allait suivre.

 

“Dans La Gazette du Sorcier, vraiment ? lança Père en se redressant.

-Bonjour, Père, répondit Scorpius avec insolence.

-Ne commence pas, prévint Père d’un ton sans appel. As-tu la moindre idée de ce que tu as fait ? Les journalistes ont débarqué aux aurores avec cette photo pour poser des questions, toute la Chambre des Mages a été interrogée ! Tu te rends compte de la catastrophe que c’est ?

-Oh, moi, ça va, merci, continua Scorpius d’un ton badin. Un peu secoué par l'humiliation publique qui m’est tombée dessus ce matin, mais je m’en remettrai.

-Toi, publiquement humilié ? Toi ?! Ne réécris pas l’histoire, Scorpius ! Mets-toi à ma place une minute, tu comprendras ce qu’est une humiliation publique. Imagine que tu te présente comme le candidat du Parti des Mages et que ton fils décide de revenir sur tous les principes que tu lui as inculqués et s’affiche avec une Née-Moldue ! Dans la presse ! J’incarne l’idéal sorcier, Scorpius ! Les valeurs de notre société, le secret qui nous protège, la pureté du sang ! Et toi tu… Dans la presse, Scorpius, dans l’édition du week-end ! 

-Pourquoi ? L’édition du mercredi vous aurait arrangé ?” 

 

Il sut au moment où les mots passèrent ses lèvres qu’il était allé trop loin. Son père le fixa une seconde, interdit, puis fut prit d’une rage folle.

 

“Petit ingrat, s’écria Père en jetant sa canne au sol. Espèce de petit ingrat inconséquent ! Comme d’habitude, tu ne vois pas plus loin que ton petit nombril d’adolescent imbu de lui-même ! Dix-sept ans à essayer d’expliquer ce qu’est le monde sorcier, pourquoi c’est une fierté, pourquoi il est d’une importance capitale de veiller à notre lignage, ce que le nom Malefoy représente et tu t’imagines avoir tout compris ? Est-ce que tu sais seulement…

-Et vous, le coupa Scorpius en criant plus fort encore, est-ce que vous avez imaginé une seconde que vous puissiez avoir tort ?”

 

Son cri fit l’effet d’un uppercut à son père, qui se tut d’un coup. Il le regarda sans comprendre, et Scorpius profita de son silence pour reprendre, d’un ton plus détaché.

 

“Si c’était vous qui aviez tort, hein ? Que le mélange avec les Moldus ne soit pas une si mauvaise chose ? Qu’il évite que la magie ne s’affaiblisse ? Que nous puissions les aider et qu’ils aient, eux aussi, quelque chose à nous apporter ? Après tout, ils ont survécu sans magie tout ce temps, eux ! Ils savent faire des choses dont nous n’avons aucune idée ou presque et ça fait bien longtemps que les sorciers ne sont plus persécutés !

-Qu’est-ce que tu racontes ? balbutia son père d’une petite voix.

-Peut-être que vous vous trompez. Peut-être que vous croyez protéger notre mode de vie et que vous ne faites qu’accélerer notre perte.”

 

Scorpius risqua un coup d'œil vers son père. Il le regardait sans rien dire, les bras ballants. Sa canne reposait à ses pieds. Il finit par détourner le regard. 

 

“Je me suis trompé. Je croyais que tu me faisais une sorte de crise d’adolescence, avec cette fille…

-Ce n’est même pas ma copine, le coupa Scorpius en rougissant.

-Tu ne l’as pas fait pour attirer mon attention ou pour saper ma campagne, en fait. Tu crois vraiment, sincérement ce que tu viens de dire. Sur les sorciers et les moldus. Je croyais que tu voulais te faire remarquer… Que c’était une rébellion d'adolescents. Et maintenant tu dis des… Des choses qui vont à l’encontre de tout ce que je t’ai appris… Tu n’as plus aucun respect pour le nom que je t’ai transmis.

-Père ?”

 

Quelque chose se brisa dans la poitrine de Scorpius. Son père ne s’énervait plus, il ne criait plus. Il se pencha et ramassa sa canne au sol puis ajusta sa cape sur ses épaules sans lui jeter un regard.

 

“N’interfère plus dans ma campagne électorale, Scorpius, reprit finalement Père en le toisant. Je ne veux plus voir ton nom dans les journaux. Et ne me donne pas de raison de revenir ici non-plus. Si tu n’accorde plus d’importance au fait d’être un Malefoy, je ne vois pas pourquoi je devrais t’en accorder non-plus.

 

-Père… Attendez, Père…

-Ce n’est pas la peine de venir au Manoir pour les vacances de printemps, ajouta seulement Père en passant la porte du bureau. Écris à ta mère. Elle sera toujours contente d’avoir de tes nouvelles.”

 

Il referma la porte, laissant Scorpius seul et désemparé au milieu de la pièce.


Partie 2, interlude 4 : 8 ans, 3 mois et 3 jours plus tard by Emojifeu

8 ans, 3 mois et 3 jours plus tard

 

“Tu me sauves la vie, lance Percy en ouvrant la porte.
-À ce point ? Si j’avais su, j'aurais négocié mes horaires et ma prime de risque ! rigole Olivier en entrant dans l’appartement.”

 

Le salon est toujours impeccablement rangé lorsqu’il vient, d’habitude. Aujourd’hui, des crayons de couleur traînent à même le plancher, des jouets en bois s’amocellent sur la table basse et le tapis est à moitié rabattu sur lui-même. Mais Olivier y prête à peine attention. Il est trop absorbé par les deux petites filles qui ont levé la tête lorsqu’il a passé la porte et qui le dévisagent, la plus jeune d’un air curieux et l’autre avec un regard méfiant. Lucy et Molly Weasley.

 

“Je suis vraiment, vraiment désolé, marmonne Percy. D’habitude c’est Audrey qui les a, le mercredi, mais elle est en vacances… Je sais que je ne devais pas travailler avant la semaine prochaine mais ils ont un soucis avec les retours de Tokyo, on a un représentant qui s’est perdu dans le réseau de Portoloin et ça fait trois jours qu’on est rentré, il n’a toujours pas refait surface, il faut absolument que je le retrouve...”

 

Il déplace plus qu’il ne range les jouets qui traînent dans une tentative vaine de donner un semblant d’ordre au bazar qui règne sur le salon. D’un geste vif, il arrache une pièce de puzzle des mains de sa fille de quatre ans juste avant qu’elle ne la porte à sa bouche et la lance sur le fauteuil avoisinant. Lucy y prête à peine attention, occupée à se lever pour s’approcher d’Olivier. Molly reste en retrait, figée dans son dessin et l’air toujours suspicieux.

 

“Les filles, appelle Percy en extirpant un morceau de papier enfoncé dans un fauteuil, soyez polies et dites bonjour, s’il vous plaît.
-Papa c’est qui ? demande Molly en désignant Olivier du bout de son crayon.

-Je te l’ai déjà dit, ma puce. C’est Olivier. C’est lui qui va vous garder pendant que je travaille.

-Mais on le connaît pas, gémit Molly.

-C’est l’ami de Papa, d’accord ? Si moi je lui fais confiance, tu lui fais confiance aussi, d’accord ?”

 

Molly ne répond pas mais l’explication de son père ne semble pas lui convenir. Elle fixe sa feuille sans rien ajouter. Deux petites mains attrapent un pan de sa veste et Olivier baisse les yeux. Lucy s’est glissée jusqu’à lui en trottinant et s'arqueboute contre sa jambe, un sourire immense plaquée aux lèvres. 

 

“Bonjour, gazouille-t-elle avec un léger zozotement.

-Salut toi, répond Olivier en s’accroupissant pour être à sa hauteur. Tu es Lucy, c’est ça ?

-J’ai quatre ans, déclare l’enfant en ignorant sa question. Ça veut dire que je suis grande, mais moins grande que Molly, parce que Molly elle a six ans, et ça c’est grand !

-Ah oui, c’est vrai que c’est plus grand, dit Olivier avec un sourire.

-Oui, mais après, plus tard, j’aurai six ans et là eh ben je serai très grande. T’aimes bien faire du coloriage ?

-Euh, oui ?

-Parce que moi j’ai fait un coloriage avant, mais Molly elle dit que je dépasse de partout mais aussi, c’est pas grave Papa il a dit, parce que mon dessin il était trop beau et même que Papa il dit qu’il va le mettre dans son bureau !

-Moi aussi il va mettre mon dessin dans son bureau, lance Molly depuis le tapis où elle est toujours assise. Et mon coloriage il dépasse même pas !
-Tu veux... Tu veux jouer avec les chevaux ? demande Lucy à sa sœur en trottinant vers elle.

-Percy Weasley, murmure Olivier en cherchant le regard de son copain, je les adore.”

 

Percy se retourne, sa sacoche dans une main, l’autre farfouillant dans une pile de vêtements propres posés sur le canapé. Il semble surpris mais lui adresse un sourire attendri. 

 

“Attends quelques heures, Olivier Dubois, on verra si tu restes de cet avis. Molly, Lucy, adresse-t-il à ses filles en s’asseyant sur le tapis, je dois y aller. Vous ne faites pas de bêtises, hein ? Et si Olivier vous demande de l’écouter, vous l’écoutez, d’accord ? Je rentre vite, je dois juste régler une affaire urgente. Lucy, tu ne jettes pas la toupie sur le mur comme la dernière fois, hein ? demande-t-il à la petite fille qui s'agrippe à son cou.

-Olivier il aime bien faire du coloriage, il a dit, répond l’enfant.
-C’est vrai ? Comme ça tu pourras faire du coloriage avec lui !

-Non, moi je veux jouer avec les chevaux, rechigne la petite. Papa tu peux me porter ?”

 

Percy se penche vers sa plus grande fille, toujours assise sur le tapis avec un crayon dans une main et sa feuille dans l’autre, et l’embrasse sur la joue avant de se lever et de prendre Lucy dans ses bras. D’un geste souple, il récupère sa mallette et s’approche d’Olivier, toujours dans l’entrée.

 

“Elles ont mangé il y a deux heures et fait leur sieste, lui dit-il, donc elles n’auront pas faim avant 16h et il y a de la tarte à la citrouille qu’on a fait hier pour le goûter. Si jamais je ne suis pas rentré avant, il faut leur donner un bain à 18h et elles se couchent à 20h. Il doit y avoir des pommes de terre ou des restes dans le frigo pour ce soir mais j’espère que je serai là avant…

-Ne t’inquiète pas, répond Olivier d’un ton rassurant, ça va aller. J’ai gagné une Coupe du Monde de Quidditch, alors une après-midi avec des enfants…

-Je t’assure, rigole Percy, que les enfants sont autrement plus compliqués à gérer qu’un match de Quidditch contre une équipe de dragons. Lucy, tu vas dans les bras d’Olivier ?”

 

La fillette ne répond pas mais ouvre grand les bras en direction d’Olivier, qui l’attrape sans effort et la cale contre sa hanche, une jambe ballante de chaque côté de sa taille. Lucy ne paraît absolument pas gênée par la situation et gigote pour s’asseoir plus confortablement sur son bras. Olivier lui sourit. Il tourne la tête et surprend le regard songeur de Percy sur lui. 

 

“Quoi ?

-Rien. C’est mignon. Je n’imaginais pas… Il y a trois jours, reprend Percy après un silence, on était à Tokyo et je ne savais même pas si tu voudrais me voir le jeudi suivant, et maintenant…

-Et tu préfères quoi ? le coupe Olivier, certain de la réponse.

-À ton avis ? sourit Percy. Il faut vraiment que je file, soupire-t-il. À ce soir, les filles ! Si vous dormez déjà, je passerai vous faire un bisou.
-Promis Papa ? demande Molly d’un ton angoissé.

-Promis. À ce soir, dit-il à Olivier en l’embrassant sur la joue. Tu restes dormir ici ?

-À ton avis ? répond Olivier en levant les yeux au ciel.”

 

La porte de l’appartement claque et Olivier se tourne vers la petite fille restée au milieu du salon. Lucy toujours confortablement assise contre sa hanche, il s’approche de Molly. 

 

“Qu’est-ce que vous voulez faire, les filles ? Est-ce que tu veux continuer à dessiner ou tu veux faire un jeu ? demande-t-il à Molly.

-Pourquoi Papa il te fait des bisous ?”

 

Olivier hausse les sourcils. Il ne s’attendait pas à ce qu’une si petite enfant, qui plus est visiblement angoissée par son arrivée, soit aussi directe dans ses questions. Mais là, elle n’a pas l’air inquiète. Elle semble plutôt curieuse et le fixe en attendant sa réponse. 

 

“Euh… Ta maman, commence-t-il en hésitant, elle a une, euh, amoureuse ?

-Anna c’est l’amoureuse de Maman, confirme la petite fille en hochant le menton.

-C’est toi l’amoureux de Papa ? demande Lucy en levant les yeux vers lui.

-Voilà. C’est moi l’amoureux de votre papa, lâche Olivier, soulagé qu’elles comprennent aussi vite.

-Anna, elle a un chat et quand on va chez Maman, on a le droit de jouer avec le chat. Toi t’as un chat ?

-Non, j’ai pas de chat.

-Eh bah Anna, elle a un chat, répond Molly d’un air entendu.”

 

Et elle s’allonge sur le sol et pose son dessin devant elle avant de saisir un crayon bleu et remplir une grande partie de la feuille avec de grands gestes appliqués. Dans ses bras, Lucy gigote et Olivier la pose à côté de sa sœur. La facilité avec laquelle les deux petites ont accepté ses explications le déconcerte. Pendant quelques longues minutes, il se contente de les regarder jouer, soulagé et content.

Plus tard dans la nuit, lorsqu’elles dorment à poing fermés et que l’appartement est silencieux, il se tourne vers Percy allongé à côté de lui dans la pénombre et sourit. 

 

“Tu avais tort, Percy Weasley.

-Ça m’arrive rarement, pourtant, baille Percy. À propos de quoi ?

-Pour tes filles. J’ai passé sept heures, quarante-trois minutes et vingt-cinq secondes avec elles, et je les adore toujours.

-Oh. Eh bien, souffle Percy en souriant, ça tombe bien, Olivier Dubois, parce que j’avais justement besoin d’un baby-sitter à temps complet, et j’ai entendu dire que tu as pris ta retraite il y a trois jours. Intéressé ?

-Pourquoi pas ? Dis, Percy, demande-t-il après un silence, tu n’as jamais pensé à prendre un chat ?”

 

Partie 2, chapitre 5 - "Ne dis rien !" by Emojifeu
Chapitre 5 - “Ne dis rien !”

 

Les murmures des conversations étaient incessants. La bibliothèque, d’habitude bien calme le mercredi après-midi, était en effervescence. Partout où elle allait dans les rayonnages, Rose entendait des rumeurs et des chuchotements sur son passage. Une situation désagréable qui la poursuivait depuis samedi dernier, lorsque l’édition de La Gazette du week-end était parue. Dès que Maggie se montrait quelque part, ça ne loupait pas !

 

Inquiète, Rose lança un coup d'œil à son amie. Les yeux plongés dans son livre, Maggie faisait semblant de ne rien remarquer, mais les impressionnants cernes violets qui s’étalaient sous ses paupières ne trompaient pas. Rose savait qu’elle ne dormait pas beaucoup, depuis samedi. Elle ne mangeait plus, non-plus, évitant la Grande Salle. Parfois, Rose l’entendait sangloter au milieu de la nuit.

 

“Maggie, implora-t-elle dans un souffle, si tu veux on peut…

-Rose, répondit son amie d’une voix sèche sans lever les yeux, pour la millième fois en trois jours, je vais bien. Et avant que tu ne me poses une nouvelle fois la question, coupa-t-elle alors que Rose ouvrait la bouche, non, je ne veux pas en parler. Fais ton devoir de Métamorphose.”

 

Rose soupira. Depuis samedi, impossible de parler avec Maggie de ce qui s’était passé. Elle refusait d’admettre qu’il y avait un problème ou que cette stupide photo puisse l’affecter, alors qu’elle était partie en courant devant toute la Grande Salle ! Tout le monde passait son temps à chuchoter dès qu’elle arrivait quelque part et des graffitis “Margaret Tayl-Whore” avaient fleuris un peu partout dans l’école, mais Maggie faisait semblant de ne rien voir.

 

Un murmure parvint à Rose, mêlant les mots “Malefoy”, “Sang-de-bourbe” et “profiteuse” et elle jeta un coup d'œil à Maggie, qui esquissa une grimace en continuant à lire. Rose se leva d’un bond, cherchant qui avait pu dire une atrocité pareille. Les conversations moururent d’un coup. Une main ferme attrapa son bras et la força à s'asseoir alors que les chuchotements reprenaient de plus belle.

 

“Arrête de te donner en spectacle ! pesta Maggie entre ses dents.

-Non, répondit Rose, toi, arrête de faire genre que tu t’en fiches ! Tu as entendu comme moi, on pourrait très bien en parler à un prof, c’est super grave ! 

-Je t’ai dit trois fois que je ne voulais pas que les profs s’en mêlent !

-Mais pourquoi pas ? On ne peut pas laisser passer…

-”On” ne fait rien du tout, la coupa Maggie d’un ton sec. Je laisse passer, d’accord ? Je décide ce que je veux faire, c’est clair ? 

-Miss Taylor ! Miss Weasley ! C’est une bibliothèque ici, pas un élevage de trolls !”

 

Penaude, Rose baissa la tête, fixant le parchemin qui s’étalait devant elle. Elle ne voulait pas travailler et n’avait accepté de venir que dans l’espoir de pouvoir discuter avec Maggie. Elle aurait aimé que Neela et Damian, qui révisaient à côté d’elles, la soutiennent et l'aident à baisser la garde de son amie, mais ils restaient silencieux, s’absorbant dans leur travail. Elle soupira. Parfois, ses intellos d’amis l’agaçaient. Dans ces moments-là, Scorpius et Augustus lui manquaient. Mais Augustus était à son entraînement de Quidditch et Scorpius se terrait dans sa salle commune, faisant profil bas. 

 

Un nouveau murmure lui parvint et Rose leva les yeux au ciel.

 

“On s’en va ? demanda-t-elle en fermant d’un coup sec le manuel de Métamorphose qu’elle avait sous les yeux.

-Un problème ? répondit Neela à voix basse.

-Oui, dit Rose assez fort pour être entendue par les tables voisines, je commence à saturer un peu de tous ces ragots à chaque fois qu’on met les pieds quelque part. Certaines personnes feraient mieux de se consacrer un peu plus à leur devoirs.”

 

Quelques cinquièmes année baissèrent la tête et les murmures laissèrent place au silence alors qu’elle se levait pour ranger ses affaires. Maggie lui décrocha un regard sombre et tourna la tête. Rose attendit quelques secondes que son amie se décide à la suivre, mais elle ne bougeait pas, faisant semblant de ne pas la remarquer. D’un geste rageur, Rose fourra ses affaires dans sa sacoche et quitta la table. Un silence presque religieux la suivit alors qu’elle quittait la bibliothèque.

 

“Rose, attends !”

 

Neela surgit derrière elle alors qu’elle allait passer l’angle du couloir. Elle s’arrêta à sa hauteur, une légère inquiétude marquant ses traits. 

 

“Rose… Je sais que ce n’est pas facile, je les entends aussi mais… Tu sais, c’est le seul endroit où on peut réviser tous ensemble, commença Neela, il va falloir t’y faire.

-Heureuse de savoir que tu les entends aussi, répondit Rose d’un ton acerbe. Vu que personne ne dit jamais rien, je me suis dit que je m’inventais des histoires ! 

-Rose, soupira Neela, tu sais très bien que j’ai pas ça dit pour ça… Je suis aussi énervée que toi de ce qui arrive…

-Eh bah on dirait pas, voilà ! dit Rose en s’énervant. Personne n’a essayé de faire quoi que ce soit ! Personne ! Ni toi, ni Damian, ni Augustus ! Et je ne te parle même pas de Maggie !

-Eh, c’est mon amie aussi, d’accord ? J’ai essayé de parler avec elle, elle refuse qu’on aborde le sujet ! 

-C’est super que tu ais essayé de lui parler, Neela, vraiment, c’est incroyable ! Bravo pour ton abnégation !

-Tu sais quoi ? Tu me soules ! s’écria son amie. C’est bon là Rose, tu n’es pas la seule à être affectée, et c’est pas parce que je gère ça différemment que j’en ai rien à faire ! Mais contrairement à toi, j’ai pas l’intention de faire le bien de Maggie malgré elle, et si elle veut qu’on oublie cette histoire, eh bah c’est ce que je vais faire ! Comme une bonne amie !” 

 

Et elle planta Rose au milieu du hall, s’engouffrant dans la bibliothèque d’un pas énervé. Un peu sonnée, Rose la regarda disparaître alors que le couloir se remplissait d’une marée d’élèves qui sortaient de cours. Elle savait qu’elle devrait la rattraper et s’excuser, mais elle n’avait pas envie. De toute façon, il était hors de question qu’elle remette un pied dans la bibliothèque. 

 

Le couloir se vida aussi vite qu’il s’était rempli et bien vite elle se retrouva seule, errant de couloir en couloir, montant jusqu’au cinquième étage presque sans s’en rendre compte. Elle n’avait pas envie de rejoindre sa Salle Commune et subir là-bas aussi le flot incessant de murmures qui l’accompagnait partout, mais la tonne de devoirs que ses professeurs lui avaient donné ne se ferait pas seule... Du coin de l'œil, Rose avisa la salle où Teddy leur dispensait son cours habituel et se dirigea vers la porte entrouverte. Elle savait que la salle leur était réservée et que là, elle pourrait tuer le temps.

 

Elle allait entrer quand une voix familière lui parvint de l’intérieur de la salle.

 

“Al, tu sais très bien que je ne peux pas me libérer avant vendredi, on en a déjà parlé !”

 

Surprise d’entendre la voix de Teddy, Rose s’approcha en essayant de faire le moins de bruit possible. Collée contre la porte, elle jeta un coup d'œil à l’intérieur de la salle, se montrant le moins possible. Devant la cheminée, elle pouvait voir son cousin, seul dans la pièce. Depuis l’intérieur de l'âtre, la voix de Teddy continuait sa phrase.

 

“Je serai là vendredi matin si tu veux. Je peux essayer de venir plus tôt et on ira déjeuner ensemble, t’en penses quoi ?

-Teddy, c’est vraiment pas… C’est pas pour ça que je voulais te parler, dit Albus en secouant la tête. Tu as vu La Gazette ?

-Oui j’ai vu, répondit Teddy après un silence.

-Tu crois qu’il y avait quelqu’un dans le couloir quand on a… Quand j’ai fait tomber Scorpius ? Quelqu’un qui aurait vu ? 

-Al… soupira Teddy. Je ne…

-Me force pas à  devoir te poser la question, s’il te plaît ! Ça fait quatre jours que tu m’évites, que tu refuses d’en discuter avec moi ! Si c’est ma faute… Ted, Maggie n’est pas sortie de son dortoir depuis samedi ! Scorpius s’est fait tabasser dans la Salle Commune de Serpentard !

-Qui t’a dit ça ? 

-C’est des rumeurs… C’est pas la question ! s’écria Albus. J’ai juste besoin de savoir que c’est pas toi, Ted !

-Écoute, Al. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour nous, d’accord ? C’est pour la suite, pour être sûr que je reste à Londres, tu comprends ?”

 

Rose sauta en arrière, s’arrachant à la porte. La surprise lui avait fait un électrochoc. Elle entendit remuer dans la pièce et fit un pas de côté, disparaissant dans le couloir avoisinant avant que son cousin ne la découvre en train d’écouter aux portes.

 

C’était Al qui avait fait tomber Scorpius ce soir-là. Et Teddy avait pris la photo. Et Teddy avait vendu la photo à La Gazette ! Et Teddy et Al… Non, elle avait dû mal comprendre. Teddy et Al ne pouvaient pas être ensemble, c’était impossible ! C’était malsain.  Il avait au moins dix ans de plus qu’eux ! Mais il avait dit “pour nous”. “Je l’ai fait pour nous”. Comme s’il y avait un “nous”, un genre d’excuse pathétique pour justifier d’avoir pourri la vie de Maggie parce que “nous” valait plus.

 

Rose ralentit en arrivant au deuxième étage et se força à prendre de grandes inspirations pour se calmer. Elle n’était même pas en colère tant elle était surprise. Elle se laissa glisser le long du mur et s’astreint à réfléchir. Est-ce qu’elle avait une meilleure explication à ce qu’elle avait entendu ? Est-ce que ce “nous” de Teddy pouvait signifier autre chose ? Et pourquoi avoir vendu la photo… Pourquoi même l’avoir prise au départ ? 

 

“Rose ? Tout va bien ?” 

 

Surprise, elle leva les yeux et tomba nez-à-nez avec Eden et Basil, qui la fixaient d’un air un peu inquiet. Elle devait avoir l’air mal en point, assise en plein milieu du couloir, son sac à moitié ouvert à ses pieds. Elle ouvrit la bouche pour les rassurer, mais ne réussit pas à articuler correctement ses pensées. Les mots jaillirent de ses lèvres sans qu’elle pu les retenir.

 

“Albus sort avec Teddy.”

 

Eden fronça les sourcils et Basil baissa les yeux, presque honteux. Alors elle su d’un coup, devant leur absence totale de surprise, qu’ils savaient.

 

“Vous le saviez, dit-elle dans un souffle. Vous étiez déjà au courant !” 

Ses yeux s'agrandirent sous le coup de la surprise et elle tenta de se lever, mais réussit à peine à se redresser. Eden l’attrapa avant qu’elle ne glisse à nouveau au sol, d’une main ferme mais rassurante.

 

“Calme-toi, dit le jeune homme en plantant son regard sombre dans le sien. Et ne crie pas, la Salle Commune de Serdaigle est juste à côté.

-Mais pourquoi…? Comment…?

-J’devais rendre un truc à Neela, répondit Basile, alors elle m’a donné rendez-vous là et…

-Mais pas ça, abruti ! le coupa Eden. Elle veut savoir comment on a su pour Albus ! On était au mauvais endroit au mauvais moment, éluda-t-il en tendant sa main à Rose pour qu’elle se mette debout. Attends, il y a une alcôve dans ce couloir, on sera mieux pour discuter.”

 

Sans rien dire, elle le suivit. Du coup de l’oeil, elle vit Basil se pencher pour ramasser ses affaires et pensa qu’elle devait le remercier, puis oublia presque aussitôt. Eden la fit s'asseoir sur un banc de pierre presque caché dans le mur.

 

“Depuis quand…

-On sait depuis le jour où Hugo a disparu, répondit Eden avant qu’elle ne finisse sa question. C’était peut-être avant, j’en sais rien. Il refuse de nous en parler.

-Il refuse…?

-On ne lui a pas dit qu’on savait, hein ! On est tombé sur eux en pleine nuit. On a essayé plusieurs fois d’en discuter avec lui, on lui a laissé la place d’en parler mais… Il fait comme s’il ne se passait rien.

-Mais il sèche en permanence, interrompit Basil, il passe tout son temps avec lui et fait genre d’être malade pour se barrer de cours. Il n’a pas rendu un seul devoir depuis un mois j’crois.

-Pourquoi vous n’avez rien dit ? balbutia Rose, réalisant soudain que cette histoire durait depuis un moment.

-Parce qu’il ne veut pas que ça se sache, soupira Eden. Souviens-toi quand tu t’es énervée dans la Grande Salle et que tu as balancé à tout le monde pour Augustus. Il était cramoisie, il arrivait à peine à le regarder dans les yeux… Il a honte.

-Ne dis rien ! supplia Basil d’un ton pressant. S’il te plaît, Rose, ne dis rien ! Il nous parle déjà plus, il risque de vriller s’il apprend qu’on sait !

-Mais c’est un prof… Il a dix ans de plus que lui ! Je m’en fiche qu’Al soit homo, vous le savez très bien ! Mais là… Il abuse de lui ! Vous l’avez entendu lui parler ? Moi j’ai entendu ! cracha-t-elle en se redressant. Il le manipule complètement ! Vous savez ce qu’il l’a forcé à faire ? La photo de Maggie, c’est eux qui l’ont prise ! Teddy ! C’est lui qui l’a vendu à La Gazette !

-Comment tu sais ça ?

-Al en parlait avec lui quand je suis passée devant la salle de cours, tout à l’heure. Teddy a admis à demi-mots qu’il avait pris la photo, et c’est Al qui a fait tomber Scorpius ! Ce sale…

-Et Al ne savait rien ? la coupa Eden en fronçant les sourcils.

-Je n’en sais rien ! Il n’avait pas l’air au courant mais… Mais je ne sais pas… Il faut qu’on en parle à quelqu’un, on ne peut pas…

-Rose, supplia Basil, s’il te plaît… C’est ton cousin… Si tu dis quelque chose, toute l’école va être au courant, regarde ce qui se passe pour Maggie ! Tu ne peux pas dénoncer Teddy, tu ne sais pas ce qu’il va faire !

-Mais il le manipule ! Il est en train de lui faire foirer son année, apparemment, et tu as entendu ce qu’il lui a fait faire ? Merlin, je ne sais même pas s’il est au courant de ce qu’il a fait ! On ne peut pas laisser Ted… Je vais… Je vais en parler à Albus, décida-t-elle soudain. Je vais lui dire que je sais, et lui demander pour la photo, et lui dire que je sais pour Teddy et lui.

-Rose, si tu lui en parles, il va nier. On a essayé.

-On verra bien, conclu Rose en se levant.”

End Notes:

Salut à tous les petits fantômes qui lisent cette fic, semaine après semaine :)
Merci d'être encore là !

Partie 2, interlude 5 : 9 ans plus tard by Emojifeu
9 ans plus tard

 

Molly serre très fort la main de son père lorsqu’elle s’avance pour traverser la cheminée du Ministère de la Magie. Elle connaît les flammes vertes, elles ne lui font plus peur depuis un moment, maintenant. Ce n’est plus un bébé, elle a eu sept ans cette année ! Son petit sac à dos jaune la gêne un peu, alors elle le rajuste comme elle peut mais une main dans celle de son père, l’autre dans celle de sa petite soeur Lucy, elle a du mal à savoir comment s’y prendre et gigote dans tous les sens. 

 

“Molly, ne bouge pas autant, prévient Papa, je ne veux pas que tu te perdes dans le réseau de cheminée !

-Mais mon sac… gémit la petite fille.

-Attends une seconde, je le rajuste dès qu’on arrive, d’accord ?” 

 

Les flammes les engloutissent tous les trois et Papa prononce “Le Terrier” d’une voix forte et claire. Ça fait une sensation bizarre dans le ventre mais en un éclair, ils atterrissent sur la pelouse devant la maison de Grandma et Grandpa et Molly sent le soleil sur sa peau. Papa lâche la malle qu’il traîne derrière lui et s'accroupit devant elle pour ajuster les sangles de son sac à dos. C’est Maman qui lui a offert pour son anniversaire, et elle est très fière de le montrer à ses cousins, quand ils seront arrivés.

 

“Voilà ma puce, c’est mieux comme ça ? demande Papa en se redressant.

-Merci, souffle la petite fille.

-De rien. Bon, vous avez toutes vos affaires ? Je reviens vous chercher dans deux semaines, c’est… Quinze dodos seulement !

-Papa, ça fait combien, quinze ? demande Lucy en regardant ses doigts.

-Ça fait trois mains, répond son père en lui montrant sa paume. C’est trois fois tous les doigts de ta petite main, là.

-Ça fait beaucoup, alors ! s’exclame Lucy en observant ses mains, l’air subjugué.

-Oh, tu vas voir que ça va passer très vite ! Vous allez tellement vous amuser, avec vos cousins ! Il y aura Fred, et Roxanne, le petit James, et aussi Victoire, Dominique et Teddy… Et même peut-être le petit frère de Victoire et Dominique, le bébé qui est né il n’y a pas longtemps, tu te souviens ?

-Y a plein de bébés tout le temps, de toute façon, déclare Molly d’un ton peu impressionné. L’an dernier, Tante Ginny et Tante Hermione avaient un bébé !

-C’est vrai qu’il y a eu deux bébés, l’été dernier, répond Papa en ajustant les couettes de Lucy.

-Les bébés c’est nul, continue Molly d’une voix boudeuse, ils font que dormir et ils ne jouent même pas !

-Moi, quand j’étais un bébé, dit Lucy, eh ben je faisais que dormir aussi !

-Eh ben moi, j’ai jamais été un bébé, d’abord !”

 

Molly tire la langue à sa sœur et lui lâche la main, mais Lucy ne lui prête aucune attention et ça l’agace encore plus. Vivement que Fred et Victoire arrivent ! Et heureusement, il y a Teddy aussi, et comme Teddy vit tout le temps au Terrier, il sera déjà là. Ils pourront faire un gang comme l’été dernier et chasser les gnômes du jardin ensemble, et peut-être que cette année Tonton Harry sera d’accord pour leur faire essayer son balais. L’an dernier, il a dit qu’ils étaient encore trop petits mais maintenant, Molly a sept ans. Elle trouve qu’elle est bien assez grande.

 

“Bon, les filles, comme d’habitude vous êtes sages, d’accord ? dit Papa en les regardant dans les yeux.

-Papa, pourquoi tu viens pas avec nous ? gémit Lucy. 

-Oh, ma puce… Tu sais que je travaille, Lucy, je ne peux pas rester…

-Mais les parents des autres cousins ils restent tout le temps !
-Je sais, ma puce, je sais… Mais je dois rentrer travailler, et puis je ne peux pas laisser Olivier tout seul, hein ?

-Mais Olivier il pourrait venir aussi ! clame Lucy.

-Lui aussi, il va voir ses parents, il te l’a déjà expliqué. Tu t’en souviens, hein ?

-Ah oui, souffle Lucy, c’est vrai… 

-D’ailleurs en parlant d’Olivier, grimace Papa, vous vous souvenez ce qu’on a dit, hein ? Molly, tu te rappelles ? 

-Oui Papa, ânonne la fillette. On ne dit pas que c’est ton amoureux parce que c’est un secret ! Même aux cousins, ajoute-t-elle en hésitant un peu.

-Oui, murmure Papa, c’est ça…”

 

Il a l’air triste, d’un coup. Son père est souvent triste, quand il les dépose chez leur grands-parents pour l’été, mais Molly sait qu’elle aussi, elle est un peu triste de ne plus le voir. C’est normal. Papa secoue la tête et se redresse.

 

“Aller, vous allez vous amuser comme des folles, toutes les deux. Venez-là.” 

 

Il ouvre grand les bras et Molly s’y blottie toute entière. Elle aussi, elle aimerait bien que Papa reste avec elle et Lucy, mais elle sait qu’il travaille. Et il a dit qu’il revenait dans seulement quinze dodos.

Partie 2, chapitre 6 - "Je t'aime." by Emojifeu

Chapitre 6 - “Je t’aime.”

 

“Al, tu sais très bien que je peux pas me libérer avant vendredi, on en a déjà parlé !”

Albus serra le poing, agacé. Quatre jours qu’il essayait de joindre Teddy par tous les moyens possibles et maintenant qu’il daignait enfin lui parler, c’était pour l’envoyer bouler ? Teddy était tellement énervant, parfois !

 

“Je s’rai là vendredi matin si tu veux. J’peux essayer de venir plus tôt et on ira déjeuner ensemble, t’en penses quoi ?

-Teddy, c’est vraiment pas… C’est pas de ça que je voulais te parler, dit Albus en secouant la tête. Tu as vu La Gazette ?

-Oui j’ai vu, répondit Teddy après un silence.”

 

Abus déglutit. Le ton absent et détaché de Teddy lui faisait peur. Depuis samedi, une sale idée s’était insinuée en lui, et avait fait son chemin dans son esprit, semant le doute et l’incompréhension sur son passage. 

 

“Tu crois qu’il y avait quelqu’un dans le couloir quand on a… Quand j’ai fait tomber Scorpius ? Quelqu’un qui aurait vu ? demanda-t-il avec espoir, cherchant une échappatoire.

-Al… soupira Teddy. Je…

-Me force pas à te poser la question, s’il te plaît ! Ça fait quatre jours que tu m’évites, que tu refuses d’en discuter avec moi ! Si c’est ma faute… Ted, Maggie se fait insulter dans les couloirs ! Scorpius s’est fait tabasser dans la Salle Commune de Serpentard !

-Qui t’a dit ça ? 

-C’est des rumeurs… C’est pas la question ! s’écria Albus. J’ai juste besoin de savoir que c’est pas toi, Ted !

-Écoute, Al. Tout ce que j’ai fait, j’l’ai fait pour nous, d’accord ? C’est pour la suite, pour être sûr que je reste à Londres, tu comprends ?”

 

La réponse lui fit l’effet d’une décharge électrique et il réalisa alors ce qu’il savait depuis samedi, mais refusait d’admettre : c’était bien Ted qui avait revendu cette photo à La Gazette. Albus maudit sa naïveté qui lui avait fait croire que ça aurait pu être quelqu’un d’autre. Parce qu’au fond, il savait très bien qu’il n’y avait qu’une seule explication.

 

Un bruit provenant du couloir le fit sursauter, et il se leva d’un bond pour refermer la porte entrouverte par le vent. La dernière chose qu’il voulait, c’était qu’on le surprenne là, en train de discuter avec Ted. Heureusement, ce dernier n’avait pas bougé lorsqu’il se rassit devant la cheminée.

 

“C’est toi qui a pris la photo, affirma Albus après un silence.

-Oui.

-Et qui l’a vendue à La Gazette.

-Al…

-Pourquoi ? le coupa Albus en regardant ses pieds.

-J’suis pas fier, si c’est la question que tu te poses… répondit Teddy en se mordant la lèvre.

-Pourquoi ? insista Albus en lui jetant un regard noir.

-Parce que si ton oncle perd ces élections, j’sais pas ce que je vais faire, d’accord ? J’ai pas d’autre boulot qui m’attend, j’vais devoir retourner habiter chez Molly et Arthur et c’est hors de question ! Albus, continua-t-il sur un ton plus grave, je me moque pas de toi quand je dis que je l’ai fait pour être avec toi, d’accord ?

-Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ? 

-Pour te protéger ! Tu savais pas ce que tu faisais, tu peux pas être complice d’un truc que tu ne savais pas ! J’voulais pas te mêler à ça, je t’assure… Mais j’savais pas quoi faire…” 

 

La voix de Teddy se brisa et Albus eut pitié de lui. Il pouvait comprendre la peur et la détresse qu'il avait dû ressentir à l’idée de perdre son boulot. C’était juste une décision stupide, mais il connaissait Teddy, il savait qu’il n’était pas méchant et qu’il n’avait sans doute voulu faire de mal à personne… Il le croyait quand il lui disait qu’il avait essayé de le protéger. C’était tout ce que faisait Ted en général, d’une façon maladroite et détournée : essayer de le protéger. Il le lui disait souvent.

 

“Ok, souffla-t-il finalement. Je te crois. Si seulement tu m’en avais parlé… On aurait pu essayer de trouver un autre moyen. Maintenant Maggie…

-J’pense que Maggie s’en remettra, répondit Teddy sans le laisser terminer. Tu la connais, elle est solide. J’m’en veux vraiment mais dans quelques jours, tout le monde aura oublié cette histoire.

-T’as sans doute raison, oui, glissa Albus d’un ton peu convaincu.

-Scorpius, tu l’as vu ?

-Croisé dans les couloirs ce matin. 

-Il était mal en point ? 

-Un peu pâle, mais à part ça…

-Ne t’en fais pas trop. S’il s’était pris une peignée, y aurait eu des marques de coups. J’doute que les Serpentards osent vraiment s’en prendre au fils de Drago Malefoy, tu sais, ajouta-t-il pour achever de le convaincre.

-C’est vrai, acquiesça Albus à mi-voix. Tu as raison, ce ne sont que des rumeurs stupides, après tout…

-N’y penses pas trop, d’accord ?

-Qu’est-ce que tu vas faire, toi ? demanda Albus en levant les yeux. Tu vas en parler à Percy ? 

-J’sais pas… Ça serait sûrement mieux mais… J’ai peur qu’il me vire, si tu veux tout savoir.

-Oui, il vaut mieux ne rien dire. Moi, je ne dirai rien, en tout cas, ajouta-t-il avec beaucoup de fermeté dans sa voix.

-Merci, Al. Eh, je suis désolé que tu te sois retrouvé mêlé à tout ça, d’accord ? J’te promets que ça ne se reproduira pas, d’accord ? 

-Tu déjeunes avec moi, vendredi ? 

-J’vais essayer, répondit Teddy en souriant. Promis. Je dois filer, Al, j’ai encore une réunion après.

-D’accord. On se voit vendredi, alors ? 

-On se voit vendredi, confirma Teddy avec un sourire. Eh Al ? 

-Hum ? fit Al, baguette en l’air pour éteindre le feu.

-Merci. Je t’aime. À vendredi !”

 

Et il disparut de l’âtre avant qu’Albus ait le temps de répondre. 

 

*

 

“Je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime”. Une boucle incessante dans son crâne qui se répétait à l’infinie. Le son de la voix de Teddy qui sussurait sans s’arrêter. “Je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime”. Tout le reste était un brouillard flou de mouvements et de bruits sans importance depuis. 

 

Albus arpentait les couloirs sans voir le reste des élèves autour de lui. Il allait en cours sans les écouter. Il mangeait sans prêter attention au goût des aliments dans sa bouche. Le soir, il s’endormait au rythme de la ritournelle qui tournait dans son esprit et l’empêchait de sombrer dans le sommeil avant une heure avancée. Il ne savait pas si c’était ce qu’il attendait depuis le début ou si cette soudaine déclaration à laquelle il n’avait pas pu répondre l’angoissait.

 

Il n’y avait qu’une réponse possible, de toute façon. Il le savait depuis qu’il avait vu Teddy débarquer au Terrier à Noël. “Je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime je t’aime”. C’était déjà ça, à ce moment-là. Qu’est-ce que ça aurait pu être d’autre ? Un choc aussi brutal qu’un coup de poing, qui lui avait coupé la respiration et l’avait mis à terre à la minute où Ted était apparu. Ses yeux rieurs lorsqu’ils s’étaient posés sur lui, assénant un nouvel uppercut à son cœur et repoussant les limites de sa volonté. Son sourire comme une gifle qui l’avait achevé et conquit les derniers retranchements de ses résolutions.

 

Albus était perdu pour la cause, à ce moment-là déjà. Quoi que lui demande Teddy, il l’aurait fait. Jamais il n’avait ressenti ces élans passionnés avant, qui dévoraient tout sur leur passage et congédiaient sa raison qui soufflait, lointaine et presque éteinte : “Mauvaise idée”. Même si ça n’était qu’un moment, il avait décidé que ça valait le coup. Il se battrait vent debout contre tout, si ça signifiait passer trois minutes dans les bras de Teddy. 

 

Et maintenant Teddy l’aimait.

 

Albus sourit dans un demi-sommeil. Il l’aimait. Il avait espéré ça si fort ! Ça avait été tellement difficile, pour en arriver là, et il se jurait que plus rien ne viendrait troubler cet état de plénitude béate dans lequel il flottait. Son secret. C’était son secret, et il comptait le garder pour lui le plus longtemps possible, parce que les autres allaient entacher ce qu’il avait de plus précieux. Tout le monde voulait toujours lui dicter sa conduite et décider ce qui était le meilleur pour lui, mais il avait trouvé une oasis au milieu de la tempête, un endroit qui n’appartenait qu’à lui où personne ne pouvait pénétrer. Alors quelle importance que Teddy soit maladroit, qu’il surgisse toujours à l’improviste et qu’il l’entraîne loin du reste du monde ? Albus s’en fichait pas mal. La seule chose qui faisait sens, c’était ce qu’ils soient ensemble, toujours.

 

Lorsque l’aube pointa le vendredi matin, Albus sauta du lit et s’habilla à la hâte. Il avait attendu deux longues journées que ce moment arrive, et il était prêt. Il savait ce qu’il dirait, il l’avait tourné et retourné de longues heures durant dans sa tête, goûtant les mots sur sa langue pour vérifier leur sonorité. Le temps s’étiolait à la lenteur d’un escargot. Les cours étaient insipides, les conversations paraissaient superficielles. Quand enfin la sonnerie annonçant le déjeuner retentit dans le château, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Enfin !

 

Tremblant, il rejoignit le couloir du troisième étage à contre-courant de la foule d’élèves qui se dirigeaient vers la Grande Salle. Il attendit un peu au niveau de la statue borgne de Gunhilda de Gorsemoor, le temps que le calme retombe dans le corridor et qu’il n’y ait plus personne qui puisse le voir, et il s’échappa dans l’ouverture menant chez Honeydukes. Son cœur battait de plus en plus fort dans le boyau mal-défini, marquant chacun de ses pas désordonnés. Il pressa l’allure, impatient.

 

Lorsqu’enfin il arriva dans la cave du magasin, Albus oublia presque de camoufler sa présence tant son esprit était ailleurs. Il s’en souvint au moment de passer la porte menant à l’échoppe, et lança un sort de dissimulation d’un geste négligeant. Ses mains tremblaient et sa tête bourdonnait d’excitation. Teddy l’attendrait près d’un arbre à quelques pas du magasin, comme il avait l’habitude de le faire. Et alors, il lui dirait.

 

Il n’y avait personne adossé à l’arbre lorsqu’il sortit dans la lumière du jour. Albus attendit un instant avant de révoquer son sort de dissimulation, soucieux de ne pas attirer l’attention des quelques habitants qui arpentaient les rues. Il s’assit au pied de l’arbre, décidé à patienter le temps qu’il faudrait. Teddy était parfois en retard, ce n’était pas la première fois. Une pointe de déception enserra tout de même sa poitrine, parce qu’il avait attendu deux jours interminables de pouvoir le voir. Il se força à calmer les battements désordonnés de son cœur et respira, de profondes inspirations qui le firent un peu revenir à lui. Il allait arriver. 

 

Mais l’heure s’avançait et Teddy n’était toujours pas là. Son ventre criait famine. Au bout d’une trentaine de minutes, Albus commença à se demander s’il allait vraiment venir. “C’est ta faute”, souffla une voix mauvaise dans son esprit. “Tu n’as pas répondu et maintenant il te déteste”. Horrifié, Albus tenta de chasser la pensée, mais elle revenait au galop. “Il ne t’aime pas. Tu es insignifiant, regarde. Comment pourrait-il t’aimer toi ?” Ses mains tremblaient de peur, à présent. Quarante minutes. “Il va venir”, commença-t-il à répéter dans sa tête comme un mantra pour chasser la voix maline qui débitait des horreurs. “Il va venir”.

 

Un craquement sonore le fit sursauter après presque une heure d’attente.

 

“Albus, j’suis désolé !”

 

Teddy se précipita vers lui, s’agenouillant sur le pavé. 

 

“Désolé, pardon ! Y avait cette réunion, et ensuite Percy voulait déjeuner, et c’était l’horreur au Ministère… 

-C’est pas grave, murmura Albus d’une voix piteuse. Mais je dois repartir dans dix minutes.

-Attends, j’ai un truc pour toi.”

 

Teddy farfouilla quelques secondes dans la besace qu’il traînait partout avec lui et en tira un sandwich emballé dans du papier d’argent pour lui tendre. Albus le prit, un peu surpris. Ils devaient déjeuner ensemble. Teddy lui adressa un sourire contrit.

 

“En direct de chez les moldus ! J’ai dû mangé avec Percy, mais j’me suis dit que t’aurais rien avalé de la journée…”

 

Albus hocha la tête en souriant. Il avait pensé à lui. Il déchira le papier argenté et mordit dans le pain, reconnaissant. Teddy passa la main dans ses cheveux, les ébouriffant davantage si c’était possible. Le geste était affectueux et Albus se détendit un peu. Il n’avait pas l’air de lui en vouloir pour leur dernière conversation.

 

“J’suis vraiment le pire copain, hein ? finit par dire Teddy en soupirant.

-Non ! s’écria Albus, la bouche pleine. Non, il répéta après avoir avalé sa bouchée. T’as des choses à faire, c’est normal. T’es pas le pire copain, ajouta-t-il devant la mine songeuse de Teddy. Je suis content que tu sois là.”

 

Son cœur battait à nouveau la chamade dans sa poitrine et il se sentit rougir jusqu’aux oreilles. C’était maintenant, décida-t-il.

 

“Teddy, dit-il d’une voix hésitante, tu sais, la dernière fois quand on a parlé, tu as dit, euh… Enfin, je…”

 

Sa voix se brisa. Pourquoi est-ce qu’il n’y arrivait pas ? Teddy avait l’air si sûr de lui, si détaché lorsqu’il l’avait dit, comme si c’était banal ! Pourquoi il bloquait ?

 

“Tu as dit, reprit-il en essayant de contenir le flot d’adrénaline qui lui battait les tempes, enfin je voulais dire que moi aussi.

-J’ai pas compris, répondit Teddy d’une voix perplexe. J’ai dit quoi ?

-Moi aussi, je t’aime, déclara Al en rassemblant le peu de courage qui lui restait.

-Oh ! s’exclama Teddy en souriant. Mais je sais, ça !”

 

Et il éclata de rire. Albus resta figé un instant, son sandwich à mi-chemin de sa bouche coulant un peu sur sa robe de sorcier. Est-ce qu’il se moquait de lui ? Pourtant, quand Teddy leva les yeux vers lui en souriant, il ne parvint pas à lui en vouloir et sourit à son tour.

 

“Pardon, répondit Teddy à sa question muette, c’est pas toi. T’avais juste l’air tellement sérieux ! J’le savais, reprit-il après un sourire.”

 

Il se pencha pour l’embrasser, et la fin du sandwich d’Al termina sur le pavé. 

 

*

 

“Albus, attends !” 

 

Tout à ses pensées, il n’avait pas vu Rose lui foncer dessus alors qu’il pénétrait le Grand Hall. Elle paraissait soucieuse. Il hésita un instant à prétexter avoir cours mais elle lui avait à peine adressé la parole depuis la fuite d’Hugo, et il n’avait pas envie de jeter de l’huile sur le feu. Il aimait bien Rose, c’était peut-être la cousine dont il était le plus proche de toute sa nombreuse famille. Après tout, il lui devait bien ça. Et puis, une conversation de réconciliation, ça lui ferait du bien. Depuis qu’Eden et Bas lui faisaient la gueule, il se sentait seul lorsque Teddy n’était pas là…

 

“Salut, lui lança-t-il en souriant. T’as pas Potions, à cette heure-ci ?

 

-Les cours peuvent attendre, grommela Rose en l’attrapant par le bras. Viens par ici !

-Rose ? Aïe, mais tu me fais mal ! gémit-il alors qu’elle le tirait vers le couloir menant aux cachots. Rose, qu’est-ce…

-Attends ! le coupa-t-elle sans se retourner. Pas ici.” 

 

Elle l’entraîna dans le corridor sombre sans plus d’explication. Albus se laissa faire, un peu surpris par l’attitude de sa cousine. Peut-être qu’il était arrivé quelque chose de grave ?

 

Lorsqu’ils furent hors de vue, Rose s’arrêta et fit volte-face. Albus remarqua alors l’éclat singulier de ses yeux. Il pouvait y lire de la colère teintée d'inquiétude, accentuées par les mèches folles qui encadraient le visage de la jeune femme. Elle n’était pas paniquée comme lorsqu’Hugo avait disparu, mais elle avait l’air grave et le visage fermé. Comme s’il avait fait une bêtise.

 

“Al, commença-t-elle d’un voix sévère, qu’est-ce que tu fabriques ?

-Quoi ?! Mais enfin, c’est toi qui me saute dessus après le déjeuner, on peut savoir…

-Albus, tu sautes les cours. Tu ne parles plus à tes amis. Tu ne sors plus à Pré-au-Lard avec les autres. Tu ne rends même plus tes devoirs, apparemment !

-Mais qui t’as raconté…

-Ne me coupe pas ! s’écria sa cousine en serrant son bras plus fort. Qu’est-ce que tu faisais le soir où la photo de Maggie et Scorpius a été prise ?

-J’en sais rien, menti Albus en haussant le ton, j’étais probablement dans la Salle Commune, qu’est-ce que tu veux que je…

-Une chance, Al ! Je te laisse une chance d’expliquer ce que tu trafiques en ce moment !

-Mais j’ai rien à expliquer, lâche-moi ! lâcha-t-il en essayant de se dégager.

-Rien ? reprit Rose, de plus en plus énervée. Et le fait que je t’ai retrouvé en pleine conversation avec Teddy, en train de parler de cette stupide photo, c’est rien, selon toi ? Merlin, Al, ce que tu peux être stupide, par moment !”

 

Il arrêta de gigoter, sous le choc. Sa cousine le fixait, la colère déformant ses traits. Est-ce qu’elle savait vraiment ?

 

“Comment tu… balbutia-t-il enfin, sonné.

-Je te l’ai dit, je suis passée devant la salle de classe au moment où vous parliez de ça. Albus, je veux juste savoir une chose : est-ce que tu savais ce qu’il allait faire avec cette foutue photo au moment où…

-Non ! la coupa-t-il, scandalisé. Non, Rose, je te promets !”

 

Elle relâcha un peu son étreinte et Albus retira son bras, comme brûlé par le contact. Elle le regardait à présent en hésitant, et il se força à élaborer pour la rassurer.

 

“Rose, je te jure que je ne savais pas. Je ne savais même pas qu’il y avait une photo dans l’histoire, je l’ai découvert dans La Gazette comme toi. Il m’a dit… hésita-t-il un instant. Écoute, Teddy allait se faire virer si son cours n’avançait pas, et je ne voulais pas qu’il… Enfin, c’est un bon cours… Je voulais juste que Maggie et Scorpius arrêtent de se disputer autant, c’est tout…

-Qu’est-ce que tu racontes ? Albus, c’est lui qui t’a dit ça ?

-Quoi ?

-Al, soupira Rose, tu te rends compte que c’est n’importe quoi, cette histoire ? Personne ne se fait virer parce qu’un cours optionnel n’avance pas assez vite…”

 

À l’instant où elle le dit, Albus réalisa qu’elle avait raison. Il avait cru Teddy parce qu’il était assez naïf pour s’imaginer qu’il ne lui mentirait pas et parce qu’il lui avait dit que la situation était pressante, mais Rose avait raison. C’était n’importe quoi.

 

“Tu sais pourquoi des profs se font virer, par contre ? reprit Rose après une pause. Pour sortir avec leurs étudiants.”

 

Une pierre tomba dans l’estomac d’Albus.

 

“Ne nie pas ! continua Rose alors qu’il ouvrait la bouche. Je sais très bien ce que j’ai entendu mercredi. Albus, mais qu’est-ce que tu fous ? reprit-elle après un court silence. Il a dix ans de plus que toi. Il te fait sécher les cours, il te coupe de tes potes… Je comprends que ça ne soit pas facile pour toi, mais tu te rends compte qu’il se sert de toi, non ?”

 

Son sang ne fit qu’un tour. Elle avait tort. Elle se trompait sur toute la ligne, parce que Teddy était peut-être maladroit, mais il l’aimait. Il lui avait dit. Rose disait n’importe quoi parce qu’elle ne comprenait pas.

 

“Je sais que tu as honte et que tu ne veux pas en parler…

-Tu ne sais rien, déclara Albus en détournant le regard. Tu les as vu dans la Grande Salle le soir où tu as balancé Augustus devant tout le monde ? Tu as vu comment Grandma traite oncle Percy ? Crois-moi, tu n’as aucune idée de ce que c’est.

-Al…

-Fiche-moi la paix, Rose. Il n’y a rien entre Teddy et moi, ça ne sert à rien d’insister. Tu te fais des films.”

 

Et il tourna les talons et s’enfuit dans le couloir avant qu’elle ne puisse à nouveau le rattraper.

Partie 2, interlude 6 : 10 ans plus tard by Emojifeu

10 ans plus tard

 

“PERCY !”

 

Olivier entre en trombe dans la chambre et la porte s’abat contre le mur dans un fracas terrifiant. Assit à son bureau, Percy se lève d’un bond et les parchemins qui jonchent son bureau volent à terre. 

 

“Quoi ?! Elles se sont fait mal, c’est ça ? C’est laquelle ? Je t’avais dit que ce n’était pas une bonne idée de faire de la balançoire à l'intérieur, je savais que ce charme de protection n’était pas fiable ! lance-t-il en s’avançant vers la porte, sa baguette à la main.

-Non, ce n’est pas ça ! Elles vont très bien, elles s’amusent comme des folles et mon charme fonctionne très bien, je te remercie !

-Alors quoi ? Olivier, c’est quoi le problème, pourquoi tu paniques comme ça ?

-Elle m’a appelé Papa !” 

 

Percy se fige dans son élan et lui jette un regard d’incompréhension. Puis l’information lui parvient et il laisse retomber sa main tenant sa baguette le long de son corps et se pince l’arrête du nez.

 

“Olivier… La raison pour laquelle tu exploses le mur et me hurles dessus, c’est qu’une des filles t’a appelé Papa ?

-Molly ! Molly m’a appelé Papa, répond Olivier, surexcité.

-ET ÇA JUSTIFIE DE DÉFONCER LA PORTE DE LA CHAMBRE, GRAND FARFADET STUPIDE ?! 

-MAIS ELLE M’A APPELÉ PAPA !”

 

Surpris tous les deux par les cris de l’autre, ils se taisent d’un coup et le fou rire monte. Olivier éclate d’un rire franc et sonore et Percy ne tarde pas à l’imiter. Ses lunettes glissent sur son nez et tombent au sol. Hoquetant de rire, il finit par s’asseoir sur le lit et Olivier se laisse tomber à côté de lui, un sourire immense plaqué sur le visage.

 

“Elle a totalement fait exprès, finit-il par dire lorsque Percy arrête de rire. Elle m’a regardé droit dans les yeux, du haut de ses huit ans, et elle m’a dit “Tu peux me faire monter plus haut, Papa ?” avec le ton le plus sérieux du monde, comme si elle m’annonçait un truc grave.

-Elle avait calculé son coup ?

-Je te jure, Percy, elle savait exactement ce qu’elle faisait. Elle est étonnante, cette enfant.

-Je sais, acquiesce Percy. Elle m’a fait un truc similaire il y a quelques semaines. Tu étais rentré chez toi et elle a fixé la porte pendant trois minutes avant de me dire “Tu sais Papa, si Olivier veut dormir à la maison tout le temps, je peux partager la chambre de Lucy” sur un ton… On aurait dit qu’elle se lançait dans une analyse du cours de la bourse gobeline !

-Tu lui as répondu quoi ? demande Olivier d’un ton un peu trop détaché. 

-Que si tu voulais dormir à la maison tout le temps, c’est moi qui partagerai ma chambre avec toi. Ça a eu l’air de la soulager, je ne crois pas qu’elle avait vraiment envie de partager sa chambre avec sa sœur. “

 

Il se tait. Dans le salon au fond du couloir, les rires des deux sœurs leur parviennent et Lucy crie “Mon tour mon tour !” plus fort qu’il n’est nécessaire. Olivier sourit en les entendant s’amuser. Percy se racle la gorge, indécis.

 

“Mais j’ai dit que je ne savais pas si… Tu voulais dormir ici tout le temps, reprend-t-il. Ça fait presque deux ans maintenant que tu viens ici tous les jours, tu restes déjà à la maison plus d’un soir sur deux… Je comprendrais que tu veuilles continuer à avoir un peu de calme hein, mais si c’est plus pratique…

-Plus pratique ? répète Olivier en haussant un sourcil, l’air moqueur.

-Pour le loyer, lâche Percy en évitant son regard.

-Ah oui, pour le loyer, bien sûr. Rien à voir avec le fait qu’on est ensemble depuis plus de deux ans, que la majorité de mes affaires traînent déjà chez toi ou que je passe mes journées avec tes filles…

-Nos filles, rectifie Percy.

-Nos filles ? répète Olivier, interdit.

-C’est Molly qui l’a dit, répond Percy en levant les mains d’un air entendu, et on sait très bien tous les deux qui fait la loi dans cette maison.

-Tu sais qu’on va en baver, quand elle aura quinze ans ?

-Bien avant, on va en baver bien avant, corrige Percy en hochant la tête.

-Évidemment, reprend Olivier après un silence, que je vais venir habiter ici. Ça fait six mois que je déménage mon appartement chaussette après chaussette chez toi en essayant de te faire comprendre subtilement qu’il est peut-être temps que tu me le proposes enfin.

-Je n’osais pas, souffle Percy, parce que… Olivier, je suis désolé mais ça ne change rien, pour moi. Je serai l’homme le plus heureux du monde si tu venais vivre ici mais… Je ne peux toujours pas leur dire. Ma mère…”

 

Olivier soupire et baisse les yeux. Percy triture les draps d’un geste nerveux sans oser le regarder.

 

“J’étais certain que tu dirais ça, lâche finalement Olivier d’un ton dépité. Mais je n’ai pas envie de faire toute ma vie en fonction de ta famille ! Et je ne vais pas te forcer à choisir non-plus, ça serait juste cruel.

-Merci, souffle Percy.

-Mais ça ne me satisfait pas, ajoute Olivier d’un ton ferme. Pour l’instant, je m’y fais, parce que je n’ai pas le choix et que je n’ai aucune intention de sortir de ta vie, ou de celles de Molly et Lucy. Mais un jour, Percy Weasley, je vais en avoir assez, je te préviens. C’est trop dur d’imaginer les filles dire à tout le monde que je suis leur baby-sitter si elles commencent à m’appeler Papa quand elles sont ici. C’est malsain, ajoute-t-il avec dégoût.

-Je te promets qu’un jour, on leur dira, assure Percy en croisant son regard. Mais comprends-moi, s’il te plaît. J’ai fait les pires erreurs possibles quand j’étais plus jeune et parfois, je vois qu’ils m’en veulent encore… Elle ne m’a pas invité pour Noël depuis le divorce, tu imagines ce qu’elle fera si elle apprend pour nous ?

-Je ne savais pas…

-Et quand elle a su qu’Audrey avait une copine, continue Percy sur sa lancée, elle était scandalisée que j’autorise toujours les filles à voir leur mère ! Tu sais ce qu’elle a fait ? Tu sais pourquoi quand les filles vont voir leur grands-parents, je ne fais que les déposer devant la maison ? Je n’ai plus le droit de mettre un pied chez elle, figure-toi ! 

-Quoi ?! Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ?

-Parce que j’essaye de réparer les choses. Peut-être que si on lui laisse le temps, elle va se calmer…

-Percy, tu es certain que tu veux continuer à la voir ? Ça m'inquiète de te savoir dans un environnement aussi… Dur.

-C’est pas pour moi, c’est pour les filles ! Je veux qu’elles connaissent leur famille. Molly s’amuse bien ses cousins, et ce sont les seuls enfants de son âge qu’elle fréquente ! Et puis ma mère les adore, et mon père aussi… Ce n’est qu’une fois par an, pendant l’été, je peux prendre sur moi… Et il y a mes frères, je veux rester en bons termes avec eux aussi. Ça fait dix ans et pourtant, je commence seulement à retrouver des relations normales avec eux ! Je ne peux pas abandonner maintenant, conclut-il en baissant la voix.

-Je ne sais pas si on peut vraiment qualifier ça de relations normales alors que tu leur mens sur une partie de ta vie… répond Olivier à mi-voix.”

 

Sa phrase reste un moment en suspens dans l’air et Olivier finit par tourner la tête. Le visage entre les mains, fixant le vide devant lui, Percy semble sur le point de pleurer. Les larmes perlent à ses paupières et sa lèvre inférieure tremble légèrement. C’est la première fois en presque trois ans qu’Olivier le voit pleurer, mais cette tristesse lui est familière. Il reste quelque chose de l’adolescent qu’il a consolé à Poudlard il y a des années.

 

“Percy, pardon, murmure Olivier en lui prenant les mains. Je suis désolé, je ne voulais pas être aussi dur… 

-Je sais que tu as raison, renifle Percy, je sais que ce n’est pas normal et que c’est perturbant pour Molly et Lucy mais je… Je ne peux pas encore, d’accord ? Je n’y arrive pas, je suis désolé.

-J’attendrai, répond Olivier en serrant sa main. Je vais attendre, d’accord ? Je reste là, avec les filles et toi, je ne bouge pas. On va attendre ensemble que tu sois prêt, ok ?

-Ok, souffle Percy. Tu veux toujours habiter ici ? lui demande-t-il avec un pauvre sourire.

-J’irai chercher mes affaires tout à l’heure. Il doit rester genre… Un tee-shirt et du linge-sale, de toute façon, ajoute-t-il en souriant.”

 

Un “BOUM” assourdissant retentit dans le salon, suivi d’un sanglot de douleur et de peur et d’un cri distinct de Molly qui passe au-dessus des pleurs. 

 

“Papaaaaaaa, Lucy est tombée de la balançoire !”

 

Percy bondit sur ses pieds et sort en trombe de la chambre, en lançant par-dessus son épaule : “Tu vois, Olivier Dubois, je t’avais dit que ce charme ne valait rien !”, suivi de près par Olivier qui lève les yeux au ciel.

Partie 2, chapitre 7 - “Ça devient presque banal.” by Emojifeu

Chapitre 7 - “Ça devient presque banal.”

 

Bon. Fin de semaine, vendredi midi. Il devrait pouvoir s’en tirer sans trop de mal, s’il se faisait discret - comme si les autres élèves allaient le laisser se faire oublier… Scorpius soupira. Presque deux semaines à présent que cette histoire durait, et il n’avait pas l’impression que les rumeurs et moqueries étaient en train de s’atténuer. Heureusement pour lui que personne n’avait entendu parler de l’entrevue avec son père ! La seule chose qui lui assurait encore un semblant de paix dans la Salle Commune, c’était son nom, qui instillait encore un peu de respect aux autres élèves, surtout les plus jeunes.

 

Scorpius ramassa ses affaires et les fourra dans la besace qui lui servait de sac, balançant son paquetage sur son épaule d’un geste négligeant. Les autres élèves quittaient la salle de cours un à un, se succédant dans l’embrasure de la porte pour gagner le plus vite possible la Grande Salle et déjeuner. Il n’avait pas très faim et prit le temps de flâner un peu dans les couloirs, essayant d’éviter la foule. Avec un peu de chance, il arriverait si tard au déjeuner que la majorité des gens auraient déjà quitté la table et il pourrait avaler son lunch en paix. Les regards le mettaient mal à l’aise pour manger… 

 

Ce matin, il n’y avait pas eu d’article supplémentaire à son sujet dans La Gazette. Depuis qu’ils avaient publié cette photo presque deux semaines auparavant, les journalistes s’amusaient à la ressortir à propos de tout et rien. Surtout quand son père donnait un discours ou faisait une déclaration publique, d’ailleurs. Comme une petite pique ironique qui venait l’agacer à chaque fois qu’il ouvrait le journal. Scorpius était à peu près convaincu que l’histoire mourrait plus vite si La Gazette arrêtait de publier cette photo tous les trois jours.

 

Il grinça des dents en arrivant dans le Grand Hall. C’était bondé. Une masse d’élèves se pressait devant le mur du fond. À bien y réfléchir, c’était bizarre. Personne n’entrait dans la Grande Salle, ils fixaient tous le mur en parlant plus forts les uns que les autres, dans une cacophonie assourdissante de cris et de ricanements. Scorpius joua des coudes pour s’approcher du mur. Lorsqu’il vit ce qui s’étalait sur le mur, il blêmit.

 

C’était encore cette saleté de photo ! Mais cette fois, en énorme, comme imprimée sur le mur. Et couverte de graffitis. Un dessin obscène apparaissait quand il se penchait vers Maggie. Des cornes et une queue fourchue scintillaient par-dessus l’image de la jeune fille. Et au-dessus d’eux, en lettres rouges sang, la photo révélait une inscription “La Sang-de-Bourbe et le traître à son sang” qui disparaissait au bout de quelques secondes pour réapparaître à l’infini.

 

D’instinct, sa main chercha sa baguette et il la pointa sur le dessin en murmurant “Finite”. Mais l’image ne disparut pas. Elle paraissait même briller plus fort, comme pour le narguer. Scorpius agita la main, tenta une autre formule. Peine perdue. Le mur restait marqué. Quelques élèves le regardaient déjà en chuchotant, et Scorpius rangea sa baguette d’un geste rapide et se faufila dans la marée. Il avait envie de disparaître. Si seulement le sol pouvait l’avaler, là, maintenant !

 

“Poussez-vous ! Ah, laissez-passer, allez, ouste !”

 

Un tout petit homme se fraya un chemin jusqu’au pied du mur, à quelques pas de Scorpius. Le professeur Flitwick regarda la photo qui s’affichait sur le mur d’un air agacé et sortit sa baguette pour tenter ce que Scorpius venait d’essayer. Au désarroi du jeune homme, il ne parvint pas plus que lui à effacer cette horreur qui recouvrait le mur. Le professeur tenta quelques sortilèges qui restèrent sans effet. Scorpius se décida à s’éloigner à la troisième tentative, peu désireux de fixer l’image plus longtemps. Quelle horreur ! Il avait une bonne idée de qui en était l’auteur… Le Gang à Weasley ferait mieux de raser les murs, parce qu’ils allaient à nouveau s’en prendre une s’il les croisait. Et toute l’école allait le voir… Super. C’était la dernière chose qui lui manquait.

 

Scorpius pensa un instant aller se cacher dans un des cachots de Potion pour l’après-midi. Son ventre grogna en signe de protestation. Bon. Après tout, s’il devait se planquer, autant le faire confortablement. Il bifurqua vers l’entrée de la Grande Salle. S’il pouvait profiter d’un bref moment de répit pour attraper un sandwich, pendant que les autres admiraient tous le chef-d'oeuvre des potes de Weasley sur le mur… 

 

 Il n’y avait presque personne d’autre dans la Grande Salle. Evidemment, tous les élèves étaient en train de se vautrer dans les potins ! Un éclat blond attira son attention lorsqu’il passa la porte du réfectoire. Maggie et Augustus, assis à la table de Serdaigle, discutaient à voix basse. Il bifurqua vers eux sans savoir ce qu’il allait bien pouvoir leur dire. Maggie tourna la tête. Son regard, déjà sombre, devint glacial lorsqu’elle le vit. Il stoppa net ses pas, indécis. Maggie ramassa ses affaires et se leva. Elle passa à côté de lui sans lui adresser un mot.

 

“Scorpius !”

 

Augustus lui fit un signe, toujours attablé. Un peu sonné, il se dirigea vers elle, se retournant plusieurs fois pour regarder Maggie quitter la Grande Salle. Il se laissa tomber sur le banc qu’elle venait de quitter. L’assiette encore pleine de la jeune femme traînait devant lui.

 

“Elle ne va pas bien du tout, dit Augustus en guise d’excuse. Je pense que c’est pas le moment d’essayer de discuter avec elle.

-Elle ne m’a pas adressé la parole depuis que la photo est sortie dans La Gazette, soupira Scorpius. 

-C’est pas toi. Moi non plus, elle ne veut pas m’en parler. Ça fait deux semaines que j’essaye, et elle s’énerve à chaque fois. Elle s’est engueulé avec Rose, aussi.

-Elle a dit quoi, en voyant cette horreur que les autres crétins ont fichu dans le hall ?

-Rien, soupira Augustus. Elle s’est arrêtée devant et pendant une minute, j’ai cru qu’elle allait à nouveau pleurer. Je l’ai forcée à s’asseoir et à manger un truc, mais je ne suis pas sûre que ça ait bien marché, conclue-t-il avec un mouvement de tête vers l’assiette pas finie.

-Elle a maigri, non ? 

-Ouais, elle mange quasiment pas. Et elle a des cernes jusqu’aux genoux, mais elle refuse toujours d’en discuter ou d’aller en parler aux profs.

-Tu sais ce qui me rend le plus dingue ? coupa Scorpius en fixant la porte de la Grande Salle. Le calme avec lequel j’accepte toute cette situation. J’ai vu la photo dans le hall, j’ai à peine réagit. Je suis dégoûté hein, mais c’est genre… Ça devient presque banal, tu vois ?

-Mec, c’est pas toi qui prend le plus cher, je crois.

-Mais je sais ! Je sais ! C’est juste… Elle ne veut parler à personne, et je ne sais pas quoi faire d’autre… Surtout que c’est pas juste Weasley, le problème, là. Tout le monde s’y met. Je suis même pas sûr que ce soit vraiment lui qui ait fait ça, ajouta-t-il avec un geste vers le hall. Les gens deviennent fous… 

-Mon père est furieux de l’absence de réaction de McGonagall, si tu veux tout savoir, répondit Augustus à voix basse. Il m’a parlé de ça hier, entre deux portes. Ils cherchent toujours qui a pu prendre cette photo, mais c’est mou, et elle refuse d’interroger les élèves tant qu’il n’y aura pas de preuve sérieuse. Mon père était super énervé, il arrêtait pas de dire que ça mettait Maggie en danger et que pendant qu’on cherche, tout le monde continue à l’insulter… 

-Il a raison, répondit Scorpius d’un ton sombre. Ça a dégénéré, et vite. Regarde, les premiers jours, c’était juste des vannes débiles sur mon père et comme il réagirait, et maintenant ils la traitent de Sang-de-Bourbe comme si c’était n’importe quelle autre insulte. Si j’attrape la bande de Weasley, là…

-Tu vas rien faire du tout si t’attrapes la bande de Weasley, déclara Augustus d’un ton sans appel. Gars, j’ai adoré la patate que tu as collée à Louis la dernière fois, genre, vraiment. Fan numéro un de ton crochet du droit, ajouta-t-il en souriant. Mais franchement, ça va résoudre quoi ? Tu vas encore te payer une retenue, voire pire. Et t’as aucune preuve que ça soit eux.

-Mais on peut pas…

-Mec, tu crois vraiment que ça va aider Maggie ? Je dis pas de rien faire, mais imagine ce qui va se passer si le gars qui est au centre de l’attention commence à tabasser tout le monde à tour de bras ? C’est bon là Scorpius, t’es assez malin pour te rendre compte que ça va juste aggraver la situation. Et en plus tu vas finir en conseil de discipline.

-Alors quoi ?! s’écria Scorpius. Laisser passer ? C’est ce qu’Hugo a fait, je te signale, et regarde comment ça s’est terminé ! C’est quoi, selon toi, la bonne réponse face à ces débiles arrogants qui harcèlent tout le monde ?

-L’expulsion, répondit Augustus tristement. Comme Louis. Je crois que là, la seule chose qui aiderait vraiment, ça serait que nos profs se réveillent. Quand Hugo est parti, j’en ai parlé vite fait avec mon père. Il m’a dit que quand il était plus jeune, c’était déjà pareil. Pour lui c’était atroce, les premières années. Et pour le père d’Al, aussi. Apparemment, c’est pas la première fois qu’une photo d’élève finie en une de La Gazette. Mon père m’a dit que quand il était en quatrième année, y avait eu une histoire un peu similaire avec la mère de Rose, et qu’en cinquième année, le père d’Al avait son portrait titré “Ennemi public numéro 1” tous les trois jours en une. Il en a bien bavé, à ce qui paraît, et les profs faisaient rien. 

-Le père d’Al, c’est bien Harry Potter ?

-Ben ouais. 

-Le Survivant ? Celui qui a mit un terme au règne du Mage Noir ?

-Mec, grinça Augustus, l’appelle pas comme ça, on dirait un vieux sympathisant Mangemort…

-Pardon, souffla Scorpius. Je savais pas que Harry Potter… Enfin je pensais que tout le monde l’aimait bien, quoi ! C’est quand même un héros ! 

-Pas à l’époque, selon mon père. J’avoue qu’aujourd’hui on le voit comme ça, mais apparemment, c’était pas toujours le cas. Mais ton père aussi, il doit en avoir entendu parler…

-Si tu crois que mon père me parle de sa scolarité, grogna Scorpius. En plus, je suis pas certain qu’ils aient été les meilleurs amis du monde, vu ce que j’ai entendu à Noël.

-T’as entendu quoi, à Noël ? demanda Augustus, curieux. 

-Rien, t’occupe. En tout cas, dit-il pour changer de sujet, ça m’aide pas à  savoir ce qu’on va faire pour Maggie.

-Et pour toi, accessoirement, ajouta Augustus. C’est pas parce que t’en bave moins que c’est pas violent. Je sais pas… Si déjà La Gazette pouvait s’intéresser à autre chose, ça serait pas mal…

-Hum…”

 

Scorpius ne répondit pas, absorbé par ses pensées. Il aimerait bien, lui aussi, que La Gazette passe à autre chose. S’il pouvait détourner l’attention générale sur autre chose… Mais quoi ? Et comment ? La seule personne qu’il connaissait à La Gazette, c’était la tante de Eames, et il était hors de question de demander de l’aide à ce crétin sans cervelle -  qui n’accepterait jamais, d’ailleurs. Et puis pour dire quoi ? S’il essayait de parler à un journaliste, il savait très bien ce qui allait l’intéresser : cette photo, Maggie, son père.

 

Un éclair de lucidité le frappa. Son père. Son père intéressait tout le monde depuis toujours, et d’autant plus depuis l’annonce de sa candidature. Il l’avait bien vu : s’il n’avait pas été le fils de Drago Malefoy, personne ne se serait emballé sur cette stupide photo. C’était son père qui était visé derrière cette histoire, il était bien placé pour le savoir ! Il lui avait bien fait comprendre, d’ailleurs. Scorpius était toujours en colère en repensant à cette discussion dans le bureau de McGonagall. Il avait essayé de lui écrire, la semaine dernière, mais seule sa mère lui avait répondu. Sa lettre teintée de tristesse et de déception avait fini d’achever le jeune homme. Elle n’y mentionnait pas l’affaire mais avait conclu sur un “Nous nous verrons à l’été lorsque les choses se seront un peu calmées avec ton père” qui avait empli Scorpius de chagrin. Il savait, bien avant qu’elle ne lui écrive, qu’elle allait se ranger à l’avis de son mari, mais le voir écrit avait rendu le rejet un peu trop réel. Il avait caché la lettre dans sa table de nuit, incapable de la jeter, incapable de la relire. 

 

Il ne connaissait pas toutes les affaires de son père, mais avait surpris quelques conversations, au fil des années. Et puis, il y avait cette histoire de Mangemort qu’il avait découverte à Noël. Il ne l’avait vu mentionnée nulle part. Peut-être que ça, il pourrait en parler à un journaliste ? Un candidat au poste de Ministre de la Magie, ancien serviteur du Seigneur des Ténèbres, voilà qui devrait tout de même créer un scandale… Mais comment contacter La Gazette ? Et puis, s' il venait à savoir que l’information venait de lui, son père allait le déshériter pour de bon. Il lui avait dit de ne pas interférer avec sa campagne, et rien ne lui ferait plus plaisir que de désobéir, mais s’il voulait vraiment détourner l’attention, il ne pouvait pas se permettre d’être mêlé à tout ça… Non, il valait mieux que l’information sorte d’une autre façon.

 

“Il est temps que cette saleté de semaine se termine, Augustus grommela en l’interrompant dans ses pensées. Les entraînements sont atroces, on se les pèles et la dernière chose que j’ai envie de faire, là, c’est monter sur un balai. Heureusement qu’après, il me reste que le cours de Teddy ! Il fait chaud dans sa salle.”

 

Scorpius le fixa sans répondre. Bien sûr. Teddy. Il allait tout balancer à Teddy, et puis Teddy se chargerait d’en faire quelque chose avec Percy, ou avec La Gazette, parce que lui, il devait bien connaître des journalistes. Personne ne saurait jamais d’où il tirait ses informations et Scorpius ne serait pas mêlé à l’affaire, mais ça devrait quand même créer du raffut. 

 

“Je vais, euh… Je vais essayer d’esquiver le monde avant qu’ils viennent tous manger, bafouilla Scorpius en se levant. Après, ça va être la cohue, et ils vont encore me regarder de travers, et j’ai pas envie…

-T’inquiète mon pote, je comprends, sourit Augustus en lui adressant un signe de main. Fonce, on se voit plus tard.

-Merci ! À plus ! cria Scorpius en s’éloignant.”

 

Il se faufila à travers la foule d’élèves qui entrait à présent dans la Grande Salle, lasse de voir leur professeur échouer à faire disparaître la photo sur le mur. Certains ouvraient de grands yeux en le voyant, ou chuchotaient sur son passage, mais Scorpius les ignora et s’extirpa tant bien que mal de la masse d’étudiants. Il fallait qu’il trouve Teddy. Heureusement, pensa-t-il en montant au cinquième étage, qu’on était vendredi ! 

End Notes:

Je suis désolée j'ai oublié de faire la mise en ligne hier soir pardon!!!

Encore désolée et bonne lecture :)

Partie 2, interlude 7 : 12 ans plus tard by Emojifeu

12 ans plus tard

 

Il fait un temps magnifique. Le petit cottage anglais où vivent les parents d’Olivier est perdu en pleine campagne, loin du tumulte assourdissant de Londres, et Percy se fait la réflexion qu’il pourrait presque s’y faire et décider de déménager définitivement ici. Assis dans un fauteuil en osier, le rapport de la Commission Magique des Transports sagement fermé sur ses genoux, il contemple le jardin qui s’étend à perte de vue. Un jus de citrouille frais vient se poser à côté de lui et le père d’Olivier lui adresse un signe depuis la fenêtre de la cuisine. Jane et William sont d’une gentillesse incroyable et semblent plus que ravis de les accueillir tous les quatre avec les filles. Lorsqu’ils sont venus seulement tous les deux l’année précédente, ils avaient l’air déçus de ne pas pouvoir les rencontrer.


Percy a surtout été touché par la bienveillance de Jane, qui les a prises dans ses bras d’un geste parfaitement naturel, comme si c’était ses propres petites filles. Mais Olivier est fils unique, après tout, et comme lui a confié William la veille au soir alors qu’ils fermaient tous les deux le portique qui mène à la maison, “on n’était pas sûrs d’avoir des petits-enfants un jour, de toute façon”.

 

Ils ont eu raison de ne pas envoyer les filles au Terrier cet été. Il avait peur que leurs cousins ne leur manquent, mais elles s’amusent tout autant, et Lucy est tellement contente qu’il reste avec elles pendant leurs vacances ! Il aurait dû prendre cette décision des années en arrière, quand sa mère lui a interdit de venir passer l’été au Terrier pour la première fois, un an après son divorce. Olivier a raison, ce n’est pas très sain pour leurs filles, de toute façon. Molly va avoir dix ans à l’automne, et elle commence à comprendre la véritable raison qui pousse son père à lui répéter en permanence qu’il ne faut pas parler d’Olivier à sa grand-mère, que c’est un secret. Et puis, Lucy est incapable de tenir sa langue, de toute façon, et elle a déjà gaffé plus d’une fois auprès de ses cousins - heureusement, personne ne prête grande attention à ses propos d’enfants. Ils iront cet hiver, pour le réveillon de Noël auquel il est officiellement réinvité, et ça ne durera que trois petits jours. “Une bien meilleure idée”, se dit-il en sirotant son jus de citrouille. 

 

Soudain, une ombre l'interrompt dans ses pensées et le visage d’Olivier apparaît au-dessus de lui. Percy distingue mal son expression, à contre-jour, mais ses yeux semblent rieurs et il lui sourit en retour.

 

“Percy Weasley, déclare son petit-ami d’un ton grave, je vais faire quelque chose que tu vas détester, mais c’est mon devoir et il ne sera pas dit que je ne l’assumerai pas.

-Olivier Dubois, répond Percy d’un ton moqueur, je ne sais pas de quoi tu parles mais tu sais mieux que moi qu’il vaut mieux éviter de me chercher. Dans ton propre intérêt. Surtout quand je suis enfin en vacances.

-Je ne te cherche pas, mais je vais devoir prendre au sérieux ma charge de père de famille et faire quelque chose qui va vraiment, vraiment t’énerver.
-Qu’est-ce que tu racontes, marmonne Percy, de quoi tu parles ?

-Les astres ont parlé hier soir et il est grand temps, continue solennellement Olivier sans lui prêter attention. Je vais apprendre à voler à Lucy.

-Tu vas faire quoi ?! Olivier, revient ici !

-C’est trop tard, lance Olivier par-dessus son épaule en s’éloignant en direction de la remise du jardin, tu ne peux pas me stopper ! Les grands mages du Quidditch m’ont investis d’une mission sacrée !

-Olivier, crie Percy en se levant de sa chaise, elle a huit ans ! Elle est beaucoup trop jeune pour monter sur un balais !

-JE VAIS FAIRE DU BALAIS ?! hurle une voix surexcitée depuis la fenêtre.”

 

Percy lève les yeux vers la façade de la maison mais la tête de sa fille a déjà disparu de l’embrasure de la fenêtre et il entend une cavalcade à l’intérieur du cottage, comme si un troupeau d'hippogriffe descendait l’escalier. La petite fille de huit ans déboule sur le parvis de la maison, son tee-shirt de travers et un sourire immense plaqué sur le visage, encadré par ses deux nattes noires. À la mine extatique de sa fille, il sait qu’il a perdu d’avance et qu’elle ne le laissera plus respirer tant qu’elle ne sera pas montée sur un balais.

 

“Lucy, attends ! la stoppe-t-il. Déjà, je t’ai dit trois fois depuis qu’on est arrivés de faire doucement dans les escaliers et de ne pas crier !

-Pardon Papa, répond la petite fille sans en penser un mot.

-Eh ! Eh, Lucy, regarde-moi, d’accord ? dit-il en essayant de capter son attention.” 

 

Elle se calme un peu et le regarde, mais ses yeux pétillent d’excitation et il sait qu’il est presque impossible de communiquer avec sa fille lorsqu’elle est dans cet état. Lucy est la pire des casses-cou. Il sourit et caresse la joue de la fillette qui bouillonne d’énergie. 

 

“Ok, concède-t-il, tu vas apprendre à faire du balais. Mais, continue-t-il en coupant une exclamation de joie de sa fille, c’est dangereux, d’accord ? Tu fais exactement ce qu’Olivier te dit, hein ? Et quand on te demande de descendre, tu descends, c’est compris ?

-Oui Papa merci Papa ! lance-t-elle en se dérobant. Papaaaaa, hurle-t-elle à l’attention d’Olivier, attends-moi !” 

 

Percy la voit traverser la pelouse en courant et s'aplatir dans l’herbe, puis se redresser comme si de rien n'était avant de reprendre sa course en direction de la remise. Il soupire. Un rire lui parvient sur la droite et il tourne la tête et voit Jane qui regarde la scène en pouffant. 

 

“Elle en a, de l’énergie, celle-là !

-Elle en a même un peu trop, marmonne Percy. Et elle passe sa vie à se casser la tronche, en plus ! Il y a deux ans, elle est tombée d’une balançoire. Elle a pleuré toutes les larmes de son corps pendant trois minutes et quand elle a réalisé qu’elle n’avait rien du tout, elle voulait absolument remonter dessus !

-J’en avais un comme ça aussi, répond Jane en souriant. Je lui ai appris à voler, il n’avait pas sept ans je pense. Il a passé sa journée à tomber, il était couvert de bleus mais vous croyez que ça l’aurait arrêté ? J’ai dû confisquer le balais à vingt-et-une heure, sinon il y passait la nuit !

-Ça ne m’étonne pas tellement, le connaissant.

-Et le nombre de lettres que l’école nous a envoyées parce qu’il s’était pris un Cognard !
-Je me souviens, sourit Percy, les gars de notre année avaient fini par en faire des paris tellement c’était récurrent.

-Ça leur passe, ne vous en faites pas. Et il est moins étourdi que moi, ajoute-t-elle en désignant Olivier du doigt, il ne la laissera pas tomber.”

 

Elle a à peine terminé sa phrase que Percy voit Olivier rattraper Lucy avant qu’elle ne glisse du minuscule balais pour enfant qui s’élève presque à la verticale. De loin, Olivier lui fait un signe pour signifier que tout va bien et Lucy éclate de rire et se saisit du balais immédiatement pour remonter dessus. 

 

“C’est fou, quand même, murmure Jane en les regardant. Je sais, hein, dit-elle plus fort, qu’elle n’est pas de lui mais elle lui ressemble. Pas physiquement hein, mais je veux dire… Lui aussi, à cet âge-là, il rigolait dès qu’il se faisait mal… C’est fou.

-Moi aussi, répond Percy en souriant, je trouve qu’elle lui ressemble. Plus que Molly. Mais il a passé tellement de temps avec elles, quand elles étaient plus jeunes… Surtout Lucy, elle avait à peine quatre ans quand il s’est mis à la garder, je pense que ça laisse des traces.

-Je suis contente que vous ayez décidé de venir nous voir avec elles, cette année.

-Je suis surtout désolé qu’on ait mis autant de temps à le faire, s’excuse Percy. Jane, vous avez vu Molly ? demande-t-il après un silence.

-À l’intérieur avec mon mari. Je crois qu’il lui montre ses anciens trésors de Poudlard, elle avait l’air intéressée.

-Intéressée ? C’est le seul mot qu’elle a à la bouche, depuis que son cousin y est entré l’année dernière ! Il a lui a écrit tous les mois. Depuis qu’elle sait que c’est pour bientôt, impossible de changer de sujet.

-L’année prochaine, c’est ça ?

-Oui, acquiesce Percy pensivement. Ça va être bizarre…

-Pas tant que ça, vous verrez. Et puis vous êtes jeune, et Olivier dit que vous travaillez tout le temps… Elles seront rentrées avant même que vous ne les ayez vu partir, vous verrez ! 

-C’est arrivé tellement vite, contemple Percy sans répondre.

-Ah ça, par contre, s’exclame Jane, c’est un fait : ils ont beau grandir à leur rythme, c’est toujours beaucoup trop rapide !”

 

Elle lui adresse un sourire et rentre dans la maison à petits pas lents. Percy la regarde s’éloigner un instant, puis un éclat de rire lui fait tourner la tête et il découvre avec horreur sa fille à cinq mètres du sol, seule sur le balais et bien décidée à le faire avancer aussi vite que possible.

 

“Olivier ! Fais-la descendre ! Elle est beaucoup trop haut ! Lucy, tu avais promis ! OLIVIER DUBOIS, SI TU NE LA FAIS PAS DESCENDRE SUR LE CHAMPS, JE T’ASSURE QUE CES VACANCES SERONT TES DERNIÈRES !”

 

Partie 2, chapitre 8 - “Je ne crois pas que ma vie privée...” by Emojifeu
Chapitre 8 - “Je ne crois pas que ma vie privée intéresse les sorciers”

 

Aïe. Pas la réaction à laquelle il s’attendait. Tempête sourde dans ses yeux bruns. Grimace agacée. Percy était en colère.

 

“Redis-moi comment tu as eu ces informations, Ted.

-Peux pas. J’ai promis de ne rien dire.” 

 

Malefoy Junior avait insisté sur ce point. Ne pas mêler son nom à l’histoire. Il lui devait au moins ça, après ce qu’il avait fait la dernière fois. Pas que Malefoy le sache, d’ailleurs. Mais il se sentait encore coupable. La semaine dernière à Poudlard, il avait vu le bazar que la photo avait fichu. Il n’était pas fier. C’est le jeu en politique, il se répétait pour se convaincre.

 

“Tu es sûr de ce que tu avances, au moins ?

-Pas vraiment, il grommela. Mais s’tu l’attaque là-dessus…

-Sans preuve à produire ? Bien sûr Ted, ça semble une excellente stratégie ! Percy ironisa, pince-sans-rire.”

 

Teddy grimaça. Il savait d’avance que sa trouvaille ne plairait pas à Percy. Mais ce qu’avait raconté Malefoy Junior était trop juteux ! Des pots-de-vin, des infractions à la loi, le tout saupoudré d’une pincée d’esclavagisme d’Elfes de maison… Une vraie mine d’or.

 

Le gamin avait bien essayé de lui vendre d’abord l’histoire de son père Mangemort, et Teddy l’avait envoyé paître. Tout le monde savait que Drago Malefoy avait été un serviteur du Seigneur des Ténèbres, et tout le monde s’en fichait. Son procès avait fait les gros titres, à l’époque. Teddy ne savait même pas lire qu’il en avait déjà entendu parler ! Mais ensuite, Malefoy lui avait parlé des affaires de son père, et là…

 

“Percy, si c’est vrai, c’est très grave. Imagine que rien que le quart soit réel ! On pourrait prendre une avance considérable dans les sondages.

-Avec des rumeurs, Teddy !

-Provoque l’enquête, alors ! Accuse-le, et force le Magenmagot à mettre son nez dans ses affaires ! Ils vont forcément trouver quelque chose, ma source est fiable !”

 

Percy parut réfléchir. Regard sombre. Sourcils froncés. Puis un soupir las.

 

“Pas après que La Gazette ait fait des choux gras autour de la stupide photo de son fils, Ted. La moitié du Magenmagot est déjà convaincue que mon équipe est derrière cette histoire, si je commence à lancer des accusations au hasard, ils vont commencer à vraiment nous prendre en grippe. La dernière chose dont on a besoin, c’est une procédure disciplinaire pour entrave au bon déroulé de la campagne.

-Percy, il fait du trafic d’Elfes de maison avec la moitié de l’Europe. C’est une infraction à la loi sur le commerce de créatures magiques sur laquelle Hermione et toi avez travaillé ! Tu crois qu’si elle était au courant, elle le laisserait continuer ? Parce que pendant qu’on ne dit rien, des dizaines d’Elfes se font exploiter, et bien pire ! 

-Mais je sais tout ça, Percy s’écria. Merlin, et tu étais obligé de venir me dire ça juste avant le débat ?”

 

Un homme fit un signe à Percy. Effervescence générale dans le studio. Derrière la vitre, le présentateur échauffait sa voix. Malefoy n’était pas encore arrivé. Des sorcières s’affairaient partout pour lancer l’émission. Un journaliste de La Gazette était déjà là, prêt à écrire le papier qui finirait en une le lendemain. Le premier débat de cette campagne pour le titre de Ministre de la Magie. Et Teddy en faisait partie. Bras ballants. Rictus frustré.

 

“C’est pas comme si on avait eu le temps… T’es en réunion tout le temps, ou en déplacement… Ça fait une semaine que j’te cours après ! 

-Je sais, je sais, Percy soupira. Mais les meetings sont trop importants pour qu’on s’en passe ! Regarde, rien qu’avec celui d’hier à Oxford, j’ai pris un demi-point dans les sondages.”

 

Pas de réponse. Un demi-point ! Face aux trente points d’avance de Malefoy, c’était risible. Teddy se retint de le dire. Pas le moment. Ne pas démoraliser Percy avant qu’il parle à la radio. Ce soir, tous les sorciers de Grande-Bretagne écouteraient le débat. Il fallait qu’il soit performant. Teddy savait qu’il pouvait l’être, en plus ! Mais Malefoy était un beau parleur.

 

“J’crois que tu dois y aller, il te fait signe, Teddy dit en voyant le présentateur s’agiter. Rappelle-toi : pas de sujets trop sensibles sauf s’il t’y force, des propositions claires et surtout, surtout, fais preuve d’esprit. C’est tout ce qu’ils veulent, un beau spectacle.

-Tu es un peu trop cynique pour tes 26 ans, Percy grommela en entrant dans la cabine d’enregistrement.”

 

Remus ménage derrière. Une porte claqua. Malefoy passa devant Teddy sans le regarder. La cabine se referma. Anxiété dans la gorge. Teddy se dirigea vers le fond de la salle, où un haut-parleur diffusait le débat en temps réel. Il se laissa tomber dans un fauteuil. Soupira. Il aurait préféré qu’Hermione et Hannah soient avec lui. Silence dans le studio. La radio grésilla un instant. Puis la voix de Lee Jordan. Claire. Précise.

 

“Bonsoir à toutes et à tous. Vous écoutez Salut les sorciers, et ce soir nous recevons Drago Malefoy, représentant du Parti des Mages…
-Bonsoir, Malefoy dit de sa voix froide.

-... et Percy Weasley, représentant de l’Union Sorcière.

-Merci de me recevoir, Lee, Percy répondit chaleureusement.

-Messieurs, vos deux partis mènent actuellement une course aux voix pour les élections de la nouvelle Magocamérale qui aura lieu en mai prochain. Rappelons aux auditrices et auditeurs que la Magocamérale a 29 sièges à pourvoir, contre 28 seulement pour son homologue Chambre des Mages, et ce pour éviter l’égalité parfaite lors de la nomination du Ministre de la Magie. À ce jour, Monsieur Malefoy, combien de membres de la Chambre vous ont publiquement apporté leur soutien ?

-Publiquement ? Quatorze personnes de la Chambre des Mages ont témoigné de leur envie de me voir devenir le prochain représentant du monde sorcier, que ce soit dans la presse ou lors de rencontres avec la population.

-Soit la moitié de la Chambre. Et vous, monsieur Weasley, avez-vous reçu des soutiens déclarés de la part de ces représentants ?

-Quelques uns, bien évidemment. La famille McMillan s’est exprimée dans mon sens, ainsi que la famille Shacklebolt, et bien évidemment l’intégralité de la famille Prewett. Agatha Slughorn, par ailleurs, a déjà fait part de son vote en ma faveur dans Sorcière Hebdo.

-Soit, si je compte bien, huit membres au total ?

-C’est exact, Percy sourit.

-Il reste donc six membres de cette Chambre des Mages à convaincre et rallier à votre programme. Et 29 sièges vides à la Magocamérale, bien évidemment. On rappelle que c’est la majorité des représentants des deux chambres qui verra son candidat devenir le prochain Ministre de la Magie.”

 

Six membres… Officiellement. Teddy savait très bien que l’autre Slughorn se dirigerait vers Malefoy. Les Travers aussi avaient trop d’intérêts financiers à la victoire du Parti des Mages. La seule vraie inconnue, c’était les votes des Shafiq. Trois sièges à la Chambre. Mais même s’ils choississaient tous Percy - scénario improbable - l’Union avait déjà perdu à la Chambre. C’était prévu. Attendu. Toute l’équipe de Percy le savait en se lançant dans la campagne. Le vrai nerf de la guerre, c’était la Magocamérale.

 

“En parlant de la Magocamérale, Lee reprit, comment se passe cette campagne auprès du public ? Monsieur Weasley, peut-être ?

-Écoutez Lee, je suis ravi du travail de mon équipe jusqu’ici. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer beaucoup de sorcières et sorciers de Grande-Bretagne, avec des meetings en Irlande, au Pays de Galle et dans le nord de l’Angleterre. Les gens sont au rendez-vous et les salles pleines.”

 

Des salles de trente personnes, en fait. Rien de significatif. Encore heureux qu’ils arrivent à rameuter trente quidams à chaque fois ! Pour l’instant, les déplacements coûtaient plus chers qu’ils ne rapportaient. Teddy grimaça. Se raisonna. Les meetings étaient nécessaires. Les gens mettaient un visage sur le programme de Percy.

 

“Nos échanges avec le public sont riches, au moins autant que ceux que nous avons avec les acteurs du marché financier ! Nous avons rencontré les commerçants, mais aussi les exportateurs du Pays, et beaucoup nous ont assuré leur soutien.”

 

Un mensonge éhonté. Les commerçants, peut-être, mais les fortunes du pays préféraient Malefoy, et de loin ! Moins de taxes, moins de régulation du commerce à l’étranger, plus de liberté sur la fluctuation des marchandises magiques… Malefoy était le candidat de Gringott. La banque ne s’en cachait même pas.

 

“Commerçant et entrepreneurs qui critiquent beaucoup vos positions sur le commerce international, au passage, Malefoy interrompit avec un sourire mauvais. Mes amis de la Commission sur le Commerce Magique m’ont assuré que votre programme était bien loin d’être satisfaisant face à leurs demandes.

-Quelles demandes ? Celle de rouvrir le débat sur le commerce de créatures magiques sentiantes comme les Elfes de maison ? Il me semble que nous avons déjà établi que ces pratiques esclavagistes appartenaient au passé, Monsieur Malefoy. À moins que le respect de la loi ne vous semble pas être un acte citoyen essentiel…

-Les lois peuvent être faites aussi facilement que défaites, Malefoy balaya. Si elles impactent directement notre économie…

-Mais depuis plus de dix ans que cette loi existe, toutes les études de nos experts tendent à montrer qu’elles ne sont pas responsables de l’appauvrissement général de la population, Percy le coupa. Les chiffres…

-Sont interprétables de plusieurs façons, Malefoy répondit sans le laisser terminer. 

-Nous en revenons donc à un différend idéologique. Vous prétendez faire passer en priorité des revenus d’argent pour les plus riches qui peuvent aujourd’hui se permettre de se lancer dans cette branche.

-Non. Le commerce international bénéficie à tous via la création d’emplois, et les chiffres le prouvent.

-Les chiffres sont interprétables de plusieurs façons, Percy répondit en souriant.”

 

Eh eh. Bien vu. Teddy sourit. Percy faisait ce qu’il lui avait suggéré, enfin ! Plus malin, plus rapide que son adversaire. Malefoy serra les dents. Son contrôle forçait le respect.

 

“Ce n’est pas la première fois, il reprit avec un ton mauvais, que vous vous attaquez au mode de vie des sorciers. Cette loi était une attaque directe à nos traditions, et vous continuez de vous en prendre à nos racines dans votre programme. Votre proposition, notamment, sur la régulation des transports magiques et leur dissimulation dans le monde moldu va contraindre des dizaines de sorciers à se cacher pour voyager ! Impensable !

-Vous déformez mes propos, Percy répliqua. En tant qu’ex-directeur de la Commission Magique des Transports, je vous assure que ma proposition émane d’un consensus général : il est plus avantageux économiquement et plus sûr pour les sorciers d’éviter les transports magiques en milieu moldus que de prendre le risque de devoir procéder à une intervention de grande envergure. Vous savez combien coûte une opération d’effacement de mémoire collective ? C’est cher, Monsieur Malefoy, et il y a des dizaines de secteurs qui bénéficieraient de façon plus efficace des sous que nous investissons dans ces interventions. Interdire les transports magiques voyants en zone moldue, comme les Magicobus ou les balais, c’est s’épargner des frais inutiles. Sans compter la prise de risque pour les sorciers qui seraient découverts, et les effets désastreux de notre magie sur les esprits moldus.

-Étonnant, répondit Malefoy. Pour quelqu’un qui prétend s’investir autant dans la cause de défense des sorciers, vous semblez prendre bien facilement le parti des moldus.”

 

Aïe. Le sujet qui fâchait. Teddy avait dit plusieurs fois à Percy d’éviter le cas des moldus au maximum. Il n’était pas dupe, il savait que Malefoy l’attaquerait là-dessus de toute façon. Concentration. Coup d'œil vers Percy. Il cherchait comment formuler une réponse convenable. Tension palpable dans le studio.

 

“La sécurité des sorcières et sorciers est ma priorité, Percy avança avec prudence. Je ne crois pas qu’elle doive se faire au détriment d’une population qui a déjà souffert de nos conflits internes par le passé, ce que vous savez aussi bien que moi.”

 

Outch. Cette fois, un éclair de colère passa sur le visage de Malefoy. Une attaque personnelle en bonne et dûe forme ! Teddy ricana. 

 

“C’est une belle histoire que vous vous racontez à vous-mêmes, Malefoy répliqua après un silence. Mais les électeurs ne sont pas dupes. Tout le monde sait que vous venez d’une lignée qui place les intérêts des moldus à égalité avec ceux des sorciers, si ce n’est au-dessus. Vous êtes fascinés par leur monde, au point de reproduire leurs coutumes ! Votre divorce, par exemple, montre bien le peu d’importance que vous accordez à nos coutumes, et je ne parle même pas du fait que vous vivez avec un homme !” 

 

Exclamation de surprise dans la salle. Une rumeur naissait dans la salle. Teddy grinça des dents. Il savait ! Malefoy savait. Et comme Teddy s’en doutait, il n’hésitait pas à s’en servir pour discréditer Percy. Teddy jeta un regard à la cabine d’enregistrement. Surprise sur le visage de Lee Jordan. Moue triomphante sur celui de Malefoy. L’expression de Percy était illisible. Les murmures grossissaient autour de Teddy. Percy ne répondait pas. Il fallait qu’il parle ! Visage sombre, sourcils froncés, mains croisées sous le menton. Il fallait qu’il réponde ! Maintenant ! 

 

“Monsieur Malefoy, Percy déclara au bout de ce qui paraissait une éternité, je ne crois pas que ma vie privée intéresse les sorcières et sorciers. J’ose les croire, contrairement à vous, plus intelligents et investis dans la vie politique et, de fait, je n’imagine pas que leurs choix seront dictés par des banalités. Parce que oui, mon couple est une banalité au regard du débat qui nous anime aujourd’hui. Un peu comme les fréquentations de votre fils, d’ailleurs, qui n’intéressent en réalité que peu de gens, et dont les journaux font des choux gras. Je suis venu pour débattre avec vous de nos programmes, de nos visions pour les sorcières et sorciers de Grande-Bretagne. Mais si vous souhaitez que nous évoquions nos affaires privées, nous pouvons le faire. J’habite avec un homme, soit. Un fait qui n’est pas puni par la loi, il me semble. En revanche, j’invite le Magenmagot à se pencher sur la question de vos affaires, notamment en ce qui concerne la régulation du commerce d’Elfes de maison que vous évoquiez plus tôt. Le commerce souterrain que vous menez avec la Bulgarie, soit disant d'œufs de dragon, présente plusieurs irrégularités…”

 

Teddy se retint de sauter de joie. Voilà ! Le journaliste de La Gazette murmurait d’un ton frénétique à sa Plume à Parlote. Elle griffonnait sans s’arrêter. Tout le monde s’agitait dans la salle. La cheminée était prise d’assaut. Lee Jordan tentait tant bien que mal d’arrêter Percy et Malefoy qui s’échauffaient. Capharnaüm général dans le studio de radio. Large sourire sur le visage de Teddy. Percy avait gagné. 

 

Soudain, Harry transplana dans le studio. Ses yeux lançaient des éclairs. Quand ils se posèrent sur Teddy, il devinrent meurtrier. Il l’attrapa d’un geste vif. Violent. Pas un mot. Ils les fit transplaner, laissant le chaos du studio derrière eux.

Partie 2, interlude 8 : 15 ans plus tard by Emojifeu
15 ans plus tard

 

“Tu as ta baguette, hein ? demande Olivier pour la huitième fois à Lucy.”

 

La jeune fille lève les yeux au ciel et Percy ne peut s’empêcher de pouffer de rire. Malgré ses cheveux d’un noir profond, son teint sombre et ses yeux en amandes - plus proche du physique de sa mère malaisienne que du profil typiquement britannique d’Olivier - elle lui ressemble plus que jamais, lorsqu’elle fait ça. Olivier lève les yeux au ciel environ soixante-douze fois par jour, et un peu trop souvent quand Percy lui fait une remarque.

 

“Papa, c’est bon ! Je t’ai dit, elle est dans mon sac.

-D’accord, d’accord ! C’est juste une question, ajoute Olivier en haussant les épaules.

-On peut y aller ? lance Molly en regardant d’un air anxieux l’horloge de la gare de King’s Cross. Tout le monde nous regarde !”

 

Dans la salle d’attente moldue dans laquelle ils sont réfugiés, plusieurs paires d’yeux sont effectivement braqués sur eux. Une petite fille a l’air particulièrement intéressé par l’oiseau qui trône sur la malle de Molly, un petit hibou à collier d’à peine une vingtaine de centimètres, aux plumes presque bleues avec de petites aigrettes blanches de chaque côté du crâne. Lorsqu’il a été question il y a deux ans d’offrir un hibou à leur fille pour sa rentrée en première année, Percy s’était prononcé en faveur d’un petit-duc discret, mais évidemment Molly et Olivier sont rentrés du Chemin de Traverse avec ce volatile tape à l’oeil. Ce n’est pas que Percy ne l’aime pas, mais il préfère que cette bestiole passe la majeure partie de son temps à Poudlard que chez lui.

 

"Ça va aller, demande Olivier d’un ton angoissé, vous voulez qu’on vous accompagne sur le quai ?” 

 

Lucy ouvre la bouche pour répondre, mais un hochement de tête désapprobateur de sa sœur la coupe avant même qu’elle n’ait pu prendre la parole, et elle reste muette. Molly répond précipitamment en attrapant sa valise. 

“Non, c’est bon Papa, on connait le chemin. Et de toute façon, les autres nous attendent sur le quai.

-D’accord, lâche Olivier en hésitant légèrement. Bon, Lucy, dit-il en se tournant vers la jeune fille, tu nous écris dès demain pour nous dire dans quelle maison tu es, hein ? Molly sait qu’elle doit te prêter Toots, ajoute-t-il avec un regard entendu pour l’adolescente. Et écris à ta mère, aussi. Elle sera contente.

-Tu me l’as dit vingt fois, je sais ! râle Lucy en empoignant sa malle.

-Grouille, Lucy, on va rater le train ! trépigne Molly.
-C’est bon, proteste Lucy en embrassant son père. Papa, dit-elle à Percy, tu viens nous chercher pour Noël, hein ?

-Je te promets, ma chérie. File, ta sœur est déjà en train de partir.

-Molly, attends-moi !” 

 

Elle court hors de l’espace d’attente à la poursuite de sa sœur, ses nattes voltigent au rythme de son pas pressé. Percy observe ses deux filles disparaître derrière un pilier puis les perd de vue. Olivier se lève sans un mot pour quitter les fauteuils de la gare et il le suit. Pendant un moment, ils marchent en silence dans les couloirs de la station, Olivier devant et Percy un peu en retrait. 

 

“Et voilà, dit finalement Percy d’un petit ton triste. Plus d’enfant à la maison.

-C’est injuste, répond Olivier sans le regarder.

-Qu’est-ce qui est injuste, mon amour ? demande Percy en essayant de croiser son regard.”

 

Pendant un instant, Olivier ne répond pas mais lorsqu’il tourne les yeux vers lui, ils sont glaçants de colère et de frustration. Percy a un mouvement de recul, surpris par la rage soudaine et intense qui saisit son compagnon. 

 

“Olivier ?

-C’est injuste, lâche Olivier d’un ton méprisant, que je sois forcé de rester ici à les regarder partir parce que toute ta famille est sur le quai pour leur dire au revoir. La première année de Lucy, en plus ! Tout ça parce qu’à 37 ans, tu es trop lâche pour gérer cette situation de merde.

-Quoi ?!

-Percy Weasley, tu te souviens de ce que je t’ai dit quand on a décidé d’habiter ensemble, il y a cinq ans ? Je t’ai dit qu’à un moment, j’en aurai assez. Eh bien c’est maintenant, jette Olivier d’une voix glaciale. Démerde-toi."

 

Et avisant un couloir à l’abri des regards, il s’y engage et transplane en laissant Percy en plan au beau milieu de la gare.

 

La colère lui ravage le crâne et le sang bat trop vite à ses tempes alors qu’il descend une allée du Londres moldu. Ce qui lui a fait le plus mal, c’est le regard que Molly a adressé à Lucy lorsque celle-ci allait lui demander de l’accompagner jusqu’au train. Malgré tous les efforts qu’ils ont fait avec Percy pour les préserver de cette situation, il s’est rendu compte à cet instant que non seulement, elles ont parfaitement compris le problème mais que surtout, elles essayent, à treize et onze ans, de les protéger. Et ça rend Olivier malade de voir ses filles prendre sur elles pour éviter qu’il ne soit blessé. Ce n’est pas normal, ce n’est pas aux enfants de gérer ça, elles sont beaucoup trop jeunes. Ressasser ne fait que l’énerver davantage et il met plusieurs heures à tenter de se calmer, errant au hasard des rues de Londres. 

 

Lorsqu’il rentre à l’appartement, il est déjà presque une heure du matin. Pourtant, toutes les lumières sont allumées. Il s’y attendait un peu.

 

“Tu sais, tu n’es pas le seul à t’inquièter, lui lance une voix depuis le salon. J’ai eu la peur de ma vie, espèce d’abruti.”

 

Olivier ferme la porte d’entrée derrière lui et s’affale dans un des fauteuils en cuir sans adresser un regard à Percy.

 

“Ce n’est pas à toi d’être en colère, lâche-t-il en soupirant.

-Peut-être, mais je ne savais pas où tu étais, ou même quand tu allais rentrer, répond Percy d’une voix froide. Je pense que si, j’ai le droit d’être un peu énervé.

-Percy, dit Olivier en croisant enfin son regard, je suis parti en te disant de régler cette situation. Pas que je ne voulais plus rien avoir à faire avec toi.

-Je sais, s’agace Percy, j’étais là aussi ! Heureusement que les filles n’ont pas vu ça, d’ailleurs.

-Là-dessus, on est d’accord.” 

 

Assis l’un en face de l’autre, les deux hommes se toisent pendant un long moment en silence. L’appartement paraît vide, les habituels vêtements qui traînent partout dans le salon ne sont plus là et les livres qui jonchent la table basse ont disparu. Elles ne sont parties que depuis quelques heures, mais l’absence de Molly et Lucy se fait déjà sentir. Percy soupire. 

 

“Je suis désolé de ne pas avoir vu plus tôt à quel point tu en avais marre, s’excuse-t-il finalement. Tu as raison, en plus. J’ai été lâche. J’ai cru que je pourrai attendre le plus longtemps possible, mais j’avais tort et je n’ai pas assez pensé à ce que tu pouvais ressentir…

-Percy, le coupe Olivier, si tout ce que tu as à m’offrir c’est des excuses, je crois que ce n’est pas la peine. Parce que, très franchement, dit-il avec une pointe de cruauté dans la voix, je m’en fous.

-Je leur ai parlé, déclare Percy en haussant le ton.

-À qui ?

-Mes parents. Tu t’es barré et je suis retourné sur le quai 9 ¾, je les ai trouvés et je leur ai dit que ça faisait sept ans qu’on était ensemble, que les filles le savent et qu’elles t’adorent.

-T’es sérieux ? souffle Olivier sans y croire.

-Olivier, tu t’es cassé en me hurlant de me démerder ! Je ne t’ai jamais vu dans cet état, je ne savais même pas si tu allais revenir ! Bien sûr que je suis allé les voir. Ça fait des années que je me dis égoïstement que ça n’affecte que moi, que tant que je peux tenir, c’est bon… Mais là c’est toi qui a craqué, et il est hors de question que mon obstination me coûte encore ma famille. Et depuis sept ans, ajoute-t-il plus doucement, c’est toi et les filles, ma famille.

-Et ils ont dit quoi ? demande Olivier après un instant de silence.

-Oh, ils sont ravis et ils nous attendent pour prendre le thé demain après-midi, lance Percy en levant les yeux au ciel. Non, reprend-t-il d’un ton plus grave, ils ont dit qu’ils avaient plus ou moins compris parce que les filles ne sont pas très discrètes, qu’ils étaient très contents que j’ai trouvé quelqu’un, qu’ils “respectent mon choix”, quoi ça signifie, mais que “ça ne paraît pas être un exemple très adapté à des adolescents en plein développement” et que si je souhaite toujours venir au réveillon cette année, il serait plus raisonnable que je vienne seul. Voilà, ce qu’ils ont dit.”

 

Bouche-bée, Olivier le fixe pendant un instant, sonné par le flot d’informations qu’il met un moment à assimiler. Le portrait que Percy dresse de ses parents n’est jamais flatteur, mais là, ça dépasse tout ce qu’il aurait pu imaginer. Il se redresse et se penche en avant, attendant la suite qui tarde à venir. Après trois longues minutes de silence, il n’y tient plus et reprend la parole. 

 

“Et tu leur as répondu quoi ?

-Que ça ne serait jamais que la troisième fois depuis ma naissance que je devrais éviter le Terrier, et que ça ne changeait pas grand-chose, répond Percy, la gorge serrée. Que si les filles veulent venir les voir à Noël ou pendant les vacances, elles seraient toujours libres de le faire, mais que je ne mettrais plus un pied là-bas tant que tu n’aurais pas le droit de venir avec moi. Qu’heureusement, ajoute-t-il avec morgue, qu’ils étaient contents que j’ai trouvé quelqu’un, parce que qu’est-ce que ça serait s’ils désapprouvaient ! Et je me suis barré, conclut-il.

-Comme ça ?!

-Hum. J’ai appris des meilleurs, lance-t-il avec un sourire sarcastique, et il parait que transplaner au bon moment fait son petit effet, figure-toi !

-Oui, rigole Olivier contrit, j’avoue qu’il y a un petit côté théâtral. Et ça va ? demande-t-il finalement d’une voix plus douce.

-Bien sûr que ça va, balaye Percy d’un geste de main. Ça trainait depuis des années, cette affaire, et le secret est éventé depuis longtemps. Je suis certain qu’il n’y a que les mômes qui n’ont pas compris ! Les filles leur diront si elles ont envie, ça m’est égal, ajoute-t-il en haussant les épaules.

-C’est ta famille, quand même… Percy Weasley, tu es sûr que ça va ?

-Olivier Dubois, déclare Percy en plongeant ses yeux dans les siens, je suis sûr que ça va. Déjà, je suis à peu prêt certain que Ginny ne le laissera pas m’échapper du clan Weasley si facilement. Et mes frères… Un jour, j’en aurai marre qu’ils fassent tous semblant de ne rien savoir et je leur enverrai un hibou à chacun pour régler la situation, c’est tout. Je te l’ai dit, conclut-il avec un sourire bienveillant, ma famille c’est Molly, Lucy et toi. J’ai mis un peu trop de temps à le réaliser, c’est tout. Maintenant, ajoute-t-il en baillant, est-ce qu’on peut aller se coucher, s’il te plaît ? Je suis épuisé… 

-Certainement pas, répond Olivier en se laissant glisser du fauteuil d’un mouvement fluide. Pour la première fois depuis des temps immémoriaux et reculés, il n’y a pas d’enfant dans cet appartement, et il est hors de question que je n’en profite pas.”

Partie 2, chapitre 9 - “Je ne vais rien raconter à personne.” by Emojifeu
Chapitre 9 - “Je ne vais rien raconter à personne.”

 

À nouveau, les rails avalaient les kilomètres. Le paysage défilait derrière la vitre, moins froid qu’à Noël mais toujours hivernal. Les bourgeons commençaient à peine à perler sur les branches des arbres, les oiseaux revenaient un à un de leur migration. Rose soupira. C’était son avant-dernier voyage de Poudlard à King’s Cross. Le plus triste aussi, sans doute. Maggie comme Scorpius restaient à Poudlard, Neela et Damian boudaient toujours, Augustus passait tout son temps avec l’équipe de Quidditch et Hugo n’était plus là. Elle était seule dans le train. 

 

Rose n’avait qu’une envie : arriver vite pour voir son petit frère, dont l’absence faisait comme un poids dans sa poitrine. Elle avait besoin de savoir qu’il allait bien, au-delà des lettres qu’il lui envoyait encore régulièrement. Elle voulait le voir de ses propres yeux, parce que tant de gens autour d’elle mentaient en ce moment lorsqu’ils disaient aller bien, Maggie en tête. La dernière semaine avant les vacances avait été éprouvante. Tout le monde était en froid, la charge de travail en cours avait doublé sans crier gare et les rumeurs et mauvaises blagues autour de la photo n’avaient pas cessé. Rose avait pour la première fois depuis des mois hâte d’être chez elle, et pas à Poudlard. 

 

Elle fut arrachée à ses pensées lorsque la porte du compartiment s’ouvrit à la volée. Albus eut un mouvement de recul en la voyant. Il fronça les sourcils, agacé.

 

“Je pensais que c’était vide, lança-t-il en guise d’explications.

-Tu peux t’asseoir si tu veux, proposa Rose en essayant de ne pas paraître trop froide. Je suis toute seule, Neela et Damian sont ailleurs.

-Avec Ed et Baz, confirma Albus en hochant la tête. Ils passent pas mal de temps ensemble, en ce moment…”

 

Il jetait de petits regards aux banquettes et traînait sa malle derrière lui. Il devait chercher une place depuis un moment… Rose ne savait pas vraiment où se mettre. Leur dernière conversation ne s’était pas très bien terminée, et son cousin l’évitait depuis presque deux semaines, maintenant. Elle avait essayé de lui parler à plusieurs reprises, mais il s’était débrouillé pour se volatiliser à la sortie des cours, et elle ne l’avait pas vu dans la Grande Salle…

 

“Al, soupira Rose en baissant les yeux, assieds-toi, d’accord ? Ou pose au moins ta valise. 

-J’ai pas envie de parler, répondit-il en examinant ses options.

-Eh bah super, s’écria Rose. Parfait ! Maggie n’a pas envie de parler, Neela n’a pas envie de parler, t’as pas envie de parler non plus, c’est génial ! On va tous voyager en silence et surtout, surtout bien éviter de parler !”

 

Albus sursauta lorsqu’elle se mit à crier. Il la fixa en plissant les yeux.

 

"Ça va pas trop toi en ce moment, non ?

-Pas trop non, souffla Rose en tournant les yeux vers la vitre.”

 

Albus soupira et s’engouffra dans le compartiment. Il déposa sa mal