Perdre by Red Plumette
Summary:

« Elle était une héritière sang-pur. Et il lui est arrivé ce que le destin réserve à un sang-pur qui ne tourne pas le dos à temps à ses idéaux.  » (Sirius Black)
1977. Alors que l'influence de Lord Voldemort prend de l'ampleur dans la société sorcière, le quotidien poursuit son cours à Poudlard. Les temps de l'innocence seront bientôt terminés ; Victoire Duchesne, sixième année à Serpentard et enfant d'une famille sang-pur, le sait. Et elle commence à douter. De ses choix, de l'avenir.
Peut-on seulement échapper à un futur qui semble déjà tout tracé ?
 Pairing : Sirius Black x OC x Regulus Black


Categories: Romance (Het), Epoque Maraudeurs Characters: Les Mangemorts, Les Maraudeurs, Lily Evans, Personnage original (OC), Regulus Black, Sirius Black
Genres: Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Aucun
Challenges: Aucun
Series: Aucun
Chapters: 14 Completed: Non Word count: 64724 Read: 4295 Published: 10/10/2021 Updated: 30/12/2021
Story Notes:

Période 1977-1981

Serpentard / Slytherin

Drame, Romane

 

Headcanon : Histoire d'origine respectée autant que possible, du moins pour ce que l'on en sait. Certains éléments peuvent toutefois être modifiés (même légèrement) afin de servir l'intrigue, mais je compte suivre la timeline de J.K. Rowling.

 

Contexte : L'histoire débute en 1977, lors de la dernière année de scolarité des Maraudeurs à Poudlard. Si ces derniers tiendront une place importante dans l'intrigue, le point de vue sera surtout axé sur la maison Serpentard à laquelle fait partie l'héroïne. Histoire progressant dans le temps, jusqu'en 1981 qui reste une date clé du Potterverse. 

 

OC : Des personnages issus de mon imagination se mêleront à ceux créés par J.K. Rowling. Concernant les sang-pur de la Marauders Generation dont on ne connaît pas le prénom (absence de précision de la part de Rowling), j'ai pris la liberté d'en inventer tout en tâchant de rester crédible. 

 

Genre : *Drame : L'intrigue concerne avant tout le quotidien et la prise de conscience des jeunes sorciers des années fin 70-début 80 lors de la montée en puissance de Voldemort. La tonalité jonglera entre légèreté (ce sont après tout des adolescents, au départ...) et gravité. Atmosphère sombre renforcée au fil de l'intrigue, suivant l'évolution des personnages. *Romance : cette dernière concerne le personnage principal, mais pas seulement. Si elle reste un élément pilier de l'histoire (sans tremper dans le fleur-bleue), les relations entre pairs et l'amitié seront également des sujets centraux.

 

Rythme du récit : J'ignore encore quelle longueur atteindra cette fanfiction. J'aime prendre le temps de poser le cadre, le contexte et les personnages... les événements ne connaîtront donc pas un enchaînement des plus rapides. J'essaye de travailler aussi la psychologie des protagonistes.

1. Prologue by Red Plumette

2. Chapitre 1 - Sombre rêve by Red Plumette

3. Chapitre 2 - Tourments by Red Plumette

4. Chapitre 3 - Comprendre by Red Plumette

5. Chapitre 4 - Remparts by Red Plumette

6. Chapitre 5 - Liens by Red Plumette

7. Chapitre 6 - Lumos by Red Plumette

8. Chapitre 7 - Glissement by Red Plumette

9. Chapitre 8 - Pactes by Red Plumette

10. Chapitre 9 - Samhain (1) by Red Plumette

11. Chapitre 10 - Samhain (2) by Red Plumette

12. Chapitre 11 - Silence by Red Plumette

13. Chapitre 12 - Match by Red Plumette

14. Chapitre 13 - Volte-face by Red Plumette

Prologue by Red Plumette
Author's Notes:

Hello !


Et si on débutait par un petit prologue, histoire de planter le contexte ?


Je vous laisse entre les mains de Sirius Black, qui sera un personnage des plus importants pour l'avenir de cette fanfiction ! ;-)


N'hésitez pas à laisser vos impressions ; je suis sans cesse en quête de progrès, et toute remarque est bonne à prendre !


Je vous souhaite une bonne lecture !

PROLOGUE

« Elle était une héritière sang-pur. Et il lui est arrivé ce que le destin réserve à un sang-pur qui ne tourne pas le dos à temps à ses idéaux. » Sirius Black



Le 12, Square Grimmaurd n'avait plus été aussi animé depuis des années.

Lors de son emménagement dans la vieille demeure qu'il avait hérité de sa famille dont il était l'ultime rescapé, Sirius Black n'avait pas cru possible de rendre ce lieu si délabré et sinistre agréable à vivre. Tout avait commencé par la reformation de l'Ordre du Phénix, auquel il avait volontiers accepté de prêter le manoir comme point de rassemblement. Les membres, qui allaient et venaient de façon de plus en plus régulière, avaient fini par investir les lieux au point d'en faire un véritable quartier général. Si cela avait quelque peu gêné le dernier des Black, au départ, ce dernier n'étant plus du tout accoutumé à la présence d'autres individus au quotidien, sa vie sociale ayant été réduite à la seule présence de Détraqueurs lorsqu'il était enfermé à Azkaban, il avait fini par s'y habituer et même à y prendre goût. La solitude, qui avait longtemps été une cruelle amie, commençait à laisser place à une nouvelle vague d'espoir que l'homme de trente-six ans n'avait plus ressenti depuis bien longtemps.

C'était sans compter sur la présence de son filleul, ce jour-là, qui s'apprêtait sous peu à faire sa cinquième rentrée à Poudlard.

Debout dans la cage d'escaliers qui surplombait le spacieux hall d'entrée de la demeure décrépie, Sirius, accoudé à la rambarde poussiéreuse, observait le garçon brun à lunettes rondes qui s'affairait avec ses deux amis, Ronald Weasley et Hermione Granger, à hisser une énorme malle tout en grimpant les marches.

« Mais qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? » se plaignit le jeune Weasley qui ployait sous l'effort. « Ce vieux machin pèse une tonne ! »

Sirius ne put s'empêcher de rire devant la mine déconfite du rouquin.

« Ce vieux machin, comme tu dis, Ronald, conserve mes souvenirs de jeunesse. Il doit bien s'agir, avec Harry, de ce qu'il me reste de plus cher en ce monde.

- Combien de vie avez-vous vécu pour que vos souvenirs pèsent si lourd, Sirius ? dit Hermione avec malice.

- Une seule, et rapidement écourtée puisque j'ai ensuite passé douze longues années à Azkaban. »

Sirius dégaina sa baguette avant d'entamer un rapide mouvement du poignet. « Je suis assez sentimental » poursuivit-il avec un clin d'œil. D'un sort informulé, la malle s'éleva dans les airs et lévita jusqu'au niveau supérieur sous les yeux ahuris des trois adolescents.

« Tu avais ta baguette sur toi depuis le début, l'accusa Harry.

- Oui.

- Et tu nous as laissé porter cette chose sans rien dire ni intervenir.

- En effet.

- Mais pourquoi ? s'enquit Ron, agacé par le temps perdu et l'effort que cela leur avait demandé.

- Parce qu'à force d'utiliser la magie, les sorciers ne savent plus comment se débrouiller pour réaliser des activités banales comme transporter un meuble.

- Facile à dire pour vous, marmonna Ron, vexé. Vous avez lancé le sortilège.

- Evidemment ; vous n'êtes pas majeurs. Vous n'auriez pas pu le faire vous-mêmes. »

Sur ces paroles, Sirius tourna les talons pour rejoindre la pièce dans laquelle sa précieuse malle venait d'être déposée. Au pied du lit à baldaquins, elle n'attendait qu'à être ouverte après toutes ces années scellée à double tours. Alors qu'il s'agenouillait et entreprenait de l'ouvrir, les trois Gryffondors le rejoignirent dans la chambre.

Il vit Harry jeter un regard circulaire à la pièce, examinant le lieu qui lui avait servi de refuge durant les seize premières années de sa vie. Sirius, à son emménagement au 12, Square Grimmaurd, n'avait pas été surpris de trouver la porte de son ancienne chambre verrouillée par la magie. En revanche, il ne s'attendait clairement pas à la redécouvrir fidèle à ses souvenirs. Rien n'avait bougé ; il s'était par ailleurs demandé si ses parents ou son frère y avaient remis les pieds après son départ en 1976. Les couleurs rouges et or tapissaient toujours fièrement les murs, à l'image des rideaux à baldaquins et à la parure de lit de la même couleur qui rappelaient ceux de son dortoir à Poudlard. De multiples posters de Quidditch et de groupes de musique moldue qu'il idolâtrait à l'époque n'avaient pas non plus bougé, faisant davantage ressembler la pièce à une chambre d'adolescent né-moldu qu'à celle d'un héritier sang-pur.

Il fit signe aux trois adolescents de s'installer. Hermione s'assit délicatement sur le lit, tandis que Ron s'affalait sur le parquet qui grinça. Harry, quant à lui, s'agenouilla aux côtés de son parrain qui avait relevé le lourd couvercle de la malle.

Un nuage de poussière fut soulevé par son geste, qu'il balaya d'un revers de main. Un sourire étira ses lèvres à la vue des fabuleux trésors qui se trouvaient à l'intérieur.

De multiples vinyls avaient été apposés sur le dessus du coffre, qu'il caressa du plat de la main chaque fois qu'il en sortait un. À mesure qu'il posait les objets sur son lit, près d'Hermione, une nostalgie empreinte d'amertume l'envahissait un peu plus. Ce fut quand ses yeux se posèrent sur les photographies qu'il perdit toute contenance. Il saisit la première du tas d'une main tremblante.

« Tes parents, déclara-t-il à Harry, la voix chevrotante. Ils sont sur de nombreuses photographies. Tu peux regarder, si tu le souhaites. »

Harry, les yeux brillants, ne se fit pas prier. Sirius céda la place à son filleul afin que ce dernier puisse fouiller plus aisément. Le trentenaire se releva et alla se poster devant la fenêtre sale, ses yeux perdus dans le ciel d'un même gris orageux.

Ce fut Hermione qui brisa le silence qui s'était installé.

« Qui est-ce ? »

Sirius se tourna lentement vers l'adolescente, qui, agenouillée sur la couette aux couleurs de Gryffondor, tenait l'une des photographies entre les doigts. Ron se penchait déjà vers elle pour regarder à son tour.

« Waoh ! Elle est belle !

- Ronald, soupira Hermione, tu es vraiment irrécupérable ! »

Harry céda à la curiosité et jeta un œil à la photographie lui aussi.

« Qui est-ce, Sirius ? Il ne me semble pas l'avoir vue sur la photo de l'Ordre que Remus et toi m'avez donné.

- Effectivement, confirma Sirius d'une voix rauque. Elle n'en faisait pas partie. »

Les trois Gryffondors se concertèrent du regard. L'attitude de Sirius avait brusquement changé à la vue de la jeune femme présente sur le cliché. Une note était inscrite au dos : Victoire Duchesne, décembre 1978, Pré-au-lard. Le portrait représentait une jeune fille blonde un peu plus âgée qu'eux, vêtue d'une luxueuse cape fourrée verte et argent. Les couleurs de Serpentard, ne put s'empêcher de penser Harry en fronçant les sourcils. Elle souriait à l'objectif, tournant le visage d'un air qui se voulait séducteur jusqu'à ce qu'elle reçoive une boule neige en pleine figure qui ne fit que renforcer son hilarité.

Sirius, le dos appuyé contre la vitre, soupira.

« Victoire Adélaïde Duchesne. Elle était la seule femme que j'aurais aimé dans ma vie.

- Que lui est-il arrivé ? demanda Hermione, hésitante.

- C'était une Serpentard, déclara Harry en vrillant ses yeux verts dans ceux de son parrain.

- Elle était une héritière sang-pur, répondit simplement Sirius. Et il lui est arrivé ce que le destin réserve à un sang-pur qui ne tourne pas le dos à temps à ses idéaux. »

Hermione sentit son cœur se serrer face à la tristesse de Sirius. Elle l'observa quitter la pièce sans un mot de plus, méditant ses paroles. Se penchant sur la malle afin d'y ranger la photo après un dernier coup d'œil à cette dernière, la Serpentard inconnue lui souriant avec un bonheur déconcertant, son regard se posa sur un carnet en cuir brun qui trônait au milieu des photographies en désordre. Son amour pour les livres prenant le dessus, la jeune fille se laissa porter par sa curiosité et le saisit.

Faisant fi des voix de Ron et Harry qui entamaient une conversation à ses côtés, Hermione en feuilleta rapidement le contenu, admirant la calligraphie distinguée aux lettres liées et serrées qui noircissaient les pages. Ce fut la signature, sur la dernière, qui retint son attention. Victoire Adélaïde Duchesne.

Elle observa un instant ses deux amis qui discutaient toujours, avant de lire la dernière page.



Dis, Sirius…


Je t'ai dit un jour que si je venais à mourir, je vous entraînerai toi et tes proches dans ma chute. Jamais je n'aurais pensé que ce souhait se réaliserait. Ni que ce moment serait si proche et douloureux.

Entends-tu les battements de mon cœur ? Entends-tu comme je t'aime ? Non, tu es trop loin, à présent. Tu ne peux certainement pas les atteindre.

C'est la fin, Sirius. Je le sais, je le sens. Mais je t'en prie, ne te laisse pas aller. Je t'en supplie, bats-toi, et fais en sorte que ce souffle ne soit pas le dernier pour toi.

Evidemment que je suis triste. Qui ne le serait pas ? Mais ne t'en fais pas pour moi ; je vais bien. Je ne me suis jamais sentie aussi bien qu'aujourd'hui. Et tout ceci grâce à toi…

Te souviens-tu comme je te repoussais, autrefois ? Te souviens-tu de cette distance que je maintenais avec toi, le traitre-à-son-sang, mais aussi avec tous ceux qui étaient subtils de me rappeler mon rang ainsi que la vie qui m'attendait irrémédiablement ?

Non, bien sûr, tu n'étais pas comme les autres. Et c'était justement ce qui me faisait peur. J'étais la parfaite petite sang-pur promue à un futur sans avenir, aussi noir que les ténèbres. Comment es-tu parvenu à me sortir de là ? Je m'étonne à ne plus réussir à m'en souvenir à l'heure qu'il est, enfermée dans ces oubliettes si froides.

Tout a dérapé le jour où j'ai répondu malgré moi à ton baiser. Parce qu'à ce moment précis, j'étais consciente du tournant que risquait de prendre ma vie. Ma conscience avait beau me hurler de cesser ce petit jeu, d'oublier ton existence, jamais je ne suis parvenue à regretter mon geste.

Dans le jeu de la séduction, dit-on, une seule règle subsiste ne jamais tomber amoureux. J'avais perdu. Et nous en subissions les lourdes conséquences. Pardonne-moi, mon amour.

J'ai essayé de rejeter la main que tu me tendais. Mais toi, tu n'as jamais abandonné tant tu étais borné.

Je me sentais infiniment seule et incomprise, au fond. Toi, tu as su me réchauffer le cœur. Me redonner espoir.

J'étais la pire des égoïstes. De ton côté, tu ne pensais qu'au bien de tous ceux qui t'entourait.

J'ai été lâche quand tu portais à merveille les couleurs rouge et or de ta maison.

Mais étions-nous réellement différents ? Au fond, n'étions-nous pas plus semblables que je ne voulais le croire ? J'aurais dû être plus forte. Comme toi.

Si tu lis ceci, Sirius, je dois certainement avoir cessé de respirer. J'ai couché sur ce journal toute une vie de remords, ignorant si je pourrais, un jour, sortir d'ici. Mais s'il y a une chose que je ne regretterai jamais, mon amour, c'est m'être tournée vers toi.

Ce journal raconte mon histoire. Notre histoire.

Et sache que malgré tout, de là où je dois être, mon amour pour toi brûle toujours avec la même ardeur.

Si tu ne me crois pas, lève donc les yeux vers le ciel. Vois-tu Aquila, qui scintille ? L'étoile de l'Aigle. L'étoile de la Victoire.

Sache que je veille sur toi, de là où je suis. Et que je continuerais de briller tant que tu me regarderas.


Tienne, pour toujours et à jamais.


Victoire Adélaïde Duchesne

29 octobre 1981

End Notes:

Tout d'abord, je vous remercie d'avoir cliqué sur cette histoire, que cela ait été fait par intérêt comme par simple curiosité ! ;-)


Pour l'anecdote, la naissance de Perdre date d'il y a des années, alors que j'étais encore lycéenne. Très pudique concernant mes écrits à l'époque, et après de nombreuses expériences de jeunesse dans le domaine qui n'ont jamais connu de suite, je n'avais pas sauté le pas concernant son partage. Je suis donc très heureuse aujourd'hui de proposer cette histoire à la lecture. Les chapitres qui avaient déjà vu le jour ont entièrement été révisés / réécrits, et il me tarde de me lancer sur la suite afin d'en venir à bout !


Au plaisir de vous partager les fruits de mon imagination !

Chapitre 1 - Sombre rêve by Red Plumette
Author's Notes:

Voici le tout premier chapitre, qui vise à planter le décor et à présenter les premiers personnages. Je rappelle que seuls les OC sont issus de mon imagination.

Je vous souhaite une bonne lecture !

CHAPITRE I

« Puis ce fut la fin. J'eus uniquement le temps d'apercevoir la marque qui planait dans le ciel, émanant de son infâme éclat d'émeraude. » Victoire Duchesne


 

[...] Je courais. Trempée et à bout de souffle, je tentais de calmer les battements de mon cœur qui martelait ma poitrine à m'en faire mal, sans me retourner ni même ralentir. M'enfonçant un peu plus dans les bois, ma robe auparavant blanche comme la neige qui recouvrait le sol était retenue par les branchages, se déchirant sur mon passage. À ce moment, elle était en lambeau et maculée de sang. L'odeur métallique de ce dernier me donnait la nausée. Je sentis ma robe se déchirer une nouvelle fois et, tirant sur le morceau de tissus emprisonné par une nouvelle branche, je perdis l'équilibre et cassai le talon de mon escarpin. Il était fichu. Un hurlement presque inhumain retentit, proche, et tout en frissonnant, je me débarrassai de mes chaussures afin de continuer de courir. Tant pis. À pieds nus, je repartais. Mais peu m'importait. Je courais, sans jamais m'arrêter. Si vite que je semblais voler.

Les flocons glacés me mordaient la peau, me fouettaient le visage, se cramponnaient à mes cheveux emmêlés par ma course effrénée. Je tremblais. De peur, de froid. Mes bras nus étaient griffés et ensanglantés, la couleur rouge se mêlait aux traces dont était imbibée ma robe de mariée. Des larmes s'écrasaient le long de mes joues, laissant apparaître de longues traînées de mascara noir. On aurait dit une véritable sorcière, celle des contes moldus qui vit au fin fond de la forêt et dévore les enfants tout crus. Mais rien de tout cela ne me semblait aussi douloureux que les images qui défilaient dans ma tête. Comment avais-je pu être stupide à ce point ? Pourquoi n'avais-je pas compris plus tôt ce qui se préparait ?

Pour n'importe quelle jeune fille, le mariage doit être le plus beau jour de sa vie. Peu importe l'élu, peu importe les circonstances. Alors pourquoi devais-je terminer le mien ainsi, m'enfuyant dans les bois au péril de ma propre vie ?

Un craquement sourd me fit sortir de mes pensées, et une silhouette se dressa devant moi, me barrant la route. Je tombai de fatigue. Il était trop tard.

Abaissant le capuchon de sa cape noire, l'homme me permit de voir son visage, un sourire carnassier sur les lèvres. Je laissai échapper un hoquet de surprise, paralysée par le spectacle qui s'offrait à moi. Mon fiancé se tenait devant moi. Il était l'un des leurs.

« Victoire, ma chère et tendre... se délectait-il, qu'il est triste que cela se termine ainsi. À quoi t'attendais-tu ? Comment le Seigneur des Ténèbres pourrait-il accepter que la propre femme de l'un de ses fidèles côtoie des sang-de-bourbes ? »

Je ne répondis pas, toujours figée dans ma stupeur. Pas lui. C'était impossible. Il ne pouvait pas effectuer ce sale travail que le Seigneur des Ténèbres avait dû lui confier. Il ne pouvait pas me tuer.

Je revins à la réalité lorsque je sentis ses doigts m'empoigner le menton avec violence, m'obligeant à le regarder dans les yeux. Ces yeux gris et froids qui m'effrayaient tant à ce moment, et qui ne lui ressemblaient pas lorsque nous étions enfant. Où était passé ce petit garçon innocent que j'avais connu ?

« C'est fini, Vickie. »

Je sentis ses lèvres se plaquer violemment sur ma bouche, m'arrachant de force un dernier baiser empli d'amertume et de révulsion. Puis ce fut la fin. J'eus uniquement le temps d'apercevoir la marque qui planait dans le ciel, émanant de son infâme éclat d'émeraude. [...]


La jeune fille lut une énième fois ce passage de la lettre, pinçant les lèvres dans un rictus fébrile. Les ratures s'y accumulaient, de telle sorte qu'elle devait relire plusieurs fois certains mots presque illisibles. Heureusement qu'elle avait pris le temps de la recopier au propre avant de l'envoyer à son amie, pensa-t-elle, car celle-ci se serait arraché les cheveux devant un tel torchon.

Depuis quelques jours, après le moment où elle lui avait écrit, la jeune fille se sentait abattue. Elle se rappelait le léger tremblement de sa main qui tenait la plume, et son incapacité à retranscrire ce qu'elle ressentait clairement à ce moment-là. Une certaine tension l'habitait, et elle n'avait pas réussi à fermer l'œil de la nuit tant ce qui lui était arrivé l'angoissait.

Elle espérait seulement que la longueur de son récit n'ennuierait pas son amie, cette dernière n'aimant pas beaucoup la lecture.

Le bruit d'un bec claquant contre la vitre la sortit de ses pensées, et lorsqu'elle se retourna, elle aperçue une Chouette de l'Oural qui lui était familière. Elle ouvrit la fenêtre, caressa affectueusement le plumage de l'oiseau et prit la lettre qui lui était adressé. Elle ne fut pas surprise par l'absence du sceau des Karkaroff, à la suite de la précédente lettre qu'elle avait envoyée à son amie et dans laquelle elle lui racontait son étrange rêve - ou plutôt son horrible cauchemar - qui la hantait encore. Elle décacheta l'enveloppe puis sortit le papier qu'elle déplia avec soin.


Ma chère Victoire,

J'ai failli, de peu, être aperçue par Igor à la volière. J'ai pourtant toujours été prudente, j'ai donc attendue que le soir tombe pour m'y rendre. J'ignore ce qu'il fabriquait dehors en pleine nuit, mais il ne s'amusait certainement pas à planter des citrouilles ou autres courges dans le jardin !

Je tâcherais d'être plus méfiante, à l'avenir. Qui sait ce qu'il pourrait me faire, s'il me surprenait...

Concernant ce rêve que tu m'as décrit... ou plutôt ce cauchemar, tu ne devrais pas autant te tourmenter. Tout d'abord, tu ne risques pas de te marier avant un moment, tu as encore le temps. Et même si ta famille est aussi dérangée que la mienne, je ne pense pas qu'ils risqueraient ta vie. Ils n'y gagneraient rien, après tout...

J'ai juste une petite remarque : je sais pertinemment, lorsque tu parles de l'homme avec « les yeux gris et froids », de qui il s'agit. Je ne suis pas crédule ton esprit n'a pas dû le choisir par le plus grand des hasards...

Je pense surtout qu'il y a des choses dont tu ne me parles pas. Tu ne me dis pas tout, Victoire. Et ça m'attriste, vraiment.

S'il te plait ne répond pas à cette lettre. Je me sens observée depuis qu'Anska est revenue à la volière avec ta lettre précédente.

On se voit à la gare 9 ¾ après-demain, de toute façon.

Je t'embrasse,

Nastya.


PS : Tu as intérêt à tout me raconter à Poudlard, amie indigne ! J'en profite également pour te remercier grandement concernant le pavé que j'avais à lire. Tu ne fais jamais dans la dentelle...


Victoire sourit en lisant les dernières lignes, laissant échapper un petit rire. Elle imaginait Anastasiya devant elle, répétant ces lignes avec énervement. Agacement dans lequel se retrouverait son accent russe encore très présent malgré les cinq années passées à Poudlard.

Victorie s'écroula sur son lit et ferma les yeux, la lettre toujours à la main. Plus que deux jours... comme elle avait hâte. Et peur, à la fois. Peur de la réaction de sa meilleure amie. Qu'elle ne la comprenne pas. Même si elle l'adorait, elle redoutait parfois ses pensées et ses remarques. Certes, toutes deux appartenaient à une famille noble et de sang-pur, et aucune des deux ne s'y sentait à sa place. Mais Anastasiya ne l'avait jamais totalement comprise, et lui reprochait souvent de lui cacher beaucoup de choses. Mais comment la Victoire pouvait-elle lui annoncer que ses parents l'avaient déscolarisée de Beauxbâtons en seconde année pour l'envoyer à Poudlard car elle s'était liée d'amitié avec une sang-de-bourbe, et pire encore, parce que cette fille lui prêtait des livres moldus ?

Non, elle ne se voyait décidément pas lui raconter ce genre d'épisode de sa vie qu'elle espérait définitivement gommer de sa mémoire.

Elle pourrait au moins lui conter ses rêves de plus en plus dingues, celui conté dans sa lettre n'étant pas le seul. Et elle espérait que cela suffirait à la russe.

Une fois, elle avait rêvé que son petit-frère arborait fièrement la marque des ténèbres, lui soufflant ainsi du bout des lèvres que lui n'était pas un raté. La veille, elle était redevenue une enfant. Une enfant d'à peine huit ans, à qui l'on arrachait des mains le livre contenant la fabuleuse histoire de Peter Pan, avant qu'on ne la batte à coups de ce fameux bouquin.

Victoire soupira longuement, avant de se remémorer les souvenirs de son enfance. Des pensées écœurantes lui traversèrent l'esprit.

Lorsqu'elle était plus jeune, elle pensait tout savoir sur le monde qui l'entourait. Elle croyait que la vie ne se résumait qu'à une succession d'évènements heureux qu'elle partagerait avec ceux qu'elle aimait. Elle imaginait que les seuls problèmes qui l'attendaient seraient par exemple de quelle façon se vêtir lors des banquets, quel ordre elle pourrait bien donner aux elfes de maison, ou encore de quoi serait faite la lecture qui l'attendait sur le coin de sa table de chevet. Mais surtout, lorsqu'elle était enfant, elle ignorait totalement ce qui l'attendrait en grandissant. Elle ignorait que son père ne la regarderait plus de ses yeux bleu clair identiques aux siens, remplis de tendresse, mais plutôt avec cet air aigre et dur qui en attend un peu plus de ses progénitures au fil des jours. Elle ignorait que l'on choisirait à sa place de quoi serait fait son avenir, que cela concerne l'homme qui partagerait sa vie comme sa carrière professionnelle qui s'annonçait inexistante. Elle ne s'attendait pas à ce que sa vision du monde change autant en si peu de temps. Elle ignorait que les enfants nés-moldus n'étaient pas fréquentables, et que tout ce qui était étranger à la sorcellerie était « mal ». Son père disait souvent que rien ne valait un bon livre de magie comme ceux qui se trouvaient dans la bibliothèque du manoir. Mais ces vieux ouvrages à la reliure de cuir usé et aux pages jaunies par les décennies lui faisaient peur. Elle préférait les œuvres moldues que lui prêtait en secret Sirius, le fils des amis de ses parents, à ceux de la réserve des Duchesne avec leur couverture si sombre et rongée. Mais ça, elle ne pouvait l'avouer à son père. Elle avait bien trop peur des conséquences. Conséquences lourdes, comme ce jour-là lorsqu'il découvrit son affection pour Peter Pan et son pays imaginaire.

« Victoire ! »

Elle se leva, un sourire pendu aux lèvres en se remémorant cette histoire, toujours plongée dans ses souvenirs. Elle aurait voulu être Wendy Moira Angela Darling, recousant l'ombre d'un garçon aussi mystérieux qu'aventurier avant de s'envoler pour un monde où fées, sirènes, pirates et indiens cohabitaient. Elle aurait aimé posséder elle aussi un baiser caché, qu'elle aurait pu offrir au garçon qu'elle aimait.

« Victoire Adélaïde Duchesne, veux-tu descendre immédiatement ! »

Peter Pan. Cendrillon. Blanche Neige. Jack et le Haricot Magique. Le Petit Poucet. Le Vilain Petit Canard. Le Chat Botté. La Belle et La Bête. La Belle aux bois dormant. Ali Baba et les quarante voleurs. Puis elle avait grandi, quittant le Pays Imaginaire. Et ses rêves changèrent. Elle courait les rues avec Oliver Twist. Elle visitait le Pays des Merveilles en compagnie d'Alice. Echouait sur une île avec les garçons de Sa Majesté des Mouches. Parcourait la Terre du Milieu avec Bilbo, le Hobbit. Vivait ses premiers émois avec Les Hauts de Hurlevent, Orgueil et Préjugés ou encore Roméo et Juliette. Elle côtoyait les fées du Songe d'une Nuit d'Eté.

« Miss, votre père s'impatiente... » tenta d'intervenir une voix fluette et apeurée.

Victoire se tourna vers son interlocuteur, et vit Rany, l'elfe de maison du manoir recroquevillé dans le coin derrière la porte. Levant les yeux au ciel, elle ouvrit avec agacement cette dernière, manquant d'écraser la pauvre créature contre le mur, puis descendit au rez-de-chaussée. Dans le salon, elle trouva ses parents et son frère, ainsi que trois invités qui la regardèrent de travers.

Elle se gifla mentalement pour avoir oublié ce léger détail.




« Va donc te changer, par Merlin ! Après la honte que tu nous as infligée avant-hier, ne crois pas que cela se reproduira aujourd'hui. Tu as d'autres robes de sorcière plus présentables que ce chiffon. Dépêche-toi... Si tu rates le train, ne crois pas que je t'amènerai à Poudlard par la cheminette ! »

Theobald Duchesne lança une œillade courroucée à sa fille, qui se hâta de dévaler les escaliers. Derrière elle, Rany peinait à transporter ses valises. Quant à Edouard, son fils cadet, il s'apprêtait visiblement à aider l'elfe de maison. Theobald trancha d'un ton autoritaire :

« Laisse. Cette créature est là pour ça. »

Victoire déglutit et fit la moue à l'entente de la voix persifflante du chef de famille, tandis que son frère, égal à lui-même et silencieux, lui lança un regard dénué d'émotions avant de hausser les épaules. Sans plus attendre, la famille Duchesne transplana jusqu'à la Voie 9 ¾, où le train ne tarderait plus à partir.

Dès que ses pieds foulèrent le sol pavé du quai, Victoire ferma les yeux un instant afin de reprendre ses esprits. Elle avait horreur d'accompagner son père lorsqu'il transplanait, ce dernier lui serrant l'avant-bras à l'en broyer et une sensation de tournis succédant le transplanage. Lorsqu'elle rouvrit les paupières, son regard croisa des yeux gris qui la figèrent instantanément. Brisant directement le contact avec leur détenteur, la jeune fille se hâta de se tourner vers ses parents, un grand sourire forcé sur les lèvres. Sourire qui se fana en voyant l'air navré de son père.

« Il est évident que lui aussi, est désolé de ton comportement des plus indignes pour une jeune femme de ton rang. »

La voix cinglante de Theobald lui fit l'effet d'une douche froide. Ne pouvait-il pas être agréable rien qu'une minute ? Victoire désespérait. L'image, l'étiquette, rien d'autre ne lui importait. S'il savait qu'en réalité, elle se fichait bien de ce qu'il pouvait penser d'elle. Elle avait fait bien trop d'efforts ces dernières années afin qu'il la reconnaissance comme sa fierté pour qu'elle s'en souciât davantage.

« Je compte sur toi pour nouer des liens avec ton fiancé durant ces deux courtes années qu'il vous reste à Poudlard. Ne me déçois pas. »

La mère de Victoire, qui était restée silencieuse jusque-là, s'approcha de sa fille et l'embrassa tendrement sur la joue. D'une quarantaine d'années tout comme son mari, elle avait hérité de beauté froide des Malefoy. De son visage fin et délicat jusqu'à ses yeux gris et sa chevelure d'un blond presque blanc, tout en elle indiquait qu'elle venait de cette illustre famille sang-pur britannique. Son visage, bien que marqué par le souci, restait jeune et harmonieux, n'enlevant rien à son charme. Léda Malefoy-Duchesne était une femme très séduisante, et ses enfants avaient, selon les dires de Théobald, la chance d'avoir hérité de la même beauté noble et délicate. Victoire se demandait bien comment et de quelle façon, sa propre chevelure tirant sur le blond pâle mais bien plus foncé que celle de sa mère, et ses yeux étant l'exacte réplique que ceux de Theobald, à l'image de son petit frère.

Léda planta son doux regard dans celui de Victoire, du même bleu extrêmement clair que son père, et lui sourit.

« Ne t'en fais pas, ma chérie. Tu as tout ton temps pour cela. Concentre-toi avant tout sur tes études. »

Elle embrassa ensuite Edouard sans davantage le retenir, ce dernier et Victoire devant se dépêcher de monter à bord du Poudlard Express.

Cette année ne va pas être une partie de plaisir..., songea Victoire tout en secouant mollement la main en direction de sa mère à travers la vitre du compartiment dans lequel elle s'était installée. Edouard ayant déjà rejoint son ami, le fils cadet de la famille Nott, elle se retrouva rapidement seule. Avec un soupir, elle se pencha sur la cage qui reposait à ses pieds. Une petite boule de plumes brunes s'y trouvait, hululant de joie lorsque la jeune fille passa son doigt à travers les barreaux pour caresser son plumage duveteux.

La porte s'ouvrit à la volée, et deux têtes à la chevelure blond vénitien apparurent. Le sourire aux lèvres, les adolescentes s'assirent dans le compartiment.

« Salut ma belle, s'enquit la première. »

Son insistance sur le mot français qu'elle avait tenté de prononcer correctement amusa Victoire.

« Comment se sont passées tes vacances ? » poursuivit la seconde, en parfaite synchronisation avec la première.

Victoire détailla les nouvelles arrivantes. Leur peau hâlée révélait une exposition au soleil visiblement excessive, ce qui contrastait avec la sienne qui était d'une blancheur d'albâtre. Leurs cheveux, plus clairs qu'à l'accoutumée, étaient bordés de mèches cuivrées, ce qui leur procurait un reflet des plus vifs. Leurs yeux d'ambre pétillaient de malice et d'excitation, probablement à l'idée de passer une nouvelle année à Poudlard.

« Cela se passera de commentaire » souffla Victoire. « J'imagine que les vôtres étaient paradisiaques. »

La première afficha un sourire éblouissant, qui fut rapidement suivi d'un rire cristallin. Ses longs cheveux cascadaient ses épaules en ondulations souples pour retomber juste en-dessous de sa poitrine. Elle se saisit de l'une des mèches qu'elle enroula autour de son doigt, - tic que Victoire avait l'habitude de voir chez elle -, et regarda sa jumelle d'un air moqueur.

« C'était parfait, oui. Nous avons passé du bon temps. Surtout Amalia. »

Amalia fusilla sa sœur du regard, et ne tarda pas à répliquer :

« Pardonne-moi de m'amuser, se rebiffa-t-elle. Ce qui n'est visiblement pas ton cas. Tu ferais mieux de te lâcher de temps en temps, Ophelia...

- Comptez-vous m'expliquer, ou dois-je deviner seule ? les interrompit Victoire en levant les yeux au ciel. 

- Amy a rencontré quelqu'un lorsque nous sommes parties en Grèce. Je ne l'ai pas vue des deux semaines passées là-bas. C'est d'ailleurs pour lui qu'elle s'est coupée les cheveux, afin de paraître plus « mature », soi-disant » se moqua Ophelia.

Victoire jeta un coup d'œil à Amalia et haussa un sourcil. C'était donc pour un garçon que son amie s'était fait couper les cheveux au carré ? Elle qui aimait tant sa longueur... La française ne put s'empêcher de trouver cela stupide, mais ne fit aucun commentaire.

« Tu n'avais qu'à flirter toi aussi, si tu ne voulais pas te retrouver seule, soupira Amalia, excédée. Cesse donc d'attendre désespérément que ton prince charmant daigne te regarder ! Il ne t'a pas adressé la parole en cinq ans de temps.

- Tu ne vas pas remettre ça sur le tapis, maugréa Ophelia en rougissant. Il n'est pas question de moi, que je sache.

- Et comment s'appelle l'heureux élu ? demanda Victoire, bien que peu intéressée par la romance estivale de son amie.

- Antoine Delaval. Peut-être vois-tu de qui il s'agit ? Il est en septième année à Beauxbâtons. Lui semblait connaître ton nom, en tout cas. »

Victoire blêmit. Antoine Delaval ne lui disait rien, mais si en revanche lui, la connaissait, cela ne signalait rien de bon.

« Que veux-tu dire, par « connaître ton nom » ?

- Il ne te connaît pas en personne, d'après ce que j'ai compris. C'est l'une de ses amies qui lui a déjà parlé de toi une certaine Marie. Marie comment, déjà... Levent ? Legand ?

- C'était Legrand » soupira Ophelia.

Cela ne signalait rien de bon du tout, même. Amalia plissa les yeux, voyant son amie devenir de plus en plus pâle.

« Victoire, tout va bien ?

- O-oui ! bégaya la jeune fille. Pourquoi cela n'irait pas ? Je vais aller voir mon frère pour m'assurer qu'il n'ait rien oublié. Je reviens tout de suite ! »

Elle sortit sous le regard surpris des jumelles, et ferma la porte avant de se plaquer contre le mur attenant. Elle ferma les yeux et se pinça l'arête du nez. Comment ses amies le prendraient-elles, si cet Antoine leur balançait la vérité à propos son départ de Beauxbâtons ? Ophelia et Amalia Dhont descendaient elles aussi d'une famille de sang-pur, quoique bien moins élevée dans la société sorcière. Même si ses deux amies avaient davantage été éduquées à la manière des enfants sang-mêlé, Victoire ignorait si elles comprendraient ou même accepteraient la situation. Pire encore, elles se rendraient compte qu'elle leur mentait là-dessus depuis quatre ans. Elle craignait que ses amies ne le lui pardonnent pas, Amalia étant de nature rancunière et Ophelia suivant la première comme son ombre.

« Victoire, depuis quand passes-tu le voyage dans le couloir, adossée à un mur ? »

Le roulement du « -r » final lui fit l'effet d'une bouée de sauvetage, et sans même daigner relever la tête vers son interlocutrice, elle se jeta dans ses bras.

« Es-tu si heureuse de me voir ?

- Si tu savais à quel point, Nastya ! souffla Victoire en desserrant son étreinte. Cet été était si long, sans Poudlard, sans toi !

- Et ne parlons pas du mien...

- La réunion est déjà terminée ?

- Oui. D'ailleurs, tu ne devineras pas qui a été désigné comme nouveau préfet-en-chef cette année... grimaça la russe.

- Qui ?

- Lupin.

- Attends... ils n'ont tout de même pas choisi le si bon ami de Potter et Black - les têtes à claque, pour être préfet-en-chef ? C'est le meilleur moyen de laisser ces deux-là se permettre tout et n'importe quoi... Même le préfet-en-chef ne dira plus rien face à leurs âneries ! Ils ne sont pas vraiment pas intelligents, dans cette école...

- J'ai pensé la même chose lors de l'annonce. Une belle bande d'inconscients. Tiens, en parlant de Lupin, où sont nos deux tornades ?

- Là-dedans, répondit Victoire en désignant la porte. Je te souhaite bon courage en entrant. Les frasques romantiques d'Amalia sont une fois de plus au centre de la discussion. »

Anastasiya entra dans le compartiment où se trouvaient les jumelles Dhont et se laissa choir sur l'une des banquettes. Remarquant qu'aucune de ses trois amies ne portait l'uniforme tandis que le train arriverait à destination d'une minute à l'autre, elle les réprimanda, son accent russe s'accrochant péniblement aux mots comportant l'éternelle lettre « -r » contre laquelle elle luttait depuis des années. Son agacement, qui l'accentua, fit redoubler les rires de ses amies qui aimaient en jouer sans s'en lasser.

Lorsque le train s'arrêta, Victoire jeta un regard au ciel gris et sombre à travers la vitre. Les gouttes de pluie s'écrasaient contre celle-ci dans un ballet fou, ne semblant plus vouloir s'arrêter. Elles se mêlaient entre elles en un tourbillon plat qui finissait en trainées coulant le long de la vitre, semblables à des larmes. À travers elles, le château se dessinait au loin. La jeune fille sentit une chaleur naître au niveau de son cœur.

Après deux longs mois d'attente, elle rentrait enfin chez elle.

End Notes:

Ainsi se clôture le premier chapitre de cette histoire, dans lequel est introduite Victoire, le personnage principal bien que la narration ira régulièrement faire un tour chez les autres présents...

Je tiens à souligner qu'en ce début d'intrigue, les dialogues entre pairs peuvent paraître " légers " et frivoles par rapport à ce qui lance le début du chapitre. Cependant, n'oublions pas qu'en dépit de l'année choisie pour cette histoire (1977) et du contexte de conflit très particulier qui s'installe progressivement pour les années à venir, ainsi que de la maison à laquelle appartiennent les personnages sur lesquels l'histoire est centrée, ces derniers restent des adolescents. Il me semblait donc important de faire ressortir ce trait, qui les rend d'autant plus humains.

Chapitre 2 - Tourments by Red Plumette
Author's Notes:

Hello !

Voici le second chapitre de Perdre, en espérant qu'il vous plaira !

Je vous souhaite une bonne lecture !

 

 

CHAPITRE II

« Qu'est-ce que tu en sais, toi, d'abord ? (Le Choixpeau) t'a envoyée dans la maison des fourbes et des lâches ! » Edouard Duchesne


 

 

Ce fut un torrent de pluie morne et glaciale qui accueillit les élèves en cette rentrée 1977.

Ces derniers atteignirent rapidement le château, prêts à recevoir les nouveaux venus de première année selon le respect de la tradition.

Installés autour des quatre tables respectives des maisons Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard, ceux de deuxième à la septième année discutaient - ou hurlaient afin de se faire entendre, s'adonnaient à des accolades amicales ou encore jetaient des coups d'œil furtifs en direction de la porte de la Grande Salle.

« Vi', ton frère n'est-il pas censé entrer à Poudlard cette année ? »

La question d'Anastasiya sortit la sorcière d'origine française de sa rêverie.

« Ah, euh, oui ! Effectivement. »

La russe fronça les sourcils avant de se retourner, essayant de repérer la chose - ou la personne ? - que fixait son amie un instant plus tôt. Elle aperçut un groupe composé de quatre garçons de septième année attablé chez les Gryffondor. Un brun à lunettes, les cheveux en bataille et le sourire enjôleur, cherchait à attirer l'attention d'une très jolie rousse assise un peu plus loin, usant de ses charmes de la façon la plus ridicule qu'il fût au sens de la russe qui ne perdait plus une miette du risible spectacle.

« Cinq gallions qu'Evans cèdera aux avances de Potter avant leur départ de Poudlard, lâcha Amalia avant de boire une gorgée de jus de citrouille.

- Il s'agit de leur dernière année, fit remarquer sa sœur jumelle.

- Justement, poursuivit la première. Evans lui tombera dans les bras d'ici quelques mois, tu peux en être certaine !

- Pari tenu, ricana à son tour Anastasiya. Jamais Evans ne voudra d'un tel idiot qui se coiffe comme un Brossdur. Elle est peut-être une sang-de-bourbe, mais elle reste plutôt intelligente. »

Victoire tiqua à l'insulte, mais ne fit aucun commentaire. Elle finit par se mêler à la conversation, gardant un œil sur Potter et ses acolytes qui semblaient rire de plus en plus fort.

« Dix gallions qu'Evans et Potter sortiront ensemble d'ici les vacances de Noël.

- Sérieusement, Vi' ? Cela n'accorde même pas quatre mois à Potter pour la faire tomber dans ses filets ! »

Un sourire énigmatique étira les lèvres de Victoire, qui pointa discrètement Lily Evans du bout de sa fourchette tout en s'approchant d'une Anastasiya des plus sceptiques. À quelques mètres de James Potter et de son puéril groupe de Maraudeurs, tandis que le Gryffondor semblait avoir lâché l'affaire et discutait avec une autre fille de leur maison, Lily Evans les observait tous deux en silence, le regard perçant et les joues anormalement roses.

« Elle est déjà tombée dans ses bras depuis longtemps. Il ne lui reste plus qu'à l'admettre...

- Cela fait tout de même des années qu'il lui tourne autour... dit Ophelia en haussant les épaules.

- Et Potter n'est pas si vilain à regarder, surenchérit Amalia. Il est de sang-pur. Capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor. Ses résultats scolaires sont stables, si ce n'est très bons. Je ne vois pas pourquoi Evans le repousse.

- Ce type et ses amis sont de vrais chats noirs ! contredit Anastasiya. Partout où ils passent, ils sèment un chaos sans nom. L'été t'aurait-il fait oublier toutes les blagues douteuses et les plans foireux qu'ils ont déjà mis en place contre les autres élèves, et surtout contre notre maison ? »

La mention des idioties enfantines des Maraudeurs eut pour seul effet de faire rire les jumelles, sous l'air contrit de la russe qui chercha appui chez Victoire, assise à sa gauche. Le sourire naissant sur les lèvres de la blonde lui fit perdre espoir et patience.

« Malgré son sang impur, j'ai de l'estime pour Lily Evans, confia Anastasiya à voix basse, jetant un coup d'œil autour d'elle pour être sûre qu'elle n'était pas écoutée. Elle est vive d'esprit, raisonnée, et remplit parfaitement son rôle de préfète. Je ne lui en veux même pas d'avoir raflé le titre de préfète-en-chef que j'espérais obtenir... Mais sortir avec l'un de ces quatre crétins ? Alors, elle sera tombée bien bas ! Je ne sais pas ce qui est le pire, à vrai dire être une sang-de-bourbe, ou s'afficher au bras de James Potter ou de Sirius Black ? »

Victoire ferma les yeux. Elle tolérait Evans pour les mêmes raisons que celles énoncées par son amie. Elle n'appréciait en revanche ni Potter ni Black plus que de raison, mais elle trouvait Anastasiya bien dure dans ses paroles ce soir-là.

Si elle était habituée à sa transparence et sa franchise inégalables, la véhémence d'Anastasiya la stupéfiaient. Depuis quand employait-elle aussi facilement que fréquemment l'infâme appellation « sang-de-bourbe » pour désigner les nés-moldus ? Victoire n'était pas crédule : elle n'approchait pas les sorciers de cette ascendance, ne souhaitant pas se mêler à eux à l'image de n'importe quel sang-pur respectueux de son nom et de son rang. Cependant, ni elle ni ses trois amies n'avaient jamais prononcé entre elles ce terme insultant à l'égard des nés-moldus. C'était-il passé quelque chose, durant l'été, pour qu'Ana agisse de cette manière même en aparté ?

Victoire avait su dès l'instant où le Choixpeau l'avait placée à Serpentard qu'il serait difficile de s'intégrer parmi ses pairs aux valeurs surfaites, qui étaient pourtant celles que prônait sa famille depuis bien des générations. La rencontre avec Anastasiya Karkaroff puis les sœurs Dhont, avec qui elle partageait les dortoirs depuis son arrivée à Poudlard, avait été salutaire de bien des façons.

Anastasiya, la russe envoyée à Poudlard par sa famille alors qu'elle aurait dû être scolarisée à Durmstrang. Victoire s'était vite retrouvée en elle, l'étrangère en mal d'intégration qui suivait tant bien que mal le diktat de la société sorcière et de sa famille. Amalia et Ophelia, provenant d'une famille sang-pur nettement moins élevée que la leur dans la société, ce qui leur octroyait davantage de liberté, le simple nom de Dhont attirant beaucoup moins l'attention sur leurs faits et gestes. À leurs côtés, Victoire avait l'impression de pouvoir baisser la garde se permettre quelques écarts, s'approcher de qui elle était réellement. Elle ne devait toutefois jamais oublier les mots que son père ne cessait de lui répéter : « Poudlard est ta dernière chance. Ne me déçois pas. »

La sorcière franco-britannique, qui n'écoutait plus le débat de ses amies sur l'affaire Potter-Evans, balaya une nouvelle fois du regard la table de Gryffondor, côté Maraudeurs.

James Potter avait changé de place et était à présent de dos, ne laissant entrevoir que son profil, tout comme son ami plus petit et trapu à ses côtés. Peter Pettigrew. Victoire ressentit une once de pitié à la vue du garçon, si différent des trois autres du groupe. Petit de taille, très discret, un physique disgracieux, aucun talent notable pour la magie. Elle s'était souvent demandé comment il était parvenu à intégrer l'horriblement célèbre cercle des Maraudeurs et s'il était réellement heureux, entouré de si fortes personnalités qui l'effaçaient irrémédiablement. Face à eux se tenait le second préfet-en-chef ; Remus Lupin. Victoire renifla de dédain en l'apercevant. Sous ses traits fatigués et en dépit de ses cernes creux, Lupin était doté d'un visage aussi doux et bienveillant que son tempérament. Ce devait être ce qui agaçait le plus la jeune fille chez lui. Sous cette façade sage et réfléchie se cachait le complice de toutes les farces et bêtises dont Potter et Black étaient auteurs. Préfet-en-chef... Quel choix des plus stupides. Enfin, son regard glissa vers le dernier, dont les cheveux noirs et mi-longs contrastaient étonnamment avec ses yeux d'un magnifique gris clair. Des iris si semblables à celles qui la tourmentaient, jour et nuit, depuis maintenant plusieurs semaines...

Victoire sentit une vague de panique la submerger lorsque Sirius Black vrilla ses yeux gris et insondables dans les siens, la surprenant en train de le regarder. Comme à chaque fois qu'elle voyait ou imaginait ce gris d'acier typique de la famille Black, elle commença à suffoquer, une boule se formant au niveau de sa cage thoracique, l'air semblant s'obstruer dans ses poumons. Elle détourna son attention du groupe et agrippa soudainement la manche d'Anastasiya, ce qui interpela la russe.

« Vi', que se passe-t-il ? » murmura-t-elle face à la détresse de son amie.

Victoire inspira profondément, tentant de se calmer, consciente du regard de Black sur elle qui semblait ne plus la lâcher.

Des exclamations s'élevèrent alors dans la Grande Salle ; les élèves de première année venaient de faire leur entrée, passant avec émerveillement l'immense double-porte afin de pénétrer dans les lieux enchanteurs du réfectoire de Poudlard. Victoire profita de l'occasion pour se concentrer sur son petit frère qui se trouvait dans les rangs et patientait devant Minerva McGonagall, la professeure de Métamorphoses et directrice de la maison Gryffondor. À la vue de la tête blonde d'Edouard et de sa mine admirative devant la Grande Salle, l'angoisse de la jeune fille retomba peu à peu.

Le Choixpeau entama sa joyeuse ritournelle, puis vint le moment que tous attendaient impatiemment ; la répartition. Les premières années défilèrent au fil de leurs noms, applaudis par leur nouvelle maison, et lorsque vint le tour de son frère, Victoire lui adressa un sourire encourageant.

« Edouard Duchesne », appela le Professeur McGonagall en jetant une œillade au garçon blond qui s'avançait, droit et fier. Victoire se concentra sur lui ; il était un peu plus grand que les autres premières années, et sa stature révélait son ascendance sang-pur malgré son jeune âge. Et comme bon nombre d'enfants issus de ces anciennes familles sorcières, son chemin était déjà tout tracé. Nul doute qu'il serait réparti à Serpentard et qu'il ferait honneur à ses ancêtres.

Edouard n'hésita pas une seconde avant de s'asseoir. Il sonda un instant sa sœur de ses yeux bleu clair, puis le contact fut rompu par le Choixpeau posé sur sa tête, trop grand, retombant sur ses paupières. Victoire sentit une main se poser à plat sur la sienne, à même la table, et s'aperçut qu'elle appartenait à Ophelia. Un signe ferme, réconfortant, que la jeune fille accentua par un sourire. Sourire qui s'effaça très rapidement.

Victoire tourna la tête à la hâte vers son petit-frère. Elle n'avait pas écouté le verdict du Choixpeau, mais les applaudissements de la maison Gryffondor ne laissèrent pas l'ombre d'un doute. Les Serpentards autour d'elle se mirent quant à eux à la fixer, l'air à la fois dépréciateur et moqueur. Elle accrocha le regard de l'un d'entre eux, dont le rictus était nettement moins visible que ses confrères. Il semblait presque compatir, ce qui agaça la jeune fille au plus haut point. Elle n'avait besoin de la pitié de personne, et surtout pas de la yeux gris, si semblables à ceux de son frère aîné qui l'avaient oppressée quelques minutes plus tôt, la pénétrèrent de la même façon qu'ils l'avaient fait sur la voie 9 ¾ et dans ses rêves aussi railleurs qu'énigmatiques. Victoire serra le poing. Ses ongles s'enfoncèrent dans la paume de sa main, mais elle ne ressentait rien.

La douleur n'était rien par rapport à ce que son frère subirait lorsqu'ils rentreraient au manoir familial pour les vacances de Noël.

 




« Edouard ! »

L'élève de première année, qui discutait dans le couloir avec un autre Gryffondor de son âge, se retourna vers son interlocutrice. Ce que fit également son nouvel ami, un garçon roux aux traits qui parurent familiers à la jeune fille qui venait de les accoster.

« Prewett, ou Weasley... marmonna Victoire en voyant le visage couvert de tâches de rousseurs du garçon. Cela aurait pu être pire.

- Qu'est-ce que tu veux ? râla Edouard qui avait entendu la remarque de sa sœur.

- Je crois qu'une sérieuse conversation est de mise !

- Arrête de te donner en spectacle, tout le monde nous regarde... Aïe ! Mais arrête ! »

Elle venait de planter ses ongles dans le bras de son frère en l'empoignant, et le tirait déjà dans une salle de classe isolée et déserte. Le garçon se laissa entraîner, honteux et boudeur.

« Ce n'est pas ma faute ! s'enquit-il avant même qu'elle n'eut le temps d'ouvrir la bouche.

- Est-ce tout ce que tu trouves à dire pour ta défense ? répondit-elle froidement. Crois-tu que Père acceptera ce genre d'excuses si facilement ?

- Je me fiche bien de ce qu'il peut penser ! Je n'ai pas choisi d'aller à Gryffondor !

- Tu pouvais refuser ! explosa la jeune fille, je suis passée par là avant toi ! Le Choixpeau t'aurait écouté !

- Qu'est-ce que tu en sais, toi, d'abord ? Il t'a envoyée dans la maison des fourbes et des lâches ! »

Les paroles de son frère lui firent l'effet d'un coup dans le ventre. Un coup de poignard, vif, acéré. Où avait-il appris une chose pareille ? Était-ce son imbécile de nouvel ami qui lui avait déjà mis cela en tête ? Elle n'en croyait pas ses oreilles.

Son propre frère. Son petit frère, qui était la personne qu'elle aimait et estimait le plus au monde. Il l'assimilait à une lâche. Il l'accusait d'avoir intégré la maison adulée et vantée par leur père, ainsi que par tous les sang-purs que leur famille fréquentait.

« Est-ce vraiment ainsi que tu me vois, Edouard ? Un être couard et perfide ?

- Pourquoi le Choixpeau t'y aurait envoyé, si ce n'était pas le cas ? »

Un deuxième coup invisible s'abattit sur elle. Elle ferma les yeux et inspira profondément, tentant de garder son calme. Que devait-elle faire ? Lui révéler la vérité, au risque qu'il s'en serve pour alléger la punition qui l'attendait au manoir des Duchesne lorsque leurs parents apprendraient la nouvelle ? Ou le laisser la traiter comme un être méprisable ?

« Etais-tu là le jour de ma répartition, sombre idiot ? Je ne pense pas. Etais-tu dans ma tête à ce moment-là, lorsque le Choixpeau analysait mon esprit pour trouver la maison qui me correspondait le plus ? Il ne me semble pas non plus. Es-tu réellement fier d'avoir été envoyé dans une maison regroupant des sang-de-bourbes et des traîtres à leur sang ? Comptes-tu dire à ton père que la maison dans laquelle il a étudié ne regroupe que des sorciers infâmes !? Comptes-tu dire à ton propre père qu'il est un lâche ?! »

Elle avait crié ces derniers mots, la voix tremblante, affrontant son frère du regard avec autant de colère que de désespoir. Ce dernier blêmit et baissa la tête. Il entendit l'appel du préfet, dans le couloir ; il fit quelques pas en arrière avant de lui tourner le dos, se hâtant de rejoindre les autres en quête des dortoirs de sa nouvelle maison.

Lorsque Victoire sortit à sa suite de la salle, le préfet était toujours là. Il la détaillait, indéchiffrable, ce qu'elle fit en retour lorsqu'elle remarqua son insistance. Il était grand et arborait les couleurs de sa maison avec fierté. Son insigne luisait à la lumière, s'accordant parfaitement à l'or de sa cravate. Son doux visage était figé dans une expression des plus sereines, mais ses yeux fatigués la sondaient, tentant visiblement de saisir quelque chose qui échappait à la jeune fille. Elle maintint son regard, refusant de perdre dans ce duel purement physique et visuel.

Elle lui était supérieure. Préfet-en-chef ou non, ce sang-mêlé lui devait le respect. Et ne surtout pas se mêler de ce qui ne le concernait en rien.

Il finit par se détourner et s'en aller, laissant la jeune fille interrogatrice par un tel comportement. Ce Lupin de malheur était vraiment bizarre. Qu'est-ce qu'Ophelia pouvait bien lui trouver ?

Victoire rejoignit d'un pas lent son dortoir, ignorant sur son passage chaque élève qui la dévisageait. Ce n'était que son premier soir au château, et un certain nombre de choses l'excédait déjà.

Ce fichu Antoine Duval, la nouvelle idylle d'Amalia, qui risquait de ruiner d'un moment à l'autre sa couverture concernant Beauxbâtons, et sa réputation de surcroît. Les frères Black qu'elle ne réussissait plus à regarder en face. Edouard, son imbécile de frère, qui n'avait pas était fichu de choisir la bonne maison. Lupin et son attitude des plus étranges. Et à ce moment-même, ces sales cafards qui la toisaient dans les couloirs.

Ce qui la faisait sourire, malgré tout, était la crainte. Cette crainte jouissive, qu'elle pouvait lire dans les yeux des plus jeunes qui la croisaient, et parfois même sur le visage d'autres étudiants de son année comme ces filles de Poufsouffle dénuées de courage, - ou du moins, qui n'en avaient pas suffisamment pour l'approcher ou lui adresser la parole -. Victoire Duchesne s'était forgée une réputation de parfaite - ou presque - héritière de famille sang-pur auprès de ses camarades, et elle en profitait pleinement en public. Si seulement son père avait pu la voir, rien qu'une fois... et lui murmurer à quel point il était fier d'elle.

Non, Victoire. Tu te trompes. Ce n'est pas de la crainte, qu'ils ressentent en te voyant. C'est du dégoût. Qui crois-tu berner, sous tes grands airs ? Tu es tout sauf l'héritière que ton père aurait voulu voir en toi. Et un jour ou l'autre, ton masque si fragile tombera. Il se brisera en mille morceaux, et jamais plus personne n'aura d'estime pour toi.

Victoire soupira en passant la porte de la salle commune de Serpentard, située dans les cachots de Poudlard. Elle ignora ses camarades installés sur les larges sofas vert émeraude de cette dernière, et s'élança vers les dortoirs dans lesquels elle espérait s'isoler.

Ses amies s'y trouvaient déjà, tout comme un immense capharnaüm qui régnait au milieu de la pièce. Vêtements, livres, objets en tous genres avaient été négligemment jetés à la volée, allant jusqu'à empiéter sur son propre lit.

« Par Merlin, Amalia ! Qu'as-tu fait de notre dortoir ?

- Mais Vi', gémit la jeune fille, pourquoi m'accuses-tu avant même de savoir qui est le responsable de ce désordre ?

- Peut-être parce qu'elle vit ici depuis maintenant quatre ans, et que chaque année, c'est la même rengaine ? lança Anastasiya, assise en tailleur sur son lit qui avait été épargné. Sans vouloir être vulgaire, cette chambre ressemble un tant soit peu à bardel.

- On dit un « bordel », Nastya ! la corrigea Ophelia depuis la salle d'eau attenante à la chambre.

- Navrée, je n'ai pas l'habitude d'employer ce genre de comparaison typiquement moldue, en Russie.

- Mais ça n'a rien d'un bordel ! S'exclama Amalia, indignée. Je suis seulement en train de trier mes affaires...

- Trie vite dans ce cas, trancha Victoire, je ne sais même pas où poser les pieds dans ton bric-à-brac.

- Même ton chat se perd dans ton linge ! »

La dernière remarque d'Anastasiya attira l'attention des jeunes filles sur la boule de poils en question, d'un gris foncé et soyeux, qui se débattait avec la cape qu'il avait eu le malheur de tenter d'explorer.

« Douglas ! Mais arrête, tu vas la déchirer ! »

Amalia se jeta dans le mont de vêtements à la poursuite de son chat, à moitié coincé dans le lourd tissu côtelé et qui tentait de fuir tant bien que mal les foudres de sa maîtresse. Ce fut Ophelia, qui sortait de la salle de bain, une serviette sur la tête, qui attrapa l'animal.

« Tu lui fais peur ! s'indigna-t-elle tout en délivrant l'animal de sa prison de laine feutrée.

- Et c'est celle qui porte un chiffon sur la tête qui ose dire ça ? répliqua sa jumelle, vexée.

- Pour ta part, le chiffon, tu le porteras comme les elfes de maison ! Douglas a littéralement saccagé ta cape !

- Quel petit con...

- Comment veux-tu que je ne devienne pas vulgaire, avec de telles fréquentations ? murmura Anastasiya à Victoire. C'est si peu distingué.

- Oh ça y est ! Je les ai retrouvés ! »

Les deux amies, coupées par l'exclamation d'Amalia, pivotèrent vers elle. La jeune fille, assise au beau milieu de la chambre, près de sa malle, tenait contre elle une série de paquets soigneusement emballés. Son expression attristée par la perte de son vêtement s'était volatilisée pour laisser place à un sourire franc, empli de joie.

« Qu'est-ce que c'est ? S'enquit Anastasiya qui ne comprenait pas la scène.

- Amalia et moi, nous vous avons ramené quelques petits cadeaux de notre voyage en Grèce... commença Ophelia en saisissant un premier paquet. Mais sa valise était tellement chargée qu'elle ne les retrouvait pas. J'ai failli croire que tu les avais oubliés, Amy !

- Des cadeaux ? Répéta Victoire, interloquée. Mais... ce n'est pas Noël !

- Et alors ? A-t-on réellement besoin d'une raison valable pour offrir un présent à ses amies ? »

Victoire regarda Anastasiya, tout aussi déconcertée, puis les deux jumelles qui rayonnaient. Jamais personne ne lui avait fait de présent en dehors des fêtes, excepté ses parents qui lui offraient essentiellement des robes et autres choses qu'elle jugeait superficielles.

Non, elle n'avait décidément pas le souvenir qu'un jour, en dehors de son amie née-moldue, Marie, à Beauxbâtons, et de l'aîné Black lorsqu'elle était enfant, quiconque lui ait fait un cadeau juste par plaisir d'offrir. Elle en eut les larmes aux yeux, touchée, et elle détourna la tête un instant afin de les ravaler discrètement. Puis elle leur offrit un sourire qu'elle aurait aimé plus grand et joyeux, mais qui ne fit que ressembler à l'un de ses innombrables rictus sarcastiques qu'elle avait pris pour habitude de servir en public.

« Alors ? Allez-vous nous les donner, ces cadeaux ? s'enquit-elle.

- Une minute, votre altesse ! Ils arrivent !

- Ouvrez les plus petits en premiers ! déclara Amalia en leur tendant quelques paquets. Nous vous avons pris les mêmes, pour ne pas faire de jalouse...

- Tu dois nous confondre avec ta sœur et toi, marmonna Anastasiya.

- Ferme-la et ouvre. »

Victoire saisit lentement le morceau de ruban qui ornait l'un des paquets entre les doigts, et tira dessus avec délicatesse, contrairement à son amie qui déchira le sien d'une traite d'un coup de baguette magique. Vint ensuite le tour de l'emballage, qu'elle ne voulait pas abîmer bien que ce ne fut qu'un morceau de papier.

« Vi' chérie, ta baguette... ce n'est pas pour les elfes. Tu irais beaucoup plus vite avec un sort. »

Victoire s'arrêta net dans son entreprise. Oui, elle pouvait ouvrir son cadeau d'un coup de baguette, comme elle le faisait le jour de Noël au manoir ; comme à son anniversaire, devant sa famille. Elle n'était pas idiote, et y avait bien évidemment pensé. Mais, et si pour une fois, elle avait souhaité connaître l'expérience du papier se déchirant au contact de sa main, de la sensation du ruban qui se détend ? Elle termina de défaire l'emballage avec soin, avant de pouffer devant le paquet de chocolats moldus qu'elle tenait dans les mains.

« Ce ne sont pas des friandises sorcières ?

- Non, Nastya. Nous nous sommes doutées que vous n'en auriez jamais goûté de votre vie. Alors on s'est dit... enfin voilà. C'est cent pour cent moldu !

- Et cent pour cent délicieux !

- Merci, souffla Victoire sans cesser de fixer les friandises.

- Ouvrez vite les autres ! »

Sous le regard scrutateur d'Anastasiya, Victoire déglutit et saisit sa baguette. Elle lança tour à tour un sort aux autres paquets, qui dévoilèrent d'autres sucreries toutes aussi moldues que les chocolats. Si Père apprenait cela... pensa Victoire, amusée. Il m'obligerait probablement à vomir jusqu'à ne plus rien avoir dans le ventre.

« Et maintenant, voici les véritables cadeaux ! s'exclama Amalia, enthousiaste. Je pense qu'ils devraient vous plaire... »

D'un coup de baguette, Ophelia fit léviter les paquets jusqu'à ce qu'ils atterrissent sur leurs genoux.

Anastasiya déballa le sien la première. Elle afficha un sourire franc à la vue du cadeau : c'était un nécessaire à balais. La russe, qui occupait l'un des postes de batteur dans l'équipe de Quidditch de Serpentard, aimait passer du temps à bichonner son Comète lorsqu'elle ne volait pas dessus au cours de ses entraînements. Il était donc évident que ce cadeau était parfait pour elle.

Ce fut au tour de Victoire d'ouvrir ce dernier cadeau, plus personnel. Elle ignorait totalement quel pouvait être le contenu du paquet qui se dressait devant elle, informe. Ce n'était visiblement pas un vêtement. Ni un livre. Un bijou ? Beaucoup trop gros. Elle toucha l'objet à travers le papier cadeau, imaginant tout et n'importe quoi, ce qui déclencha l'hilarité de ses trois amies.

« Par Merlin, ouvre-le ! »

Sans attendre une seconde de plus, elle déchira le papier des deux mains ; un étrange cahier à la couverture de cuir brun accompagné d'une plume miniature firent leur apparition.

« Un cahier ? demanda Anastasiya dans l'incompréhension.

- Vous connaissiez mon goût pour l'écriture... ?

- Evidemment ! Je t'ai déjà surprise en train d'écrire quelques petits parchemins, expliqua Ophelia. Tu aimes beaucoup lire, aussi, alors je me suis dit que ta petite tête devait être un véritable monde à lui tout seul. Je suppose que tu dois avoir une imagination très développée.

- Peut-être, mais je ne comprends p...

- Ce n'est pas un simple cahier, ajouta Amalia avec un clin d'œil. C'est un livre à souhait.

- Un quoi ? dirent Victoire et Anastasiya d'une seule et même voix.

- Un livre à souhait, répéta Ophelia. Je vous en explique le principe : les pages de ce cahier sont magiques. Tu peux écrire avec cette plume sans encre une pensée, un souhait ; pourquoi pas un désir, ou un appel à l'aide... Par exemple, certaines personnes se trouvent dans une immense solitude, et ne parviennent pas à en parler à qui que ce soit tout simplement par peur, ou par pudeur. Et ce cahier va leur permettre de se libérer, de coucher à l'écrit les mots qui refusent de sortir... Une fois la réflexion ou le vœu écrit, il suffit de souffler dessus et la feuille prend feu.

- Cela devrait plutôt s'appeler cahier de l'espoir, non ? fit remarquer Anastasiya. La feuille prend feu, et l'appel à l'aide disparaît avec elle...

- Pas exactement... elle disparaît dans un petit brasier pour ne pas laisser de trace. Mais apparemment, cela fonctionne vraiment ! Même si le vœu ne se réalise pas, cela permet au moins à la personne qui l'a écrit de se sentir mieux... Tout en conservant son intimité. »

Ophelia n'avait pas lâché Victoire des yeux au fil ses explications, et elle lui offrit un sourire triste que seule la blonde perçut. Une boule naquit au creux de son ventre alors qu'elle se rendait compte que finalement, ses amies n'étaient peut-être pas aussi dupes qu'elles en avaient l'air concernant sa vie, et peut-être même ses mensonges.

 



Ce fut en sursaut et le cœur battant à tout rompre que Victoire se réveilla, ne parvenant pas à calmer sa respiration qui se faisait courte et saccadée.

Encore ce cauchemar. Le même que celui qu'elle avait décrit à Anastasiya dans sa lettre à la fin des vacances. Qu'est ce qui ne tournait plus rond, dans sa tête, pour rêver une nouvelle fois d'une chose aussi abominable ? Les jumelles avaient raison ; elle avait décidément une imagination débordante. Elle aurait même dit dérangeante.

Elle se leva du lit dans lequel elle s'était relevée en position assise, et prit garde de ne pas faire trop de bruit lorsque ses pieds foulèrent le plancher de la chambre. Elle enfila son peignoir de soie noir, se chaussa d'une paire de souliers qu'elle ne prit pas la peine de lacer et sortit sans bruit de la chambre puis de la salle commune. Il faisait nuit noire ; sa montre affichait une heure et demie du matin. Elle n'avait que peu dormi, mais cela avait été suffisant pour faire revenir à elle d'horribles images qu'elle aurait aimé, plus que tout, oublier. Serrant son nouveau cahier - ou plutôt, carnet à souhait - contre sa poitrine, elle se mit en route vers la tour d'astronomie, qui était devenu son refuge favori lorsqu'elle avait besoin de réfléchir, ou au contraire de se vider l'esprit. Elle pouvait librement s'isoler, là-haut, sans que personne ne vînt la déranger.

Elle monta les marches de l'escalier en colimaçon une à une, appuyée contre la pierre froide du mur et, une fois au sommet, elle s'approcha du rebord de la tour pour s'y accouder, laissant ses yeux bleus se perdre dans l'encre de la nuit.

Les étoiles, bien que peu nombreuses cette nuit-là, illuminaient ce sombre tableau nocturne, et elle se perdit comme à son habitude dans ses songes. Songes qui se transformèrent rapidement en cauchemar lorsqu'elle repensa au rêve de sa mort, et à la terrifiante marque verte dans le ciel qui la surplombait. Elle imaginait la Marque des Ténèbres au-dessus d'elle à ce moment précis, ce qui la fit frissonner d'effroi et lâcher un gémissement faible qui se transforma rapidement en sanglot. Une première larme roula le long de sa joue, rapidement suivie par d'autres, que ses yeux ne parvenaient plus à refouler. Pleurer, pensa-t-elle, quel acte veule et dérisoire...

Elle avait essayé d'être forte. Elle essayait toujours. Mais le poids qu'elle portait sur les épaules était devenu trop lourd pour elle. Ce même poids que tous les enfants nés sang-pur connaissaient, bien qu'à diverses échelles. Certains s'y complaisaient, suivaient ce destin toute tracé sans même prendre le temps d'y réfléchir. D'autres, comme Sirius Black, refoulaient cet avenir sordide et quittaient le sol noble pour vivre tels qu'ils l'entendaient, rebelles, mais surtout des plus libres.

Victoire, elle, désirait faire honneur à sa famille. Elle aurait aimé que ses parents pussent être fière d'elle, une fois, rien qu'une seule et unique fois, mais tout ceci devenait beaucoup trop difficile. La seule personne à qui elle pouvait parler de ce genre de soucis était Anastasiya. Sa meilleure amie. Son amie qui s'éloignait peu à peu, sans qu'elle ne sache expliquer la raison. Elle le sentait, depuis le début des dernières vacances d'été où seules quelques lettres avaient pu les maintenir en contact l'une avec l'autre. Quelque chose alertait Victoire, lui hurlait de faire attention à son amie si chère, de s'accrocher à elle avant qu'il ne soit trop tard. Sans qu'elle ne parvienne à expliquer pourquoi.

Pourquoi ? Là était une question intéressante sur un grand nombre de plans, concernant l'héritière Duchesne. Pourquoi avait-elle l'impression de couler, au fil des années ? Elle avait cette sensation de se noyer dans la mer houleuse de la vie, de mourir à petit feu au plus profond d'elle-même. Ophelia avait raison, dans le fond, et elle commençait à comprendre que ses deux autres amies comprenaient bien plus de choses qu'elles ne le laissaient entendre.

Victoire avait besoin d'aide. Seulement, elle n'était clairement pas capable de se confier à qui que ce soit. Elle était condamnée à vivre dans le silence, dans la perfidie de secrets profondément enfouis, engloutie par cet hideux costume de l'imposture qui commençait à s'accrocher à sa peau, ne la laissant être que l'ombre d'elle-même dans cette jungle qu'était la société sorcière.

D'un revers de la main, elle essuya ses dernières larmes, et, reniflant, elle caressa la couverture aux arabesques dorées de son livre à souhait. N'hésitant plus, elle l'ouvrit délicatement et huma l'odeur apaisante du parchemin qui parvint jusqu'à ses narines. Elle se saisit de la petite plume, dorée elle aussi, et traça lentement une première lettre de son écriture fine et liée. Après avoir testé la qualité du papier ainsi que de l'encre qui s'écoulait magiquement de la plume, Victoire se mordit la lèvre, en pleine réflexion, et entreprit d'écrire pour la première fois dans son cahier.

Une fois l'entreprise terminée, elle arracha doucement la page du carnet et contempla son œuvre. Puis, dans un élan d'espoir, elle s'apprêta à souffler dessus.

« Vi', que fais-tu là à une heure pareille ? »

Le roulement de « -r » significatif stoppa Victoire, qui se contenta d'observer la page qu'elle tenait dans la main.

« Je me doutais que je te trouverai ici, lorsque j'ai vu ton lit vide. Tu as de la chance que je sois ton amie ! Sans quoi, je t'aurais retiré dix points, Serpentard ou non. Allez, maintenant dépêche-toi de rentrer, le couvre-feu est dépassé depuis longtemps ! »

Ce fut avec un soupire vaincu que Victoire se retourna vers Anatasiya, qui l'attendait de pied ferme près de la porte. Alors que la préfète faisait demi-tour et entreprenait la descente des escaliers, Victoire s'arrêta devant la porte, la feuille toujours en main. Elle finit par la jeter dans la poubelle située à l'entrée, avant de descendre de la tour d'astronomie.

Dans la pénombre, une silhouette se détacha de l'obscurité et s'approcha à son tour de la porte. Dégainant sa baguette magique, un « Accio » à peine prononcé brisa le silence afin de récupérer le mystérieux papier que Victoire Duchesne venait de rédiger puis de jeter.

Le jeune homme le défroissa, et ce qu'il y lut le cloua sur place. Stupéfait, il en relut le contenu plusieurs fois, et, avec la même discrétion que celle dont il avait preuve jusqu'alors, il l'enfouit au fond de la poche de son jean et se faufila comme une ombre dans la nuit.

End Notes:

Aimez-vous ce principe de citation d'un personnage tiré du chapitre, en début de document ?

Je vais essayer d'alterner afin de faire entendre la voix de chacun. (-:

Chapitre 3 - Comprendre by Red Plumette
Author's Notes:

Et c'est en relisant et réécrivant cette histoire que je me rends compte que le rythme est pour le moment assez lent... bien que nécessaire, afin d'installer correctement le cadre de l'intrigue.

 J'espère que vous aimez les dialogues et les descriptions ! Visiblement, c'est ma spécialité... En espérant que l'histoire en elle-même avance, ha ha !

En vous souhaitant une bonne lecture !

 

 

CHAPITRE III

« Pour une sang-pur élevée à la baguette, ses parents ont visiblement oublié de lui apprendre l'altruisme et la politesse ! » James Potter

 



Un soupir exaspéré s'échappa de la bouche d'Anastasiya. Cela faisait déjà dix minutes qu'elle tentait de réveiller Victoire, en vain. Elle avait tout tenté : lui caresser les cheveux, lui parler, la secouer. Elle lui avait même lancé Douglas dessus, le chat ayant marqué son mécontentement d'un miaulement strident en se réceptionnant sur les couvertures avant de déguerpir.

« Victoire Duchesne, je t'expédie en bas du lit de suite, ou j'attends encore un peu ? » s'agaça la russe.

Tandis qu'elle la secouait pour la énième fois, un grognement étouffé fut le seul son qu'émit la boule enfouie sous le tas de couvertures, desquelles ne dépassait qu'un amas de tignasse blonde, presque blanche.

« Ah ça, sortir la nuit faire je-ne-sais-quoi... c'est tellement plus amusant que devoir se lever de bon matin ! »

Après un court silence, Victoire tira sur le drap qui lui recouvrait le visage, affichant une mine mi-endormie, mi-renfrognée.

« Qui a dit que je m'amusais, Karkaroff ?

- Je ne veux même pas savoir ce que tu faisais. Après tout, je ne suis plus à une cachotterie près. »

Las, Victoire sortit cette fois entièrement des couvertures avant de se mettre en position assise face à Anastasiya.

« Je t'ai pourtant dit que je comptais tout te raconter !

- Et ce n'est toujours pas fait, fit remarquer la russe en levant les yeux au ciel.

- Si je t'avais expliqué mes problèmes dans le train, ou encore hier soir, j'aurais été obligée de les étaler devant les jumelles. Certes, ce sont aussi mes amies... mais je ne suis pas certaine qu'elles saisissent pleinement la situation.

- Nous n'avons plus le temps pour en discuter, maintenant. Dépêche-toi de te préparer, les filles sont déjà dans la Grande Salle.

- Nastya?

- Oui ?

- Ce soir ?

- D'accord. »

Sans un mot de plus, Victoire regarda son amie rejoindre son propre lit, s'adossant au mur contre lequel il était placé, et reprenant la lecture de la notice qui était fournie avec le kit d'entretien pour balai que les sœurs Dhont lui avaient offert la veille.

« Allez, ne reste pas planter là, et va te doucher... je ne vais pas t'attendre une heure ! »

Après un rapide passage par la salle de bain, la jeune fille en sortit en trombe pour enfiler sa robe de sorcière, sous le regard de la brune qui s'impatientait. Lorsqu'elle fut totalement prête, les deux Serpentard quittèrent les cachots et se dirigèrent vers la Grande Salle où bon nombre d'élèves étaient déjà attablés. Elles rejoignirent les jumelles Dhont à la table de la maison Serpentard.

« Vous voilà enfin !

- Duchesne refusait catégoriquement de se lever.

- On nous a déjà distribué nos emplois du temps. Apparemment, tu devais le faire avec Nott, Nastya. Il n'avait pas l'air très heureux de constater ton absence...

- Oh, un préfet seul suffit à cette tâche... Et puis, le connaissant, il n'osera me faire aucun reproche. L'affaire est close.

- On a pensé à récupérer les vôtres, de ce fait. Les voici. »

Ophelia tendit aux deux arrivantes leur emploi du temps respectif, que ces dernières saisirent et étudièrent avec attention. Pour sa sixième année, Victoire avait fait le choix de garder les cours de Potions, comme bon nombre de Serpentards, ainsi que l'Astronomie et l'Arithmancie.

« Nous serons ensemble en Arithmancie, Vi', annonça Ophelia avec un sourire. Amalia a choisi les Soins aux Créatures Magiques, mais nous serons également présentes en cours de Potions.

- Ana et moi nous retrouvons seules en Astronomie et en Botanique... répondit Victoire en détachant les yeux de son emploi du temps. Mais cela ne fait rien, lorsque ce que l'on étudie nous passionne.

- Qui dit que la Botanique me passionne ? répliqua Anastasiya d'une voix morne. Je ne savais tout simplement pas quoi choisir d'autre...

- C'est déjà l'heure du courrier ? les coupa Amalia. »

Des hiboux planaient à travers la salle, attendant d'être suffisamment proches des tables avant de lâcher les divers paquets qu'ils tenaient entre les serres. Des journaux, cadeaux et lettres en tous genres tombaient progressivement, et les élèves s'empressaient de les réceptionner avec enthousiasme.

Une première lettre tomba devant Victoire, marquée par le sceau des Duchesne. Elle se mordit la lèvre inférieure. Instinctivement, elle glissa un coup d'œil chez les Gryffondor, où son frère en avait également reçu une. Pourvu que ce ne soit pas une beuglante... pensa-t-elle, avant d'apercevoir une seconde lettre qui lui était adressée sur la table. L'absence de sceau ou de toute autre marque distinctive attisa sa curiosité, mais celle-ci fut rapidement détournée par ses amies.

« Mes parents qui m'envoient les nouvelles russes, mais qui ne prennent même pas la peine de savoir comment s'est passée ma rentrée... soupira Anastasiya avant de rouler en boule le journal et de le ranger. Et vous ? De quoi est fait votre courrier ?

- Mère nous a envoyé des Dragées Surprises de Bertie Crochue, Ophelia ! informa Amalia. Et elle nous souhaite un bon début d'année scolaire !

- Elle l'a déjà fait hier à la gare.

- Tu sais comment elle est... Et toi, Vi' ? Une lettre de tes parents ?

- Oui...

- Et la seconde ? De qui est-elle ? demanda Amalia, qui était la seule à l'avoir remarquée.

- Aucune idée, répondit Victoire en s'emparant de la missive en question. Il n'y a rien d'écrit sur l'enveloppe mis-à-part mon nom. C'est étrange...

- Ouvre-la ! suggéra son amie, des plus intriguées. »

Victoire ouvrit soigneusement l'enveloppe, et déplia le papier qui se trouvait à l'intérieur. Elle haussa un sourcil perplexe après une première lecture.

« Si c'est une blague, elle est de très mauvais goût.

- Comment ça ? Montre ! »

La blonde tendit la lettre à Amalia, sous le regard des deux autres, toutes aussi curieuses. D'un mouvement rapide, Anastasiya s'en empara à sa place et en entama la lecture à voix haute, suffisamment bas pour qu'elles seules pussent l'entendre.

« Dans la mélancolie de la nuit, ta détresse m'est parvenue. Sache, jolie et rusée Serpentard, que je n'ai jamais été dupe face à ta mascarade. Tes larmes d'hier soir n'ont fait que confirmer ce dont j'avais toujours douté. Mais n'aie crainte ; je garderai ton précieux secret. Qu'est-ce que c'est que ce délire ?

- Il doit être sérieusement dérangé, celui qui t'a écrit ça ! dit Amalia.

- De quoi parle-t-il ? Ou... elle ? Tu n'étais pas avec nous dans les dortoirs, hier soir ? interrogea Ophelia, suspicieuse.

- Plus tard, répondit à sa place Anastasiya. Pas sûr qu'elle ait le temps de tout expliquer en détail. Mais j'avoue que cette lettre m'intrigue...

- Vous pensez que cela pourrait être quelqu'un de notre maison ? s'enquit Ophelia.

- Bien sûr que non, trancha Amalia, sinon, il ne serait pas écrit « jolie et rusée Serpentard ». Quel serait l'intérêt d'évoquer notre maison, si il ou elle appartenait à la même ?

- C'est peut-être juste une plaisanterie. La personne qui a écrit cela souhaite t'ennuyer. N'oublie pas que les autres ne portent pas spécialement Serpentard dans leur cœur... rappela Anastasiya.

- Aurais-tu utilisé le carnet à souhait ? demanda Ophelia sous l'air stupéfait de Victoire. Si ça se trouve, tout est lié. »

La blonde ne répondit pas, se contentant de se lever et d'attraper son sac qui pesait déjà une tonne malgré l'année qui ne faisait que débuter.

« Rien qu'une plaisanterie... » Finit par murmurer Victoire, pensive et mal-à-l'aise.

Dans le fond, cette lettre, bien que courte et des plus vagues, lui faisait peur. Quelqu'un l'avait espionné la nuit-même à la tour d'Astronomie, et ce, sans qu'elle ne s'en soit aperçue. Avait-il (ou elle ?) tout observé, tel un voyeur se rassasiant du piètre spectacle qu'elle avait offert, malgré elle, se croyant seule ? Elle ne savait pas quoi en penser. Ni comment réagir. Était-ce véritablement une tentative d'approche sympathique, bien que maladroite et déplacée, ou au contraire une mauvaise blague visant à la ridiculiser ?

Pire encore : ce voyeur avait-il parlé à quiconque de ce qu'il avait vu ? Sa réputation publique ne tenait peut-être plus qu'à un fil. Et cet individu tenait en main les ciseaux qui pourraient le couper sans vergogne.

Elle devait répondre à la missive. Au pire, pour intimer à ce gêneur de se mêler de ses affaires ; au mieux, pour essayer d'en apprendre davantage. Mais de quelle façon ? Il n'y avait aucune signature ou indication utile qui aurait pu l'y aider.

Elle soupira longuement, traînant les pieds à la suite de ses amies pour le premier cours de l'année ; Métamorphose. Le professeur McGonagall les attendait déjà dans la salle, assise sur son bureau sous sa célèbre forme d'animagus ; un chat tigré aux marques sombres encerclant ses yeux, semblables aux lunettes qu'elle portait sous sa forme humaine. Le professeur observait sans ciller les élèves de sixième année de Serpentard et de Gryffondor qui entraient les uns après les autres pour s'installer. Lorsque la classe fut complète, le professeur sauta de son bureau et profita de l'occasion pour se métamorphoser. Après de brèves salutations et leur avoir souhaité une bonne rentrée, McGonagall ne perdit pas de temps et enchaîna sur d'importants rappels théoriques, qui précédaient traditionnellement la pratique que les élèves reprendraient dès le prochain cours.

Victoire décrocha très rapidement des propos du professeur, les ayant déjà entendus maintes et maintes fois l'année précédente. Elle se tourna vers Anastasiya, sa voisine de table, qui ne semblait pas suivre, elle non plus. Profitant du moment, elle déchira un bout de parchemin, se saisit de sa plume et se mit à griffonner en vitesse quelques mots. Une fois terminé, elle tapota discrètement son parchemin du bout de sa baguette, et les mêmes mots apparurent sur celui de la russe qui arqua un sourcil avant de les lire.

« Ce que nous redoutons toutes deux m'est arrivé cet été. »

Anastasiya releva la tête avec précipitation, lançant un regard interrogateur à la blonde. Elle écrivit à son tour sur son parchemin avant d'exécuter le même geste. Sa réponse s'afficha sur le morceau de parchemin de Victoire, remplaçant les précédents mots qui venaient de s'effacer;

« Parles-tu de ce que je pense ? »

La française esquissa un sourire qui ressemblait plus à une grimace, et continua la conversation manuscrite.

« Oui. Cela ne sera annoncé publiquement que l'été prochain, à la veille de notre dernière année à Poudlard. Mais l'arrangement s'est fait durant les vacances...

« Est-il élève ici ? »

« Plus proche que tu ne le crois... »

« Qui ?! »

« Indice : il est en ce moment-même dans cette salle. »

La brune écarquilla les yeux en lisant la dernière phrase. Elle se tourna vers Victoire qui haussa les épaules d'une mine déconfite. Jetant ensuite un regard discret à McGonagall pour vérifier que celle-ci était toujours passionnément occupée par ses explications à propos des cours de Métamorphose de sixième année, la russe entreprit d'observer tour à tour les garçons présents dans la salle.

Procédant par élimination, elle rejeta toute hypothèse concernant un potentiel Gryffondor, à l'exception peut-être de Nicolaus Macmillan, qui venait d'une famille de sang-pur. Non, les Macmillan n'étaient pas suffisamment importants au sein de la société sorcière pour que les Duchesne en fisse un premier choix.

Il ne restait donc plus que les Serpentards. Edvin Wilkes ? Elle réprima un frisson de dégoût rien que d'y penser. Ce type était étrange, et son air vicieux qui semblait vous déshabiller du regard la dérangeait ; elle se doutait qu'il en était de même pour sa meilleure amie. Trestan Nott ? Même s'il ne la gênait pas plus que cela, étant d'un tempérament des plus calmes et réservés, cela l'étonnerait beaucoup. Nérée Avery ? Il pouvait être sympathique, malgré son sens de l'humour sadique qui pouvait faire froid dans le dos. Et puis, il avait de jolis yeux. Aussi clairs que ceux de Victoire. Rabastan Lestrange ? Elle pinça les lèvres à cette simple pensée et leva les yeux au ciel. Regulus Black ? Une « gueule d'ange », comme dirait Amalia. Elle ne pouvait pas nier qu'il était séduisant, bien que ses iris, d'un gris aussi froid et dur que le métal, étaient des plus glaciaux. De longs cheveux bruns et lisses encadraient son visage pâle aux traits fins, et il se tenait assis sur sa chaise de la façon la plus aristocratique qui soit.

Oui, Regulus Black était vraiment séduisant. Mais pas plus que son frère d'un an son aîné, Sirius, qui avait hérité d'une beauté plus sauvage, plus espiègle. Dommage que ce dernier soit un si mauvais parti, si tant était qu'il fût encore en course après ses derniers déboires et la honte qu'il avait infligée à la famille Black.

Regulus Black dut sentir son regard sur lui, car il se détourna de ses notes pour la sonder à son tour., interrogateur. Anastasiya piqua un fard et retourna à son parchemin, terriblement gênée. L'œillade que lui avait lancée le jeune homme l'avait considérablement refroidie malgré l'absence de toute agressivité. Anastasiya assembla dans son esprit les pièces d'un puzzle qui lui parut tout à coup si simple, et comprit. Elle griffonna à toute allure sur son parchemin, puis le tapota de sa baguette.

« Regulus Black. »

Victoire resta de marbre lorsqu'elle lut la suggestion.

« Arguments ? »

« Ton rêve. Tu avais mentionné ces yeux « gris et insondables ». Je ne connais que deux personnes dans cette école qui répondent à ce critère. Et tout le monde sait que Sirius Black a été déshérité par sa famille. Il ne reste donc plus que le cadet Black. »

« Félicitations. Tu as percé le mystère avec brio. »

Anastasiya jeta un œil à sa meilleure amie. C'était donc cela qu'elle lui cachait depuis deux mois ? Elle ne put retenir un sourire soulagé. Regulus Black n'était pas le plus mauvais choix. Loin de là. Victoire avait de la chance, dans le fond. Mais elle comprenait son malaise, malgré tout, et sa situation lui rappela que son tour approchait à grand pas. Avec son frère, Igor, qui se mêlait de plus en plus de ses relations et qui commençait à lui présenter toute une flopée de prétendants tout droit sortis de Durmstrang, Anastasiya redoutait le pire.

Elle fut arrachée de ses pensées par McGonagall qui regardait les deux jeunes filles avec insistance, l'air pincé.

« Miss Karkaroff. Je suis consciente que ces légers rappels peuvent vous ennuyer, mais dois-je souligner le fait que vous avez des lacunes dans ma matière ? Je vous prierai donc de bien vouloir essayer de suivre, cela ne vous fera pas de mal. Transformez-moi cette luciole en lampe de salon, que l'on puisse constater vos progrès. »

Anastasiya soupira de désespoir avant de saisir mollement sa baguette. Ce qu'elle pouvait détester la Métamorphose...

 


 

« Elle ne lésine pas la McGo', pour une première heure ! s'exclama Amalia dans le couloir, une fois le cours terminé.

- Elle s'est acharnée sur moi, plutôt, la corrigea Anastasiya. En quoi faire apparaître un objet pourrait-il bien me servir, plus tard, si mes elfes de maison peuvent me l'apporter en un claquement de doigts ?

- Cela te sert à ne pas obtenir de T lors de tes examens.

- Je te remercie de me rappeler ma formidable prestation lors des BUSES, Ophelia.

- Il n'y a pas de quoi, répondit la deuxième sœur Dhont. Plus sérieusement Ana, il faut vraiment que tu progresses dans cette matière... comment vas-tu t'en sortir, pour les ASPICS, l'année prochaine ?

- Peut-être obtiendrais-je un A, avec un peu de chance.

- Avoir de la chance et un Acceptable ne suffisent pas ! la contredit Ophelia, contrariée. Si tu souhaites poursuivre tes études après Poudlard et réaliser la carrière professionnelle que tu souhaites, tu ne pourras pas t'en contenter ! Les équipes nationales de Quidditch consultent les résultats de très près, tu sais !

- Ecoute, Ophelia, répondit sèchement la russe. Après Poudlard, je vais très certainement me marier, puis rester enfermée dans un somptueux manoir afin d'engendrer de parfaits enfants tout mignons et gentils, et cela, dans l'unique but de faire plaisir à mon époux ainsi qu'à nos familles conservatrices, sans contester. Alors oui, pour cet avenir plus que réducteur, je peux me contenter d'un Acceptable ou même d'un Troll ! Maintenant, fiche-moi la paix. »

Les mots durs de la russe secouèrent les jumelles, qui ne cherchèrent pas à la rattraper lorsque cette dernière pressa le pas pour s'éloigner en direction des serres, où se tiendrait son prochain cours.

Amalia et Ophelia n'avaient jamais réellement fait attention à ce qui attendait Victoire et Anastasiya après leurs études jusqu'alors. Et pour cause : leurs deux amies n'en parlaient que très rarement avec elles. Elles ne pensaient donc pas que cela importait autant pour elles.

Ophelia s'en voulut, tout à coup, se rendant compte qu'elle et sa sœur n'avaient de cesse d'exposer leur train de vie bien plus tranquille et libre que celui des deux autres jeunes filles. Cependant, étaient-elles coupables d'être nées dans une famille, certes de sang-pur elle aussi, mais qui ne fonctionnait pas selon les codes de ces vieilles lignées sorcières aux valeurs plus qu'archaïques et discutables ?

Victoire offrit un sourire désolé à chacune d'elles, avant de s'élancer à la poursuite d'Anastasiya. Parvenue à sa hauteur, une vingtaine de mètres plus loin, la blonde posa sa main sur l'épaule de son amie et y exerça une pression réconfortante.

« Elles ne peuvent pas comprendre, Nastya. Ne leur en veux pas... lui susurra-t-elle, compatissante. Ce sont tes amies. Ophelia ne disait cela que pour ton bien. On se retrouve ce soir, en haut de la tour d'astronomie, ajouta-t-elle. Je t'expliquerai tout en détail. »

La brune hocha mollement la tête avant de quitter le château en direction de son cours de Botanique. Victoire, quant à elle, se rendit en classe d'Arithmancie où l'attendait déjà Ophelia, assise au premier rang, face à la porte, le regard plus que désolé.

Victoire ne fit pas attention aux gens alentours alors qu'elle se dirigeait d'un pas précipité vers la salle de classe. Les quelques mètres qui la séparaient de la porte lui suffirent à percuter un autre élève, tout aussi pressé qu'elle, faisant tomber les livres qu'il tenait entre les bras.

« Mais regarde donc où tu vas, empoté ! » lâcha-t-elle sans s'arrêter pour l'aider ni même le regarder, sous les yeux médusés de Sirius Black qui ramassa avec étonnement son tas de manuels piétiné.

« Eh ben… » commenta James Potter derrière lui, « Pour une sang-pur élevée à la baguette, ses parents ont visiblement oublié de lui apprendre l'altruisme et la politesse ! »

Sirius ne répondit rien, se contentant simplement de sourire.

End Notes:

Avouons-le : cela aurait pu être bien pire que Regulus Black, question mariage arrangé entre sang-pur, non ? 

J'ai toujours trouvé le personnage de Regulus intéressant, et malheureusement trop peu exploité...

Pour le peu que l'on en sache à son propos, je vais essayer de le respecter au maximum, tout en insérant ma vision de ce personnage tel que je le perçois. J'espère réussir à ne pas le dénaturer ! Vivement qu'il entre en scène !

Pour le moment, les Maraudeurs se font discrets... mais cela durera-t-il encore longtemps ? ;-)

Chapitre 4 - Remparts by Red Plumette
Author's Notes:

Et hop, un chapitre de plus dans la boîte !

Bon, allez, j'avoue tout : j'avais déjà commencé à publier sur une autre plateforme, d'où cette avance. Actuellement, sept chapitres sont écrits / révisés et prêts à l'emploi. J'espère (et compte bien) tenir un rythme régulier malgré tout par la suite ! 

Serait-ce un nouveau challenge à se lancer ? Je crois bien que oui ! :-D

Je vous souhaite une agréable lecture !


Chapitre IV

 

« Nous l'avons toujours été : emprisonnées depuis notre naissance. C'est une chance que cela soit dans une prison dorée. » Anastasiya Karkaroff

 


 

Assise à même le sol, le dos et la tête appuyés contre la brique froide de la tour d'astronomie, Victoire soupira de bien-être. Une brise fraîche fit voleter quelques mèches de ses longs cheveux laissés lâches, lui chatouillant le menton. Elle resserra autour d'elle les pans de sa cape, qu'elle avait pensé à emporter avec elle en début de soirée. Malgré le fait que le mois de septembre ne faisait que débuter, le temps se montrait généralement plus frais à Poudlard que chez elle, en France, et ce soir-là ne faisait pas exception à la règle, d'épais nuages couvrant le ciel sombre. Aucune étoile n'était visible ; la Serpentard entreprit de repérer la lune, cachée derrière un amas de nuées dans le ciel nocturne. Une faible lueur en émanait, témoin de la présence de l'astre qui éclairait communément les cieux. Comme la jeune fille avait hâte de reprendre les cours d'Astronomie !

Des pas trainants résonnèrent dans les escaliers de pierre qui menaient au sommet de la tour. Le visage rouge et essoufflé d'Anastasiya apparut, tandis que la préfète de Serpentard laissait tomber sa propre cape sur le sol. Elle lança un « Assurdiato » d'un coup de baguette, avant de s'écrouler aux côtés de son amie qui l'avait attendu.

« Par Merlin, Nastya, on dirait que tu viens d'effectuer quinze tours du terrain de Quidditch en courant ! Pouffa Victoire en la voyant.

- Très drôle, Duchesne. Ce n'est pas autour du terrain, que je viens de courir, figure-toi, mais à travers tout le château... Et devine après qui ? maugréa la russe. »

Le roulement de « -r » plus que prononcé qui accompagnait ses propos manifestait un énervement des plus palpables. Il ne fallut qu'une poignée de secondes de réflexion à Victoire avant de trouver la réponse.

« Black et Potter ? demanda-t-elle avec évidence.

- Qui d'autre...

- Et ? Les as-tu coincés, cette fois-ci ?

- Bien sûr que non ! J'ignore comment font ces deux-là, mais ils sont littéralement invisibles !

- Comment peux-tu être certaine qu'il s'agissait d'eux, si tu ne les vois pas ? interrogea Victoire, amusée.

- Cesse de te moquer de moi ! s'indigna la préfète. C'est très simple : si ni moi ni Rusard ne parvenons à coincer un individu qui se promène hors des dortoirs en pleine nuit, il s'agit forcément de Black ou de Potter. Ou des deux. »

Le raisonnement fit redoubler les rires de Victoire, sous l'air désespéré de son amie qui n'était pas prise au sérieux.

« J'ai une autre preuve, s'enquit Anastasiya. Lupin était mon binôme de ronde, ce soir.

- Voilà qui devient plus concret ! Et donc ? Il les aurait encore couverts, selon toi ?

- Evidemment, puisque c'est lui qui sillonnait les couloirs en courant comme un dératé, prétendant entendre un bruit à droite, puis à gauche ! On aurait dit une boussole humaine complètement détraquée !

- A-Attends, s-stop ! souffla Victoire entre deux éclats de rire. Es-tu en train de me dire que tu as suivi Remus Lupin à travers tout Poudlard alors qu'il tentait de t'éloigner de ses deux copains ?

- Arrête de rire !

- Nastya, c'est tellement drôle ! Comment as-tu pu être aussi crédule ? »

Anastasiya soupira une énième fois, laissant retomber son dos contre le mur. Elle appuya sa tête contre l'épaule de son amie, attendant que cette dernière calme son hilarité. Victoire lui saisit la main, puis repris la parole après plusieurs secondes de silence.

« Merci, Ana. Cela faisait un moment que je n'avais pas autant ri. Cela fait tellement de bien.

- Rire à mes dépens, hein... Il n'y a pas de quoi.

- Crois-tu que nous pourrons encore rire ainsi, sur des sujets aussi bêtes et enfantins, lorsque nous sortiront diplômées de cette école ? »

La mélancolie étreignit tout à coup le cœur de Victoire, dont les paroles les plongèrent dans un nouveau silence. Anastasiya lui serra la main en retour.

« Pourquoi demandes-tu cela, Vi' ? Qu'est-ce qui te fait douter ?

- Je l'ignore, avoua Victoire. Depuis l'officialisation de mes fiançailles auprès de la famille Black, je me sens comme... prise au piège.

- Tu l'étais déjà. Nous l'avons toujours été : emprisonnées depuis notre naissance. Une chance pour nous que cela soit dans une prison dorée. »

Victoire médita un instant les paroles de son amie. Elle ne savait dire si la russe critiquait ou acceptait la situation à laquelle elle serait, à son tour, bientôt confrontée.

« J'ai peur, murmura Victoire. Non : je suis terrifiée. Je ne sais plus ce que je suis censée faire.

- Ce que l'on attend de toi, répondit simplement Anastasiya. Oublie tes cauchemars, et va vers Regulus. Cela ne devrait pas être trop difficile, étant donné que vous vous côtoyiez régulièrement durant votre enfance. »

Victoire inspira profondément à cette pensée. Cela faisait des années qu'elle n'avait plus réellement adressé la parole à Regulus Black. La dernière fois devait remonter à son arrivée à Poudlard, au cours de leur deuxième année, lorsqu'elle l'avait gentiment envoyé balader. Il n'avait plus jamais esquissé le moindre pas ou geste à son égard par la suite, ayant visiblement bien retenu la leçon et s'abstenant de l'approcher de trop près.

« Que s'est-il passé pour que tu l'évites à ce point ?

- Il a trahi ma confiance, répondit vaguement Victoire. Et je ne sais pas si je pourrai de nouveau la lui accorder.

- Vi', cela s'est passé il y a quatre ans. Ne crois-tu pas que c'est un peu puéril, de garder rancune pour une querelle d'enfant ?

- Et s'il venait à me trahir une nouvelle fois ?

- Alors, je serai à tes côtés pour jouer les harpies vengeresses et lui briser son joli nez. Je peux aussi me charger de lui couper les c-...

- Oui, bon, d'accord, j'ai compris, Nastya ! la coupa nette la blonde, aussi gênée qu'amusée. Et toi, alors ? Que faisais-tu, tout l'été, pour m'envoyer si peu de lettres ? Et que faisait Igor chez vous ? Je pensais qu'il avait définitivement quitté le manoir Karkaroff pendant notre quatrième année.

- C'est... compliqué, répondit Anastasiya en reportant son attention vers le ciel nocturne. Il est revenu pour présenter à Père et Mère ses nouvelles activités. »

La voix tremblante d'Anastasiya alerta Victoire, qui se redressa pour lui lancer un regard interrogateur. La russe ne détourna pas un instant les yeux du ciel sombre.

« Igor l'a rejoint » bredouilla la brune. Elle essuya une larme traitresse qui coulait le long de sa joue, les yeux perdus dans le vague, inexpressifs.

« Qui ? l'encouragea Victoire en lui serrant l'épaule.

- Le Seigneur des Ténèbres, souffla-t-elle. Igor porte la marque. Je l'ai vue. »

Anastasiya vrilla ses yeux noirs et larmoyants dans ceux de sa plus proche amie, rendus plus clairs encore par la lueur de la lune qui brillait à présent au-dessus de la tour d'astronomie.

« Je... Il m'a dit qu'il n'y avait pas plus grand honneur que servir celui qui sera très bientôt le plus grand sorcier de tous les temps. Il prétend que sa cause est bonne, qu'il agit pour le bien de la société sorcière. Que la mixité des sangs que met en valeur le Ministère ne fera que conduire les vraies familles sorcières droit à leur perte. Que quelqu'un doit empêcher cela.

- Et toi, Nastya ? Qu'en penses-tu ? »

La terreur nettement visible d'Anastasiya atteignit de plein fouet Victoire, qui regrettait presque sa question face à l'état dans lequel se retrouvait son amie. En plusieurs années d'amitié et de résidence dans les mêmes dortoirs, jamais elle ne l'avait vue aussi vulnérable.

« Je n'en sais rien, admit-elle. Mais Igor m'effraye. Je ne comprends pas ce qui lui arrive ; il parle et agit comme... une espèce de fanatique. Il a même tenu à m'enseigner la legilimancie !

- La quoi ?

- Legilimancie. C'est une technique qui permet de voir dans l'esprit d'une personne. Pour avoir accès à ses pensées, même les plus intimes. Ses souvenirs. Ses émotions. Ses peurs.

- C'est effroyable, murmura Victoire, horrifiée par l'existence d'une telle pratique. Cela relève du voyeurisme...

- Et comment ! dit Anastasiya en reniflant. Il a dû pénétrer mon esprit à maintes reprises pour m'en faire comprendre le fonctionnement. J'ai eu l'impression qu'on violait mon intimité... c'était horrible. Et j'aurais préféré ne pas avoir à fouiller son esprit en retour. Si tu savais, Vi'... Je crois que le peu que j'y ai vu changera à jamais mon regard sur lui. »

Victoire abattit les derniers murs que les deux jeunes filles avaient érigé durant des années. Pour la première fois depuis leur rencontre et le début de leur amitié, elle prit Anastasiya dans ses bras. Elle la serra fort, à l'en étouffer, étreinte d'un soutien aussi indicible qu'indéfectible à laquelle la russe répondit avec la même force, ne parvenant plus à s'arrêter de pleurer. « Tout ira bien », dit la française, sans qu'elle ne sût laquelle des deux elle cherchait le plus à rassurer. « Tu n'es pas seule. Sois forte, et tout ira pour le mieux... »

 


 

Une chaleur insoutenable emplissait la salle de Potions. Des gouttes de sueur perlaient sur le front de Victoire, qu'elle essuya du revers de la manche de son chemisier. Elle lâcha un soupir dépité tandis qu'Ella Lawrence, la Gryffondor qui lui servait de partenaire, se penchait sur le chaudron, la mine déconfite et le nez plissé de dégoût.

Lawrence, à l'allure habituellement si impeccable et raffinée, avait l'uniforme couvert de taches brunâtres et gémissait de frustration à l'idée de garder sur elle cette infâme odeur de foie de chauve-souris. Elle leva des yeux implorants vers Victoire, la grimace déformant son joli minois, puis s'apitoya sur son sort de plus belle.

« Pourquoi tu m'as confié cette abominable tâche ?! gémit-elle, tentant de ne pas respirer l'immonde odeur.

- Et qu'aurais-tu fait d'autre ? demanda la Serpentard en ajoutant une poignée d'orties déshydratées dans leur chaudron.

- J'aurais pu me charger de la concoction de la potion ! Ce n'est pas si difficile, d'ajouter des ingrédients un par un en suivant le manuel puis de touiller ! »

Victoire ne prit pas la peine de répondre, se contentant de lever les yeux au ciel et de se concentrer sur leur potion. Mélanger trois fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Ajouter 4 mesures de racines de guimauve. Laisser bouillir dix minutes, puis ajouter 2 mesures de foie de chauve-souris. Si Ella Lawrence était une fille sociable et plutôt sympathique, ses manières l'agaçaient.

La française entreprit de l'aider dans son labeur, qui consistait à présent à découper en fines lamelles les champignons vénéneux sauteurs. Elle devait avouer que s'occuper précédemment du foie de chauve-souris nauséabond et du mucus de veracrasse n'était pas des plus agréables, mais elle ne pouvait pas tout faire à la place de Lawrence. D'autant plus que la Gryffondor n'était pas des plus compétentes dans le domaine des Potions, contrairement à Anastasiya ou à Ophelia avec qui elle aurait aimé faire équipe. Il aurait été tellement plus simple et ingénieux de choisir comme binôme de travail les personnes les plus douées dans la matière, à savoir Anastasiya et Regulus, concernant les sixièmes années. Victoire aurait été certaine de terminer avec un Optimal. Mais le professeur Slughorn avait eu l'idée fabuleuse - selon lui - de choisir les binômes pour davantage de mixité entre les différentes maisons. Ce fut ainsi qu'elle s'était retrouvée en compagnie d'Ella Lawrence, tandis qu'Anastasiya faisait équipe avec un Serdaigle qui semblait bien plus compétent, et qu'Ophelia travaillait avec une étudiante de Poufsouffle optimiste et enjouée qui suivait à la lettre tout ce qu'elle lui recommandait.

Victoire soupira à nouveau. Au départ, le choix ne l'avait pas vraiment gênée, puisque la Gryffondor ne la dérangeait pas plus que cela. Mais la voir à présent travailler avec autant de mauvaises grâces et l'entendre geindre à tout va lui donnait l'irrépressible envie de vider le pot de veracrasse dans ses cheveux sans une seule once de remords.

Alors qu'elle s'apprêtait à jeter les foies de chauve-souris dans le chaudron, la couleur étrangement rouge sang de la potion l'interpella. Depuis quand était-elle censée avoir cette couleur ? Elle jeta un coup d'œil à la paillasse de Lawrence, de laquelle les champignons avaient disparu.

« Par Merlin, Lawrence ! Il fallait ajouter le foie avant les champignons sauteurs ! s'écria Victoire avant de se saisir nerveusement la tête entre les mains. Je te l'ai répété je ne sais combien de fois !

- Avant ou après, cela ne doit pas changer grand-chose ! répliqua la Gryffondor sur le même ton.

- Tu viens de me dire il y a quelques minutes que ce n'était pas si difficile de suivre un manuel, Miss Evidence ! Mais as-tu seulement lu la page, avant de faire n'importe quoi ?!

- Je crois bien que vous avez raté une étape dans votre potion, déclara une voix navrée derrière elles. »

Les deux étudiantes se retournèrent pour faire face au Professeur Slughorn, qui affichait un petit sourire compatissant.

« Vous n'aurez malheureusement pas le temps de recommencer ; il vous faut tenter de rattraper celle-ci, Mesdemoiselles. Bonne chance ! »

Le ton léger employé par le professeur Slughorn acheva d'excéder Victoire, qui jeta une œillade courroucée à sa partenaire. Cette dernière paraissait visiblement plus inquiète pour l'état de sa robe et de ses cheveux maculés de bavures que pour celle de leur potion, qu'elle venait de lamentablement saccager. Lawrence attira ainsi l'attention des autres élèves, narquois, notamment des Serpentard qui étaient les plus nombreux à avoir fait le choix de poursuivre les cours de Potions. Personne ne comprenait la raison pour laquelle cette fille avait décidé de poursuivre cet enseignement, Victoire la première alors qu'elle en faisait les frais. La Serpentard redoutait le pire. Et si Slughorn la laissait en binôme avec elle jusqu'à la fin de l'année ? Et si elle devait se la coltiner pour les ASPIC de septième année, Lawrence s'évertuant à poursuivre une matière qu'elle n'appréciait pas et dans laquelle elle était médiocre ? Oh, misère... Faites qu'elle et le vieux fou retrouvent la raison.

S'apprêtant à poursuivre avec découragement, Victoire s'arrêta net lorsqu'un morceau de papier voleta devant elle. Le sort de lévitation qui l'avait emporté jusqu'à sa paillasse s'estompa et elle le déplia, levant ensuite la tête pour voir qui en était l'expéditeur. Elle croisa le regard indéchiffrable de Regulus Black.

Sur le parchemin était indiqué de quelle façon rattraper la préparation sans aboutir à un résultat désastreux, et la blonde le remercia intérieurement. Elle repensa aux paroles d'Anastasiya, quelques jours plus tôt, en haut de la tour d'astronomie : « Ne crois-tu pas que c'est un peu puéril, de garder rancune pour une querelle d'enfant ? »

 


 

La journée de cours venait de se terminer lorsque Victoire quitta la salle de Potions pour rejoindre la salle commune de Serpentard, non loin dans les cachots. Elle avait croisé son petit frère au détour d'un couloir, ce dernier attendant devant la réserve de Slughorn avec Bilius Weasley, l'un de ses nouveaux amis de Gryffondor. Il avait baissé les yeux à son passage, comme l'aurait fait n'importe quel élève plus jeune qu'elle par intimidation. Cette simple réaction lui serra le cœur. Elle espérait qu'il ne s'était pas déjà créé des ennuis, à traîner avec un traitre-à-son-sang. D'autant plus que de ce qu'elle avait pu observer, Bilius Weasley ne semblait pas en reste pour se faire remarquer.

Désapprobatrice, Victoire s'empressa d'entrer dans son dortoir et de filer sous la douche. Le jet brûlant lui fouetta la peau tandis qu'elle soupirait d'aise. Cette sensation de chaleur qui irradiait son corps était exactement ce dont elle avait tant besoin. Elle leva la tête vers le pommeau de douche et ferma les yeux, profitant pleinement de l'eau qui coulait sur son visage. Tentant de faire le vide dans son esprit, elle essaya d'oublier les pensées parasites qui la minaient ; en vain. Son frère la désespérait, et ce n'était malheureusement que le début des ennuis pour lui, comme pour elle. Elle aurait aimé profiter de sa rencontre dans le couloir pour lui parler, mais il refusait à chaque fois de lui adresser la parole en public comme en privé, jugeant qu'elle lui faisait honte, à surveiller ses faits et gestes, et que le rouquin de Weasley qui l'accompagnait était en droit d'assister à leurs conversations. Victoire réfléchit. Weasley lui avait déjà mis en tête, en l'espace de quelques malheureux jours, des idées saugrenues et surtout dangereuses vis-à-vis de son statut. Elle allait devoir rattraper les pots cassés, si jamais cela évoluait. La sécurité de son frère lui importait plus que tout, et elle préférait lui éviter les mêmes souffrances que celles qu'elle avait endurées avant de retourner sur « le droit chemin », comme disaient si bien leurs parents.

Depuis son enfance, elle se sentait en décalage par rapport aux autres sorciers de sang-pur, bien qu'elle essayait de faire en sorte que son père soit fier d'elle au moins une fois dans sa vie. Mais concernant Edouard, elle devait redoubler d'attention : si elle était la plus âgée, elle restait une fille de surcroît. Elle ne représentait donc pas grand intérêt vis-à-vis aux yeux des Duchesne, excepté la possibilité d'une alliance prestigieuse et lucrative pour une autre famille de renom. Edouard, bien que son cadet, était l'unique fils et donc l'espoir de perpétuer le nom ainsi que la descendance des Duchesne. Il ne pouvait pas se permettre de jouer avec leur avenir sous prétexte qu'il n'avait pas encore atteint ses douze ans, et qu'un stupide Weasley lui bourrait le crâne avec des idioties en tous genres.

Elle se sentait égoïste, aussi basse que son père. Son frère avait le droit au bonheur ; le droit de faire ses propres choix. Mais pour sa sérénité personnelle, elle ne pouvait pas le laisser sous certaines influences. Elle était prise entre le marteau et l'enclume, entre la liberté de son frère et son devoir. Que devait-elle faire ? Il n'avait que onze ans. Elle était âgée d'un an de plus, lorsque le Choixpeau avait voulu l'envoyer à Poufsouffle. Elle était encore très jeune, mais avait pourtant été ferme. « Serpentard », avait-elle intimé, avec pour seule image en tête la fierté de sa famille. « En es-tu certaine... ? Cette maison n'est pas faite pour toi. ». Le Choixpeau avait tenté de l'en dissuader. Cependant, elle avait été catégorique, ne pouvant se résoudre à entrer dans une autre maison. « Serpentard », avait-elle répété. « Serpentard, avec les autres enfants de sang-pur. » Elle avait répété les mots de son père. Ceux qu'il lui avait insufflé sur le quai de la voie 9 ¾, juste avant qu'elle ne parte pour cette nouvelle école. Cette nouvelle chance qui lui était accordée.

« Tu rejoindras Serpentard, avec les héritiers de sang-pur. Retiens bien ces noms, car je ne les réciterai pas une seconde fois : Black. Malfoy. Lestrange. Rosier. Yaxley. Travers. Crabbe. Goyle. Avery. Bulstrode. Carrow. Burke. Greengrass. Flint. Nott. Macmillan. Parkinson. Selwyn. Shacklebolt. Slughorn. Dhont. Londubat, finit-il après une hésitation. Lie-toi avec quiconque portera l'un de ces noms. Les autres ne valent même pas la peine que tu les regardes. »

Elle l'avait fait. Elle était à Serpentard, exactement comme il le souhaitait. Que vouloir de plus ? La lettre qu'elle avait reçue le lendemain de sa répartition lui avait presque fait regretter son choix. « J'ai appris que tu avais intégré Serpentard. Nous viendrons te chercher sur la voie 9 ¾ aux prochaines vacances. » Pas un seul mot pour la féliciter. Pas une seule marque d'engouement ou de satisfaction. Juste ces quelques mots formels. Rien de plus.

« Duchesne, sors de là ou j'enfonce la porte ! »

Victoire sourit à l'entente de la voix de Nastya, qui tambourinait la porte.

« Duchesne, je ne le répéterai pas deux fois ! »

Elle était heureuse d'avoir auprès d'elle des amies qui lui semblaient loyales, différentes d'autres Serpentards aux idéologies douteuses tels que Scarlett Bulstrode, Diana Yaxley, ou encore Nérée Avery et Willem Mulciber. Mais qui était-elle, après tout, pour souhaiter esquiver ces fréquentations aux familles proches du Seigneur des Ténèbres, quand son propre père portait la Marque depuis des années ?

« Pas la peine de hurler » dit-elle en sortant de la salle d'eau vêtue d'une simple serviette, « Je ne suis pas sourde. »

La russe lui lança un regard revêche avant de se précipiter dans la salle de bain et de s'y enfermer à double tour. Victoire tourna la tête vers Amalia qui, allongée sur son lit, lui fit un clin d'œil amusé et se redressa.

« Elle est d'une humeur de chien depuis tout à l'heure. Elle a appris qu'elle devait se rendre en réunion avec tous les préfets, ce soir, afin d'établir le nouveau planning de rondes pour la première période.

- Les cours ont déjà commencé depuis une semaine, fit remarquer Victoire tout en s'habillant. Pourquoi décident-ils de tout changer maintenant ?

- Il est possible que Nastya se soit plainte de sa dernière ronde avec Lupin. Elle ne veut plus être en binôme avec lui.

- Je propose qu'Ophelia le fasse à sa place ! s'exclama Amalia en lançant un regard à la concernée qui lisait paisiblement sur son lit. Elle serait très certainement ravie de se promener dans le château avec Lupin à tombée de la nuit ! »

Ophelia leva la tête de son bouquin, écarlate.

« Si ça se trouve, il ne sait même pas que j'existe, déclara-t-elle. À quoi bon ?

- Si tu ne fais aucun pas vers lui, c'est sûr qu'il risque de n'y avoir aucune évolution.

- Quel sens de déduction, Amy. Pour rappel, je ne suis pas toi. Autant dire que je ne suis pas douée, pour ces choses-là.

- Il faut vraiment tout lui apprendre, ronchonna Amalia avant de se diriger vers la porte des dortoirs. Vous venez ? Il y a un tournoi de Bav'boules dans la salle commune. »

Ophelia lâcha son livre pour suivre sa jumelle.

« Tu viens, Vi' ? l'interrogea-t-elle.

- J'arrive. »

Postée dans l'encadrement de la porte, Ophelia hocha la tête puis sortit. Une fois seule, Victoire se dirigea vers sa table de chevet. Elle en sortit un parchemin froissé, qu'elle relut, troublée, pour la énième fois en l'espace de deux jours.

 

Bas les masques, Duchesne.

Celui de la froideur ne te va pas.

Tout comme ceux du mépris, de la condescendance et de l'intolérance.

Tout le monde peut échapper à la noirceur. Encore faut-il en trouver le courage.

Enfin, ce trait d'esprit ne définit pas les Serpentards, qu'on se le dise...

Mais cela tombe bien, puisque tu n'en es pas un.

End Notes:

Il se permet pas mal de choses, ce correspondant anonyme...

Des idées de qui il pourrait s'agir ? 

J'ai beaucoup aimé rédiger la première scène d'interaction entre Ana et Victoire. Anastasiya est un personnage qui me tient à coeur tant il est particulier ; vous le découvrirez au fil des publications. J'ignore quel aspect de ce protagoniste j'apprécie le plus : sa froideur et son cynisme apparents, ou sa sensibilité une fois la caparace percée ? Et vous, comment la préférez-vous, pour le moment, notre Ana ? 

Chapitre 5 - Liens by Red Plumette
Author's Notes:

Hey !

Après le chapitre précédent dont la première partie était peut-être un peu déprimante (loin de moi l'envie de partir dans le mélodrame, pourtant, je vous assure !), nos personnages semblent se sentir un peu mieux dans leur petite tête et leurs baskets cette fois-ci. Enfin, " baskets "... Je ne suis pas certaine qu'ils en portent à Poudlard...

Une petite ellipse y est peut-être pour beaucoup aussi. (-:

J'ai l'honneur d'annoncer l'arrivée de celui qui vous faisait trépigner d'impatience : notre Severus Snape international ! Quoi ? Comment ça, ce n'est pas à lui que vous pensiez ? Moi, j'attendais l'entrée en scène de ce personnage avec impatience !

Quelque chose me dit que les Maraudeurs seront un peu plus présents, eux aussi...

Eh non, toujours pas d'interaction Victoire-Regulus en vue... Mais cela finira par arriver. Très bientôt. ;-)

Je vous souhaite une agréable lecture !

 

 

Chapitre V

« Fais très attention aux sujets que tu abordes, Duchesne. Tu es l'une des seules personnes ayant droit de t'asseoir à cette table, parce que je te tolère. Il serait dommage que tu n'en fasses plus partie. » Severus Snape

 


 

Il était inhabituel de trouver la bibliothèque de Poudlard remplie d'étudiants à une heure si matinale, dès son ouverture. Il l'était d'autant plus lorsqu'il s'agissait d'un dimanche matin de fin septembre, durant lequel les élèves pouvaient profiter de leurs derniers instants de paisibilité au soleil, qui laisserait très vite place à la pluie d'automne ainsi qu'aux piles de devoirs à réaliser enfermés dans le château. C'était sans compter la reprise des entraînements de Quidditch et des sélections qui devaient avoir lieu ce jour-là.

Victoire ne fut donc pas le moins du monde étonnée lorsqu'elle entra dans la bibliothèque déserte de tout élève. Elle salua Madame Pince sur son passage, puis s'enfonça à travers les rayonnages pour se diriger directement vers les tables les plus reculées des lieux, situées juste à côté de la Réserve Interdite. Comme elle s'en doutait, elle y vit la personne qu'elle avait espéré trouver.

« Bonjour, Severus, dit-elle d'une voix claire tout en posant son sac la table. Cela te dérange, si je m'assieds ici ? »

Severus Snape lui accorda à peine un regard avant de répondre par ce qui ressemblait davantage à un grognement qu'à des salutations ou à une éventuelle acceptation. Victoire, par habitude, s'installa face à lui, déballant ses affaires en prenant garde à ne pas bouger les siennes pendant qu'il écrivait sur son parchemin. Après avoir soigneusement tracé le point final de son devoir, quelques minutes plus tard, Severus Snape releva la tête de son parchemin pour voir la Serpentard de sixième année plongée dans son manuel de Potions.

« Laisse-moi deviner... » commença-t-il. « Tu as besoin d'aide pour ton devoir, une fois de plus. »

Victoire lui adressa un sourire gêné, avant de secouer la tête pour le contredire. Sous l'œil interrogateur de Snape, elle garda le silence quelques instants, réfléchissant à la façon dont elle pourrait lui exposer sa proposition sans essuyer un refus de sa part. Elle finit par se mordre la lèvre inférieure, avant de se jeter à l'eau.

« Accepterais-tu de m'accompagner au Club de Slug, le dimanche 31 octobre ? »

Severus ouvrit des yeux ronds.

« Peux-tu répéter ? »

Victoire soupira. Evidemment, il ne la prenait pas au sérieux...

« J'aurais besoin que tu sois mon cavalier lors du dîner d'Halloween organisé par Slughorn, reformula-t-elle.

- Pourquoi n'y vas-tu pas avec Regulus ? » répondit Snape, aussi gêné qu'elle.

Victoire s'écroula sur la table, la tête entre les bras. Severus haussa un sourcil.

« Pourquoi irais-je à ce dîner avec Regulus Black ? marmonna la jeune fille d'une voix étouffée.

- Demande-toi plutôt pour quelle raison tu irais avec un autre que ton fiancé. »

Victoire releva précipitamment la tête. Elle plissa les yeux et analysa Severus d'un air dubitatif.

« Comment sais-tu cela ? Par pitié, ne me dis pas que tout le monde est déjà au courant...

- Je suis le seul, la contredit Severus en ouvrant son propre manuel de Potions. Regulus sait que nous travaillons régulièrement ensemble depuis quelques années.

- Je ne vois toujours pas pourquoi il aurait jugé utile de t'en parler, répliqua platement Victoire.

- Tu l'évites, Duchesne. Même moi, je l'ai remarqué. C'est pour dire...

- Tu sais que tu es désagréable quand tu deviens bavard, Snape ? Je crois que finalement, je préfère tes silences pesants. »

Snape ne répondit rien, se contentant de griffonner sur son manuel.

« Donc, c'est non ? Tu refuses ma proposition ? »

L'absence de réaction de son camarade de septième année lui tira un nouveau soupir. Alors qu'elle balayait des yeux les divers ouvrages que Snape avait posé sur la table ronde, son regard accrocha la une d'un petit journal aux allures de Gazette des Sorciers. Reconnaissant immédiatement Les Potins de Poudlard, la gazette de l'école qui existait depuis un peu plus de deux ans, elle se hâta de la saisir. Severus Snape lui fit les gros yeux.

« Repose ça.

- Pourquoi ? s'enquit la jeune fille en tournant la page. Il s'agit du nouveau numéro. Je ne l'ai pas encore lu... Hé, mais, attends... ! Ce ne serait pas Evans, en photo à la une ?! »

Snape leva les yeux au ciel avant de retourner à l'annotation de son manuel, marmonnant des paroles qu'elle ne comprit pas. Victoire, curieuse, lut l'article en question.

La Lionne sort les crocs !

C'est ce que nous pouvons affirmer à la suite du scandale engendré par Lily Evans, septième année de Gryffondor et Préfète-en-chef, qui a attiré l'attention sur elle pas plus tard qu'hier matin !

Une rage occasionnée par la remontrance d'un professeur ? Le stress des ASPIC qui monte subitement alors que l'année ne fait que commencer ? Ou encore un certain nombre de points ayant déjà été retirés aux rouge et or ?

Laissez-moi vous mettre dans la confidence : rien de tout ceci ! Si ce n'est une amourette naissante entre James Potter, le capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor, et Holly Dawkins, mignonne et discrète Poufsouffle de sixième année. Mais que vient donc faire Lily Evans dans cette histoire, me demanderez-vous ? Croyez-moi, fidèles lecteurs : vous n'êtes pas prêts pour les révélations que je m'apprête à vous faire...

La Gryffondor aurait sauvagement attaqué Holly Dawkins au détour d'un couloir du cinquième étage, à l'abri des regards ! Consciente et honteuse de son acte plus que prémédité ? Cela ne fait aucun doute...

Cependant, un détail semble ne pas coller aux actes de Lily Evans : qui à Poudlard n'est-il pas au courant que la Gryffondor envoie sur les roses James Potter depuis leur rencontre ? Cette attitude désintéressée ne serait-elle en réalité qu'une couverture visant à cacher ses profonds sentiments envers l'un des garçons les plus adulés par la gent féminine de l'école ? La raison de s'en prendre à la nouvelle conquête de James Potter nous paraît on ne peut plus claire !

Ah, La jalousie...

Et comme dans tout duel, un vainqueur subsiste : si Evans a éprouvé la satisfaction d'envoyer sa rivale tout droit à l'infirmerie, on ne peut pas en dire moins de Dawkins lorsque l'on sait que Potter se trouve en ce moment même à son chevet pour la réconforter.

Pendant que le Blaireau danse, la Lionne fulmine.

R. Skeeter

« Sérieusement ? pouffa la blonde. Lily Evans, attaquant « sauvagement » une autre élève au détour d'un couloir ? Et pour les beaux yeux de Potter, en plus ? Quelles sornettes... »

Severus grogna à l'entente du nom de Potter. Ou à celui d'Evans, elle n'en savait rien.

« C'est inconcevable, poursuivit Victoire. Du grand Skeeter, une fois de plus. Elle ne sait décidément pas tenir sa langue, celle-là... »

Si Severus pensait paraître impassible, il était loin du compte. Victoire perçut son trouble, caché sous l'intense concentration à laquelle il se soumettait. Ses yeux clignaient dans une espèce de tic nerveux.

« Dis, Severus... Vous ne vous adressez vraiment plus la parole, Evans et toi ?

- Fais très attention aux sujets que tu abordes, Duchesne. Tu es l'une des seules personnes ayant droit de t'asseoir à cette table, parce que je te tolère. Il serait dommage que tu n'en fasses plus partie.

- Je pensais qu'après tout ce temps passé ensemble, tu commencerais à me considérer un tant soit peu comme ton amie, Severus... »

Alors que la jeune fille rangeait ses affaires et s'apprêtait à partir, Severus la considéra. Munie d'un unique manuel, n'ayant prévu ni parchemin ni plume pour écrire quoi que ce soit, il était évident qu'elle n'était pas venue le retrouver là dans le but de travailler. Le septième année se pinça l'arête du nez un instant et, la voyant lui adresser malgré tout un signe amical de la main, il lâcha :

« Je t'attendrai devant la salle commune, le 31 octobre. Tu auras intérêt à être à l'heure. »

 


 

Ophelia Dhont était en retard. Elle courait en direction du terrain de Quidditch, sur lequel de nombreux élèves de Serpentard devaient déjà être regroupés afin de participer aux sélections de l'équipe pour l'année.

Anastasiya et elle étaient pourtant parties avec de l'avance, la russe se montrant des plus stressées concernant les fameuses sélections. Seule membre féminin de l'équipe de Quidditch de Serpentard et batteuse de surcroît, elle savait qu'elle aurait tout intérêt à défendre sa place si elle souhaitait conserver son poste, durement obtenu l'année précédente. La russe espérait également que cette nouvelle saison permettrait à une autre fille d'entrer dans l'équipe, cette dernière étant la seule des quatre à rencontrer autant d'a priori dans le recrutement de joueuses. Ophelia avait observé Anastasiya faire les cent pas tout le début de la matinée, jusqu'à ce que la brune ne tienne plus en place et décide de prendre l'air non loin du terrain en attendant que l'équipe de Gryffondor termine ses propres sélections. Dans son appréhension, Ana avait oublié ses gants de vol. Elle s'en était aperçue en panique dix minutes avant la fin du créneau horaire réservé par les Gryffondor, et avait missionné Ophelia pour retourner les chercher en vitesse dans leurs dortoirs.

Ophelia avait toujours été la plus empathique des jumelles Dhont. Bon nombre la connaissant affirmerait qu'elle aurait davantage eu sa place à Poufsouffle plutôt qu'à Serpentard, où elle était entrée afin de suivre sa sœur qu'elle ne lâchait pas d'une semelle à l'époque de leur répartition. D'autres l'auraient plutôt vue sertie des couleurs de Serdaigle de par sa sagesse, son grand sens de la réflexion ainsi que son amour pour l'érudition.

Ce fut par son sens indéfectible de l'amitié qu'elle s'était élancée vers le château, pour mieux en revenir avec la paire de gants de son amie. Elle courait aussi vite qu'elle le pouvait, bien que ralentie par son essoufflement qui témoignait d'un net manque d'activité physique dont elle ne s'était plus préoccupée depuis plusieurs années. Elle regretta presque avoir arrêté les cours de danse à son entrée à Poudlard. Idiote, se flagella-t-elle intérieurement, de la danse, sérieusement... Depuis quand y a-t-il des clubs de danse à Poudlard...

Elle ne vit que trop tard la porte des vestiaires qui s'ouvrait à volée, s'abattant sur elle. Sans avoir le temps de l'éviter, elle se la prit de plein fouet.

« Mais qu'est-ce que... Oh, merde ! Je suis vraiment désolé ! s'exclama une voix masculine.

- Cornedrue, qu'est-ce que t'as encore fait ?!

- Rien de volontaire ! J'ai ouvert la porte et elle était là, je ne l'avais pas vue... »

Ophelia, dans l'impact, avait été propulsée vers l'arrière et était tombée sur les fesses, ce qui avait à peu près amorti sa chute. En revanche, la porte avait percuté son visage, qu'elle cachait à deux mains. Elle n'entendit pas la suite des paroles des garçons qui se tenaient devant elle, aussi navrés que honteux de l'avoir blessée, trop concentrée sur la douleur qui lui irradiait le nez. Elle ne perçut pas immédiatement non plus le bruissement de l'herbe alors que l'un d'eux s'était accroupi à ses côtés afin de s'assurer de son état. Lorsque Remus Lupin lui attrapa délicatement les poignets pour écarter ses mains de son visage, elle crut mourir de honte de se retrouver ainsi face à lui.

« Tout va bien ? l'interrogea-t-il, soucieux. »

La voix douce du garçon et ses yeux bleu-gris rivés dans les siens lui firent perdre le peu de moyens qu'il lui restait.

« Je crois qu'elle s'est pris un coup sur la tête... dit faiblement Peter Pettigrew à ses amis.

- J'aurais plutôt dit dans la tête… » rectifia Sirius en grimaçant.

Tandis que Remus Lupin avait sorti un mouchoir de sa poche pour l'appuyer contre son nez en sang, lui maintenant doucement la tête de l'autre main, James Potter s'approcha et se baissa à son tour au niveau de la Serpentard.

« Je sais que tout le monde sait que je n'aime pas vraiment les serpents, mais je te jure que je ne l'ai pas fait exprès...

- James... grogna Remus sans la quitter des yeux.

- Je te demande pardon, finit par dire le brun à lunettes. Tu comptais participer aux sélections de Serpentard ? »

Il tenait entre les mains la paire de gants d'Anastasiya qu'elle avait lâchée dans sa chute. Ophelia déglutit avant de prendre la parole pour la première fois depuis l'incident, pressant contre son nez le second mouchoir que Lupin venait de lui donner.

« Non, ils sont à Anastasiya Karkaroff. Elle les a oubliés, alors je suis allée les chercher. Leurs sélections ont déjà dû commencer...

- Ah, oui, Karkaroff, lança Sirius Black en hochant la tête avec compréhension. Sacrée batteuse ! Pour une Serpentard, ajouta-t-il sous le regard perçant de Potter et de Pettigrew.

- Je dois me dépêcher... »

Ophelia amorça un mouvement pour se relever, mais elle fut arrêtée par Remus. Il lui attrapa les épaules pour l'aider.

« Nous t'accompagnons à l'infirmerie, déclara-t-il.

- Mais, je dois aller...

- L'un de nous ira apporter à ton amie son équipement.

- J'y vais ! se dévoua spontanément Sirius. »

Ophelia regarda l'aîné Black partir en courant, la paire de gants en main, en direction du terrain de Quidditch où des joueurs commençaient à s'élever dans le ciel, perchés sur leurs balais. La jeune fille n'eut d'autre choix que celui de suivre les trois autres Maraudeurs jusqu'à l'infirmerie, escortée par Potter et Lupin qui la tenaient chacun d'un côté, le préfet affirmant qu'un examen était prioritaire étant donné le violent coup à la tête qu'elle venait de recevoir.

Si on lui avait dit un jour qu'il lui suffirait de se prendre une porte en pleine figure pour que Remus Lupin la remarque et lui adresse la parole, elle ne l'aurait pas cru. Ou alors, elle aurait tenté l'expérience un peu plus tôt.

 


 

Du haut des gradins installés sur le terrain de Quidditch de l'école, Victoire fit signe à Anastasiya qui s'était déjà élancée dans les airs, sur son balai, afin d'effectuer quelques tours de vol en attendant que tous les prétendants aux postes désormais libres dans l'équipe soient prêts. Suite au départ de trois joueurs qui avaient terminé leur scolarité, le second poste de batteur, celui d'attrapeur et l'un de ceux des poursuiveurs étaient désormais vaquant. Le capitaine de l'équipe, Demetrius Flint, allait devoir redoubler de vigilance au cours de cette phase de recrutement. Choisir des joueurs fiables et suffisamment bons dans le domaine se révélait nécessaire s'il espérait remporter la coupe de Quidditch avant de quitter Poudlard à son tour.

Anastasiya volait de part et d'autre du terrain, visiblement impatiente. La blonde, seule dans les gradins, lui fit signe d'approcher en comprenant son état d'anxiété poussé au paroxysme. Il ne lui fallut qu'une poignée de secondes pour la rejoindre.

« Nastya, que t'arrive-t-il ? Tu ne tiens pas en place !

- Ophelia n'est toujours pas revenue, lui expliqua la russe du haut de son balai. Elle était partie chercher les gants que j'ai oubliés comme une idiote. Tu ne l'aurais pas croisée, par hasard ?

- Non, je viens tout juste d'arriver. Je n'ai pas passé la matinée avec les jumelles. D'ailleurs, où est Amalia ?

- Sûrement en train de roucouler avec son nouveau petit-ami dans l'un des recoins du château, ou qu'en sais-je. Seule Ophelia était avec moi, avant son départ pour les dortoirs.

- Elle ne devrait plus tarder, la rassura Victoire. Commence sans les gants, tant pis. Tu es une guerrière fais-leur tâter de ta batte !

- Et comment ! répondit Anastasiya plus enthousiaste. Mon futur coéquipier a intérêt de savoir viser, sinon, je me verrais dans l'obligation de lui montrer à quoi ressemble un cognard perdu ! »

La batteuse de Serpentard redescendit sur la terre ferme à l'appel du capitaine, laissant Victoire à nouveau seule. Ophelia ne semblant toujours pas les rejoindre, et les explications de Flint risquant de prendre un peu de temps, la jeune fille sortit de la poche intérieure de sa cape la lettre reçue le matin même, qu'elle n'avait toujours pas pris le temps de lire.

Vierge de toute signature à l'image des précédentes qu'elle avait reçu courant septembre et qui se comptait à présent en dizaine, elle la déplia pour y découvrir la même écriture soignée aux lettres anguleuses qui commençait à lui devenir familière.

Ma douce Serpentard,

Tu sais comment faire languir les hommes !

Je te vois lire mes messages, les uns après les autres, et pourtant, tu sembles rester de marbre face à mes belles paroles. Mon ego surdimensionné s'en verrait presque blessé...

Ma lettre débute à peine, mais je sais que je t'agace déjà : je t'imagine les sourcils froncés, tes si jolies et désirables lèvres pincées sur le côté, sans parler de tes joues s'empourprant de gêne au moment même où tu liras cette dernière phrase...

Trêve de plaisanteries.

Au jeu des faux-semblants, tu es vraiment très douée, tu sais. Je t'applaudis avec sincérité.

Comment fais-tu, pour sembler si lasse à la réception de ton courrier au petit-déjeuner, puis finalement t'empresser de relire en toute intimité les phrases que je prends soigneusement le temps de t'adresser ? Tes talents de comédienne sont exceptionnels.

Admets-le, Victoire. (Cela ne te dérange pas que je t'appelle Victoire ?) Tu aimes lire mes lettres. Tu les attends, chaque matin, et je suis le seul à percevoir ta déception lorsque tu te rends compte que ce jour-là, tu n'en recevras pas. Mais n'es-tu pas fatiguée par cet intarissable monologue ? Ne souhaiterais-tu pas m'écrire en retour, rien que pour me dire à quel point je suis détestable, et m'intimer de te laisser en paix ?

Une voix suave coupa Victoire de sa lecture.

« Que fais-tu là, seule, à lire une lettre dans les gradins, Duchesne ? »

Elle leva la tête, baissant précipitamment le bras dont la main tenait la lettre pour la cacher au nouveau venu. À quelques mètres d'elle, les cheveux mi-longs encore humides de sa précédente douche prise dans les vestiaires, Sirius Black l'observait d'un air narquois. Un sourire espiègle étirait ses lèvres, tandis que ses yeux gris, dans lesquels tombaient quelques mèches rebelles, la fixaient avec attention.

« Aurais-tu un admirateur secret ?

- Rien qui te regarde, Black. »

Il haussa les épaules sans se départir de son sourire impertinent.

« Je crois que ton amie a besoin de ceci, déclara-t-il en lui tendant la paire de gants d'Anastasiya.

- Pourquoi est-ce toi qui me les apporte ? s'étonna la jeune fille en les récupérant. Qu'avez-vous fait à Ophelia, toi et tes horribles copains ? »

Sirius se mit à rire face à la méfiance de la Serpentard.

« Je t'en prie, évite de me faire passer pour un abominable personnage alors que je viens rendre service à la maison que je déteste le plus dans cette école. Ton amie va bien. Elle a seulement foncé dans la porte des vestiaires.

- Quoi ?! s'écria Victoire en se levant du banc. Où est-elle ?!

- Du calme, lui intima Sirius en la saisissant par les épaules. Elle est à l'infirmerie. La seule chose qu'elle a de cassé est probablement son nez. »

Il appuya sur ses épaules pour la faire rasseoir sur le banc. Le regard mauvais qu'elle lui lança en retour l'amusa davantage.

« Elle va bien, ajouta-t-il. Les gars sont avec elle.

- Est-ce censé me rassurer ? lança-t-elle sèchement.

- Je te rappelle que ce sont les Serpentards qui sont réputés pour leur sournoiserie.

-Parce que des Gryffondors qui s'amusent à préparer de mauvais coups pour nuire à autrui sont plus fiables et loyaux, peut-être ?

- Ce sont juste de grands enfants un peu idiots, la corrigea Sirius d'un ton léger. Bien, ma bonne action de la journée est accomplie, poursuivit-il en tournant les talons pour repartir. Tu diras à Karkaroff de penser à me remercier pour mon acte de charité, à l'occasion.

- Dans tes rêves, Black.

- T'ss, t'ss, t'ss... persifla-t-il. Tu salueras à ton admirateur secret de ma part, au passage. Il a bien du courage... »

Sur ces dernières paroles, Black repartit comme il était venu. Victoire fulminait. Non mais pour qui se prenait-il, cet abruti ? Si elle ne l'avait pas connu avant Poudlard et n'avait pas grandi aux côtés des frères Black durant une grande partie de son enfance, elle les haïrait, lui et sa désinvolture des plus détestables.

Anastasiya, qui avait assisté à la scène de loin, s'empressa de la rejoindre juste avant le top départ des sélections. Quelle ne fut pas la surprise de la batteuse lorsqu'elle aperçut son équipement oublié dans les mains de son amie, qui lui expliqua rapidement ce qui venait de se passer.

« Attends, je crains mal comprendre : Ophelia a réussi à se fracasser le nez contre une porte de vestiaire elle est en compagnie du gars de ses rêves à l'infirmerie et Black a gentiment pris le relai pour m'apporter mes gants ? Il y a un truc qui cloche, non ? C'est un peu trop beau pour être vrai.

- Black a dit que tu devras le remercier pour son « acte de charité », « à l'occasion ».

- C'est bien ce que je disais, marmonna-t-elle. Trop beau pour être réel… »

 


 

Lorsque Ophelia rejoignit ses amies pour le repas du soir, dans la Grande Salle, elle ne fut pas étonnée des regards sur elle, ainsi que des remarques murmurées sur son passage tandis qu'elle se dirigeait vers la table de la maison Serpentard. Si Madame Pomfresh l'avait gardée en observation toute la journée et avait soigné le plus gros des plaies qui étaient apparues sur son front, tout comme son nez qui avait effectivement été cassé, elle ne devait pas être des plus agréables à regarder. Une chaleur désagréable émanait toujours de l'os qui avait été remis en place, et une fine cicatrice lui barrait le front après que l'une de ses plaies, plus profondes que les autres, eut été recousue.

Amalia siffla d'admiration lorsque sa jumelle s'assit à la table.

« Jolies marques de guerre ! la complimenta-t-elle.

- Arrête, ce n'est pas drôle... Tout le monde me regarde.

- Ne t'en fais pas, quand Evans fera son entrée dans la Grande Salle, tout le monde aura oublié ta tête de balafrée, glissa Victoire sans cesser de beurrer sa tartine.

- J'ai tellement hâte de voir ça ! » s'exclama Amalia qui se trémoussait d'impatience.

Victoire leva un œil dépréciateur vers elle.

« J'ai raté quelque chose ? s'étonna Anastasiya.

- Tu n'as pas dû voir passer Les Potins de Poudlard, aujourd'hui, dit Amalia. Je crois qu'Avery en a un exemplaire sous la main. Nérée ! »

Leur camarade de sixième année, assis quelques mètres plus loin, se tourna vers elles en même temps que les autres Serpentards qui les séparaient à table. Ophelia se tassa sur sa chaise à la vue de la dizaine de paires d'yeux qui les regardaient, alors qu'Amalia se penchait un peu plus pour mieux voir le garçon.

« Est-ce que tu aurais encore ton Potins de Poudlard ?

- Qu'est-ce que tu m'offres, en échange ? demanda Avery avec un clin d'œil, sous les rires gras des autres garçons attablés autour d'eux.

- Le meilleur rencard de ta vie… » répondit Amalia sans se démonter.

Le journal de l'école atterrit devant eux, jeté par Edvin Wilkes.

« Je crois que c'est avec moi que ta petite-amie ira finalement en rendez-vous amoureux, Avery. »

Amalia leva les yeux au ciel, avant de tendre l'exemplaire du micro-journal à Anastasiya et Ophelia. La russe se racla la gorge Amalia l'interrogea du regard.

« Avery, hein ?

- Et alors ? Lis-ça, plutôt. Je peux t'assurer que ce ragot est bien plus trépident que ma vie amoureuse ! »

Anastasiya parcourut des yeux l'article de Rita Skeeter, l'élève à l'origine de la parution des Potins de Poudlard, avant de le tendre à Ophelia avec des yeux ronds. Cette dernière finissait à peine de le lire quand le brouhaha émit par les discussions des élèves s'interrompit subitement.

Lily Evans venait d'entrer dans la Grande Salle, mais elle avait cessé sa progression dès lors que le silence s'était installé parmi les élèves de toutes les maisons, qui la dévisageaient. La Gryffondor ne se laissa pas pour autant intimider. Sans bouger, elle sonda attentivement la foule du regard, jusqu'à repérer Rita Skeeter qui tentait de se cacher derrière ses énormes lunettes rectangulaires. Lily l'affronta du regard, et, après une promesse silencieuse de revanche, elle partit s'asseoir à la table des rouge et or, la tête haute.

« Je ne porte pas spécialement Evans dans mon cœur, mais elle a du cran » admit Amalia.

« Vous avez vu la façon dont elle a regardé Skeeter ? » « Pour se prend-elle, cette sang-de-bourbe ? » « A croire qu'être préfet-en-chef confère tous les droits ! » « Quel courage ! A sa place, je me serais cachée dans les toilettes de Mimi Geignarde... » « Skeeter abuse, elle est allée trop loin... » « Vous croyez vraiment que Lily serait capable de tant de violence ? » « Skeeter mérite une bonne leçon, cette fois... »

Victoire se leva.

« Où vas-tu ? la questionna Ophelia en voyant son assiette encore pleine.

- Je n'ai plus faim. »

La blonde quitta la Grande Salle d'un pas précipité, fuyant les éclats de voix insupportables qui tournaient en boucle dans le réfectoire, et se dirigea vers la volière du château. Lorsqu'elle eut terminé de gravir les marches qui la séparaient de ce qu'elle cherchait, elle tourna sur elle-même afin de la repérer.

Là, entaillé à même la pierre, une large fissure s'étendait le long du mur. Elle s'en approcha, puis tenta d'insérer ses doigts fins dans la fente pour en vérifier la profondeur. Elle réitéra l'opération en y glissant cette fois-ci une enveloppe, invisible à quiconque viendrait se servir des hiboux de l'école.

« Ne souhaiterais-tu pas m'écrire en retour, rien que pour me dire à quel point je suis détestable, et m'intimer de te laisser en paix ?

Pour cela, tu n'as qu'une chose à faire. Rends-toi à la volière : il y a une brèche, entre les pierres, suffisamment large pour y cacher un parchemin. Je t'offre l'occasion de mettre fin à cet échange à sens unique.

Que choisiras-tu ? De tout arrêter, ou de laisser fondre ton masque de glace pour accepter de me parler ? »

End Notes:

Alors... Quelle décision Victoire prendra-t-elle ? Choisira-t-elle de poursuivre cette correspondance, ou y mettra-t-elle un terme ? 

Ophelia adresse enfin la parole à Remus, youhouuu ! Champagne ! Cela fait tout de même des années qu'elle attend ce moment... la pauvre. Pas sûre qu'être à Serpentard l'ait beaucoup aidée, en même temps... 

Première interaction Victoire / Sirius, bien qu'assez brève. Vos impressions ? (-:

A bientôt !

Chapitre 6 - Lumos by Red Plumette
Author's Notes:

Mesdames et messieurs, le chapitre 6 est avancé !


Au programme : la décision de Victoire, un pacte entre deux élèves de maisons rivales, une scène centrée sur nos Maraudeurs préférés, l'apparition furtive de Regulus et quelques indices à propos du passé de Vickie et de sa relation avec les frères Black...


Bon, ok... Pour le " teasing ", on repassera...


Je vous souhaite une agréable lecture ! 

 

Chapitre VI

« Tu ne pourras plus m'éviter encore très longtemps, si je ne m'abuse… » Regulus Black


 

Poudlard ne semblait jamais aussi paisible qu'une fois la nuit tombée sur le château. C'était l'unes des raisons pour lesquelles Anastasiya aimait son statut de préfète de Serpentard, rôle qui lui avait été confié un an plus tôt alors qu'elle entrait en cinquième année.

Bien qu'elle fût très à cheval sur les principes de règlement et de bonne conduite à suivre, ne manquant jamais l'occasion de les rappeler aux autres élèves, la sorcière russe y voyait aussi une certaine occasion de goûter à la liberté. Une liberté à laquelle seuls les préfets étaient autorisés : se promener dans les couloirs du château pendant que les autres étudiants sommeillaient dans les dortoirs.

Et attraper les téméraires qui osaient s'y aventurer en dépit de la réglementation. Un véritable jeu du chat et de la souris, auquel elle excellait. Rusard et sa chatte, Miss Teigne, pouvaient bien aller se rhabiller…

Toutefois, comme à chaque fois qu'il s'agissait des incorrigibles Maraudeurs, Ana semblait se heurter à un mur infranchissable. Pas une seule fois elle avait réussi à les coincer, sans qu'elle ne comprenne le pourquoi du comment. Et ce soir-là, les Gryffondors facétieux étaient une fois de plus de sortie. Elle en aurait mis sa main à couper.

Au carrefour d'un couloir, la sorcière sursauta de peur, une main sur le cœur, l'autre, qui tenait sa baguette assortie d'un Lumos, pointée sur l'individu qui venait de lui couper la route.

L'éclat de rousseur qui luisait à la lumière du sortilège fit redescendre sa tension.

« Par Merlin, Evans ! ronchonna-t-elle à l'adresse de la Préfète-en-chef qui lui servait de binôme pour la ronde. Encore un peu, et je t'éborgnais avec ma baguette ! Quoique, je ne suis même pas certaine que Potter renoncerait à te faire les yeux doux si tu étais défigurée.

- Excuse-moi, chuchota poliment Lily en baissant la sienne. En ce qui concerne Potter, je te prierai de le laisser là où il est. Es-tu passée du côté de la Grande Salle ?

- Rien à signaler de ce côté. Direction le deuxième étage. »

Les deux préfètes décidèrent de poursuivre leur ronde côte à côte jusqu'à l'étage suivant, où résidaient les toilettes des filles abandonnées à Mimi Geignarde depuis des années. Anastasiya en profita pour briser le silence et interroger Evans, toujours intriguée par l'article que Skeeter avait sorti deux jours plus tôt.

« Dis-moi Evans, qu'est-ce que ça fait d'être devenue la vedette de Poudlard ?

- Je ne vois absolument pas de quoi tu veux parler, la rabroua la Gryffondor sans ciller.

- Je savais que ton petit-copain était un idiot, mais je te pensais, de ton côté, plus intelligente. Attaquer une Poufsouffle plus jeune que toi, sérieusement… »

La provocation avait toujours le don de faire réagir au quart de tour la maison des lions. Anastasiya le savait parfaitement, et en jouait à la moindre occasion. Quoi de mieux que titiller ou blesser dans son orgueil un lionceau pour qu'il ouvre la bouche et dévoile un tas d'informations plus croustillantes les unes que les autres…

Le résultat ne se fit pas attendre. Lily Evans se tourna vers la Serpentard, la baguette dangereusement pointée vers elle, le visage plissé dans une expression hostile.

« James Potter n'est pas et ne sera jamais mon petit-ami, Karkaroff ! Qu'ils aillent au Diable, lui et Holly Hawkins !

- Doucement, Evans, tu vas te blesser avec ta baguette, dit simplement Anastasiya en tapotant du doigt cette dernière.

- Ne me provoque pas, Karkaroff.

- Sinon, quoi ? Tu vas me lancer un sort, comme tu l'as fait à Hawkins alors qu'elle avait le dos tourné ?

- Ça ne s'est pas passé comme ça ! fulmina Lily, le ton montant. Elle… Raaah ! Maudite soit Skeeter et son stupide journal !

- Hé, oh ! intervint l'un des tableaux du couloir qui était témoin de la scène. Certains aimeraient dormir paisiblement ! Alors taisez-vous, et éteignez cette lumière ! »

Anastasiya lança un regard mauvais au vieux peintre du dix-septième siècle qui venait de les réprimander avant d'attraper Lily par le bras pour la tirer plus loin.

« Alors ? Comment cela s'est-il passé ?

- Quoi ? marmonna Lily.

- Eh bien, avec Hawkins.

- Tu ne lâcheras pas l'affaire, n'est-ce pas ? Je ne vois pas en quoi ça te regarde.

- Tu as la haine, Evans. Tu as la haine, et cela se voit dans tes yeux dès qu'ils se posent sur Skeeter. Tu sais, Rita a beau être ma camarade de maison, je ne la porte pas non plus dans mon cœur. »

Lily Evans leva les yeux au ciel à l'aveu.

« Comme c'est étonnant… Elle avait écrit un article à ton sujet aussi, si je me souviens bien, l'année dernière. De quoi cela parlait, déjà… réfléchit la Préfète-en-chef. Ah, oui ! Je me souviens, ça y est ! « Anastasiya Karkaroff, nouvelle batteuse de Serpentard : de quels talents a-t-elle usés afin d'intégrer une équipe cent pour cent masculine ? »

- Tu joues avec le feu, Evans. Je ferais très attention si j'étais toi, souffla Ana, mauvaise.

- Inutile de me menacer, Karkaroff. Je n'ai pas peur de toi. Ni d'aucun de tes petits copains Serpentards. Et encore moins de cette couleuvre de Rita Skeeter.

- Tu devrais, pourtant… » murmura Anastasiya d'un ton plus grave qu'elle l'aurait souhaité.

Lily accusa le coup, mais ne répondit rien. Elle glissa une œillade en direction de la Serpentard qui l'accompagnait ce soir-là.

Elle n'avait jamais réellement apprécié Anastasiya Karkaroff. Bien que celle-ci fût plus discrète et moins véhémente que certains de ses acolytes de la maison des serpents, elle traînait cet air sinistre qui semblait ne jamais la quitter depuis sa première année. Dans la pénombre, à peine éclairée par un Lumos, ses cheveux bruns et raides formaient un rideau encore plus sombre qu'à l'accoutumée, cascadant un visage d'une pâleur cadavérique. Karkaroff était dotée d'un charme aristocratique propre aux anciennes familles sorcières, mais sa prestance pouvait se faire particulièrement effrayante. Son regard noir et incisif ainsi que le masque inexpressif qu'elle arborait si souvent ne l'aidaient définitivement pas à paraître chaleureuse. Ce n'était donc pas étonnant que si peu de personnes osaient l'approcher. Sans parler de son caractère volcanique tantôt calme et mesurée, tantôt provocatrice. Parfois bienveillante, régulièrement sarcastique. Le plus souvent froide, exigeante, taciturne.

Mais en dépit de sa loyauté qu'elle ne semblait vouer qu'à sa propre personne comme tout Serpentard qui se respecte, Lily Evans était persuadée qu'Anastasiya Karkaroff serait prête à tout pour défendre son honneur s'il venait à être bafoué. Et qu'elle n'hésiterait pas à former une alliance des plus improbables afin de servir ses propres intérêts.

« Dis-moi, Karkaroff, tenta la Gryffondor après avoir brièvement inspecté les toilettes de Mimi Geignarde. Tu n'as jamais pensé à te venger de Skeeter ? »

Une lueur d'intérêt traversa le regard d'Anastasiya.

« Ne serais-tu pas en train de chercher quelqu'un qui pourrait effectuer le sale travail à ta place, Evans ? »

Lily esquissa un sourire malicieux.

« Je me disais juste que de nombreuses personnes devaient lui en vouloir. Mais je dois t'avouer que je ne serais pas contre lui jouer un petit tour lui faire une petite frayeur… »

Anastasiya s'arrêta net, dardant un œil interloqué sur la Gryffondor.

« Lily Evans, susurra-t-elle avec une once de plaisir non cachée, serais-tu en fait dotée d'une dose de sournoiserie bien dissimulée ?

- Tu fais fausse route, répondit faiblement Lily. Je ne souhaite pas lui faire de mal seulement la faire réfléchir aux conséquences de ses actes… bredouilla-t-elle.

- Qu'attends-tu de moi ? la coupa Anastasiya. Je ne vois pas en quoi je pourrai t'aider. Je n'en ai même pas l'envie.

- Je ne m'attendais pas à ce que tu m'aides, répliqua Lily. Seulement que tu me couvres.

- J'en ai assez, de ces Gryffondor qui se croient tout permis sous prétexte que quelqu'un est là pour les « couvrir », maugréa entre ses dents la Serpentard. Demande à Lupin, c'est lui l'expert en la matière. »

Lily soupira, ne pouvant être que d'accord sur ce point. Et elle se rendit compte que c'était la première fois qu'elle discutait réellement avec sa binôme de Serpentard, en six ans de scolarité commune et une année de rondes à travers l'école. Cela ne lui semblait pas si désagréable, tout compte fait, si l'on exceptait les remarques acerbes que la brune lâchait ponctuellement.

« Je te propose un marché, Karkaroff.

- Je t'écoute, répondit distraitement Anastasiya.

- Je m'arrange pour échanger les dernières rondes du planning que tu auras à effectuer avec Lupin cette année, et, en retour, tu m'aides à faire couler le journal de Skeeter.

- Ce sera la troisième fois en l'espace de quelques semaines que les rondes seront modifiées, Evans les autres vont se plaindre.

- T'occupe, trancha la Préfète-en-chef. Je gèrerai ça. Alors ?

- Cela me semble léger, comme contrepartie. »

Lily soupira.

« Que proposes-tu d'autre ?

- Je veux que tu m'aides à coincer Black et Potter lors de leurs sorties nocturnes impunies. Donnant, donnant. Je t'aide à mettre hors d'état de nuire l'une de mes camarades de maison tu m'aides à faire de même avec les tiens.

- C'est d'accord.

- Sérieusement, Evans ? Es-tu sûre que tu serais prête à faire du mal volontairement à quelqu'un ? lança Anastasiya, sceptique. Quoique, au vu de cette histoire avec Hawkins…

- Hawkins a tenté de m'attaquer la première, avoua Lily. Le sort que j'ai lancé était de la légitime défense. Son sortilège a ricoché contre mon bouclier, et elle se l'est pris de plein fouet. Fin de l'histoire.

- Et quelle histoire… marmonna la russe avec déception. Et concernant Skeeter ?

- Je ne veux pas lui faire de mal, la contredit fermement Lily. Je te l'ai dit je veux simplement qu'elle cesse de répandre ses immondices à travers toute l'école. »

Contre toute attente, Anastasiya se tourna vers elle. La sorcière russe, le visage fermé mais les yeux brillants de perfidie à la lueur de la pleine lune filtrée par l'une des immenses fenêtres de Poudlard, tendit sa main libre en direction de la Gryffondor.

« Marché conclu. Mais juste une chose, Evans : si tu parles à qui que ce soit de ce pacte, c'est à toi, que je finirais par nuire. »

Lily, la main tremblante, attrapa celle de la Serpentard, scellant ainsi un marché des plus incongrus avec l'une des dernières personnes à laquelle elle aurait pensé parmi tous les élèves de l'école.

 


 

Il était encore très tôt, le lendemain matin, lorsque quatre silhouettes apparurent sous le Saule Cogneur du parc de Poudlard. Emergeant d'un trou profond bien dissimulé, les quatre garçons de septième année semblaient revenir d'une nuit mouvementée. Leur allure débraillée parlait d'elle-même deux des plus grands soutenaient le troisième, exténué, afin de l'aider à se déplacer, tandis que le dernier, plus petit et trapu que les autres, les suivait de près en traînant les pieds, trébuchant contre les racines de l'arbre anormalement immobilisé. Leurs vêtements typiquement moldus enfilés en vitesse la veille au soir étaient plein de terre et de poussière, sans parler du visage creusé et maladif de celui qui ne tenait plus debout.

L'un des deux garçons qui soutenait ce dernier ralentit le pas, levant le visage vers le ciel où l'aube commençait à poindre. Il secoua la tête pour dégager de ses yeux gris les mèches rebelles de ses cheveux mi-longs, qu'il refusait de couper. Certains lui auraient fait remarquer que les garder si longs trahissait son appartenance à l'une des si traditionnelles familles sang-pur. Il leur aurait alors rétorqué que cela lui conférait surtout une allure de bad boy revêche qui attirait les filles comme des mouches. Tout n'était qu'une question de point de vue, aurait surenchérit son ami James dans un éclat de rire.

Le dit James l'observa un instant, perdu dans ses pensées.

« Patmol, lui dit-il, tu es étrange depuis hier. Quelque chose te tracasse ? »

Patmol se tourna vers son ami, s'assurant de l'état de celui qu'ils soutenaient au passage.

« Je suis juste un peu fatigué, répondit-il. Mais ce n'est rien en comparaison de Remus. Amenons-le à l'infirmerie avant que les autres élèves se réveillent. Madame Pomfresh doit l'attendre.

- Si Rusard ou Karkaroff nous trouve en train de rôder dans les couloirs, on est morts, ajouta le quatrième garçon avec couinement.

- Il va falloir faire preuve de discrétion, Queudver, dit Sirius d'un air mutin. Sans la cape, tu vas devoir user de tes talents en la matière.

- Inutile, souffla faiblement Remus. Les préfets terminent leur ronde bien plus tôt. Mais retournez directement dans notre salle commune. Si vous traînez en route et que Karkaroff vous voit dehors, elle risque de ne plus répondre de rien. »

Les quatre garçons arrivèrent à l'infirmerie, où ils déposèrent expressément Remus en prenant garde de ne pas croiser Madame Pomfresh, cette dernière n'étant pas au courant de la compagnie qu'apportaient les garçons à leur ami chaque nuit de pleine lune. Une fois Remus installé dans l'un des lits, ils s'empressèrent de quitter les lieux pour repartir en direction de la tour de Gryffondor.

Sur la route, Sirius s'arrêta un instant au croisement de deux rangées d'escaliers, chacune rejoignant un étage différent. Il hésita. L'un des escaliers menait au couloir où se situait l'entrée de sa salle commune. L'autre menait tout droit à la tour d'Astronomie.

« Rentrez sans moi, déclara-t-il à l'attention de James et de Peter. Je serai de retour dans nos dortoirs avant le petit-déjeuner.

- Où est-ce que tu vas ? s'enquit Peter, sans réponse alors que Sirius montait rapidement les escaliers dans la direction opposée.

- Laisse, Queudver. Sirius est le plus doué d'entre nous pour ne pas se faire pincer. »

Sirius savait qu'il aurait dû rentrer avec ses amis à la tour de Gryffondor. Il savait que ce qu'il faisait était vain et inutile. Mais il avait besoin de vérifier ce qui le taraudait depuis deux jours. Il poursuivit son ascension cette fois-ci dans la tour qui menait au toit plat du site d'Astronomie de l'école. A pas de loup, le plus silencieusement que possible, il s'approcha de la vieille porte en bois qui menait à l'extérieur. Il la poussa lentement, puis avança au milieu du rooftop de la tour d'Astronomie. Les lieux étaient déserts.

Il fit demi-tour et repartit aussi vite vers la salle commune de Gryffondor.

 


 

Accoudée à la table ronde qui trônait près de la Réserve Interdite, au fond de la bibliothèque de Poudlard, Victoire bâilla à s'en décrocher la mâchoire. Elle avait profité de cette paisible matinée de week-end pour s'isoler dans l'endroit à moitié caché, certaine que personne ne viendrait l'y importuner. Seulement, aucune page du manuel d'Histoire de la Magie ouvert devant elle n'avait été tournée depuis son arrivée une heure plus tôt. Elle avait même décidé de sauter le petit-déjeuner dans le but de réviser, mais elle ne parvenait décidément pas à se concentrer plus d'une minute.

Elle lâcha un gémissement plaintif avant de croiser les bras sur le livre et d'y enfouir la tête, les yeux clos.

La vérité était que Victoire ne parviendrait pas à retenir quoi que ce soit. Ou de se concentrer sur quoi que ce soit. Son esprit était bien trop distrait par la lettre qu'elle avait adressée à son mystérieux correspondant en retour aux siennes, nombreuses.

« Que choisiras-tu ? De tout arrêter, ou de laisser fondre ton masque de glace pour accepter de me parler ? »

Elle l'avait rejeté. Elle l'avait envoyé planter des citrouilles d'une façon si impérieuse et virulente qu'elle ne cessait de repenser à ses propres mots qui la dégoûtaient.

Elle ignorait totalement qui se cachait derrière ces multiples lettres qui avaient commencé à la hanter. Ces mots doux, attirants, aussi énervants qu'enchanteurs. Les remarques très justes – trop justes – de cet inconnu qui semblait percer le moindre de ses secrets. Les phrases qui sonnaient comme une promesse presque trop belle comme si elles cachaient un infâme coup-bas qui finirait par tomber au moment où elle aurait enfin baissé la garde. Ce qu'elle avait bien failli faire, d'ailleurs.

Se jouait-on d'elle ? Alors, elle avait bien fait d'envoyer sur les roses ce correspondant sorti de nulle part. Mais si cela se révélait bien plus sérieux ? Que l'autre élève voyait réellement au-delà de ce qu'elle laissait transparaître, au-delà de ce que tout le monde voyait ? De ce qu'elle voulait que l'on vît ? Veux-tu seulement continuer sur cette lancée, Victoire… ?

Aucune réponse n'était pas parvenue suite à sa missive des plus salées. Et étrangement, la jeune fille avait espéré qu'il n'y en aurait une. Mais il l'avait prévenue. Il avait fixé les règles du jeu qui s'était progressivement lancé entre eux. La partie ne pouvait plus se poursuivre à un seul joueur soit elle s'arrêtait là, soit Victoire faisait son entrée pour participer au prochain round.

Elle avait préféré abandonner la partie. Elle ne savait pas si elle le regrettait, ou si elle se sentait soulagée en constatant que son correspondant secret acceptait docilement la situation.

Qu'est-ce qui ne tournait pas rond, chez elle ? Comment avait-elle pu se laisser attendrir par de simples mots écrits sur un vulgaire morceau de papier par le premier idiot un peu trop entreprenant venu ? Elle avait terriblement honte. Honte d'avoir été prise au piège si facilement. Honte de ne pas être suffisamment maligne pour deviner l'identité de l'auteur de ces lettres. Honte de s'être écartée un infime instant de tout ce qu'elle avait construit durant des années.

Elle avait tout pour être heureuse, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi avait-elle été sur le point de tout ficher en l'air ?

Deux iris orageuses se rappelèrent à elle. Seules deux personnes étaient supposées connaître suffisamment de choses à son propos pour parvenir à abattre aussi vite les remparts qu'elle avait eu tant de mal à ériger depuis son arrivée à Poudlard. Mais ni l'une, ni l'autre ne se serait amusée ainsi avec elle. Victoire en était persuadée. Et pour cause : la première n'adhérait pas à toutes ces idées ; la seconde méprisait bien trop ceux qui suivaient les idéaux sang-pur pour perdre son temps avec l'un d'eux. Aucun des deux ne trouverait un intérêt ; et pourtant, cela aurait rendu les choses tellement plus simples…

Elle soupira longuement, abattue, les méninges à vif, avant de se redresser. Son regard croisa les mêmes yeux gris et indéchiffrables que ceux qui habitaient ses pensées un instant plus tôt.

Regulus Black se tenait droit devant elle, soutenant son regard avec un calme olympien. L'absence de réaction de la jeune fille, qui le fixait sans dire un seul mot, ne l'étonna pas. Il se contenta de tirer la chaise qui lui faisait face pour s'y asseoir, étendant ses longues jambes et croisant les bras. Même dans cette posture qui se voulait décontractée, l'allure de Regulus hurlait à la prééminence.

Lorsque les yeux insondables glissèrent à nouveau sur elle, Victoire frissonna, mal à l'aise.

« Bonjour Vickie, lança-t-il d'une voix claire et assurée.

- Bonjour, Regulus… » répondit-elle faiblement, ne sachant que faire.

Un nouveau silence s'abattit sur eux alors qu'ils s'observaient en chien de faïence. Victoire avisa l'uniforme de Quidditch dont était déjà vêtu Regulus, devenu le nouvel attrapeur de l'équipe de Serpentard.

« J'ignore ce que tu cherches dans cette bibliothèque, mais le terrain de Quidditch se trouve du côté du parc, lui fit finalement remarquer platement Victoire, retournant à la lecture de son livre d'Histoire de la magie.

- Réflexion des plus perspicaces, répondit Regulus. C'est toi que je cherchais, Vickie. »

Victoire tiqua au surnom que lui donnait si facilement son camarade de Serpentard, et releva la tête. La fixant toujours, il semblait de marbre. Pourtant, elle était certaine de percevoir l'ombre d'un sourire en coin qui ne demandait qu'à fleurir sur ses lèvres.

« Tu me cherchais ?

- Cela a l'air de te surprendre.

- Un peu. Car je n'ai rien à te dire. »

Le sourire naissant de Regulus fana. Il se redressa sur sa chaise et s'accouda à la table, le menton posé dans la main. Victoire avait la désagréable impression que ses yeux d'acier la sondaient esprit et âme.

« Il va pourtant falloir t'habituer à ma présence, tu sais.

- Je pense avoir une marge de manœuvre suffisamment importante pour ne guère m'en soucier pour le moment, répondit-elle du tac au tac en détournant les yeux vers son livre.

- Tu ne pourras pas m'éviter encore très longtemps, si je ne m'abuse…

- Pas si tu t'amuses à raconter à tous tes drôles de copains que nous serons liés dès notre sortie de Poudlard, en effet ! claqua-t-elle finalement.

- Nous sommes déjà « liés » depuis un petit moment, Vickie, soupira Regulus. Depuis l'instant où mon traître de frère a déserté la maison. »

Et voilà qu'elle revenait. Cette sensation de suffoquer. L'angoisse devenue trop familière était réapparue, insidieusement, et menaçait de se propager à une vitesse incontrôlable devant l'une des dernières personnes qu'elle souhaitait voir ces derniers temps. Victoire inspira profondément, tentant de garder son calme sous celui dont la seule présence semblait la consumer. Cela faisait pourtant plusieurs semaines que cela n'était plus arrivé.

Face à son désarroi visible, Regulus esquissa un sourire navré était-ce de la déception qu'elle lisait sur son visage ?

« Je sais que tu aurais préféré que tout se déroule comme il l'avait toujours été prévu, murmura Regulus davantage pour lui-même.

- Arrête…

- Mais je n'ai pas demandé à Sirius de partir.

- Reg, s'il te plaît…

- Je suis désolé, Vickie. Je voulais juste que tu le saches » termina Regulus en se levant.

Victoire vit Regulus tourner les talons pour partir. Entre temps, il s'était recomposé un visage totalement neutre, qui ne trahissait aucunement le semblant de peine qu'elle avait entrevue un court instant.

Elle ne chercha ni à la retenir, ni à le rattraper. À quoi bon ? Tout avait été dit.

Comment avaient-ils pu en arriver là ? Dans son enfance, elle avait aimé Regulus. Autant qu'elle avait aimé Sirius. Ils avaient incarné, à ses yeux, un phare dans la nuit. Un phare qui éclairait les eaux sombres au-dessus desquelles elle pataugeait dangereusement. Les deux frères Black, auprès desquels elle avait grandi, représentaient à ses yeux le juste équilibre qui lui avait toujours manqué.

Sirius, l'aîné solaire qui dardait ses rayons sur tout ce qui l'entourait, à l'en aveugler. Regulus, le cadet lunaire dont le calme et la sagesse apaisaient les âmes contrariées. Victoire se retrouvait entre les deux. Elle leur tenait la main pour ne pas se laisser engloutir par les abymes qui l'oppressaient.

Puis ces relations s'étaient brisées. Sirius rayonnait plus que jamais, bravant les interdits de sa famille en quête de liberté jusqu'au point de non-retour. Pendant ce temps, la lueur de Regulus s'affaiblissait sous le poids des responsabilités. Et Victoire leur avait lâché la main depuis longtemps, sombrait peu à peu, spectatrice impuissante des deux pontons qu'arpentaient les deux êtres qui avaient le plus compté à ses yeux autrefois.

Deux chemins dont elle-même s'éloignait pour son propre bien : la lumière et l'obscurité. Mais pour combien de temps, encore ?

Victoire sortit de son sac le carnet à souhait que lui avaient offert les jumelles Dhont le jour de la rentrée. Déchirant l'une des pages à la volée, elle y griffonna quelques phrases avant de souffler lentement dessus.

Une flamme écarlate consuma instantanément le papier.

« Que mes yeux perdus dans le noir retrouvent la lueur de ce phare. Que ma main retienne ce qui lui est le plus cher. Que mon esprit retrouve la raison et sache me mener dans la bonne direction... »

End Notes:

Un pacte entre une Gryffondor et une Serpentard ? C'est pas vrai ? Comment est-ce possible ?! En même temps, qui ne souhaiterait pas stopper l'incorrigible Rita Skeeter...?

Petite précision, par ailleurs, à son sujet : Skeeter est censée être plus âgée que la Marauders Generation, d'après les informations données par J.K. Rowling. Mais j'ai choisi de l'intégrer à ces années de scolarité à Poudlard afin de mieux servir l'intrigue.

Avouons tout de même que la légitime défense correspond davantage à Lily Evans que l'attaque bête et méchante au détour d'un couloir, n'est-ce pas ? De là à s'allier à une élève de Serpentard... hm, c'est qu'elle a de la ressource, notre Lily ! Une alliance avec Ana est-elle réellement une bonne idée ? 

Victoire semble un peu perdue, de son côté. Saura-t-elle retrouver son chemin ? Regulus l'y aidera-t-il ? 

Affaires à suivre ! 

Chapitre 7 - Glissement by Red Plumette
Author's Notes:

Hello, j'espère que vous allez bien.

Voici le chapitre 7 !

Bonne lecture (-:

 

Chapitre VII

« Je ne saurais tolérer la présence d'un traitre-à-son-sang dans notre famille, me suis-je bien fait comprendre ?! » Theobald Duchesne


 

Ce matin-là, un parfum de changement flottait dans l'air.

Octobre venait de défiler à une vitesse vertigineuse, sans que Victoire ne le vît réellement passer. Entre les cours qui avaient repris leur rythme de façon plus sérieuse et soutenue, ses moments passés à la bibliothèque pour ses devoirs et révisions – tantôt accompagnée par Ophelia, tantôt par Severus, et parfois suivie par Anastasiya –, les soirées passées au coin du feu dans la salle commune de Serpentard et les autres occupations possibles pour tout élève de l'école de sorcellerie, les questions et problèmes avec lesquels elle s'était trouvée en prise avaient fini par la laisser souffler. Ou plutôt, elle avait fini par les chasser, préférant se concentrer pleinement sur ses études.

Si la jeune fille s'était considérablement rapprochée d'Ophelia dont la présence lui offrait un havre de paix, elle ne croisait plus beaucoup sa sœur jumelle, Amalia, qui passait son temps à batifoler avec Nérée Avery depuis qu'elle avait décidé de mettre un terme à la relation qu'elle entretenait à distance avec le sorcier de Beauxbâtons. De son côté, Anastasiya se retrouvait très prise par ses devoirs de préfète ainsi que par les entraînements de Quidditch. Flint avait décidé de multiplier les heures d'entraînement afin de mieux intégrer les nouveaux joueurs et mettre en place une stratégie qui était censée – d'après ses dires – mener leur maison à la victoire. C'était ainsi que la sorcière russe revenait épuisée aux dortoirs, se laissant tomber sur son lit chaque soir après avoir lutté avec les rondes nocturnes, les sessions de Quidditch ou encore sa montagne de devoirs qui ne faisait que s'accumuler.

« Tu devrais te ménager un peu, Nastya, lui conseillait Ophelia dans ces moments-là. Si cela continue, l'année prochaine, tu devras abandonner le sport pour passer convenablement tes ASPIC…

- Abandonner le Quidditch ?! s'exclamait alors Ana, indignée. Jamais ! »

Un club de duel avait également été lancé par les professeurs de Sortilèges et de Défense contre les forces du Mal. Seuls les élèves de la cinquième à la septième année étaient autorisés à s'y inscrire, mais les plus jeunes avaient le droit d'assister aux duels de leurs camarades qui étaient encadrés par les professeurs. Victoire n'était pas dupe, tout comme de nombreux autres élèves. Le danger rôdait, à l'extérieur du château, et les professeurs essayaient de mettre en place un dispositif qui permettrait à leurs étudiants d'acquérir des réflexes susceptibles de leur servir en cas de nécessité, une fois qu'ils sortiraient diplômés de Poudlard.

La presse dévoilait des disparitions, de plus en plus nombreuses. Des attaques commençaient à être menées de front contre des nés-moldus et leurs familles. La Marque des Ténèbres apparaissait clairement en photo dans la Gazette du Sorcier ou le Daily Prophet, luisant de son vert vif et diaphane. Les regards se tournaient de plus en plus vers les Serpentards, dont la plupart des familles prônaient la pureté du sang ainsi que toutes les anciennes valeurs et traditions que défendait corps et âme celui qui se faisait appeler Lord Voldemort. Ces derniers, du moins les plus âgés, semblaient plus soudés et complices que jamais, ayant commencé à se réunir régulièrement dans des lieux dont Victoire n'avait aucunement connaissance, tel un véritable cercle fermé où elle et plusieurs autres élèves de sixième ou septième année (y compris Ana et Ophelia) n'étaient pas conviés. Ce qui n'était pas pour lui déplaire, en réalité.

Mais les problèmes étaient loin d'avoir atteint leur apogée, et cela, la jeune fille aurait préféré l'ignorer. La complication prit la forme d'un courrier, distribué lors du petit-déjeuner. Le hibou grand-duc familial laissa tomber une enveloppe rouge vif à la table des Gryffondor, juste devant son frère de première année.

Edouard Duchesne parut d'abord stupéfait à la vue de la missive écarlate. Puis, n'écoutant plus ce que lui racontait son ami Bilius Weasley, il chercha du regard sa sœur à la table des Serpentards, de l'autre côté de la Grande Salle. Cette dernière capta sa détresse et lui intima d'ouvrir immédiatement la lettre avant d'aggraver les choses. Un ordre silencieux, communiqué par le regard, mais que le garçon n'eut aucun mal à saisir.

Déglutissant avec appréhension, il attrapa l'enveloppe qu'il ouvrit comme au ralenti.

EDOUARD THEOPHANE DUCHESNE !

Un silence de plomb s'abattit instantanément dans la Grande Salle tandis que le garçon de première année se tassait sur sa chaise. La voix de Theobald Duchesne reprit plus fort, avec toute l'impériosité dont elle était capable :

TU ES LA HONTE DE NOTRE FAMILLE !

NON CONTENT D'INTÉGRER UNE MAISON REMPLIE DE SANGS IMPURS, DÉSHONNORANT NOTRE NOM, TU TE FAIS DÉJÀ REMARQUER EN T'ACOQUINANT À DES TRAÎTRES-À-LEUR-SANG ET EN TE CONDUISANT DE MANIÈRE TOUT BONNEMENT INADMISSIBLE ?!

MAIS QU'AVONS-NOUS DONC FAIT, VOTRE MÈRE ET MOI, POUR ENGENDRER DE TELS ENFANTS ?!

Les regards passèrent d'Edouard à Victoire, qui serra le poing.

IL S'AGIRA DU DERNIER ECART DE TOUTE TA SCOLARITÉ, MON GARÇON !

S'IL S'AVÈRE QUE TU N'AS PAS COMPRIS LA LEÇON, JE TE FERAIS EXPÉDIER TOUT DROIT À DURMSTRANG !

JE NE SAURAIS TOLÉRER LA PRÉSENCE D'UN TRAÎTRE-À-SON-SANG DANS CETTE FAMILLE, ME SUIS-JE BIEN FAIT COMPRENDRE ?!

Alors que la Beuglante semblait peu à peu se calmer, elle se tourna en direction de Victoire, qui n'avait pas desserré les poings sous la table. La main chaude d'Anastasiya enveloppait l'un d'eux dans un geste qui se voulait apaisant.

Je t'avais pourtant demandé de le surveiller, Victoire.

Nous vous attendrons, Edouard, Regulus et toi, au Manoir des Black pour les vacances de Noël.

Regulus ; je te prie d'accepter de veiller sur eux.

Regulus Black hocha solennellement la tête devant les airs ahuris des élèves qui chuchotaient entre eux, tandis que la Beuglante s'autodétruisait sans plus de cérémonie, en ayant terminé avec le message qu'elle avait à délivrer. Edouard, rouge de honte, jetait des regards nerveux autour de lui. Il finit par se lever pour quitter la Grande Salle à grands pas, seul, sous les murmures des élèves de plus en plus sonores.

Au diable la fierté et les convenances. Victoire enjamba le banc sur lequel elle était encore figée quelques secondes plus tôt pour sortir à la suite de son petit frère, faisant fi des regards et des commérages.

Elle le retrouva aux abords du Lac Noir, jetant rageusement des cailloux dans ses eaux profondes. Après une brève hésitation, elle le rejoignit, s'asseyant dans l'herbe non loin du bord.

« Tu t'y prends mal, lui signala-t-elle dans leur langue maternelle alors qu'il lançait un énième caillou sans faire le moindre ricochet.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?! grinça le première année entre ses dents en poursuivant d'un geste encore plus nerveux.

- Si tu continues, tu vas finir par assommer le pauvre calamar géant.

- Je n'en ai rien à foutre ! » explosa Edouard en se tournant vers sa sœur.

La caillasse qu'il avait jetée dans sa colère prit la direction de la jeune fille, qui dut esquisser un mouvement sur le côté pour l'esquiver. Edouard porta une main à sa bouche, choqué par son propre geste à l'encontre de sa sœur. Aucun mot d'excuses n'en sortit pour autant. Le garçon se contenta d'approcher, se laissant tomber à genoux à ses côtés. Puis il se jeta dans ses bras, ses tremblements de rage muant progressivement en sanglots. Victoire s'accrocha à lui d'une main tandis que l'autre lui caressait tendrement les cheveux.

« Je ne pensais aucun de mes mots, parvint-il à hoqueter entre deux sanglots. Tout ce que j'ai pu te dire… Je n'aurais jamais dû…

- Chut… lui intima doucement Victoire. Ce n'est pas grave.

- Je t'aime, Victoire.

- Moi aussi, je t'aime. Je t'aimerai toute ma vie, quelle que soit la personne que tu deviendras. Sache que je serai toujours fière de toi. »

 


 

Victoire arriva en retard au Club de Duel. Elle avait veillé sur Edouard une bonne partie de la matinée, les deux frère et sœur passant du temps ensemble pour la première fois depuis l'arrivée du garçon à Poudlard. La jeune fille comptait sur la compréhension de ses professeurs afin d'éviter une nouvelle missive à l'adresse du manoir familial pour avoir raté l'un comme l'autre les deux premiers cours de la journée...

Lorsqu'elle poussa les portes de la Grande Salle qui avait été réaménagée pour laisser place à la longue estrade du club, l'attention se braqua sur elle et de nouveaux murmures s'élevèrent à sa vue. Se focalisant sur ses amies qu'elle trouva rapidement dans l'assemblée, elle les rejoignit la tête haute et le regard hautain à l'égard de chaque curieux qui la dévisageait, son habituel masque d'héritière sang-pur soigneusement mis en place.

Arrivée à hauteur de ses trois amies, Anastasiya prit sa main dans la sienne et la serra fort. Ophelia, un peu plus en recul, fit de même avec l'autre, sous l'œillade silencieuse d'Amalia.

«  Le Professeur Flitwick souhaite lancer un tournoi, chuchota Ophelia près de son oreille. Des binômes s'affronteront sur chaque round seuls les duos vainqueurs verront leur participation se poursuivre au cours des prochaines sessions.

- Pour aujourd'hui, nous allons nous contenter de former les binômes afin que vous puissiez vous inscrire dans les formes, expliqua le petit professeur d'une voix claironnante. Pour cela, nous vous laissons l'heure pour vous mêler un peu entre vous, puis vous exercer gentiment et tester votre capacité à vous accorder au coéquipier choisi. Vous pouvez donc vous affronter en duels amicaux ; les mélanges entre maisons sont évidemment recommandés ! »

D'un coup de baguette, le Professeur Flitwick fit disparaître l'estrade, laissant toute la place nécessaire aux futurs duels de complaisance entre les groupes d'élèves. Ces derniers se mirent à s'élancer les uns vers les autres en quête d'un binôme.

Amalia s'accrocha d'emblée au bras d'Avery, tout sourire.

« Ophia, minauda-t-elle, cela ne te dérange pas, si je ne participe pas avec toi ? »

Ophelia lui renvoya un coup d'œil ennuyé. Elle ne comptait pas demander à sa sœur jumelle de concourir avec elle… Mais bien évidemment, cette dernière pensait qu'elle se cacherait derrière ses robes. Une fois de plus.

« Aucun problème, Amy ! » répondit la jeune fille avec un sourire forcé. « Je pense pouvoir parfaitement me débrouiller sans toi. »

Amalia plissa le nez devant l'air ironique de sa sœur, avant de tirer Avery à sa suite en direction de son groupe d'amis avec lequel elle passait de plus en plus de temps. Victoire, qui n'avait rien raté de l'échange, les suivit attentivement des yeux. Elle aperçut parmi eux Severus et Regulus. Le cadet Black accrocha son regard. Victoire se mordit nerveusement la lèvre inférieure en le voyant amorcer un mouvement dans sa direction.

« Il s'est passé quelque chose avec Amalia ? demanda-t-elle à la jumelle à ses côtés en surveillant la progression du jeune homme vers elles.

- Pas vraiment, non… Elle m'énerve, lui confia Ophelia dans un soupir. C'est comme si j'étais toujours une gamine timide et craintive, à ses yeux…

- Laisse, la rassura Anastasiya. Amalia n'est pas méchante elle est juste… dans son monde ? Surtout en ce moment, poursuivit-elle en faisant mine de vomir. Bon, je suis navrée de vous présenter ainsi les choses, les filles, mais nous sommes trois : l'une de nous devra trouver un autre coéquipier…

- Victoire participera au tournoi à mes côtés, éluda une voix masculine derrière Anastasiya. Si elle l'accepte, bien sûr… » précisa le nouveau venu avec réserve.

Anastasiya se retourna pour se retrouver face à un Regulus Black qui la dépassait d'une tête. Elle ouvrit la bouche pour objecter que son amie était suffisamment grande pour choisir elle-même son binôme mais fut prise de cours par cette dernière.

« J'accepte. »

Ana et Ophelia la regardèrent hébétées. Comment ça, elle acceptait ?!

« Bien, dit Regulus avec un micro sourire. Si tu souhaites t'exercer avec tes amies, cela ne me pose aucun problème.

- Je préférerais, en effet, confirma-t-elle après un bref regard en direction de son groupe d'amis.

- Bon, eh bien, on dirait que la question des binômes est résolue… » marmonna la russe en se positionnant aux côtés d'Ophelia.

Les premiers sorts fusèrent dans la salle. Pour débuter leur entraînement, le quatuor ainsi formé s'était mis d'accord pour procéder par alternance : un premier duo lançait des sorts offensifs classiques, tandis que le second les bloquait ou les esquivait. Regulus profita de la distance maintenue avec les amies de Victoire ainsi que du peu de concentration que le rôle d'attaquant leur conférait pour engager la discussion.

« Je ne m'attendais pas à ce que tu acceptes si facilement, déclara-t-il.

- Moi non plus, admit Victoire après avoir lancé un sort de désarmement.

- Qu'est-ce qui t'a poussé à le faire, dans ce cas ? demanda-t-il avec défiance.

- J'aimerais juste comprendre. »

Regulus arrêta son geste, la baguette tendue en direction d'Anastasiya alors qu'il s'apprêtait à jeter un sortilège. Il fronça les sourcils devant Victoire qui semblait tout mettre en œuvre pour éviter de lui faire face.

« Comprendre ? souligna-t-il, le bras toujours en suspens.

- Bon, Black, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?! s'exclama Ana à plusieurs mètres.

- Bloclang ! lança-t-il. Qu'est-ce que tu entends par comprendre ? » poursuivit-il baguette baissée, toute son attention reportée sur la blonde à ses côtés.

Victoire ne put retenir un sourire amusé à la vue d'Anastasiya qui ne pouvait plus parler, agitant rageusement les bras en direction de Regulus pendant qu'Ophelia tentait de la calmer.

«  Victoire… » soupira Regulus en se pinçant l'arête du nez, « J'ai vraiment du mal à te cerner ces temps-ci. Pourrais-tu faire un effort, s'il te plaît ? Même minime ? »

La jeune fille tourna enfin la tête vers lui, le jaugeant de ses yeux bleu clair. L'amusement qu'ils affichaient quelques secondes plus tôt avait disparu, laissant place à la méfiance que le garçon redoutait d'y apercevoir une fois de plus.

« Un effort ? » répéta la française. « Devenir ton équipière n'en est-il pas déjà un ? »

Touché. Regulus pinça les lèvres mais ne répondit rien, prenant sur lui. Il savait que regagner la confiance de celle qui deviendrait très bientôt sa fiancée ne serait pas des plus faciles mais il espérait qu'elle accepterait au moins de lui parler, même pour la forme. Visiblement, ce n'était pas dans les plans de la jeune fille. Sans parler de son attitude froide ainsi que la distance qu'elle semblait tenter de maintenir entre eux… Cela faisait plusieurs années qu'ils ne s'adressaient plus la parole, cohabitant en tant que vulgaires camarades qui s'ignoraient au sein de la maison Serpentard. Regulus comprenait qu'elle puisse encore lui en vouloir mais depuis quand semblait-elle… avoir peur de lui ?

Il s'apprêtait à lui poser la question mais fut interrompu par l'arrivée de ses deux amies, dont l'une en furie.

« Black ! Comment oses-tu ?! Tu n'es pas censé jeter ce genre de sort ! rugit Anastasiya, indignée.

- Sans rancune, Karkaroff, dit-il en haussant les épaules. L'objectif est de neutraliser l'ennemi, n'est-ce pas ? Tous les coups sont permis.

- Sale petit…

- C'est bon, Ana, temporisa Ophelia en tapotant l'épaule de son amie, ce n'est pas grave. Il a raison : tu ne t'attendais tellement pas à recevoir ce genre de sortilège que tu ne l'as pas vu venir…

- Non, réfuta Ana avec nervosité. Il s'est ramené uniquement parce qu'il préfère discuter avec Vi' plutôt que s'exercer sérieusement !

- Alors c'était très ingénieux. Bravo ! complimenta-t-elle Regulus. Je devrai penser à lancer ce sort plus souvent, moi aussi, pour faire taire Amalia lorsqu'elle m'agace… »

Victoire pouffa de rire, avant de se reprendre devant son binôme qui regardait les trois filles avec intérêt. Ce n'était peut-être pas une bonne idée d'arpenter cette pente glissante devant l'un des membres du groupe d'Avery, avec qui Amalia passait actuellement tout son temps...

« C'est vrai que Dhont peut parfois être un moulin à paroles, acquiesça Regulus avec un sourire en coin. Contrairement à certaines… » ajouta-t-il à l'attention de Victoire qui détourna le regard.

Ophelia se tortilla sur place, mal à l'aise, ayant compris la machination subtile de son camarade de maison. Elle tira sa partenaire par la manche afin de l'éloigner et laisser les deux autres seuls à seuls.

« Bon, avant que Nastya se mette à jouer son rôle favori de harpie vengeresse, je vous propose de changer de façon de procéder : chaque binôme n'a qu'à s'entraîner dans son coin. Cela évitera tout malentendu ! »

Ana allait répliquer quand elle fut entraînée par la jumelle suffisamment loin pour ne plus les déranger. Victoire fit la moue en reprenant position, décroisant les bras, la main serrée sur sa baguette. Elle s'éloigna de Regulus de quelques pas.

« Attaque ou défense ? l'interrogea-t-elle froidement.

- Défense, répondit Regulus. »

La jeune fille hocha la tête avant d'ouvrir l'offensive sans prévenir. Regulus créa spontanément un bouclier sur lequel le sort rebondit. Il esquissa un sourire en coin, traversé par un frisson d'excitation. Regulus adorait les duels. Et il se doutait que son adversaire ne lésinerait pas sur les attaques malgré les consignes du Professeur Flitwick ; les non-dits accumulés avaient besoin de sortir, mais il était évident que Victoire resterait muette comme une tombe. Ses gestes, en revanche, en révéleraient bien plus que ce qu'elle pouvait imaginer…

Un second sort fusa après une courte pause, la jeune fille espérant que son partenaire baisserait la garde dans l'attente. Perdu. Il était plus concentré que jamais.

« C'est tout ce dont tu es capable ? » la titilla-t-il. « Quelle déception… »

Il invoqua un nouveau Protego face au troisième sort. Elle venait de lui lancer un Expulso… Le ton montait, visiblement.

« Moi non plus je ne te comprends pas, Vickie… » lâcha-t-il en référence à leur conversation précédente. « Je ne te comprends plus.

- Furunculus ! »

Sérieusement ? Ils en étaient à ce stade ? Elle le détestait suffisamment pour souhaiter le défigurer en plus de l'envoyer valser contre un mur ?

« Je sais que tu es fâchée, tu sais. Mais je me suis déjà excusé…

- Crache-Limaces ! »

Bon… Elle lui en voulait au point de tenter de lui faire vomir des gastéropodes. Très bien…

« Est-ce que je te fais peur, Victoire ? demanda-t-il finalement.

- Incarcerem ! »

Celui-là, Regulus ne l'avait pas vu venir. D'épais cordages jaillirent pour lui tomber dessus, le ligotant fermement. Il perdit l'équilibre et tomba à la renverse sous l'air satisfait de sa partenaire qui le toisait fièrement. Soutenant son regard d'un air digne malgré sa position de faiblesse, affalé sur le sol, Regulus poursuivit :

« Ou est-ce que je te dégoûte au point que tu ne t'imagines pas une seule seconde épouser un type de mon espèce ? »

Victoire se figea, les yeux arrondis par la surprise. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il lui pose une telle question, encore moins en risquant d'être entendu par tant de monde autour. Elle baissa lentement sa baguette, incertaine quant à la réponse à donner.

« Tu ne me dégoutes pas, le contredit-elle tout de même faiblement, sa voix se perdant dans le brouhaha des autres élèves autour d'eux.

- Mais je t'effraye. »

L'absence de réponse de la part de la française acheva de convaincre Regulus, le laissant pantois face à l'évidence. Il fut toutefois surpris de la voir réduire les quelques mètres qui les séparaient pour se poster devant lui, en silence, avant de s'agenouiller à ses côtés après un bref moment d'hésitation.

Oui, elle avait peur. Il en était sûr et certain. Ses yeux fuyants ainsi que son visage fermé qui tentait de neutraliser sa nervosité la trahissaient.

« Tu sais que je ne te ferai aucun mal, n'est-ce pas ? » s'assura-t-il à voix basse. « Je n'ai jamais voulu te causer du tort. »

Sa stupéfaction amplifia en la voyant commencer à défaire les liens qui l'entravaient à la main, se servant d'un sortilège de découpe pour les rompre et l'en libérer.

« Je n'ai pas peur de toi, Reg… » lui confia-t-elle finalement dans un souffle en faisant glisser les lourdes cordes de son corps. « C'est l'avenir, qui m'effraye… »

Elle le débarrassa du dernier cordage puis lui tendit une main, qu'il saisit. Un petit sourire mutin à peine visible étira les lèvres de Regulus alors que la jeune fille se redressait en le tirant pour l'aider à se relever, sans parvenir à le bouger d'un centimètre.

«  Black, râla Victoire, tu ne pèses plus aussi léger qu'à tes huit ans ! Pourrais-tu cesser de jouer les poids morts ?

- Insinuerais-tu que je pèse trop lourd ?

- Bon, trouve une autre main pour t'aider » maugréa la jeune fille en tentant de le lâcher.

Regulus rattrapa les doigts de Victoire qui glissaient des siens, les serrant fermement, avant de se relever par lui-même.

Ce n'était pas étonnant qu'elle ne parvienne pas à le soulever, se dit Victoire. Elle avait toujours été plus grande que lui jusqu'à leur entrée à Poudlard… Avec sa silhouette longiligne, il mesurait à présent une tête et demie de plus qu'elle…

« Ce genre de moment me manque, Vickie, murmura-t-il sans lui lâcher la main malgré les rougeurs de la française. Nos jeux insouciants me manquent.

- Nous ne sommes plus des enfants, Reg, susurra-t-elle en retour, vérifiant que personne ne les regardait.

- Non, c'est vrai. Mais je ne pense pas que les choses aient tant changé. Que tu aies changé, précisa-t-il.

- Que veux-tu dire ? demanda Victoire, les sourcils froncés.

- Tu as toujours ce don de te mettre dans des situations inimaginables, dit-il avec évidence. Mais devine quoi : on m'a chargé de veiller sur toi...

- Je n'ai pas besoin d'une nounou pour me surveiller, Regulus… Merci bien. »

Victoire dénoua leurs doigts avant de lui tourner le dos, faisant signe à ses amies qui semblaient terminer leurs exercices à leur tour. Regulus, comprenant qu'il était peut-être allé trop loin en si peu de temps passé ensemble, lui chuchota à l'oreille avant de rejoindre son propre groupe d'amis qui s'apprêtait à quitter la Grande Salle :

« Sache juste que tu n'es pas seule, Vickie. Je serai toujours là pour toi. Rien n'a jamais changé, pour moi... »

 


 

Le soir même, la salle commune de Serpentard n'avait jamais paru aussi vide.

De nombreux élèves de la cinquième à la septième année manquaient à l'appel. Il était rare que les premières années fréquentent la salle commune toute la soirée, préférant se rendre dans leurs dortoirs où ils restaient entre groupes d'amis, sans trop se mélanger.

Serpentard n'avait jamais été la maison la plus chaleureuse et sociable : ce regroupement soudain ne pouvait donc pas passer inaperçu. L'impulsion d'une telle cohésion de groupe avait été lancée vers la fin de l'année précédente, avant de naturellement se poursuivre à leur retour à Poudlard. Au début, les regroupements s'étaient réalisés au coin du feu, les aînés y campant confortablement jusqu'au couvre-feu. Ils avaient visiblement fini par élire domicile ailleurs, à l'abri des regards et des oreilles trop curieuses.

Installée sur l'un des imposants sofas en cuir noir qui avaient été désertés, Victoire avait les yeux rivés sur le plafond. Elle écoutait Amalia d'une oreille distraite, à l'image d'Anastasiya et Ophelia qui jouaient une partie de Jeu d'échecs version sorciers, assises en tailleur sur le divan situé en face. Alors que la jumelle bavarde n'en finissait plus d'étaler ses histoires dégoulinantes de mièvrerie concernant son idylle, sa sœur perdit patience. Après un énième instant de déconcentration, elle venait de se faire voler une Tour par Ana qui ricanait sous cape avec machiavélisme.

« Si Avery est si génialissime, pourquoi n'es-tu pas avec lui en ce moment ? Et puis où est-il, d'ailleurs ? l'interrogea Ophelia en roulant des yeux.

- Si ça se trouve, ton prince charmant est avec une autre fille, lâcha Anastasiya sans quitter le plateau de jeu du regard. Echec. »

Ophelia grimaça. Amalia poursuivit de plus belle, loin d'être vexée par la remarque.

« Nous ne pouvons pas toujours être collés l'un à l'autre, voyons ! Je dois bien passer du temps avec mes amies ! Nous sommes toujours avec les siens…

- Et quels amis… releva Anastasiya avec dédain. Echec. A ta place, je me passerais bien de la compagnie de Wilkes, Mulciber ou Snape. »

Victoire laissa échapper un grognement réprobateur à l'entente du dernier nom cité.

« Désolée, Vi'. Mais tu peux bien admettre que Snape n'est pas la personne la plus amicale qui soit. Echec, signala pour la troisième fois la russe avec un sourire jubilatoire.

- C'est parce que tu ne le connais pas vraiment, le défendit Victoire. Severus paraît rude et insociable au premier abord, mais une fois en confiance, il peut se révéler de très agréable compagnie. Il est mon ami alors respecte-le, s'il te plaît.

- Snape ne parle jamais, confirma Amalia en haussant les épaules. Et il n'a pas l'air de beaucoup m'apprécier…

- C'est peut-être toi qui parles trop, éluda Ophelia, s'attirant un regard noir de sa sœur.

- Oh, au fait ! Victoire ! s'exclama Amalia en se redressant vivement sur son fauteuil, sans répondre à sa jumelle. Quand est-ce que tu comptais nous l'annoncer, espèce de cachotière ?!

- De quoi parles-tu ? »

La blonde n'avait pas cessé d'observer le plafond sur lequel se reflétaient les flammes qui semblaient danser dans l'âtre de la cheminée. Le gémissement de frustration d'Ophelia accompagna sa question tandis qu'Anastasiya annonçait l'Echec et mat signant la fin de leur partie.

« De toi et Regulus, enfin !

- Peut-être parce qu'il n'y a rien à dire ? répondit platement Victoire.

- Comment ça, rien à dire ? Je te signale que toute la Grande Salle a assisté à la Beuglante de ton frère, ce matin ! »

Anastasiya jeta une discrète œillade à la blonde allongée dans le canapé, curieuse de savoir si elle comptait enfin parler aux jumelles de l'arrangement entre les familles Black et Duchesne. Son absence de réaction lui fit comprendre que ce n'était clairement pas le cas.

« C'était on ne peut plus clair, pourtant… insista Amalia.

- Eh bien tu as dû mal comprendre, Amalia. La discussion est close. »

Victoire se leva du sofa d'un mouvement vif avant de se diriger vers l'étagère de la salle commune sur laquelle étaient soigneusement rangés quelques livres de littérature sorcière.

Elle s'était retenue à temps de lancer une remarque cinglante à Amalia, qui l'exaspérait avec ses frivolités dans lesquelles elle semblait s'adonner un peu plus chaque jour. Victoire s'en voulait, à la fois, de ressentir autant d'agacement à l'égard de son amie qui avait toujours fait partie du groupe qu'elles formaient toutes les quatre avec Ana et Ophia depuis son entrée à Poudlard. Elle espérait que ce sentiment ne serait que temporaire, tout comme l'attitude d'Amy qui semblait se dégrader ces derniers temps et qu'elle avait du mal à cautionner, notamment vis-à-vis de sa propre sœur…

Alors que la concernée poursuivait ses babillages auprès des deux autres filles, Victoire sursauta. Un élève de première année venait de lui tapoter l'épaule pour l'interpeler. Le jeune garçon portait sur le bras une minuscule chouette qui hulula d'impatience, tendant machinalement la patte en direction de Victoire comme à une vieille connaissance. Victoire saisit l'enveloppe qu'elle lui adressait d'une main tremblante, reconnaissant la Chevêche d'Athéna qui lui avait si souvent apporté du courrier le mois précédent.

« Où l'as-tu trouvée ? demanda-t-elle au plus jeune alors qu'il caressait doucement la chouette.

- A l'entrée de la salle commune, répondit-il. Je revenais de ma retenue avec le Professeur McGonagall… précisa-t-il, honteux. Il y avait ton nom sur le courrier. J'ai voulu le récupérer, mais la chouette m'a mordu... Je crois qu'elle voulait te le livrer en personne… Alors je l'ai prise avec moi.

- Merci » dit simplement Victoire avec un petit sourire reconnaissant.

Le garçon repartit à l'entrée de la salle commune afin de libérer l'oiseau, sa mission accomplie. Victoire décacheta avec appréhension la lettre, ne sachant que trop bien de qui elle provenait.

Après près de trois semaines de silence, il lui avait enfin réécrit. Et comme toutes les missives précédentes, aucune signature n'ornait celle qu'elle tenait entre les mains…

Tu n'es pas seule.

End Notes:

J'espère que ce chapitre vous a plu.

J'essaye de varier au maximum les points de vue, afin de balayer l'ensemble et ne pas focaliser la narration uniquement sur Victoire bien qu'elle reste centrale.

J'ai aussi modifé tous les tirets de dialogue des chapitres précédents... En espérant que ceux-là seront bien visibles quel que soit le navigateur utilisé. Si un problème se pose, n'hésitez pas à me le faire savoir ! Je pourrais ainsi modifier au plus vite.

A bientôt !

Chapitre 8 - Pactes by Red Plumette
Author's Notes:

 

Bonjour / bonsoir !

Voici le chapitre 8, fraîchement écrit et publié dans la foulée !

Un délai un peu plus long séparera probablement cette publication de la suivante... J'essaye de laisser 7 jours de battement max. entre chaque chapitre. Mais le planning des jours prochains sera un peu chargé ; j'essayerai de poster malgré tout le chapitre 9 lors du week-end des 30-31 octobre.

En plus, devinez quoi : ce chapitre sera consacré à Halloween ! Cela ne tombe donc pas si mal, niveau timing... ! (-:

 

 

 

CHAPITRE XVIII

« C'est toujours difficile pour un cadet de famille sang-pur de se faire rappeler qu'il n'est que le dernier choix. » Severus Snape


 

Dans la pénombre du hall d'entrée de Poudlard, Lily Evans éteignit le sortilège lumineux qui émanait de sa baguette avant de la coincer entre ses dents. Ses deux mains libres attachèrent rapidement sa longue chevelure rousse en une queue de cheval haute afin de les dégager de son visage.

Sa corvée de surveillance terminerait d'ici une demi-heure, et la préfète de Gryffondor avait hâte de retrouver le confort de son matelas ainsi que la chaleur de ses couvertures pour une bonne nuit de sommeil méritée, bien que courte. Se souvenant devoir rejoindre son binôme, le préfet de Serdaigle, afin de faire un point sur leur ronde de ce soir-là avant de pouvoir rejoindre leurs salles communes respectives, Lily reprit sa baguette en main.

Une masse la frôla, passant à côté d'elle dans le noir et le silence le plus complet, lui arrachant un hoquet de surprise. La préfète réagit instantanément : elle lança un Lumos informulé en tendant la main vers la chose – ou plutôt la personne – qui l'avait effleurée en espérant l'attraper.

Rien. Le hall était vide. Etrange… Peut-être était-ce un fantôme qui passait par là, ne l'ayant pas vue dans l'obscurité. Toutefois, un détail attira son attention. Le bout d'une chaussure apparaissait à quelques mètres d'elle. Un élève se plaquait dos au mur, tentant de se cacher de la préfète à en juger la position. Lily fronça les sourcils. Soit l'élève était très mauvais en sort de désillusion, soit il s'agissait d'autre chose. Elle entendit des chuchotements nerveux alors qu'elle s'approchait du mur, près des escaliers par lesquels l'élève semblait avoir voulu se diriger. Il n'est pas seul…

« Inutile de te cacher plus longtemps » déclara la préfète en pointant le bout de sa baguette illuminée vers lui. « Je te laisse cinq secondes pour révéler ton identité. »

Le silence le plus total lui répondit, ce qui l'agaça fortement.

« Cinq » décompta-t-elle un peu plus fort. « Quatre. Trois. Deux… »

Un bruissement de tissus se fit entendre, et une cape brodée de fils d'argent tomba lourdement au sol, laissant à découvert l'explorateur nocturne un peu trop téméraire. Ou plutôt les explorateurs, pris la main dans le sac.

Devant elle se tenaient les Maraudeurs dans leur totalité. James Potter la regardait avec un air de chien battu, cachant visiblement quelque chose dans son dos. Sirius Black fusillait Peter Pettigrew du regard, ce dernier se tassant pour se faire oublier Lily, en les examinant, comprit qu'il était celui qui les avait fait repérer. Remus Lupin, l'autre Préfet-en-Chef qui n'était pas de ronde ce soir-là, affichait un air coupable, détournant les yeux pour ne pas affronter sa collègue.

« Pourquoi est-ce que je ne suis pas étonnée ? » dit Lily en poussant un long soupir. « Et qu'est-ce que c'est que ce truc ? »

Elle se baissa pour ramasser la cape étalée au sol. James réagit au quart de tour, affolé, et s'abaissa vivement lui aussi pour la récupérer avant que la préfète ne mette la main dessus. Elle lui lança une œillade aussi ennuyée que perplexe, apercevant une étrange carte dans la main qu'il cachait quelques instants plus tôt.

« Confisqués, Potter ! lâcha-t-elle, cinglante.

- Quoi ?! s'écria-t-il. Mais non !

- Comment ça, non ? Tu te fiches de moi, là, Potter ?

- Tu ne peux pas faire ça, Lily ! » l'implora-t-il.

Il se tourna vers ses trois amis qui n'en menaient pas plus large.

« Elle ne peut pas faire ça ? demanda James en s'adressant à Remus.

- Je suis Préfète-en-Chef, Potter. Non seulement je vous retire dix points chacun, mais en plus, vous allez gentiment me donner tout ce précieux matos qui vous permet visiblement de rôder la nuit dans le château. Et ce n'est pas négociable, ajouta-t-elle.

- Si on remet la cape, on peut s'enfuir sans qu'elle nous voie… murmura Peter à James avec espoir.

- Dans tes rêves, Peter. Bouge d'un seul millimètre et je te pétrifie sur place. Peut-être que vous m'échapperez sur le moment, mais j'ai suffisamment de mémoire pour m'en souvenir demain ! Et toi ! blâma-t-elle l'autre préfet, je savais que tu les laissais faire n'importe quoi… Mais de là à participer à leurs coups foireux ! Tu me déçois énormément, Remus !

- On ne préparait pas de coup foireux… tenta faiblement James.

- On faisait juste une petite balade nocturne : trois fois rien ! » poursuivit Sirius en levant les mains innocemment.

Lily se pinça l'arête du nez. Ces quatre-là étaient incorrigibles… Elle qui pensait qu'ils avaient fini par mûrir, avec les années…

Un miaulement sourd retentit dans le couloir, les figeant. Quelques secondes plus tard, Miss Teigne apparut aux côtés de Lily, miaulant de plus belle.

« Eh merde… pesta Sirius.

- Eh bien, ma belle, qu'avons-nous là ? » articula la voix jubilante d'Argus Rusard, le concierge de Poudlard.

L'homme s'avança en claudiquant jusqu'à arriver à hauteur des cinq élèves hors des dortoirs. Il passa en revue chacun d'entre eux, non sans être fier d'avoir mis la main sur le quatuor infernal de Gryffondor.

« Voyez-vous ça, dit-il. La bande de Monsieur Potter au grand complet… Et vous, commença-t-il en direction de Lily, vous…

- Je faisais ma ronde, crut-elle bon de rappeler en désignant son insigne. Je suis Préfète-en-Chef.

- Ah, oui. Voilà qui change pas mal de choses… répondit le concierge, semblant réfléchir. Pourquoi n'avez-vous pas raccompagné ces vauriens jusqu'aux dortoirs ? l'accusa-t-il.

- C'est ce qu'elle était justement en train d'essayer de faire, la défendit James. Monsieur » ajouta-t-il sous le regard perçant de Rusard.

Lily tourna des yeux ronds vers le garçon. Mais à quoi jouait-il ?!

« Vous dites que Miss…

- Evans, compléta-t-elle.

- …Que Miss Evans était en train de vous punir et de vous ordonner de repartir à la tour de Gryffondor ?

- Oui, acquiescèrent en chœur les garçons.

- Bien. Très bien. Hors de ma vue ! Tous ! Et vous aussi, Miss ! Mais avant cela, vous allez me faire le plaisir de me remettre les objets que vous transportez avec vous.

- Je ne…

- Donnez-moi ça, ordonna Rusard en tendant la main vers James Potter. Non, non, non… je ne parle pas que de ce vieux parchemin. L'autre aussi !

- Cette cape est la mienne, Monsieur, intervint Lily à la surprise des garçons. Potter l'a ramassée lorsque je l'ai perdue, au moment où je les ai coincés, tout à l'heure. »

Elle ne sut qui de Rusard ou de ses camarades l'observaient avec le plus d'incrédulité. Elle poursuivit. Au point où elle en était…

« Il s'agit d'une vieille cape me servant pour un devoir de Métamorphoses, inventa-t-elle. Je l'ai prise avec moi car je dois la remettre à Ian McGregor, le préfet de Serdaigle chargé de la patrouille ce soir. Nous travaillons ensemble sur ce projet. »

Argus Rusard plissa les yeux. Lily espérait que son piètre mensonge suffirait à convaincre le Cracmol, d'autant plus s'il ne se tenait pas au courant des cours et des programmes de ses collègues enseignants. Au vu du petit sourire en coin qu'arborait James Potter, les yeux étincelant d'une lueur nouvelle, elle s'était peut-être montrée plus persuasive que prévu…

« Potter » grogna Rusard, « rendez-lui sa cape à votre camarade. Ce n'est pas la peine de venir réclamer ceci » poursuivit-il en agitant la Carte des Maraudeurs comme un trophée.

Rusard raccompagna les cinq élèves jusqu'au portrait de la Grosse Dame dans un silence de plomb. Lily n'avait pas cherché à rejoindre Ian elle était en retard, et elle se doutait que le Serdaigle avait dû rentrer depuis un moment en ne la voyant pas arriver. Après une dernière myriade de reproches et menaces de punitions de toutes sortes de la part du concierge, les Gryffondor entrèrent dans leur salle commune.

James Potter s'écroula fatalement dans l'un des fauteuils.

« Par Merlin, souffla-t-il, on a eu chaud…

- Rappelez-moi qui a eu cette idée fabuleuse, dit Remus qui parlait pour la première fois.

- Je me décharge de toute responsabilité, répondit Sirius d'un air innocent. Cela aurait pu plus mal se passer…

- Plus mal se passer ? croassa Peter. Il a la Carte des Maraudeurs !

- La quoi ? réagit enfin Lily.

- Ça n'a pas d'importance, coupa Remus. Merci, Lily.

- Ne me remercie pas trop vite, Lupin. Ta présence avec ces trois-là ce soir ne restera pas impunie.

- Je pense que je l'ai mérité… admit le préfet, penaud.

- C'est pas le tout, mais je vais me coucher, les informa Sirius après un bâillement sonore. Bonne nuit, Lily-Jolie ! »

Lily lança un regard noir à Sirius alors que ce dernier riait, suivi par Remus qui la salua à son tour et Peter qui lui adressa un hochement de tête. Ne restait plus que Potter. Fabuleux… se dit-elle. Ce dernier se redressa en position assise, dardant un regard pénétrant sur elle. Elle rougit, mal à l'aise.

« Merci, Lily. Pour la cape. Tu n'étais pas obligée de... Enfin, tu sais.

- C'est bon, Potter. Tu avais l'air tellement angoissé à l'idée qu'on te confisque ce bout de chiffon…

- Ce n'est pas un simple bout de chiffon, s'offusqua-t-il en souriant malgré tout.

- Non, en effet. Je pense bien tenir entre les mains l'arme de tous vos crimes, dit-elle d'un ton exagérément dramatique.

«  Je dirais plutôt notre complice » rit le garçon à lunettes.

Il se leva pour se poster devant elle, gardant une distance d'un bon mètre. Passant nerveusement une main dans ses cheveux, les ébouriffant encore plus qu'ils ne l'étaient déjà, il tenta :

« Si tu veux bien me la rendre…

- Non. »

Il soupira, puis plongea ses yeux dans les siens. Ce vert hypnotique le tuerait de désir, un jour.

« Arrête de me regarder comme ça…

- Comment ? s'amusa-t-il.

- Tu le sais très bien…

- Je ne peux pas m'en empêcher » éluda-t-il en haussant les épaules avec désinvolture.

Et pourtant, les sentiments qui se lisaient dans ce regard n'avaient rien de désinvoltes. Lily préféra dévier le sujet.

« Je vais garder la cape, Potter. »

Il la dévisagea un instant, avant de lui sourire d'un air qui se voulait charmeur.

« Serait-ce pour garder un petit bout de moi avec toi, Evans ?

- Quel imbécile… marmonna Lily en secouant la tête. Ça vous évitera surtout à tes petits rigolos de copains et toi de sortir en pleine nuit le reste de l'année ! »

A ces mots, le masque séducteur de James fondit pour laisser place à une lueur de réelle inquiétude. Lily fronça les sourcils à sa vue. Qu'est-ce qui pouvait bien le contrarier à ce point ?

« Hé, relax, Potter ! Je vais te la rendre, ta précieuse cape... Après les ASPIC, lorsque nous quitterons Poudlard…

- Je préfère que tu sois celle qui l'aies entre les mains plutôt que Rusard, se résigna James. Mais je souhaiterais quelque chose en échange, Evans, ajouta-t-il en vrillant ses yeux dans les siens.

- Je suis préfète, Potter. Ce n'est pas censé être négociable. Mais je t'écoute… capitula-t-elle devant son visage réellement défait.

- Accompagne-moi à la soirée de Slughorn, demain. S'il te plaît.

- Potter…

- Laisse-moi finir, l'interrompit-il. Je te demande juste d'accepter de me supporter le temps d'une soirée. Que nous y allions ensemble ou non, nous y sommes tous deux attendus. Laisse-moi te prouver que je peux être bien plus que cet imbécile puéril pour lequel tu me prends. Et si vraiment tu ne changes pas d'avis à mon sujet au terme de la soirée, je te jure de ne plus rien tenter à ton égard.

- Tu me laisserais tranquille, après ça ? demanda Lily, sceptique.

- Oui. Je te le promets.

- C'est d'accord, accepta-t-elle. Je peux bien faire un effort… Ne te réjouis pas trop vite, Potter ! l'arrêta-t-elle face à sa mine enjouée. Je t'enlève tout de même dix points pour ton escapade foirée. »

 


 

Anastasiya envoya violemment valser un cognard d'un coup de batte bien placé. Ce dernier se dirigea droit vers Ernestin Dolohov, le cinquième année de Serpentard qui avait été recruté par l'équipe sur le second poste de batteur. Le garçon, campé dans les airs sur son balai qui paraissait trop petit pour son gabarit aussi grand que massif malgré son jeune âge, le lui renvoya plus fort.

Flint observait attentivement l'échange pendant que dans son dos, les deux autres poursuiveurs mettaient à jour des techniques de passes avec le souaffle, tentant en même temps de vaincre le barrage du gardien. Agrippant le manche de son balai, il s'approcha lentement des batteurs.

« Moins fort et plus précis, Dolohov ! recommanda-t-il à la nouvelle recrue. Anastasiya frappe peut-être moins fort que toi, mais elle est d'une précision redoutable. Tes muscles sont ta force, mais tu dois apprendre à viser correctement si tu souhaites vraiment devenir un as dans la manche de notre équipe.

- Compris » maugréa Dolohov de mauvaise grâce, vexé.

Demetrius Flint opéra un rapide demi-tour avant de s'envoler vers les anneaux du terrain, desquels Rabastan Lestrange, son comparse de septième année et gardien de l'équipe, lui envoya le souaffle au vol. Flint le rattrapa sans aucune difficulté avant de scanner des yeux le terrain. Le dernier membre de l'équipe, vêtu de son uniforme sportif aux couleurs vert et argent de leur maison, arrivait tranquillement au milieu du terrain, balai à la main. Une fois près du coffre de Quidditch, il en libéra le vif d'or qui disparut instantanément.

Voyant le nouvel arrivant enfourcher son balai sans se presser, Flint balança le souaffle à Serena Selwyn, la nouvelle poursuiveuse – et seconde fille à avoir réussi à intégrer l'équipe de Serpentard… – avant de descendre en piquet vers le sol. Parvenu à sa hauteur, planant de façon à le surplomber de deux mètres, il toisa l'attrapeur.

« Tu es en retard, Black. »

L'attrapeur haussa un sourcil à la remarque. Sans répondre, le balai coincé entre les cuisses, il attrapa les mèches de cheveux sombres qui lui barraient le visage pour les nouer vers l'arrière à l'aide d'un catogan.

« C'est la troisième fois ce mois-ci, insista Flint avec une pointe d'agacement.

- Je le sais, dit Regulus en décollant à sa hauteur.

- Les raisons pour lesquelles tu n'es pas à l'heure ne me regardent pas, Black, mais ta présence n'est pas indispensable dans l'équipe…

- Alors trouve un remplaçant » répondit Regulus en le défiant froidement de ses yeux d'acier.

Il planta là Flint, filant à toute vitesse en quête du vif d'or. Demetrius retourna avec les poursuiveurs sans lâcher Regulus du regard, appréciateur quant à la vitesse et la légèreté avec laquelle le cadet Black volait sur sa Flèche d'Argent. Il aurait bien mis sa menace à exécution dans le cas où les retards de Black ainsi que son arrogance se poursuivaient dans les semaines à venir encore fallait-il trouver un autre attrapeur à la hauteur…

A la fin de l'entraînement, l'ensemble de l'équipe redescendit sur la terre ferme. Flint les examina avec fierté. Si avec cette équipe de choc il ne remportait pas la coupe de Quidditch pour terminer en beauté sa scolarité à Poudlard, il ne comprendrait définitivement pas. Il avait craint que le renouvellement de l'équipe pose problème, trois postes s'étant libérés à la fin de l'année précédente avec le départ d'un poursuiveur, d'un batteur qui faisait des merveilles et de leur attrapeur suffisamment adroit pour avoir réussi à attraper plusieurs vifs d'or au cours des matchs qu'il avait joué. Mais les nouveaux arrivants lui semblaient plus que prometteurs, s'intégrant parfaitement à leur équipe.

L'une des grandes surprises s'étaient par ailleurs avérée être Serena, la seconde fille à les avoir rejoints en l'espace de deux ans. Cette dernière s'était largement démarquée lors des sélections… Flint avait dû convaincre les autres garçons de la recruter, tenant le pari qu'elle réussirait mieux que n'importe quel autre prétendant au poste de poursuiveur à leur faire gagner des points précieux lors des futurs matchs. La jeune fille semblait déjà épanouie parmi eux, et surtout auprès d'Anastasiya Karkaroff, leur sulfureuse batteuse avec qui elle devenait de plus en plus complice. Solidarité féminine, sans doute… se dit Flint.

Ernestin Dolohov, le petit-frère de son camarade d'année, Antonin, pourrait lui aussi devenir un sérieux atout s'il suivait davantage ses directives ainsi que celles de sa coéquipière. Fierté masculine oblige, le colosse de cinquième année rechignait à écouter une fille qui était pourtant (pour le moment) meilleure que lui sur le poste le plus violent du Quidditch… Mais Flint avait confiance. Il savait que Dolohov finirait par se dérider au fil des entraînements, et à progresser. Sa force brute pourrait alors égaler celle de son prédécesseur.

Enfin, le capitaine de l'équipe de Serpentard n'aurait pas pu rêver mieux que recruter Regulus Black en tant qu'attrapeur. Ce dernier n'avait, dans un premier temps, pas été intéressé par ce poste. Il était venu postuler en tant que batteur, mais Flint l'avait immédiatement stoppé dans sa démarche. Premièrement, il voyait très mal Black jouer en partenariat avec Karkaroff les deux ne se seraient pas entendus sur le long terme, étant aussi orgueilleux l'un que l'autre... Le cognard aurait sûrement fait plus d'allers-retours entre eux plutôt qu'être envoyé vers les autres équipes… Ensuite, l'autre Black était le batteur de l'équipe de Gryffondor, leur plus grande rivale. Flint voyait encore moins Regulus affronter Black l'aîné sur le terrain soit il l'aurait mitraillé de cognards sans se soucier du reste du jeu, soit il aurait au contraire sourcillé à l'idée de lui en envoyer ne serait-ce qu'un seul. Enfin, Demetrius avait réussi à placer une pique bien placée qui avait achevé de le dissuader dans son choix : « Est-ce par complexe d'infériorité que tu souhaites devenir batteur, Black ? Ton frère est très bon sur ce poste, chez les Gryffondor. Peut-être souhaites-tu te prouver quelque chose en le surpassant ? » Son ton narquois avait agacé Regulus, qui s'était apprêté à faire demi-tour et repartir. Flint l'avait toutefois retenu avec ces mots : « Batteur n'est pas un poste qui te conviendra, Black, crois-moi. Toi, c'est attrapeur, que tu devrais être. Pouvoir jouer en solitaire sans qu'on te dicte ce que tu as à faire... Réfléchis : tu aurais le pouvoir de mettre fin au jeu en l'espace d'un instant... Un mouvement et tout se termine. » Regulus avait accepté de relever le défi au grand bonheur du capitaine. Mais Flint aurait préféré que le garçon s'avère plus malléable…

« Bien, tout le monde ! » s'exclama-t-il à l'encontre de tous les joueurs. « Vous avez mérité un peu de repos. On remettra ça mercredi en fin d'après-midi ! »

Les joueurs disposèrent, se dirigeant en groupe vers les vestiaires pour prendre une bonne douche avant de rentrer au château pour réellement démarrer leur week-end. Les membres masculins entrèrent par la première porte, tandis que les deux filles s'en allaient vers une entrée disposée quelques mètres plus loin.

Rabastan Lestrange, dernier à entrer, s'adossa un moment à la porte ouverte du vestiaire des garçons, considérant la batteuse de l'équipe qui avait commencé à tirer sur l'élastique qui retenait sa lourde masse de cheveux noirs. Se sentant épiée, Anastasiya tourna la tête vers lui. Elle se sentit rougir en voyant le séduisant septième année qui la dévisageait de ses yeux bruns où brillait la flamme taquine habituelle qu'ils arboraient lorsqu'il s'adressait à elle.

« Tu refuses toujours que l'on se rejoigne dans les vestiaires, Karkaroff ? » s'enquit-il avec un sourire innocent.

Ana rougit de plus belle. Maudits soient-ils, lui et son air faussement angélique. Maudites soient ses iris qui lui rappelaient les savoureux chocolats chauds d'hiver. Maudite soit sa chevelure brune habituellement si bien coiffée qui avait été ébouriffée par le vent, le rendant encore plus tentateur. Maudit soit son uniforme de Quidditch qui moulait ses jambes puissantes et son torse musclé, révélés par le manteau qu'il avait délibérément détaché.

Le jeune homme haussa un sourcil suggestif, attendant sa réaction.

Reste calme, Ana… Ne montre surtout pas à ce goujat l'effet qu'il te fait…

« La réponse reste inchangée, Lestrange. C'est non ! »

Elle s'empressa d'entrer les vestiaires des filles, claquant la porte en entendant le rire du septième année. Elle se déshabilla à la volée en ignorant une Serena étonnée avant de filer vers les douches, s'aspergeant du jet brûlant qui s'échappait du pommeau qu'elle venait de furieusement activer du poing. C'était plutôt d'une douche froide, glaciale, dont elle aurait eu besoin…

Une demi-heure plus tard, remise de ses émotions, Anastasiya sortit des vestiaires en compagnie de sa coéquipière, en pleine discussion à propos des BUSES qu'elle avait passées l'année précédente et que Serena devrait affronter à la fin de sa cinquième année.

En route pour le château, elles furent interrompues par l'apparition d'un petit oiseau en papier qui voletait joyeusement autour d'elles. La russe reconnut l'origami enchanté et s'en saisit. Elle l'ouvrit.

Mission P,B,L,P : accomplie

Mystère résolu. Ils ne causeront plus aucun problème.

L.E

Ana sourit. Lily Evans savait tenir parole. À son tour, de tenir la sienne…

 


 

« Ton air béat me fatigue, Cornedrue » lâcha Sirius Black à son ami alors qu'ils étaient attablés avec les deux autres membres de leur petit groupe à la table de Gryffondor pour le déjeuner. « Tu souris bêtement depuis que tu t'es levé ce matin… c'en est presque effrayant ! »

Le sourire de James s'élargit encore plus alors qu'il repensait à son entrevue nocturne avec Lily. Il irait au dîner de Slug avec Lily. Elle avait accepté… Il n'en revenait pas. Peut-être avait-il bien fait de lui lâcher la grappe pendant un moment, finalement…

Peter se râcla la gorge avant de prendre la parole à son tour, inquiet.

« Nous n'avons plus ni la cape, ni la carte... Comment peux-tu être aussi heureux ? Comment allons-nous faire ?

- L'amour est plus fort que tout, Queudver ! commenta triomphalement Sirius alors qu'il remplissait son assiette.

- On ne dirait jamais que nous venons de faire perdre quarante points à notre maison, ni que nous avons perdu les deux seuls objets qui vous permettaient de… de faire vous savez quoi, contra Remus dans le plus grand des calmes en dépit de sa contrariété. J'espère que Rusard ne m'a pas reconnu ; sinon, je peux dire adieu à mon insigne…

- Ne t'en fais pas, Lunard… il ne se souvenait même plus que Lily était la Préfète-en-Chef… Et elle me rendra la cape à la fin de l'année. C'est tout ce qui m'importe, dit James en haussant les épaules.

- Tu lui fais confiance aussi aveuglément ? questionna Peter.

- Bien sûr ! répondit James, c'est Lily !

- Et pour ta Poufsouffle ? demanda Remus en jetant un œil à la table de ces derniers. Est-ce qu'elle est au courant que tu comptes aller à une soirée privée avec une autre fille qu'elle ?

- J'ai rompu ce matin. »

Sirius, qui portait sa fourchette à sa bouche, suspendit son geste. Il se tourna vers le brun à lunettes assis à ses côtés.

« Attends, quoi ?

- Je n'ai pas envie de la faire souffrir, fit James comme si cela sonnait comme une évidence.

- Je ne sais pas ce qui est le pire… réfléchit Sirius. Cacher à sa petite-amie que l'on sort avec une autre le temps d'une soirée, ou la larguer exprès pour aller au dîner avec l'autre…

- C'est vrai qu'en termes de la relations sentimentales, tu es un expert, Patmol… » ricana James en lui assénant une tape dans le dos.

Remus et Peter rirent également devant l'air faussement vexé de Sirius.

« As-tu seulement déjà réellement aimé l'une des filles avec qui tu es sorti, Sirius ? se permit de lui demander Remus.

- Quelle réponse souhaites-tu entendre, Lunard ? Mensonge ou vérité ?

- Hé, regardez ! s'exclama la voix d'un élève un peu plus loin à leur table. Skeeter a déjà écrit un nouveau numéro ! »

L'attention des Maraudeurs fut entièrement détournée par la nouvelle. James, qui ressentait toujours la même rancœur (inavouée) envers la Serpentard qui s'était amusée à déblatérer des immondices à propos de Lily, tendit le bras pour voler la mini gazette que son camarade de quatrième année venait d'ouvrir sous les protestations de ce dernier.

Sur qui cette couleuvre avait-elle encore fait baver son encre ?

Il parcourut les titres en vitesse sans prendre le temps d'en lire le contenu. Incident en classe de Potions, Comment l'équipe de Serpentard a-t-elle recruté sa nouvelle poursuiveuse ? : nous vous révélons tout !, Aileen O'Ryan : une tentative ratée pour devenir un animagus, Pourquoi Peeves en veut-il tant à Connor Smith ?...

James sentit Sirius se figer à ses côtés. Les familles Black et Duchesne : une union prochaine ?

Il était inutile de lire le contenu de l'article. Les photos accolées de Regulus Black et de Victoire Duchesne parlaient pour elles-mêmes.

Sirius leva les yeux des visages de son frère et de celle qui était, il fut un temps, son amie, avant de chercher ces deux-là à la table des Serpentards, située de l'autre côté de la Grande Salle. Rien ne laissait suggérer une quelconque union entre eux. Victoire déjeunait avec son petit frère, étrange tache rouge et or au milieu du vert des serpents, son groupe d'amies à leurs côtés. Regulus, quant à lui, était entouré de ses éternels acolytes que Sirius avait toujours trouvé louches : Servilus, Lestrange, Dolohov, Avery, Mulciber et compagnie…

Le Gryffondor sentit une pression amicale s'exercer sur son épaule ; James venait d'y poser la main. Le brun se pencha vers lui et lui murmura discrètement :

« Tu n'as jamais vraiment aimé un seul de tes innombrables flirts, mon frère. Mais tu ne me feras pas croire que tu n'as jamais été amoureux… »

 

De l'autre côté de la Grande Salle, à la table des Serpentards, Anastasiya lança un Incendio au torchon qui servait de gazette de l'école, s'attirant les regards des autres étudiants mais aussi des professeurs. Elle n'en avait que faire. Jusqu'à présent, Rita Skeeter avait jonglé dangereusement avec les limites à ne pas franchir. Cette fois, elle avait dépassé les bornes.

La russe jeta une œillade haineuse à la pseudo-journaliste de l'école toujours en quête de potins. Celle-ci soutint son regard, passant une main dans ses boucles blondes et relevant ses horribles lunettes sur le haut de son nez.

Skeeter pouvait bien écrire tout ce qu'elle souhaitait à propos d'Ana. Mais il était hors de question que ce cafard s'attaque à l'un de ses proches. Et encore moins à Victoire…

 


 

Caché sur son éternelle table ronde au fin fond de la bibliothèque de Poudlard, Severus Rogue rédigeait nerveusement son devoir d'Histoire de la Magie. Il attendait l'arrivée de Victoire qui se faisait attendre.

La sixième année était devenue l'une des personnes avec laquelle il passait le plus de temps en-dehors du groupe de camarades de Serpentard auquel il était associé. Elle avait pris l'habitude de le rejoindre à la bibliothèque de plus en plus régulièrement, les deux élèves appréciant la présence calme et silencieuse de l'autre. Il leur arrivait bien évidemment de discuter, mais Victoire Duchesne avait rapidement compris que Severus avait besoin de s'enfermer dans sa bulle, n'étant ni le plus grand des bavards, ni la personne la plus à l'aise en ce qui concernait les relations sociales. Cela semblait parfaitement convenir à la jeune fille, qui lui avait rapidement fait confiance malgré ses airs austères qui ne faisaient qu'amplifier depuis qu'il avait rompu tout lien avec Lily. De son côté, Severus sentait qu'il pouvait avoir confiance, lui aussi, en la sorcière d'origine française, contrairement à un bon nombre de ses autres camarades de Serpentard. Plus il apprenait à connaître Victoire, plus il se demandait par ailleurs ce que la jeune fille faisait dans cette maison…

Le poids du sac rempli de livres posé sur la table la fit trembler ; Severus grogna en voyant sa plume dévier sur son parchemin. Une excuse rapide fut formulée par l'arrivante avant que cette dernière ne se laisse tomber sur sa chaise.

L'heure avait sonné. Il était temps d'accomplir ce que Regulus lui avait personnellement demandé. Mais Severus ne savait ni comment exposer les choses, ni comment convaincre la jeune fille d'accepter sa requête. Et puis d'ailleurs, pourquoi était-ce à lui que Black avait demandé ce service ?

Parce qu'il est l'un des seuls que tu considères comme ton ami – et réciproquement –… se dit Snape. Et parce que sa future fiancée t'accorde sa confiance…

Serait-ce encore le cas, d'ici quelques minutes ?

« Tu as l'air un peu contrarié, Severus, déclara Victoire, soucieuse. Si tu regrettes d'avoir accepté pour demain soir, nous pouvons…

- Non, non. Ce n'est pas du tout ça, l'interrompit Severus. Mais je dois te parler sérieusement. »

Victoire l'interrogea du regard, ses grands yeux bleus arrondis par la surprise. Il était rare que Severus amorce la discussion par lui-même, et encore plus pour préciser vouloir « parler sérieusement ». Cela ne disait rien qui vaille à la jeune fille.

Son appréhension amplifia lorsque le septième année lança un Assurdiato afin d'être sûr que personne ne les entende.

« Tu m'inquiètes, Severus…

- Je ne sais pas du tout comment amorcer le sujet, alors je vais aller droit au but. Regulus n'est du tout serein, ces derniers temps.

- Si c'est l'article de Skeeter qui le tourmente, qu'il se dise que personne ne la prend au sé-…

- Non, la coupa Severus. Skeeter n'est qu'un détail de plus que les autres élèves ne comprendront probablement pas. Mais n'importe qui venant d'une famille sang-pur peut aisément deviner ce qui se trame depuis la Beuglante envoyée par ton père.

- Mais qui est-ce que cela pourrait bien intéresser ? ricana Victoire de mauvaise grâce. De nombreux mariages arrangés ont fini par ne pas aboutir, et nous ne sommes même pas encore fiancés ! Tout cela ne se rattache qu'à un ancien contrat établi entre la famille de Regulus et la mienne !

- Regulus ne t'en parlera pas, mais il se fait chambrer ces derniers temps. Du moins, les autres lancent parfois des piques très subtiles insinuant qu'ils ont compris la situation… Ils testent ses limites en se servant de toi, termina Severus.

- Ils testent… ses limites ? répéta Victoire, ne comprenant pas. Mais qu'ai-je à voir là-dedans ?

- Tu sais de quoi je parle, insista Severus. Ils essayent de voir jusqu'à quel point Regulus est capable de garder son sang-froid. C'est un petit jeu qui a été lancé depuis un moment, auquel chacun de nous est soumis…

- C'est ridicule, persiffla Victoire en roulant des yeux. Et je ne vois pas en quoi me citer réussirait à sortir Regulus de ses gonds…

- C'est toujours difficile pour un cadet de famille sang-pur de se faire rappeler qu'il n'est que le dernier choix.

- Je te demande pardon ?

- Cesse de jouer les idiotes, Duchesne, râla Severus. Un tel contrat liant deux familles sang-pur concerne avant tout les aînés, tout le monde le sait. Si Sirius Black n'avait pas pris la porte, c'est lui que tu aurais fini par épouser. »

Victoire resta coite, regardant bêtement Severus.

« Cela ne signifie rien…

- Duchesne… soupira Severus en se passant une main lasse sur le visage. Le mariage arrangé vous concernait Sirius Black et toi, et ce depuis ta naissance. Black a officiellement rompu ce contrat en quittant la demeure familiale l'été dernier. Regulus me l'a dit.

- Oh.

- Oui, « oh ». Je ne dis pas que Regulus ne souhaite pas t'épouser, poursuivit Severus. Mais il a conscience de la situation fragile, tout comme les autres s'en doutent, eux aussi. Et cela pourrait poser problème pour plus tard… surtout au vu des réactions déjà amorcées par nos pairs.

- Que puis-je faire pour éviter que Regulus ne se retrouve embarrassé ?

- Je ne te parle pas d'une situation embarrassante, Victoire ; mais d'un véritable danger que vous encourez tous les deux. »

Victoire frissonna. Severus paraissait on ne peut plus sérieux. C'était aussi la première fois depuis qu'ils se côtoyaient qu'il l'appelait par son prénom…

« Regulus aimerait que je vérifie quelque chose, si cela ne te dérange pas. Il aurait aimé le faire par lui-même, mais cela se révèle impossible pour le moment.

- Severus, tu me fais peur… murmura la jeune fille.

- Est-ce que tu me fais confiance, Victoire ? »

Elle plongea ses yeux clairs dans ceux abyssaux de Snape. Parfait, se dit-il. Ne bouge pas…

« Oui, finit-elle par répondre. Je te fais entièrement confiance, Severus.

- Alors pardonne-moi pour ce que je m'apprête à faire. »

Victoire écarquilla les yeux, ne comprenant pas ce qu'il voulait dire sur le moment. Severus en profita pour maintenir le contact visuel, s'enfonçant peu à peu dans les méandres de son esprit. Il survola quelques pensées furtives. N'ayant aucun mal à pousser les portes de sa conscience, il poursuivit plus loin son exploration en remontant dans les souvenirs de la jeune fille. Ceux de la veille. Ceux datant de la semaine précédente… Il arriva devant une porte, plus éloignée, qu'il eut un peu plus de mal à pousser. Il était temps que son amie se rende compte de son intrusion jusqu'alors dissimulée…

Victoire fronça les sourcils, une douleur la tiraillant soudain. Elle sentit la présence parasite dans sa tête alors que ses yeux étaient toujours plongés dans ceux de Severus. Elle tenta de la repousser, en vain. Avec horreur, des images qui dataient de quatre ans plus tôt, alors qu'elle était entrée à Poudlard depuis plusieurs semaines, prirent place.

Son moi âgé de treize ans se tordait de douleur, allongé sur l'immense tapis persan du salon du manoir familial. Une horrible brûlure la consumait de l'intérieur, irradiant ses membres jusque dans les veines alors que Theobald Duchesne pointait sa baguette sur elle. Les cris de l'adolescente se mêlaient à ceux de sa mère, qui suppliait son époux d'arrêter la punition. Dès que le père de famille eut enfin baissé sa baguette, levant le sortilège de Doloris, il s'approcha de sa fille qui gisait à plat ventre sur le sol, le corps secoué par des sanglots. Il se baissa à sa hauteur, lui caressant tendrement les cheveux. « Tu ne reverras plus Sirius Black, Victoire. Je te l'interdis, m'entends-tu ? Tu ne lui parleras plus. Tu ne l'approcheras plus. Ce sera comme si ce traitre-à-son-sang n'avait jamais existé. »

C'en fut de trop pour Severus. Il quitta immédiatement l'esprit de Victoire, dont les larmes coulaient déjà. Que venait-il de faire ?

« Victoire, je…

- Que m'as-tu fait… ? » hoqueta-t-elle.

Elle porta une main tremblante à sa figure, essuyant les larmes traitresses qui dévalaient ses joues.

Elle avait l'impression de revivre ce feu insidieux qui lui avait rongé les membres ce jour-là.

« Cela s'appelle la Legilimancie, lui confia Severus. Certains sorciers peuvent pénétrer ton esprit comme je viens de le faire ; tous tes souvenirs et tes pensées sont alors à leur merci… »

Legilimancie. Alors voilà ce dont Ana lui avait parlé. Ce que son frère, Igor, lui avait fait subir tout l'été. Quelle horreur…

« Je te faisais confiance, Severus... dit-elle faiblement, n'osant plus le regarder. Pourquoi m'avoir fait ça… ?

- Parce que tu ne peux pas rester ainsi, sans aucune défense pour repousser ce genre d'intrusion. Je ne suis pas suffisamment bon dans le domaine pour pénétrer l'esprit de quelqu'un qui pratique l'Occlumancie, mais le tien est un véritable livre ouvert. Tu dois apprendre à le protéger.

- Combien de souvenirs as-tu vus ?!

- Un certain nombre. Tu ne t'es aperçue de ma présence qu'avec le dernier.

- Oh, Merlin…

- Victoire, répéta Severus. Regulus aimerait que tu apprennes l'Occlumancie. Il n'en sait lui-même pas encore suffisamment pour te l'enseigner, alors il m'a demandé de le faire.

- Tu voudrais m'apprendre à faire… ça ?

- Seulement à créer les défenses nécessaires pour fermer ton esprit. Je l'enseigne à Regulus depuis quelques mois, précisa-t-il.

- Je ne sais pas…

- Duchesne, tu n'as pas le choix. Tu sais ce qu'il risquerait d'arriver si quelqu'un de malintentionné voyait ce que j'ai vu dans ta tête.

- Traitre-à-ton-sang… murmura Victoire, davantage pour elle-même. Répèteras-tu à quelqu'un ce que tu as vu, Severus ?

- Jamais. Je t'en fais le serment. »

End Notes:

Voilà pour le chapitre 8 !

 

 

J'ai conscience que le rythme auquel s'écoule l'histoire est peut-être un peu long, pour le moment, niveau chronologie. J'avais besoin de ce laps de temps afin de poser toutes les bases de l'intrigue : d'ici quelques chapitres, cela devrait se débloquer un peu et avancer davantage niveau timeline / ellipses temporelles. Sachant que j'aimerais aller jusqu'en 1981 avec cette histoire, cela risquerait d'être long si je consacre à chaque fois dix chapitres pour seulement deux mois ha ha. Mais il faut ce qu'il faut, n'est-ce pas ?

Chapitre 9 - Samhain (1) by Red Plumette
Author's Notes:

Hey ! Salut salut !

Voici le chapitre n°9, fraîchement terminé et déjà posté ! Je me rends compte avoir été très ambitieuse le concernant... J'ai dû le diviser en deux. Il était BEAUCOUP plus long que les autres précédemment écrits (le double, voire plus, puisque je ne l'ai pas encore tout à fait terminé...), j'ai donc décidé de le scinder pour en poster la première partie ce soir, et la seconde d'ici peu selon le temps que je mettrai pour le finir. Il y aura donc un chapitre 10 d'ici deux jours grand max' qui sortira pour achever cet épisode spécial Samhain, d'où son titre. :-)

Je crois que je me suis un peu laissée emporter pour celui-ci. Je vous laisse constater par vous-mêmes...

BONNE LECTURE !

CHAPITRE IX

« Êtes-vous sûr que ce jeu de piste d'Halloween était une bonne idée, Albus ? » Minerva McGonagall

 

 

Le matin du 31 octobre 1977, personne ne s'était attendu à l'annonce que s'apprêtait à faire Albus Dumbledore, le célèbre directeur de l'école de sorcellerie britannique.

Les élèves étaient entrés au compte-gouttes dans la Grande Salle afin d'entamer un petit-déjeuner sous les récentes décorations d'Halloween qui avaient été installés. De multiples citrouilles grimaçaient au centre des tables, certaines d'entre elles entamant en chœur des chants funèbres. Des chauves-souris traversaient la Grande Salle, frôlant de près les têtes des élèves qui devaient parfois s'abaisser afin de les esquiver. Les bannières des quatre maisons qui resplendissaient habituellement de leurs couleurs rouge, verte, jaune et bleue, avaient laissé place à un mélange d'orange et de noir au centre duquel trônait le blason de Poudlard. De véritables toiles d'Acromentules pendaient du plafond, s'étirant jusqu'aux quatre coins de la salle. Les fantômes s'étaient même invités aux tables des élèves, dispatchés parmi les maisons.

Du haut de l'estrade sur laquelle trônait la table des professeurs, Albus Dumbledore, assis au centre, souriait avec malice. Il but une gorgée de son jus de citrouille avec amusement pendant qu'il observait le jeune Bilius Weasley essayer de sortir de table sans parvenir à décoller ses fesses du banc sur lequel il était installé. Une dizaine d'élèves avant lui avaient tenté de quitter la Grande Salle, ayant terminé leur petit-déjeuner. En vain ; les bancs avaient soigneusement été ensorcelés de sorte à ne laisser partir quiconque serait assis dessus.

« Les derniers élèves viennent d'arriver, Albus » l'informa discrètement Minerva McGonagall en se penchant légèrement vers lui. Dumbledore hocha imperceptiblement la tête avant de saisir sa cuillère. Il tapota de cette dernière le verre vide qu'il venait de reposer, intimant le silence. À l'aide d'un Sonorus, sa voix résonna dans la Grande Salle.

« Chers élèves, je vous souhaite avant toute chose un très joyeux Halloween ! Comme vous le savez déjà, le Samhain est une fête traditionnellement célébrée par les sorciers. C'est pourquoi, cette année, nous vous proposons de fêter Halloween d'une façon des plus inédites pour notre école… »

Des murmures curieux s'élevèrent dans la salle tandis que Dumbledore la balayait des yeux derrière ses lunettes en forme de demi-lunes.

« L'un de nos fantômes a perdu quelque chose de très précieux… » révéla le directeur. « Et nous vous demandons, à vous, chers élèves, de retrouver ce qui lui a été volé… »

Un hennissement strident déchira le silence dans lequel était plongé la Grande Salle. Un cheval ectoplasmique traversa au galop l'un des murs, cabrant devant la table de Serdaigle. L'étalon-fantôme était monté par un cavalier tout aussi fantomatique auquel la tête manquait. Les plus jeunes parurent horrifiés à sa vue, n'ayant encore jamais rencontré de fantôme faisant partie du Club des Chasseurs sans tête.

« Je vous présente Sir Patrick Delaney-Podmore » poursuivit Dumbledore. « Comme vous pouvez le constater, ce fantôme, qui n'est nul autre que le chef des Chasseurs sans tête, semble avoir définitivement perdu la sienne… »

Quelques ricanements retentirent dans la salle. Le directeur de l'école fit signe à l'un des fantômes assis avec la maison Serpentard. Ce dernier soupira avant de sortir de table, volant jusqu'à l'estrade des professeurs pour s'y présenter. Il semblait profondément ennuyé.

« Le Baron Sanglant ici présent a volé la tête de Sir Patrick Delaney-Podmore. Qu'avez-vous à dire pour votre défense, Baron ?

- Je n'ai pas à me justifier, répondit le fantôme. Je ne supporte tout simplement plus les lamentations de Sir Nicholas. Tant que Sir Patrick n'acceptera pas le fantôme de Gryffondor dans son ridicule club sans tête, il pourra dire adieu à la sienne…

- Donc vous ne comptez pas la restituer à son propriétaire.

- Non. Débrouillez-vous pour la retrouver !

- Très bien ; cela suffira, Baron. Je vous remercie pour ces précisions. »

Le Baron Sanglant retourna à la table des Serpentards en marmonnant toutes sortes de plaintes agacées envers Nick-Quasi-Sans-Tête, qui n'avait plus intérêt à lui casser les oreilles au sujet de ce club de malheur qu'il essayait d'intégrer depuis des siècles.

« Votre mission est simple » dit Dumbledore à l'ensemble des élèves qui l'écoutait avec attention. « Enquêtez et retrouvez la tête de Sir Patrick Delaney avant minuit. » Il fit taire les exclamations enjouées des élèves qui s'élevaient déjà des quatre longues tablées. « Que vous soyez seul ou en groupe, libre à chacun de participer à ce jeu de piste qui aura lieu au sein même de l'école. Trois règles seront néanmoins à respecter pour chacun des participants : tout d'abord, seuls les sortilèges mineurs et défensifs sont autorisés ; ensuite, il est formellement interdit de se servir de sa baguette contre un autre élève ; enfin, aucun d'entre vous ne devra sortir de l'enceinte du château. Libre à vous de consulter les fantômes, tableaux et employés de l'école afin d'obtenir des indices... »

Les élèves n'écoutaient déjà plus. La plupart étaient en effusion, attendant avec impatience de sortir de la Grande Salle pour se lancer à la poursuite de la tête du fantôme.

« Jeunes gens… » intervint le directeur sans se départir de son sourire amusé, « Si vous ne me laissez pas terminer, alors vous ne pourrez débuter convenablement votre quête… Voici le premier indice : On n'est pas moins fautif en ne faisant pas ce qu'on doit faire qu'en faisant ce qu'on ne doit pas faire*. Bonne chance !

Le sortilège qui clouait les élèves sur leur banc se leva ; les plus jeunes se ruèrent immédiatement hors de la Grande Salle. Minerva McGonagall les observa sortir, les yeux ronds. Elle se tourna vers le directeur qui semblait toujours analyser chacun des élèves encore présents, à savoir les plus âgés.

« Êtes-vous sûr que ce jeu de piste d'Halloween était une bonne idée, Albus ?

- Ne vous en faites pas, Minerva. Ce genre de défi est le meilleur moyen de travailler en équipe. C'est une aubaine que le Baron Sanglant ait commis son méfait la veille du Samhain et ait accepté de créer ce jeu de piste...

- Mais comment l'avez-vous donc convaincu, Albus…?

- Oh, rien de plus simple, Minerva : le Baron est persuadé qu'aucun élève ne mettra la main sur ce qu'il a caché…

- Et n'avez-vous pas peur d'un quelconque… débordement ?

- Nous serons vigilant à propos des élèves, assura le directeur. Tout ce que nous avons à craindre reste l'affrontement entre le Baron Sanglant et Sir Patrick lorsque ce dernier aura retrouvé la tête… »

McGonagall n'était pas convaincue…

Du bout de la table de Serpentard, Victoire posa le menton sur sa paume afin d'observer le reste de la salle. Les tablées de Poufsouffle et de Gyffondor étaient à moitié désertes, tandis que celle de sa maison restait presque complète. Serdaigle n'avait perdu qu'un quart de ses étudiants, les autres ayant commencé à changer de place pour visiblement mieux se regrouper et commencer à réfléchir à la question en équipe. La blonde darda un œil vers ses camarades de maison, sur lesquelles elle avait pleine vue de la place qu'elle occupait. Individualistes, comme toujours. C'était à se demander si l'un d'entre eux avait écouté le discours de Dumbledore quelques minutes plus tôt…

Victoire comprit sa méprise lorsqu'elle sentit Amalia amorcer un mouvement. La jeune fille venait d'enjamber le banc et s'apprêtait à le quitter. Elle lissa et replaça rapidement ses cheveux coupés au carré en se regardant à travers son gobelet, puis se leva.

« Nérée vient de me proposer de les rejoindre, les autres et lui, pour participer au jeu. Vous vous joignez à nous ? » demanda-t-elle à ses trois amies.

Victoire interrogea du regard Ophelia et Anastasiya qui ne réagirent pas tout de suite. Elle fut la première à répondre : « Cela ne sert à rien que je me lance là-dedans… Je dois me rendre au dîner de Slughorn, ce soir… »

Amalia se tourna vers sa sœur, lui adressant un petit sourire plein d'espoir. Cela faisait des semaines qu'elle n'avait pas réellement passé du temps avec sa jumelle, et elle espérait que cette dernière accepterait l'invitation…

« Sans façon, merci, répondit Ophelia. Tu m'excuseras, Amy, mais je n'ai aucune envie de passer du temps avec Wilkes et sa clique…

- D'accord… J'imagine que si Ophia ne vient pas, alors toi non plus ? interrogea-t-elle finalement Anastasiya.

- Pas vraiment intéressée, non… confirma évasivement Ana. »

La russe n'avait pas lâché des yeux Rabastan Lestrange qui la fixait également, attendant visiblement qu'elle se joigne à leur groupe. Raison de plus pour décliner…

Victoire examina l'ensemble du groupe qui s'apprêtait à se lancer dans l'aventure. Mais combien allaient-ils être, au juste ?! Comme si une équipe d'une dizaine de participants pouvait enquêter correctement !

« Bon, eh bien… À plus tard, je suppose… » dit finalement Amalia avant de leur tourner le dos.

Victoire la regarda rejoindre Avery, le cœur serré. Sa tristesse était clairement visible. La française savait qu'Amalia sentait l'éloignement de sa sœur et en souffrait. Mais elle ne pouvait s'en mêler, comprenant autant la peine de l'une comme l'irritation de l'autre… Anastasiya se racla la gorge une fois leur amie partie.

« Tu ne comptes vraiment pas participer, alors ?

- Non. Je déteste commencer une chose que je ne peux pas terminer…

- Bon, nous devrons nous passer de ton cerveau, dans ce cas… Heureusement qu'il me reste la grosse tête de Dhont…

- Hé ! répliqua Ophelia. Je te signale que tu es bien plus futée que ce que tes résultats scolaires laissent entendre ! Tu es peut-être même un peu trop rusée, dans ton genre…

- Dites-vous que vous réfléchirez toujours mieux à deux qu'en étant douze, glissa Victoire en haussant les épaules. »

La jeune fille se leva à son tour. Elle salua ses amies avant de quitter la Grande Salle en direction de la bibliothèque qu'elle espérait être vide.

Elle ne fut pas le moins du monde surprise en retrouvant Severus, déjà installé à leur table près de la Réserve Interdite. À son arrivée, le garçon leva le nez de son livre, ses longs cheveux noirs lui couvrant les yeux. À travers, Victoire sentit la même hésitation que celle qui la tiraillait. Après un instant de réflexion, elle finit par s'asseoir face à lui.

« Je ne pensais pas que tu viendrais, avoua Severus avant de se replonger dans sa lecture.

- Je ne t'ai pas vu t'éclipser de la Grande Salle, contourna Victoire. Tu es une vraie chauve-souris d'Halloween, en fait. Tu portes des chemises aux manches trop larges pour toi ; tu voles en solitaire et n'acceptes pas d'intrus sur ton territoire ; tu te volatilises en un clin d'œil…

- Merci pour la comparaison des plus constructives, Duchesne.

- Il n'y a pas de quoi, Snape. »

En le voyant poursuivre sa lecture plutôt que la discussion, Victoire commença à douter quant à son choix de l'avoir rejoint. Ses doutes se dissipèrent lorsqu'il ferma son livre pour lancer un Assurdiato puis croiser les bras par-dessus, lui portant toute son attention.

« As-tu réfléchi à ma proposition ?

- Oui. Si je refusais, tu te doutes bien que je ne serais pas ici en ce moment même.

- Mais ? Parce qu'il y a un mais, non ? Je te connais bien, à présent, Duchesne.

- Inutile de rappeler comment et pourquoi, railla Victoire. Effectivement, il y a une condition que je souhaite imposer avant de te laisser le champ libre pour violer mon intimité.

- Pour t'apprendre à contrer les intrusions dans ton intimité, reformula platement Severus.

- Laisse-moi voir la tienne.

- Je te demande pardon ?

- Tu as très bien entendu. Tu as vu plus que tu ne l'aurais dû, Severus. Et tu en verras davantage par la suite, si j'ai bien compris. Je te demande, en gage de confiance, sa réciprocité. Montre-moi l'un de te secrets, quelque chose que personne ne devrait savoir. Nous serons quittes.

- Tu as conscience que c'est pour t'aider, ce que je te propose ? Je ne trouve pas cela très équitable. »

Victoire haussa les épaules sans se démonter. Envers et contre tout, Severus était l'une des personnes en qui elle avait le plus confiance. Si on lui avait dit il y a quelques années qu'elle nouerait ce genre de lien avec le garçon que les autres surnommaient en aparté la chauve-souris de Serpentard, elle ne l'aurait pas forcément cru. Et pourtant, le fait était bien là. Mais ce n'était plus suffisant. Elle avait besoin qu'il lui retourne cette confiance s'ils voulaient que leur projet fonctionne.

« Autre chose, annonça Victoire tandis que Severus secouait la tête, désabusé. J'exige un serment inviolable.

- As-tu conscience de ce que ce type de sortilège représente ? De ce qu'il entraîne ?

- Oui. Et il est hors de question que tu entres dans ma tête sans le serment de ne rien révéler. Je te fais confiance, précisa-t-elle. Mais les paroles ne pourront suffire à ce stade. En contrepartie, je m'engagerai à ne rien révéler de ce que tu m'auras montré en retour.

- Très bien. Quand ?

- Ce soir. Après le dîner de Slug.

- Tu sais qu'il faut un témoin pour lier le serment ?

- Regulus s'en chargera. Puisque c'est lui qui t'a demandé ça, grimaça Victoire, il n'y verra pas d'inconvénient, n'est-ce pas ? »

Severus acquiesça malgré lui. Il se demandait encore dans quelle histoire il s'était embarqué. Cela lui apprendra à accepter d'aider le seul véritable ami qu'il possédait…

Il expliqua à Victoire les principes de la Legilimancie ainsi que la façon de procéder par son utilisateur. L'Occlumancie, point principal de l'apprentissage que devrait subir Victoire, viendrait plus tard. Il était important que sa camarade comprenne le phénomène avant de tenter de s'en parer. Bien que Severus n'était pas très emballé à l'idée de laisser quelqu'un entrer dans son esprit pour jouer les voyeurs, il devait bien se rendre à l'évidence ; Victoire devait expérimenter la Legilimancie si elle souhaitait la comprendre, même l'espace de quelques secondes. Et qui d'autre que lui-même pouvait lui servir de cobaye… Il lui suffirait simplement de baisser ses défenses un court instant.

« Regarde-moi, ordonna-t-il. Voilà, comme ça... Ne me lâche pas du regard. Concentre-toi sur ce que tu recherches. Quel genre d'information ? À quel point souhaites-tu la trouver ?

- Je ne vois rien, pour le moment… À part ton grand nez, bien sûr. »

Severus claqua le plat de sa main sur la table, aussi vexé qu'agacé.

« Tu veux bien être sérieuse deux minutes ?! Évidemment que tu ne vois rien ! La Legilimancie est un art extrêmement difficile à dompter !

- Du calme, Sev. Je plaisantais.

- Ne m'appelle pas comme ça… grogna-t-il. As-tu bien compris tout ce que je viens de t'expliquer ?

- Je pense, oui, affirma-t-elle plus sérieusement.

- Je vais t'aider à entrer dans mon esprit. Ne le refais jamais sur quiconque. Tu ne maîtrises pas cet art ; n'importe qui se rendrait compte de ton intrusion... Ça relève de la Magie Noire, Duchesne. Tu ne pourras voir que ce que je pousserai volontairement vers toi, et parce que je lève complètement mes défenses pour te laisser champ libre.

- Compris. Legilimens.

Victoire se sentit partir avec ce simple mot faiblement murmuré. Ses yeux rivés droit dans ceux de Severus semblèrent s'enfoncer plus loin, beaucoup plus loin, au plus profond des abysses de son esprit.

Elle ne voyait plus ni le visage du garçon, ni ses iris aussi noires que les ténèbres dans lesquelles elle flottait. Des bribes de souvenirs apparurent brièvement, semblables à des flashs qui se succédaient. Dans chacun d'eux, un jeune garçon âgé de onze ans, tout de noir vêtu, était posté aux côtés d'une jolie fille rousse de son âge. Victoire n'eut aucun mal à reconnaître Lily Evans. Les souvenirs défilèrent, tous liés à la préfète de Gryffondor. Chacun semblait banal, ce qui ennuya considérablement la française. Elle savait que Severus avait entretenu une sorte de relation avec Evans, peut-être même de l'amitié. Les images ne trompaient pas ; mais elles n'offraient rien de plus que ce dont Victoire se doutait déjà. Pourtant, la dernière la frappa de plein fouet.

Severus était suspendu dans les airs, à l'envers, devant plusieurs groupes d'élèves hilares qui ne levaient pas la baguette pour l'aider. Le seul qui avait sorti la sienne était son agresseur : James Potter, entouré de ses fidèles acolytes, Black, Pettigrew et Lupin, qui le regardaient et le laissaient faire sans broncher. Toute la rage, la détresse et l'impuissance qu'avait ressenties Severus ce jour-là se répandirent en elle très distinctement. Le sentiment d'humiliation atteignit son apogée à l'arrivée de Lily Evans, qui s'époumonait pour que James Potter lève son sortilège et relâche Severus de son emprise. Ce qu'il fit sous l'investigation de la rousse ; « Un Serpentard sauvé par une Gryffondor, Servilus… Elle a définitivement plus de cran que toi ! Tu as de la chance que Lily ait un si grand cœur… ». Severus s'écrasa au sol. Une douleur vive se répandit dans son bras en même temps que dans son cœur. Tandis que Lily se précipitait vers lui pour l'aider, il la repoussa. « Ne me touche pas, sale sang-de-bourbe ! »

Le monde tourna autour de Victoire, qui se retrouva propulsée dans un autre souvenir. Ou plutôt au centre d'une violente dispute.

« Je t'ai déjà dit que je ne voulais plus te voir, Severus ! Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?!

- Lily, je t'en supplie, pardonne-moi… Je ne le pensais pas…

- Comment peut-on proférer de telles paroles sans les penser, Severus ?! Va-t-en ! Laisse-moi !

- S'il n'y avait pas eu cet idiot de Potter, alors…

- Alors quoi, Sev ? Tu ne m'aurais pas insultée en public ? Tu ne traînerais pas avec Mulciber et tous les autres ? Tu ne tremperais pas dans la Magie Noire ? l'enchaîna Lily sans lui laisser la parole.

- C'est vrai que ce que fait subir gratuitement Potter aux gens est tellement plus reluisant, cracha Severus, amer. Tu retournes bien facilement ta veste, Lily…!

- Ne reviens plus jamais me voir. Je ne veux plus jamais t'adresser la parole, Severus ! »

Victoire fut expulsée de l'esprit de Severus. Les images partirent en fumée, remplacées par la lumière vive de l'applique murale qui éclairait leur table. Face à elle, Snape demeurait fermé, impassible. C'était comme si rien ne venait de se produire…

« Severus… souffla Victoire.

- Quoi ? Ce n'était pas suffisamment intéressant pour étancher ta curiosité ? Tu veux en voir d'autres ? lui lança-t-il avec aigreur.

- Je ne…

- C'est bon, Duchesne. Je n'ai pas besoin de ta compassion.

- Merci, dit-elle simplement. De m'avoir fait confiance.

- Tu veux me soumettre à un serment inviolable… Ne me parle pas de confiance, s'il te plaît. La seule personne en qui j'en avais ne veut plus entendre parler de moi à l'heure actuelle. Et c'est mieux ainsi…

- Comment peux-tu dire ça ? s'indigna Victoire. As-tu lâché l'affaire si facilement ? Si tu tenais tant à elle, tu aurais dû remuer ciel et terre pour qu'elle te pardonne ! Elle voulait seulement t'aider, ce jour-là !

- La suite ne te regarde pas plus que ce que tu as vu. Mais tu veux un bon conseil, Duchesne ? Un conseil d'ami… Quels que soient tes liens avec Sirius Black, reste loin de lui. Ce type est exactement comme James Potter : pourri jusqu'à la moelle… »

 


 

Lorsque Victoire sortit de la bibliothèque, seule, elle croisa Amalia qui courait dans les couloirs, un immense sourire aux lèvres. La jeune fille, en la voyant, s'arrêta un instant.

« Vi' ! », lança-t-elle, « Nous avons déjà trouvé deux indices ! »

Le sourire rayonnant d'Amalia fut contagieux. Victoire en esquissa un à son tour à la vue de son amie qui semblait s'amuser comme une enfant.

« Si jamais Ophia et Nastya n'ont pas encore trouvé la solution à la première énigme lorsque tu les croiseras, pourrais-tu leur dire d'aller voir Nick-Quasi-Sans-Tête ? C'est lui, le fantôme à aller consulter en premier ! Merci Vi', t'es la meilleure ! »

Amalia repartit comme elle était arrivée, poursuivant sa route avec le même entrain. Victoire en fit de même, avançant vers les escaliers censés l'amener en direction des cachots du château et donc de sa salle commune.

Mais les escaliers de Poudlard n'en faisaient toujours qu'à leur tête. Ils tournèrent de l'autre côté, l'arrêtant face à une porte qui s'ouvrit systématiquement. Depuis quand y avait-il une salle, à cet endroit ?

D'accord… se dit-elle. Ça, c'est vraiment bizarre… Aussi curieuse que perplexe, la jeune fille avança dans l'encadrement pour inspecter la pièce. Une faible lueur éclairait le fond de la salle, dans laquelle la pénombre régnait. Un gémissement se fit entendre. Victoire attrapa sa baguette et avança d'un pas, prête à lancer un Lumos pour mieux voir. Elle sursauta en entendant la porte se refermer derrière elle en claquant. Une forme se hissa dans les airs, traversant la salle à une vitesse éclair. La jeune fille eut à peine le temps de se retourner qu'elle disparut. Un ricanement moqueur retentit. Encore. Et encore. Le rire s'élevait des quatre coins de la pièce en écho alors que la chose rebondissait autour d'elle à toute vitesse. La patience de Victoire atteignit ses limites lorsque la forme la traversa délibérément. La sensation aussi glaciale que désagréable la fit frissonner de dégoût.

« Peeves ! » explosa-t-elle, « Laisse-moi sortir tout de suite !

- Hi hi hi hi ! La petite sorcière ne veut pas rire un peu ? C'est Halloween ! Joue avec moi !

- Peeves… »

Peeves venait de lui lancer une tomate en pleine tête. Il fit mine de s'écrouler de rire, son corps fantomatique flottant par soubresauts dans les airs.

« La petite Duchesne vient d'entrer dans l'arène ! » chantonna l'esprit frappeur. « Elle se prend pour une reine, mais elle fait de la peine ! Regardez-la, elle est dans de beaux draps ! Elle pue le jus de tomate pendant que moi, j'me carapate ! »

Et Peeves disparut, passant à travers l'un des murs avant que le sortilège de Victoire ne le touche. La jeune fille tenta de déverrouiller la porte sans y parvenir. Son Alohomora n'eut aucun effet. Elle soupira. Si tout ceci faisait partie du jeu absurde de Dumbledore, ce n'était vraiment pas drôle…

Elle avança en direction de la lumière qui éclairait une partie du mur par lequel Peeves s'était enfui. En s'approchant, elle constata un message qui semblait y avoir été écrit. Victoire pointa le bout de sa baguette éclairée pour mieux l'observer.

PANEM ET CIRCENSES

Victoire fronça les sourcils. Elle passa les doigts sur l'inscription qui avait été gravée à même le mur. Si ce n'était pas un indice pour le jeu de piste, elle ne voyait pas à quoi cela pouvait servir d'autre…

« Aparecium » formula-t-elle à voix haute, la baguette pointée sur la phrase écrite en latin. Les lettres s'effacèrent une par une, avant de réapparaître pour en former une autre.

DU PAIN ET DES JEUX

Elle comprit qu'il s'agissait de sa traduction. Victoire réfléchit un instant. Du pain et des jeux… Dumbledore avait dit que les participants devaient se tourner vers les fantômes, les professeurs et même les tableaux pour obtenir des renseignements. Tout jeu de piste suivait un cheminement logique ; la jeune fille supposait donc qu'un ordre bien précis de personnages à consulter avait été choisi avec soin. À cela s'ajoutait une certaine difficulté, sinon, le jeu prendrait fin bien avant minuit…

Du pain et des jeux. Peeves ! Il était le seul être dans cette école à tout considérer comme un jeu, y compris la violence. Le seul moyen de le calmer était de le renvoyer habilement vers une autre occupation qu'il jugerait plus intéressante à son goût. Il lançait des projectiles sur les élèves comme pour rire, même de la nourriture. La sorcière venait d'en faire les frais à l'instant… Et il était présent dans la pièce. Cela ne pouvait pas être un hasard. Elle nota précieusement l'information dans un coin de son esprit, certaine qu'elle pourrait servir plus tard à ses amies si elle les croisait. Tournant les talons, elle ne parvint toujours pas à ouvrir la porte à l'aide d'un sortilège. Elle renouvela le sort d'apparition utilisé précédemment. Un grincement sinistre répondit au sortilège ; une seconde porte venait d'apparaître de l'autre côté de la salle.

« Génial… Comme si j'avais le temps de jouer… »

Victoire n'eut pourtant pas le choix : elle s'engouffra à travers l'unique sortie qui lui était présentée. La sorcière déboucha dans un long couloir éclairé par des lanternes murales aux flammes violettes. Il faisait froid. Elle avait l'impression qu'un courant d'air passait à travers les pierres qui constituaient les murs. Examinant la pièce en quête d'une ouverture pour s'échapper de ce traquenard, son regard tomba sur les deux silhouettes qui discutaient à voix basse quelques mètres loin. Même de dos, elle les reconnut immédiatement : Remus Lupin et Sirius Black. Etaient-ils arrivés là en jouant à ce jeu stupide ou avaient-ils été piégés, eux aussi ?

Victoire lâcha un petit cri surpris, s'apprêtant déjà à hurler sur Peeves pour lui avoir fait de nouveau peur en apparaissant devant elle sans crier gare. Mais ce n'était pas l'esprit frappeur, qui se tenait face à elle… Les mots furieux de Victoire furent ravalés par la boule d'angoisse qui commençait d'ores et déjà à se loger dans sa gorge, descendant progressivement jusqu'au creux de son estomac. Tétanisée, elle ne put rien faire d'autre que regarder l'horrible chose devant elle.

Son double, vêtu d'une robe de mariée tâchée de sang, gisait sur les pavés. Au-dessus du cadavre, frôlant le plafond, s'étalait la Marque des Ténèbres qui brillait de son vert phosphorescent. Son cauchemar prenait corps et réalité devant ses yeux. Elle ne pouvait les en détacher, le souffle commençant à lui manquer. Dans la panique, une crise d'hyperventilation débuta sans qu'elle ne parvînt à la contrôler.

Elle se sentit tirée en arrière comme une poupée de chiffon, ne maîtrisant plus son corps. Black venait de l'éloigner de l'Epouvantard tandis que Lupin se plaçait devant elle, attirant l'attention de la créature magique sur lui. Le tableau changea, l'Epouvantard se métamorphosant afin de prendre la forme de la plus grande peur du Gryffondor. Une pleine lune brumeuse flotta dans les airs, sa lumière blanche tranchant avec le violet qui tamisait la pièce. Victoire, dans sa crise, vit Remus Lupin tressaillir un court instant, avant de lancer un implacable « Riddikulus ! » pour se débarrasser de l'Epouvantard qui partit se cacher dans un recoin de la pièce.

Le préfet de Gryffondor inspira profondément avant d'expirer plus longuement, soulagé. Il finit par se tourner vers son ami et la Serpentard que ce dernier tenait toujours, les mains sur ses épaules dans un geste visant à la détendre. Remus haussa un sourcil à la vue de leur proximité qui ne semblait pas tant déranger la copine de Karkaroff. Ou alors, peut-être était-elle vraiment sonnée par ce qu'il venait de se passer…

« Un Epouvantard… dit-il pour briser le silence. Un foutu Epouvantard lâché dans les couloirs de Poudlard…

- Et Dumby qui prétend que seuls les sorts mineurs seront nécessaires pour affronter les épreuves, poursuivit Sirius en riant nerveusement.

- Black, articula Victoire entre deux respirations, pourrais-tu me lâcher, maintenant ?

- Vos désirs sont des ordres, ô grande reine des serpents… se moqua Black en tapotant ses épaules avant que ses mains les quittent. Vous n'oublierez pas d'ajouter ce sauvetage à la liste des choses pour lesquelles Karkaroff et votre humble personne m'êtes redevables, votre majesté.

- Je te remercie, Lupin, dit Victoire en ignorant royalement Sirius. Je n'ai pas su réagir devant… devant ça. »

Remus hocha la tête, compréhensif. Il avait lui-même cru défaillir devant la forme de sa propre peur, il ne pouvait donc que comprendre la réaction de Victoire, qui ne semblait pas encore totalement sortie de sa crise d'angoisse. La respiration de la sorcière française se faisait saccadée mais plus régulière ; Sirius avait réussi à partiellement la calmer, ce qui n'était déjà pas trop mal… Néanmoins, un nouveau problème se présentait : le fait était que la Serpentard avait très probablement aperçu sa pleine lune. Remus ne le releva pas pour autant. Duchesne ne devait pas en mener plus large, les deux garçons ayant clairement vu la Marque des Ténèbres qui l'avait terrifiée un instant plus tôt. Nous sommes quittes, se dit Remus. Ça m'étonnerait qu'elle veuille que l'un de ses copains de Serpentard soit au courant de sa plus grande peur

« Patmol ! Lunard ! » s'écria une voix masculine du bout du couloir. « Ça va ? On a entendu du grabuge, de là-bas ! »

Victoire ferma les yeux, dépitée. Elle recula de quelques pas jusqu'à atteindre les pierres froides du mur le plus proche auquel elle s'adossa, achevant de calmer sa respiration. Il ne manquait plus que Potter et Pettigrew dans la partie. Les deux derniers membres du quatuor endiablé les rejoignirent à grandes enjambées. Quelle ne fut pas leur surprise en retrouvant une élève de Serpentard avec leurs deux amis.

« On dirait que tu as vu un fantôme, Duchesne, dit Potter d'un ton égal.

- Faites-moi sortir de ce jeu insensé, répondit-elle.

- Doucement, continua Potter bras croisés. Si tu me le demandais plus poliment, il serait possible que je t'aide. Mais là, tout ce dont j'ai envie, c'est te laisser croupir ici.

- James… dit Sirius, désapprobateur. Je m'en occupe. Je la reconduis d'où elle vient, et je vous rejoins. »

Victoire comme les Maraudeurs lui lancèrent un regard étonné. Il était décidément très serviable à l'égard des Serpentards, ces temps-ci…

La jeune fille ne se fit pas prier et le suivit tandis qu'il s'engageait dans le couloir d'où venaient Potter et Pettigrew. Ils s'enfoncèrent dans le dédale souterrain en silence, les flambeaux violets les guidant. Victoire n'avait jamais parcouru cette partie du château, auparavant. Elle ignorait totalement où elle pouvait bien se trouver, alors que Sirius marchait sans hésitation, connaissant le château comme sa poche. Il s'arrêta devant l'une des tentures médiévales qui ornaient les murs, au beau milieu du couloir. Elle représentait les fondateurs des quatre maisons de Poudlard, chacun tenant un objet dans les mains. Sur la droite, Godric Gryffondor, en armure rouge et or, brandissait fièrement une épée finement ciselée et aiguisée. Helga Poufsouffle, à ses côtés, tenait à deux mains une épaisse coupe dorée. Rowena Serdaigle, dans ses plus beaux atours, caressait d'une main le diadème serti d'une pierre précieuse qu'elle portait sur le haut du front. Enfin, à l'opposé de Gryffondor, sur l'extrémité gauche de la tenture, Salazar Serpentard fermait le poing sur une chaîne au bout de laquelle pendait un médaillon orné du blason de sa maison, à peine visible à travers la citrine qui composait le bijou. Les Reliques des Fondateurs réunies...

Sirius écarta un pan de la tenture avant de tapoter machinalement les pierres qui se trouvaient derrière, sous l'œil hébété de Victoire. Un passage secret apparut à la grande stupéfaction de la jeune fille.

« Suis le passage, et tu arriveras directement dans les cachots.

- Comment connais-tu ce passage secret, Black ?

- Contente-toi de me remercier… On se voit ce soir à la fête de Slug ? »

Victoire leva les yeux au ciel. Elle ne répondit rien, le remerciant d'un simple signe de tête avant de disparaître derrière la tenture.

Si cette journée continuait sur sa lancée, alors elle allait la rendre folle avant minuit…

End Notes:

* Je tiens à préciser que la citation servant de premier indice n'est ni de Dumbledore, ni de moi : elle appartient à l'Empereur romain Marc Aurèle. :-)

Chapitre 10 - Samhain (2) by Red Plumette
Author's Notes:

Et voici la seconde partie ! Je n'ai pas réussi à la faire plus courte, sans toutefois trop déborder de sorte à en faire une troisième... C'était sportif ! ^^'

 

BONNE LECTURE !

CHAPITRE X


« Je m'y engage. »


Victoire Duchesne / Severus Snape


 


 


Des étincèles jaillirent de la baguette d'Anastasiya pour éclater à la figure de l'un des lutins bleus qui lui faisait des grimaces. Celui-ci n'eut pas le temps d'esquiver, secouant la tête en lâchant un cri strident qui se mêla aux rires machiavéliques des autres petits êtres identiques. Ces derniers tournaient autour des deux élèves de Serpentard qu'ils venaient de prendre d'assaut dans la salle de Divination, dansant ce qui ressemblait à une farandole infernale. Ophelia mis directement un coup de baguette sur la tête de celui qui lui tirait la jupe sans user de sortilèges.


« Rappelle-moi pourquoi nous sommes venus aider ces deux gamins… » lança Ana en pointant sa baguette en direction des deux Gryffondor de première année qui tentaient d'attraper les autres Lutins de Cornouailles qui mettaient la salle sens dessus dessous.


« Parce que nous sommes des amies dévouées et que le frère de Vi' est dans le pétrin ?


- Ma bonté me perdra, maugréa la russe. Ophelia, à droite ! Hé, les morveux ! Utilisez des sorts au lieu de vous servir de votre baguette comme d'une zapette à mouches !


- Ça s'appelle une tapette à mouches, Nastya… » rectifia Ophelia avant de lancer un Immobulus au groupe de lutins qui s'approchait trop près d'elles.


Edouard imita la sorcière de sixième année et lança le même sortilège sur un autre groupe de Lutins de Cornouailles, réduisant drastiquement leur effectif. Bilius Weasley, qui l'accompagnait, en fit de même.


« Trop cool, ce sort ! s'exclama ce dernier en le répétant une nouvelle fois.


- Calme ta joie, petit, le prévint Anastasiya. Tu vas finir par blesser quelqu'un si tu t'emportes…


- Ce jeu est tellement drôle !


- Ton ami est vraiment étrange, Duchesne…


- Pas plus que toi, Karkaroff. Et pourtant, Victoire t'aime bien…


- Merci pour cette précision, gamin… »


Ophelia rit devant l'air vexé de son amie qui ne l'avait pas volé. Une fois le dernier groupe de créatures maîtrisé, elle s'approcha du bureau en fouillis du Professeur de Divination. De multiples objets divinatoires y avaient été déposés : cartes de tarots, runes vikings, brindilles… et même une boule de cristal, soigneusement posée sur un socle en bois. Les deux jeunes garçons accoururent à ses côtés pour mieux voir, fascinés.


« Woah, c'est dément*…! dit Bilius en tendant la main vers des runes.


- Je n'y toucherais pas, si j'étais toi… le mit en garde Ophelia avec douceur. Laisse-moi faire… »


Anastasiya se laissa tomber sur l'un des coussins moelleux qui juchaient le plancher de la salle de classe, observant de loin les gestes de son amie. Ophelia avait toujours été attirée par la Divination dès le premier jour de cours, lors de leur troisième année. Elle était d'ailleurs la seule de leur quatuor à avoir décidé de poursuivre cette option. Ana la vit prendre en main les runes scandinaves gravées sur de fines pièces en bois, les déposant ensuite dans un petit sac en toile de jute. Ophelia secoua le sac avant de l'ouvrir, tirant trois runes qu'elle déposa côte à côte sur le bureau, les yeux fermés. Elle n'eut pas le temps de retourner celle qui était face cachée pour débuter son introspection : le bruit sourd d'un objet lourd tombant au sol la déconcentra. La jeune fille fronça les sourcils en se tournant vers Edouard Duchesne qui venait de faire tomber la boule de cristal, l'air coupable. Elle s'apprêtait à le réprimander quand elle fut interpelée par l'état de l'objet. La boule de cristal aurait dû se briser en mille morceaux… Or, elle était intacte : aucun impact ni fêlure ne semblait avoir été causé.


Anastasiya se leva pour les rejoindre. Elle ramassa la boule de cristal pour l'examiner. Une volute de fumée nacrée avait commencé à bouger à l'intérieur, amplifiant selon les mouvements qu'elle exécutait. Elle la tourna vers la lumière que filtrait la seule ouverture présente dans la pièce, au niveau du toit. Des images floues apparurent avant de devenir de plus en plus précises. La boule leur indiquait un lieu. Et il s'agissait très probablement du prochain point à rallier afin de poursuivre le jeu.


« C'est la Tour d'Astronomie, certifia Ana. Vi' y passe son temps quand ce n'est pas à la bibliothèque... Je reconnaitrais l'endroit entre mille !


- Est-ce qu'on peut rester avec v-…


- Hors de question.


- Mais pourquoi ? On forme une bonne équipe ! dit naïvement Bilius Weasley.


- Je ne fais pas équipe avec des enfants de onze ans.


- Douze…


- C'est pareil. On vous a aidés uniquement parce que vous ne parveniez pas à vous débarrasser des Lutins. Point. Nos chemins se séparent ici. »


Anastasiya ouvrit la voie en redescendant de la salle de classe par l'échelle qui y menait, suivie d'Ophelia et des deux garçons de première année. Elle entendit Edouard chuchoter au Weasley : « De toute façon, on va devoir les suivre de très près pour la suite… » et soupira. Elles allaient avoir du mal à distancer ces deux gnomes qui risquaient de leur coller aux souliers…


La russe ne fut pas au bout de ses peines. Ouvrant la marche au nouveau petit groupe qui venait de se créer, elle tomba nez à nez avec Remus Lupin et Peter Pettigrew quelques couloirs plus loin.


« Oh, Merlin… Mon karma doit vraiment être mauvais… se lamenta-t-elle. De tous les élèves de cette école, il faut que je tombe sur toi, Lupin…


- Bonjour à toi aussi, Karkaroff. Dhont, salua-t-il Ophelia avec un sourire aimable. Tiens, Edouard Duchesne et Bilius Weasley sont avec vous…? Vous allez bien ? s'assura-t-il auprès des garçons. Karkaroff peut faire très peur, vu comme ça : elle grogne beaucoup, mais...


- La ferme, Lupin, le coupa-t-elle en levant les yeux au ciel. Ils vont très bien. Ce qui n'aurait peut-être pas été le cas si nous ne passions pas par là…


- Je vois, répondit le préfet. C'est drôle, tout de même... Il suffit qu'un jeu soit mis en place pour que nos maisons oublient leur rivalité et s'entraident…


- Je ne t'aurais jamais aidé, Lupin, qu'on se le dise. Ophelia et moi avons secouru ces deux-là car Edouard est le frère de notre amie. Rien de plus !


- J'y songerai, la prochaine fois que l'amie en question se retrouvera de nouveau face à un Epouvantard qu'elle ne parvient pas à maîtriser…


- Victoire ?! s'exclama Ophelia avec inquiétude, sortant de son mutisme. Est-ce qu'elle va bien ?!


- Ne t'en fais pas, la rassura Remus. Elle va bien, oui. Plus de peur que de mal…


- C'était un véritable Epouvantard ? interrogea Edouard. Pour de vrai ?


- Oui, confirma Peter. Vous ne l'avez pas croisé, dans les souterrains ?


- Non, répondit Bilius, déçu. J'aurais aimé le voir…


- Comme si un élève de première ou de deuxième année pouvait affronter un Epouvantard… déclara Ophelia horrifiée.


- Je pense que les épreuves sont adaptées au niveau du sorcier, en déduisit Remus.


- Dumbledore est encore plus fou que je le croyais… » commenta Ana.


Un autre groupe d'élèves fit son arrivée à l'intersection entre les couloirs, les interrompant dans leur semblant de discussion. Les filles, en cinquième année à Serpentard, les toisèrent les uns après les autres, se demandant probablement ce que leurs camarades de sixième année pouvaient bien faire avec quatre élèves de Gryffondor. Anastasiya accrocha le regard perçant de Rita Skeeter, faisant les gros yeux à sa vue. Cette dernière réajusta ses lunettes avant de suivre Diana Yaxley et Scarlett Bulstrode comme son ombre en direction des escaliers qui n'en faisaient qu'à leur tête, un peu plus loin. Ana ne la lâcha pas des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse.


« J'arrête, déclara-t-elle.


- Quoi ? demanda Ophelia, perdue. Comment ça ?


- J'abandonne ce jeu sans queue ni tête. Un Epouvantard, des Lutins de Cornouailles, énuméra-t-elle. Des énigmes en langues mortes, des fichus tableaux qui nous envoient à droite puis à gauche pour finalement se contredire, Peeves qui nous balance du jus de citrouille à la figure, les fantômes après qui courir à travers tout le château… Sans parler de l'immense toile d'Acromantule à escalader, ou encore des Niffleurs à capturer ! J'en ai assez… Mais continue, toi ! dit-elle à l'attention d'Ophelia.


- Sans toi ?


- Depuis le début, c'est toi qui comprends toutes les énigmes et qui nous conduis dans la bonne direction. Tu peux gagner, Ophelia ! Et tu n'as pas besoin de moi pour ça…


- Peut-être. Mais le jeu n'a plus aucun intérêt si je le mène seule… »


Ana attrapa le coude de son amie, se postant face à elle de façon à avoir Lupin et Pettigrew dans son dos. Elle roula des yeux, espérant qu'Ophelia comprendrait ce qu'elle tentait de faire. Ophelia ne sembla pas du tout réceptive à sa tentative de communication, à son grand damne…


« Tu n'as qu'à rester avec eux, résolut Anastasiya en désignant les deux plus jeunes. Il faut bien que quelqu'un les surveille, ces deux-là…


- Pourquoi ne te joindrais-tu pas à nous, Dhont ? proposa Remus alors que Peter secouait la tête, nettement moins emballé. De toute façon, nous risquons de nous suivre à la trace pour le reste du parcours… Et un cerveau bienpensant de plus nous serait très utile. »


Un large sourire étira les lèvres d'Anastasiya. Peut-être que Remus Lupin n'était pas aussi irrécupérable que ses petits copains, finalement. Si Ophelia n'avait pas su saisir la perche qu'elle lui tendait, le Gryffondor venait de tomber dans les mailles de son filet à pieds joints. Elle étreignit son amie pour lui conférer force et courage, en profitant pour lui chuchoter quelques mots :


« Je n'ai jamais compris ce que tu peux bien lui trouver, depuis toutes ces années, mais mets le paquet car c'est le moment de le séduire ! Tu as jusqu'à minuit, Cendrillon…


- Nastya ! » s'offusqua Ophelia qui rougissait à vue d'œil.


Après quelques derniers encouragements à l'égard de l'étrange équipe nouvellement formée, Anastasiya dévala les escaliers, baguette en poche.


La vengeance était un plat qu'elle aimait déguster glacé.


 




 


Devant l'unique miroir psyché qui se trouvait dans son dortoir, Victoire fit un dernier tour sur elle-même, tentant de garder l'équilibre du haut de ses escarpins. Elle passa les doigts dans ses longues mèches blond polaire qu'elle venait de boucler pour les détendre un peu plus, en profitant pour inspecter son mascara au passage. En dépit du maquillage qu'elle avait tenté d'élaborer pour l'occasion, son visage restait bien pâle… Elle ajouta une dernière touche de fard à joue pour le rendre moins cadavérique, ses cheveux aux reflets presque blancs à la lumière artificielle ne l'aidant pas à la tâche… Elle écarta les mèches de sa frange rideau pour se dégager les yeux, puis se tourna vers Douglas, confortablement installé sur son lit. Elle lui demanda :


« Alors, qu'en dis-tu ? »


Le chat angora arrêta sa toilette un instant pour la regarder d'un œil presque trop critique pour un animal, avant de miauler et de reprendre son activité visiblement plus alléchante…


« M'ouais, tu as raison… » dit-elle en inspectant une dernière fois le dos-nu de sa longue robe noire à travers le miroir. « Mais ça fera l'affaire : ce n'est qu'un dîner d'Halloween, pas un bal… »


Elle glissa sa baguette dans le fourreau qu'elle portait à mi-cuisse sous sa robe, caressa le félin qui se blottissait davantage dans le plaid replié au bout du lit, prit son sac de soirée et quitta le dortoir en direction de la salle commune. Ne voyant pas son cavalier dans cette dernière, elle la quitta pour le retrouver à l'entrée.


Comme prévu, Severus l'attendait quelques mètres plus loin dans les cachots, adossé au mur. Il se redressa à sa vue, époussetant les épaulettes de sa cape de soirée avant de s'avancer vers elle. Son regard analytique glissa de haut en bas sur sa cavalière d'un soir.


« Qu'y a-t-il ? demanda Victoire mal à l'aise. C'est si terrible que ça ?


- Ton allure est surtout très décalée, Duchesne… Tu transpires le sang pur dans cette tenue. Et pourtant, tu te comportes comme une sang-de-bourbe allant à son premier Bal de Noël… »


Victoire rougit violemment à la comparaison. Elle était habituée aux réceptions de la haute société sorcière ; ses parents l'avaient forcée à y participer dès le plus jeune âge. Comment pouvait-il lui dire une chose pareille ?


« Ne me dis pas que tu n'es pas habituée aux mondanités, car je ne te croirai pas… Qu'est-ce qui te met si mal à l'aise ? » lui demanda-t-il en lui tendant son bras par galanterie.


Victoire s'y cramponna comme à une bouée de sauvetage.


« Ce n'est qu'un dîner organisé par Slughorn, tu sais… Tu y participes depuis ta quatrième année…


- N'essaye pas de me détendre, Severus… C'est inutile, lui confia la française. J'ai un mauvais pressentiment à propos de cette soirée. Et je viens de passer une sale journée, si tu veux tout savoir.


- Elle a débuté dans la bibliothèque à mes côtés, si tu te souviens bien.


- Et pourtant, ce n'était pas le pire…


- Le compliment me va droit au cœur, Duchesne. »


Quand ils arrivèrent devant le bureau de Slughorn, au bout des cachots, Victoire stoppa Severus un instant.


« Ne me quitte pas un instant durant la soirée, s'il te plaît.


- Duchesne, je vais finir par regretter d'avoir accepté ton invitation…


- S'il te plaît.


- Tes caprices me perdront, grommela-t-il. Si je t'ai dit que je t'accompagnais, ce n'est pas pour te planter durant la soirée… Je n'ai qu'une parole, et tu devrais le savoir. »


Victoire toqua à la porte du bureau, un peu plus détendue. Severus la regarda faire, fasciné par la fille qui lui tenait le bras. Une minute plus tôt, elle semblait désemparé ; il n'aurait par ailleurs pas été étonné de la voir tourner les talons pour rentrer aux dortoirs et ainsi esquiver le dîner. Pourtant, au moment où le Professeur Slughorn ouvrit la porte pour les accueillir dans son bureau métamorphosé en salle de réception, une toute autre Victoire Duchesne salua de dernier. L'héritière sang-pur par excellence, à la beauté froide propre aux Malefoy – qu'elle tenait de sa mère – et aux manières aussi mesurées qu'aristocratiques venait de faire son entrée en scène. Le masque était parfaitement en place, au point où Severus eut du mal à reconnaître la jeune fille qui lui servait de cavalière.


À force de la côtoyer à la bibliothèque, dans cet espace faisant presque partie d'une sphère privée qu'ils s'étaient progressivement forgés, Victoire avait fini par abattre face à lui presque toutes les défenses qu'elle érigeait au quotidien en public. Severus eut l'ultime confirmation à cet instant qu'elle ne mentait pas, lorsqu'elle prétendait le considérer comme un véritable ami. Elle lui faisait confiance au point de laisser tomber le masque devant lui, se dévoilant telle qu'elle était, jusqu'à ses moindres faiblesses.


La fille qui tenait son bras, elle, n'était pas son amie. Ce n'était pas celle qu'il avait appris à connaître. Et encore moins celle des bribes de souvenirs qui lui avaient échappées lorsqu'il s'était introduit dans son esprit…


« Professeur, l'entendit-il saluer Slughorn d'une voix chaude, nous vous remercions pour votre invitation.


- Bonsoir, Miss Duchesne, la salua en retour Horace Slughorn avec beaucoup trop d'enthousiasme, quel plaisir est votre venue ! Monsieur Snape. Entrez donc ! »


Victoire fut la première à avancer, tirant discrètement le bras de Severus pour le faire avancer. À la vue du drôle de couple qui venait d'arriver dans la salle de réception, le volume sonore des discussions se réduisit, les étudiants les évaluant avec curiosité. Victoire les observa les uns après les autres, impassible, avant de briser le silence :


« Et si nous nous servions un verre, Severus ? »


Si Snape avait pu se terrer au fond d'un trou, il l'aurait fait sans hésiter. Il avait pensé qu'en acceptant l'invitation de Victoire, il saurait davantage se fondre dans la masse, n'étant pas pointé du doigt car venant en éternel solitaire, ou ne finissant pas par être confronté à Lily, seul, une fois de plus. Pourtant, il avait la désagréable impression de se retrouver au centre de l'attention en l'espace de cinq minutes passées au Club de Slug…


« On se demande qui est mal à l'aise, à présent, lui chuchota Victoire avec un soupçon de malice tandis qu'ils trinquaient.


- Tu es vraiment déstabilisante, comme fille, tu le sais ? »


Le petit rire cristallin, tout en retenu, que sa cavalière lâcha acheva de le convaincre qu'elle comptait réellement passer la soirée à jouer le rôle pour lequel on l'avait conditionnée. Soit… Qui était-il pour la juger ou trouver cela ridicule, après tout ? Lui-même participait sans hésiter aux mascarades de la maison Serpentard lorsqu'il l'était nécessaire ; c'était après tout le seul moyen de se faire accepter au sein de certains cercles, le sorcier de septième année étant de sang-mêlé…


« Qu'est-ce que… » entendit-il sa partenaire de soirée murmurer. Il tourna la tête en direction de l'entrée, n'en croyant pas ses yeux. Lily venait d'arriver, resplendissante, comme toujours, ses cheveux roux retombant gracieusement sur sa robe d'un vert aussi profond que ses iris. Et à ses côtés se trouvait Potter. De tous les potentiels cavaliers qu'elle pouvait se trouver dans l'école, ou même à ce simple dîner, Lily avait réellement jeté son dévolu sur ce veracrasse de Potter ?


Severus sentit une main chaude se poser délicatement sur son poignet. Victoire lui adressa un sourire peiné, fissurant son masque de froideur aristocratique l'espace d'une seconde.


« Bien, il semblerait que tous les invités soient arrivés ! annonça allégrement Slughorn. Prenez place, jeunes gens : installez-vous, que nous puissions débuter la soirée comme il se doit ! »


Victoire avait calculé son coup : ne pas s'asseoir en bout de table dans le but de ne pas être trop facilement au centre de l'attention. Ne pas s'installer trop près de Slughorn afin d'éviter ses inlassables monologues, ou ses questions un peu trop indiscrètes. Éviter d'être assise trop près d'un Gryffondor ou d'un Poufsouffle. Se rapprocher d'un Serdaigle, à la limite. Le tout en esquivant Black numéro un, qui allait encore la saouler avec son histoire de sauvetage redevable, ainsi que Black numéro deux dont les intentions n'étaient pas encore tout à fait claires. Un jeu d'enfant, n'est-ce pas ?


Un échec total : elle se retrouva coincée entre Regulus et Severus qui demeurait son seul point d'ancrage pour la soirée. Face à eux étaient respectivement attablés Lily Evans, James Potter et Sirius Black, venu seul, par le plus grand des miracles. Mauvais pressentiment, quand tu nous tiens… se dit Victoire, dépitée. Elle sentit Severus se tendre à ses côtés. Elle devina aisément que la simple vue d'Evans en compagnie de celui qui fut un véritable harceleur durant une grande partie de sa scolarité ne devait pas l'aider non plus…


Le dîner débuta par les remerciements du Professeur Slughorn, plus que ravi de compter ô combien de si illustres étudiants à sa table ce soir-là, suivis par la série de questions-réponses qu'il affectionnait tant.


« Votre mère travaille-t-elle toujours en tant que journaliste pour le Daily Prophet, Monsieur Fawley ? » « Comment se porte votre grand-père, Miss Rowle ? Un homme formidable, assurément ! » « Avez-vous déjà réfléchi à ce que vous souhaiteriez entreprendre après Poudlard, Monsieur Snape ? Le domaine des Potions vous réussirait à coup sûr ! » « Le droit magique vous attire-t-il, Monsieur Potter ? Comme votre grand-père, ce très cher Henry, a pu s'illustrer au Magenmagot, de son temps ! » « Ah, Miss Duchesne… Vous ressemblez tellement à votre mère, Léda Malefoy ! Elle était une élève très charmante, vous savez. Je ne serais pas étonné d'apprendre, comme pour elle à l'époque et le veut la coutume, qu'un fougueux héritier sang-pur demande votre main d'ici la fin de votre scolarité… »


Victoire avala de travers. Elle toussota, tentant de faire bonne figure en dépit de la bouchée de nourriture qui restait coincée dans sa gorge. Elle déglutit calmement, réfléchissant à toute allure à ce qu'elle pourrait bien répondre à telles inepties. Severus lui remplit galamment son verre d'eau avant de le lui tendre. Elle l'accepta volontiers, le remerciant faiblement avant d'en boire une gorgée. Slughorn s'était tu, tout comme l'ensemble des étudiants réunis à sa table, attendant visiblement une réponse de sa part. Une étincelle brilla dans les yeux du professeur. Victoire ne comprit que trop tard sa méprise.


« Oh, mais non… dit-il avec douceur. Votre cœur est déjà pris, Miss. »


Victoire était certaine d'être écarlate de gêne. Severus lui donna un léger coup de pied pour qu'elle se ressaisisse.


« Vous faites erreur, professeur, répondit-elle poliment d'une voix qu'elle aussi claire qu'assurée. Mon cavalier et moi-même ne sommes venus qu'en tant qu'amis, ce soir.


- Oh mais je ne vous parle de Monsieur Snape, Miss Duchesne ! rit le Professeur Slughorn comme s'il s'agissait de la blague de l'année. J'ai cru voir un article passer, il y a peu… N'était-ce pas dans le journal de l'école que rédige une élève de ma maison, par ailleurs ? Quel est son nom, déjà… ? Ah oui, Miss Skeeter ! N'avait-elle pas parlé de fiançailles, à votre sujet ? Avec Monsieur Black ici présent, si mes souvenirs sont bons ? »


Les deux frères Black relevèrent instantanément la tête à l'entente de leur nom, lançant un drôle de regard à Slughorn avant de se dévisager l'un l'autre, face à face. Une tension se créa dans la pièce, que seul le professeur ne sembla pas remarquer. Il poursuivit sur sa lancée :


« Mais lequel était-ce, déjà… ? »


Victoire se serait bien terrée dans le même trou que celui dont rêvait Severus une heure plus tôt. Ce fut Sirius qui tenta de détendre l'atmosphère, optant comme à son habitude pour la plaisanterie.


« Certainement pas moi, professeur ! » déclara-t-il d'un ton léger, un sourire amusé aux lèvres. « Je crois qu'il est inutile de rappeler que la famille Black m'a renié. Il serait impossible qu'une jeune fille de si bonne famille comme Miss Duchesne puisse être lié à un tel individu : pas même en rêve, hélas… »


Son intervention eut l'effet escompté, arrachant un sourire à la plupart des invités malgré la mine désapprobatrice de Slughorn, le professeur appréciant moyennement la déviation du sujet ainsi que le ton avec lequel en parlait le concerné. Les propos de Sirius renfrognèrent au contraire Victoire, qui demeura physiquement insensible, ainsi que Regulus qui lançait à présent une œillade glaciale à son frère.


« Avec tout le respect que je vous dois, professeur, il ne faut pas croire tout ce que rédige Rita Skeeter dans Les Potins de Poudlard, s'immisça Regulus. Comme le nom de sa gazette l'indique, le contenu ne se fonde que sur des bruits de couloir. Vous-mêmes savez à quel point de simples propos entretenus entre pairs peuvent finir par être déformés… N'est-ce pas ?


- Hum, oui, en effet… approuva le professeur. Je ne faisais que m'interroger, comme bon nombre d'entre nous à mon avis… Je vous remercie d'avoir éclairé ce point, Messieurs Black, Miss Duchesne » finit-il avec embarras.


Le dîner se poursuivit, Slughorn changeant de sujet ainsi que de cible pour reporter son attention sur d'autres étudiants, au grand soulagement de Victoire.


Ce serait la dernière fois qu'elle mettrait les pieds au Club de Slug.


 




 


Vingt-deux heures trente. Il ne leur restait qu'une heure et demie pour terminer le jeu qu'avait lancé Dumbledore en début de journée.


« Nous sommes près du but, dit Remus. J'en suis sûr… »


Ophelia observa Peter Pettigrew déambuler devant la tapisserie sur laquelle Barnabas le Follet semblait tenter d'apprendre la danse classique à un groupe de trolls des montagnes. Pendant ce temps, Edouard énumérait les différents indices qu'ils avaient trouvé au cours de cette fin de journée passée ensemble, tandis que Bilius Weasley tentait d'ouvrir une par une les salles présentes au septième étage.


« Peter, tu me donnes le tournis, lâcha Edouard en le voyant exécuter un nouvel aller-retour devant la tapisserie.


- C'est pourtant comme ça, que ça fonctionne… baragouina le septième année.


- À quoi penses-tu pour faire apparaître la porte ? l'interrogea Remus.


- À la tête de Sir Patrick, répondit Peter. Elle est forcément cachée dans la Salle sur Demande.


- La… Salle sur Demande ? »


Remus se tourna vers Ophelia, acquiesçant d'un signe de tête.


« La Salle sur Demande est une salle magique qui apparaît uniquement lorsqu'une personne en a vraiment besoin. Pour l'ouvrir, il faut passer plusieurs fois devant en pensant à ce qu'il nous faudrait.


- Comment connaissez-vous son existence, Pettigrew et toi ? s'étonna Ophelia, fascinée par l'existence d'un tel lieu caché dans le château.


- Si nous te le révélions, ce ne serait plus un secret… » dit mystérieusement Remus en voyant enfin apparaître la porte de la salle.


Il fit signe à la Serpentard d'entrer avant de s'assurer que les deux élèves de première année les suivent. Tant Remus et Peter que les trois autres, qui n'avaient encore jamais vu la Salle sur Demande, restèrent bouche bée face à ce qui s'étendait devant eux.


La salle avait pris la forme d'un immense débarras où s'entassaient des milliers de meubles et d'objets.


Si c'était là-dedans que le Baron Sanglant avait caché la tête de l'autre fantôme, alors la retrouver serait aussi facile que chercher une aiguille dans une botte de foin…


 




 


Rita Skeeter savait qu'elle n'aurait pas dû écouter les deux autres filles de sa maison avec qui elle faisait équipe. Depuis le début, elle le sentait : elle aurait dû laisser tomber les rivalités entre maisons pour rejoindre son amie Poufsouffle. Elle, au moins, n'aurait pas proposé de se séparer dans les couloirs lugubres du château afin de rechercher des indices qui demeuraient inexistants depuis plus de deux heures. Découragée, Rita fit une pause.


Elle prit le temps d'observer les lieux, réfléchissant. La cinquième année était certaine d'arpenter le bon couloir, contrairement à ce que Diana et Scarlett prétendaient. Après une énième dispute, les trois filles avaient décidé de faire bande à part et de poursuivre le jeu chacune de leur côté jusqu'à ce que l'une d'elles tombe sur un indice leur permettant d'avancer.


Rita savait que les deux autres avaient tort. Et la lueur qui filtrait à travers la porte à moitié ouverte, quelques mètres plus loin, lui donnait entièrement raison. Elle essuya rapidement ses grosses lunettes rectangulaires à l'aide de sa manche, avant de les replacer sur son nez et de se diriger vers la porte qu'elle ouvrit en grand. Elle invoqua un Lumos pour un peu mieux l'éclairer, puis fit quelques pas pour se poster au centre de la salle.


La porte se referma d'un coup sec et se verrouilla, son claquement sinistre résonnant dans le couloir du sixième étage.


 




 


Minuit moins dix. Le dîner de Slug était terminé depuis un moment lorsque Victoire acheva de grimper les escaliers qui débouchaient sur le haut de la Tour d'Astronomie, pieds nus, tenant ses chaussures à talon dans une main, suivie de près par Severus Snape et Regulus Black. Le trajet s'était fait en silence, aucun des trois ne souhaitant revenir sur les événements de la soirée.


Du sommet de la Tour, Victoire jeta ses escarpins au sol pour s'appuyer sur la rambarde, les yeux rivés vers la nuit étoilée. Severus la rejoignit, s'accoudant à son tour.


« Es-tu certaine de vouloir le faire ? » lui demanda-t-il.


L'absence de réponse immédiate de la blonde qui n'avait pas quitté le ciel d'encre du regard fit douter Regulus. Il l'avait pensée suffisamment forte pour encaisser tout cela. Peut-être s'était-il trompé… La petite fille avec qui il avait grandi aurait catégoriquement refusé, il en était certain. Mais la jeune femme à qui il serait prochainement rattaché par des liens des plus sacrés, elle, si elle pliait, ne casserait pas. Ce qu'il avait pu observer de son attitude à la soirée de Slug avait achevé de l'en persuader. Il espérait ne pas se tromper à son sujet.


« Nous pouvons commencer » annonça-t-elle en se tournant tranquillement vers lui.


Regulus s'approcha du drôle de duo qu'il n'aurait pas cru voir tant se rapprocher un jour. Il placerait sa vie entre les mains de Severus les yeux fermés ; il l'aurait volontiers offerte autrefois pour la jeune femme qui se tenait dignement face à lui. En attendant, il se devait d'assurer sa sécurité avant toute chose.


Il attrapa la main de chacun d'entre eux, les reliant au poignet de l'autre. De sa baguette, Regulus esquissa un premier geste autour de leurs bras joints, démarrant le processus. Une première chaîne rougeoyante apparut autour de leurs poignets.


« Severus, t'engages-tu à ne rien dévoiler de ce que tu as vu et de ce que tu verras dans l'esprit de Victoire, lorsque tu entreprendras de lui apprendre l'art de l'Occlumancie ? »


Severus planta son regard abyssal dans celui, presque translucide à la lueur de la lune, de Victoire.


« Je m'y engage. »


Une seconde chaîne s'enroula autour de leurs mains, entrelacée à la première.


« T'engages-tu également, Severus, à poursuivre cet enseignement jusqu'à ce qu'elle le maîtrise suffisamment de manière à protéger son esprit ?


- Oui. »


Une troisième chaîne apparut, faisant grimacer Victoire dont la peau fut lacérée au passage.


« T'engages-tu à ton tour, Victoire, à ne jamais révéler, et ce à quiconque, ce que Severus t'a volontairement confié lors de ton expérience de Legilimancie contre lui ?


- Oui. » répondit Victoire sans hésiter, resserrant sa prise sur la main de Severus comme pour doubler sa parole.


Une quatrième et dernière chaîne s'entrelaça aux autres, à la grande surprise de la jeune fille.


« Enfin, t'engages-tu, Victoire, à ne rien révéler des activités du groupe actuellement formé à Serpentard, quoi qu'il advienne ? »


Victoire tourna la tête vers Regulus, craignant mal comprendre ce que les deux garçons exigeaient d'elle. Ce n'était pas convenu dans leur pacte, ça. Il n'en avait jamais été question…


« Ce n'est pas ce qui avait été convenu, fit-elle remarquer à Severus. Je ne sais même pas à quel groupe il fait référence.


- Tu es loin d'être idiote, Victoire, répondit Snape. Discrète, naïve et craintive, probablement. Mais pas idiote. Nous nous assurons seulement de la sécurité ainsi que de l'honnêteté de chacun. Donnant, donnant. »


Victoire ne pouvait s'en vouloir qu'à elle-même. Elle était celle qui avait marchandé avec Snape par réserve alors qu'elle aurait tout simplement pu lui faire confiance aveuglément. Celle qui avait exigé un Serment Inviolable malgré la parole qu'il lui avait solennellement donnée. Cela lui apprendra à se méfier de tout le monde, tout en ne se méfiant pas suffisamment de son propre jugement.


Elle allait faire un nouveau pas en avant, droit dans la gueule du serpent. Car elle n'avait plus le choix, désormais. Les dés étaient jetés.


« Très bien. Je m'y engage. »

End Notes:

* Je pense que vous aurez reconnu à quel personnage la réplique de Bilius Weasley faisait référence... :-D tel oncle, tel neveux...

 

Entre la Légilimancie et le Serment Inviolable, ça devient un peu tendu pour Victoire... Nous commençons réellement à entrer dans le caractère un plus sombre de la fanfiction, qui va (et continuera) d'aller en crescendo au fil des chapitres. Evidemment, l'ensemble ne comportera pas que cela, sans quoi, cela donnerait une atmosphère vraiment particulière. Mais les choses, mine de rien, commencent à accelérer sur certains points, et je pense pouvoir enfin dire que le cadre global est planté et que les dés sont jetés ! (-:

 

Merci à toutes les personnes qui prennent encore le temps de cliquer sur le lien de cette histoire, que cela soit pour la lire / suivre ou par simple curiosité après ces dix premiers chapitres postés.

Chapitre 11 - Silence by Red Plumette
Author's Notes:

Bonjour / bonsoir !

Je vous laisse avec le chapitre 11, qui m'a laissée sans voix une fois totalement écrit tant il y avait à transmettre en un seul post...

Je n'ai pas su faire plus court ; 6777 mots, donc plus long que les précédents. Il s'y passe pas mal de choses... Du moins, bien plus que dans les autres qui s'étiraient davantage dans le lancement de l'intrigue, j'ai l'impression. J'ai joué les canonniers, pour le coup...

Je vous laisse découvrir ceci par vous-mêmes. :-) Je crois bien pouvoir affirmer que la machine est lancée, ça y est. Le cadre est définitivement planté ; c'est parti !

 

CHAPITRE XI

 

« N'oubliez pas que Poudlard est un lieu de paix où chacun devrait trouver chez son comparse un ami plutôt qu'un ennemi. » Albus Dumbledore

 


 

Le lendemain matin, lundi 1er novembre 1977, l'école ne s'était pas départie de l'effusion de la veille.

Les élèves qui, pour la plupart, n'étaient pas arrivés au bout de la chasse à la tête de fantôme, attendaient avec impatience le verdict du jeu qui avait pris fin aux douze coups de minuit qui avaient exceptionnellement sonné pour l'occasion cette nuit-là.

Pourtant, en dépit de la bonne humeur qui régnait dans la Grande Salle durant le petit déjeuner, la table des professeurs affichait un air particulièrement sombre. Toute la décoration d'Halloween mise en place la veille avait disparu, la salle reprenant ses atours habituels. Les bannières des quatre maisons étaient de nouveau apparents. Quelques citrouilles départies de tout visage trônaient au centre des tables. Le plafond magique présentait un ciel gris presque orageux, grondant de temps à autre dans ce qui ressemblait à un ronronnement sourd.

Ophelia ajouta du lait dans son porridge avant de le mélanger paresseusement. De temps à autre, elle jetait un œil en direction de la table des Gryffondors, de laquelle Remus Lupin lui rendait un regard presque complice, un petit sourire satisfait au bord des lèvres. Anastasiya intercepta leur jeu de regards, ravie de la tournure qu'avaient pris les événements. Elle donna un coup de coude discret à son amie.

« Alors, avec Lupin ? » lui souffla-t-elle avec un clin d'œil.

Ophelia pouffa de rire. Ana n'y était vraiment pas…

« C'était bien » confirma-t-elle. « Mais ce n'est pas ce que tu crois… Lupin est peut-être très ouvert d'esprit, sympathique et même tolérant, mais je reste une Serpentard. Il ne me regardera jamais autrement que comme une quelconque camarade de la maison rivale qui est un peu moins Serpentard que les autres… Il me tolère, c'est tout. Et je vais devoir m'y résigner... »

Anastasiya acquiesça en silence. Elle lui attrapa la main, la serrant.

« Si tu n'avais pas suivi ta sœur ici, tu n'aurais pas rencontré ce genre de frein… » lui rappela-t-elle. « Mais si tel avait été le cas, alors je ne t'aurais pas auprès de moi en ce moment. »

Il était rare qu'Anastasiya ouvre son cœur et déballe ainsi ses sentiments. Ophelia en fut touchée malgré la véracité presque blessante des paroles précédant sa déclaration d'amitié. Elle reporta son attention sur l'objet de son entrée dans la maison de Salazar, assise face à elle, étrangement silencieuse. Amalia tournait et retournait sa cuillère dans son bol sans en prendre une bouchée, l'air aussi maussade que les professeurs.

« Ça va, Amy ? » s'enquit-elle.

Amalia reporta son attention sur elle, sortant de ses pensées. Un faible sourire lui étira les lèvres.

« Oh, ouais, je vais bien… »

Etrange. Ophelia se tourna en direction du reste de la tablée à la recherche du petit-ami de sa jumelle. Il manquait vraisemblablement à l'appel, tout comme l'ensemble des garçons de septième année de leur maison. Parmi les élèves de sixième année, Regulus Black était lui aussi absent, à l'image d'Avery qu'elle ne vit nulle part. Victoire également, qu'elle n'avait pas revue depuis la veille. Ophelia commença à s'inquiéter.

« As-tu croisé Vi', hier ?

- En début de journée, oui. Je lui avais donné la réponse à la première énigme, afin qu'elle puisse vous la transmettre…

- Ah bon ? s'étonna Ophelia. Nous ne l'avons pas revue après l'annonce de Dumbledore… Je l'ignorais ! Merci, Amy. C'est gentil !

- Pas de quoi » répondit sa sœur en haussant les épaules.

Quelque chose ne tournait décidément pas rond. Amalia était toujours d'un tempérament enjoué, même dans des situations tendues ou critiques. Qu'est-ce qui pouvait bien se tramer au point de lui faire perdre ainsi le moral ?

Les portes de la Grande Salle s'ouvrirent pour laisser entrer les retardataires. Minerva McGonagall, la mine aussi grave que sévère, ouvrait la marche au groupe uniquement composé de Serpentards. Derrière elle, Evan Rosier, Andronic Mulciber, Antonin Dolohov, Severus Snape, Nérée Avery, Regulus Black et Victoire Duchesne avançaient d'un seul et même pas, rejoignant tous la table de leur maison commune sous le silence pesant qui venait de s'installer à chaque tablée.

Albus Dumbledore en profita pour se lever, attendant que le professeur de Métamorphoses s'installe auprès de ses collègues avant de prendre la parole. Il se lança son éternel Sonorus afin que sa voix retentisse dans la Grande Salle.

« Chers élèves » commença-t-il d'un ton plus solennel que la veille. « J'ai l'honneur de vous annoncer que Sir Patrick Deloney-Podmore a pu retrouver l'usage de sa tête grâce à votre investissement particulièrement enthousiaste et intarissable ! Si de nombreux élèves ont abandonné le jeu en cours de journée, parfois en étant proches du but, je ne peux que tous vous féliciter pour toutes les épreuves que vous avez relevées avec courage, et pour certains, brio ! »

Le directeur engagea des applaudissements qui retentirent dans la salle, repris par chaque élève et professeur, saluant les efforts de tous les participants. Il les interrompit pour reprendre :

« Je tiens à particulièrement féliciter le groupe d'élèves ayant su aller jusqu'au bout de cette quête, et ce, malgré toutes les difficultés rencontrées. Je demanderai donc à Messieurs Lupin, Pettigrew, Weasley et Duchesne, de la maison Gryffondor, ainsi qu'à Miss Dhont de la maison Serpentard, de bien vouloir me rejoindre afin de récupérer leur récompense. »

Anastasiya regarda son amie se lever, stupéfaite. Ophelia ne lui avait rien dit à propos de sa victoire ; elle comprenait parfaitement les regards complices échangés avec Lupin, à présent. Amalia, face à elle, en avait presque la mâchoire décrochée. Sa sœur avait réussi là où elle avait échoué, une fois de plus. Ophelia avait toujours était la tête pensante parmi elles. Mais participer au jeu avec des Gryffondors, notamment avec Lupin pour qui elle avait le béguin depuis sa première année à Poudlard ? Incroyable… ! Elle en restait bouche bée. Sa jumelle se débrouillait peut-être très bien sans elle, finalement… et même dans ce domaine…

Le directeur de Poudlard se tenait à présent devant l'estrade, de laquelle il était descendue, se postant devant la table des professeurs. Il félicita derechef les cinq gagnants, leur tendant un petit coffre que le Professeur Slughorn venait de lui faire passer.

« Nos gagnants remportent un ensemble de potions à usage unique, à utiliser lorsque le besoin se fera sentir. Ce coffret n'est constitué que d'un seul exemplaire par potion : libre à vous, donc, de vous les partager comme bon vous semble ! J'accorde également vingt points à chacun des gagnants. La maison Serpentard remporte donc vingt points, et Gryffondor quatre-vingts ! »

Les cinq élèves remercièrent l'ensemble de l'équipe de professeurs avant de retourner s'asseoir sous les applaudissements des autres élèves, le coffre confié à Remus Lupin afin qu'ils puissent se partager le butin plus tard.

Le visage d'Albus Dumbledore se ferma aussitôt qu'ils furent assis et que les applaudissements s'estompèrent. Il reprit la parole, le ton bien plus grave :

« De nombreux événements se sont déroulés, hier. Vous avez dû affronter un certain nombre d'obstacles, notamment des créatures magiques plus ou moins dangereuses selon votre niveau et votre année d'appartenance. Des sortilèges ont été lancés à l'attention de ces créatures et de ces épreuves, ces derniers ayant été exceptionnellement autorisés... »

Dumbledore fit une pause dans son discours, analysant les élèves, son œil inquisiteur s'attardant particulièrement sur la maison Serpentard.

« Vous devez savoir qu'une élève a sauvagement été attaquée hier soir. Rita Skeeter a été transférée à Sainte-Mangouste en urgence la nuit dernière. »

Des murmures s'élevèrent parmi les élèves. Dumbledore attendit quelques instants avant de répondre aux interrogations qui commençaient déjà à se formuler.

« Cette attaque n'était ni un accident, ni le fruit d'une perte de contrôle de sa part durant le jeu. Tout laisse à croire que Miss Skeeter a été blessée par un autre élève de l'école. Elle a subi d'importants dommages corporels que seuls des sortilèges sont capables d'infliger. L'utilisation de maléfices, notamment sur d'autres élèves, est, comme vous le savez tous, formellement interdite ! »

Les élèves étaient horrifiés. Une attaque, à Poudlard ? Un étudiant qui aurait blessé volontairement un autre, l'expédiant droit à Sainte-Mangouste ? Mais qui aurait bien pu faire une chose pareille ?! Certains regards se tournèrent systématiquement vers la table des Serpentards, comme l'avait fait précédemment celui du directeur, notamment vers le groupe arrivé en dernier dans la Grande Salle. Pourtant, Rita Skeeter était elle-même élève dans cette maison. Elle était la seule des quatre à jouir de la réputation de ne reculer devant rien ainsi que de ne pas avoir froid aux yeux en ce qui concernait l'atteinte de ses objectifs, mais les Serpentards iraient-ils jusqu'à s'en prendre à l'une des leurs ? Ces derniers restèrent de marbre, sachant de toute façon que cette histoire leur retomberait dessus. Les plus âgés se lancèrent des œillades égales, le visage fermé.

« Compte tenu des circonstances, je me vois dans l'obligation de fermer le Club de Duel pour un temps indéterminé… » acheva le directeur, sous les exclamations aussi indignées que déçues des élèves. « La baguette de Miss Skeeter est actuellement en examen afin que l'on puisse comprendre ce qui a bien pu lui arriver. En attendant, tant que le ou la coupable n'aura pas été désigné(e), je ne peux prendre le risque de vous laisser nourrir un goût pour la confrontation. J'espère que vous comprendrez cette décision. N'oubliez pas que Poudlard est un lieu de paix où chacun devrait trouver chez son comparse un ami plutôt qu'un ennemi. Ce sera tout. Je vous remercie pour votre attention. »

Alors que le directeur en avait fini avec cette nouvelle aussi inattendue que déconcertante, le Professeur McGonagall se leva à son tour, prenant la parole un court instant.

« Tous les élèves absents de leur salle commune entre vingt-et-une heure et minuit hier soir seront priés de ne plus se servir de leur baguette avant la vérification de celle-ci. Chacun des concernés se verra soumettre une Remontée des Sortilèges en attendant que l'état de Miss Skeeter s'améliore et que l'examen de sa propre baguette ait été réalisé. Vous avez la journée pour venir vous présenter au troisième étage afin qu'un professeur puisse se charger de cet examen. »

Cette dernière annonce fit l'effet d'une douche froide auprès des élèves suspectés. Si on leur demandait même un examen des baguettes, alors le coupable devait réellement avoir frappé très fort… Lily Evans, elle-même concernée par cette remontée des sortilèges, se sentait plus mal de minute en minute depuis l'annonce de l'incident. Elle ne pouvait détacher les yeux d'Anastasiya Karkaroff, au loin, qui beurrait tranquillement un toast, imperturbable.

Aux yeux des élèves, qui, scrutateurs, tentaient de repérer une réaction suspecte auprès de leurs camarades, la situation semblait délirante, irréelle.

À la table des Serpentards, une tout autre sorte d'œillade fut échangée entre de nombreux confrères de cinquième, sixième et septième années. Dans ce genre de situation, la solidarité était de mise. Ils se l'étaient juré. Oui, l'un d'entre eux avait commis le méfait. Oui, certains savaient parfaitement qui était le responsable. Mais plutôt leur arracher la langue que la vérité…

 


 

Avant le début des premiers cours de la journée, Victoire était retournée à la salle commune de Serpentard, prétextant un oubli de manuel pour sa classe d'Arithmancie. Une fois arrivée là-bas, elle y retrouva Severus et Regulus, qu'elle tira sans ménagement jusqu'aux dortoirs avant de les insonoriser par précaution.

« Ton dernier sortilège ? » demanda-t-elle catégoriquement à Regulus.

Si le garçon n'avait pas vraiment saisi l'objet de sa demande lorsqu'elle leur avait donné rendez-vous un peu plus tôt, il hocha la tête de compréhension, davantage pour lui-même.

« Accio », répondit-il simplement. « Utilisé dans la Salle Commune au retour de la Tour d'Astronomie. »

Victoire s'assit sur son lit, se prenant nerveusement la tête entre les mains. Inspirant profondément, soulagée, elle interrogea du regard Severus tout en se caressant la peau lacérée de son poignet sur lequel les marques des chaînes du Serment Inviolable étaient encore visibles.

« Un Reducto utilisé en début d'après-midi » lui assura Severus.

Victoire se mit à rire spasmodiquement.

« Pour ma part, un sortilège de coiffure très utile que ma grand-mère m'a appris il y a quelques années… ».

Sa remarque fit sourire les deux garçons, mornes mais aussi soulagés qu'elle.

L'examen des baguettes et l'ampleur que risquait de prendre toute cette histoire n'annonçaient rien de bon. Severus, Victoire et Regulus n'étaient pas responsables des blessures de Rita Skeeter. Mais si les professeurs venaient à trouver la moindre trace du serment qui avait été lié entre eux ou s'ils remontaient jusqu'à son Enchaîneur, alors les trois élèves seraient très certainement expulsés de l'école sans autre forme de procès.

 


 

Lily Evans attendait devant les serres de l'école, emmitouflée dans sa cape d'hiver qu'elle avait déjà ressortie en ce début novembre. En plus du vent qui sifflait, s'infiltrant dans les pans de son uniforme, une fine pluie avait commencé à tomber depuis quelques minutes, aplatissant les mèches de ses cheveux roux qui commençaient désormais à goutter le long de son cou. Sa jambe droite tressautait alors qu'elle patientait avec nervosité, attendant que les élèves de sixième année quittent leur cours de Botanique qui était censé être terminé depuis plusieurs minutes. Elle les vit enfin sortir de la serre. Lorsque Anastasiya Karkaroff franchit la porte du local, Lily l'attrapa par le bras pour la tirer plus loin, obligeant cette dernière à la suivre.

Anastasiya, ennuyée, ne posa aucune résistance. Si Evans avait quelque chose à lui dire, qu'elle fasse vite. C'était tout ce qu'elle lui demandait…

Lily les emmena dans un coin un peu plus isolé du parc de Poudlard, caché par des arbres, près du Lac Noir. Après avoir vérifié les alentours, elle s'éloigna de la préfète de Serpentard, assurant plusieurs mètres de sécurité entre elles. Anastasiya haussa un sourcil face à son manège.

« C'est toi ! l'accusa ouvertement Lily, sans détours.

- Qu'est-ce que tu entends par là, Evans ? l'interrogea Ana, dubitative.

- Skeeter, énonça Lily un peu plus bas. Je sais que c'est toi qui as fait ça !

- Et si tel était le cas, Evans ? Que ferais-tu ? »

Une suée froide traversa Lily. Elle ne s'était pas attendue à ce que Karkaroff avoue si facilement. Que pouvait-elle bien faire, à présent ? En parler aux professeurs ? Sans aucunes preuves ?

« Tu ne ferais rien, et tu sais pourquoi, Evans ? Parce que premièrement, tu n'as pas de preuves. Secondement, ma baguette subira la Remontée des Sortilèges pour n'afficher qu'un malheureux Stupefix. Dernièrement, tu devras expliquer aux professeurs que tu as passé un accord avec moi plusieurs semaines plus tôt, me demandant personnellement de me venger de Skeeter car la parfaite Préfète-en-chef que tu es en est incapable, seule, en dépit de tout le courage dont se vante sa maison. »

Lily blêmit face au ton employé par la Serpentard. Elle savait qu'elle n'aurait jamais dû passer un marché avec elle, qu'elle soit préfète ou non. Mais jamais elle n'aurait cru sentir tant de tension et de menaces dans de simples paroles sans que ces dernières ne soient virulentes. Lorsqu'elle voyait Karkaroff montrer les griffes ou les crocs avec toute l'arrogance qui lui était propre, cette dernière n'était finalement pas au summum de l'intimidation... Postée là face à elle, aussi droite et raide que les arbres alentours, son regard noir et perçant de faucon vrillé dans le sien comme s'il lisait à travers son âme tandis qu'elle conservait une attitude des plus calmes, Anastasiya lui faisait presque peur. Lily recula lentement d'un pas supplémentaire, sur ses gardes, touchant sa baguette du bout des doigts dans la poche intérieure sa cape.

« Je ne t'ai jamais demandé de lui faire de mal… se justifia Lily. Skeeter est à l'hôpital magique, Karkaroff… Est-ce que tu te rends compte de la gravité de la situation ? Ou tout ceci n'est-il qu'un jeu pour toi ? »

Anastasiya se mit à rire cyniquement, secouant la tête de gauche à droite. Les mains sur les hanches, elle toisa la Gryffondor qui ne comprenait décidément rien à rien.

« Ce n'est pas moi qui l'ai expédiée à Sainte-Mangouste, Evans.

- Tu viens pourtant de dire que…

- Non, Evans, je n'ai rien dit du tout. Uniquement ce que tu souhaitais entendre, car selon toi, je ferais la coupable idéale. La tête à l'emploi pour l'utilisation d'un maléfice contre un autre élève sans aucuns scrupules. »

Lily se mordilla la lèvre inférieure, confuse, la main toujours serrée sur sa baguette qu'elle était prête à dégainer à tout moment. En effet, elle avait spontanément songé à Karkaroff, sans l'espace d'une hésitation. Indirectement, elle avait appliqué les préjugés que sa maison portait communément à sa rivale de toujours… Se trompait-elle seulement ? N'était-ce pas une autre forme de manipulation de la part la sang-pur face à elle ? Tout était possible…

« Navrée de te décevoir, mais tu devras chercher le coupable ailleurs.

- Si tu affirmes que tu n'y es pour rien, alors je te laisse tranquille, trancha Lily. Mais ne m'approche plus. Reste loin de moi, à l'avenir, Karkaroff... ! »

La Gryffondor resta immobile alors que la sorcière russe, les cheveux rendus encore plus sombres par la pluie, s'approchait d'elle. Cette dernière freina son avancée une fois arrivée à son niveau, son épaule touchant délibérément la sienne. Elle se pencha encore plus près pour lui murmurer doucement, la faisant frissonner d'effroi :

« Soit. Je ne te dois plus rien, Evans. Je me suis bel et bien occupée de Rita Skeeter, si tu veux tout savoir, faisant le sale travail comme tu me l'as si gentiment demandé. Mais je ne suis pas celle qui l'a terminé… »

 


 

Ophelia profita de la pause méridienne pour retourner aux dortoirs afin d'y déposer son butin récemment remporté. Elle avait retrouvé ses coéquipiers de jeu à la bibliothèque quelques instants plus tôt pour que chacun puisse récupérer sa part de la récompense qu'ils avaient durement acquise. Le partage s'était fait de manière équitable, le coffret comportant cinq fioles ; une par joueur. Il ne leur restait plus qu'à choisir qui prendrait laquelle, chaque potion pouvant se révéler des plus utiles…

Entrant dans sa chambre, Ophelia s'arrêta net sur le palier en voyant sa sœur jumelle couchée sur son lit, le visage rivé vers la petite fenêtre qui donnait sur le Lac Noir. La sorcière ferma précautionneusement la porte derrière elle avant de se diriger vers le lit, s'asseyant au bout. La lueur verdâtre du Lac Noir sur lequel tapait le soleil de midi pénétrait faiblement la pièce, mais suffisait à se refléter sur le visage d'Amalia qui ne cessait de fixer les mouvements voluptueux des eaux profondes.

« Amy » bredouilla Ophelia, « Que se passe-t-il ? Tu es cafardeuse depuis ce matin. Ça ne te ressemble pas… »

Amalia tourna un visage abattu vers sa jumelle. Face au silence et à l'état de sa sœur, Ophelia s'allongea à ses côtés comme elles l'avaient fait pendant des années, inséparables, et l'entoura de ses bras. C'était la première fois que les rôles s'inversaient. Durant leur enfance, c'était toujours Amalia qui venait la réconforter de son étreinte protectrice lorsqu'elle apercevait la tristesse de sa sœur, bien plus fragile. Ophelia esquissa un rictus mélancolique dans son dos, resserrant la prise que ses bras exerçaient autour de sa sœur.

« Tu n'es pas obligée d'en parler » finit-elle par lui susurrer. « Je sais que pas mal de choses ont changé ces derniers temps, et que nous avons eu nos différends. Mais je suis là pour toi, Amy. Comme tu l'as toujours été. »

Amalia hocha faiblement la tête en posant sa main sur celle de sa sœur, lui intimant silencieusement de ne pas la lâcher. Elle s'éclaircit la gorge avant de prendre la parole d'une voix enrouée.

« Je suis fière de toi, petite sœur. J'aimerais que tu le saches.

- Nous avons le même âge, lui rappela Ophelia. Et c'est moi, qui suis sortie la première... »

La remarque eut le mérite d'arracher un petit rire étouffé à Amalia.

« Tu seras toujours ma petite sœur, Ophia. Mon adorable et innocente petite sœur que je dois protéger. Mais il est temps que je te laisse voler de tes propres ailes, on dirait… »

Ophelia se redressa pour observer Amalia qui souriait tristement, perdue dans ses pensées.

« Je ne suis pas un petit oiseau tombé du nid, Amy…

- Non, c'est vrai. Mais j'ai peut-être joué la mère couveuse un peu trop longtemps, admit difficilement Amalia. Je n'ai pas su voir la magnifique colombe que tu es devenue… Et je m'en excuse. »

Ophelia resta sans voix tant face à l'attitude de sa sœur qu'à ses paroles. D'abord, Anastasiya qui louait leur amitié comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Maintenant, Amalia… Cette dernière se tourna enfin vers sa sœur, le regard embué mais le sourire heureux.

« Je pense avoir raté beaucoup de choses… Tu veux bien tout me raconter ? dit-elle en désignant le flacon d'Aiguise-Méninges que sa sœur avait déposé sur le lit.

- Bien sûr, répondit Ophelia, souriant à son tour. Mais seulement si tu me racontes, toi aussi. »

Alors Amalia lui expliqua tout. De son début de relation avec Avery, qui semblait sortir tout droit d'un conte de fées, à son intégration bien trop rapide dans son cercle privé. Amalia ne négligea rien. Elle parla des disputes qu'ils avaient déjà eues, tous les deux, ne s'accordant pas entièrement sur certaines notions qui érigeaient leur vie ainsi que leur sens de la moralité. Amalia était une Dhont, une sang-pur de seconde classe ; Nérée le lui avait déjà bien fait comprendre en dépit de la profonde affection qu'il éprouvait à son égard. Et la jeune fille n'était pas certaine d'adhérer à certaines valeurs que lui, ainsi que ses amis, accordaient à la pureté du sang ainsi qu'au statut de chacun au sein de la société sorcière. Néanmoins, elle aimait Avery. Alors, elle oubliait. Elle acceptait. Elle se résignait. Derrière le sang-pur à l'idéologie discutable et à l'humour parfois un peu dérangeant se trouvait le jeune homme drôle, tendre, galant et romantique qu'elle avait toujours espéré trouver parmi ses multiples flirts. Mais depuis quelques temps, il semblait mettre en doute son amour pour lui, l'accusant de ne pas suffisamment le soutenir dans son idéologie ainsi que dans les projets futurs qu'il espérait voir se concrétiser.

Elle-même devra finir par s'impliquer, lui avait-il signalé, si elle souhaitait avoir une chance que sa famille l'accepte et que leur relation puisse perdurer – et même s'officialiser –. Cela, elle omit de le dire à Ophelia. Elle ne voulait pas l'alarmer. Elle ne lui parla pas non plus de la pression que les autres lui avaient mis, durant le jeu, la testant tout au long de la journée afin de s'assurer de la légitimité de sa présence au sein du groupe dans lequel Nérée avait fini par l'entraîner.

Et surtout, Amalia se garda bien de lui raconter de quelle façon elle était tombée sur Anastasiya, la nuit précédente, la baguette dangereusement pointée sur Rita Skeeter, ainsi que la rapidité avec laquelle tout avait basculé.

 


 

Victoire serrait et desserrait le poing en montant jusqu'au septième étage, chiffonnant encore plus le papier qu'elle avait roulé en boule après s'être retenue de le déchirer. Un peu plus tôt, alors qu'elle quittait son cours d'Arithmancie, la Chevêche d'Athéna qu'elle commençait à un peu trop bien connaître s'était dressée devant elle, déployant ses ailes dans une arrivée presque théâtrale avant de se réceptionner sur l'appui de fenêtre du couloir étroit dans lequel la jeune fille se trouvait. Victoire ne fut pas surprise de voir une missive accrochée à sa patte, que la chouette lui tendit comme à l'accoutumée. La seule et unique phrase qui y était inscrite, cependant, eut le don de complètement la retourner.

Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te donner des conseils, mais fais très attention à tes fréquentations, Victoire…

Les suppositions qu'elle s'était faites jusqu'alors partirent en fumée. Regulus ne pouvait pas être celui qui lui intimait de réviser son entourage, étant donné qu'il recommençait à en faire partie. Victoire avait sérieusement pensé qu'il pouvait être l'auteur de toutes ces lettres. Bien que la façon de parler ainsi que certaines remarques faites dans ces dernières ne lui ressemblaient absolument pas, elle n'avait finalement visualisé que ce dernier pour tenter de se rapprocher d'elle de façon aussi insolite, d'autant plus que le courrier avait fini par se faire bien plus rare depuis qu'elle avait accepté de lui adresser de nouveau la parole. Elle s'était visiblement trompée, et lourdement…

Victoire arriva devant la tapisserie de Barnabas le Follet que lui avait indiqué Severus en début de journée. Elle tenta de chasser le mot récemment reçu qui la tourmentait et qu'elle tenait toujours étroitement à la main pour appliquer les indications que lui avait données son comparse. Elle effectua plusieurs allers-retours devant la tapisserie, pensant fortement à ce qu'elle souhaiterait trouver derrière. Une porte se matérialisa à sa grande stupéfaction. Vérifiant que personne n'arrivait dans le couloir, elle l'actionna et entra dans la pièce dont elle n'avait jamais eu connaissance.

La Salle sur Demande avait revêtu les couleurs vert et argent de Serpentard, qui se mêlaient à un mobilier aussi sombre que l'était Severus – sa touche personnelle de noir, certainement –. Deux fauteuils en velours noir se faisaient face ; l'élève de septième année qui l'attendait était déjà installé sur l'un d'entre eux, son éternel livre de Potions qu'il passait son temps à griffonner entre les mains. Autour d'eux, de somptueux tapis persans aux couleurs froides juchaient le sol, recouvrant une grande partie du vieux parquet débène qui grinça lorsque Victoire amorça un mouvement en direction du grand piano à queue placé dans un coin de la salle. Severus, assis à côté du feu verdoyant qui crépitait dans l'âtre de la cheminée à moulures représentant des serpents entrelacés, la regarda faire.

« Je ne t'ai pas invitée ici pour que tu joues des airs classiques, Duchesne… lança-t-il en entendant la française débuter une mélodie laconique.

- Je peux aussi jouer quelque chose de plus machiavélique, si tu préfères, répondit-elle en changeant de registre. Ou de macabre…

- Suffit, Duchesne. Viens ici. »

Victoire interrompit sa mélodie pour rejoindre Severus, se plaçant dans le fauteuil opposé. Sans qu'elle ne puisse s'y préparer ou qu'il ne la prévienne, le garçon planta ses yeux dans les siens et fit irruption dans son esprit. Victoire grimaça en sentant la violente poussée dans sa tête.

« J'ai terminé Alice au Pays des Merveilles hier, dit le double de Victoire âgé de huit ou neuf ans. Tu peux le reprendre.

- Tu veux un autre livre ? lui demanda un Sirius Black plus jeune lui aussi en attrapant le roman. Tu sais que tu peux m'en emprunter autant que tu le souhaites.

- Je ne sais pas trop… Et si Père et Mère les trouvaient ? Que penseraient-ils ?

- Range les sous une lame de parquet, proposa le garçon avec un sourire. Cachette typiquement moldue où ni mes parents ni Reg n'ont jamais pensé à aller chercher… »

Avant même que Victoire n'eut le temps de reprendre son souffle, Severus était déjà de retour auprès d'elle, loin de ses pensées.

« Tu n'as vraiment aucune barrière, constata-t-il avec sévérité.

- Tu ne m'as pas prévenue avant de parasiter ma tête, se défendit platement Victoire.

- Parce que tu crois que la personne qui pratiquera la Legilimancie sur toi un jour te préviendra avant, par simple mesure de courtoisie ? ricana ironiquement Severus en levant les yeux au ciel. Concentre-toi, Duchesne. Vigilance constante. Fermeture de l'esprit. Classement des pensées. Legilimens, enchaîna-t-il.

Une Victoire de treize ans, vêtue de l'uniforme de Poudlard qu'elle abhorrait fraîchement depuis seulement quelques mois, avançait d'un pas rapide à travers les couloirs de l'école. Son visage était aussi fermé que ses sens en ébullition. Lorsqu'elle arriva devant le groupe composé de ses six homologues masculins en deuxième année à Serpentard, elle tira sans ménagement Regulus Black par la manche de son chemisier avant de l'entraîner avec elle plus loin sous les yeux ébahis des cinq autres. Elle le poussa dans une salle d'étude vide, avant de claquer la porte et de se tourner vers lui, accusatrice.

« Comment as-tu pu faire une chose pareille ?! » s'emporta-t-elle immédiatement. « Te rends-tu compte de la gravité de tes actes, Regulus ?! »

Le jeune Regulus la fixait de ses yeux d'acier, hébété. Il inspira profondément avant de lui répondre en tâchant de conserver son calme.

« Je n'avais pas le choix, répondit-il. Je ne pouvais plus vous couvrir. Pas sans avoir moi-même des problèmes...

- Oh, Reg, je t'en prie ! Tu es le préféré de ta famille et tu le sais. Ta punition aurait été bien moindre par rapport à celles de Sirius et moi réunies !

- Je ne peux plus vous couvrir, répéta machinalement Regulus. Faites ce que vous voulez, Sirius et toi, mais laissez-moi en dehors de vos histoires. Je ne veux plus être complice de vos écarts…

- Ne t'en fais pas, tu n'auras plus à le faire, cracha Victoire avec dégoût. J'ai l'interdiction d'approcher Sirius, par ta faute ! »

Regulus ne réagit pas tout de suite. Il accrocha le regard ardent de Victoire dans lequel il put lire aisément toute sa déception.

« Tu veux éviter les problèmes que je cause, Reg, c'est bien ça ?

- Je n'ai pas dit ç-…

- Alors commence dès maintenant, le coupa-t-elle. Je ne vois pas pourquoi je devrais ignorer Sirius qui ne m'a jamais fait aucun tort, mais tolérer que son propre frère, mon meilleur ami, nous vende comme tu l'as fait auprès de nos parents ! »

La voix de Victoire fit écho à celle du double de son souvenir, ramenant Severus à l'instant présent.

« Arrête de faire ça, lui intima-t-elle d'un ton dur.

- Si tu n'es pas capable de trier tes pensées et pousses vers moi les indésirables, ce n'est pas mon problème.

- N'es-tu pas censé m'apprendre à les dissimuler, Professeur Evidence ?

- Tu dois expérimenter et comprendre le mécanisme de l'Occlumancie avant que l'on ne commence à te l'inculquer. Face à un vrai Legilimens, tu ne pourras pas vider entièrement ton esprit. L'objectif sera plutôt de lui servir des pensées futiles, des souvenirs qui n'ont aucune importance par rapport aux informations qu'il recherche et celles que tu souhaites garder secrètes. Pour cela, tu dois savoir trier ces informations. Les classer de façon bien ordonnée de façon à laisser filtrer les plus superficielles, et barricader celles que tu ne souhaites pas dévoiler.

- Il me suffit donc de ranger mes pensées dans les tiroirs d'une commode ? »

Severus hocha brièvement la tête face à la comparaison très juste employée par Victoire.

« C'est un peu l'idée. Ton mur protecteur peut prendre la forme d'un meuble si cela te convient, mais cela peut être tout autre chose. Regulus utilise l'image des abysses : il visualise un lac profond, sombre et silencieux, au fond duquel sont enfouies les informations qu'il ne souhaite pas révéler. Pour ma part, je pense à un chaudron dans lequel je place des ingrédients. À toi d'expérimenter différents tableaux qui te permettront d'empêcher ces intrusions et de maintenir la barrière malgré… ce que le Legilimens te fera subir pour parvenir à ses fins. »

La dernière remarque fit froid dans le dos de Victoire, mais elle se contenta de hocher la tête à son tour, commençant à comprendre le fonctionnement de l'Occlumancie bien que cela ne fut qu'en théorie pour le moment.

« Prête ? demanda cette fois-ci Severus. Legilimens. »

Victoire le sentit entrer dans sa tête pour la troisième fois. Elle savait que Severus faisait en sorte qu'elle capte de ses intrusions. Le simple fait de se dire qu'un Legilimens accompli le ferait sans même qu'elle ne s'en rende compte était effroyable… Elle essaya d'appliquer ce que son aîné de septième année lui avait recommandé : trouver une parade pour hisser une protection entre elle et son agresseur. Elle visualisa tout simplement une porte en fer forgé, verrouillée par un solide cadenas. Cadenas qui ne tint pas très longtemps. Elle le vit très vite se réduire en poussière, la porte s'ouvrant largement pour laisser passer le sortilège de Severus.

« Joyeux anniversaire, ma belle dame… » fredonna Sirius Black à l'oreille de Victoire, faisant sursauter cette dernière. La pré-adolescente, installée seule dans la cuisine du manoir des Duchesne où les Black avaient été invités à passer les vacances de Noël, en fit tomber son verre de jus d'orange qui se brisa au sol. Rany, l'elfe de maison de sa famille, apparut immédiatement pour nettoyer les éclats de verre et le liquide répandus sur le carrelage. D'un geste de la main, Victoire lui intima de ne faire aucun bruit, le reste du manoir n'étant pas encore levé à cette heure des plus matinales. Sirius s'assit en silence sur la chaise à côté, lui servant un autre verre.

« Qu'est-ce que ça fait, de rejoindre le club de treize ? chuchota-t-il à son attention.

- J'ai l'impression d'abandonner Reg dans le club des douze…

- Il te pardonnera, dit Sirius avec un petit sourire. Vous êtes tellement inséparables qu'on croirait deux jumeaux. Dommage que tu sois si blonde… sans quoi, on n'y verrait que du feu. »

Victoire lui retourna une œillade irritée.

« Qu'est-ce que je disais ! rit-il à voix basse. Alors, blondie, qu'as-tu prévu pour ta journée d'anniversaire ?

- Rien de spécial, vois-tu. Tant que je peux m'empiffrer de crêpes avec un bon caramel au beurre salé, cela m'est égal.

- Ces français… soupira Sirius avec un ton mélodramatique. N'as-tu pas envie de passer une journée exceptionnelle, ma Vickie chérie ? »

La lueur mutine étincelant dans le regard de Sirius intrigua Victoire, qui reposa la cuillère avec laquelle elle étalait son caramel.

« Et que me proposes-tu, Siri ?

- Allons à Paris.

- Quoi ?

- Paris, répéta-t-il. Voir les centres commerciaux moldus. Comme dans le livre de cet écrivain français que je t'ai donné.

- Paris est loin, lui fit remarquer Victoire. »

L'envie la tiraillait, pourtant. Jamais de sa vie elle n'avait encore vu de magasins tels qu'Emile Zola, l'auteur qu'évoquait Sirius, décrivait dans le roman qu'elle venait tout juste de terminer de lire. Au Bonheur des Dames. À Paris, il y avait la cathédrale Notre-Dame, aussi, comme dans le livre de Victor Hugo...

« Pas si loin à vol de balai… compléta malicieusement Sirius.

- Tu es complètement fou, souffla-t-elle non sans amusement.

- Dis oui. S'il te plaît. Une journée à Paris ; rien que toi et moi.

- Et Reg ? demanda-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure, coupable.

- Reg nous couvrira, assura Sirius. »

Severus secoua la tête de gauche à droite, peu convaincu par ce qu'il venait de voir. Aussi bien par la faible tentative de parer ses souvenirs que Victoire venait de tenter, que par le plan de Black qui s'annonçait foireux sans même qu'il n'ait à voir la suite...

« Si on m'avait dit que plus jeune, tu suivais aussi aveuglément Black aîné dans ses plans idiots…

- Sans commentaires, Sev.

- La porte n'est pas une bonne idée, changea-t-il de sujet. Le cadenas annonce d'ores et déjà au Legilimens qu'il trouvera ce qu'il cherche derrière. Sois plus subtile.

- Compris. Recommence.

- Tu n'es pas trop fatiguée ?

- Qu'importe. Vas-y.

- Legilimens. »

Victoire essaye de calquer l'idée de Regulus en visualisant les mouvements d'un lac. Elle pensait à la vitre de sa chambre, dans les dortoirs de Serpentard, qui donnait pleine vue sur les profondeurs du Lac Noir. Elle se trouvait immergée en plein milieu, les oreilles assourdies par la pression de l'eau autour d'elle. Elle poussa plus bas les souvenirs qui refaisaient surface depuis quelques temps et que Severus s'amusait visiblement à dénicher, pour lui en tendre un plus récent et anodin.

Severus, de son côté, vit des mots couchés sur un papier froissé, écrits dans une graphie fine et élégante digne de ses camarades sang-pur. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour te donner des conseils, mais fais très attention à tes fréquentations, Victoire… Son élève semblait commencer à faire quelques progrès, ce qui était plus que positif. Mais au moment où il força un peu le passage, atteignant les limites de ses propres compétences en Legilimancie qui étaient loin d'être suffisamment développées, Victoire ne parvint pas à retenir sa barrière qui se brisa une fois de plus.

« Faire le mur à bord d'un balai avec un jeune homme aux fréquentations plus que douteuses ! explosa Theobald Duchesne, ce n'est pas ainsi que ta mère et moi t'avons élevée !

- Theobald, arrête, s'il te plaît… plédait Leda Malefoy-Duchesne, ce n'est qu'une enfant…

- Victoire n'est plus une enfant, contra froidement le père de famille en dévisageant sa fille qui sanglotait dans le salon. Lorsque l'on se croit suffisamment indépendante pour prendre des décisions aussi stupides qu'irresponsables, on se doit d'en assumer les conséquences. Sais-tu quelle honte nous avons ressentie, ta mère et moi, lorsque Orion Black vous a retrouvés sur une place publique parisienne au beau milieu des moldus, son borné de fils et toi ?! C'est une chance que Regulus soit plus responsable que son aîné et nous ait averti de l'endroit où nous pourrions vous retrouver ! »

Victoire ne parvenait plus à s'arrêter de sangloter sous les remontrances de son père, qui, s'il lui avait déjà infligé des corrections sévères, n'avait jamais semblé aussi furieux qu'en cet instant.

« Qu'allons-nous faire de toi, Victoire ?! Tu t'acoquines avec les sang-de-bourbe à Beauxbâtons ! Tu t'enfuis au beau milieu du Paris moldu avec Sirius Black…! Et tu caches des ouvrages qui ne devraient même pas franchir le seuil de cette maison sous le plancher de ta chambre ?! »

Theobald Duchesne jeta à ses pieds le dernier roman moldu que Sirius lui avait prêté et qui était à l'origine de leur escapade. Au Bonheur des Dames. Comment son père l'avait-il trouvé… ?

« Vas-tu me répondre, fille indigne ?!

- Je suis désolée… murmura-t-elle.

- Plus fort.

- Je vous demande pardon…

- Nous avons suffisamment pardonné tes écarts. Cette fois, je me vois dans l'obligation de te faire définitivement intégrer les règles de notre famille !

- Theobald, ne fais pas cela…

- Endoloris ! »

Severus suspendit le sortilège, l'air sombre.

« C'est terminé pour aujourd'hui, l'informa-t-il, catégorique.

- Je suis désolée, marmonna Victoire, toujours tremblante après avoir revécu le souvenir que Severus venait de redécouvrir à son tour. Je t'assure que je vais y arriver ; tu peux recommenc-…

- Non. Cela fait déjà deux heures que nous travaillons. L'Occlumancie est très long et épuisant à apprendre. Nous avons déjà trop forcé ; nous reprendrons plus tard. »

Victoire remercia intérieurement Severus de la libérer de ce supplice mental, sentant déjà une affreuse migraine l'assaillir.

En sortant de la Salle sur Demande, la jeune fille ne pouvait se retenir de tourner en boucle les souvenirs qui avaient ressurgi, après avoir tenté de les enfouir dans les méandres de son esprit pendant plusieurs années. Parce que ne plus y penser permettait de mieux prendre ses distances avec qui elle avait été, un jour, et ce qu'elle avait fait. Mais la jeune fille ne pouvait pas en vouloir à Severus pour les avoir déterrés. Car le seul et véritable fautif était le fichu auteur de ces lettres furtives qui en savait un peu trop à son sujet et qui tentait de sortir de l'ombre cette part d'elle qu'elle avait souhaité museler.

Elle devait en avoir le cœur net. Ignorant sa migraine ainsi que la petite voix de sa conscience qui lui hurlait de ne pas commettre d'impair – pas encore –, elle se traîna, exténuée, jusqu'à la volière du château, où elle griffonna une missive rapide avant de la glisser dans la faille presque invisible qui avait été creusée à même la pierre du mur principal, à quelques mètres de la porte. Elle sortit ensuite le Carnet à Souhait que les jumelles Dhont lui avaient offert et qu'elle emportait toujours avec elle, entreprenant de récrire le même message avant de souffler dessus, le regardant flamber entre ses doigts.

Avant de me donner des conseils avisés, toi qui prétends si bien me connaître, décline ton identité. Ou alors, prouve-moi que je peux te faire confiance. Peut-être que je t'écouterais.

End Notes:

J'hésite à modifier le rating de cette histoire, pour la passer en M... Je ne pense pas que cela soit nécessaire dans l'immédiat, mais ne sait-on jamais selon ce que réservera la suite. A méditer...

Chapitre 12 - Match by Red Plumette
Author's Notes:

Bonjour !

Cela faisait un petit moment que je n'avais rien posté par ici, alors que deux ou trois chapitres sont prêts...

Voici la suite ! En vous souhaitant une agréable lecture ! :-)

CHAPITRE XII

« Je crois que Flint ne plaisantait pas quand il prétendait que cette année était la sienne. » Nérée Avery


Les jours passèrent, durant lesquels les élèves continuaient de s'interroger à propos de l'agression de Rita Skeeter qui était survenue le soir du trente-et-un octobre.

L'élève n'était pas encore revenue à Poudlard, bien que son état fût stabilisé. D'après les dires des professeurs, Rita se rétablissait convenablement en dépit des dommages corporels subits, ayant rapidement été prise en charge. Elle ne garderait aucune marque physique de son agression. Cependant, la jeune Serpentard de cinquième année restait silencieuse concernant l'incident, et ne se sentait pas encore prête à retourner à l'école de sorcellerie. Ses responsables légaux avaient catégoriquement refusé de signer un droit de recherche avancé qui permettrait au Ministère de la Magie de fouiller son esprit ou d'en extraire le souvenir de cette nuit-là, Rita ne semblant pas prête à subir cette épreuve en plus du reste.

En attendant, l'examen de baguette auquel avaient été soumis les élèves s'était révélé vain, au grand dam des professeurs qui étaient convaincus qu'un élève – si ce n'étaient plusieurs plusieurs – s'avèreraient responsables de l'agression. Rita était arrivée à Sainte-Mangouste les bras et les jambes entièrement couverts de morsures de vipère, qu'un Serpensortia des plus avancés avait fait apparaître. Là encore, la maison Serpentard fut la cible des accusations sans fondement, que les élèves ne cherchèrent même pas à démentir ni à balayer. Pour quoi faire ? Il n'y avait aucune preuve. Si ce ne fut la propre baguette de Rita Skeeter, qui, après avoir elle-même été examinée par une Remontée des Sortilèges de la part du Ministère, avait révélé avoir lancé elle-même le sortilège de Serpensortia qui avait agressée la jeune fille. Soit le responsable avait été suffisamment malin pour voler la baguette de Rita avant de l'agresser avec cette dernière soit l'élève s'était infligé le châtiment seule, ce qui paraissait aussi tordu qu'inconcevable. Et pourtant, Rita n'était pas encline à parler. Elle s'enfermait dans son mutisme et refusait de retourner à Poudlard, sans que l'on n'en sache la raison. Mais ce n'était qu'une question de temps. Les professeurs comme le Ministère en étaient persuadés.

Ce fut ainsi que les semaines défilèrent et que le froid de décembre arriva.

Les élèves avaient entamé une nouvelle routine, jonglant entre les cours, la salle d'étude ou la bibliothèque et la chaleur du foyer de leur Salle Commune. Le parc de Poudlard avait été définitivement déserté, n'étant traversé que par les étudiants devant se rendre dans les serres de l'école pour la Botanique, ou en classe de Soins aux créatures magiques. Les seuls élèves bravant le vent glacial, la pluie ainsi que les maigres flocons fondus tombant ponctuellement demeuraient les joueurs de Quidditch, qui poursuivaient leurs entraînements d'arrache-pied en dépit du temps défavorable, et les plus âgés autorisés à se rendre à Pré-au-Lard lorsqu'une sortie y était organisée le week-end.

Victoire posa le front sur la vitre qui donnait pleine vue sur l'immense parc de Poudlard, assise sur le rebord de la fenêtre au sommet de la Tour de l'Horloge. Elle ramena ses jambes contre elle, continuant d'observer les groupes d'élèves qui se dirigeaient, très nombreux, en direction du stade de Quidditch.

Ce jour-là faisait exception à ce dont l'école était habituée depuis la mi-novembre. Le second match de Quidditch de la saison allait débuter d'ici une demi-heure, opposant Serdaigle à Serpentard. Il s'agissait du premier match que sa maison allait jouer cette année, la confrontation précédente s'étant faite début novembre entre les Poufsouffles et les Gryffondors qui en étaient sortis vainqueurs.

Victoire s'imaginait parfaitement Anastasiya dans les vestiaires, tournant en rond comme un Hippogriffe en cage en attendant l'entrée sur le terrain. Elle lui avait promis d'assister au match, se demandant même comment son amie avait pu en douter une seule seconde. Ces derniers temps, Ana était sur le qui-vive, plus nerveuse qu'elle ne l'avait jamais été. La sorcière russe n'était pas la plus démonstrative concernant ses sentiments et états d'âme, conservant la plupart du temps un air impassible quand il n'était pas hautain. Mais depuis des semaines, nombreuses étaient ses réactions assez étonnantes qui interpelaient Victoire une fois qu'elles étaient à l'abri des regards, dans la Salle Commune ou dans les dortoirs de Serpentard. Anastasiya ne tenait plus en place, ne pouvant pas rester plus d'une minute à ne rien faire. La brune parvenait encore moins à se concentrer sur ses études qu'à l'accoutumée, réprimandée par Ophelia qui désespérait de la voir terminer ses devoirs en temps et en heure. Elle partait parfois s'entraîner seule, la batte et le balai sous le bras, afin de frapper des cognards jusqu'à épuisement. Ses ongles n'avaient jamais été autant rongés. Enfin, les manifestations physiques de l'amitié qu'elle vouait à ses trois colocataires de dortoir n'avait jamais été aussi expansive, ce à quoi ces dernières n'étaient pas réellement habituées, à l'exception de Victoire qui n'était témoin de sa douceur qu'une fois qu'elles se retrouvaient seules à seules toutes les deux…

La sorcière d'origine française n'avait pas osé en parler aux jumelles. Elle savait qu'Ophelia n'en pensait pas moins, ayant capté à plusieurs reprises les regards interrogateurs que cette dernière lançait à leur amie. Amalia, de son côté, n'avait pas l'air au meilleur de sa forme, elle non plus. Victoire avait mis cela sur le compte de son idylle rocambolesque avec Nérée Avery deux personnalités aussi fortes et excentriques ensemble, cela ne pouvait que faire des étincelles, après tout… La blonde était en revanche ravie de constater que les deux sœurs Dhont avaient fini par se réconcilier, parvenant à cohabiter en retrouvant progressivement leur proximité d'antan.

Tout ceci la frustrait un peu, néanmoins. Victoire avait beau jouer les fines observatrices, elle n'avait pour autant pas le temps de se préoccuper davantage des différents soucis que rencontraient ses amies, ayant déjà les siens à gérer. Severus poursuivait ses cours d'Occlumancie, lui ayant rendu compte d'un net progrès dans ses défenses bien qu'elle n'eût pas encore trouvé la bonne stratégie pour se parer sans failles de ses attaques inquisitrices encore heureux qu'il ne fût pas un expert en la matière, sinon, le garçon de septième année finirait par tout savoir de sa vie dans les moindres détails… Entre temps, elle s'efforçait de surveiller de loin son frère en première année à Gryffondor, Edouard, qui semblait s'être relativement calmé depuis la réception de la Beuglante de leur père. Les cours d'Astronomie avaient enfin repris un rythme plus soutenu, l'arrivée de l'hiver raccourcissant drastiquement les journées et étant ainsi plus propice à l'observation des astres sans avoir à attendre une heure trop tardive dans la soirée pour se rendre en classe. Son travail scolaire, qui avait toujours été particulièrement studieux, se répartissait désormais entre la compagnie d'Ophelia pour les devoirs communs, celle d'Anastasiya lorsqu'il fallait booster la russe dans son propre travail laissé à l'abandon, Severus quand Victoire avait besoin d'optimiser sa concentration, et même Regulus pour des sessions de révisions régulières avant les devoirs sur table, ce nouveau compagnon d'étude se révélant particulièrement efficace pour l'interroger de la manière la plus vicieuse qui soit sur les notions qu'elle tentait d'intégrer. Il se permettait même de lui lancer un sortilège de Bloclang – visiblement son préféré – lorsqu'elle s'éparpillait et devenait trop bavarde à son goût. C'était sans compter les exercices quotidiens et les sessions de méditation que lui avaient conseillés – ou plutôt imposés – Severus afin qu'elle parvienne à davantage progresser, demeurant pour le moment une Occlumens débutante…

Toutes ces occupations lui permettaient notamment de se vider la tête et de ne plus penser à la réponse qu'elle avait désespérément guetté durant des semaines. Cela faisait un mois que la Chevêche d'Athéna (il faudra penser à lui trouver un nom…) ne lui avait pas apporté de courrier, pas même un malheureux mot de la part de son mystérieux correspondant. Victoire avait définitivement fait une croix sur l'idée d'un Regulus Black lui rédigeant des mots aussi doux qu'agaçants l'analyse attentive de son parchemin d'Histoire de la Magie avait été la preuve formelle que l'écriture n'était pas la sienne, étant un peu plus petite et écrasée que celle des lettres qu'elle recevait. Elle s'était même résolue à rôder dans les allées de la bibliothèque ou de la salle d'étude lorsque celles-ci se remplissaient, en fin de journée, dardant un œil furtif sur les parchemins des autres élèves en espérant tomber sur une graphie semblable. Elle avait d'ailleurs failli faire une attaque en voyant le devoir d'Evan Rosier qui abhorrait une écriture très similaire à première vue. Mais elle avait vite repris ses esprits en se traitant mentalement d'idiote elle n'avait jamais parlé à Rosier de sa vie, se tenant le plus loin que possible du septième année à l'air austère qui empestait la magie noire à plein nez. Victoire s'était toujours demandé comment Severus faisait pour côtoyer si facilement des individus comme lui ou encore Mulciber, qui entrait dans une colère noire dès lors que l'on osait l'appeler par son prénom qu'il exécrait tant. Non, ce n'était pas du côté des Serpentards qu'elle devait chercher. Et elle aurait dû se faire la réflexion dès le début tant cela se révélait logique…

« Si on m'avait dit que les couleuvres aimaient tant se percher en hauteur, je ne l'aurais pas cru » déclara une voix grave et veloutée, la sortant de ses pensées. « La Tour d'Astronomie, la Tour de l'Horloge… il va falloir redescendre sur terre, à un moment. »

Victoire examina l'élève qui venait d'arriver, soupirant intérieurement. Qu'est-ce qu'il lui voulait, encore… ? Et puis, ne se départissait-il donc jamais de son sourire enjôleur ? Ses yeux gris la happèrent dans un tourbillon de nostalgie. Ils étaient exactement de la même couleur que ceux de son frère, et pourtant, si ceux de l'un, qu'elle côtoyait chaque jour, étaient aussi froid que la glace, les siens se révélaient d'une chaleur ardente, consumant tout ce qu'il avait l'audace de caresser du regard. Y compris les demoiselles de Poudlard en pamoison qui semblaient parfois ridiculement défaillir à sa simple vue. Victoire eut un rictus ironique à cette pensée, se rappelant avec horreur combien Amalia avait loué la beauté de Sirius Black deux ans plus tôt…

« Comment sais-tu que je me rends régulièrement à la Tour d'Astronomie, Black ? » releva Victoire en haussant un sourcil à sa vue.

Touché. Sirius eut un rire embarrassé, se rendant compte de la bêtise qu'il venait de proférer. Il s'éclaircit la gorge.

« Tu suis bien l'option Astronomie, si je ne m'abuse ?

- Oh, donc tu connais mon emploi du temps en plus de potentiellement m'épier. Comme c'est flatteur…

- Aimerais-tu que je te porte tant d'intérêt, Duchesne ?

- Pas même en rêve, hélas. Après tout, une jeune fille de si bonne famille ne peut pas se lier à un individu tel que toi. »

Victoire avait répété les mots que Sirius avait servis au dîner de Slughorn avec plus d'amertume qu'elle l'aurait souhaité. Elle se mordit la lèvre inférieure dans une moue qu'elle tenta vainement de faire paraître désinvolte. Une lueur passa dans le regard de Sirius elle l'avait suffisamment connue pour savoir quelle facette du Gryffondor elle venait involontairement d'enclencher.

« T'aurais-je offensée, princesse ?

- Pas le moins du monde. Et je te prierais de bien vouloir garder tes surnoms ridicules pour tes pimbêches de seconde classe…

- La seule pimbêche que je vois pour le moment, ici, c'est toi, Victoire… Et ça ne te va absolument pas, si tu veux mon avis… »

Victoire arrondit les yeux de surprise, s'attendant à toutes les répliques possibles excepté celle-ci. Ces paroles lui firent étrangement écho à des mots qu'elle avait suffisamment lus et relus pour les connaître presque par cœur…

Elle se leva à la hâte de l'appui de fenêtre, ramassant sa cape d'hiver qu'elle ne prit pas le temps d'enfiler, ainsi que son bonnet vert en laine duveteuse et ses gants fourrés en cuir. Elle s'enroula dans son écharpe de façon désordonnée, puis passa sans un mot à côté de Sirius qui n'avait cessé de l'observer, ayant perdu toute once d'amusement.

Il lui attrapa au dernier moment le poignet, l'arrêtant sur son passage.

« Victoire, tenta-t-il avec douceur. J'ai constaté que tu t'étais rapprochée de Regulus ces derniers temps. Merci de lui avoir pardonné…

- Je vais être en retard pour le match, dit-elle. Si tu veux bien m'excuser. »

Sirius la relâcha, laissant traîner une seconde de trop ses doigts le long de son poignet. Victoire ferma les yeux à la légère caresse, avant de s'éloigner de lui le plus vite que possible. Elle dévala les marches des escaliers de la Tour de l'Horloge pour finir par courir à travers le parc de Poudlard, sentant qu'une fois de plus, elle manquerait à sa parole et serait en retard pour voir Anastasiya jouer…

Sirius, quant à lui, s'avança jusqu'à la place qu'occupait précédemment Victoire, voyant la jeune fille courir à travers la brume qui avait envahi le parc de l'école depuis la tombée de la nuit et sa pleine lune. James devait rejoindre Lily afin qu'elle l'aide pour son devoir de Potions Peter était parti voir le match de Quidditch Remus devrait rester à l'infirmerie quelques heures de plus avant de pouvoir en sortir… Et lui se retrouvait seul dans un château presque désert, avec pour seule compagnie son ennui. Il hésita à rejoindre Peter, se disant qu'analyser le jeu des deux équipes qui seraient les prochaines que sa maison devrait affronter pourrait s'avérer un passe-temps divertissant en plus d'être utile. Mais ses plans changèrent brusquement lorsque son regard tomba sur un petit carnet de cuir, posé sur le rebord de la fenêtre. Devinant que Victoire l'avait oublié dans sa fuite plus que flagrante – elle le fuyait toujours d'une manière ou d'une autre, de toute façon… –, il s'en saisit. Une page semblait avoir été arrachée avant que la française ne la remette certainement à sa place. Avec toute sa curiosité mal placée, Sirius ne put s'empêcher de la déloger du journal, demandant intérieurement à Victoire de le pardonner pour son méfait. La feuille de papier flamba instantanément à son toucher, mais il eut le temps de lire clairement ce que la jeune fille avait écrit dans son Carnet à Souhait.

Qui qu'il soit, s'il ne souhaite pas me répondre, qu'il m'envoie au moins un signe, ne serait-ce qu'un indice. Je ne supporte plus son silence. Il me rend encore plus parano que ses missives irritantes…

Sirius tourna aussitôt les talons pour partir en direction de la volière, le journal enfoui dans la poche arrière de son pantalon d'uniforme.


« Ok tout le monde aujourd'hui a lieu notre tout premier match de la saison, et on va tout déchirer ! »

Demetrius Flint était beaucoup trop enthousiaste. Anastasiya n'aimait pas ça. Son capitaine semblait un peu trop sûr de lui et confiant envers son équipe. Elle ne pouvait toutefois pas lui en vouloir, l'excitation lui ayant parcouru la colonne vertébrale dès l'instant où elle était sortie des vestiaires et avait entendu le brouhaha de leur public déjà installé dans les gradins du terrain de Quidditch malgré le vent violent et la bruine qui s'était mise à tomber. Un sentiment d'adrénaline lui parcourait toujours les veines au moment d'enfourcher son balai, la main fermement resserrée autour de sa batte, prête à dérouiller de méchants cognards face à de véritables adversaires. Mais elle ne comprenait ni comment ni pourquoi le capitaine de l'équipe de Serpentard s'exprimait avec autant de fierté et d'arrogance que s'il avait déjà remporté la coupe de Quidditch.

« Serena, Alexander, n'oubliez pas la nouvelle parade sur laquelle nous avons travaillé les autres équipes ne la connaissent pas, alors on ne la sort que dans le cas où Serdaigle prendrait de l'avance.

- Compris ! répondirent-ils.

- Lestrange, tu es un vrai mur. Et les murs ne laissent rien passer ! Dolohov, je compte sur toi. Moins de force et de spontanéité, davantage de maîtrise. Karkaroff, sois patiente avec lui ne lui envoie pas de cognard dessus s'il réalise une mauvaise action comme lors du dernier entraînement… »

Flint s'attira un regard noir de la part de la batteuse, qu'il fit mine d'ignorer.

« Black… vends-nous du rêve et attrape le vif d'or. C'est tout ce que je te demande. »

L'attrapeur ne répondit rien, se contentant d'observer au loin les gradins bondés du terrain. Flint se râcla la gorge, soudain gêné, avant d'agripper ses deux coéquipiers les plus proches par les épaules. Ces derniers en firent de même, de façon à former un cercle étroit semblable à une accolade collective entre les joueurs.

« Plus sérieusement… commença Flint, faisons simplement de notre mieux. Jouons comme si la vie en dépendait, avec honneur et fierté. Je n'aurais pas pu espérer meilleure équipe pour ma dernière saison. Quelle que soit l'issue de ce match, nous devons rester soudés. L'unité des joueurs est la clé de la victoire, et pas seulement dans le domaine du Quidditch. Ne l'oubliez pas ! »

À ces mots, Anastasiya sentit sur elle le regard brûlant de Rabastan Lestrange, placé à l'opposé du cercle. Lorsque ses yeux rencontrèrent les sien,s doux mais fermes, plus assurés que jamais, le trouble qui l'assaillait depuis des semaines refit surface. Elle tenta de le balayer par l'une de ses habituelles remarques cinglantes.

« Pitié, Flint, pourquoi te sens-tu toujours obligé de la jouer aussi sentimental et mélodramatique… »

Sa remarque arracha un sourire narquois à l'ensemble de ses coéquipiers, y compris Demetrius qui haussa les épaules en ricanant. Au même moment, le coup de sifflet annonçant l'entrée imminente des joueurs sur le terrain retentit. Les Serpentards se placèrent en file indienne, Flint en tête, suivi par les autres poursuiveurs, les deux batteurs, l'attrapeur et enfin le gardien de l'équipe. Un second coup de sifflet se fit entendre, et ils s'élancèrent les uns après les autres sur le terrain sous les hurlements d'une grande partie des élèves des quatre maisons présents dans les gradins. De son côté, l'équipe de Serdaigle en avait fait de même, leur uniforme bleu se mêlant au vert de leurs adversaires tandis que chacun des joueurs volait de part et d'autre du terrain. Anastasiya, en passant près de la tribune où s'était réunie l'ensemble de sa maison, aperçut une longue chevelure d'un blond polaire fouettée par le vent montant les escaliers pour rejoindre le public. Victoire arrivait tout juste à temps pour le début du match… Cette dernière, emmitouflée dans son écharpe vert et argent pour braver le vent qui soufflait violemment, leva brièvement les yeux et lui adressa un signe d'encouragement. Ana bifurqua avec force, s'accrochant fermement à son balai pour ne pas se laisser emporter par les bourrasques, avant de retourner au milieu du terrain où se rendaient progressivement les joueurs dans l'attente du coup d'envoi. Le professeur chargé de l'arbitrage activa la lourde malle placée sur le sol, au milieu des terrain, autour de laquelle planaient les deux équipes, immobiles.

« Les balles viennent d'être libérées ! Et c'est Clark de l'équipe Serdaigle qui réceptionne le souaffle ! » débita l'élève chargé des commentaires du match.

Victoire parvint au niveau des jumelles Dhont, installées tout en haut des rangées aux couleurs de Serpentard. Elle s'assit aux côtés d'Ophelia, saluant les jumelles ainsi qu'Avery qui se tenait aux côtés de la seconde.

« Clark passe à Garcia, qui feint un échange avec Lewis avant de passer de nouveau le souaffle à Clark ! Le poursuiveur se dirige déjà vers les buts de Serpentard, où Lestrange l'attend de pied ferme ! Et… Le tir est détourné par Flint, qui semble presque sortir de nulle part ! Le souaffle est entre les mains de Serpentard qui ne cesse de se le faire passer à toute allure ! Flint à Selwyn ! Selwyn à Flint ! Flint à Wilson ! Davies évite de justesse le cognard envoyé par Dolohov, alors qu'il vient d'en lancer un autre en direction de Black… Karkaroff dévie le cognard envoyé sur l'attrapeur de son équipe ! Mais d'où est-elle sortie, elle aussi ?!

- BIEN JOUÉ ANA ! cria Amalia.

- Quelle rapidité de la part de Serpentard, dont les poursuiveurs n'ont toujours pas laissé le souaffle aux Serdaigles et s'approchent dangereusement de leurs anneaux… ! DIX POINTS POUR SERPENTARD ! »

Des cris enthousiastes s'élevèrent de la tribune de la maison marquant les premiers points. Le souaffle fut immédiatement remis en jeu, en faveur des poursuiveurs de Serdaigle qui débutèrent leur offensive. Pendant ce temps, les cognards volaient de droite et de gauche du terrain, les batteurs de Serpentard tentant de déstabiliser les poursuiveurs adversaires tandis que ceux de Serdaigle semblaient particulièrement viser Regulus Black. Anastasiya dévia un énième cognard fusant vers l'attrapeur, avant de lui lancer :

« Black, je ne pourrai pas surveiller ainsi tes arrières durant tout le match ! Ils veulent ta peau avant que tu trouves le vif d'or, alors par pitié, arrête ta promenade de santé, ouvre les yeux et cherche cette foutue balle !

- Tant qu'ils me visent, ils laissent les poursuiveurs tranquilles, fit calmement remarquer l'attrapeur sans lui accorder un regard, balayant minutieusement le terrain des yeux. Nous gagnons du temps ainsi que des points.

- Pas si Abassi attrape le vif d'or avant toi… maugréa Anastasiya en constatant que tant qu'elle restait très proche de Black, aucun cognard ne lui était envoyé.

- Elle ne l'attrapera pas, assura Regulus. Les passes, Karkaroff, ajouta-t-il dans son dos. Dolohov et toi devriez imiter la stratégie de Flint et ne pas leur laisser main mise sur les cognards.

- Tu veux dire…

- Monopolisez-les ! Ne les envoyez pas en direction des autres batteurs ! »

Un éclair de compréhension traversa Ana, qui fonça droit vers Roy, le batteur de Serdaigle s'apprêtant à réceptionner un cognard d'une seconde à l'autre. Elle lui coupa la route, se dressant devant lui à la manière d'un épouvantard, prenant au dépourvu le garçon de cinquième année qui faillit la percuter. Sa batte se leva avant de frapper avec force le cognard, visant son propre partenaire. Dolohov fronça les sourcils, désorienté et agacé, pensant à une attaque personnelle de la part de sa coéquipière. Sa réaction ne se fit pas attendre dans son énervement, il lui renvoya le cognard encore plus fort. C'est ça, se dit Ana… Enerve-toi, et vise moiFais de moi ta cible

Regulus avait raison la force dévastatrice d'Ernestin couplé à sa propre rapidité et à sa précision ne permettaient plus aux batteurs adverses d'atteindre le cognard pour l'intercepte. Ana esquivait habilement les cognards que lui envoyait, rageur, son partenaire, avant de le prendre dans sa propre ligne de mire pour les lui rendre, pensant parfois presque se décrocher le bras à cause de ses tirs de canonnier.

« Les batteurs de Serpentard s'envoient les cognards l'un sur l'autre depuis quelques minutes !

- Que font-ils… ? souffla Ophelia, désorientée, avant de passer ses multiplettes à Amalia.

- Anastasiya aime provoquer Ernestin, éluda Avery avec un sourire narquois. Ils passent leur temps à se chamailler durant les entraînements d'après ce que me raconte Rabastan…

- Non, Ana ne ferait pas ça uniquement pour le plaisir de le provoquer en plein match, contredit Amalia en observant de plus près à travers les multiplettes de sa sœur. Elle a forcément une idée derrière la tête…

- Elle laisse champ libre à Regulus, conclut Victoire en pointant discrètement l'attrapeur du doigt. Ana détourne l'attention des batteurs en se servant de Dolohov.

- La stratégie se tient, commenta Avery en s'emparant à son tour des multiplettes.

- J'espère juste que Dolohov ne finira pas par l'assommer… »

Les points marqués par les poursuiveurs se resserrèrent entre les deux équipes, les joueurs de Serdaigle pouvant jouer plus librement sans se soucier des cognards qui menaçaient de les mettre hors-jeu. Ces derniers devenaient plus confiants et rapides, décidant de calquer le jeu de leurs adversaires lorsque le souaffle se retrouvait en leur possession pour éviter que Serpentard ne le récupère. Rabastan tentait tant bien que mal d'arrêter leurs tirs, mais les feintes successives de Dorian Clark commençaient progressivement à avoir raison de sa défense. Ceci en plus de l'œil soucieux qu'il gardait sur Anastasiya et Ernestin, qu'il croyait être en train d'essayer de s'entretuer…

« Belle vrille de Regulus Black, qui fonce désormais en piquet droit vers le sol ! Aurait-il repéré le vif d'or ?! Il est talonné par Daisy Abassi… ! Outch...! Abassi a rasé la poussière de près ! Ce n'était qu'une ruse de la part de Black, qui a redressé juste à temps avant de mordre le sol ! Je crois que nous ne sommes pas au bout de nos surprises concernant ce match… OUI ! SERDAIGLE VIENT DE MARQUER ! DIX POINTS POUR SERDAIGLE QUI ÉGALISE ! »

Flint vit rouge. Il réceptionna rageusement le souaffle avant de s'envoler à toute vitesse en direction des anneaux adverses. Il fut étroitement suivi par Serena Selwyn, sa partenaire, qui se posta à ses côtés. Alexander Wilson les rejoignit, se plaçant de l'autre côté du capitaine, les trois poursuiveurs de Serpentard se retrouvant flanc contre flanc, la balle protégée au milieu de leur barrage. Tous les trois fonçaient à la même allure sous les yeux ébahis du public et des autres poursuiveurs qui leur tournaient autour, cherchant à percer l'étrange attaque menée de front. Ils s'approchèrent dangereusement des buts sans que ni Serena ni Alexander ne brisent la défense corporelle exercée autour de leur capitaine. Anastasiya profita du cognard que Dolohov venait de lui renvoyer pour changer la trajectoire de sa cible, l'orientant dans un même temps vers l'un des poursuiveurs de Serdaigle pour l'éloigner du trio. Un déclic se fit dans l'esprit d'Ernestin, qui profita du passage du second cognard perdu pour envoyer ce dernier vers un autre joueur qui tentait de s'approcher de trop près les poursuiveurs de son équipe. Flint ne perdit pas de temps. Après un mouvement furtif, à quelques mètres des anneaux, il freina net sa course en même temps que Wilson. Serena, le souaffle à présent en main, son coéquipier le lui ayant passé sans que personne ne s'en aperçoive, fut la seule à poursuivre, balançant furieusement la balle à travers les buts. Le gardien fut trop désorienté par l'arrêt soudain des deux autres pour réagir à temps le souaffle passa sans même qu'il puisse tenter de l'arrêter. Le triomphe emporta la tribune des Serpentards qui hurlaient de satisfaction, accompagnés par le commentateur qui continuait de détailler chacune des actions des joueurs.

« Je crois que Flint ne plaisantait pas quand il prétendait que cette année était la sienne, admit Avery.

- Pourrais-tu me rendre mes multiplettes, s'il te plaît ? soupira Ophelia qui n'avait plus la main sur son bien.

- Attends… Regulus et Abassi ont trouvé le vif d'or !

- Et dans la confusion, personne ne les a remarqués… railla Amalia en serrant un peu plus le bras de son petit-ami.

- Il y a autre chose qui survole le terrain… déclara Avery en passant les multiplettes à sa copine. Là-bas, regarde ! »

Amalia l'interrogea du regard avant de saisir l'objet pour mieux observer ce dont il parlait. Un minuscule point volait de façon irrégulière à travers les cieux, un peu plus haut, semblant porter un fardeau. Elle fronça les sourcils.

« Ce n'est pas le vif d'or pas suffisamment rapide et trop peu discret. Qu'est-ce que… C'est une chouette ! »

Victoire et Ophelia arrondirent les yeux à l'exclamation, tentant de distinguer l'oiseau à l'œil nu. Chose peu aisée avec les nuages gris qui les surplombaient et la fine pluie qui n'avait pas cessé de tomber. La forme, plus discernable maintenant qu'elle approchait, se laissa porter par le vent et effectua une arabesque pour se réorienter.

« Elle vient vers nous… » murmura Amalia, regardant toujours à travers les multiplettes. L'oiseau vient vers nous !

- C'est insensé, marmonna Ophelia, pourquoi l'un des hiboux de l'école se promènerait en plein match ?

- C'est une Chevêche d'Athéna, informa Amalia maintenant qu'elle la voyait beaucoup mieux. Et elle porte un paquet… »

Victoire sentit son ventre se tordre d'appréhension. Il n'aurait pas osé lui envoyer un courrier en public, n'est-ce pas ? Et encore moins un objet ?! Pas durant un match de Quidditch, à la vue d'une centaine d'élèves dont ceux de sa maison installés dans la même tribune ?!

Et pourtant, la Chevêche d'Athéna ne s'arrêta pas en cours de route. Elle la survola sans même prendre un instant pour se poser, lâchant pile poil son fardeau au-dessus d'elle, de sorte que son colis retombe sur les genoux de la jeune fille sous les yeux médusés des trois autres assis près d'elle, mais également des camarades alentours à qui l'échange n'avait pas manqué.

« Qu'est-ce que c'est que ce délire… » lâcha Amalia, rendant à sa sœur les multiplettes.

Victoire déglutit. Sans répondre à son amie et sous le regard scrutateur d'Ophelia qui était la plus proche d'elle, la sorcière ouvrit d'une main tremblante la lettre, tâchant de la cacher aux yeux des élèves assis derrière elle. Ophelia parvint à la lire mais n'en fut que plus hébétée.

De près comme de loin, connu de toi ou non, que tu l'acceptes ou pas, je veillerai toujours sur toi. Voilà pourquoi tu peux me faire confiance.

Victoire plongea son regard dans ceux de son amie. Ophelia, compréhensive bien que ne comprenant pas réellement de quoi il était question, attrapa sa main qui tremblait toujours. Elle la mena jusqu'au paquet qu'elle aida à défaire. Victoire crut que son cœur allait s'arrêter de battre face à l'objet que son agaçant inconnu lui avait envoyé.

Sur ses genoux se trouvait un vieux livre en langue française, à la couverture anthracite ornée de divers motifs d'ornement couleur argent. Victoire ne pouvait plus détacher les yeux de son titre.

Au Bonheur des Dames.

Au même moment, l'arbitre siffla et les élèves de sa tribune se levèrent dans un triomphe sans nom. Regulus venait d'attraper le vif d'or, signant la fin du match et la victoire de la maison Serpentard.

Chapitre 13 - Volte-face by Red Plumette

CHAPITRE XIII

« J'en ai ma claque de ce double jeu. De cette hypocrisie qui dicte la conduite de chacun. Y compris ici, à Poudlard ! » Victoire Duchesne


Anastasiya s'affaissa sur l'un des bancs des vestiaires des filles.

Dès la fin du match, elle avait filé hors de l'effusion générale, aussi rapide que son balai qu'elle avait par ailleurs laissé tomber sur le terrain. Elle avait espéré ainsi obtenir quelques minutes de répit avant que ses équipiers rejoignent les vestiaires à leur tour, transportés par le triomphe de leur victoire pour leur premier match de la saison.

Sans même retirer ses gants ou défaire son uniforme qui lui collait à la peau, humide de sueur et de pluie, la jeune fille se prit la tête entre les mains.

Qu'est-ce qui ne tournait plus rond, chez elle ? Serpentard venait d'écraser Serdaigle devant l'école entière. La stratégie mise au point par Flint avait fonctionné. Dolohov s'était magistralement laissé entraîner dans la combine de Black. Et ce dernier avait largement fait ses preuves en attrapant le vif d'or.

« Quelle que soit l'issue de ce match, nous devons rester soudés. L'unité des joueurs est la clé de la victoire, et pas seulement dans le domaine du Quidditch. » Maudit Flint. S'il savait à quel point il avait raison…

La porte des vestiaires claqua, faisant sursauter la sorcière dont les yeux se braquèrent en direction du nouvel arrivant. Elle fronça les sourcils à la vue l'intrus qui n'était pas Serena Selwyn, sa coéquipière et seule autre fille de l'équipe autorisée à entrer dans cette partie des vestiaires.

Il fit un pas dans sa direction avant de stopper sa progression, les mains levés en signe de paix. Ana s'était instinctivement levée pour prendre ses distances.

« Bon sang, Anastasiya… s'irrita-t-il, quand me feras-tu un peu plus confiance ?

- Tu n'as rien à faire ici ! » répondit-elle d'une voix étouffée.

Il ne renonça pas. Le garçon avança lentement en direction de la jeune fille, qui le laissa faire non sans réserve.

« Tu ne me laisses jamais t'approcher, fit-il remarquer avec un sourire sarcastique. Regarde à quoi j'en suis réduit, si je souhaite ne serait-ce que te parler…

- Tu ne t'es jamais montré sérieux à mon égard, Lestrange. Jouer voilà tout ce que tu sais faire…

- Je ne jouais pas cette nuit-là. Et tu le sais très bien. »

Anastasiya vrilla ses yeux noirs dans ceux, d'un marron bien plus clair et lumineux, de Rabastan Lestrange. Le jeune homme maintint le contact visuel avec la sorcière russe qui l'attirait un peu trop malgré lui, et qui risquait de lui attirer de sérieux ennuis à la longue s'il ne calmait pas ses ardeurs.

« Je sais ce qui te préoccupe. Mais tu n'as pas à t'en faire…

- Je n-…

- Anastasiya, la coupa-t-il. Personne ne saura jamais rien. Mais pour cela, nous devons tous nous faire confiance et nous taire. Tu comprends ? »

Anastasiya hocha lentement la tête, détournant les yeux de son interlocuteur qui s'était un peu trop rapproché d'elle. Rabastan lui saisit le menton pour le tourner délicatement dans sa direction, cherchant son regard.

« J'ai assuré auprès des autres que tu ne dirais rien, tout comme Amalia. Il faut que nous restions tous soudés et je te promets que quoi qu'il arrive, tu ne seras pas impliquée. »

La jeune fille ferma les yeux malgré elle au contact des doigts de Rabastan le long de sa joue, qu'il avait entrepris de caresser tendrement. Le jeune homme, remarquant l'appréciation de ses gestes par sa partenaire, se pencha pour lui embrasser le front, signant ainsi sa promesse avant de se détourner pour quitter les lieux.

Ana sut à ce moment-là que plus rien ne serait jamais comme avant. Parce qu'elle était bien plus complice et engagée dans l'incident de Skeeter qu'elle aurait aimé l'être.

Si elle n'avait pas souhaité jouer la carte de l'intimidation contre sa camarade de maison, alors jamais d'autres élèves ne s'en seraient mêlés. Si elle avait été moins lâche, elle ne les aurait pas laissés user de magie noire. En réalité, elle aurait peut-être même pu aider Skeeter à s'échapper...

Et si Rabastan Lestrange n'avait pas été suffisamment réactif, ce soir-là, pour la sortir à temps la salle dans laquelle elle avait délibérément coincé Rita, alors elle serait très certainement hantée par le tableau d'horreur de la blonde à lunettes mutilée par les vipères qui avaient été invoquées.


Victoire chercha des yeux Anastasiya. Debout du haut des gradins qui commençaient à se vider, elle observa les élèves de Serpentard accourir en direction du terrain pour encercler et acclamer leur équipe. Elle attrapa les multiplettes qu'Ophelia était enfin parvenue à récupérer pour mieux voir.

Ana manquait à l'appel. Son balai trainait un peu plus loin, mais aucun signe de la russe, qui s'était littéralement volatilisée.

« Ana » lâcha-t-elle aux trois autres qui la regardaient sans comprendre. « Elle n'est pas là. Lestrange non plus. »

Tandis que Victoire vérifiait à nouveau à travers les multiplettes, Ophelia capta le regard que se lancèrent Amalia et Avery. La blonde soupira avant de rendre son bien à son amie et de tourner les talons, non sans avoir vérifié d'un tapotement discret la poche intérieure de sa cape dans laquelle elle avait rangé le livre que la chouette lui avait livré.

« Où vas-tu ? s'enquit Amalia, un brin un peu trop contrarié pour sa jumelle.

- La chercher. Ce n'est pas normal.

- Ana n'aime pas le monde, tu le sais bien. Elle est probablement partie avant la cohue…

- Avec Lestrange ? interrogea Victoire qui s'apprêtait à descendre. Ou alors lui non plus n'aime pas la foule, peut-être ? »

Nérée Avery émit un rire gras.

« Rien du genre. Il s'est sûrement tiré avec fervente admiratrice… »

Victoire leva les yeux au ciel.

« Je vais chercher Ana. »

Parvenue au bas de la tribune, elle fut interceptée par Remus Lupin, visiblement soulagé de lui mettre la main dessus.

« Ah, tu es là ! s'exclama-t-il. Il faut que tu viennes tout de suite…

- Je n'ai pas le temps, Lupin. Si tu veux bien m'excuser…

- C'est ton frère ! Il risque d'avoir des ennuis, alors viens… !

- Comment ? Où ?! »

Oubliant un instant l'absence d'Anastasiya, Victoire suivit rapidement Remus Lupin qui l'amena de l'autre côté du terrain, derrière les tribunes qu'avait occupées une grande partie de l'école. Là, un tout autre rassemblement avait lieu. Une vingtaine d'élèves de premières et deuxièmes années encerclaient ce qui semblait être une bagarre. Deux garçons se battaient à mains nues, à la manière moldue, tandis que les spectateurs les encourageaient ou au contraire leur criaient d'arrêter. Deux autres tenaient chacun une baguette, probablement prise aux bagarreurs avant qu'ils n'aient le temps de s'en servir. L'un des concernés envoya l'autre à terre, et Victoire fut alertée par les cheveux blonds presque blancs de ce dernier.

« Edouard ! » hurla-t-elle en tentant de se frayer un chemin. « Edouard, stop ! »

Edouard s'était déjà relevé pour foncer sur son adversaire, un élève en deuxième année à Serdaigle. Il le cloua au sol à son tour, accompagnant sa chute pour se retrouver sur lui et lui décocher un coup de poing. Victoire parvint à l'atteindre au même moment, tirant sur ses bras pour le relever. L'autre en profita pour porter un coup, que la jeune fille faillit se prendre à la place de son frère qui répliqua malgré les bras de sa sœur qui l'enserraient.

« Laisse-moi, Vi' ! Je vais lui refaire le portrait à cet enfoiré !

- C'est ça ! le provoqua le Serdaigle en redressant ses lunettes. Retourne dans les robes de ton reptile de sœur ! Tu crois que parce que t'es pas à Serpentard, t'es différent, pas vrai ? Mais vous êtes tous pareils, vous, les sang-pur ! Tu parles d'un Gryffondor ! »

Ophelia, qui avait suivi Victoire de loin, arriva au même moment. Elle posa la main sur sa bouche pour étouffer un hoquet consterné, avant de fusiller du regard Remus qui observait la scène sans réagir.

« Mais qu'est-ce que tu attends ?! le fustigea-t-elle. Pourquoi n'as-tu pas interrompu la bagarre depuis le début ?!

- Je ne ferai rien, répondit-il calmement.

- Comment ?! Mais tu es préfet ! s'indigna-t-elle.

- Je suis peut-être préfet, mais cela ne veut pas dire que je cautionne toutes les injustices sous prétexte qu'elles virent en bagarre.

- Que veux-tu dire… ?

- Owen Saunders l'a ouvertement accusé d'être responsable de la défaite de Serdaigle. Edouard a assisté à quelques entraînements de Serdaigle, car le cousin de Bilius Weasley joue dans l'équipe. Il a aussi assisté à des entraînements de l'équipe de Serpentard en compagnie de Victoire, poursuivit Remus en saisissant l'incompréhension d'Ophelia. Saunders a donc mis en garde les autres élèves de Gryffondor, en leur rappelant que sa famille était à Serpentard et qu'il n'hésiterait pas à vendre sa propre maison à son profit…

- Un véritable abruti, si tu veux mon avis. » conclut une autre voix derrière eux.

Ophelia et Remus se tournèrent vers Sirius et James, qui venaient de retrouver Peter comme convenu. Sirius fendit le cercle de spectateurs et rejoignit à son tour les deux élèves qui continuaient de s'insulter, posant une main sur l'épaule d'Owen Saunders tandis que Victoire peinait toujours à maintenir une emprise sur son frère. Le septième année regarda son camarade de deuxième de toute sa hauteur, ce dernier n'en menant plus large face à son aîné que la réputation précédait.

« Tu oses juger un Gryffondor de manquer de courage, tandis que toi, pour un Serdaigle, tu es visiblement un sombre idiot ? »

Le jeune Serdaigle blêmit.

« Je… Il… !

- À partir du moment où un membre de notre famille passe par la case Serpentard, nous sommes irrécupérables, n'est-ce pas ? C'est bien la raison pour laquelle tu m'as demandé de signer ton balai l'année dernière, après que l'équipe de Gryffondor ait remporté la coupe de Quidditch ?

- Je…

- Rentre au château, petit. Tu as suffisamment merdé pour aujourd'hui. Les autres, la fête est finie… Circulez ! »

Owen Saunders déglutit. Son visage blanc vira au cramoisi, et il tourna les talons pour quitter les lieux, honteux, non sans lancer une dernière œillade haineuse à Edouard qui lui rendit la pareille en silence.

« Qu'est-ce qui t'a pris ? lui demanda Sirius après s'être tourné vers le garçon de première année. Une beuglante ne t'a pas suffi ?

- De quoi te mêles-tu ? intervint Victoire sans relâcher son frère. Qu'est-ce que cela peut bien te faire ?

- Je connais Eddie depuis sa naissance, et il s'agit de mon camarade de maison. Il est un Gryffondor Gryffondor est une famille. »

Victoire renifla avec mépris.

« Quelle grandeur d'âme as-tu, Ô Sir Black ! J'avais failli oublier que seuls les Gryffondors méritaient ta protection et ton respect… Lorsqu'il s'agit d'un Serpentard, forcément, la donne change.

- De quoi m'accuses-tu, encore…? »

Ophelia se dandinait d'un pied à l'autre, terriblement mal à l'aise. Seuls les Maraudeurs au grand complet, Edouard, Victoire et elle-même étaient restés sur les lieux. Et pas un seul des garçons ne semblait prêt à arrêter la joute verbale entre Black et son amie…

Ophelia ouvrit des yeux ronds lorsque la sorcière française lâcha enfin son frère, qui ne bougea pas d'un centimètre, pour ignorer royalement Sirius avant de lancer un regard amer à Remus Lupin.

« Que crois-tu faire, Lupin ? Ton propre acte de charité aujourd'hui n'effacera pas les erreurs que tu as commises ces dernières années.

- Victoire… tenta de l'interrompre Ophelia.

- Laisse-moi parler, Ophia. J'en ai assez. J'en ai ma claque de ce double jeu. De cette hypocrisie qui dicte la conduite de chacun. Y compris ici, à Poudlard ! Réponds sincèrement à ma question, Lupin : tu es Préfet-en-chef, alors pourquoi n'es-tu pas directement intervenu aujourd'hui pour mettre fin à ce conflit ?

- Parce que ton frère aurait terminé en compagnie de Saunders dans le bureau du Professeur McGonagall ou celui de Dumbledore. Avec une énième retenue à la clé.

- Tes parents en auraient été avertis… ajouta Sirius, que Victoire coupa en leva la main pour lui intimer de se taire.

- Est-ce que c'est parce qu'il est à Gryffondor et aurait fait perdre des points à ta maison adorée que tu l'as fait ?

- Bien sûr que non ! s'offensa Remus.

- Si ce n'est pas une histoire d'appartenance, articula Victoire d'une voix tremblante, alors pourquoi n'as-tu rien fait le jour où James s'en est pris à Severus dans le parc de l'école ? »

Remus serra le poing sans répondre, lançant un regard contrarié à Ophelia qui détourna le sien. Il regarda ensuite ses trois amis qui regardaient le vide eux aussi, ne souhaitant pas davantage s'investir dans la discussion qu'ils savaient par avance stérile.

« J'aimerais croire à ta bonté, Lupin, sincèrement, termina Victoire. J'aimerais pouvoir te remercier pour ce que tu as fait aujourd'hui, car grâce à cela, mon frère évitera à coup sûr des ennuis supplémentaires. Mais je ne peux pas. Pas quand je connais la fragilité de ta partialité. Et encore moins quand je sais que tu avais le pouvoir de mettre fin au calvaire de l'un de mes miens, plutôt que rester une fois de plus planté là à favoriser les bêtises de tes amis au lieu de rendre justice comme tu prétends vouloir le faire. »

Elle n'avait eu ni la force ni la volonté de lever la voix durant sa diatribe.

Victoire savait que Lupin ne méritait pas entièrement sa colère. Que sa cible n'était pas la bonne. Mais cette amertume qu'elle ressentait à la vue des Maraudeurs depuis qu'elle avait pénétré l'esprit de Severus venait de refaire surface malgré elle, sans qu'elle ne parvînt à la taire.

Elle avait eu l'impression de vivre ce souvenir avec lui. Les sentiments de Severus, ce jour-là, s'étaient infiltrés dans ses os. La détresse. La rancœur. Le désespoir. Personne ne méritait de subir cela.

Peut-être était-elle injuste, à sa façon. Mais elle avait eu besoin d'exprimer ces sentiments qui la dévoraient, et ce, qu'il s'agisse des Maraudeurs ou non.

« Viens, Edouard. On s'en va, déclara-t-elle faiblement.

- Je préfèrerais rentrer avec eux à la Tour de Gryffondor, si ça ne te dérange pas, répondit-il d'une petite voix.

- Soit. Comme tu voudras. »

Edouard enlaça sa sœur, qui lui rendit son étreinte avec tendresse. Elle lui ébouriffa les cheveux avec une faible tentative de sourire, lui recommandant la prudence d'ici les vacances de Noël qui approchaient à grands pas. Elle accrocha ensuite le regard énigmatique de Sirius, qu'elle ne parvint pas à décrypter. Ses yeux gris et insondables la consumaient littéralement de l'intérieur, réveillant en elle des sentiments enfouis depuis bien trop longtemps. Victoire passa une main distraite sur sa cape, là où était toujours caché le livre.

« Ophia, que comptes-tu faire ?

- Je rentre avec toi » répondit cette dernière.

Ophelia accompagna ses paroles par l'action, rejoignant la blonde pour s'accrocher à son bras, sans oublier de lui offrir l'un des sourires réconfortants dont elle seule avait le secret. La jumelle fit signe aux Maraudeurs, s'attardant sur Remus qu'elle salua avec chaleur avant de tourner les talons.

A chacun de ses pas en direction du château, Victoire eut l'impression que les rafales de vent qui lui fouettaient le visage assénaient une fissure supplémentaire au masque qui, peu à peu, ne lui collait plus à la peau.

Elle devait se libérer des chaînes nommées faux-semblants qui l'entravaient depuis toutes ces années. Car plus elle méditait et faisait le vide en elle, comme Severus le lui avait appris, plus elle se rendait compte que seule une gigantesque mascarade régissait son environnement.

L'étiquette sang-pur à laquelle on la réduisait en société ? Un jeu. Son attitude d'héritière parfaite devant sa propre famille ? Un simulacre. La modération de ses émotions et de ses sentiments devant ses camarades de maison, et même devant ses vrais et seuls amis ? Une dissimulation. Ses grands airs hautains dans les couloirs ou lorsqu'elle s'adresse à d'autres maisons que celle de Salazar ? Une comédie. Entrer dans le jeu de provocation et de haine que se livraient Serpentard et les autres maisons sans merci ? Une idiotie. Ses pensées gardées sous clé et opprimées, jamais révélées car elles seraient indignes d'une jeune fille de la haute société sorcière ? Une suffocation. Se taire et se mêler uniquement de ses affaires, jusqu'à abandonner ses amis dans leur bourbier pour ne pas risquer de se retrouver ensevelie avec eux ? Une honte. Se faire dicter sa conduite à la baguette au point d'en perdre sa nature, ses goûts, sa personnalité, son essence ? Une soumission. Être moulée à la perfection pour devenir une épouse sage, digne et muette ? Un dégoût. Se détourner de ce et ceux qu'elle aime réellement ou a toujours aimé pour éviter de se prendre des coups ? Une indignité.

Il n'en serait plus question.


Juchée sur les genoux de Nérée, Amalia accueillit la blague cynique de Wilkes par un rire cristallin. Celui-ci, allongé de tout son long sur le tapis en laine tressée de vert et argent qui habillait le plancher juste devant la cheminée de leur salle commune, ne cessait de couper Nott, qui tentait de leur conter l'une des histoires légendaires de Beedle Lebarde. Edvin Wilkes, de là où il était, exposé à la vue de ses comparses de sixième et septième années réunis devant l'âtre, singeait les expressions et intonations de Trestan Nott qui semblait, selon ses dires, provenir tout droit de l'outre-tombe lorsqu'il racontait des histoires.

Loin d'être déstabilisé par son ami qui se moquait ouvertement de lui, Trestan ne se démontait pas et poursuivait son rôle de conteur sur la même lancée.

Installée dans le petit fauteuil le plus proche du feu, Amalia s'appuya contre son petit-ami, qui l'accueillit en passant ses mains autour de sa taille pour l'approcher plus près. Nérée se pencha à son oreille pour lui souffler :

« Et toi, oserais-tu te baigner dans la Fontaine de la Bonne Fortune ?

- Seulement si tu m'accompagnes, roucoula la jeune fille d'un air entendu.

- Je te suivrai où tu le souhaites… »

Il ponctua ses dires par un haussement de sourcils suggestifs qui redoubla les rires de la jeune fille. C'était toujours ainsi entre eux. Les semaines s'écoulaient, mais le flirt dans lequel ils étaient entrés avant même de sortir ensemble semblait perdurer. L'humour séducteur restait au centre de leur relation, et elle mentirait si elle disait que cela lui déplaisait. Amalia se mordilla la lèvre inférieure avant de franchir un nouveau cap.

« Alors, viens chez moi pendant les vacances. »

Le sourire de Nérée s'effaça, laissant place à une expression beaucoup plus sérieuse. Un pli anxieux apparut entre ses sourcils.

« Je te demande pardon ? »

Amalia soupira. Elle se dégagea de l'étreinte d'Avery pour quitter ses genoux. Il la retint. Heureusement, les autres ne semblaient pas du tout s'intéresser à eux, un peu isolés dans leur coin, bien trop concentrés sur Nott et Wilkes.

« Amalia, écoute…

- C'est bon, Nérée. Tu me l'as déjà expliqué à de nombreuses reprises. Ta famille ne comprendrait pas que tu sortes av-…

- J'accepte avec plaisir.

- Quoi ? Demanda Amalia en papillonnant des yeux d'incompréhension. Mais…

- Tu souhaites que je vienne, ou non ?

- Évidemment !

- Alors je viendrai.

- Et ta famille ? Va-t-elle accepter ?

- Je leur dirai que je suis chez Trestan, Edvin ou Amycus.

- Tu leur mentirais pour moi ? » balbutia Amalia, hébétée.

Nérée haussa les épaules avant de l'embrasser.

« Navrée de vous interrompre » s'enquit une voix presque identique à celle d'Amalia, « mais vous n'auriez pas vu Ana ? »

Nérée soupira intérieurement en s'éloignant du visage de sa petite amie. Son double se tenait juste derrière leur fauteuil et semblait visiblement s'adresser à eux.

Non pas qu'il n'aimait pas Ophelia loin de là. Mais elle n'était définitivement pas comme sa sœur. Elle n'avait pas sa place à Serpentard, et elle semblait littéralement s'asseoir sur son sang au vu de ses dernières fréquentations en date. Ophelia avait la chance d'être acceptée, tout comme Amalia, par Duchesne et Karkaroff qui appartenaient à des familles au rang des plus prisés dans leur pays d'origine. Alors pourquoi la jumelle de sa petite-amie avait-elle besoin de se frotter à des sangs impurs d'autres maisons ? Pire encore à des sang-de-bourbe à qui elle donnait parfois des cours particuliers dans la salle d'étude de Poudlard… Avery en vomirait presque à cette pensée.

Amalia, elle, avait parfaitement compris quel rôle et quel rang elle se devait de tenir si elle souhaitait s'élever dans la société. Dans l'état actuel des choses, Nérée savait qu'il ne pourrait pas la présenter à sa famille. Mais, si jamais sa relation avec la jeune fille s'ébruitait en-dehors de Poudlard et parvenait aux oreilles de ses parents, le Serpentard savait qu'il valait toujours mieux fréquenter une Amalia plutôt qu'une quelconque autre fille au sang douteux. De plus, cette dernière n'était pas si mal. Jolie, drôle, futée, ambitieuse.

Ce qui n'était au départ qu'un défi lancé par Wilkes s'était finalement transformé en relation amoureuse qui lui convenait parfaitement. Il ne savait pas s'il aimait véritablement Amalia. Néanmoins, il ressentait sans conteste de l'attirance et de l'affection pour la jeune fille. Alors pourquoi se risquerait-il à lui briser le cœur s'il trouvait lui-même des intérêts à cette relation ?

« Non, l'entendit-il répondre à sa sœur jumelle, pas depuis le match.

- D'accord. Merci quand même, marmonna la deuxième avant de monter aux dortoirs.

- Elle avait l'air de meilleure humeur tout à l'heure, murmura Nérée, le nez dans les cheveux d'Amalia.

- Hum, fredonna sa petite amie. Je te remercie de faire des efforts pour passer du temps avec mes proches.

- Ce n'était pas si terrible » affirma-t-il.

Il avait même presque apprécié regarder le match avec Amalia, Ophelia et Victoire. Cela avait été… instructif, se dit-il en fixant son regard sur Victoire, arrivée en même temps qu'Ophelia et dont l'attention avait été captée par Regulus, assis dans son propre fauteuil à l'opposé de l'âtre.

Regulus fit signe à Victoire d'approcher, écoutant toujours Trestan d'une oreille. Il se redressa de son fauteuil pour lui parler sans trop élever la voix.

« Severus ne pourra pas venir au point de rendez-vous, ce soir, l'informa-t-il.

- Que dois-je faire, alors ?

- Comme tu le souhaites. Je suis capable de le remplacer, si besoin. »

Victoire le dévisagea.

« Toi ? Tu veux remplacer Severus ?

- Oui, moi, répéta-t-il d'un ton hasardeux. À moins que cela te pose un problème…

- Aucun. Dix-huit heures devant la tapisserie. »

Regulus hocha la tête distraitement sans lâcher des yeux Trestan qui poursuivait son monologue de conteur, entrecoupé par les rires de ses camarades.

Victoire, quant à elle, se glissa dans les dortoirs pour rejoindre Ophelia qui l'y attendait, assise en tailleur sur son lit, Douglas pelotonné dans ses bras.

« Aucune trace d'Ana, lui signala Ophelia.

- Nastya n'a pas pu se perdre seule dans le parc ou dans les couloirs… »

Victoire rejoignit son propre lit, sur lequel elle se laissa tomber avant de s'enrouler dans son plaid polaire. Douglas quitta les bras de sa maîtresse pour sauter sur le lit de sa camarade de chambre, se lovant contre le plaid à son tour avec un ronronnement d'aise.

« Traître ! lui lança Ophelia.

- Ce n'est pas moi qu'il aime, nuança la blonde, mais mon plaid tout neuf acheté à Pré-au-Lard. Il a déjà mis des tonnes de poils dessus… »

Un silence s'installa dans la chambre. Ophelia entortilla une mèche de cheveux autour de son doigt, tic que sa sœur et elle partageaient lorsqu'elles étaient anxieuses. Victoire se redressa sur ses coudes et l'interrogea du regard.

« Je m'inquiète pour Anastasiya.

- Pourquoi ?

- Ne me dis pas que tu n'as pas remarqué son attitude étrange…

- Peut-être.

- Vi', soupira Ophelia, je sais que Nastya et toi, vous êtes liées comme les doigts de la main et que jamais tu ne partageras quoi que ce soit qu'elle ait pu te confier, - ne me regarde pas comme ça, tu sais très bien que tu es la seule qui réussis à la faire parler ! – mais dis-moi au moins qu'elle va bien.

- Je n'en sais rien, avoua Victoire. Elle ne m'a pas beaucoup parlé, ces derniers temps.

- J'ai un mauvais pressentiment, depuis… depuis le soir de l'attaque. »

Victoire attendit qu'elle développe ses explications.

« Je ne sais rien de ce que vous avez fait ce soir-là, lâcha Ophelia en secouant la tête de gauche à droite. Où étais-tu ? Amalia était avec Avery, mais que faisaient-ils ? Ana m'a lâchée en plein milieu du jeu d'Halloween sans que je ne sache ni la raison, ni l'endroit où elle allait ! Comment puis-je avoir confiance en mes propres amies si elles me cachent ce qu'elles trafiquent chacune de leur côté ?

- Ophelia, serais-tu en train de dire que l'une de nous est responsable ? » demanda platement Victoire.

Ophelia analysa un instant son amie. Victoire parlait avec le même calme que celui dont elle avait fait preuve lors de ses réprimandes envers Remus, plus tôt. Elle s'attendait à la voir s'indigner, hausser le ton, ou encore se moquer d'elle. Mais l'émotion qu'elle repéra sur le visage de la française la laissa pantoise.

« J'étais avec Regulus et Severus, lui confia Victoire. Je les vois très régulièrement, tous les deux.

- À la bibliothèque pour réviser, je le sais… Mais tu ne vas pas me faire croire que vous y étiez pendant la nuit du Samhain…

- Non, en effet. Ophelia, il y a une chose à propos de laquelle je n'ai pas été totalement honnête…

- Une ?

- Deux. Ana est la seule au courant pour la première. En revanche, personne n'a connaissance de la seconde. Je suis fiancée, Ophelia. »

L'information mit du temps à parvenir au cerveau de la jeune fille. Comment ça, fiancée ? Comme dans fiançailles ? Qui conduisent à un mariage ? Mais fiancée à qui, par Merlin ?!

« Tu n'as pas terminé Poudlard ! la réprimanda tout d'abord la jumelle. A quoi penses-tu, en te fiançant à un garçon qui… Non, attends, je ne comprends même pas comment tu-…

- Je ne l'ai pas choisi » l'interrompit Victoire.

La blonde ferma les yeux et inspira profondément. Voilà, elle y était. Et énoncer cette simple vérité, la confier à son amie, ne faisait que la rendre plus réelle.

Elle ne l'avait pas choisi. Regulus non plus. Et pourtant, plus elle y songeait, plus un avenir à ses côtés ne lui semblait pas être la pire des destinées. Elle aimait Regulus, à sa manière. Si ce n'était pas comme un amant, il partagerait sa vie au moins en tant qu'ami. Mieux valait un ami cher plutôt qu'un inconnu…

Peu à peu, les crises d'angoisse et les cauchemars liés à cette décision qui avait été prise par leurs familles au cours du dernier été avaient fini par laisser place à l'hésitation. Car si elle refusait Regulus, à qui l'offrirait-on ?

Victoire grimaça intérieurement et son cœur se serra. A qui l'offrirait-on ? Comme si elle n'était qu'un vulgaire objet à monnayer, ou à exposer sur l'appui de cheminée en marbre de la noble maison des Black…

« Skeeter n'a pas menti, finit-elle par annoncer à son amie. Regulus et moi sommes liés par les fiançailles. L'annonce officielle se fera à la fin de notre sixième année. Le mariage, quant à lui, aura lieu dès l'obtention de notre diplôme.

- Ça me laisse sans voix…

- Et c'est là qu'intervient malheureusement la deuxième chose que je vous ai cachée. À toutes.

- Tu as répondu aux lettres de ton correspondant anonyme, devina Ophelia en levant les yeux au ciel. Et tu es tombée amoureuse de lui, comme dans les romans moldus à l'eau de rose qu'Amalia lit depuis ses douze ans ?

- Je ne suis pas aussi écervelée, se vexa Victoire. Oui, je lui ai répondu, et non, je ne suis pas amoureuse, si c'est ce qui te tracasse…

- C'est lui qui t'a envoyé ce livre, n'est-ce pas ? Pendant le match. »

Victoire acquiesça d'un hochement de tête.

« Pourquoi ? l'interrogea Ophelia.

- Parce qu'il savait que je devinerai son identité dès le moment où je verrai ce livre… »

Victoire dévoila le roman français qu'elle avait caché sous son plaid dès son arrivée dans la chambre. Elle le tendit à Ophelia qui le réceptionna pour l'examiner attentivement.

« Au Bonheur des Dames, tenta-t-elle de prononcer. C'est quelqu'un qui te connaît bien, alors ?

- C'est quelqu'un qui n'aurait dû ni s'approcher de moi, ni chercher à m'aider… Et je me demande si tout ça n'est pas la faute de ton carnet à souhait, tenta de plaisanter Victoire. Plus sérieusement… Je ne sais pas lequel de Regulus ou de Sirius Black va me faire perdre le tête le premier… »

Cette fois, Ophelia comprit. Elle savait que Victoire avait partagé son enfance avec les deux frères Black à son arrivée à Poudlard, la française passait encore du temps avec chacun d'eux en dépit du regard mauvais que leur maison accordait au Gryffondor de la fratrie. Puis, du jour au lendemain, elle n'était plus jamais allée plaisanter avec l'aîné au détour d'un couloir. Elle n'avait plus accordé un regard au cadet, malgré sa présence au sein des mêmes maison et année d'appartenance. Ophelia avait été surprise de constater que Regulus cherchait à renouer des liens entre eux encore plus lorsque Victoire avait finalement accepté de le côtoyer de nouveau. Mais apprendre que Sirius Black, celui qu'on surnommait le Traître-à-son-sang dans leur entourage, et dont la fugue de la maison familiale avait fait la une des potins de Poudlard, était le correspondant anonyme de Victoire la laissa interdite.

« Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- Je n'en ai pas la moindre idée, Ophia… »

End Notes:

Hello,

Le prochain chapitre connaîtra une légère ellipse, de manière à arriver aux vacances de Noël auxquelles ont droit les élèves de Poudlard.

Au programme : le retour à la demeure familiale des Duchesne, des scènes Vi/Reg en-dehors de Poudlard, et un réveillon côté haute société sorcière.

A très bientôt !

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