On est un long moment à se regarder tous les quatre après qu’ils soient partis. Ce contact nouveau avec l’extérieur nous a tous laissés en proie à plein d’émotions diverses. Joie, tristesse, excitation, colère… C’est dur de choisir. Je suis aussi un peu déçue que nous ayons « que » ces informations. J’ai besoin de plus.
— Ginny... L’épée… murmure enfin Harry.
— Oui ! je m’exclame.
— Je sais ! déclare Hermione. Ça y est... le... voilà…
Et elle sort le portrait de Phineas Nigellus. Je la regarde interloquée, déjà parce qu’elle ne m’a rien dit et aussi parce que je ne m’attendais pas à la voir ici. C’est si incongru.
— Si quelqu’un a échangé la véritable épée contre sa copie pendant qu’il était dans le bureau de Dumbledore, dit-elle, Phineas Nigellus l’aurait vu, il était accroché juste à côté de la vitrine !
C’est possible oui.
— À moins qu’il n’ait été endormi, objecte Harry.
Elle se tourne vers moi.
— Tu peux l’appeler ?
Comme tout ce qui se rapporte aux Black, je suis assez réticente, mais je fais un effort.
— Phineas Nigellus, c’est Emy, nous aimerions vous parler s’il vous plaît.
— Emilynn notre héritière ?
Et il apparaît. Avant qu’il ne puisse voir quoique ce soit, Hermione lui jette un sort qui lui bande les yeux.
— Que... Comment osez-vous... ? Qu’est-ce que vous...
— Je suis vraiment désolée, professeur Black, s'excuse-t-elle, mais c’est une précaution indispensable !
— Ôtez immédiatement cet ajout détestable ! Ôtez-le, vous dis-je ! Vous êtes en train de détruire une grande œuvre d’art ! Où suis-je ? Que se passe-t-il ?
— Peu importe où nous sommes.
La voix d’Harry fait réagir Phineas qui s’immobilise aussitôt.
— Est-il possible qu’il s’agisse de la voix de l’insaisissable Mr Potter ? Cela ne me surprendrait pas de la part de l’héritière.
— Peut-être bien. Nous avons deux ou trois questions à vous poser... au sujet de l’épée de Gryffondor.
— Ah. Oui, cette petite sotte a agi d’une manière bien imprudente...
— Ne parlez pas comme ça de ma sœur, le coupe Ron.
Phineas n’apprécie pas de ne pas savoir ce qui l’entoure.
— Qui d’autre se trouve ici ? Votre ton me déplaît ! Cette jeune fille et ses amis se sont conduits avec une extrême témérité. Voler le directeur !
— L’épée n’appartient pas à Rogue, dis-je froidement. Ce n’était donc pas du vol.
— Elle appartient à l’école du professeur Rogue. Pourriez-vous me dire exactement quel droit cette fille Weasley peut avoir sur cet objet ? Elle a mérité sa punition, ainsi que cet idiot de Londubat et cette grotesque petite Lovegood !
Tiens, j’avais raison. Mais son ton commence vraiment à m’énerver.
— Neville n’est pas un idiot et Luna n’est pas grotesque ! proteste Hermione.
— Où suis-je ? Où m’avez-vous amené ? Pourquoi m’avez-vous enlevé de la maison de mes ancêtres ?
Il m’agace avec ses questions.
— Arrêtez de vous débattre, nous ne comptons pas retirer ce bandeau, dis-je.
— Quelle punition Rogue a-t-il infligée à Ginny, Neville et Luna ? demande Harry.
Il est inquiet.
— Le professeur Rogue les a envoyés dans la Forêt interdite accomplir quelques tâches pour ce gros balourd de Hagrid.
— Hagrid n’est pas un gros balourd ! s’écrie à nouveau Hermione.
Elle perd son temps à le reprendre.
— Ah, mais ça va, dis-je rassurée.
— Rogue a peut-être pensé que c’était une punition, mais Ginny, Neville et Luna ont dû bien s’amuser avec Hagrid. La Forêt interdite... Ils ont vu pire ! Ce n’est pas grand-chose !
Harry aussi est soulagé. On s’est imaginé tous les pires scénarios à base de Doloris ou que sais-je.
— Est-ce que quelqu’un d’autre a pris l’épée ? demandés-je.
— Vous m’agacez à me faire venir ici, qu’est-ce que j’y gagne moi ?
Ce qu’il m’énerve.
— Dumbledore ! Vous pouvez faire venir Dumbledore ? demande Harry.
— Je vous demande pardon ?
— Le portrait du professeur Dumbledore... Ne pourriez-vous pas l’amener dans le vôtre ?
— Non, je réponds pour lui. Les portraits de Poudlard peuvent aller d’un tableau à l’autre, mais il leur est impossible de voyager hors du château sauf pour se rendre dans une autre peinture qui les représente ailleurs.
Harry et Hermione sont tous les deux déçus.
— S’il vous plaît, dis-je en mettant ma fierté de côté. Qui d’autre a pris l’épée avant eux ?
Il arrête de chercher la sortie et j’attends en priant pour qu’il accepte de répondre.
— Je crois que la dernière fois que j’ai vu l’épée de Gryffondor sortir de sa vitrine, dit-il finalement, c’est quand le professeur Dumbledore s’en est servi pour fendre une bague.
Victoire ! On échange des regards excités. On ne peut rien dire devant le portrait, mais c’est une bonne nouvelle !
— Je vous souhaite une bonne nuit.
— Attendez !
Harry l’arrête au dernier moment.
— Avez-vous raconté à Rogue ce que vous aviez vu ?
— Le professeur Rogue a bien d’autres soucis en tête que les nombreuses excentricités d’Albus Dumbledore. Adieu, Potter !
Il nous quitte pour de bon alors on le range dans son sac pour qu’il ne nous entende pas.
— L’épée peut détruire les horcruxes ! je m’exclame incapable de contenir mon excitation plus longtemps.
— Je sais ! s’exclame Harry.
Il fait les cent pas sous la tente.
— Les lames fabriquées par les gobelins n’absorbent que ce qui les renforce, déclare Hermione. Cette épée est imprégnée de venin de Basilic !
— Et Dumbledore ne nous l’a pas donnée lui-même parce qu’il en avait encore besoin, il voulait l’utiliser pour le médaillon... explique Harry.
— Et il a dû prévoir qu’ils ne nous laisseraient pas la prendre s’il nous la léguait par testament... dis-je.
— Il en a donc fait faire une copie…
— Et a mis la fausse épée dans la vitrine…
— En laissant la vraie... Où ?
Voilà la vraie question.
— Harry, où aurait-il pu la cacher ? je demande.
— Pas à Poudlard, répondit Harry en recommençant à faire les cent pas.
— Quelque part à Pré-au-Lard ? suggère Hermione.
— La Cabane hurlante, peut-être ? Personne n’y va jamais.
— Trop risqué, je réponds. Rogue sait comment y entrer.
— Dumbledore avait confiance en Rogue, rappelle Harry.
— Pas suffisamment pour lui révéler qu’il avait échangé les deux épées, je réplique.
— Oui, mais Emy tu es liée à la Cabane Hurlante, ajoute Hermione. C’est à toi qu’il l’a donnée.
— Tu crois vraiment qu’il l’aurait mise là-bas ? Il y aurait eu un indice dans le testament. Et pourquoi la cacher ?
— Que disait-il ?
— « je sais qu’elle aura le courage de la relever afin de détruire tous les obstacles qui se dresseront sur son chemin. »
— Il l’a cachée car il avait des réserves sur la loyauté de Rogue, réplique Harry. C’est sûr que ce n’est pas dans la Cabane Hurlante.
— Vous avez raison, approuve Hermione.
— Dans ce cas, aurait-il caché l’épée loin de Pré-au-Lard ? Qu’est-ce que tu en penses, Ron ? Ron ?
On se retourne pour voir qu’il est allongé dans un des lits, le visage fermé.
— Ah tiens, vous vous êtes souvenus de mon existence ?
Hein ?
— Quoi ?
— Continuez tous les trois, dit-il avec un ricanement. Je ne veux surtout pas jouer les rabat-joie.
Il n’y a pas que moi qui ne comprends pas ce qui se passe. Harry et Hermione sont dans le même état que moi.
— C’est quoi, le problème ?
— Le problème ? Il n’y a pas de problème. Selon toi, en tout cas.
Je n’aime pas ce ton passif-agressif. Il cherche la bagarre.
— Toi, en revanche, on voit que tu en as un, répond Harry. Alors, vas-y, raconte.
Oula, sa réponse ne va pas aider.
— Ron enlève l’horcruxe, je déclare avant que Ron ne puisse répondre.
— Pourquoi ? Parce que tu penses que je ne suis pas capable de contrôler mes émotions ?
Oui ! J’allais répondre mais Hermione me touche le bras et fait un signe « non » de la tête.
— Je vais vous dire ce qui ne va pas, ajoute-t-il avant que j’ai le temps de répondre. Ne comptez pas sur moi pour marcher de long en large dans cette tente en me demandant où peut bien se trouver un de ces fichus objets qu’il faudrait se procurer. Tu n’as qu’à l’ajouter à la liste de tout ce que tu ne sais pas, Harry.
— Que je ne sais pas ? Que je ne sais pas ?
J’en ai rien à faire qu’il ait l’horcruxe, ce n’est pas juste de dire ça.
— Arrête Ron, tu es injuste.
— Toi Emy arrête, arrête avec ton discours « j’ai une confiance aveugle en Harry » on a aucun plan, aucune avancée, arrêtons un instant de faire comme si tout allait bien ! Je m’amuse comme un petit fou, ici, croyez-le bien, avec mon bras estropié et rien à manger, à me geler les fesses toutes les nuits. J’avais simplement espéré qu’après avoir passé des semaines à courir partout, on aurait fini par obtenir un résultat.
— Ron, dit Hermione mais il fait comme s’il ne l’entendait pas.
— Je croyais que tu savais à quoi tu t’étais engagé, répond Harry.
— Oui, moi aussi, je le croyais.
— Alors qu’est-ce qui n’est pas à la hauteur de tes espérances ? Tu pensais que nous allions descendre dans des hôtels cinq étoiles ? Que nous trouverions un Horcruxe tous les deux jours ? Tu croyais pouvoir revenir chez maman pour Noël ?
— On croyait que tu savais ce que tu faisais !
— On ? je soulève.
Il regarde Hermione qui détourne le regard. Merde, j’ai rien vu, j’étais dans ma bulle, j’ai même pas remarqué tous ces doutes et les discussions qu’ils ont eu.
— On croyait que Dumbledore t’avait expliqué comment t’y prendre, on croyait que tu avais un véritable plan !
— Ron !
Il s’arrête pour respirer, il est debout face à Harry qui est maintenant lui aussi bien en colère.
— Eh bien, désolé de t’avoir déçu. J’ai été franc avec toi dès le début, je t’ai répété tout ce que Dumbledore m’avait révélé. Et au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, nous avons trouvé un Horcruxe...
— Oui, et on est aussi près de s’en débarrasser que de retrouver les autres... C’est-à-dire fichtrement loin.
Je ne réagis plus, je suis sonnée par mon manque d’attention. Combien d’autres choses j’ai loupé. L’abattement me coupe toute énergie. Je suis fatiguée, si fatiguée, je n’ai pas envie qu’on se dispute, j’ai envie qu’on fasse front ensemble, qu’on se batte ensemble. Pas les uns contre les autres. C’est déjà assez dur comme ça.
— Enlève le médaillon, Ron. S’il te plaît, enlève-le. Tu ne parlerais pas comme ça si tu ne l’avais pas porté toute la journée.
— Oh, si, il dirait exactement la même chose, assure Harry. Vous croyez que je n’ai pas remarqué vos messes basses derrière mon dos ? Vous croyez que j’ignorais ce que vous aviez dans la tête, tous les deux ?
Il l’avait vu ? Merde Emy…
— Harry, nous n’étions pas...
— Ne mens pas ! lui lance Ron. Toi aussi, tu m’as avoué que tu étais déçue, toi aussi, tu pensais qu’il en savait un peu plus que...
— Je ne l’ai pas dit comme ça... Harry, ce n’est pas ce que j’ai dit !
Elle se met à pleurer, c’est à ce moment-là que je réalise qu’il pleut.
On est quatre ados dans une tente, la seule chose qu’on a accompli, c’est de ne pas être encore morts.
Je regarde devant moi mes deux meilleurs amis qui se font face, la colère plein des yeux. Ils vont dire des choses qu’ils ne pensent pas. On est à bout, on n’arrive plus à réfléchir correctement.
Une extrême solitude et un sentiment d’abattement m'envahissent. On ne va jamais y arriver. Je me mets à pleurer d’épuisement en silence.
— Alors, pourquoi es-tu toujours ici ?
— Je n’en sais rien.
— Rentre chez toi, dans ce cas.
— Ouais, c’est peut-être ce que je vais faire ! Tu n’as donc pas entendu ce qu’ils ont dit au sujet de ma sœur ? Mais bien sûr, tu t’en fiches comme d’un pet de rat, on l’a seulement envoyée dans la Forêt interdite. Harry Potter, Celui-Qui-A-Vu-Pire, ne se soucie pas de ce qui a pu lui arriver, eh bien, moi, figure-toi, je me soucie des araignées géantes et de tous ces trucs de dingues...
— Je disais seulement... elle était avec les autres, ils étaient avec Hagrid…
— Ouais, c’est bien ça, tu t’en fiches ! Et le reste de ma famille ? « Les Weasley n’ont vraiment pas besoin qu’un autre de leurs enfants soit blessé », tu l’as entendu ?
— Oui, je…
— Mais tu ne t’es pas inquiété de savoir ce que ça pouvait bien signifier, hein ?
— Ron !
Elle se met entre eux deux. Elle a peur qu’ils en viennent aux mains. Franchement ce serait moins pire que de se disputer comme ils le font.
— Je ne pense pas que ça veuille dire qu’il se soit passé quelque chose de nouveau, quelque chose que nous ignorons. Réfléchis, Ron, Bill a eu le visage tailladé, plein de gens, à l’heure qu’il est, ont dû voir que George avait perdu une oreille et tu es censé être sur ton lit de mort, terrassé par l’éclabouille, je suis sûre que c’est la seule chose qu’il voulait dire...
— Ah, tu es sûre ? Très bien, alors, je ne vais plus me faire de souci pour eux. Tout va bien pour vous deux, vos parents sont en sécurité...
Putain non, ne dis pas ça.
— Mes parents sont morts ! crie Harry.
— Et il pourrait arriver la même chose aux miens ! hurle Ron.
— Alors, VA-T’EN ! Va les retrouver, fais semblant d’avoir guéri de ton éclabouille, comme ça, maman pourra te préparer à manger et...
Ron fait un mouvement brusque, je suis plus rapide, je bondis, transformée à nouveau. Un grognement vient du fond de ma gorge et ça les arrête tous les deux. J’en profite pour redevenir humaine.
— Arrêtez tous les deux, c’est la fatigue et le stress qui vous fait parler…
— Oh, non, crois-moi…
— Laisse-moi finir Ron ! Tu enlèves l’horcruxe et l’un de vous sort pour que vous soufflez un peu ! Mais en venir aux baguettes, c’est non, merde, vous êtes plus intelligents que ça !
Il est vexé, je le vois alors qu’il fait un pas en arrière.
— Je vois… Je me doutais que tu serais comme ça.
— Comme quoi Ron ?
— Une confiance aveugle en Harry. Tu donnerais ta vie pour lui, n’est pas ?
— Pas toi ?
Il ne répond pas, il se tourne vers Hermione.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Que veux-tu dire ?
— Tu restes ou quoi ?
— Je...
Elle me jette un regard angoissé.
— Oui... oui, je reste. Ron, nous avions dit que nous partirions avec Harry, nous avions dit que nous l’aiderions...
— Compris. C’est lui que tu choisis.
Il se retourne et sort de la tente. Ni Harry ni moi ne bougeons.
— Ron, non... s’il te plaît... reviens, reviens !
Je la regarde sortir de la tente et je peux entendre ses sanglots alors qu’elle lui supplie de rester. Il ne le fera pas. Il a trop de fierté, impossible pour lui de faire retour en arrière. Et de toute manière, il ne voulait plus se battre. Il a abandonné.
S’il transplane, il ne pourra pas nous retrouver. Les sorts de protection ne s'incluront plus. Et puis demain, on va changer de lieu, comme tous les jours. Alors il va partir, pour de bon, et on ne le reverra peut-être jamais.
Je lui en veux d’être faible comme ça. Je lui en veux de ne pas m’en avoir parlé, je suis blessée par son manque de confiance.
En même temps, il avait raison plus tôt, j’ai une confiance aveugle en Harry.
Je n’ose pas parler, pas bouger, ni même pour réconforter Hermione quand elle revient. Je suis juste assise par terre, à penser à ma mère qui est morte pour ceux qu’elle aimait. Aurait-elle fait ce sacrifice si je n’avais pas été dans la chambre avec Harry ?
Je n’ai jamais douté de lui, jamais, sauf que ce soir, je me demande si je ne devrais pas. C’est ridicule, rien que d’y penser, je me sens encore plus mal, mais les mots de Ron font si mal…
Je sors de ma bulle en pleine nuit. Personne ne garde la tente, chacun est couché, j’entends encore les reniflements d’Hermione.
Alors j’enfile un blouson de mon père que j’ai pris avec moi, met une écharpe autour du cou et pars m’installer devant la tente pour surveiller les horizons. C’est la nuit la plus difficile qu’on a eue depuis qu’on est partis. Je pense beaucoup aux mots de Ron, mais aussi à ma dispute avec mon père, à George que j’ai abandonné… Puis, plus la nuit avance, plus je replonge dans des choses noires auxquelles je n’avais pas pensé depuis longtemps, la solitude d’avant et de maintenant se mélangent, c’est si fort que je pleure un peu.
À un moment, je crois que je m’assoupis, car le jour pointe le bout de son nez quand je me redresse. Trempée, gelée, exténuée, et avec une forte envie d’aller aux toilettes, je n’ai pas la force de me lever. C’est une sorte de torpeur maussade dans laquelle je suis enfermée. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Mais cette fois-ci est violente. Heureusement Harry arrive et ça m’aide à remonter à la surface.
— Salut.
— Hey.
On ne dit rien de plus, mais c’est suffisant pour que je me rappelle que je suis dans le monde réel, que ce qui m’entoure est vrai. Qu’il faut que je me lève et fasse quelque chose.
Malgré la pluie, je me déshabille un peu pour me laver le visage et les bras dans la rivière. Je suis toujours gelée, mais je sens que mes idées se mettent un peu plus au clair. Puis on mange un peu et vient l’heure de partir. Aucun de nous trois ne prononce un mot. Hermione s’attarde un peu, elle espère peut-être que Ron va revenir. Harry moins je crois, il semble encore en colère.
Je ne la presse pas, j’attends en bougeant des cailloux qui bloquent la rivière. Avec la pluie, elle va bientôt déborder, je dégage le passage. C’est une activité que j’adorais faire petite avec mon père. Je faisais principalement des barrages qu’ensuite on détruisait et on admirait le torrent créé par nos petits cailloux. C’est une activité reposante, qui me vide la tête.
— Emy.
Je me tourne vers Harry qui me fait signe de venir. Ça y est. On part. Main dans la main, on transplane dans une colline recouvert de bruyère. Le vent est glacial et fouette les joues. L’humeur est lourde, Hermione part pleurer, Harry est planté sur place, incapable de bouger. Je prends les choses en main et lance les sorts de protection autour d’eux. Puis je rejoins Hermione pour passer un bras autour de ses épaules.
— Je vais monter la tente, puis partir trouver de quoi manger. Vous deux, restez au chaud.
Ce n’est pas une question, c’est une affirmation. Harry hoche la tête et récupère le sac en perle. Je le laisse s’occuper de la tente et part sous ma forme de loup. La nuit m’a fait réfléchir, les mots de Ron aussi, ce qu’il exprimait sur ce que lui et Hermione pensaient me pousse à franchir un cap.
On est faibles, sous-nourris, on dort peu, on est en proie à beaucoup de tensions. Si on doit se battre, on doit avoir des forces. Alors il y a quelque chose que je peux faire…
Chasser. Trouver de la viande, quelque chose qu’on va pouvoir faire cuire. Je vais trouver un sort qui permet de créer un peu de feu, on va se la faire à la moldue, les sorts de cuisine, c’est pas mon truc. Tant pis, je vais y passer la journée s’il le faut.
J’éteins Emy, laisse le contrôle au loup. Juste un peu, pas totalement. Je l’ai fait rarement, la dernière fois avec mon père lors de la pleine lune. Je peux faire confiance à mon instinct animal, c’est assez étrange d’ailleurs comme sensation. Je suis là, mais en même temps pas là. C’est comme une pause. C’est plus facile comme ça, une sorte de pilote automatique qui permet de ne plus être bloquée par les émotions.
Je reviens sans savoir combien de temps s’est écoulé. Le soleil est haut dans le ciel. Humaine, mais toujours en mode automatique, je suis un peu sous le choc, je crois. Alors je vais à mon sac, récupère un livre et m’installe dehors pour préparer le lièvre que j’ai chassé.
Je me sens sonnée, un peu dépassée par les événements. Le sang sur mes mains me choque. Je mets mes émotions de côté, et poursuis ma tâche en suivant les instructions du livre. C’est dur, si dur, c’est la première fois que je tue un être vivant. La sensation du loup se heurte à celle de l’humaine. Je m’interdis de laisser le loup heureux et insouciant prendre le dessus. C’est mal, et je me sens mal.
— Ça va Emy ?
Harry s’installe à côté de moi, un couteau à la main.
— Tu n’as pas à faire ça, Harry.
— Tu as fait largement ta part Emy, laisse-moi t’aider. Je n’ai rien de mieux à faire de toute manière, laisse-moi me sentir utile.
— Ne dis pas ça, dis-je en relevant la tête.
— Il a raison d’une certaine manière, on doit trouver un moyen d’avancer. On fait du sur-place.
— Ok et bien parlons de l’épée, dis-je un peu plus froidement que j’aurais voulu.
Il ne répond pas et fixe le lièvre que je suis en train de préparer.
— Tu veux qu’on fasse un feu ?
— J’avais ça en tête oui.
— Je vais chercher du bois alors.
Il repart et je continue ma tâche toujours un peu sonnée. Quand il revient, je me rends compte que j’apprécie sa présence, que ça rend les choses un peu plus faciles.
On ne parle pas vraiment le temps de tout installer. Depuis le départ de Ron la veille, on est un peu comme des automates, sans parole et sans joie. Parler serait comme trahir la situation. Comme si après tout, ça n’avait pas d’importance. Or, il n’y a pas que le départ de Ron qui est dur. Ses mots résonnent encore en moi et je me doute qu’Harry a la même chose.
C’est lui aborde le sujet finalement, alors que nous sommes en train de cuire la viande. Les flammes et l’odeur sont cachées par un sort. Normalement personne ne peut nous voir.
— Tu donnerais vraiment ta vie pour moi ?
Entrée en matière plus que directe.
— Si ça signifie en finir avec cette guerre et ces injustices, oui.
— Je déteste être ce symbole.
— Non, Harry, tu n’écoutes pas ce que je te dis. Ce n’est pas toi, ça va au-delà de ça.
Il s’arrête pour me regarder.
— Nos parents ont donné la vie pour nous, sauf que ça allait au-delà, c’est quelque chose qui nous dépasse tous. On parle de liberté Harry. Tu n’es qu’un élément dans l’équation. Mais tout ne dépend pas de toi, tu comprends ?
Il hoche doucement de la tête.
— Je crois.
Puis il ajoute.
— Merci. Parfois, je mélange tout. Je manque de recul.
— Lui aussi.
Mon ton est dur, plus dur que je ne l’aurais voulu, mais c’est comme ça, les mots de Ron résonnent encore moi et Harry ne relève pas finalement.
— Tu crois qu’Hermione va s’en remettre ?
— Laisse-lui un peu de temps, ça va aller.
— Elle lit le livre de contes. Elle est persuadée qu’il y a quelque chose de Dumbledore dedans.
— Elle a sûrement raison, je n’ai plus la patience de le relire pour comprendre ce qui se cache derrière une marmite sauteuse.
Il ne rigole pas et je réalise que ce n’est pas Ron. Il ne connait pas l’histoire. Ron aurait ri.
La viande cuit maintenant et ça commence à réveiller nos estomacs. Je ne me voile pas la face, je sais que cet objectif de chasse était un moyen d’oublier le conflit avec Ron. Mais finalement, quand je me dis qu’on va presque avoir un repas, je me réjouis. On en a besoin.
— Je n’ai pas envie de mourir avant d’avoir eu le sentiment d’être à la hauteur de leur sacrifice.
Il a prononcé ces paroles à demi-mot. C’est un secret lourd qui doit peser depuis longtemps sur ses épaules.
— Ne te mets pas cette pression Harry. Ils seraient sûrement déjà fiers de toi, extrêmement fiers. Tu as gagné deux fois la coupe de quidditch, j’ajoute dans une tentative d’humour.
Ça le fait sourire.
— Leur absence est omniprésente, je trouve dans ma vie. Petit, j’avais cet accident de voiture qui me hantait dès que je montais dans la Ford de mon oncle. Je ne comprenais pas comment un accident pouvait survenir. Juste comme ça par hasard ? C’est plus tard que j’ai compris, et je trouvais ça assez injuste.
— La vérité a dû te perturber.
— Oui. Oui, parce qu’on m’attribuait en même temps un acte héroïque que je n’avais pas commis volontairement. J’avais l’impression d’être…
— Un imposteur.
— Oui voilà.
Son histoire résonne tellement avec la mienne. Il a l’ombre de ses deux parents au-dessus de la tête. Moi, j’ai surtout celle de ma mère, et en fait de toute la maison Black. Je sens que je veux m’en affranchir, mais qu’au fond, ça reste là. J’ai beau m’appeler Lupin, pour beaucoup, je suis Black.
— Ils étaient trop jeunes pour tout ça. Le peu que j’en ai parlé avec Sirius ou ton père, je ressens juste une grande tristesse pour eux. Après Poudlard, ils ont été plongés dans la guerre. Puis la mort. Ils n’ont pas eu le temps de vivre.
J’ai la gorge nouée. Je ne m’attendais pas à tout ça. Et puis je sens que je suis un peu à bout. Alors les émotions me submergent vite, je n’arrive pas à me contrôler.
— Ils t’ont eu toi Harry. Un mariage, toi, ils ont construit des choses à côté.
— Oui… Oui, c’est vrai…
Machinalement, je le vois sortir un bout de parchemin de sa poche. Je reconnais la carte des Maraudeurs. Il la regarde un instant puis la referme, sans doute sans savoir que je l’observe.
Je ne dis pas grand chose d’autre de la soirée. Plongée dans mes pensées, je pense à ce que je louperai si je mourrais. Que voudrais-je accomplir de ma vie si je vivais ?
Sujet lourd qui me plombe le moral, mais c’est pas comme si l’ambiance était à la fête. Hermione est surprise que je sois partie chasser, elle nous remercie pour le repas, puis on mange en silence.
Les jours qui suivent se ressemblent beaucoup. Chercher de la nourriture, chercher les lieux où pourraient être cachés épée et horcruxes, puis étude du livre de contes. Je tente aussi de comprendre le vif d’or, voir si c’est une sorte de cryptex, mais je ne trouve rien.
Depuis quelque temps, Harry a une drôle de pratique, il ouvre et surveille la carte des Maraudeurs plusieurs fois par jour. Au début, je ne comprenais pas ce qu’il cherchait, puis je pense avoir trouvé.
L’amour…
Non, je ne préfère pas y penser.
Bref. La douche ne fonctionne toujours pas, heureusement, on a encore des toilettes. L’hiver arrive, il est glacial et je sens que je perds des forces avec ce mode de vie rude que nous avons.
Hermione comme moi n’avons plus nos règles. Au début, je croyais que c’était le choc du départ de Ron, ça peut arriver. Mais finalement, je pense que notre corps est passé en mode survie et coupe les choses « inutiles ». Ça me convient, c’est plus simple de gérer comme ça.
Hermione s’en sort peu à peu de son chagrin, elle lit encore et encore ce livre, étudiant les runes sur certaines pages. Elle sort aussi le portrait de Phineas aux repas, drôle de pratique, mais comme il ne vient pas souvent, je ne proteste pas. Et puis ça fait un peu de compagnie et nous sort de notre bulle de silence.
— Mon héritière, c’est bien dommage que vous ayez cessé vos études. J’ai toujours considéré que filles comme garçons avaient un droit à l’éducation. Vous aviez de bons résultats en plus.
— Demandez à Rogue de ne plus tuer les directeurs d’école et on en reparlera, je réponds sèchement.
Ça le vexe et il ne revient pas avant plusieurs jours. La curiosité est plus forte que lui. Même avec les yeux bandés, il cherche des informations.
— Alors, comment se passe la vie au château ? lui demande Hermione.
— Bien, merveilleusement bien, professeur Rogue est un directeur admirable. Je n’en ai jamais douté, c’est un Serpentard et s’il y a bien une chose que nous faisons bien, nous Serpentard, c’est diriger.
J’en doute, mais je garde mon commentaire pour moi.
— Avez-vous des nouvelles de Ginny ? demande ensuite Hermione.
Harry tend l’oreille.
— La petite Weasley ? Elle est interdite de Pré-au-lard, elle a été surprise dans un rassemblement de plus de trois élèves. Professeur Rogue se doute qu’elle fait partie du noyau dur qui ne cesse d'outrepasser l’autorité.
On échange un regard tous les trois. Il y a une résistance au château ! Cette nouvelle me met du baume au cœur même si je me doute qu’ils doivent se faire punir durement.
Nous ne sommes pas seuls à nous battre.
— Mais et vous alors ? Dans quel décor vous trouvez-vous ?
Nous ne sommes pas dupes. Hermione n’hésite pas et le remet immédiatement dans son sac.
— Il y réfléchira à deux fois avant de nous demander la prochaine fois où nous sommes.
Et on retourne dans nos bulles de silence. Ce soir-là, on est réveillés par le froid de la neige qui ensevelit la tente. Nous sommes perdus sur une île au milieu de l'Écosse. C’est sublime et à la fois ça me donne envie de rentrer chez moi. J’inspire un coup, expire et mets tout de côté pour voir ce qui m’entoure d’un œil neuf. Il doit être deux heures du matin, pourtant le paysage se dessine bien grâce à la neige et la lune presque pleine.
Tous les trois, nous observons le paysage, debout devant la tente, emmitouflés dans une grosse couverture. Je crois qu’on y trouve tous un peu de paix. En tout cas, moi oui, je parviens enfin à m’endormir et à voler quelques heures de sommeil.
— On devrait retourner acheter quelques provisions. J’irai sous la cape et laisserai un peu d’argent dans une caisse, propose Harry.
— J’irai, répond Hermione.
Ces derniers temps, j’ai tenté de chasser au moins une fois par semaine. À chaque fois, ça me coûte, et à chaque fois, je reviens un peu plus perdue entre la frontière humaine et animale.
— On fera ça le lendemain de la pleine lune. Emy aura besoin de forces, un bon repas fera du bien à tout le monde.
Je ne réponds pas. Si ça les réconforte de me prendre pour excuse afin de prendre le risque d’acheter quelques provisions, je ne vais pas les en empêcher.
Le lendemain soir, je pars seule dans une forêt qui nous héberge pour cette nuit. Je grimpe une colline et traverse deux rivières avant de m’allonger au sol et écouter la nature autour de moi. Même si j’arrive à me contrôler, j’ai besoin de m’éloigner par sécurité.
Comme à chaque pleine lune, je pense à mon père et pour la énième fois à notre dispute. Mes souvenirs sont un peu flous de certains moments, mais ça n’enlève pas le sentiment de mal-être qui me prend à chaque fois que j’y pense. J’aimerais le revoir, mettre les choses à plat avec lui, savoir ce qui s’est passé pour lui et Dora…
Aurais-je un frère ou une sœur ?
*****
Comme promis, on s’organise un bon repas avec les provisions achetées par Hermione. Spaghetti bolognaise et poires au sirop. On a même retiré l’horcruxe pour la soirée. C’est une belle soirée, l’esprit de tout le monde est plus léger, je le sens dans chaque fait et geste de chacun. Ce sentiment est doux, j’en avais presque oublié la saveur.
— Dites… dit à un moment Harry.
Je me tourne vers lui tandis qu’Hermione a toujours la tête dans son livre de contes.
— Mmmh ?
— J’ai réfléchi et…
— Est-ce que vous pourriez m’aider ?
Elle nous tend son livre pour nous montrer un symbole. Bon, la déclaration d’Harry va attendre même si j’aurais bien aimé savoir de quoi il veut parler. Apparemment, elle ne l’avait pas écouté.
— Regardez ce symbole.
Elle nous montre une forme triangulaire avec un rond et une barre.
— C’est censé nous interpeller ? je demande.
— On n’a pas étudié les runes anciennes, Hermione, ajoute Harry.
— Je sais, mais ce n’est pas une rune et ce symbole ne figure pas dans le syllabaire. J’ai toujours pensé qu’il représentait un œil, mais finalement, je crois que ce n’est pas ça ! Il a été tracé à l’encre, regarde, quelqu’un l’a dessiné là, ça ne fait pas partie du livre. Emy, ça te dit quelque chose ?
Elle tourne un visage plein d’espoir vers moi. Je sais que je suis censée avoir la plus grande culture sur le monde sorcier, mais ce symbole ne me dit rien du tout.
— Non, désolée… Jamais entendu parler…
Je fronce les sourcils, si peut-être maintenant qu’elle me le montre. J’ai une impression familière. Mais de là à retrouver où j’ai pu voir ça… Peut-être dans un livre de la famille Black, c’est le genre de truc qui aurait pu y être. Mais j’ai beau chercher, je n’arrive pas à associer un souvenir avec ce symbole.
— Ce ne serait pas le même signe que le père de Luna portait autour du cou ? dit enfin Harry.
— C’est ce que je pensais ! répond-elle, ravie.
— Alors, c’est la marque de Grindelwald.
— Quoi ?
— Krum m’a dit que lorsque Grindelwald était à l’école de Durmstrang, il avait gravé ce symbole. C’est un sorcier noir qui a tué beaucoup de monde, surement quelqu’un de sa famille, parce qu’il était très énervé de voir ce symbole. Il disait qu’il aurait affronté Xénophilius en duel s’il n’était pas un invité.
— Tu penses vraiment qu’il portait ce symbole pour montrer son soutien à Grindelwald ? Il pouvait très bien croire que ça signifiait une sorte de rituel pour les Ronflaks Cornus, ou que sais-je.
— C’est ce que j’ai dit, me répond Harry. Mais Krum lui n’en doutait pas.
— Je n’ai jamais entendu dire que Grindelwald avait une marque. On n’en parle nulle part dans tout ce que j’ai lu sur lui.
— Moi non plus, j’ajoute un peu confuse.
Ça se saurait.
— Comme je vous l’ai dit, Krum affirme que ce symbole était gravé sur un mur à Durmstrang et pense que c’est Grindelwald qui l’avait mis là.
— C’est vraiment bizarre, répond Hermione. S’il s’agit d’un symbole de magie noire, qu’est-ce qu’il fait dans un recueil de contes pour enfants ?
— Bizarre, en effet, admet Harry. Et on pourrait penser que Scrimgeour l’aurait reconnu. En tant que ministre, il aurait dû être expert en matière de magie noire.
— Je sais... Peut-être a-t-il pensé comme moi que c’était tout simplement un œil. Toutes les autres histoires ont des petits dessins au-dessus du titre.
— C’était un auror, il aurait dû reconnaître le symbole… je déclare sceptique. Dumbledore l’a peut-être écrit pour attirer notre attention sur cette histoire, c’est laquelle ?
— Les trois frères.
Je réfléchis un peu, mais je ne vois pas en quoi une histoire sur la mort peut nous aider à trouver des horcruxes. Peut-être que c’est pour nous enseigner un peu de sagesse et ne pas avoir peur de la mort ?
— Les filles ?
On se retourne vers Harry, c’est vrai qu’il avait quelque chose à dire.
— J’ai réfléchi. Je... je veux aller à Godric’s Hollow.
Je suis surprise. Je ne m’attendais pas à ça. Je suis encore plus surprise de la réponse d’Hermione.
— Oui. Oui, moi aussi, je me suis posé la question. Je pense vraiment qu’il faut y aller.
— Tu as bien entendu ce que je viens de te dire ? insiste Harry, tout aussi surpris que moi.
— Bien sûr. Tu veux aller à Godric’s Hollow et je suis d’accord avec toi.
— Vous voulez y aller pour quoi ? je demande perdue.
— Je ne vois pas dans quel autre endroit l’épée pourrait se trouver. Ce sera dangereux, mais plus j’y pense, plus il me semble probable qu’elle soit là-bas.
— C’est trop évident, je réplique.
— C’est le plus logique.
Oui, mais… Je n’y crois pas.
— Pourquoi ce serait logique que l’épée soit à Godric’s Hollow ?
On explique à Harry le lien entre le village et l’épée. Il semblerait que lui voulait y aller pour d’autres raisons.
— Ah oui… murmure t-il quand Hermione a fini de lui lire Histoire de la Magie.
— Tu voulais aller sur la tombe de tes parents.
Il acquiesce.
— Oui, aller à l’origine de tout ça, voir la maison, et aussi, il y a Bathilda Tourdesac.
Je n’ai pas très envie d’y retourner maintenant. Ça doit se lire sur mon visage.
— Tu n’es pas obligée d’accepter d’y aller, dit-il un peu précipitamment. On peut y aller sans toi et te rejoindre après.
— Si, si, c’est bon. Je te montrerai.
— Bathilda Tourdesac habite toujours Godric’s Hollow ? demande Hermione.
— C’est ce que tante Muriel a dit, répond Harry.
— Qui ?
Ouh… Le prénom de Ron plane dans l’air.
— Tu sais, la grande tante de Ginny. Celle qui disait que tu as les chevilles trop maigres.
— Ah oui.
Harry n’est jamais allé sur la tombe de ses parents. Je comprends qu’il en éprouve le besoin. Il sera sous la cape, Hermione dissimulée par quelques sorts de métamorphose et moi, je serai sous ma forme de louve. On pourra croire que je suis un chien qui l’accompagne.
— Quoi ?
Je suis tirée de mes pensées par le ton inquiet d’Harry.
— Qu’est-ce qui t’a pris ? J’ai cru que tu avais vu un Mangemort...
— Et si c’était Bathilda qui avait l’épée ? Si Dumbledore la lui avait confiée ?
— Il t’a déjà parlé d’elle ? je demande à Harry.
Il secoue la tête. Bon bah, on n’est pas plus avancés. Hermione a peut-être raison après tout, même si c’est dangereux, on doit y aller, on n’a pas d’autre piste.
La perspective d’avoir un plan à construire pour y aller en prenant le minimum de risque nous rebooste tous les trois. On avait besoin de ça, d’avoir de l’action, quelque chose de concret sur lequel travailler.
Le lendemain matin, alors que je suis de garde, Harry me rejoint devant la tente.
— J’ai pas vraiment dormi de la nuit. J’ai fait ce que je m’interdis de faire d’habitude.
— Tu t’es fait des « si » ?
Il acquiesce.
— Tu veux me les raconter ?
Ça a toujours été un sujet entre nous deux. Notre vie avec des « si ».
— Aurais-je eu des frères et sœurs ?
Lui, je pense que oui. Moi non, c’est sûr.
— Autre que toi, ajoute t-il avec un sourire en coin.
Je lui donne un petit coup d’épaule.
— Tes parents voulaient fonder une famille. Je pense que oui. Plusieurs frères et sœurs, mais pas autant que Ron.
— Tu me vois en grand frère ?
— Tu aurais fait un super grand frère, j’assure avec confiance.
— L’idée d’y aller rend la vie que j’aurais pu avoir plus concrète. Je ne sais pas si ça fait sens, mais je pense à mes vacances que j’aurais passé là-bas, à nos anniversaires, à ma vision du monde sorcier… Aurais-je connu les moldus ?
— Ta mère t’aurait fait garder le lien avec ce monde. Et puis tu aurais connu ma grand-mère.
— Ah oui, c’est vrai que c’était une moldue…
J’expire un coup, je ne veux pas me mettre à faire des « si » moi aussi.
— Oui, c’est un jeu dangereux, devine t-il.
Contente qu’il s’en rende compte. Il ne faut pas trop jouer à ça. On peut sombrer.
Dans une semaine, retour à l’origine. Là où tout a commencé.
J’ai peur.