— Comment vas-tu Emy ?
Le sourire chaleureux de Dora me fait plaisir. Elle m’avait manqué.
— Ça va et toi ? Tout avance comme vous voulez ?
Je veux dire l’Ordre, mais bon, le couloir d’un hôpital n’est pas vraiment l’endroit le plus sûr au monde.
— Hum… Oui, oui.
— Emy, viens donc, fait Mrs Weasley depuis l’entrebâillement de la porte.
— Mais, je…
— Ne dis pas de bêtises, dit-elle en me prenant par le bras. Tu fais partie de la famille.
Sait-elle que ce genre de déclaration me donne littéralement envie de pleurer ? Elle tapote mon épaule quand on s’arrête devant un Mr Weasley souriant. Oui, sûrement qu’elle sait que ça veut dire beaucoup.
Mr Weasley parle un peu, il nous explique comment il va et rassure un peu tout le monde. De le voir aussi bien, souriant et bavard me rassure. Tout va bien se passer.
Quand il présente ses voisins de chambre, j’ai une pensée pour cet homme au teint maladif.
— ... il a été mordu par un loup-garou, le malheureux. Aucun remède possible.
Et il s’en rend bien compte que sa vie a radicalement changé.
— Un loup-garou ? murmure Mrs Weasley. Et ce n’est pas dangereux de le mettre dans une salle commune ? On ne devrait pas plutôt le placer en chambre individuelle ?
— La pleine lune est dans deux semaines. Les guérisseurs sont venus lui parler ce matin pour essayer de le convaincre qu’il pourra mener une vie presque normale. Je lui ai dit – sans indiquer aucun nom, bien sûr – que je connaissais personnellement un loup-garou, un homme charmant, qui s’accommode très bien de sa condition.
« Presque normale », c’est le mot oui.
— Et qu’est-ce qu’il a répondu ? demande George.
— Que lui aussi allait me mordre si je ne la fermais pas, répondit Mr Weasley avec tristesse. Et cette femme, là-bas – il montra le troisième lit occupé, juste à côté de la porte –, ne veut pas dire par quoi elle a été mordue, ce qui laisse supposer qu’elle doit posséder une créature illégale. En tout cas, il lui manque un bon morceau de jambe, et on sent une horrible odeur quand ils lui enlèvent ses bandages.
Je me tourne à nouveau vers cet homme. Combien de personnes comme lui considèrent que c’est la fin de leur vie ? Il a vécu sans être un lycanthrope. Et voilà que paf, rien ne sera plus comme avant. Papa devrait lui parler.
À côté, les jumeaux tentent d’avoir des explications sur l’attaque. C’est peine perdue, ils ne nous diront rien.
— Ça suffit, dit Mrs Weasley. Tonks et Fol Œil sont dans le couloir, Arthur, ils voudraient venir te voir. Vous autres, vous attendrez dehors. Vous pourrez revenir après pour dire au revoir. Allez-y.
On sort sagement, mais dès que la porte s’est refermée, je me tourne vers George en souriant.
— C’est ça que tu cherches ?
— Absolument, dis-je. Vous en avez combien ?
— Vous avez lu dans mes pensées, répond Fred. Voyons si Ste Mangouste jette des sorts d’Impassibilité sur les portes de ses salles.
Chacun de nous en prend une puis nous tendons l’oreille pour écouter. Ils parlent du serpent qui a disparu.
— Je pense qu’il l’a envoyé en éclaireur, grogne Maugrey, étant donné qu’il n’a pas eu beaucoup de chance, ces temps derniers. Il a voulu avoir une vue plus claire de ce qui l’attendait et, si Arthur n’avait pas été là, la bête aurait eu beaucoup plus de temps pour inspecter les lieux. Potter dit qu’il a assisté à tout ce qui s’est passé ?
— Oui, répond Mrs Weasley. Dumbledore semblait presque s’attendre à ce que Harry ait ce genre de vision.
— Oui, oui, dit Maugrey, on sait bien que ce jeune Potter est un peu bizarre.
— Dumbledore avait l’air de s’inquiéter pour Harry quand je l’ai vu ce matin.
— Bien sûr qu’il s’inquiète. Ce garçon voit des choses à l’intérieur même du serpent de Vous-Savez-Qui. Bien évidemment, Potter ne se rend pas compte de ce que ça signifie, mais si Vous-Savez-Qui a pris possession de lui...
Harry arrache son Oreille et recule en respirant bruyamment. Je fais de même et l’attire un peu à l’écart pour parler.
— Raconte.
— Non, je…
— Harry, parle-moi.
Il a les larmes aux yeux, je le force à s’asseoir et lui prends les mains.
— Parle-moi Harry. Tu n’es pas seul, je peux comprendre.
Il lève ses yeux vers moi.
— Non, tu ne peux pas… murmure t-il.
— Essaie alors de m’expliquer. Donne-moi une chance.
Il secoue la tête.
— Dumbledore ne me regarde pas, c’est pour ça… Je ne suis pas… Comme si… Contaminé…
— Contaminé de quoi ?
Il écarquille les yeux, comme s’il venait de comprendre.
— Je suis l’arme…
Je me retiens de lui balancer un « ne dis pas de bêtises ». Ça ne l’aidera pas du tout.
— L’arme que l’Ordre veut protéger ?
— Ils me suivent partout. Pas pour me protéger, mais protéger les autres.
— Alors pourquoi Mr Weasley ou Sturgis Podmore étaient au Ministère ?
— Je… Je ne sais pas.
Les adultes sortent à ce moment-là de la chambre. Il est temps de repartir. Sur le chemin du retour, je ne quitte pas Harry d’une semelle. Je ne peux pas le laisser avec l’esprit aussi confus.
— Ça va, Harry, mon chéri ?
Mrs Weasley a remarqué qu’il n’allait pas bien. En même temps, il a une mine affreuse. A-t-il dormi ce matin ? Dès qu’on rentre, elle l’invite à aller se coucher avant d’aller diner.
— Emy, ton père arrive ce soir pour le dîner.
— Super.
— Tu veux qu’on cuisine à nouveau ensemble comme ce matin ?
Oh Mrs Weasley… Ça me touche et rien ne me ferait plus plaisir. Je ne peux pas dire non.
— Je… J’arrive dans dix minutes, je vais monter me passer un coup d’eau sur le visage.
— Bien sûr, fait-elle avec un sourire.
Ron m’interpelle en bas de l’escalier.
— Tu vas lui parler ? murmure t-il.
— Oui.
— Ok tiens moi au courant.
Je monte au troisième, toque brièvement puis entre. Comme je m’en doutais, il est en train de faire les cent pas dans sa chambre.
— Tu devrais partir, murmure-t-il.
Il ne semble pas en totale possession de ses moyens. Les récents événements l’ont ébranlé, et toutes ses questions sans réponses sont en train de le rendre fou.
— Pourquoi je devais partir Harry ?
— S’il peut prendre possession de moi, cela veut dire que je lui donne plein d’informations en ce moment même sur l’Ordre. Tu es en danger, tu devrais partir.
Il s’arrête tout d’un coup.
— Et tout ce que j’ai entendu alors que je n’aurais pas dû… Sirius… Non… Je dois aller à Poudlard pour… Non… Je ne veux blesser personne, tu comprends ?
— Je comprends tout à fait Harry. Mais tu ne vas faire de mal à personne.
— Non ! Tu ne comprends pas alors ! Je dois partir !
— Alors, on prend la fuite ?
C’est Phineas qui a parlé. Je me tourne vers lui, surprise.
— Tu peux partir, mon héritière, je m’occupe de ce garçon.
— Vous vous occupez de rien du tout, je reste avec lui.
— Laisse-nous un peu, je viendrais te chercher s’il a besoin de toi.
Pourquoi insiste t-il autant ? Dumbledore lui aurait-il parlé ?
— Il ne va pas quitter cette maison, fais-moi confiance.
Je me tourne vers Harry qui a cessé de marcher en rond.
— Pars, je m’en occupe.
— Ok, je cède à contre-coeur. Je reviens bientôt.
— Voilà.
Je sors et referme la porte derrière moi sans savoir quoi faire ensuite. Je croise Ron dans l’escalier.
— Alors ?
— Il n’a pas dormi depuis hier, il est épuisé.
Je lui explique ce que je pense avoir compris du charabia d’Harry.
— Mais pas du tout, répond simplement Ron. Il se trompe complètement.
— C’est ce que j’ai essayé de dire. Je dois rejoindre ta mère, tu pourras aller le voir pour le dîner ?
— Oui, oui.
Mrs Weasley est contente de me voir la rejoindre. Pendant un moment, j’arrête de penser aux problèmes, je suis juste avec elle, Ron et Ginny à apprendre à cuisiner. On pique un bout de carotte et elle fait comme si elle n’avait rien vu.
— Emy, tu peux t’occuper des cookies ?
Ginny rigole en voyant mon sourire.
— Maman, elle va manger tout le chocolat.
— Non…
Ron se met également à rire.
— Faux, et archi-faux.
Malgré tout, je suis aux commandes de la pâte à cookies. En vrai, non seulement, j’aime manger les pépites de chocolat, mais j’adore aussi la pâte. C’est plus fort que moi, je suis obligée de manger des bouts tout le temps.
Histoire de savoir si c’est toujours bon.
— Molly, vous faites confiance à Emy pour ne pas manger toute la pâte avant de la faire cuire ?
Je ne l’avais pas entendu venir, mais je reconnais immédiatement cette voix. Je me retourne et cours dans ses bras. Ça me fait tellement de bien de le revoir. Il rigole contre moi et se penche pour piquer lui aussi une pépite de chocolat.
— C’est sûr que tel père, telle fille, rigole Mrs Weasley.
Finalement, il y a encore de la pâte à cuire quand on enfourne les cookies. Sirius revient avec les jumeaux, ils ont fait tous les lits pour tout le monde. Ça leur a peut-être permis de s'expliquer un peu, en tout cas, ils semblent rabibochés.
— Ron, va voir Harry pour lui dire que le dîner est prêt. Je lui garderai quelque chose s’il veut rester couché.
Ce repas tous ensemble me fait un bien fou. J’ai un pincement au cœur en pensant à Harry, mais d’après Ron, il dormait.
— Ou alors il faisait semblant. Je crois qu’il a besoin d’être seul. Le temps de digérer tout ça.
— C’est peut-être mieux, oui. Je ne pouvais rien lui dire. Il ne voulait pas entendre.
Mon père ne manque pas de remarquer ma main, mais il ne m’en parle pas tout de suite, ce n’est que lorsque tout le monde part un peu dans son coin après le dessert, qu’il vient à côté de moi. Derrière lui, Sirius me fait un sourire d’encouragement. On va dans ma chambre où je lui raconte tout en détail depuis la rentrée. Je guette plus d’une fois sa réaction, mais il ne laisse rien transparaître. Je remarque au passage une nouvelle cicatrice sur la paume de sa main. Elle est récente, cela veut dire que les pleines lunes sont difficiles pour lui en ce moment. Il n’a pas Sirius, ni moi. Depuis quand n’avons-nous pas été ensemble pour une pleine lune ? Au moins un an. Ce devait être l’été dernier.
— Montre-moi ta main, dit-il quand j’ai fini.
Il l’observe un instant, puis la masse du bout des doigts.
— Ça te fait mal quand j’appuie ?
— Un peu.
— Les tissus en dessous se sont agglutinés, tu dois masser pour que tout se remette en place. Tu as des douleurs parfois ? Quand tu jouais au quidditch ?
— Oui.
— Masse un peu comme ça. George aussi en a, j’ai remarqué, c’est plus frais.
— Oui, quand elle m’a interdit de me transformer, il s’est énervé et il a eu deux semaines de retenue.
— Il n’y a que vous deux ?
— Et Harry.
— Lui, il a quoi ?
— Je ne dois pas dire des mensonges.
Il hoche la tête.
— C’est assez révélateur de ce que le Ministère a choisi comme direction.
— C’est ce que le professeur McGonagall nous a dit. Elle a aussi dit qu’on devait faire profil bas.
— Et toi, qu’en penses-tu ?
J’essaie de réfléchir calmement, ne pas mettre mes émotions notamment ma colère dans le jugement que je vais porter.
— Je pense que ça ne m’a pas trop réussi de faire profil bas. Oui, je n’ai plus de retenues, mais je les évitais pour pouvoir continuer à jouer. Maintenant elle croit qu’elle peut tout faire, qu’on ne dira rien en retour. Et ça me dérange plus que tout qu’elle m’empêche de me transformer.
— Alors ? fait-il avec un sourire.
— J’y pense depuis un moment avec les jumeaux, on veut la faire payer, lui faire vivre un enfer, l’avoir à son propre jeu.
Il écarquille les yeux.
— Quoi ? Tu n’es pas d’accord ?
— Elle t’a punie quand ?
— Il y a un mois à peu près.
— Pourquoi tu n’as pas déjà commencé ?
— Parce que…
Parce que je veux protéger la terre entière d’elle, et surtout toi. Même si ce n’est pas mon rôle.
— Et si elle s’en prend à toi ou aux autres loups-garous ?
Il secoue la tête.
— Les temps sont déjà durs pour les loups-garous. Je suis dans l’Ordre, je suis dans leur viseur depuis un moment. Ne te préoccupe pas de moi. Si c’est ce dont tu as besoin de faire, fais-le.
— J’ai vraiment besoin de le faire.
Depuis petite, il ne m’a jamais prise pour une enfant. Mes choix, il me laisse les prendre. J’en assume les conséquences, comme une adulte.
— Merci de me faire confiance, j’ajoute.
Il sourit en regardant la bannière Gryffondor accrochée en face de mon lit.
— Je ne suis pas surpris, ta mère à seize ans est partie d’ici. Je sais d’où tu viens.
Je n’avais pas pensé à ça. Peut-être que mon si grand désir de faire payer Ombrage pour tous ses abus vient de là, de ma mère et des combats qu’elle a mené avant.
— Par contre, j’espère que tu comprends que je ne peux pas jouer la carte du parent en colère.
Malheureusement, oui, je comprends.
— Je te soutiens Emy, ne crois pas le contraire, mais…
— Je sais papa, ne t’inquiète pas.
Loup-garou.
*****
Le lendemain matin, je suis de très bonne humeur. Sirius nous propose de décorer la maison pour Noël, alors on se joint à lui-même si ça finit vite en gros fou rire avec les jumeaux. On s’envoie les guirlandes au visage et bientôt, on ressemble tous à des arbres de Noël ambulants.
— T’as parlé à Harry ? me demande Ginny.
— Je suis passé ce matin, il n’a pas voulu me répondre, je retente ce midi.
— Mmmh, ou maman va le faire. Elle s’inquiète.
— Évidemment, je murmure.
— Tu crois qu’il pense… je ne sais pas… mais par exemple qu’il soit dangereux pour nous ?
— Oui, c’est possible.
Ce n’est pas la réponse qu’elle espérait.
Le soir, quelqu’un sonne à la porte, ça me surprend un peu, on sait tous qu’il ne faut pas le faire pour ne pas réveiller Walburga. Je me précipite en bas, mais c’est trop tard, elle hurle déjà à mort.
— Hermione ?
— Surprise !
On se tombe dans les bras.
— Oh, je suis désolée d’être partie comme ça.
— T’inquiète, le professeur McGonagall m’a raconté. Comment va Harry ?
— Justement, tu devrais lui parler.
— À ce point ?
Nous sommes interrompues par Sirius qui a enfin réussi à fermer les rideaux du tableau.
— Bonsoir, comment ça va ?
— Je viens passer Noël avec vous ! Si c’est possible, bien sûr.
— C’est tout à fait possible, réplique Sirius encore plus ravi.
Puis tout le monde vient la saluer et il nous faut un peu de temps avant de nous retrouver tous les trois avec Ron.
— Et le ski alors ? demande t-il.
— C’est un sport merveilleux, dit-elle. Mais être ensemble l’est encore plus.
— Ohhh, fis-je en souriant.
Ron reprend vite une tête sérieuse.
— Il nous évite depuis ce matin. Il refuse de nous parler.
— Avec ce que vous avez entendu hier, c’est normal.
— Je ne sais plus quoi faire, dis-je en me mordant les lèvres d’inquiétude. Ce matin, ça pouvait encore passer pour prendre le temps de réfléchir un peu. Mais cette aprem, c’était encore pire, il nous fuyait, vraiment.
— Je vais lui parler, fait-elle.
— Seule ? demande Ron.
— Oui, je n’étais pas là, je suis un œil extérieur, peut-être qu’il pourra me dire ce qui se passe. Vous deux, vous êtes trop impliqués.
J’accepte à contre-coeur.
— Ok. Si c’est le mieux pour lui.
— Il est où là ?
— Avec Buck.
Elle fronce les sourcils.
— C’est au cinquième, je précise.
— Je ne vais jamais me repérer dans ce labyrinthe.
— Bienvenue au club, marmonne Ron.
— Attendez-moi dans votre chambre. Vous êtes toujours au troisième ?
— Oui.
— À tout à l’heure.
En allant au troisième on croise Ginny et Mrs Weasley.
— Tu pars parler à Harry ?
— Oui.
— Bien, je vais vous préparer des sandwichs. Faites un feu, cette chambre est si froide et humide…
On s’attelle à la tâche et rapidement, il fait bien meilleur dans cette petite pièce. Je vérifie de temps à autres que Nigellus n'apparaît pas, ce qui est heureusement le cas. Mon ancêtre, je ne l’aime pas trop. Il a un peu trop tendance à me rappeler mon côté Black. J’ai autre chose à faire que de me soucier d’un héritage mort depuis longtemps.
— Je suis arrivée par le Magicobus, fait Hermione en arrivant avec Harry. Dumbledore m’a raconté ce qui s’est passé hier matin mais il a fallu que j’attende la fin officielle du trimestre pour pouvoir quitter Poudlard. Ombrage est déjà furieuse que vous ayez disparu sous son nez, même si Dumbledore lui a dit que Mr Weasley était à Ste Mangouste et qu’il vous avait donné la permission de partir. Bon, alors... Comment tu te sens ?
— Très bien.
— Ne mens pas, Harry. Ils m’ont dit que tu te cachais de tout le monde depuis ton retour de Ste Mangouste.
— Ah, ils ont dit ça ?
Il nous fusille du regard, mais je ne compte pas m’excuser.
— Oui, parce qu’on s’inquiète pour toi.
Il déteste qu’on parle dans son dos.
— En tout cas, c’est ce que tu as fait ! ajoute Ginny. Et tu ne nous regardes même plus !
— C’est vous qui ne me regardez plus !
— Peut-être que vous vous regardez à tour de rôle, mais jamais en même temps, propose Hermione avec un sourire en coin.
L’idée me plait.
— Très drôle, dit Harry qui ne veut pas rire visiblement.
Ça m’agace un peu.
— Arrête de jouer les incompris, on a essayé de te parler, tu n’essaie même pas de nous expliquer, tu pars du principe qu’on ne peut pas te comprendre.
— Les autres m’ont raconté ce que vous avez entendu l’autre jour avec les Oreilles à rallonge... ajoute Hermione.
— Ah ouais ?
Ce même ton et attitude énervée qu’en août. Il ne veut rien entendre. Il veut juste rester dans son malheur. Mieux vaut que je me taise, je vais m’énerver.
— Alors, comme ça, vous parlez tous de moi ? Remarquez, je commence à m’y habituer.
Qu’est-ce que j’avais dit ?
— C’est à toi qu’on voulait parler, Harry, dit Ginny, mais comme tu n’arrêtes pas de te cacher depuis qu’on est rentrés...
— Je n’avais pas envie qu’on me parle.
— C’est quand même un peu bête de ta part, s’emporte Ginny. La seule personne que tu connaisses qui ait jamais été possédée par Tu-Sais-Qui, c’est moi. J’aurais pu te dire quel effet ça fait.
Ses mots font effet sur Harry, il a arrêté de fuir son regard, maintenant il se tient bien face à elle.
— J’avais oublié, dit-il.
— Tu as bien de la chance.
Je pose une main sur son épaule. Un instant, je me rappelle de son état si frêle quand Harry était arrivée avec elle de la chambre des secrets. Le reste est un peu flou à cause de ma blessure au genou, mais je me rappelle très bien de sa peau si blanche comme si c’était déjà un fantôme…
— Je suis désolé.
Elle lui a déjà pardonné.
— Alors… vous pensez que je suis possédé, hein ?
— Est-ce que tu te souviens de tout ce que tu as fait ? demande Ginny. Est-ce que tu as l’impression qu’il y a de longues périodes de blanc pendant lesquelles tu ne sais plus ce qui s’est passé ?
Il réfléchit tandis qu’on attend en retenant notre souffle.
— Non, dit-il.
— Dans ce cas, Tu-Sais-Qui ne t’a jamais possédé. Quand il a pris possession de moi, il m’arrivait de ne plus savoir ce que j’avais fait pendant plusieurs heures d’affilée. Tout d’un coup, je me retrouvais quelque part sans savoir comment j’y étais arrivée.
Je fais un sourire à Harry pour le rassurer. C’est fini.
— Mais quand j’ai rêvé de ton père et du serpent...
— Harry, tu as déjà eu des rêves dans ce genre-là avant, l’interrompt Hermione. L’année dernière, tu voyais parfois ce que Voldemort était en train de faire.
— C’était différent. Cette fois-ci, j’étais à l’intérieur du serpent. C’est comme si c’était moi le serpent... Et si Voldemort avait réussi à me transporter à Londres ?
Je rigole d’avance, ce qui fait sourire Hermione.
— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? me demande Ron.
— Tu vas voir.
— Un jour, reprend Hermione au comble de l’exaspération, vous vous déciderez peut-être à lire l’Histoire de Poudlard, et vous vous souviendrez alors qu’il est impossible de transplaner à Poudlard, ni pour y venir, ni pour en sortir. Même Voldemort ne parviendrait pas à t’arracher à ton dortoir, Harry.
Ron sourit.
— Ah oui, c’est drôle.
Je repars en fou rire. Oui, il m’en faut peu.
— Tu n’as pas quitté ton lit, mon vieux, ajoute Ron en reprenant son sérieux. Je t’ai vu t’agiter pendant au moins une minute dans ton sommeil avant qu’on arrive à te réveiller.
Cela donne une nouvelle perspective à Harry. Il fait les cents pas, réalisant soudain qu’il s’était trompé ces derniers jours. Il mange même un sandwich, ce qui signifie pour moi une vraie victoire.
— Bon, maintenant tu veux chanter avec nous et Sirius De bon matin, j’ai rencontré l’hippogriffe ?
Harry sourit et j’ai ma réponse. Tous les adultes remarquent le retour d’Harry, ce qui leur fait grand plaisir. Ils n’en disent pourtant rien, nous laissant à nos chants et nos jeux de guirlandes. Quand mon père arrive le soir alors qu’on est en plein couplet de chants de Noël, Sirius lui crie de venir nous rejoindre.
— Allez Lunard ! Allez !
Mon père sourit, puis finalement reprend le refrain à tue-tête, bras dessus, bras dessous avec Sirius qui se démène comme s’il était à un concert.
— Et ce matiiiiiiin ! Je l’ai rencontréééé.
— Mais qui donc ?!
— L’hippogriffe du matiiiiiin !
— Et le voilààà !
On s’arrête tous pour les regarder. Je n’ai jamais vu mon père faire autant le gamin avec Sirius. C’est comme si j’avais une fenêtre sur le lui d’avant, quand il n’était qu’un ado à brailler dans les dortoirs avec ses meilleurs amis.
Ça me rend un peu triste. Mais je décide de sourire et le moment passe.
— Ça va ? me demande George.
— Oui.
Et c’est un oui sincère.
*****
Le matin de Noël, je me réveille aux côtés de George. La veille, on a passé des heures à parler, et à s'embrasser aussi. Mais bon, ce sera mieux quand on sera à Poudlard pour ça.
Il transplane dans sa chambre chercher ses cadeaux et revient pour les ouvrir avec moi. Hermione et Ginny toquent à la porte. Fred arrive et finalement nous sommes presque tous ensemble pour le faire.
Le bonheur, c’est contagieux.
Quand nous descendons, nous trouvons Mrs Weasley en train de pleurer.
— Maman, qu’est-ce qui se passe ? C’est papa ? s’inquiète tout de suite George.
— Non, non, il va bien. Nous irons le voir plus tard.
Puis, elle nous tend un paquet contenant un pull. Et un P inscrit dessus. Je pousse un profond soupir mental. Quel idiot ! Il a une famille, des parents aimants, pourquoi ne peut-il pas faire un effort un instant et cessé de ne penser qu’à son ambition ?
Avec Hermione, on laisse Ginny et les jumeaux parler un peu avec leur mère. On connait peu Percy et me concernant, je n’ai jamais trop accroché avec lui. On croise Sirius en chemin.
— Bonjour joyeux Noël !
— Joyeux Noël ! Ne descends pas maintenant, il y a Mrs Weasley qui pleure.
Il force les sourcils.
— Pourquoi ? Arthur va bien ?
— C’est Percy, fait Hermione en soupirant.
Elle pense comme moi, ça me rassure.
— Mmmmh, Remus saura mieux lui parler.
— Il est où ? demandés-je.
— Dans le salon du premier.
— Merci. J’y vais, je préviens Hermione.
— Ok, je vais chercher le cadeau de Kreattur en attendant.
Avec Sirius, on grimace de concert. Je ne comprends pas comment elle peut trouver un peu de sympathie pour cet odieux elfe. Je pars rejoindre mon père et le trouve avec Dora en pleine discussion.
— Joyeux Noël, fait-il alors que je viens l’embrasser.
— Merci, merci, joyeux Noël.
— Bien dormi ? me demande Dora.
Je fronce les sourcils. Il y a un message subliminal ?
— Oh, fait mon père comme s’il venait de se rappeler de quelque chose, Molly sait que toi et George avez dormi ensemble.
Je pâlis.
— Et…
— Elle voulait que je te parle.
— Ah oui ? Mais c’est bon, non ? J’ai compris et puis… La porte était ouverte, tout va bien…
J’ai envie de disparaître sous terre. Il sourit pour me rassurer.
— Ne t’inquiète pas, je te fais confiance, je lui ai dit que je t’avais déjà parlé. Si elle veut parler à George, soit. J’ai été clair en tout cas te concernant.
— Merci.
Son sourire est maintenant amusé. Oui, bah moi pas du tout. Pourquoi je suis gênée ? J’en sais rien, bonne question, mais en tout cas, je veux vite changer de sujet.
— D’ailleurs en parlant de Mrs Weasley, elle pleure dans la cuisine à propos de Percy. Il lui a renvoyé son tricot.
Il soupire. Décidément, on pense tous pareil concernant ses agissements.
— Je vais lui parler.
— C’est ce que Sirius m’a dit, oui.
Il me laisse avec Dora qui a aujourd’hui de superbes cheveux roses.
— Comment ça va à Poudlard ?
Je grimace.
— Mmmh, j’ai cru comprendre que Dolores Ombrage vous fait vivre un enfer.
— Tu la connais ?
— Tout le monde au Ministère la connaît. Elle est odieuse et peut détruire une carrière en un claquement de doigts. Je ne me suis jamais risquée à prendre un ascenseur avec elle. Et puis je ne peux pas rester dans la même pièce qu’une personne ayant des opinions aussi horribles.
— C'est -à -dire ? je demande franchement intéressée.
— Pour tout te dire, depuis que j’ai appris qu’elle avait été affectée à Poudlard, je me suis renseignée auprès de ma mère. Elle sait tout sur tout le monde, même si elle a quitté le petit banc de la haute société sorcière depuis longtemps.
Je m’assois à ses côtés pour écouter ce qu’elle a à m’apprendre. Ça peut m’être utile dans ma vendetta personnelle.
— Oh, que dire ? Et bien, elle ne vient pas d’une famille de Sang-Pur comme elle aime le faire croire.
J’esquisse un sourire. Une honte secrète, c’est parfait.
— C’est pitoyable, n’est ce pas ? fait Dora et je suis bien d’accord.
— En arriver là, c’est lamentable.
— Elle a été à Serpentard, toujours solitaire en amitié, plus à entretenir des relations par intérêts qu’autre chose.
— Je vois, oui.
— Maman était en première année quand elle était en septième année. Plein de rumeurs couraient sur elle. Par exemple qu’elle refusait d’employer les mêmes espaces que d’autres personnes nées moldues. Elle pouvait changer de table à la bibliothèque, tu vois.
— Oh, non… je murmure choquée.
— Elle a commencé au Ministère en se positionnant sur la régulation des créatures magiques. Elle a contribué à l’écriture de pas mal de lois contre les loups-garous, j’imagine que ça, tu le sais.
— Oui, oui.
— Elle est douée pour manipuler, transformer des faits en quelque chose en son avantage. Lors d’une série d’attaque sur enfants en 64-65, elle…
Dora s’interrompt subitement. Oui, c’est la période où mon père s’est fait mordre.
— Il y a eu des procès, reprend-elle comme si de rien était. Et comme les condamnés étaient en grande partie des exclus de la société, elle a pu « prouver » (elle mime des guillemets) qu’ils ralentissaient la croissance, qu’ils ne souhaitaient pas faire partie de notre monde et blablabla.
— Je vois. Alors que ce sont ses lois qui les ont mis au ban de la société.
— Absolument.
Conclusion : elle n’a peur de rien.
— Merci Dora, je cerne mieux le personnage.
— Ta main va mieux ?
Comment le sait-elle ?
Comme si elle lisait dans mes pensées, elle s’explique :
— Remus et Sirius m’ont raconté. Et j’ai remarqué que vous aviez des marques sur vos mains.
— Oh… Euh, oui, ça va.
— J’imagine que ça doit être frustrant de ne plus jouer.
J’approuve d’un hochement de tête.
— Oui. Mais on va lui faire payer.
Dora sourit.
— C’est bien. Vous avez tout mon soutien pour faire payer cette vieille peau.
Oh, elle n’a pas idée.
*****
Après le déjeuner, nous allons rentre visite à Mr Weasley.
— Il a été mordu récemment, je murmure à mon père quand on entre.
Il regarde en direction du voisin de chambre, l’étudie un instant puis hoche la tête.
— Oui, ça se voit.
— Il était en état de choc la dernière fois que nous sommes venus.
Ce qui est compréhensible.
— Mmmh, je lui parlerai peut-être.
— Tu peux faire ta propagande de « la vie normale est possible ». Tu as ton échantillon avec toi, je blague.
Il rigole.
— Eh salut, la vie normale est possible, voici ma fille, salut et joyeux Noël.
On rigole ensemble. J’aime ces moments juste tous les deux. J’ai l’impression qu’on retourne en France quelques instants. Oh… Qu’est-ce que j’aimerais y retourner un jour.
— Tu veux venir lui parler avec moi en vrai ?
— Pourquoi pas…
On va voir l’homme qui regarde avec envie la petite foule de visiteurs pour Mr Weasley.
— Bonjour, fait mon père.
— Joyeux Noël, j’ajoute.
Par Merlin, on doit passer pour deux bizarres à venir lui parler comme ça.
L’homme regarde mon père, puis moi, même si je n’ai que quelques cicatrices que très peu visibles : une qui part de mon poignet droit et remonte jusqu’à mon coude, une autre petite dans le cou, et une autre discrète le long de l’arcade.
— Vous en êtes.
— Absolument, fait mon père en s’asseyant. Quelqu’un est venu vous parler ?
— Ils m’ont sorti que des conneries. Que j’allais pouvoir continuer ma vie.
Il ricane.
— Ma vie est finie.
— J’ai été mordu à quatre ans.
L’homme écarquille les yeux. Il ne pensait pas qu’on pouvait passer sa vie entière en ne connaissant que les malédictions de la lune.
— Et elle ?
— C’est ma fille.
— Mais… Je…
À côté, Mrs Weasley s’emporte contre son mari à propos de bandages. Hermione vient me voir en faisant la grimace.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Il essaye les points de suture.
Mmmmh. La médecine moldue peut être une bonne idée sur certaines choses… Mais pas les blessures magiques visiblement.
— On va prendre un thé, fait Ron en nous rejoignant.
— Oui, un bon thé, ajoute Harry super mal à l’aise.
Elle s’énerve encore plus à côté. Je me tourne vers mon père et le loup-garou.
— Mais comment c’est possible ? finit par dire le gars.
Ok, je n’ai pas besoin de connaître les détails de la petite graine toussatoussa.
— Moi aussi j’ai envie d’un thé !
On sort rapidement et Ginny nous rejoint dans le couloir.
— Typique de papa, dit-elle. Des points de suture... Je vous demande un peu...
— Tu sais, ça marche très bien sur les blessures non magiques, dit Hermione. Il doit y avoir dans le venin de ce serpent quelque chose qui dissout les fils ou je ne sais quoi. Je me demande où est le salon de thé.
— Cinquième étage, répond Harry.
— D’où tu sais ça ? je demande.
— Je l’ai lu sur le panneau en bas. C’est passionnant, j’ignorais que les sorciers pouvaient avoir toutes sortes de blessures et attaques. Tu as vu la sorcière avec la kumquat dans le nez ?
Je souris, parfois j’oublie qu’Harry n’a pas grandi dans cet univers. Même si j’ai été élevée dans un village moldu, le monde sorcier m’est familier. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il n’a aucun secret, mais tout de même…
En nous dirigeant vers le cinquième étage, les tableaux nous alpaguent. Je n’y fais plus trop attention, c’est comme à Poudlard. Sinon, je m’arrêterai toutes les cinq minutes et serai en retard tout le temps.
Au Square Grimmaurd, je suis contente que Sirius s’est débarrassé de toutes les photos de ses ancêtres. Quand j’y habitais il y a quelques années, ils ne cessaient de me répéter de me tenir droite ou je ne sais quels autres conseils débiles.
Insupportable.
— Monsieur ! crie l’un des personnages des tableaux. Vous manifestez une forme inquiétante d’éclabouille ! J’en mets ma baguette à briser !
Je m’esclaffe. Il n’a pas peur le bonhomme !
— Et c’est quoi, ça ? fait Ron.
— Il s’agit, mon jeune monsieur, d’une très grave affection de la peau qui vous laissera le teint grêlé et vous fera paraître encore plus abominable que vous ne l’êtes déjà...
- Charmant, dit Ginny, me faisant rire.
— Et c’est moi que vous traitez d’abominable ! s’indigne Ron.
— Le seul remède sera de prendre le foie d’un crapaud, de l’attacher bien serré autour de votre gorge et de vous plonger nu à la pleine lune dans un tonneau que vous aurez rempli avec des yeux d’anguilles.
— Ah, oui, poursuivis-je. Et il faut incarner en mandarin les trois premiers vers d’un poème français. Sinon ça ne marche pas.
On éclate de rire tandis que Ron s’indigne toujours un peu plus.
— Je n’ai pas d’éclabouille !
— Vous ne devriez pas rigoler jeune fille, je vois que vos yeux…
— Laissez mes yeux tranquille, je le préviens sans rire cette fois.
— Je n’ai pas d’éclabouille ! répète Ron.
— Et pourtant, mon jeune monsieur, voyez ces marques disgracieuses sur votre figure...
— Ce sont des taches de rousseur ! Maintenant, rentrez dans votre tableau et laissez-moi tranquille !
On reprend.
— On est à quel étage, ici ? demande Ron au bout d’un moment.
— Je crois que c’est le cinquième, dit Hermione.
— Non, le quatrième, rectifie Harry. Encore un.
On passe devant le service des pathologies des sortilèges. Ça me fait penser à Frank et Alice. Peut-être que je pourrai passer les voir avec papa après. Une personne nous regarde…
— Ça alors ! fait Ron.
— Oh, mon Dieu, s’exclame Hermione. Professeur Lockhart !
— Bonjour ! J’imagine que vous voulez mon autographe ?
— Heu... comment allez-vous, professeur ? demande Ron avec un air un peu coupable.
Pas moi. C’était un horrible personnage qui était prêt à tous nous oublietter et abandonner Ginny. Alors il peut rêver pour avoir ma compassion.
— Je vais très bien, merci ! Combien d’autographes désirez-vous ? Maintenant j’arrive à attacher les lettres entre elles, vous savez ?
— Super, je ne peux m’empêcher de dire avec un sarcasme débordant.
Ginny pouffe de rire.
— Les filles de ma classe étaient amoureuses de lui, me chuchote t-elle.
— Pas toi ?
— Heu… Non, fait-elle en rougissant.
Oui, mouais. Michael Corner bien sûr.
— Hermione l’adorait, je murmure.
Elle va me tuer.
Mais tant pis, c’est trop drôle de lui rappeler à chaque fois.
— Ah oui ?
— Elle était la seule à se rappeler que sa couleur favorite était le violet.
— Évidemment, lâche Ginny ce qui me fait rire.
Une aide-soignante arrive et on se retrouve bloqués, obligés à accepter de rester. Oui, ça me désole qu’il n’ait aucune visite, mais… Mais c’était un menteur manipulateur !
En entrant, je reconnais les lieux, je suis déjà venue. C’est étonnant que je n’ai jamais vu Lockhart. S’il se balade comme elle nous le dit, il aurait pu être perdu à un autre étage quand je suis venue. J’espère maintenant ne pas croiser Alice et Frank, je ne veux pas mentir à Ron et Hermione. Ginny, ça m’embête moins, elle ne côtoie pas Neville aussi souvent.
Lockhart sort une pile de cartes avec sa photo, et m’en tend une déjà signée.
— Vous n’aurez qu’à les ranger dans des enveloppes.
Génial. Je suis ravie. Mais je me mets tout de même à la tâche.
— On ne m’a pas oublié, vous savez, oh non, je reçois toujours beaucoup de courrier de mes fans... Gladys Gourdenièze, par exemple, m’écrit toutes les semaines... J’aimerais simplement savoir pourquoi…
Ça me stresse un peu d’être ici. Les autres doivent sentir que je suis nerveuse, je vérifie à chaque bruit que ce n’est pas les Londubat qui passent. On est le vingt-cinq en plus. C’est sûr qu’ils vont venir.
— Je pense que c’est à cause de mon physique avantageux... poursuit Lockhart.
Quelques visiteurs passent dans le couloir, mais ils repartent et ce n’est pas les Londubat. Je peux respirer à nouveau. Lockhart me donne de nouvelles photos.
— Je pense qu’on en a assez pour tous nos amis, intervient Hermione.
— Oui, approuve Ron.
Lockhart semble déçu.
— Oh… Ah, oui ?
— Merci professeur, fait Ginny.
On le salue et on s’apprête à partir quand je reconnais une voix.
— Emilynn, quel plaisir de te voir.
Je me retourne pour faire un sourire que je n’espère pas trop crispé à Augusta Londubat.
— Bonjour, comment allez-vous ? Joyeux Noël.
— À merveille, par Morgane ce que tu ressembles à ta mère !
— Ah oui ?
Je n’ai pas mieux comme réponse. Augusta Londubat m’a toujours un peu impressionnée.
— Tu as un air Black, c’est indéniable.
Je le sais bien. Croyez-moi, je le sais bien.
Je ne sais pas ce qui se passe derrière moi, mais nul doute que Ron, Hermione et Ginny doivent être surpris de le voir ici.
— Salut Emy, fait Neville.
Comprend-il que mes yeux lancent des « je suis désolée » ?
— Et bien mon chéri, tu ne me présentes pas tes petits camarades ?
— Si, si…
— Ah, oui, fait Mrs Londubat en regardant Harry. Oui, oui, je sais qui vous êtes, bien sûr. Neville me dit toujours le plus grand bien de vous.
— Heu... merci, répond Harry en lui serrant la main.
Elle fait partie de cette vieille aristocratie sorcière. Elle me fait penser à Walburga parfois dans sa manière de se mouvoir ou de s’exprimer. Comme si elle possédait les lieux et régnait sur tout le monde. Une sorte de grâce aussi naturelle. Quand elle tend la main vers Ron et Ginny, j’ai totalement cette impression.
Ma mère était-elle comme ça ? Sirius l’est un peu aussi, je trouve. Et moi alors ? Il faudrait que je demande à George ou Hermione.
— Et vous deux, vous êtes les Weasley. Oui, je connais vos parents, pas très bien sans doute, mais ce sont des gens charmants... Et vous, vous devez être Hermione Granger ? Oui, Neville m’a parlé de vous. Vous l’avez aidé à se tirer de quelques mauvais pas, si j’ai bien compris ? Oh, c’est un gentil garçon.
J’attends le « mais ».
— Mais il n’a pas le talent de son père, il faut bien le reconnaître.
Voilà. Voilà pourquoi elle m’impressionne un peu. Manier les mots, c’est facile pour elle, ils peuvent être doux et aussi avec une forte touche d’amer.
Elle tend la main vers la chambre d’Alice et Frank.
— Quoi ? dit Ron. C’est ton père qui est là- bas ?
Oh, Ron…
— Qu’est-ce que ça signifie ? dit sèchement Mrs Londubat. Tu n’as donc pas parlé de tes parents à tes amis, Neville ? Il n’y a pas de quoi en avoir honte ! poursuivit Mrs Londubat avec colère. Tu devrais au contraire être fier, Neville, tu m’entends ? Fier ! Ils n’ont pas sacrifié leur santé et leur équilibre mental pour que leur fils unique ait honte d’eux !
— Je n’ai pas honte.
Je ne trouve pas de moyen de nous faire partir, d’offrir une échappatoire à Neville. Au moment où je regarde vers la chambre, Alice est sortie et me regarde avec un sourire. Je me décide à la rejoindre pour la saluer. À ma grande surprise, Neville quitte sa grand-mère qui est en train de tout raconter aux autres et me rejoint.
— Elle te reconnaît alors, me murmure t-il.
— En quelque sorte, je réponds tout bas avant de reprendre plus fort. Bonjour Alice.
Son sourire s’élargit. Puis elle se tourne vers Neville et lui tend quelque chose.
— Encore ? j’entends Mrs Londubat dire.
— Merci maman, lui dit Neville.
Puis elle repart et revient avec une photo. À chaque fois que je la vois, mon cœur se serre. Je ne sais pas à quelle occasion c’est. Mais ma mère et Alice sont mortes de rire et bras dessus bras dessous. C’est lors d’une fête, mais je ne saurais pas dire leur âge. Elles sont jeunes, un peu plus que mon âge, mais encore à Poudlard je dirais.
Neville semble surpris, tout comme Mrs Londubat.
— Elle… commence t-elle.
— Elle me fait ça à chaque fois. Elle me montre cette photo, puis elle la repose sur sa table de chevet.
— Les guérisseurs sont au courant ?
Je sens l’espoir dans sa voix, et ça me fend le coeur de lui briser des rêves.
— Oui. Ils ne savent pas pourquoi elle fait ça.
Effectivement, un instant après, elle a reposé sa photo et revient avec un papier de bonbon. Cette fois-ci Mrs Londubat ne relève pas, elle est trop perturbée.
— Mais, elle ne fait pas d’autre chose ? Elle…
— Non, rien d’autre. Elle me voit, sourit, me tend cette photo et c’est tout.
— Tu es venue avec ton père ?
— Quelques fois, oui.
— Et lui, elle le reconnaît ?
— Non.
Neville récupère le papier de bonbon offert et le fourre dans sa poche.
— Elles s’entendaient si bien. Si différentes pourtant. Merlin seul sait ce qu’elles ont pu faire toutes les deux.
La fête visiblement.