Je n’ai plus de cours de vol sur balai, ce qui est chouette, j’en profite pour étudier des techniques de quidditch en attendant le prochain entraînement. Toute mon énergie est tournée vers cet objectif : voler. Encore et encore, j’ai besoin de cette liberté, de cette bulle loin du monde et de ce qui m’entoure.
Parfois, j’ai un sentiment comme… comme si j’étais prisonnière. En fait, j’ai parfois l’impression que ma tête ressasse les mêmes histoires encore et encore, ça me fait tourner en rond. Que je suis bloquée dans une spirale de pensées qui ne s’arrête jamais.
Un peu comme Sisyphe et son rocher.
Harry étudie aussi le quidditch. La pression monte alors que notre premier match arrive. Et Dubois attend encore plus de lui, c’est un bon coach, mais il met aussi beaucoup la pression et je crois que les techniques d’intimidation des Serpentard fonctionnent un peu sur Harry.
— Tu t’en moques de ces abrutis, lui dis-je alors qu’il a la mine sombre de ses mauvais jours.
— Oui, mais s’ils ont raison et que je tombe de mon balai parce que…
— Parce que quoi ? le coupe-je. Tu n’es jamais tombé de ton balai, n’est-ce pas ?
— Oui, mais…
— Je ne vois pas pourquoi tu commencerais ce jour-là.
Il soupire avant d’esquisser un sourire.
— J’ai raison, devine-je ce qui le fit encore plus sourire.
— Je n’ai pas l’habitude d’être le centre d’autant attention.
Nous sommes assis, ou plutôt avachis dans le canapé proche de la cheminée de la salle commune. La température est glaciale en ce début d’hiver. La salle est presque vide, Ron et Hermione sont déjà partis se coucher depuis un moment.
— Tu parles de ton oncle et de ta tante ?
Il hoche la tête. Je ne dis pas un mot pour le laisser formuler ses pensées que je devine difficile. Pour moi aussi penser à mon passé me fait mal, et même si ça devient de plus en plus « mon ancienne vie » j’ai toujours peur d’y retourner brutalement. Je finis par lui dire et il hoche la tête.
— C’est totalement ça. Ici, je me sens chez moi, je me sens bien et même si en ce moment avec le match, c’est difficile avec les Serpentard, je ne voudrais retourner là-bas pour rien au monde.
— Tu restes ici du coup pendant les vacances ?
— Oui. Toi ?
J’hoche la tête en souriant.
— Cool, on pourra en profiter pour bien visiter le château comme toi, tu fais avec les frères de Ron les soirs.
Je fronce les sourcils, comment il sait ça ?
— Ça se voit tellement que vous avez une complicité entre vous. Et puis tu en sais déjà plus que moi sur Poudlard alors que tu es arrivée en même temps. Ils en ont parlé à Ron aussi.
— Fred, je suppose.
— Oui Fred.
On finit par monter se coucher. Le prochain match approche. J’ai hâte.
*****
— Je suis persuadé que c’est le chien à trois têtes qui lui a fait ça.
Si parler de Rogue peut détourner Harry de son stress alors d’accord. Je hoche la tête pour la énième fois et lui tends un verre de jus de fruit ainsi qu’un toast.
— Tu es d’accord ou pas ?
— Oui, Harry, mange.
— Tu vois Hermione !
— Je dis juste Harry que le professeur Rogue est un professeur justement. Il ne pourrait pas faire entrer un troll des cavernes dans l’école dans l’idée de faire diversion, c’est insensé.
— Harry, mange.
— Il doit vouloir récupérer ce fameux paquet.
— Tu n’en veux pas ? demande Ron en désignant l’assiette de bacon bien frit qui trône devant Harry.
Celui-ci tend l’assiette et je me saisis d’une tranche avant de la donner à Ron.
— Tellement bon… soupire t-il.
Je hoche la tête en chœur. J’arrive à compartimenter mon stress depuis ce matin, je suis assez fière. J’arrive même à manger pour me permettre de bien prendre des forces avant le match.
— Mais c’est un professeur Harry.
— Bon Harry mange un peu, dis-je en coupant court à ce discours qu’on a déjà entendu mille fois ces derniers jours.
— Je n’ai pas faim.
Il s’est rembruni comme si le stress lui était tombé dessus d’un coup.
— Un simple morceau de toast.
Je souris à Hermione pour la remercier de m’aider dans cette tâche qui semble être impossible, Harry ne nous écoute pas.
— Harry, il faut que tu prennes des forces. Les attrapeurs sont toujours la cible principale de l’équipe adverse.
— Merci Seamus.
Je pouffe de rire avec Ron, vraiment, j’ai beau adorer le quidditch, la notion de gagner m’échappe. Je veux juste jouer le plus longtemps possible, si pour cela, il faut gagner, alors je gagnerai.
— Ça va Emy ? Harry, comment ça va ?
George me tape dans la main alors que Fred pique un bout de bacon à Ron.
— Mais…
— Pas trop stressés ? fait-il en ignorant l’air mécontent de son frère.
Le regard d’Harry en dit long.
— Et toi Miss ?
— Ça va super. Il fait beau, ce sont de bonnes conditions.
— Absolument, pour la peine…
Fred tend à nouveau sa main vers le bacon de Ron qui cette fois-ci s’y attendait et retire son assiette.
— Ha ha ! Tu ne m’auras pas deux fois !
— Bon, je vais aux vestiaires, lâche Harry en jetant un regard de dégoût vers la nourriture autour de lui.
— Je t’accompagne.
— Bon courage ! nous lance Hermione.
— Merci, merci !
On quitte la Grande Salle et aussitôt que nous ne sommes plus sous le regard de tous les autres élèves, Harry semble se détendre. Un peu.
— Pourquoi je suis aussi stressé ? Pourquoi je n’arrive pas à me calmer ? marmonne t-il.
— Il y a deux réponses à cette question, comme à toutes les questions : celle du poète et celle du savant. Laquelle veux-tu en premier ?
— Hein ? dit-il en fronçant les sourcils.
— Rien, juste un truc que mon père me disait.
— Tu te rappelles de lui ?
— Un peu… Bon, tu veux quelle réponse en premier ?
— Celle du poète.
— Tu cherches à te prouver quelque chose. Le quidditch, ça nous montre comme on est réellement. Bas les masques, on est nous et ça te fait peur. Peut-être que tu as peur de savoir qui tu es ?
— Elle est nulle ta réponse. Et celle du savant ?
— Toute l’école va nous regarder, évidement que tu stresses ! Il ne faut pas le faire disparaître. Juste apprendre à vivre avec.
— Ça me parait impossible. Tu stresses toi ?
J’hausse les épaules en riant.
- Évidemment, mais je vais voler, alors ça va !
*****
— Tu lis en français ?
Je pose mon livre offert par mon père et hoche la tête devant une Hermione plus que surprise. Devant elle s’étend des notes de divers cours, et surtout un gros manuel d’histoire de la magie. Pas celui de Batilda Tourdesac, non, c’est plutôt une relique que j’avais déjà commencé il fut un temps, puis que j’avais abandonné.
Il était rempli de bêtises sur les loup-garous.
— Mais tu le parles couramment ? insiste t-elle.
— Oui, ça va, je me débrouille.
— Comme tu te débrouilles en quidditch ?
Son sourire malicieux me contamine. On a gagné le match. Harry a attrapé le vif d’or et les filles et moi avons marqué plein de buts. On commence à comprendre notre mécanique et nos échanges sont de plus en plus fluides, c’est assez incroyable comme sensation. Nous sommes trois, mais pour marquer des buts et contrer les attaques d’adversaires, nous devons faire qu’une. Après le match, Dubois n’a pas cessé de me féliciter, ses yeux brillaient, il était heureux.
— Bon et concernant les révélations d’Hagrid et de son cher ami à quatre pattes, tu en penses quoi ?
Elle n’est pas dupe, elle sait que je détourne la conversation.
— Que ce truc ait un nom me dépasse, commença t-elle ce qui me fit doucement rire.
— Tout le monde a un petit nom.
Elle grimaça.
— Pour ce monstre, on peut s’en passer, non ? J’admets qu’il est impressionnant et fascinant à sa façon, mais cela reste un chien à trois têtes avec trois fois plus de crocs.
Elle avait fini sa phrase en chuchotant. Nous sommes seules dans notre chambre, mais soyons prudentes, Lavande et Parvati pourraient arriver à tout moment.
— Ce qui m’agace le plus, c’est que les adultes ne veulent pas nous écouter. Je déteste quand on me sort le refrain de « je suis trop jeune pour comprendre ».
Elle secoue la tête d’un geste agacé.
— Au moins, on a quelque chose sur lequel avancer.
— Nicolas Flamel.
— Oui, je me dis que je finirai bien par trouver quelque chose là-dessus.
Elle relève la tête et à cet air de quand elle va me poser une question personnelle.
— Tu n’as jamais dit ce que tu pensais de Rogue qui a tenté de faire tomber Harry de son balai.
C’est pour une raison. Je crois Ron et Hermione quand ils disent que Rogue proférait des incantations en fixant Harry lors du match. C’est juste que… Ça ne colle pas avec la personne que je connais. Alors, oui, je n’étais pas complètement maîtresse de mes moyens la fois où nos chemins se sont croisés, mais de là à tuer un élève… Non… Non ?
— Je vous crois.
— Mais tu ne sembles pas très convaincue. Tu ne cherches pas qui est Nicolas Flamel et… Et tu n’as pas dormi dans le dortoir cette nuit. Ça fait trois fois depuis la rentrée.
Je me tends et elle le remarque aussitôt.
— Désolée, je ne voulais pas… Je…
Je ne sais pas quoi dire. Je l’apprécie, mais elle aussi très intelligente et si elle a compris que j’étais partie trois fois, il lui manquera peu de temps pour comprendre que ce sont les soirs de pleine lune. La peur m’envahit et fini les pincettes. Je me lève et la regarde froidement.
— Hermione, j’ai dit que je vous croyais, c’est que je vous crois. Maintenant arrête de mettre ton nez dans mes affaires, j’ai besoin d’être seule, j’ai besoin qu’on me laisse tranquille et je tiens à toi alors… Et je m’en voudrais de dire des choses trop dures, alors respecte cela s’il te plaît.
Elle hoche la tête, je pars déjà pour quitter la chambre puis la salle commune. Je ne sais pas où je vais, je déambule dans les couloirs, finis par me perdre. Un peu. Avant de retrouver mon chemin lorsque j’aperçois les serres de cours de botanique par une fenêtre.
Un bruit de pas me faut tourner la tête, je suis sur mes gardes, on ne dirait pas Rusard et son pas clopinant, non, on dirait…
— Tout va bien ?
George semble inquiet pour moi. Il s’approche un peu, mais reste à une bonne distance de moi, comme pour respecter mon espace personnel, ce que j’apprécie beaucoup.
En fait, il n’y a pas grand chose que je n’apprécie pas chez lui. Tout me plaît, à commencer par son immense respect pour moi, mes émotions et mon caractère. J’ai l’impression que je peux être moi, vraiment moi.
— Comment tu m’as trouvée ?
Il hausse les épaules.
— Fred me tuerait si je te le disais. Tu vas devoir te contenter d’une réponse énigmatique.
— Secret de jumeaux ?
— Absolument.
Je lui souris, j’aimerais vraiment répondre à sa question en toute honnêteté, j’ai l’impression que je pourrais. Que je pourrais même tout lui dire.
Mais…
J’ai peur.
C’est idiot, je suis une Gryffondor, je devrais oser, être emplie de courage.
Alors ai-je vraiment ma place à Gryffondor ?
— Oui, ça va, j’avais besoin de prendre l’air.
— Tu veux voir un endroit cool ?
Je hoche la tête et le suis à travers les couloirs. Il se dirige vers les cachots où une petite pièce semble être logée sous l’eau du lac. La lumière du soleil qui se couche est incroyable, les reflets dansent sur le mur, c’est… Magique. Je reste silencieuse un instant à observer les reflets de lumières jouer sur la pierre, je sens le regard de George sur moi, mais cela ne me dérange pas. Je le sens bienveillant et je crois même que ça me plaît un peu.
— Pourquoi tu ne nous confonds jamais ?
— Comment ça ? Entre toi et Fred ?
— Oui.
— Vous êtes si différents…
— Mais… Tu n’as jamais eu de doute.
— Non.
Cela perturbe George.
— Fred est moins…
Je ne trouve pas mes mots. Finalement, c’est moi qui suis confuse.
— Tu es plus…
Non, vraiment, je ne trouve pas.
— Je vois, dit-il avec un sourire.
Pas un sourire moqueur, non, c’est autre chose.
— C’est évident, dis-je pour conclure cette explication fort peu explicative.
— C’est la même chose qui m’a poussé à t’aider pour intégrer l’équipe et sûrement aussi à te parler calmement du fait que tu disparais à chaque pleine lune.
La température de la pièce chute brutalement. Avant que la panique ne m’envahisse complètement, George reprend la parole.
— Je ne dirai rien Emy. À personne. Jamais.
Pour la même raison que moi ? Je ne suis pas sûre de comprendre.
— Je ne te demande pas d’explications, tu en parleras si tu le souhaites quand tu le voudras. Cependant, si tu as besoin de moi pour créer des subterfuges ou des alibis, ou même besoin d’une oreille, je suis là.
Le regard qu’il me jette me transperce.
J’ai compris.
Moi aussi.
— Tu n’as pas à t’inquiéter, tu n’es pas seule…
Je sens les larmes monter. Il se lève et s’approche doucement, c’est moi qui fais le dernier pas. Depuis quand quelqu’un m'a-t-il serré dans ses bras ? George m’entoure de ses bras ce qui me fait doucement frémir, sa chaleur me rassure, je n’ai toujours pas parlé, pas besoin de mots.
Il a compris et moi aussi.
******
L’épais grimoire devant moi semble n’avoir jamais de fin. Au début de nos recherches sur Nicolas Flamel, je me laissais parfois captivée par un paragraphe ou deux, mais j’ai vite arrêté. C’était vraiment peu productif comme recherche et nous devons aller vite.
Les vacances de Noël ont commencé, et pendant que Ron apprend les règles d’échecs façon sorcier à Harry, je continue de lire un gros grimoire toujours plus épais, toujours plus poussiéreux.
— Toujours rien ? me demande Ron.
— Non…
— Tu veux faire une partie ?
— Avec plaisir.
La vérité est que j’adore les échecs. Les soirs, avant d’aller dormir, mon père et moi jouions un peu. On reprenait souvent la partie de la veille, échangions deux trois coups avant que j’aille dormir. Dans le noir, j’essayais de continuer la partie dans ma tête pour trouver le prochain coup, j’ai toujours eu une bonne mémoire. Souvent, je m’endormais avant d’avoir tout testé.
Depuis, je ne crois pas avoir joué. Harry me laisse les pièces que Seamus lui a prêté et nous regarde faire alors que les jumeaux approchent. Ron me tend deux points fermés, noir, c’est lui qui commence.
— Ron a toujours été le plus fort de la famille à ce jeu. Papinou lui a appris et s’en est voulu après.
— C’était un mauvais joueur, m’explique George.
Il me fait un clin d'œil.
— Bon courage.
La partie commence. Effectivement, Ron est bon, très bon même. Il connaît ce jeu comme sa poche, je prends un plaisir fou à calculer ses coups à l’avance. Le temps s’est arrêté autour de nous, on prend de plus en plus de temps pour réfléchir, puis finalement, je commets une erreur, ma dame est prise. Cela ne signifie pas ma perte, mais une dame est tellement un allié précieux, que cela demande de me poser calmement sur mon prochain coup pour ne pas enchaîner les erreurs. Mais suite à cela, ma stratégie est éclatée et je peine à trouver une attaque. Quand il finit par gagner, j’ai un grand sourire aux lèvres, jouer m’avait manqué et j’ai trouvé un adversaire de taille.
— Bravo, dis-je.
— On en fait une autre ?
J’hoche la tête et on remet tout en place. On enchaîne deux autres parties où il gagne à nouveau. Puis, la troisième, je sens que les réflexes reprennent, je parviens à gagner. Cette fois-ci, c’est lui qui me félicite avec un grand sourire.
— Bravo, ça faisait longtemps que je n’avais pas joué comme ça.
— Merci.
Autour de nous, les quelques élèves restés pour les fêtes ont observé les différents matchs avec admiration. On décide de s’arrêter là pour l’instant et chacun part se coucher. Demain, c’est Noël et j’ai dû mal à savoir comment l’aborder. Cette soirée m’a confirmé que Poudlard est chez moi, que j’ai des amis et que je ne suis plus seule. Pourtant, je ne parviens pas à me résoudre de quitter mes secrets et ma bulle de protection. J’essaie de lire un peu le livre que m’a envoyé mon père pour me calmer, mais rien n’y fait, les mots dansent devant mes yeux sans que je ne parvienne à les attraper.
Je finis par m’allonger dans le noir, les yeux fixés au plafond.
*****
— Percy, arrête de râler, ce pull va très bien avec ton insigne.
J’éclate de rire, ce qui encourage plus Fred à embêter son frère.
— À la limite, je te propose d’échanger avec le mien, tu gagnes un super pull avec un F.
— Comme « Formidable », propose George.
— Ou « Flatulence ».
Percy lève les yeux au ciel tandis que je rigole de plus belle accompagnée de Ron et Harry.
— Arrêtez de citer tous les mots en F ! s’énerve Percy, ce qui ne fait aucun effet aux jumeaux.
— Fourmi !
— Fourchette !
— Feu !
C’est le meilleur Noël que j’ai passé depuis longtemps. Un bon repas et une bonne compagnie, cela fait tout de suite très plaisir. J’ai aussi eu de jolis cadeaux, notamment un pull bleu de la part de madame Weasley. Il paraît qu’entre Ron et les jumeaux, elle était ravie de m’offrir ce pull et même de me rencontrer un jour. Ne faisons rien d’officiel, calmons-nous, cependant, cela me fait rudement plaisir.
J’adore aussi la neige. Faire une bataille de boules de neiges, une vraie où tu finis trempé et épuisé d’avoir tant rigolé et couru, c’est un délice sans nom.
Oui, c’était un merveilleux Noël.
*****
« riséd elrue ocnot edsi amega siv notsap ert nomen ej. »
— Regarde, mets-toi devant, tu vois quoi ?
Toute la journée Harry avait la tête ailleurs. Bien sûr, il m’a parlé de ce miroir le matin même après sa découverte, mais nous avons préféré attendre la nuit pour y aller. Ron ne s’est pas joint à nous, il trouve que c’est dangereux avec Rusard et Miss Teigne qui rôdent.
Honnêtement, j’ai beaucoup hésité avant d’accompagner Harry. Lui, il me disait voir sa famille. Ron, lui, avait gagné la coupe de quidditch. Et moi alors ? Que verrais-je ?
Harry me regarde de ses yeux vert émeraude alors que je me place devant le miroir le cœur battant. Ce que je vois me coupe le souffle. Les larmes me montent aux yeux et je suis incapable de parler. Un peu déstabilisé, Harry ne sait pas quoi faire, je ne montre jamais mes sentiments, et encore moins quand je pleure, et là, c’est trop.
— Emy, ça va ?
Je me détourne du miroir et sèche mes larmes d’un coup de main rageur.
— Oui, oui.
— Tu… Tu as vu ta famille ?
Je hoche la tête, incapable de dire quoi que ce soit.
Oui, j’ai vu mes parents. Souriants, heureux, comme si le drame ne les avait jamais frappés. J’ai vu aussi mon oncle, Sirius, mais aussi James, Lily, vivants, entourant Harry.
Cette vision me bouleverse, les larmes reviennent et je me contiens avec peine jusqu’à ce qu’on rentre à la salle commune. Une fois arrivés, je pars dans ma chambre sans un regard pour Harry.
*****
— Je suis désolé, me dit Harry.
— Ce n’est rien.
— Je ne pensais pas que ce…
— Ne t’inquiète pas. Ce n’était pas ta faute.
— George a demandé de tes nouvelles. Il ne pouvait pas aller dans ton dortoir te voir, mais il semblait inquiet.
Harry semble vraiment s’en vouloir. Je le rassure une nouvelle fois.
— Ce n’était pas ta faute.
— Oui, mais…
Il soupire.
— Tu les as connus tes parents ?
— Ma mère, non. Mon père un peu.
Il n’insiste pas à mon grand soulagement. Les cours reprennent et je me plonge encore plus dans le quidditch. Revoir mes parents m’a perturbée, je m’applique tellement à oublier mon passé, mais… Et si je ne pouvais pas m’en affranchir ? J’ai des difficultés à dormir, je sens que je deviens irritable et que garder le contrôle est moins évident. Je prends de la distance avec tout le monde. C’est la veille du second match que George me tire de mes pensées en annonçant que Rogue arbitrera.
— C’est une blague ? dis-je méfiante.
— Non.
— Mince.
— Comme tu dis. Je me disais bien que tu n’avais pas intégré l’info.
Je range mes affaires dans mon casier et reste pensive un instant, scrutant les informations aux tableaux de stratégies plus ou moins efficaces. Si Rogue arbitre, soyons honnête, on ne risque pas d’avoir de cadeaux. Et Harry ? Il ne doit pas jouer.
— Emy, tu m’écoutes ?
— Je dois voir Harry.
— Il est parti, comme tout le monde.
Effectivement, je me rends compte que nous sommes seuls dans les vestiaires.
— Pardon George, je… Je dois voir Harry.
Il se contente d’hocher la tête et je me sens encore plus désolée de le planter ici. J'aimerais vraiment être plus ouverte, plus bavarde, vraiment, c’est juste que j’ai un léger problème de fourrure.
Pfff…
Je cours rejoindre la salle commune et me dirige vers Harry penché vers Ron et Hermione.
— On va te protéger, dis-je sans aucune introduction.
— De quoi ?
— De Rogue, de ses sortilèges. Moi, les filles, on va garder nos baguettes avec nous et on te protègera. Je peux apprendre un sortilège de défense cette nuit.
— Les filles ont dit ça ? Qu’elles auraient leur baguette ?
J’hausse les épaules.
— Je ne leur ai pas encore demandé, mais elles diront oui.
— Et tu vas apprendre un sortilège bouclier en une nuit ? Intervient Hermione.
— Oui.
Ils ont l’air sceptiques, je ne vois pas où est le problème.
— Je ne pense pas qu’il me jettera un sort alors que tout le monde aura les yeux braqués sur lui. Mais merci Emy.
Qu’importe, je vais tout de même apprendre ce sort. L’idée qu’il parte au match demain sans défenses m’est insupportable. Je repars vers la bibliothèque en courant, Madame Pince pince les lèvres en me voyant débarquer à toute allure. Je trouve rapidement ce que je cherche, emprunte le livre et retourne dans les couloirs feuilleter le manuel de sortilège de cinquième année.
Charme de bouclier, parfait !
Je m’enferme dans une salle, prends ma baguette et lis attentivement les instructions. Je tente de le jeter, mais seule, c’est difficile de voir les résultats. Je sens que je n’y arrive pas complètement, je ne sens pas la magie opérer. Le couvre-feu est passé depuis longtemps quand je me décide à retourner dans la salle commune. Seuls les jumeaux sont encore debout. Ils se lèvent en me voyant arriver.
— Besoin d’aide Miss Intrépide ? demande Fred.
Parfait.
*****
Je vérifie que ma baguette est toujours bien calée dans ma ceinture tout en attendant le coup d’envoi. Durant une partie de la nuit, les jumeaux se sont alternés pour me jeter le sort du Bloque-jambes, à la fin, j’arrivais à faire un charme du bouclier. Puis ils sont partis dormir et j’ai continué seule, impossible de fermer l'œil.
Maintenant que le match est sur le point de débuter, je suis toujours aussi énervée, j’ai hâte de commencer à jouer. Dubois parle à Harry avant de voler pour me rejoindre.
— Lupin, marque autant de buts que tu peux.
— Comment ça ?
— Je sais que tu peux marquer sans faire de passes aux filles. Aujourd’hui, tu as carte blanche, Rogue est remonté comme un coucou, il faut prendre autant d'avance que possible. J’ai dit à Harry de se dépêcher d’attraper le vif d’or.
— Ok, oui bien sûr.
— Carte blanche, ok ? On oublie les tactiques de jeux d’équipes, tu voles, et vite.
— Oui oui.
Il part vers les buts et un frisson d’excitation traverse mon corps. Il veut que je marque ? Ok. Je n’ai jamais joué contre les Poufsouffle, j’ai cependant étudié un peu leurs techniques de jeux. Dès que le souafle est jeté, je me précipite vers lui, l’attrape de justesse, effectue un demi-tour avant que Clark, le poursuiveur jaune n’ait le temps de réagir. Je slalome entre les cognards qui viennent tout juste d’être lâchés eux aussi et fonce vers les buts. Howard n’a pas le temps de réagir que je marque.
— Et c’est 10 points pour Gryffondor ! C’est le but le plus rapide de l’histoire !
Rogue secoue la main, je fronce les sourcils et le rejoins.
— But annulé, il y a penalty.
— Mais pourquoi ? je m’insurge.
Angelina et Katie m’ont rejointe et ne comprennent pas non plus.
— Weasley a envoyé un cognard dans ma direction.
— C’est faux, marmonne George.
— J’accorde un penalty pour Poufsouffle.
— C’est pas grave, Emy continue comme ça, nous encourage Dubois.
J’observe avec appréhension Clark tirer, Dubois dévie le souafle de justesse et je me remets à respirer. On s’apprête à reprendre le match quand tous les gradins se mettent à crier. Harry fonce en piqué vers Rogue et puis…
On a gagné !
*****
Après que Gryffondor ait pris la tête du championnat, je continue de garder mes distances avec les autres. Je parle uniquement aux jumeaux. Cela n’empêche pas Hermione de me confier leurs dernières découvertes, comme l’identité de Nicolas Flamel et Rogue qui menace Quirrel, mais cela s’arrête là. Elle semble comprendre que j’ai besoin d’espace.
J’ai été beaucoup trop optimiste que je m’adapterai facilement à la vie à Poudlard sans difficultés, à me contrôler ou tout simplement vivre avec les autres. En réalité, tous les jours, c’est un combat. Il y a juste avec les jumeaux où c’est plus facile.
Notamment George.
Et plus je passe de temps avec eux, plus je me dis que…
Non, c’est idiot.
Arrête de rêver ma pauvre Emy.
Mais en même temps, je sens que je peux leur faire confiance.
Et si…
On se baladait dans les couloirs du château, comme beaucoup de soirs d’ailleurs, à la recherche d’un passage secret ou d’une surprise encore inédite. L’autre jour, j’ai découvert qu’un lustre pouvait te rendre transparent quelques instants après s’être placé en dessous. On s’était beaucoup amusés à jouer aux fantômes ce soir-là, jusqu’à ce que Rusard arrive. J’ai eu ma première retenue, et encore une fois, c’était avec les jumeaux, il y a pire comme compagnons de colle.
Aujourd’hui, nous sommes dans la tour opposée à celle d’astronomie, personne n’y met jamais les pieds, allez savoir pourquoi, pourtant la vue est magnifique de là-haut. Et on est tranquille surtout.
— Pour fuir ton pensionnat, tu peux venir chez nous cet été.
George a fait cette proposition dans le plus grand des calmes, comme si c’était une proposition totalement anodine. Pourtant sa jambe qui tressaute marque son stress. Je fais mine également de prendre cette proposition à la légère.
Mille fois oui aurais-je envie de répondre.
Mais les pleines lunes ?
Mon regard croise celui de George tandis que Fred reste étonnement silencieux. Le calme que je perçois dans ses yeux marron m’aide à m’ancrer dans la réalité. Ils sont là, tous les deux, ce sont des êtres humains sensibles qui m’ont aidée à intégrer l’équipe de quidditch alors que je n’étais qu’une inconnue.
Qu’une inconnue vraiment ?
— Si j’accepte votre proposition, je vous dois la vérité.
- C'est ce que tu souhaites ? Accepter ? demande George sans dissimuler son empressement.
Je hoche doucement la tête. Mon cœur bat à mille à l’heure. Je suis folle de faire ça. J’oublie les scénarios catastrophes, je décide de faire confiance, de foncer tête baissée avant que je ne prenne peur à nouveau.
Je passe une main sur mon visage, recoiffant mes longs cheveux noirs en arrière, par où commencer ? Fred reste silencieux, me laissant le temps de prendre mes marques. George quant à lui me jette un regard qui me gonfle de confiance et de force.
Ok, je vais le faire, je vais tout leur dire.
— Ma mère est bien décédée quand j’étais bébé, mais mon père est vivant, j’ai vécu avec lui jusqu’à mes neuf ans. Puis ma grand-mère maternelle a obtenu ma garde et je n’ai plus eu le droit de le voir. C’est chez elle que j’ai obtenu ma cicatrice sur le bras.
George hoche la tête, il est assis en tailleur en face de moi, ses mains sont posées devant lui, je pourrais tendre la main et m’en saisir, mais je n’ose pas et reprends mes confessions. Mon cœur bat la chamade, je sens que je tremble un peu, que ma voix manque d’assurance, mais je continue.
— Chez elle, c’était… Dur, vraiment dur. Tout est un peu confus dans ma tête et je ne veux pas vraiment rentrer dans les détails. Cependant, quand elle est décédée, j’ai été placée dans un orphelinat.
Je me tais, attendant la question qu’ils ne manqueront pas de poser.
— Comment ta grand-mère a pu récupérer ta garde ?
L’émotion me prend à la gorge. Flûte, je pensais que j’arriverais à me maîtriser, que ces émotions étaient enfouies, que c’était du passé, n’en parlons plus.
— Ma mère… Ma mère s’appelle Lyra Black. C’est une famille sorcière… Je ne sais pas si vous connaissez…
— Si, des Sang-Pur, finit Fred.
— Voilà.
Je passe une main nerveuse dans mes cheveux. Mince, le plus dur reste à venir. Je m’apprête à poursuivre, à lâcher la bombe qui allait tout faire changer, sauf que George prend la parole d’une voix douce.
— Lyra, ce n’est pas un prénom commun.
Il tend sa main doucement vers moi et se saisit de la mienne. Pour rien au monde, je bougerais.
- La nuit où Tu-Sais-Qui a disparut, il y avait une Lyra B avec les Potter. Je m’en rappelle parce que personne ne semble s’en soucier, comme si ce n’était qu’un détail, mais pourtant il y avait cinq personnes dans la maison dont deux bébés.
Je hoche la tête et je ne peux retenir les larmes de couler sur mes joues.
— Le deuxième bébé, c’était toi ?
Re-hochement de tête, il passe son pouce sur le dos de ma main pour m’apaiser.
— Oui, ma mère… Elle ne pensait pas que sa propre mère pourrait aller jusqu’à me retirer de la garde de mon père. Sauf que Walburga, elle… Elle avait des contacts, elle savait gratter où il fallait pour décrédibiliser mon père.
Ok Emy, c’est le moment où tu ne peux plus reculer. Vas-y, dis-le.
— Mon père étant un loup-garou, ça n’a pas été très compliqué de récupérer ma garde complète.
Je me remets à trembler, mes yeux sont fixés au sol, j’ai peur d’affronter leur regard. George continue de caresser du pouce le dos de ma main, c’est plutôt bon signe, non ?
— Et, toi aussi, tu es une loup-garou, non ?
Je retiens mon souffle.
— Emy.
Je ferme fort les yeux, j’ai peur, j’espère ne pas avoir fait une erreur…
— Emy, répète-t-il une nouvelle fois.
Je relève la tête et suis surprise par toute la bienveillance qui se dégage de lui comme de Fred.
— On s’en fout que tu sois une loup-garou. On te connait comme tu es et on t’apprécie comme ça, tu n’as pas à t’inquiéter. On sait qu’on peut te faire confiance.
— On t’apprécie même beaucoup, ajoute Fred avec un clin d'œil dans ma direction ce qui me fait légèrement rougir.
George ne réagit pas si ce n’est que ses joues semblent prendre une légère teinte rouge. Ou alors je me fais des idées.
— Donc pour les vacances, reprend Fred, on va en parler à nos parents et pour ce léger détail aux pleines lunes, on trouvera une solution. Comment tu gères jusqu’ici ?
— Potion-tue-loup. Elle stoppe la métamorphose dans mon cas. J’ai juste une nuit isolée pour ne courir aucun risque.
— Dans ton cas ? relève George.
— C’est juste censé te transformer en loup inoffensif, pas empêcher la transformation.
— Voilà, il n’y a pas de problème, c’est parfait !
L’enthousiasme de Fred est contagieux, je ne peux m’empêcher de sourire. Un poids s’envole de mes épaules. Son visage est radieux et je me rends compte que face à moi ce sont deux personnes incroyables.
Je compte bien faire un bout de chemin avec eux.
Peut-être même, ne jamais les quitter.