> Point de vue d'Hermione
Ce que je croyais n'être qu'un rêve ne l'était pas. Tout ce que je savais, de ces bouquins dans lesquels je passais autrefois la plupart de mes soirées me paraissaient à présent puérils. Je trébuchais constamment à travers les aléas d'une vie ternie par la guerre, celle qui faisait rage en moi, en nous. En lui. Ce prénom qu'il m'était interdit de prononcer n'était plus qu'un vague souvenir, effrayant. Je m'étais faite à l'idée de mourir. Contrairement à ce qu'on pensait de moi, je n'étais pas si courageuse. J'avais peur de la mort, certes, mais encore plus de souffrir de la perte d'un être qui m'était cher. Ne ressentir que le vide, jusqu'à ce que toute trace de son existence disparaisse. Ne plus qu'être de la chair sur des os, sans rien de plus. Au moment où j'ai pris ma décision, je savais que je ne pourrais pas revenir sur mes pas. Et peut-être que cette façon de voir les choses, comme une impasse, me réconfortait. Je savais à quoi m'attendre, et je pouvais mieux me préparer à l'affronter. Ce doux rêve dans lequel j'étais plongée durant tout ce temps s'était soudainement métamorphosé en un rêve cruel, réel. Et rien de ce que je pouvais faire ne pouvait me sauver.
Chapitre 1 : La fin d'un rêve, le début du cauchemar
> Point de vue d'Hermione
Douleur.
Est-ce que le monde ressemblait réellement à cela ? Comment était-ce possible que l'Homme ait pu s'abaisser à ce point, tel qu'il n'est devenu qu'une bête infâme ?
Il y avait tant de questions et pourtant, même si les réponses me semblaient évidentes, je m'entêtais à ne pas croire que l'on puisse convoiter un pouvoir aussi destructeur. Qu'un être humain tel que fut jadis Tom Elvis Jedusor ait voulu s'approprier le monde en propageant des cendres sur son passage, cela m'était inconcevable. Non, une telle méchanceté ne pouvait exister, encore moins triompher. Et pourtant, j'avais la preuve sous les yeux qu'elle était bien réelle.
Lorsqu'il prononça ces mots, je sus que c'était vrai. Harry Potter est mort, s'était-t-il écrié, triomphant avant de mettre le feu à son cadavre d'un simple coup de baguette. Son sourire narquois aux commissures de ses lèvres ne fit qu'accroître ce sentiment néfaste m'envahissant.
Douleur. Mais c'était plus que cela ce que je ressentais, beaucoup plus que cela. Comme s'il m'avait violemment arraché une partie de mon corps, une part de mon être tout entier. La désagréable sensation d'être incomplète, d'avoir perdu une moitié de quelque chose, et que l'autre moitié était condamnée à errer, seule. Aussi d'avoir échoué. Nous avions échoué, et nous ne pouvions plus rien faire à présent.
Dans mes souvenirs, le combat ne cessait jamais. Harry Potter n'était plus, mais cela n'annonçait pas la fin pour autant. Nous étions si peu et nous réunissions toutes nos forces pour vaincre celui qui avait éliminé notre seule lueur d'espoir. Nous étions si peu et, un à un, nous tombâmes dans les trépas de l'oubli.
Des éclairs verts jaillissaient de tous les côtés. Des cris déchiraient l'aube sous l'écho des rires déments de nos ennemis. Et encore et toujours ces yeux glacials nous fixant, spectateurs de ce massacre.
Je savais ce qui arriverait. Le Lord Noir ayant triomphé du Survivant, nous n'étions plus rien. Les Moldus, les Sangs-de-Bourbe et les traîtres à leur sang seront éliminés jusqu'au dernier, jusqu'à ce qu'il ne restera plus rien. Notre humanité sera perdue à jamais, et s'il en restait que la moindre parcelle, j'étais convaincue qu'il ferait tout en son pouvoir pour l'éradiquer au même titre que cette nuit-là, lorsqu'il avait assassiné de main froide mon meilleur ami.
Ce n'était pas un choix. J'étais confrontée à une situation qui m'était imposée, et même si j'avais voulu l'éviter, je savais que ce serait vain. Il ne me restait plus que la mort pour échapper à mon sombre dessein, exception faite que c'était une solution que j'avais déjà écartée. Il n'était pas question que je me défile aussi facilement. Mettre fin à mon existence signifiait que plus aucun espoir subsisterait en ce monde à présent changé en cendres déchues. Je devais affronter ce nouvel ennemi se profilant devant moi, quitte à provoquer une collision destructrice.
Peu avant la bataille finale, je l'avais caché dans un recoin des cachots, dans une salle de classe. Pour ne pas que le Lord Noir ne le prenne, si je mourrais. Pour ne pas qu'il puisse l'utiliser afin de provoquer davantage de mal qu'il n'en avait déjà causé. Un retourneur de temps, la seule solution m'apparaissant comme évidente afin de sauver ce monde dans lequel j'existais. Le seul moyen de mettre un terme à tout cela.
J'entamai une course effrénée jusqu'à l'entrée du château, esquivant tant bien que mal l'amas d'éclairs verts. Ma vue se brouillait et je distinguais à peine les corps se mouver, la plupart s'entraînant dans une chute fatale. Tout tournoyait autour de moi, comme si j'étais soudainement captive d'un kaléidoscope aux couleurs beaucoup trop vives et ma tête était étourdie d'être ainsi assaillie de sortilèges qu'il m'était difficile de tous les éviter. Ce n'est qu'alors que j'eus cru que c'était ma fin lorsqu'un éclair vert passa à seulement quelques centimètres de mon visage que j'aperçu Ginny se précipiter vers moi, lançant un éclair rouge sur le Mangemort m'ayant attaquée un peu plus tôt. Il tomba à la renverse et gît, inconscient sur le sol.
— Hermione !
Nous nous cramponnâmes l'une à l'autre comme si nos vies en dépendaient, ce qui était d'ailleurs le cas.
— Ginny, ai-je commencé, il faut que j'aille au château si on veut avoir une chance de le battre.
Pendant un instant, elle ne répliqua rien, le regard sombre. J'eus l'impression qu'elle pensait que j'étais violemment atteinte d'une folie instable, celle de vaincre à moi seule le Seigneur des Ténèbres. Pourtant, elle ne dit aucun mot à ce sujet.
— D'accord. Vas-y, je te suis, dit-elle, une lueur déterminée vacillante dans son regard.
Des secondes qui me parurent une éternité passèrent alors que nous combattions deux Mangemorts ayant surgis de ce qui semblait être de nulle part. Nous continuâmes notre course vers l'entrée de Poudlard, et lorsque j'eus franchis le seuil et me retournai pour dire à Ginny où j'allais ensuite, je la vis s'écrouler sur le sol, le regard perdu dans le vague, sans vie.
— Non ! m'écriai-je désespérée alors qu'un énième éclair vert tentait de me tuer.
Je l'esquivai en me plaquant contre le mur, dos à la bataille se perpétuant dans l'aube, à l'extérieur du château. Ce fut une décision difficile. Retourner sur le champ de bataille afin d'aider mes amis, ou trouver le retourneur de temps afin de les secourir et de mettre un terme à tout cela, une bonne fois pour toute. Mais il fallait que je le fasse. Pour Harry qui avait laissé sa vie lors de cette guerre, pour tous ceux qui souffriront si je ne faisais pas quelque chose immédiatement. Ce fut avec un cœur battant sauvagement dans ma poitrine que je me dirigeai à toute vitesse vers les cachots, là où se trouvait l'unique solution.
Ce que je n'avais pas prévu, c'était de le voir, lui.
Je n'eus aucune difficulté à récupérer le retourneur de temps, enfoui derrière un tableau représentant une nature morte, dissimulé sous un sortilège de protection, lorsque j'entendis un ricanement familier.
— Alors comme cela, on tente de s'échapper.
Cela sonnait plus comme une affirmation que comme une question. Je me retournai et sans grande surprise, Bellatrix Lestrange me fit face, un sourire mesquin déformant les traits de son visage. Un mouvement imperceptible sur sa gauche, comme un bruissement de cape me mit aux aguets.
— Allons allons, Bella. Évite de faire peur à cette jeune demoiselle, entonna une voix sourde qui me fit frissonner, sachant qu'elle lui appartenait.
Je ne le vis pas immédiatement. La pénombre de la salle de classe ne me permettait que de distinguer les traits de Bellatrix, sans que je ne vis ce qu'il y avait tout au fond. Lui.
Il m'avait suivi. Probablement qu'il savait déjà mon plan, ou alors qu'il voulait être sûr de m'éliminer, telle la Sang-de-Bourbe que j'étais. Telle la menace que je représentais.
Rapidement, je mis la chaîne autour de mon cou, serrant de toutes mes forces le retourneur de temps dans ma paume.
— Tu dois être cette sale Sang-de-Bourbe que Potter aimait tant, dit-il en s'avançant doucement, accentuant avec dégoût au passage le nom de mon défunt ami. Ton heure est maintenant venue. Prépare-toi à mourir et vois ce qui arrive à ceux qui tentent de me fuir.
Ce qui suit ne fut qu'un vague brouillard. Il prononça le sortilège impardonnable sous les rires aigus de Bellatrix alors que je fermais les yeux, tournant et retournant les aiguilles du retourneur de temps sans qu'il me sembla qu'il y ait de fin.
Un rire dément se fit entendre, et je le reconnu aussitôt.
J'avais l'étrange sensation que le temps s'était soudainement arrêté, ou du moins qu'il avait ralenti. Lorsque je me décidai d'enfin ouvrir les paupières, le décor changea, se dissipant peu à peu. L'éclair vert se figea à quelques centimètres de mon visage avant de disparaître brusquement. Seuls les échos d'un rire cruel et glacial témoignait de sa présence passée. L'impression de mourir, être coincée pour toujours dans les ténèbres fit surface. J'eus à peine le temps de voir une lumière aveuglante et des visages aux allures embrouillées aux yeux me fixant que je sombrai dans ce qui me semblait être les confins d'un vide perpétuel.
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> Point de vue externe
Tom Jedusor se réveilla en sursaut, une fine couche de sueur luisant sur son pâle visage. De nouveau, il venait de faire ce cauchemar, ce même rêve dans lequel un rire dément se répercutait en écho tout autour de lui. Et lui ne pouvait rien y faire, sauf attendre que les ténèbres ne l'engloutissent sans la moindre pitié. La pénombre dans laquelle il était plongée le rassura. Ce devait être encore la nuit, ne voyant aucune lumière derrière les rideaux à moitié tirés. L'impression qu'il connaissait ce rire, comme s'il l'avait réellement entendu un jour le dérangeait. Et même s'il se disait que c'était impossible, cette sensation persistait. Peut-être était-il devenu fou après tout, songea-t-il sombrement. Pourtant, il n'en était aucunement convaincu. Il connaissait ce rire, et aussi ce visage disparaissant dans des volutes d'un vert vif. Ce visage aux traits féminins auquel il rêvait toutes les nuits depuis quelques temps, toujours accompagné de cet horrible rire. Tom se tourna sur son côté droit, avec la ferme intention de se rendormir. Sauf qu'il n'osait pas fermer les paupières, trop préoccupé à repenser à ce rêve. À cette fille qu'il voyait disparaître éternellement sans qu'il ne puisse l'atteindre. Insaisissable. Et toujours ce rire, interminable.
À ce moment-là, il ne sut pas que ce qu'il croyait n'être qu'un simple rêve était en fait plus que cela. Que ce qu'il croyait sans importance prendrait une telle ampleur, quitte à provoquer une destruction irréversible.
Je te détruirai, Tom Jedusor. Et il ne restera plus rien de toi, ce sera comme si tu n'avais jamais existé...