La Force et la Justice by Amnesie
Summary:

« Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. »

Pascal, Pensées, fragment 94

La Force et la Justice.

Bellatrix Black et Amelia Bones.

L'une sans l'autre, elles perdaient leur sens ; ensemble, elles étaient souveraines. Et s'il fallait que l'une d'entre elles triomphe, devait-ce être la Force ou la Justice ?

- Participation au Sapphic September 2021 -

 

(Crédit image : Felicia Simion)


Categories: Biographies, Romance (Slash) Characters: Amelia Bones, Bellatrix Black
Genres: Femslash/Yuri, Romance/Amour, Tragédie/Drame
Langue: Français
Warnings: Lime, Violence physique
Challenges: Aucun
Series: Aucun
Chapters: 15 Completed: Non Word count: 10942 Read: 4339 Published: 02/09/2021 Updated: 15/02/2023
Story Notes:

Le Sapphic September est le septembre en rapport au lesbianisme, référence à Sappho, grande poétesse de l'Antiquité grecque, connue pour avoir exprimé dans ses écrits son attirance pour les jeunes femmes. (Et je ne fais que copier ici la traduction écrite par Fleur d'épine sur le forum, où elle a relayé le challenge. Merci à elle !)

 

Ce mois-ci, je vais donc m'essayer à l'écriture d'une romance lesbienne, en utilisant un prompt par jour. 

 

Bonne lecture et n'hésitez pas à me faire des retours ! 

1. 1 - Lever du soleil by Amnesie

2. 2 - Pique-nique by Amnesie

3. 3 - Jardin by Amnesie

4. 4 - Etoiles by Amnesie

5. 5 - Piscine by Amnesie

6. 6 - Mariage by Amnesie

7. 7 - Nouvelle Lune by Amnesie

8. 8 - Aube by Amnesie

9. 9 - Glacial by Amnesie

10. 10 - Carnaval by Amnesie

11. 11 - Poussière by Amnesie

12. 12 - Dépression by Amnesie

13. 13 - Jour du déménagement by Amnesie

14. 14 - Ferme by Amnesie

15. 15 - Hanté by Amnesie

1 - Lever du soleil by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 1e Septembre : Lever du soleil

Il n'y avait rien de pire que de mourir au lever du soleil. C'était un affront que de s'éteindre quand l'astre s'éveillait. C'était comme tuer un nouveau-né.

 

Et Amelia Bones ne voulait pas mourir. Elle voulait, pour la première fois de sa vie - elle, la gratte-papier, la Serdaigle attendant à l'aube l'ouverture de la Bibliothèque, la juriste froide et pratique - admirer le bleu clair puis l'orange et le rouge inonder le ciel. Elle ne voulait pas se trouver face à ce masque de mort blanc comme ses nuits, ces pupilles écarlates et pourtant sans chaleur. Elle voulait regarder le ciel et le soleil.

 

-     Miss Bones, siffla Voldemort, remplissant la pièce, sa maison toute entière d'un air glacial. C'est un honneur. Sachez que j'ai beaucoup entendu parler de votre famille - bien que d'eux, je n'aie entendu que des cris.

Il dévoila une rangée de dents grisâtres, comme satisfait d'un trait d'humour particulièrement subtil. Amelia quant à elle reposa sa mallette de travail sur la table du salon et l'ouvrit, semblant se préparer à un entretien très sérieux. Elle sortit avec des gestes précis un parchemin qu'elle déroula, une plume, son monocle et sa baguette.

-     J'ai moi aussi beaucoup entendu parler de vous, déclara-t-elle finalement d'une voix calme, ses yeux bleus courageusement vissés à ceux du mage noir.

Le sourire de Voldemort s'élargit.

-     Par vos accusés, je suppose.

-     Entre autres.

Il y eut un mouvement derrière lui, dans la pénombre du couloir, mais Amelia ne le quitta des yeux que lorsqu'il poussa devant lui un sorcier aux longs cheveux noirs.

-     Vous connaissez sûrement mon ami Pius...

-     Thicknesse, dit-elle aussitôt d'une voix professionnelle, un mouvement de tête entendu à son adresse. Ravie que tu sois là. Je te cherchais justement pour le rapport que tu devais me rendre jeudi dernier.

Elle était incongrue, cette remarque, mais la présence de Lord Voldemort chez elle à sept heures du matin l'était encore plus et Amelia avait besoin de temps et de courage. Le sorcier leva son regard vide sur son maître, comme dans l'attente d'une réponse à donner.

-     Le rapport attendra, Miss Bones, répondit-il donc à sa place. Pius est venu vous demander votre lettre de démission de la Direction du Département de la justice magique.

-     Ma lettre de démission ? répéta innocemment Amelia. Voyons, Pius, tu sais que je n'ai certainement pas l'intention de quitter mon poste. En parlant de ça, continua-t-elle lentement en s'emparant du morceau de parchemin et de sa plume, je note ici plusieurs infractions à la Loi magique. Avez-vous déjà entendu parler de violation de la propriété privée ?

Sans prévenir, un sortilège verdâtre fusa droit sur elle ; il fit exploser l'immense horloge qu'elle plaça entre eux d'un geste vif de baguette.

 

Amelia lissa son carré argenté et replaça son monocle.

-     Usage d'un Impardonnable, nota-t-elle encore d'une voix tranquille tandis que le mécanisme de la pendule s'agitait faiblement à ses pieds. Même en mettant de côté l'Imperium que vous avez lancé à votre ami, je crains que le Magenmagot ne se résolve immédiatement à vous condamner à Azkaban, Monsieur Jedusor.

Son sang-froid dût amuser le mage noir car il baissa sa baguette, comme saisi d'une nouvelle idée.

-     Merveilleux, susurra-t-il. Et croyez-moi, je sais reconnaitre le talent quand je le vois. Je pourrais vous trouver une place de choix dans mes rangs, Miss Bones. Pius manque de poigne, que diriez-vous d'être Ministre de la magie pour moi ?

 

Il y eut un long silence durant lequel il sembla espérer sa réponse avec une avidité inattendue. Amelia le rompit de sa voix claire et tranchante.

-     Tentative de corruption d'un agent du gouvernement, énonça-t-elle en griffonnant à nouveau sur son calepin.

-     Alors vous préférez mourir ? l'interrogea Voldemort en se rapprochant d'elle.

Amelia raya d'un trait sec ses derniers mots.

-     Tentative d'intimidation, se corrigea-t-elle en fronçant les sourcils, comme peu satisfaite par son manque de rigueur.

-     Et si je vous brisais les os un à un, Miss Bones ? Resteriez-vous aussi droite que vous le prétendez ?

Elle sourit, son regard le défiant à nouveau.

-     Essayez-toujours.

 

Elle dissimula le frisson qui coula dans son dos lorsqu'un rictus malveillant s'étira sur les lèvres fines du mage noir.

-     Permettez que je laisse cette tâche à d'autres. Le législateur ne peut aussi être également bourreau, n'est-ce pas ? dit-il d'un air presque complice avant d'appeler avec autorité : Bellatrix.

 

Amelia abandonna toute tentative de dissimuler son effroi lorsque la silhouette de la sorcière se détacha de l'ombre. Maigre, courbée, féline, Azkaban l'avait métamorphosée mais la magistrate se souvenait avec précision de chacune de ses courbes et de ses angles. Amelia connaissait mieux le corps de Bellatrix que la Code international de la magie - qu'elle savait pourtant réciter par cœur depuis ses quinze ans.

 

Et Bellatrix avait peur. Amelia le voyait à l'amplitude de sa respiration sur sa poitrine tandis qu'elle levait fièrement le menton. Et elle eut pitié - elle eut presque pitié car elle comprit que c'était elle, la punition de son échec au Département des Mystères quelques mois plus tôt.

 

-     Trix... souffla-t-elle en tentant de capter son regard vacillant.

-     Trix ? répéta Voldemort avec amusement. Comme c'est adorable. Un passé commun, peut-être ?

Cela confirma qu'il savait. Il savait leur passé à elles. Le lui avait-elle raconté ? L'avait-il lu dans son esprit ?

 

Bellatrix s'avança de son pas lourd et élégant - si loin de sa démarche saccadée à elle - et lui fit face, si proche, familière et étrangère à la fois. C'était quelque chose dans son odeur de conviction qui avait pris la teinte de la soumission.

-     Alors c'est toi, qui me tortureras ? chuchota la juriste.

Sa mèche bouclée retombait sur son front, devant son regard de fer, et elle fut tentée un instant de la remettre derrière son oreille. Bellatrix fixa un instant sa main, comme si elle avait lu dans ses pensées, puis se reprit.

-     Oui.

-     Tu ne peux pas.

Son rire rauque secoua tout son corps sans atteindre celui d'Amelia, figé comme sous l'effet d'un maléfice.

-     Vraiment ? Ne suis-je pourtant pas la seule à avoir su te faire ployer ? demanda Bellatrix avec une ironie qui dissimula mal le grain brisé de sa voix.

Sa chevelure de jais prit des éclats dorés, son visage une teinte saturée, et Bones sut que le soleil s'était levé.

-     Car tu es faible, Amelia, et nous le savons toutes les deux : la justice sans la force est impuissante*.

End Notes:

Alors, qu'en pensez-vous ? Manque de relecture et de temps, évidemment c'est frustrant parce que ce texte me laisse un sentiment d'inachevé, mais tant pis, je veux surtout aller au bout de ce défi ! A très bientôt !

 

*Pascal, Pensées, fragment 94

2 - Pique-nique by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 2 Septembre : Pique-nique (très vaguement respecté ici...)

Saut dans le temps, on retrouve Amelia Bones et Bellatrix Black dans le traditionnel premier trajet à Poudlard.

-     C'est injuste ! protestait la petite fille maigrichonne aux cheveux clairs, raides, coupés en un carré incertain. Pourquoi n'y-a-t-il que des hommes sur les cartes de Chocogrenouille ?

 

Ses camarades soupirèrent encore et se rassemblèrent près de la fenêtre pour épargner leurs friandises des postillons de plus en plus irritants de la jeune sorcière. Une heure qu'ils étaient entrés dans le Poudlard Express, trente minutes que la dame au chariot était passée, et ses tirades enflammées n'en finissaient pas. À présent, la seule inquiétude que suscitait la cérémonie de la Répartition était de se retrouver dans la même Maison que cette insupportable donneuse de leçons.

 

 

Un gamin ouvrit la bouche pour lui demander de se taire quand une voix d'enfant bizarrement usée se fit entendre.

 

-     Peut-être que les femmes valent mieux que de se retrouver sur des cartes barbouillées de chocolat bon marché mangé par des élèves dégoûtants.

 

 

Amelia Bones sourit avant même de se retourner. Et quand elle se retourna pour découvrir l'origine de cette remarque, elle ne fut pas déçue. Elle faisait sa taille, avait son âge, était infiniment plus belle et élégante, et s'appelait - tout le monde le savait - Bellatrix Black. Elle levait un sourcil impatient.

 

-     Peut-être, concéda Amelia, ignorant les murmures impressionnés des autres. Mais ça reste injuste.

-     Et alors ? grimaça la brune avec hauteur. Tu vas continuer à pleurnicher ?

-     Non, répondit-elle aussitôt comme si elle attendait cette question depuis son embarquement à bord du Poudlard Express. Je vais refuser d'en acheter. Et quand ils verront qu'on ne consomme plus leur marchandise sexiste - elle avait prononcé ces mots d'un ton pompeux, peu naturel -, les fabricants de Chocogrenouilles penseront à donner aux femmes leur juste reconnaissance.

 

Les élèves de Première année pouffaient. Bellatrix Black penchait la tête, intéressée, curieuse.

-     Ce n'est pas très efficace, fit-elle remarquer.

-     Alors je devrais continuer à pleurnicher ? la provoqua Amelia d'un ton qui impressionna autant qu'il agaça l'héritière.

Cette dernière leva le menton et déclara, impérieuse :

-     Il faut les forcer. Les menacer. C'est comme ça que Père fait, avec les Elfes.

 

Encore une fois, les autres rirent mais les deux fillettes les ignoraient. Elles n'avaient jamais été aussi sérieuses de leur vie.

 

-     On ne peut pas utiliser la violence pour des cartes de Chocogrenouille, protesta Amelia.

-     Tu disais pourtant toi-même que c'était injuste.

 

Elles débattirent sur le sujet durant toute la durée du trajet et sans prendre même le temps de s'asseoir. Amelia était debout au milieu de son compartiment, Bellatrix dans le couloir rendait tout trafic impossible, et elles se disputèrent avec violence, parfois, de la même manière qu'elles le feraient sur les bancs de l'école, dans les couloirs animés et les recoins oubliés où s'échoueraient leurs débats et leurs ébats, dans le secret mais sans honte, jusqu'au tribunal, et Azkaban, et la mort. Et quand elles arrivèrent à la gare de Pré-au-Lard, elles avaient trouvé un accord (car quelques fois elles en trouveraient un).

 

Ce seraient elles, les grandes sorcières de demain. Elles se voyaient déjà accomplir un noble destin. Et les fabricants de Chocogrenouilles seraient forcés de créer des cartes à leur effigie, car cela serait juste.     

End Notes:

 

3 - Jardin by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 3 septembre : Jardin (hum...serre, jardin, c'est un peu pareil, non ?)

Quand on leur demandait si elles étaient amies, elles répondaient qu'elles étaient ennemies. Cela signifiait qu'en classe, le professeur MacGonagall devait fréquemment les séparer avant que leur querelle ne provoque une émeute générale. Cela signifiait aussi que souvent, elles finissaient tout de même par la conclure avec un duel étonnamment intéressant pour des élèves de Première année. Cela signifiait surtout qu'elles se respectaient, ce qu'elles n'hésitaient pas à reconnaître.

 

Du reste, n'ayant pas d'amis - Bellatrix méprisait trop ses semblables ; Amelia les irritait davantage -, leur inimitié était ce qui se rapprochait le plus d'une amitié. Et quand elles se trouvaient une cause commune, elles étaient invincibles.

 

Comme cette soirée d'automne à Poudlard, alors que les autres élèves étaient rassemblés dans la Grande Salle pour le diner coutumier.

 

-     Bellatrix, arrête, on n'a pas le droit !

Le profil moqueur de son alliée provisoire se dessina dans la pénombre.

-     Et alors ? Ce n'est pas comme si on allait finir à Azkaban pour être entrées dans une serre...

-     Black !

Amelia avait une autorité surprenante pour une fillette de son âge qui ne faisait pourtant jamais effet sur Bellatrix.

-     Je ne vais pas me venger, c'est ridicule ! protesta-t-elle alors qu'elles entraient dans la serre numéro 1. La vengeance ne résout jamais rien.

-     Tu ne te venges pas, Bones, répliqua l'autre, les yeux étincelants. Tu lui donnes une punition. C'est bien ce qu'on fait, non, quand quelqu'un fait du mal ?

 

Amelia soupira. Bellatrix Black avait un don pour transformer son idée de justice pour qu'elle corresponde à sa moralité tout à fait douteuse. À croire que la force résoudrait tout. Et elle n'arrivait pas à croire qu'elle, la Serdaigle inflexible, avait cédé à l'appel sournois de la Serpentard.

 

Peut-être était-ce à cause de cette lueur courroucée qu'elle avait surprise dans les yeux de Black lorsque cet idiot de Hudson l'avait traitée de « sac d'os ». Peut-être était-ce son propre silence qui la surprenait et qu'elle ne cessait de regretter depuis, car les répliques flegmatiques de la maigrichonne Amelia Bones étaient devenues légendaires.

 

Quoi qu'il en soit, elle se retrouvait à suivre Bellatrix tandis que cette dernière cherchait la plante de leur victime parmi celles des autres élèves de leur promotion. Ils étudiaient alors les moly, dont les tiges noires et les fleurs blanches étaient utilisées dans la potion de Wiggenweld si sa mémoire était bonne.

 

Finalement, Bellatrix eut ce sourire aussi inquiétant qu'exaltant.

-     Trouvé ! chantonna-t-elle en s'emparant du moly de Hudson.

Amelia la regarda alors le cacher à côté de l'engrais de bouse de dragon, puis se pencher sur une autre série de plantes similaires.

-     Qu'est-ce que c'est ? demanda la Serdaigle, désormais plus curieuse que peureuse.

-     De l'alihotsy, répondit Bellatrix avec hauteur. Son ingestion provoque l'hystérie, et on peut l'utiliser dans la potion d'Hilarité. Quand cet abruti s'en occupera, il respirera son pollen, et tu peux être sûre qu'il aura l'air encore plus stupide qu'il ne l'est déjà.

 

 

Amelia resta la bouche ouverte, comme sonnée. Elle demeura longtemps la seule personne à savoir que Bellatrix Black n'était pas seulement passionnée par la Magie noire mais aussi par la douce Botanique. Et elle en fut si surprise qu'elle accepta de donner à Hudson cette punition qui était tout de même une vengeance.

 

Elle fut plus surprise encore lorsque, après avoir placé l'alihotsy parmi les moly, son ennemie cueillit un cyclamen rouge qu'elle enfonça presque brutalement dans ses cheveux.

-     Voilà qui rendra justice à ta beauté, déclare-t-elle pompeusement, comme pour imiter un courtisan.

Elle le dit pourtant sans ironie, et Amelia Bones se sentit plus forte, et un peu plus qu'un tas d'os.

4 - Etoiles by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 4 Septembre : Etoiles

Elles avaient peu à peu compris que leurs disputes publiques ne suffisaient pas.

Il n'y avait qu'à voir comme elles se cherchaient du regard, comme elles s'épuisaient à chercher l'attention avec le fard de la répulsion. Alors - et cela se fit tacitement lors de leur deuxième année - elles convinrent de se retrouver, quelques soir, sur les bords du Lac de Poudlard.

 

Bellatrix avait invoqué la claustrophobie - et c'était vrai car les cachots l'oppressaient - ; Amelia la science. Elle disait étudier les créatures qui y vivaient, Serdaigle faussement studieuse qui fuyait en réalité la solitude de sa Tour.

 

Parfois, elles regardaient les étoiles ensemble. Mais elles ne regardaient jamais dans la même direction. Amelia était allongée sur l'herbe mouillée par la nuit et contemplait le ciel avec une attention critique - ce même ciel dont Bellatrix admirait le reflet sur la surface lisse du Lac. Elle s'y voyait aussi dans la pénombre, ou plutôt elle voyait ses yeux y briller avec les astres, et cela la menait immanquablement à cette éternelle réflexion.

-     Je suis une étoile.

 

Elle disait cela d'une manière satisfaite mais aussi hésitante, comme si elle n'était pas certaine de la valeur de son affirmation. Peut-être percevait-elle le discret mouvement d'Amelia qui se relevait sur ses coudes et l'observait de dos. Peut-être savait-elle que pour Amelia, elle n'était pas une étoile.

 

-     Je ne suis pas sûre de vouloir être une étoile, déclara-t-elle un jour, espérant sûrement que son ennemie renchérirait. Tu sais pourquoi ?

-     Pourquoi tu ne voudrais pas être une étoile ?

-     Oui.

-     Parce que c'est impossible.

 

C'était le ton factuel, détaché d'Amelia, et cette pointe moqueuse dans sa voix car elle savait que cela exaspérait Bellatrix.

 

-     Il y a trop d'étoiles, expliqua-t-elle finalement en se faisant violence pour ne pas répondre à sa provocation.

Il y eut un silence qui signifiait qu'Amelia réfléchissait.

-     C'est vrai.

Cela rassura Bellatrix mais elle eut un mouvement de frustration et quitta son reflet et celui des étoiles pour se lever et dominer Amelia toujours allongée, faisant ainsi écran à la voute.

-     Alors, qu'est-ce que je suis ? demanda-t-elle avec irritation.

Amelia la contempla longtemps, de la même manière qu'elle avait contemplé le ciel mais avec une lueur plus sensible qui rendit Bellatrix un peu mal à l'aise.

-     Tu es toi. Ce n'est pas assez ?

 

Non. Ce n'était pas assez pour Père, qui voulait un fils. Ce n'était pas assez pour Mère, qui elle voulait une fille, mais distinguée, douce, délicate. Ce n'était pas assez pour les professeurs, et son futur époux, certainement, ni pour ses camarades, évidemment. Pas assez sage, pas assez obéissante, pas assez élégante, pas assez souriante, pas assez faible, pas assez, pas assez, pas assez. Assez ! Ce n'était jamais assez.

 

Et Bellatrix voulait tout, trop. Elle voulait la magie, la liberté, la puissance ; elle voulait le ciel tout entier et son obscurité et son mystère. Elle voulait briller si fort qu'il n'y aurait plus jamais d'éclipse et d'étoiles filant trop vite.

 

Si seulement elle avait su : pesante, fascinante, ogre de lumière, Bellatrix Black était un trou noir. 

5 - Piscine by Amnesie
Author's Notes:

Bonjour ! Ça fait un moment que je n'ai pas publié mais pas d'inquiétude, je continue l'écriture (enfin j'ai tenu jusqu'au 9 septembre, il faut que je trouve du temps pour rattraper mon retard et ce n'est pas gagné...). Je redoutais juste la publication de ce chapitre dont je n'étais pas du tout satisfaite. Il faut aussi dire que le thème ne m'inspirait pas trop (où trouve-t-on une piscine à Poudlard... ?), alors j'ai fini par le réécrire entièrement aujourd'hui histoire d'avancer - d'où ce résultat un peu bancal.


 


Prompt du 5 Septembre : Piscine 

Tous les élèves de Troisième année rêvaient d'aller à la pool party de David Hudson.

 

La dénomination avait été mûrement choisie ; elle entourait la petite fête d'une aura de décadence et de célébrité assez loin de ce qui ne serait en fait qu'un casse-croute au bord de la piscine avec jus de citrouille et Chocogrenouilles, le tout sous surveillance étroite de Mr et Mrs Hudson.

 

Peu importe, tous se démenaient corps et âme pour faire partie de la liste des heureux élus, dans une lutte passionnante guidée tant par désir de popularité que par curiosité - car les enfants de sorciers n'avaient jamais été initiés aux joies de la piscine.

 

Ces discussions se poursuivaient jusque dans les leçons de Défense Contre les Force du Mal, facilitées par la quasi absence du professeur. Ce dernier passait ses cours caché sous son bureau, plus effrayé par ses élèves que par les créatures maléfiques. Aussi, Hudson et ses amis parlaient invités et bouées sous le regard noir d'Amelia Bones qui peinait à se concentrer. Il finit par le remarquer.

 

-     Pourquoi tu me regardes comme ça, tas d'os ?

Amelia soupira, lasse.

-     Je sais que tu es fier de ton jeu de mot avec mon nom, répliqua-t-elle calmement, mais je crois qu'il est temps de s'en défaire. Renouvelle-toi, je suis certaine que tu sais faire preuve d'originalité, quand tu le veux, sourit-elle d'un air faussement encourageant.

Elle le vit serrer les mâchoires puis faire mine de réaliser.

-     Ah... C'est parce que tu veux venir à ma pool party ? dit-il en jetant un regard complice à ses amis.

-     Non Hudson, je n'ai pas envie de venir à ton goûter d'anniversaire.

Amelia enroula ensuite tranquillement son parchemin pour ouvrir son manuel. L'autre reprit plus méchamment :

-     Tant mieux, parce que jamais je t'aurais invitée.

-     Merveilleux. Nous voilà donc parvenus à un accord.

Elle poursuivit ses activités sans ignorer que Hudson ruminait sa prochaine réplique. Et elle vint, franchement décevante.

-     T'es hideuse, Bones.

 

Amelia s'apprêtait à répondre tout aussi tranquillement que bien que ce sujet soit matière à débattre, elle respectait son avis personnel sur la question, quand Bellatrix intervint :

-     Qui voudrait aller à la fête d'un Sang de Bourbe, de toute façon ?

Tous les regards convergèrent sur elle. Son rictus dédaigneux, son assurance aristocratique avaient quelque chose de magnétique qui fit taire les derniers distraits.

 

-     Ne l'appelle pas ainsi.

Cette fois-ci, Amelia avait parlé fort et elle s'était levée, toute entière tendue vers Bellatrix. Cette dernière ricana.

-     Alors comme ça, en plus de défendre la veuve et l'orphelin, Bones défend les abrutis ?

-     Ses insultes sont pathétiques. Les tiennes sont révoltantes. Encore une fois, Bellatrix, tu ne peux pas critiquer quelqu'un sur la base de son ascendance, c'est infondé et...

-     Quoi, t'es amoureuse de lui ? l'interrompit-elle d'un ton railleur.

 

Amelia éclata de rire en même temps que les autres élèves. Elle se rendit vite compte que son rire surpris était loin du rire stupide et moqueur de ses camarades. L'hilarité secouait la classe à tel point que le professeur eut le courage de sortir la tête de son bureau pour aussitôt y revenir. Amelia ne riait plus.

 

-     Arrêtez ! leur ordonna brusquement Bellatrix.

Et le silence revint aussi vite que si elle avait lancé un Silencio. À nouveau, l'attention convergea sur elle. Elle paraissait essoufflée, agitée. Elle évitait le regard curieux d'Amelia.

 

Elle resta un moment debout, la bouche légèrement ouverte comme pour chercher ses mots.

 

Puis, sans prévenir, elle brandit sa baguette et lança un maléfice Cuisant à son ennemie.

 

Amelia n'eut pas le temps de réagir. Elle encaissa avec un cri surpris, et bientôt, elle se retrouvait à l'infirmerie.

 

Le professeur MacGonagall donna à Bellatrix Black plusieurs heures de retenue afin qu'elle réfléchisse sur son comportement. Mais Bellatrix ne comprenait pas son comportement. Elle pouvait passer trois semaines à ranger les aiguilles à moitié métamorphosées en spaghetti qu'elle ne comprendrait pas. Elle savait simplement que la force était évidente et le mal facile quand la raison manquait.

6 - Mariage by Amnesie
Author's Notes:

Bonjour ! Bon, je crois que Septembre est définitivement passé et je n'ai pas vraiment su suivre le rythme. Oui oui, dès le 6e prompt, ce n'est pas une performance incroyable...! ^^ En vérité, j'ai beaucoup bloqué sur ce chapitre qui me parait encore aujourd'hui très brouillon, mais comme j'ai quelques chapitres en avance pour la suite, autant se relancer !


Au niveau du rythme des publications, je suis assez occupée alors ce sera très loin du un par jour initialement prévu. Je vais donc être réaliste et me fixer pour objectif de terminer cette histoire avant le 31 décembre 2021 ! 


J'espère que la suite de cette histoire vous plaira autant que j'ai de plaisir à l'écrire.


 


Prompt du 6 Septembre : Mariage

Bellatrix Black avait quatorze ans et elle ne se marierait pas.

-     Pourquoi ? demanda Amelia.

-     Je veux être libre.

-     Mes parents sont mariés et ils sont libres.

 

La Serpentard secoua la tête avec irritation. Elle déchirait rageusement les brins d'herbe un peu gluants de ce côté du Lac.

 

-     Mes parents sont mariés et ils sont grotesques. Ma mère est soumise, pathétique, cracha-t-elle.

-     Je croyais que ta mère était appréciée dans les soirées mondaines.

 

Amelia le savait car sa propre mère répétait souvent : « Caqueter avec Druella Black, c'est dominer la basse-cour. » Elle disait aussi qu'il valait mieux dominer la haute Cour. Celle du Magenmagot.

 

-     Et tu trouves cela valorisant ? répliqua Bellatrix avec dédain.

-     Je pense simplement que ça fait d'elle une personne admirée. Pas soumise, explicita-t-elle.

La jeune fille eut un rire méprisant.

-     Elle se complait parmi les faibles, mais face à Père, elle ne vaut pas mieux qu'un Elfe de Maison.

 

Amelia haussa les sourcils, surprise. Jamais Bellatrix ne parlait de ses parents. Souvent de sa sœur Andromeda, parfois de Sirius - avec ces sentiments mêlés de rancœur et d'affection -, mais jamais de ses parents. Ils demeuraient une entité étrange, célèbre et mystérieuse.

 

Amelia considéra son ennemie qui affichait encore cet air contrarié. Elle était assise sur l'herbe, les genoux repliés sur le côté dans une éternelle posture figée qui contrastait avec l'animation de son visage. Dans ses mains, sa baguette crépitait dangereusement.

-     Peut-être que ta mère l'est, déclara-t-elle avec honnêteté, mais toi, je te vois mal en femme soumise.

-     Non, bien sûr que non, répliqua aussitôt la sorcière, avant d'ajouter très sérieusement : mais c'est parce que ce n'est pas une vraie Black. C'est une Rosier. Et moi - je veux rester une Black.

-     Tu ne veux pas perdre ton nom, comprit Amelia.

 

Elle se souvenait de leur première conversation. La carte de Chocogrenouille devrait porter le nom de Bellatrix Black.

 

-     Je veux être libre, répéta-t-elle pourtant.

-     Alors épouse-moi, proposa Amelia presque en même temps.

L'autre eut une expression interloquée, aussi continua-t-elle aussitôt :

-     Je peux abandonner mon nom, si tu veux. Tu resteras Bellatrix Black.

 

C'était sorti comme ça. Une pensée en l'air, de celles qui se fondent si bien dans des nuits comme celles-là. Une pensée fantasque comme on en confie dans le noir, sans y croire et sans y penser. Pas si fou, en vérité ; simplement invraisemblable dans leur réalité.

 

Dans le silence que laissa cette déclaration, Amelia tenta vainement de comprendre pourquoi elle l'avait prononcée. Pourquoi elle n'effaçait pas cette spontanéité incongrue par un éclat de rire railleur. Pourquoi elle continuait d'attendre une réponse qui ne pourrait être qu'aigreur.

 

Après l'incident de l'an passé, une fois sortie de l'infirmerie, rien n'avait changé. Ce n'était qu'un combat parmi d'autres pour elles, c'était un coup bas, certes, mais c'était habituel, et d'autres querelles avaient suivi, depuis. Aussi, elles continuaient de se voir la nuit.

Au fond, Amelia savait pourtant qu'au milieu de ces confrontations qui se confondaient parfois en confidences, ces quasis rituels, quelque chose d'autre s'était glissé.

De la complicité, peut-être - bien que le terme aurait dégoûtée Bellatrix et inquiétée Amelia (complice de Bellatrix Black, terrible accusation !).

Surtout, de la curiosité. Car pour la première fois, Amelia avait vu Bellatrix hésiter. Une fraction de seconde qui avait brisé l'image de l'absolue assurance. Parfois, elle croyait l'avoir rêvée ; alors, elle rêvait de la retrouver.

 

Oui, c'était sûrement là la raison de cette proposition.

 

 

Amelia n'avait pas cillé - trop fière pour retirer ses pensées. Les bruits du Parc de Poudlard, les frémissements des créatures du Lac prirent une ampleur oppressante. Elle attendait sa réaction avec la ferme intention de garder la tête haute.

 

À sa surprise, Bellatrix ne lui exprima pas son dégoût. Elle, la reine des provocations, ne pouvait se permettre de craindre ce genre d'assertions. Elle la regarda droit dans les yeux à travers l'obscurité et mit dans cette phrase une assurance crâne :

-     Et tu crois être digne de porter le mien ?

 

Amelia respira à nouveau, sourit et répondit à son tour avec son aplomb coutumier :

-     Oui.

 

Bellatrix ne la contredit pas. Elle se pencha plutôt en arrière, en appui sur ses bras, l'attention faussement portée vers le ciel.

-     Mes parents ne seront pas d'accord, soupira-t-elle comme on se plaindrait d'une interdiction de sortie.

-     Ils seront heureux que leur fille reste une Black.

 

Amelia vit, de profil, le coin de ses lèvres se retrousser.

 

-     Et la loi ? Deux sorcières ne peuvent pas se marier.

-     La loi n'a pas toujours raison.

 

Bellatrix se redressa brusquement, porta la main à sa bouche, mima une expression de scandale.

-     Amelia Bones vient de critiquer la loi !

-     Je n'ai pas...

 

Mais elle fut coupée par son éclat de rire et abandonna, sourit. Puis Bellatrix pencha la tête et interrogea :

-     Et qui serait l'homme, d'abord ?

 

Amelia réfléchit. Elles oscillaient entre le sérieux et le jeu.

-     Je ne veux pas être un homme.

À présent, la fille aînée des Black lissait sa robe.

-     Moi non plus. J'aimerais leur liberté mais je préfère ma force.

-     Je crois qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait un homme, décida alors la Serdaigle. D'ailleurs, c'est bien l'objectif de ce mariage : pas d'homme, pas de nom de famille à abandonner. Il vaut mieux rester deux femmes.

 

Et c'est en prononçant ces mots qu'elle réalisa l'ampleur de ce qu'ils impliquaient. Leur comédie prenait des intonations scandaleuses. Curieusement, elle n'en était pas choquée. Bellatrix en revanche se figeait dans son attitude aristocratique, le dos droit, le menton levé. Une attitude qui dissimulait autant le dégoût que la curiosité.

 

-     De toute façon, je ne te supporterais pas, finit-elle par déclarer.

Amelia acquiesça sans hésiter.

 

Ce fut la conclusion rassurante qu'elles trouvèrent à leur conversation. C'est la conclusion qu'elles donneraient aussi à leur relation.

End Notes:

C'est un peu évident mais je tiens quand même à préciser ici que les interrogations d'Amelia et Bellatrix reflètent leurs pensées à elles, dans un contexte bien précis. 


Aussi, j'ai eu du mal à écrire ce chapitre parce que je n'arrivais pas à y faire ressortir l'enjeu que j'avais pourtant assez précisément à l'esprit. Entre autres choses, cette conversation est le moment où, alors qu'elles n'envisagent même pas une relation ensemble, elles se posent pour la première fois la question de l'homosexualité, formulent cette éventualité - mais dans le cadre rassurant du jeu et de l'idée de mariage. Bon... Je réalise que ce n'est peut-être pas beaucoup plus clair dit comme ça alors n'hésitez pas à me faire part de vos réflexions ou incompréhensions ! 


A bientôt !

7 - Nouvelle Lune by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 7 Septembre : Nouvelle Lune

-     Les filles de mon dortoir disent que je passe trop de temps avec toi. Tu savais que tes parents étaient des Traitres à leur sang ?

-     N'insulte pas mes parents, Trix. Ils sont des personnes justes, et ils sont qui ils veulent, et si l'avis des idiotes de ton dortoir compte autant pour toi, ce n'est pas la peine de venir me parler.

 

Parfois, elles se demandaient comment elles parvenaient à seulement discuter. Car l'une comme l'autre était incapable de mentir ; car elles étaient toutes deux intransigeantes et qu'un compromis était impensable.

 

Quand c'était ainsi, elle finissait immanquablement pas se disputer jusqu'au matin, mais cette fois-ci, Amelia décida qu'il en serait autrement. Peut-être était-ce à cause de cette nouvelle lune qui se reflétait sur le lac noir. Elle semblait leur dire de tout recommencer. De mettre leur orgueil de côté. Et Amelia avait un objet merveilleux à lui montrer.

 

Aussi, alors que Bellatrix s'apprêtait à répliquer avec colère, elle sortit de son sac un miroir qu'elle lui tendit.

-     Qu'est-ce que c'est ? demanda la jeune fille, coupée dans son élan.

Amelia en bonne Serdaigle se taisait, avec cette insupportable manie de tout vouloir lui laisser deviner.

-     Un miroir à double sens ? s'étonna-t-elle encore, ses mains parcourant l'objet avec une attention mi dédaigneuse, mi curieuse.

Elle faisait référence à ces miroirs permettant aux sorciers de communiquer par reflet interposés. Un artefact que seules des riches familles pouvaient s'offrir.

-     Attends... ricana la sorcière comme si elle venait de comprendre. Tu m'offres ça pour qu'on puisse échanger pendant les vacances ? Comme c'est mignon... je ne savais pas que je te manquais tant que ça, petite Amelia.

Elle accompagna sa moquerie d'une caresse sur sa joue et Amelia frissonna légèrement avant de lever les yeux au ciel.

-     Ce n'est pas un miroir à double sens, soupira-t-elle. C'est un un Miroir Déformant.

-     Et à quoi ça sert ? demanda Bellatrix d'un ton hautain, comme à chaque fois qu'elle avait la conviction d'avoir manqué quelque chose.

-     Ça sert à voir comment les autres nous voient.  Il faut se regarder dedans avec quelqu'un pour voir comment l'autre nous voit, et ensuite...

Elle s'interrompit, agacée par son propre manque de clarté.

-     Si nous nous regardons toutes les deux dedans, je verrai comment tu me vois, et tu verras comment je te vois. Ma mère me l'a envoyé hier pour que je comprenne que tout le monde me voit comme une jeune femme merveilleuse.

Elles échangèrent un regard sceptique qui les fit sourire. Amelia ne manquait pas de confiance en elle. Elle se savait brillante, juste, drôle parfois, et elle aimait ses yeux bleus et son cou (même si ce dernier point était une excentricité qu'elle se gardait de partager). Amelia ne se trouvait pas merveilleuse, mais elle s'aimait.

 

Contrairement à l'intégralité de Poudlard. Et si elle avait dû se regarder dans le Miroir Déformant avec un autre élève, elle se serait sûrement vue impressionnante (car elle les intimidait) mais surtout terriblement ennuyante.

 

En revanche, avec Bellatrix...

 

La sorcière dut lire dans ses pensées car elle vint s'asseoir à côté d'elle et plaça le miroir devant leurs deux visages.

 

D'abord, Amelia ne parvint pas à se concentrer sur son reflet. Elle ne sentait que les boucles de Bellatrix effleurer son cou, et son épaule caresser son omoplate, son parfum lourd, et son souffle presque chargé de magie.

 

-     Ça ne marche pas, déclara finalement la Serpentard.

Amelia secoua la tête comme pour s'éclaircir les pensées et reporta son attention sur l'artefact.

 

Elle se vit, ses traits durs, froids et déterminés, et à côté, le visage si vivant de Bellatrix. Cette dernière plissait les yeux avec méfiance, prête à en découdre avec son propre reflet. Puis prête à en découdre avec Amelia quand elle vit qu'elle l'observait.

 

Amelia trouva qu'elles étaient belles. Mais elles étaient elles, comme si elles s'étaient regardées dans un véritable miroir, comme si le Miroir Déformant n'en était pas un.

Ou que...

 

 

Elles parlaient souvent trop. Cette fois-ci, elles se turent. Et elles s'admirèrent longtemps, côte à côte dans le miroir sous la lumière de la nouvelle lune.

 

Elles avaient quinze ans. Elles s'aimaient mais elles ne se l'avouaient pas encore. 

End Notes:

Ce texte a aussi été écrit dans le cadre de la Nuit Insolite du 4 Septembre 2021 organisée sur le forum hpf. Pour ceux qui ne connaissent pas, l'idée est d'écrire un texte en une heure en suivant une contrainte (ici, "Un miroir déformant apparait dans votre texte"). J'ai un tout petit peu corrigé la version originale. Merci de me lire et à bientôt !

8 - Aube by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 8 Septembre : Aube

C'était arrivé. Ce devait arriver. Une autre nuit passée au bord du lac, une dispute plus violente. Elles avaient trop parlé. Une fois de trop.

 

Et déjà, le ciel s'éclaircissait. Et bientôt, le soleil s'en emparerait et Amelia ne pouvait se résoudre à commencer ce jour en haïssant Bellatrix.

 

 

Tout avait commencé quand Bellatrix avait affirmé de son ton sans appel : « la magie est tout ».

 

Amelia savait que c'était une conviction commune chez les familles de Sang-Pur ; souvent, elle se rassurait ainsi des opinions de Trix. Ce n'était que son éducation. Mais quand elle avait essayé de lui montrer que des hommes et des femmes pouvaient vivre sans magie, son ennemie avait rétorqué avec hauteur que ceux qui vivaient sans magie aspiraient du moins à elle.

 

Amelia avait réfléchi. Elle aussi avait grandi dans une famille de sorciers, mais ses parents l'avaient encouragée à s'ouvrir à la culture moldue. Et comme toujours quand elle débattait - y compris avec passion -, elle s'efforçait de rester neutre. Oui, les moldus rêvaient toujours de magie. Était-elle pour autant tout pour eux ? Amelia réfléchit longuement (mais pas trop, car alors Bellatrix aurait gagné) ; elle était lucide quant à l'utilisation de cette idée comme argument pour conforter l'idéologie de la suprématie des sorciers.

 

Plutôt que d'admettre que les Moldus n'avaient jamais su se séparer de l'idée de magie, elle expliqua donc qu'ils la trouvaient ailleurs que dans des baguettes et des chaudrons.

-     Où, alors ?

-     Dans... dans l'art ! dans la peinture, la musique, la...

-     Dis, Amelia, tu vis bien à Poudlard, n'est-ce pas ? As-tu déjà remarqué les milliers de portraits sur les murs ou bien...

Elle s'était moquée un moment pendant lequel la Serdaigle avait maudit sa propre inculture. Elle était convaincue qu'en connaissant mieux les Moldus, elle aurait su les défendre. Mais elle ne s'avouait pas vaincue. Elle ne s'avouait jamais vaincue. Il lui fallait simplement trouver ce que Moldus et Sorciers avaient en commun, et qui dépasserait sans le moindre doute la magie. Il fallait...

Alors elle l'avait dit.

 

L'amour.

 

Elle l'avait aussitôt regrettée, car Bellatrix semblait presque en être effrayée, et qu'elle méprisait ce qu'elle craignait. Tout avait dérapé. Le mariage entre Moldus et sorciers en avait aussi pris pour son grade, et les Cracmols, et les nés-Moldus, et tout s'était mélangé alors même qu'elles savaient toutes deux qu'au fond, elles ne parlaient que d'amour.

 

Quand les premières étoiles avaient commencé à s'effacer, elles avaient dégainé leurs baguettes. Elles se seraient battues si les éclairs de leur duel n'avaient pas attiré l'attention sur elles.

 

Et elles en étaient là. Elles se haïssaient mais elles ne savaient pas pourquoi. Ou plutôt, elles savaient pourquoi elles se haïssaient, mais elles ne comprenaient pas pourquoi elles étaient là.

 

Elles auraient dû s'excuser. Elles avaient tant à se faire pardonner. Si éloquentes, elles en étaient pourtant incapables.

 

Cela resta comme une fissure, comme un jour jamais levé qui les condamna.

 

Elles devraient en rester à l'aube. 

9 - Glacial by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 9 Septembre : Glacial/Glacé

Après leur dispute, elles devinrent étrangères. Et c'était infiniment pire que d'être ennemies, car ce n'était qu'indifférence et mépris. Le froid effrayant avait remplacé leur passion. Il sifflait à leurs oreilles à la place de leurs mots. Il raidissait leur corps. Il les rendait amères. Il les plongeait dans une langueur mortifère.

 

Durant cette Cinquième année, elles n'échangèrent que quelques mots et regards, comme cette fois à l'Infirmerie où elles se trouvaient toutes les deux. Bellatrix, d'un simple mouvement de tête, lui adressa une interrogation silencieuse, de ces dialogues secrets qu'elles entretenaient autrefois. Elle sembla aussitôt le regretter, et Amelia ne sut aussi s'empêcher d'expliquer platement :

-     J'attends Madame Pomfresh.

Ce fut tout. Elle se retint d'ajouter qu'elle se trouvait là car elle avait ses règles et plus aucune protection hygiénique et que ses camarades ne lui en auraient certainement pas prêté. Elle savait que Trix aurait répondu qu'il était inconvenant de dire les choses si crument. Puis elle aurait éclaté d'un rire ironique désintégrant cette dernière déclaration, et affirmé très sérieusement que le plus sûr était d'éliminer l'organe défectueux qui leur faisait subir ce calvaire chaque mois. Amelia aurait précisé doctement : Un utérus. Un quoi ? Un utérus, Trix. Et il n'est pas défectueux, même s'il a ses inconvénients. La fille Black, vexée, lui aurait jeté ce regard foudroyant - celui-là même qu'elle lui adressait à présent.

 

Amelia se frictionna les bras. Elle tendit le cou pour chercher l'infirmière. Elle reposa fatalement ses yeux sur Bellatrix. Elle remarqua alors seulement - sûrement parce qu'elle s'appliquait à ignorer sa présence depuis une dizaine de minutes - qu'une profonde entaille coupait son mollet. Du sang vermeil coulait dans le creux sa cheville et formait une petite flaque à ses pieds. La jeune fille y était indifférente, comme elle était indifférente à Amelia depuis plusieurs mois.

Ignorant la douleur que lui causait ce détachement qu'elle-même cultivait soigneusement, Amelia se fit la réflexion que Bellatrix devait tirer de sa blessure superficielle une fierté plutôt qu'une souffrance - une immense fierté, qu'elle lui aurait exhibée si elles s'étaient parlées.

 

Seulement, elles ne se parlaient plus. Elles ne se parlaient plus - et pire encore, elle ne se battait plus. L'excitation des duels, les rires, les grandes déclarations, tout cela avait été balayé par une ample bourrasque qui fouettait encore leur peau et leur cœur.

 

L'infirmière prêta à Amelia des protections hygiéniques, et Amelia lui offrit un sourire figé en retour. Quand elle partit, le regard de Bellatrix lui fit le même effet que lorsque Nick Quasi Sans Tête la traversait par erreur.

 

Le froid.

 

Mais peut-être ce froid n'était-il pas seulement de leur fait. Peut-être était-ce le même qui soufflait son givre sur leurs familles respectives.

 

Bellatrix endurait le rire de cristal de sa mère, sa voix qui vibrait tant qu'elle semblait constamment sur le point de se fragmenter au milieu de ses réunions mondaines. Ils sonnaient aux oreilles de sa fille comme des hurlements, les hurlements de désespoir d'une femme cherchant sa place dans un mariage où elle diminuait chaque jour.

 

Amelia guettait la plume inerte de son père. Son poignet, transi par la peur que l'on s'en prenne à sa famille pour ses tribunes dans la Gazette, sclérosait ses propos autrefois passionnés. Parfois, le liquide immobile dans l'encrier lui semblait un lac gelé.

 

C'est ainsi, alors que ce vent pétrifiait leur nuque et soufflait sur les dernières reliques de leur enfance, que Bellatrix et Amelia réalisèrent qu'elles ne sauraient survivre sans le brasier qu'elles animaient ensemble. 

10 - Carnaval by Amnesie
Author's Notes:

Plus d'un an après le début de ce challenge, me revoilà pour reprendre doucement la publication... Le chapitre était déjà écrit depuis longtemps, mais j'en avais également deux autres versions tout à fait différentes et je n'arrivais pas à me décider. Je me suis finalement arrêtée sur celle-ci; de toute façon je doute de pouvoir être réellement satisfaite d'un seul chapitre de ce recueil :) 

Un immense merci à celles qui ont laissé des reviews sur cette histoire, tous vos encouragements me touchent énormément. Je ne garantis pas un rythme de publication régulier, mais me revoilà ! (enfin... j'espère?)

 

Prompt du 10 Septembre : Carnaval

-      Que se passe-t-il, mon Amy ? Je ne te reconnais plus.

Amelia suspendit sa plume dans les airs, et une goutte d'encre s'écrasa sur le parchemin qu'elle devait rendre pour la rentrée de Septembre. Elle la reposa lentement. Elle réfléchit, car si son père avait remarqué son changement de comportement, alors il ne la lâcherait pas. Peu douée pour le mensonge, elle se concentra sur son grimoire en prononçant ces mots dont la demi-imposture lui brula les lèvres :

-      C'est la guerre. Je lis tes articles. Hier, sur le Chemin de Traverse, j'ai vu que Mr. Rice avait mis la clé sous la porte. Il était né-Moldu.

Elle se racla la gorge.

-      Je m'inquiète, Papa.

 

Il mit quelques secondes à répondre et elle trembla de honte quand il dit doucement :

 

-      Je ne te crois pas, Amy. Et pas seulement parce que tu mens mal, ajouta-t-il d'un ton amusé tandis qu'elle se raidissait. Je ne te crois pas parce que tu as toujours eu peur de la guerre. Même petite, quand Voldemort n'était qu'une menace dont tout le monde se moquait, tu t'en inquiétais. Sûrement notre faute, à ta mère et moi...

Il laissa passer un moment, sûrement dans l'attente qu'Amelia risque un coup d'œil sur lui - ce qu'elle fit brièvement avant qu'il ne conclue :

-      Mais je ne pense pas que ce soit pour cette raison que tu traines cette mine chagrine depuis qu'on t'a récupérée à la gare.

 

Amelia grimaça. Elle reposa sa plume et se décida finalement à pivoter lentement sur sa chaise pour trouver son père, assis sur le canapé, un livre fermé sur ses genoux. Encore embarrassée par son mensonge, elle acquiesça.

-      D'accord. C'est autre chose.

Il hocha la tête et cela la rassura. Elle l'interrogea tout de même, dissimulant sa réticence dans une vieille plaisanterie :

-      Tu ne sors pas ta Plume à Papote ?

-      La Plume à Papote est l'instrument des journalistes fainéants.

Il lui fit un clin d'œil et Amelia leva les yeux au ciel car cela faisait partie des dictons qu'il leur répétait, à elle et ses petits frères, depuis sa naissance.

 

Elle se racla encore la gorge.

-      Tu es sûr ? C'est un scandale qui pourrait intéresser la Gazette.

Il se contenta de lui adresser son regard confiant, ce bleu rassurant qui animait les confessions de ses sujets et la paix de ses enfants.

 

Amelia avait toujours admiré son père. Elle savait qu'elle avait hérité de sa droiture, mais elle était incapable d'imiter son espièglerie, sa décontraction qui forçait l'admiration comme la sympathie. Il était le premier descendant de la famille Bones à avoir refusé une place au Magenmagot. Il disait préférer éviter l'arène politique et ses jeux obscurs pour les exposer en pleine lumière dans ses articles.

 

 Amelia prit une lente inspiration et déclara sans plus réfléchir.

-      Il y a quelqu'un... Quelqu'un de spécial. Quelqu'un que j'aime bien.

Elle ne s'attendait pas à son rire attendri.

-      Et cela te rend triste ? s'étonnait-il.

-      C'est une fille.

Elle guetta sa réaction. Il sourit gentiment et répéta :

-      Et cela te rend triste ?

 

Elle ne sut que répondre. D'abord, car elle avait imaginé cette scène, et que dans ses rêves, son père se figeait toujours en une grimace laide, une image gelée, comme un cliché Moldu qui l'emprisonnait jusqu'au réveil. Ensuite... ensuite, parce qu'elle réalisait - mais elle le savait déjà, n'est-ce pas ? - que le problème n'avait jamais été de tomber amoureuse d'une fille. Son père le savait, son regard doux le lui disait ; et alors elle devait se l'avouer : ses sentiments étaient douloureux car c'était Bellatrix. Et Bellatrix était...

 

-      Comment est-elle ?

 

Il lui avait demandé cela avec cet air malicieux qu'elle aimait plus que tout, et déjà son anxiété disparaissait, balayée par un sourire qui envahissait ses joues. Il tapota la place à côté de lui sur le canapé et elle s'assit à son tour tandis qu'il s'enfonçait dans les coussins, comme quand il se préparait pour l'une de leurs longues conversations. Les genoux repliés devant elle, elle réfléchit. Etrangement,  aucun mot ne lui vint à l'esprit. Que dire ? Par où commencer ? Peut-être y en avait-il simplement trop, car Bellatrix était tout.

 

-      Drôle ? Jolie ? Intelligente ? proposa-t-il.

 

Amelia rit. Bellatrix n'était rien de tout cela.

 

-      Elle n'est pas drôle, mais elle me fait rire, parfois, commença-t-elle d'une voix basse. Souvent malgré elle. Elle n'est pas vraiment jolie. Elle est... elle a des yeux noirs, très noirs, un peu effrayants, toujours brillants.

Elle fit tomber la barrière de ses genoux et descella ses mains, les perdant dans les airs comme pour dessiner la figure insaisissable de Bellatrix.

-      Sa peau est pâle et ses cheveux sont très noirs aussi, comme... elle a un corps en contrastes et son visage... tu sais... en clair-obscur. Mais surtout... quand elle se bat, tu devrais la voir, Papa, elle est élégante et brute en même temps, elle rit aussi, et c'est un rire plein, qui s'entend très longtemps, et quand elle est là, c'est comme si on n'était tous que des fantômes abstraits, ternes, comme si elle était la seule personne vivante sur terre, et...

Amelia reprit son souffle.

-         Parfois, je rêve juste qu'elle me touche et qu'elle m'embrasse.

Elle l'avait laissé s'échapper, avec ce grain cassé qui la surprit. Elle ne se reconnaissait pas dans cet élan soudain, dans ces phrases hachées et cette diction embrouillée. Elle soutint le regard de son père, le mettant au défi de rire, d'être embarrassé ou de la rejeter.

 

-      Merlin, tu dois me la faire rencontrer, cette fille-là ! s'exclama-t-il plutôt.

-      Tu ne l'aimerais pas, répondit-elle aussitôt en s'assombrissant.

-      Pourquoi ?

-      Elle... elle est mauvaise, Papa. Elle pense des choses horribles. Des choses contre lesquelles vous vous êtes toujours battus, toi et Maman.

 

Alors, son père lui donna le conseil le plus destructeur de toute sa vie :

-      Dans ce cas, dis-lui la vérité, Amy. Dis-lui ce que tu me racontes. Dis-lui qu'elle est spectaculaire et mauvaise. Dis-lui que tu l'aimes, si tu l'oses - car il est certain que tu le ressens. Tu sais ce qu'on dit, chez les Bones : quand la justice est confuse, la vérité démêle. Bas les masques... et tu verras.

 

Un conseil qui tour à tour construirait et désintègrerait sa vie.

 

Amelia entra donc en Sixième année décidée à l'appliquer avec le plus grand soin. Elle formula un millier de fois ses phrases, fit une centaine de jets dans son esprit. Elle devait choisir soigneusement ses mots, car la vérité est exigeante avec le verbe.

 

Sept semaines après la rentrée, elle faisait sa ronde de Préfète, se répétant avec satisfaction son discours ainsi finalisé. Elle allait lui dire, et elle se reconnaitrait enfin, elle se retrouverait en Amelia combattive et droite, elle ne serait plus cette personne cynique qu'elle ne reconnaissait pas. Elle allait lui dire, et Bellatrix lui cracherait sûrement au visage mais elle serait à nouveau Bellatrix, forte et passionnée. Elle allait lui dire.

 

Elle allait lui dire car elle était là, dans le couloir désert rempli seulement par la nuit. Peu importe ce qu'elle y faisait, peu importe pourquoi elle y était, Amelia avait un discours et elle n'y dérogerait pas. Elle s'avança vers la silhouette de Bellatrix, comme une ombre dansante et grandissante.

 

Elle allait lui dire.

 

Mais les mots s'embrouillaient à présent.

 

Elle allait lui dire toute la vérité.

 

Quelle vérité ?

 

Elle allait dire...

 

Elle aimait Bellatrix Black.

 

Elle aimait sa force, et sa grâce farouche, et son agitation apocalyptique ; elle aimait les courbes de ses boucles dans son dos et jusque ses hanches, ses hanches, sa taille, ses seins, elle aimait comment sa respiration troublée soulevait sa poitrine, et ce frisson qui animait ses lèvres. Amelia l'aimait tant qu'elle allait la toucher et l'embrasser, peu importe que les tours du château s'effondrent, ou que le lac se vide, que la forêt brûle ou que les étoiles s'effacent - car c'était la conviction qu'elle avait, que l'impact serait si titanesque que tout serait renversé.

 

À l'instant où elle fut assez proche d'elle pour empoigner ses boucles et tenir sa taille, un éclat de compréhension, aussitôt suivi d'une hostilité sauvage, passa dans les yeux de la jeune fille. Amelia crut qu'elle devrait s'arrêter et se perdre dans cette halte insensée. Mais ce n'était que l'instinct de compétition de son ennemie qui refaisait surface, car dans cette seconde d'hésitation, Bellatrix fit un pas en avant et coinça brusquement son visage entre ses deux mains. Amelia détesta cet air victorieux avant de réaliser, quand son souffle frissonnant troubla le sien, et que ses lèvres tressaillirent sur les siennes, que leur victoire était partagée.

 

Il lui sembla bientôt que la torche au-dessus d'elles s'était déplacée sur sa peau, et dans son ventre, que les flammes couraient sur son corps avec les mains de Bellatrix, qu'elles ne formaient plus qu'un formidable et monstrueux bucher - qu'elles brulent, sorcières ! Elles n'avaient jamais été aussi puissantes. 

 

End Notes:

Hum... alors je suis très loin du prompt (à part une idée de "bas les masque"?), les références à la consigne ont été élaguées au fil de mes relectures ^^

11 - Poussière by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 11 Septembre : Poussière

Après, tout était allé à la vitesse d'un Comète 370.

 

Le plus curieux : elles ne parlaient plus. Pourtant, elles disaient beaucoup. Leurs mains, leurs lèvres, leurs cils, leurs jambes enlacées comblaient le silence et exprimaient l'indicible. Bellatrix faisait aussi silence sur son éducation. Elle se jetait à corps perdu dans leurs étreintes, presque rageusement. Dans ses rares moments de doute, elle se rassurait ainsi : ce n'était que des baisers. Des caresses. Ce n'était pas l'acte. Ce n'était pas le sexe de l'homme en elle, voilà, elle restait vierge. Peut-être que c'était une bonne chose, qu'Amelia soit une femme. Oui, c'était une bonne chose.

 

Ensuite, elle oubliait. Bellatrix avait toujours préféré l'action. Les conséquences et la morale viendraient plus tard, ou jamais.

 

Et elles se découvraient, apprenaient leur corps et le corps de l'autre. Elles le faisaient témérairement. Une fois, prise d'une impulsion incontrôlable, Bellatrix glissa sa main entre les cuisses d'Amelia, et cette dernière poussa un soupir qui fit l'effet d'une tornade, brisant son masque de contrôle, détendant brusquement tout son corps, et procurant à la jeune fille ce sentiment enivrant et familier de puissance. Alors, allongées dans la poussière et la nuit, elles eurent envie de tout tenter, de tout goûter.

 

Curieusement, Bellatrix était plus réticente à se laisser toucher. Quand son ennemie tirait sur ses cheveux pour dévoiler sa nuque et l'embrasser, elle griffait son dos en réponse, comme pour rappeler que la douceur de ses baisers ne l'affaiblirait pas. Si elle effleurait ses seins, elle l'imitait avec plus d'ardeur. Et Amelia ne disait rien, car peut-être savait-elle que ses efforts étaient vains.

 

Bellatrix aimait quand Amelia se trouvait entièrement nue devant elle. Son visage figé prenait une expression insolente, inouïe, et même allongée, un bras sous la tête, il lui semblait qu'elle demeurait debout, droite, imperturbable. Sa frange collait à son front, ses cheveux fins à ses tempes, glissant parfois jusque ses lèvres fines et sa mâchoire dure. Et puis il y avait son corps, mince, ses os saillants d'avoir grandi si vite.

 

Un tas d'os. Amelia était infiniment plus que cela. Il n'y avait qu'à caresser sa peau, douce, et éprouver la solidité de ses épaules. Il n'y avait qu'à sentir l'infime goutte de parfum au creux de son cou, imperceptible comme une invitation à venir plus près, tout près pour y deviner un citron, peut-être, ou une feuille de menthe ? Il fallait la sentir trembler sous son corps, s'animer au-dessus, entendre son cri étouffé contre ses seins.

 

Ensuite, Amelia souriait, un sourire immense et rare sur ses traits placides. Ses lèvres étirées étaient rougies. Et Bellatrix, admirant secrètement sa liberté, riait brusquement, euphorique, avant de se reprendre en une expression hautaine, puis moqueuse, nonchalante. Elle expirait enfin quand Amelia l'attirait à elle et la laissait respirer, s'abandonner dans le secret de son parfum.

 

Elles faisaient l'amour dans la poussière des salles abandonnées et des placards oubliés. Quand elles en sortaient, cette poussière les accompagnait, emmêlée à leurs cheveux, collée à la sueur de leur peau, et cela embaumait comme la prophétie d'une relation condamnée au passé.

 

End Notes:

Merci pour votre lecture !

12 - Dépression by Amnesie
Author's Notes:

Merci beaucoup à Pikenikdouille pour son retour ♥ Un nouveau chapitre assez court, et j'annonce que les trois prochains sont bien écrits et prêts à la publication !

Prompt du 12 Septembre : Dépression

TW violences conjugales

Il y a au milieu de cette histoire un secret bien caché : Amelia était la force de Bellatrix.

 

Où aurait-elle pu la trouver autrement ? Sa tante était puissante mais n'aimait que les héritiers. Quant  à sa mère... Sa mère était depuis longtemps devenue une silhouette à la faiblesse écœurante.

 

Pourtant, Druella Black née Rosier, avait été belle et désirée. Bellatrix entendait souvent qu'elle avait été la jeune fille la plus gracieuse de sa génération. Elevée en France, elle n'avait fait qu'une apparition à la cour d'Angleterre au bras de son frère. Après cela et pendant plus de cinq mois, on avait chuchoté son nom dans tous les salons. Et à tout juste seize ans, elle fit ce qu'on pensa être le plus beau mariage de la saison.

 

Il lui fallut peu de temps pour finir asphyxiée dans les ombres des Black. Le manoir de Cygnus, mari brutal et père inquiétant, sentait la peur. Il y faisait froid. Les tableaux étaient figés d'ennui ou de crainte, les chevaux immobiles comme des morts. Et la flamme étouffée des cierges paraissaient souvent une incarnation de la maitresse des lieux, qui tentait vainement de la ranimer dans des réceptions mondaines où elle rayonnait le temps d'une soirée avant de s'effondrer dès le silence retombé.

 

Plus jeune, Bellatrix entendait parfois des cris briser les ténèbres muettes quand Cygnus venait punir les traits d'esprit de son épouse quelques heures plus tôt devant leurs invités. A présent, Druella n'avait plus besoin de ses coups pour sombrer.

 

« Les hommes violents sont des hommes faibles. Ils frappent parce qu'ils n'ont pas, ou parce qu'ils ont peur de ne pas avoir. Ils sont si petits que leur seul moyen d'être grand est de diminuer tous ceux qu'ils croient capables de les menacer. »

 

Bellatrix ne comprit pas tout à fait ce mélange d'apaisement et de tristesse dans sa poitrine quand elle entendit la voix implacable d'Amelia prononcer ces mots. Elle reconnut vaguement la force des paroles justes. Elle voulut l'embrasser.

 

Le secret le voici : Amelia était la justice et la force ; et Bellatrix le fut aussi avant de perdre les deux. L'histoire de Bellatrix Black, sa véritable histoire est celle de la lutte jusqu'à l'assassinat de sa force par la violence, et l'aspiration secrète et peu à peu oubliée de la justice.

 

End Notes:

Je ne sais pas si c'est assez clair alors j'explique un peu grossièrement ici car la thématique me tient à coeur...

Je crois que ça se sent depuis le début de la fanfic, Bellatrix est constamment tiraillée entre la force et la violence, des éléments qu'elle confond souvent à cause des actions de son père. Le combat au coeur de cette histoire n'est donc pas seulement celui entre la force et la justice (s'il existe seulement), mais celui entre la force et la violence. On sait que la violence a gagné, je trouvais important de comprendre aussi pourquoi. Voilà pour l'explication rapide, je serais contente d'avoir vos avis dessus :)

13 - Jour du déménagement by Amnesie
Author's Notes:

Chapitre un peu plus léger, sans grand intérêt mais on avance !

Prompt du 13 Septembre : Jour du déménagement (comme d'habitude, mon interprétation des prompts est très très approximative ^^)

Des plumes de hiboux et de parchemin voletaient entre les malles et les chaudrons et les balais entassés. Le dernier jour de l'année laissait s'échapper hululement, croassement, miaulement et autres cris plus ou moins humains. 

 

Amelia, à l'entrée du Poudlard Express, jouait son rôle de Préfète en s'assurant du bon déroulement de ce passage périlleux. 

- Potter, pourquoi tu portes un manteau ? interrogea-t-elle avec suspicion le garçon qui lui avait donné des migraines toute l'année.

Le Gryffondor haussa les épaules avec désinvolture.

- Parce qu'il est beau. Pas vrai qu'il est beau, Patmol ?

Son ami approuva vivement et Amelia ne put s'empêcher de s'attarder une seconde de trop sur ce visage qui lui en rappelait un qu'elle connaissait désormais par cœur. Elle fit un pas en avant et pinça le col de Potter comme pour vérifier quelque chose.

 

- Eh ! Bas les pattes, sorcière ! s'écria-t-il de sa voix aigüe d'enfant. On touche pas à mon manteau préféré.

Amelia resta stoïque tandis que les trois amis du gamin riaient.

- Nous sommes en été, Potter, et la seule raison pour laquelle tu porterais un manteau est pour cacher un de tes méfaits. Je me trompe ?

La sècheresse de sa voix et le sérieux de son expression eut l'air de surprendre surprendre le garçon. Peut-être en faisait-elle trop. Peut-être aurait-elle du plaisanter avec lui, comme tous les élèves, et même les professeurs le faisaient déjà. Mais Amelia avait plusieurs wagons à contrôler et il lui fallait faire preuve d'efficacité. Et puis, elle se souciait toujours guère d'être appréciée.

 

Finalement, légèrement intimidé, Potter finit par céder. Il plongea sa main dans la doublure de son manteau et en sortit... un tableau. Un tableau dont l'occupant affolé criait les pires obscénités.

- C'est du vol, Potter, le réprimanda-t-elle durement tout en s'assurant de tenir droit le cadre. Et une agression envers un habitant légitime de Poudlard. Tu sais ce que le règlement de l'école prévoit contre ce type de méfaits ? Il dit que...

- On s'en fiche, Bones.

 

La vision de Bellatrix devant elle, lui parlant devant d'autres, la laissa tout simplement sidérée. Car depuis qu'elles se voyaient en secret, elles ne se parlaient plus en public. Elles ne se parlaient presque plus, d'ailleurs. Elles avaient laissé toutes leurs conviction pour laisser place à la certitude la plus forte, celle pour laquelle elles ne savaient plus ne pas se toucher. Celle qu'elles ne nommeraient pas.

 

- Je dois te parler, continua Bellatrix tandis que les autres élèves les considéraient d'un air intrigué. De l'horrible couleur de ta robe, ajouta-t-elle en guise de justification.

 

Amelia acquiesça avec suspicion et la suivit à l'écart non sans un regard réprobateur à l'adresse des quatre garçons de Gryffondor. Toute occupée à caler le tableau furieux entre ses bras, elle mit un instant à comprendre que Bellatrix lui mettait dans les mains un parchemin.

- Mon adresse, expliqua-t-elle.

- Tu veux qu'on s'échange des lettres ? s'étonna-t-elle en fronçant les sourcils sur les élèves qui les considéraient avec curiosité.

Bellatrix acquiesça avec agacement.

- Je te préviens, je n'aime pas écrire.

- C'est cohérent, commenta Amelia en souriant.

Bellatrix lui jeta un regard furieux qui dériva sur ses lèvres - lèvres qui s'étirèrent de plus belle. Bellatrix se ressaisit.

- Je vais faire mon entrée dans la haute société, dit-elle avec hauteur. Tu ne seras que le chaudron qui portera mes complaintes.

- Un chaudron plein de passion, ajouta Amelia l'air de rien avant d'éclater de rire devant son expression dégoûtée.

Sou fou rire ne tarit que lorsqu'elle remarqua que les autres élèves perplexes devant le spectacle surréaliste de Bellatrix et Amelia riant ensemble. La vision d'Amelia, tout simplement, faisant autre chose que froncer les sourcils.

 

Elles échangèrent un regard. Lourd. Elles avaient conscience que pour celles qu'elles étaient - deux sorcières exécrant la dissimulation - ce secret avait des allures de trahison.

 

- Je t'enverrai mon adresse, lui promit-elle.                                                  

 

14 - Ferme by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 14 Septembre : Ferme

Un immense merci à Carmilla Dilaurentis pour ses reviews ♥

Un chapitre épistolaire cette fois-ci, uniquement du côté de Bellatrix... Bonne lecture !

Amelia,

Mère n'a pas arrêté de dire combien j'étais sublime dans ma robe de débutante. Cissy en pleurait de jalousie. Je suis belle, tu n'as pas idée de ma beauté.

Ou peut-être que si.

Bellatrix Black

PS : Tu habites vraiment dans une ferme ?

.

Grande Amelia,

J'enrage et je ris, tu vas encore dire que je suis folle. Un cousin de Mère m'a complimentée en affirmant que j'avais la pureté d'une Licorne. Je l'ai regardé et il est parti.

Es-tu vraiment la seule à savoir supporter mon regard ?

Bellatrix, qui restera toujours Black

PS : Ton hibou est à faire peur, assure-toi de le changer ou je le plumerai moi-même.

.

Curieuse Amelia,

Le bal des débutantes est passé. Je ne t'en ferai pas un compte rendu détaillé, Andy et Cissy m'ont déjà harcelée à ce sujet.

Je te laisserai simplement m'imaginer dans une robe noire au milieu de la foule fade, toute vêtue de blanc. Je pensais que Père me punirait pour avoir fait peur à mes prétendants, mais il a parut fier. Je crois aussi que je l'impressionnais...

Bellatrix Black

.

Patiente Amelia,

Tes frères sont des plaies qui n'ont pas l'air plus malin que des Goules. Cesse de t'épuiser à les raisonner et enferme-les dans tes boites à poules.

Mes sœurs, elles, ont l'avantage d'être silencieuse. Andy me suit partout avec ses grands yeux. Si je ne l'aimais pas tant, je penserais qu'elle est stupide. Cissy imite Mère.

Bellatrix Black

.

Père a osé m'humilier devant ses amis. Il le fait avec Mère, mais il l'a fait avec moi. Mon oncle Alphard a ri et oncle Orion a tapé sur mon crâne comme un vulgaire Elfe.

Je les hais, Amelia. Je les hais.

.

Sage Amelia,

J'ai fait comme tu me l'as conseillé. Je me suis bien habillée, et j'ai montré mon élégance dramatique, comme tu dis. Après le repas, je ne me suis pas levée avec ma tante, Mère et mes sœurs. J'ai suivi les hommes dans le fumoir.

Ils m'ont demandé de partir, mais je me suis assise à côté d'eux. J'ai même réussi à me taire, imagine, Amelia, l'exploit ! Père a serré mon bras avec sa main et a voulu me forcer à sortir. J'ai tenu bon. Je suis forte et ça, il ne le comprend pas. Et puis il avait l'air pathétique, alors mes oncles lui ont demandé d'arrêter. Oncle Orion m'a menacée. Je n'ai rien dit, je n'ai pas bougé. J'ai juste lissé ma robe et j'ai regardé au-dessus de sa tête. J'étais infiniment plus grande qu'eux, Amelia, je n'avais jamais ressenti ça. Finalement, ils ont décidé de m'ignorer.

Et brusquement, Père a changé d'avis et m'a lancé un Imperium.

Cette fois-ci, Amelia, je n'ai pas pu lutter.

Voilà donc la conclusion de mon expérience. La méthode Bones n'est pas mauvaise. Je maintiens cependant qu'elle est moins cathartique. Et puis la force gagne toujours, tu vois ?

Bellatrix Black

.

Imprudente Amelia,

N'écris pas ces mots dans nos lettres. Mère est trop bête pour déchiffrer tes sortilèges de Dissimulation mais Père pourrait les comprendre. Quant à moi, tes mots m'ont donné une insomnie.

Trix

.

Intrigante Amelia,

Mon rendez-vous du jour était peut-être le plus intéressant de l'été. Il s'agissait de l'aîné des Lestrange, Rodolphus. Il n'a pas parlé, il avait l'air de s'ennuyer autant que moi.

On dit qu'il a étudié la Nécromancie chez les plus grands. Je penserai à l'interroger à ce sujet la prochaine fois.

Bellatrix

.

Insupportable Amelia,

Aujourd'hui, mon père a lu un article du tien à table. Il nous a beaucoup amusés. Tu devrais lui dire d'arrêter de se ridiculiser.

.

Amelia,

Oublie ma dernière lettre.

.

Mon Amelia,

Retrouve-moi à l'Abbaye Hantée. S'il te plait retrouve-moi.

 

15 - Hanté by Amnesie
Author's Notes:

Prompt du 15 Septembre : Hanté

« Retrouve-moi à l'Abbaye Hantée. S'il te plait retrouve-moi. »

Le cœur battant, la lettre à peine décachetée dans son poing serré, Amelia parcourait à toute vitesse les couloirs de l'Abbaye. Elle ouvrait une à une, avec violence, toutes les portes grinçantes des cellules encore habitée par des fantômes.

 

« Trix ! »

Les spectres la saluaient à peine qu'elle repartait déjà, criant plus fort encore le nom de son amie.

« Bellatrix ! »

 

L'Abbaye Hantée était une vieille bâtisse de Godric's Hollow. A une époque, elle était connue de tous les jeunes gens à la recherche d'un lieu de rencontre discret. C'était la première fois qu'Amelia s'y rendait.

« Trix ? »

Amelia confondit un instant sa silhouette avec celle d'un fantôme. Elle était là, toute de noir vêtue, toute de noir emprisonnée, étouffant dans la chaleur de l'été. C'était son regard, étranger, qui lui donnait l'air d'une damnée.

 

 

« Je n'irai pas à Poudlard, dit-elle d'une voix qui perfora le cœur d'Amelia. Mon père veut que je termine mon éducation au manoir. »

Amelia aurait pu lui faire répéter ces mots tant ils lui paraissaient absurdes, mais le regard froid de Bellatrix l'en dissuada. Elle intégra l'information. Quand elle prit enfin conscience de l'ampleur de cette décision, une bouffée de colère rougit son visage.

« Il n'a pas le droit. »

Bellatrix haussa les épaules avec ce même air absent, et le sentiment d'injustice se mit à brûler la gorge d'Amelia. Elle eut envie de secouer la Terre, de renverser l'univers, de faire trembler le manoir des Black.

 

« Je vais le voir, je te jure Trix, je vais venir chez toi et je vais lui parler...

- Tu vas lui parler ? répéta Bellatrix dans un ricanement amer.

- Oui. Je... je hurlerai, s'il le faut ! »

Le rire de Bellatrix redoubla à ses mots.

« Il n'a pas le droit. L'éducation est un droit universel, et il ne peut pas, il ne peut pas te l'enlever. Il ne fait ça que pour te...

- Que pour m'affaiblir et me garder sous son joug, termina froidement Bellatrix. Je sais, Amelia. »

 

Il y eut un silence. Amelia enrageait. C'était étrange car en temps normal, c'était Bellatrix qui se laissait déborder, et elle qui restait calme. Mais Bellatrix ne semblait habitée que par une colère froide.

 

« Je n'avais même pas envie de retourner à Poudlard, de toute façon.

- Tu mens, contra immédiatement Amelia.

- Je n'aime pas Poudlard.

- Mais tu y es libre. »

Elle avait envie d'ajouter : « et tu m'y retrouverais ».

 

« On n'y apprend qu'à enchainer notre magie, cracha Bellatrix. Les cours sont ridicules ! Jamais ils ne seront à ma hauteur. »

 

Cette fois-ci, elle ne mentait pas. Ce discours, elle le répétait déjà les années passées. Seulement cette fois-ci, l'alternative à Poudlard était la broderie.

 

Alors Amelia se tut. Pour la première fois peut-être, elle réalisait que malgré sa force, Bellatrix demeurerait à jamais impuissante.

Et cette impuissance la contaminait à son tour.

 

Bellatrix mit un instant à réaliser qu'Amelia papillonnait des yeux.

« Quoi ? » dit-elle brusquement.

La jeune femme la regarda avant de se détourner presque aussitôt. Elle avala sa salive. Bellatrix la vit ouvrir la bouche, froncer les sourcils, se racler la gorge.

« Je... commença-t-elle d'une voix enrouée avant de tousser, les bras croisés contre sa poitrine. Il faut que tu reviennes à Poudlard, Trix. »

Sa voix était tremblante et Bellatrix eut un mouvement de recul lorsqu'enfin elle leva ses yeux bleus sur elle ; ses yeux brillants, trop brillants.

« Je ne peux pas être là-bas sans toi » déclara-t-elle dans un même souffle cassé.

 

Bellatrix laissa malgré elle s'échapper une respiration tremblante. Elle resta muette à son tour, et la distance entre elle, ces quelques mètres de parquet usés dorés par la lumière, lui parurent infranchissables. Elle ne savait pas comment faire, elle ne savait pas lui parler, et elle ne savait même pas comment l'embrasser, car jamais Amelia ne lui était apparue si fragile.

 

Qui était la jeune femme aux épaules courbées, au corps fermé ? A qui appartenait donc cette bouche tordue par les sanglots contenus ?

 

 

Et soudain, elle réalisa elle aussi que plus jamais elles ne s'effleureraient dans les couloirs épais du château. Plus jamais elle n'entendrait les tirades inébranlables de la Serdaigle la plus féroce qu'elle ait jamais rencontrée. Plus jamais elle n'admirerait sa peau sous la lumière de la lune.

 

Craignant qu'Amelia ne se mette à pleurer, elle reprit la parole avec fermeté.

« Rien ne le fera changer d'avis, rien. Pas même ma tante, pas même Oncle Orion, rien. Il m'a dit moi vivant tu n'iras pas à Poudlard. Moi vivant... il faudrait le tuer. »

Elle releva la tête.

« Es-tu prête à tuer mon père, Amelia ? »

Et oui, peut-être espérait-elle que son amie acquiescerait, prendrait sa main et transplanerait au Manoir avec elle, qu'elle immobiliserait Cygnus Black et qu'elle aurait encore sa main dans la sienne quand enfin Bellatrix se libèrerait et assassinerait son père. Peut-être l'avait-elle déjà rêvé.

 

Mais les poings d'Amelia demeurèrent serrés. Elle semblait ne pas l'avoir entendue.

« Pars, dit-elle plutôt. Quitte-les. Reviens à Poudlard avec moi, mes parents te payeront ta scolarité. Quitte-les et tu seras libre. »

 

 

L'humiliation lui coupa le souffle. Comment osait-elle ? Comment elle, la petite sorcière au nom médiocre, osait-elle suggérer la fuite, la trahison à l'héritière d'une famille fondatrice, souveraine, dont le simple regard fut un temps un honneur suprême ? Comment elle, son amie, pouvait-elle l'abaisser à la mendicité ?

 

La sorcière trembla à en faire frissonner les fantômes de l'Abbaye. Dehors, l'air s'alourdit d'un orage d'été.

 

« Ne m'insulte plus jamais ainsi » souffla Bellatrix Black avant de transplaner. 

 

End Notes:

Merci pour votre lecture ♥

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