Bon vous pouvez considérer ceci comme une préface, c'est a dire que vous avez le droit de ne pas le lire.
Une fois n'est pas coutume, je vais en effet me justifier un tant soit peu sur mes choix.
Difficile d'écrire du Drago-Hermione sans faire de cliches... Partant de ce constat, j'ai décidé non pas de les éviter, ni même de les détourner comme on le fait dans une parodie, mais de les assumer.
Dans cette fiction vous trouverez donc des cliches revendiques comme tel, car apres tout, quoi qu'on fasse, on écrit jamais rien de neuf.
Ce qu'a fait JK n'était pas neuf.
Ce qu'a fait Tolkien n'était pas neuf.
Même ce qu'a fait Chrétien de Troyes n'était pas neuf.
Alors, oui, ce que j'écris n'est pas neuf non plus, mais je le revendique. Je revendique le droit au cliche, comme une connivence entre auteur et lecteur, un espace d'expression qui permet de jouer sur la forme a défaut d'innover sur le fond.
Au niveau de la forme, donc, j'ai choisi le présent pour donner au récit un caractère intemporel.
Et croyez-moi, ce n'est pas facile d'écrire au présent. Apres chaque dialogue, je revenais sans m'en rendre compte au passe simple et je devais tout réécrire.
Bref, je me tais avant de faire fuir davantage de lecteurs éventuels et espère que ce modeste texte aura l'heur de vous plaire...
En ce qui concerne la publication, je vais couper ceci en deux chapitres, et vous aurez le suivant vendredi.
Note pour les lecteurs eventuels de Mariage Blanc:
Et oui, encore une fois, un OS qui se scinde en deux parce que je n'arrive pas a controler ma plume trop prolifique. Ce qui fait qu'entre ca, mon weekend avec Azenor et un minimum de boulot sur mon memoire, j'ai pas eu le temps d'avancer Mariage Blanc. Donc patience va etre le maitre mot en ce qui vous concerne... Desolee, je fais ce que je peux, promis.
Bref, en ce qui concerne ce texte-ci... Bonne lecture!
Nous sommes à Poudlard, un soir de bal.
Peu importe à quelle occasion ce bal est donné ; de toute façon, il n’a jamais existé. Peut-être est-ce Noël. Ou Nouvel An. Ou Halloween. Ou encore la fin d’année. Peut-être même la fête de la Victoire. Qui sait ? Par contre, ce n’est pas la Saint Valentin. Non pas parce que ça ferait cliché. Là n’est pas le problème. Mais parce qu’en ce cas, elle aurait dû venir accompagnée ; et qu’elle est seule.
A lire ce premier paragraphe, peut-être a-t-on l’impression d’une parodie. Ce n’est pourtant pas le cas. Non, on est plutôt dans une esthétique « Nouveau Roman » : on fait passer la caméra de l’autre côté du décor, pour bien montrer, justement, que ce n’est qu’un décor. On met à jour les rouages de la fiction, comme on ouvre le capot d’une voiture. On s’amuse à déconstruire la notion même de personnage.
On n’ira pas, par contre, jusqu’à prétendre que c’est de l’Art.
Les personnages. Ils sont deux, mais eux non plus n’existent pas. Ce sont des mirages, des ombres idéalisées, des fantasmes issus de notre inconscient collectif, qui se parent, le temps d’une histoire, des couleurs de la vie.
Ce bal, qui n’a jamais existé, est un bal masqué.
Peut-être est-ce la sixième ou la septième année de l’héroïne.
Elle pourrait avoir dix-sept ans, c’est un joli chiffre, et il est bien connu que c’est un âge auquel on n’est pas sérieux. Mais attention : il importe de le penser avec une diérèse, sinon, ce manque de sérieux perd indubitablement de son côté poétique.
Ce bal n’a jamais existé car Poudlard n’existe pas. Mais même au sein de la réalité fictive qu’est Poudlard, ce bal n’a jamais existé. On pourrait admettre, à la limite, que c’est effectivement le bal de la Victoire, et qu’il a lieu juste après le Combat Final, juste avant l’Epilogue, mais puisque de toute façon, rien de tout ceci n’existe, autant admettre d’emblée son irréalité.
L’héroïne, qui n’existe pas, repose son verre sur le bar, qui n’existe pas.
C’est un cocktail de jus de fruits, sans alcool, avec une paille décorative et une rondelle de citron vert. C’est une coupe de champagne glacé, aux bulles enivrantes. C’est un simple verre d’eau. Peu importe. Elle le pose sur le bar. Son geste est délibérément lent, car elle sait qu’il la regarde.
Et son regard, lui, est réel. Comment pourrait-il en être autrement : ses yeux sont fixés sur elle, elle en sent la brûlure dans son dos. Ce regard est réel, il ne peut qu’être réel, puisqu’elle en ressent le poids.
Elle inspire profondément. Elle réprime un tremblement. Elle ne peut se permettre qu’il s’aperçoive de son trouble. Il faut absolument qu’elle reste maîtresse d’elle. Elle bénit son masque qui dissimule, elle l’espère, l’émotion qui, autrement, se lirait immanquablement sur son visage.
Elle porte une robe de velours écarlate, ornée de fleurs grenat. Elle porte un long fourreau de crêpe noir, fendu sur le côté. Elle porte une tunique blanche, à la coupe très simple, ornée de fils d’argent. Elle porte une robe faite d’une multitude de voiles de mousseline parme, rehaussée de broderies violettes. Peu importe. Peut-être porte-t-elle du vert, finalement, bien que ce soit a priori contraire aux règles. Mais il faut bien les contourner de temps en temps.
Vert émeraude. Vert turquoise. Vert jade.
Peu importe la nuance choisie, c’est celle d’une gemme précieuse, dont l’éclat, pourtant, n’égale pas celui de ses yeux.
Peu importe la couleur ou la forme de sa robe. Elle est la Reine de la soirée. Indubitablement. Elle attire tous les regards. Mais il n’y en a qu’un dont elle ait conscience.
Elle se retourne, lentement.
Il est heureux qu’elle ait posé son verre, sinon, il lui aurait probablement échappé des mains, et se serait fracassé au sol. Elle ne s’attendait pas, en effet, à ce qu’il soit si proche d’elle. Tout à l’heure, quand elle est venue se réfugier au bar, pour échapper à son regard, il était à l’autre bout de la salle. Elle a commandé un verre, plus pour se donner une contenance que par soif, sans savoir si elle devait espérer ou redouter qu’il vienne la trouver. Il est trop tard pour y penser, désormais. Il est là, devant elle. Trop tard pour reculer. De toute façon, elle est comme paralysée.
Il a traversé la piste de danse, de sa démarche altière, insoucieux des couples qui tourbillonnaient autour de lui, et qui se sont écartés pour lui laisser un passage. Quand elle est arrivée dans la Grande Salle, elle n’a vu que lui. Son regard s’est retrouvé aussitôt aimanté par sa silhouette hautaine, l’or de sa chevelure, l’élégance innée du moindre de ses gestes. Elle a prié désespérément pour qu’il ne la remarque pas, et elle a souhaité de toute son âme qu’il la voie. Mais comme en réponse immédiate à sa plus grande crainte et à son plus cher souhait, il s’est tourné vers elle, averti par un étrange sixième sens de sa présence. Et malgré le loup de velours noir qui dissimule le haut de son visage aristocratique, elle a su instantanément qu’il avait posé les yeux sur elle. L’espace d’une fraction de seconde, leurs regards se sont croisés, à travers les masques, défi silencieux, aveu muet. Ça a été comme une décharge électrique, elle a senti tout son corps se raidir, sa respiration se bloquer, son cœur se contracter douloureusement. Elle a cru qu’elle allait s’effondrer sur place, mais elle a trouvé, elle ne sait où, la force de se détourner. Elle ne lui a pas échappé pour autant, car il a continué à la fixer.
Et maintenant, il est là, juste devant elle.
Et elle ne peut plus penser. Elle ne peut plus respirer. Elle ne peut plus bouger. Il la fixe toujours avec cette même intensité, elle le ressent dans chaque fibre de son corps. Il fait un pas de plus vers elle, tandis qu’un imperceptible sourire en coin se dessine sur son visage.
Il s’incline en une révérence ironiquement respectueuse.
Respectueusement ironique.
Elle ne peut détacher son regard de lui. Elle le voudrait pourtant. Elle voudrait disparaître. Mais c’est impossible.
Sans la quitter du regard, il lui présente son poing fermé, dans un geste un peu trop solennel pour être naturel.
— Me ferez-vous l’honneur ?...
Elle est incapable de répondre. Elle ne sait pas ce qu’elle voudrait répondre. Ce qu’elle devrait répondre. Malgré elle, sa main se pose timidement sur le poing tendu. Il penche légèrement la tête sur le côté, comme pour la remercier. Ou pour se moquer d’elle. Elle n’en sait rien. Il est trop tard pour se poser la question, de toute façon. Il l’entraîne sur la piste de danse, et elle ne peut que le suivre. C’est une valse.
Ils dansent comme dans un rêve. Sa main ne fait qu’effleurer son omoplate, mais elle sent néanmoins la chaleur de son corps à travers le tissu. Sa tête est obstinément tournée vers la gauche, de manière à ce qu’il ne puisse croiser son regard. Elle espère qu’il ne se rend pas compte de son trouble.
Les secondes s’égrènent, interminables, et cependant elle voudrait ne jamais voir se finir cette danse.
La musique décroît légèrement, mais il ne la lâche pas pour autant. En fait, il continue à danser comme s’il suivait un rythme qui n’existe que dans sa tête.
Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois…
Ils tourbillonnent sur la piste et l’espace d’un instant, ils sont les seuls à y danser. Elle a fermé les yeux pour mieux le laisser la conduire, et pour ne pas avoir à affronter le regard de ses condisciples. Sa main s’est faite moins légère, presque crispée, comme si elle craignait qu’il ne lui échappe. Les musiciens enchaînent sur une autre valse, et le couple, à nouveau, se laisse porter par la musique.
La jambe droite du jeune homme se trouve entre les deux siennes, et leurs corps sont intimement collés, du ventre jusqu’aux genoux. (1) Ce n’est pas la première fois qu’elle valse, mais jamais, avec ses cavaliers précédents, elle n’avait pris conscience de tout ce que cette danse pouvait avoir de profondément érotique. Elle essaie de vider son esprit pour échapper au trouble de plus en plus violent qui l’envahit, mais c’est peine perdue.
Elle inspire profondément et aussitôt une bouffée d’odeurs assaille ses narines.
D’abord, il y a son parfum, raffiné, mais entêtant. Plus discret, elle perçoit la fragrance légèrement citronnée de son shampoing. Et il y a aussi l’odeur fraîche de lavande et d’autres herbes, que dégage sa chemise immaculée. L’odeur de naphtaline de la cape de cérémonie, qui ne doit pas sortir souvent du placard. Des effluves de transpiration masculine, que pour une fois, elle ne trouve pas dégoûtantes, mais au contraire, presque aphrodisiaques. Et surtout, surtout, il y a l’odeur de sa peau, qu’elle parvient à ressentir malgré tous les autres parfums qui se mêlent les uns aux autres. En se concentrant, elle parvient à isoler cette odeur si particulière. Elle est douce, sucrée comme un fruit gorgé de soleil, et pourtant, un peu piquante dans le même temps, musquée, mais sans en devenir agressive. En somme, toute en contraste, comme lui. (2)
Elle aimerait pouvoir enfouir son visage dans son cou, et embrasser cette peau à l’odeur si enivrante, la dévorer de baisers sans s’inquiéter de l’identité de son possesseur. Il faut qu’elle se contienne. Elle ne doit pas se laisser aller, elle n’en a pas le droit.
En un sens, c’est une chance qu’ils soient dans la Grande Salle, au vu et au su de toute l’école. Ici, elle n’a d’autre choix que de contrôler tant bien que mal ces pulsions inacceptables. Qui sait ce qui pourrait se passer si elle se retrouvait seule avec lui… Elle bénit la posture très codifiée de la danse, qui l’oblige à garder sa tête résolument tournée vers la gauche, un peu inclinée en arrière.
Et ils tournent, tournoient, tourbillonnent. Virevoltent, virent, voltent… Valsent, enfin.
C’est un mirage, un rêve, le songe d’une nuit détestée. (3)
Cette valse n’existe pas, n’a jamais existé, n’existera jamais. Elle le sait. Elle s’en moque.
Elle s’accroche à lui comme à la seule chose réelle dans ce monde en déliquescence, qui n’en finit pas de se mourir, de se rétracter sur lui-même pour mieux s’épandre. (4) Rien n’est stable, tout passe et meurt. Tout s’écoule. Rien ne reste. Hormis lui.
Rien n’est réel sauf lui.
Tout est réel sauf lui.
Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Elle n’a jamais su. Quelle importance, tant qu’elle est dans ses bras.
Mais sa chaleur, son odeur, la douceur de sa paume, l’assurance de ses pas tandis qu’il la guide… tout cela, c’est forcément réel, non ? Ou bien quoi ?
Et si tout n’était qu’illusion, quel mal y aurait-il à se laisser aller ?
Elle rouvre les yeux, et un déferlement de couleurs envahit son champ de vision. Les toilettes des danseuses, trop recherchées, qui oscillent entre le clinquant et le mauvais goût pur et simple. La multitude de lustres dont les bougies jettent des éclats dorés sur le satin des masques. Et plus que le reste, c’est le rouge et le vert des deux bannières des Maisons ennemies, accrochées côte à côte au dessus de la table des professeurs, qui blesse ses yeux.
Elle les clôt à nouveau, désireuse de se fermer à tout ce qui n’est pas le contact du corps de son cavalier, la grâce incomparable de ses gestes, qu’elle n’a pas besoin de voir pour imaginer.
Ainsi, en aveugle, elle est bien davantage consciente du moindre de ses mouvements. Elle est même capable de les prévoir quelques fractions de seconde avant qu’il ne les accomplisse. A la pression de sa main sur sa paume, elle sait dans quelle direction il va diriger ses pas, quelle figure complexe et inutile il va lui demander de réaliser. Et elle se laisse guider, sans même songer un seul instant à résister à ses injonctions muettes.
Ce n’est pas exactement de la confiance, c’est de l’abandon. Elle se laisse aller, sort d’elle-même, laisse son esprit vagabonder hors de son corps, s’abandonne, précisément, comme on peut le faire uniquement avec un très bon danseur. Elle oublie tout ce qui l’entoure et se laisse porter sur les rives du Danube, si beau, si bleu.
Et à nouveau, la musique décroît, et elle ne s’en rend même pas compte. Elle continue à valser, captive volontaire du rythme qu’il lui impose.
Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois…
Malgré sa volonté de se fermer entièrement à tout ce qui est extérieur à lui, elle ressent soudain un changement. Le bruit des conversations, auquel elle ne prêtait aucune attention, se fait maintenant criant de par son absence. Un courant d’air vient jouer sur son visage, et elle comprend au changement de température qu’il leur a fait quitter la Grande Salle. Elle hésite à rouvrir les yeux, décide de s’accorder encore quelques secondes de répit avant d’affronter la réalité.
Ils continuent à danser dans le silence presque complet qui règne désormais. En fait, il n’est troublé que par le bruit de leurs pas sur le sol de pierre.
Un, deux, trois, un, deux, trois, un, deux, trois…
Progressivement, le rythme de leur danse diminue, se fait plus lent, plus sensuel, jusqu’à se réduire à un simple balancement.
Un, deux, un, deux, un, deux….
Ce n’est plus une valse, c’est un slow.
Sans musique. Pas vraiment une danse, en fait, davantage le désir de deux êtres de permettre à leurs corps de s’apprivoiser.
Les doigts du jeune homme s’entrecroisent aux siens, et elle ne fait rien pour s’y opposer, savourant au contraire le fait que leurs mains soient ainsi intimement entremêlées. Dans un mouvement tout à la fois doux et impérieux, il ramène sa main, toujours prisonnière de la sienne, sur son épaule. Cela l’oblige à rapprocher son visage du sien, et elle peut désormais sentir la chaleur de son souffle dans son cou.
Elle inspire profondément, essaie de se calmer, espère de toutes ses forces qu’il ne perçoit pas son trouble. Elle garde les yeux obstinément fermés, sachant qu’elle n’est pas prête à faire face à sa proximité. Sa main à lui descend le long de son dos dénudé, tandis qu’il pose l’autre sur sa taille fine. Elle ne peut s’empêcher de frémir sous la douceur de la caresse. Il s’en rend évidemment compte et un léger sourire – pas aussi ironique que celui qu’on serait en droit d’attendre – se dessine sur ses lèvres.
Rompant le silence pour la première fois depuis qu’ils ont commencé à danser, il se penche à son oreille et murmure :
— Viens plus près…
Elle note sans le relever le passage au tutoiement, et demande :
— Comment ?...
Car en vérité, elle ne voit pas comment il serait possible d’être plus près de lui qu’elle ne l’est déjà. Pourtant, il resserre son étreinte sur elle, l’obligeant à coller son buste au sien, et il répond dans un souffle :
— Comme ça…
Elle se laisse aller contre lui, et pose la tête sur son épaule, dans une posture alanguie dont elle n’a pas conscience. Ou peut-être que si, mais ça n’a plus d’importance. Elle savait bien que si elle se retrouvait seule avec lui, elle ne pourrait résister. C’est lui qui l’a entraîné hors de la Grande Salle. C’est lui le responsable. Advienne que pourra, elle n’a pas l’intention de se priver de ces instants magiques, surtout que c’est lui qui l’encourage à agir ainsi.
Ce qui ne l’empêche pas d’être néanmoins un peu surprise lorsqu’elle sent ses lèvres brûlantes se poser sur son cou. Son décolleté n’est pas spécialement profond, mais il la met admirablement en valeur, et laisse dénudées ses épaules ainsi que sa gorge, sur laquelle le jeune homme ne se prive pas de faire courir ses lèvres. Dans un geste instinctif, elle passe la main dans ses cheveux, et retient un gémissement tant ils sont soyeux sous ses doigts.
Ils se sont immobilisés, finalement ; ils ont arrêté de prétendre qu’ils dansaient. Il fait quelques pas en avant, la forçant à reculer. Elle rouvre les yeux en sentant le mur dans son dos.
Comme elle s’y attendait, ils sont sortis de la Grande Salle et se trouvent dans un couloir vide. Elle comprend qu’il les a fait sortir non pas par la porte principale mais par une petite entrée plus discrète qui débouche sur un corridor peu fréquenté. Il y fait relativement frais, surtout en comparaison avec la salle de bal surchauffée, mais comme elle est dans ses bras, elle est loin d’avoir froid.
Les torches projettent une lumière dorée qui semble toute entière absorbée par sa chevelure claire : on dirait de l’or liquide. Cette couleur irréelle l’hypnotise littéralement : à nouveau, elle plonge ses doigts dans ces cheveux à la blondeur époustouflante.
Elle le voit se mordre la lèvre inférieure sous l’effet de cette caresse et elle sent ses propres joues s’empourprer à l’idée que c’est elle qui en est cause. Mais ce n’est rien comparé au trouble qui l’envahit soudain alors qu’il se presse contre elle de tout son corps, presque avec violence. Complètement collé à elle, il ne cherche aucunement à lui dissimuler son désir. Elle a l’impression que son visage a pris feu. Elle est gênée et en même temps curieusement exaltée. Elle a un peu de mal à croire que c’est elle qui le met dans cet état, mais comme il s’appuie avec encore davantage de force contre elle, tout en faisant courir les doigts de sa main droite sur la peau nue de son bras, elle ne peut plus en douter.
Son visage est tout proche du sien. A cette distance, elle parvient à voir très distinctement ses yeux, à travers les découpes de son loup de velours noir. Elle plonge sans retenue dans ces iris au gris si clair, envoûtant, se demandant avec amertume comment un regard peut-être à la fois si froid et si brûlant. Lui-même la fixe droit dans les yeux, et elle a l’impression qu’il essaie de mettre son âme à nu, sans même se donner la peine de commencer par lire dans son esprit. Leur duel silencieux se poursuit sur une durée qu’elle ne saurait chiffrer. Elle a l’impression de se consumer sur place sous l’intensité de son regard, mais elle met un point d’honneur à ne pas ciller. Finalement, c’est lui qui, le premier, baisse ses paupières.
Il incline son visage vers le sien et embrasse doucement les lèvres froides du masque vénitien. Elle tremble et s’accroche un peu plus fort à ses épaules. Ce n’est pas sa chair qu’il embrasse, mais le plâtre blanc et lisse, et pourtant, jamais baiser ne l’a autant bouleversée. Elle aussi a fermé les yeux, instinctivement, et elle ne voit donc pas son mouvement. Cependant, elle comprend son intention en sentant la pression infime de sa main sur le masque. Elle tente de l’en empêcher en posant sa main sur son bras, supplie presque :
— Non…
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Nda :
(1) Je remercie Lylène qui a été ma conseillère technique en matière de valse. Par textos, depuis l’autre côté de la Manche, de surcroît, ça méritait d’être signalé.
(2) Et maintenant vous savez quelle est la troisième odeur d’Amortentia pour Hermione… ^^
(3) Vous aurez repéré, j’en suis sûre, la référence, malgré mon jeu de mots pourri… Mais d’un autre côté, impossible de ne pas faire un clin d’œil à Shakespeare dans une fic sur l’amour de deux ennemis à un bal masqué, n’est-ce pas ?
(4) Et après le trip Nouveau Roman et le délire faussement Shakespearien, nous voilà en plein décadentisme. Je fume rien mais faut que j’arrête la littérature, c’est pas bon pour ma santé…