Ce jour-là, en fin de matinée, Forest qui s’affairait à côté de l’aile sud vit débouler Malefoy, clopin-clopant aussi vite que son pied boiteux le lui permettait.
- S’il vous plaît, supplia Drago, il faut qu’on me retrouve, aidez-moi !
- Mais que vous est-il arrivé ?
- Je vous expliquerai. Je ne peux pas rester ici !
Forest se redressa et siffla quelques notes. Un mustang à robe pie, venu de nulle part, le rejoignit. Sans trop savoir comment, Drago se retrouva à califourchon sur le cheval- il se serait trouvé plus à l’aise sur un balai !- et s’agrippa à la crinière, pas trop rassuré. Le garde émit un nouveau sifflement plus aigu et la monture partit au trot en l’emmenant à six ou sept furlongs de là. Drago terrorisé, fut soulagé de voir le cheval s’arrêter enfin devant une maisonnette de planches, une sorte de petit chalet. Les abords étaient bien entretenus, le tout faisait bonne impression. Drago était en train de se demander comment il allait pouvoir descendre quand il vit Forest s’approcher de lui. Le jeune homme n’arrivait pas à s’expliquer comment il avait pu le rejoindre aussi vite. Il glissa, tout endolori, du dos de sa monture tandis que le garde le prenait par les vêtements. Il l’emmena à l’intérieur, le fit assoir et examina la cheville foulée, y appliqua des compresses d’herbes et d’élixir et banda le membre.
- Dans une demi-heure ce sera tout à fait guéri, dit Forest qui jusque là était resté silencieux. Maintenant, pourriez-vous me dire ce qui c’est passé ? demanda-t-il calmement.
Drago sentit ses joues s’empourprer. Il regardait ailleurs. Forest l’impressionnait. Il sentait qu’il ne pouvait pas biaiser avec lui.
- Euh !... Je… hum ! fit-il
- Oui ?
- Eh bien, … (soupir) … J’ai … j’ai eu une discussion avec …euh …avec d’autres étudiants et…
- Et… ?
- En fait, c’est … c’est euh !... J’ai peut-être poussé la plaisanterie trop loin, …parfois les mots dépassent la pensée et… !
- Ce sont des choses qui arrivent, monsieur Malefoy ! dit le garde en hochant la tête.
Drago sursauta et écarquilla les yeux.
- Vous … vous savez comment je m’appelle ! s’écria-t-il, étonné.
- Bien sûr !
- Qui vous … ? commença Malefoy sans oser achever.
- Personne ! J’ai trouvé ça tout seul, comme un grand ! Vous me prenez pour un Sasquatch ? répondit le garde, sans se démonter.
- Un Sasssss… ? fit Drago en faisant une drôle de grimace.
- Un Sasquatch, un bigfoot, un yéti si vous voulez !
- Non, monsieur, je ne me permettrais pas, … bredouilla Drago.
Il serait bien rentré six pieds sous terre. Pourtant Forest s’exprimait calmement, sans animosité. Il y eut un moment de silence. Drago reprit son récit.
- J’ai taquiné un peu trop Alden, …Alden Wolfram. Oui, …en fait …. c’est peut-être normal qu’il se soit vexé parce que …C’était un peu… déplacé !
- Ah ! Que lui avez-vous dit au juste ?
Drago sentit ses entrailles se nouer. Il avait une furieuse envie de répondre à Falk de se mêler de ses oignons mais il avait trop besoin de lui.
-Je lui ai dit de se dépêcher, répondit le jeune malge, qu’il allait se faire rattraper par un escargot.
Que ça devait être sans doute l’animagus de son jumeau … et je lui ai demandé lequel des deux étaient sorti en premier lieu de la coquille de maman escargot. …
Ce n’était pas très malin de ma part.
Puis après le cours Astrid, la Suédoise et Zeno Owlcage m’ont coincé dans le couloir et m’ont dit que j’avais dépassé les bornes. …
Que je ferais mieux d’aller m’excuser, si ce n’était pas trop tard, mais qu’en fait, oui, c’était trop tard …
J’ai paniqué, j’ai sauté par la fenêtre mais ma baguette m’a glissé des doigts …je n’ai pas pu me réceptionner.
Voilà !
- Bien. Il ne vous reste plus qu’une chose à faire : aller présenter vos excuses à cet Alden.
Cette fois-ci Drago se sentit blêmir.
- Vous avez peur ? demanda le garde.
- N…non ! non, pas du tout !
- Une étrange manière d’admettre la vérité ! Vous voulez que je vous accompagne ?
Drago le regarda médusé.
- Ça ne vous est jamais arrivé de vous excuser ? demanda Forest avec bienveillance tout en s’asseyant à côté de Drago
- Si, mais …
Drago vit remonter à la surface de sa mémoire des volutes de mauvais souvenirs : la pression qui avait fait peser le Seigneur des Ténèbres sur sa famille, … ce climat de peur, quand il fallait sauver sa peau en s’aplatissant devant Voldemort …
-« Si mais » parce que vous ne pouviez faire autrement, n’est-ce pas ? acheva Forest.
Drago acquiesça.
La magie du Natif, comme l’appelait Drago, avait fait de l’effet. Il pouvait à nouveau marcher comme si rien ne s’était passé. Il monta l’escalier du foyer des étudiants, suivi de Forest et alla frapper à la porte d’Alden. Forest resta sur le côté de façon à ce qu’on ne puisse pas le voir. Les secondes qui séparaient Drago du moment où Alden allait ouvrir faisaient bondir son cœur dans sa poitrine. Enfin, un cliquetis annonça la fin de cette attente. Un étudiant aux cheveux noirs, pâle et maigrichon se dressait devant lui avec une mine maussade. Drago baissa le nez et se mit à se tortiller les mains.
- Alden, je …Je viens te présenter mes excuses…je … oui, euh, …je pense que… je suis peut-être allé trop loin.
- C’est Zeno qui t’a dit de venir ? répondit Alden, sur un ton peu engageant.
- Non, … enfin, oui, mais … non, je me … je sais que j’ai été trop loin mais …
- Mais quoi ?
- J’ai eu tort, je le reconnais. J’aurais dû venir plus tôt. Sans qu’on me le dise. J’ai des sales manies d’enfant gâté.
- Bon, ça va, j’accepte tes excuses mais… je ne peux pas oublier ça comme ça, hein ? Faut t’attendre à ce que je fasse ami-ami du jour au lendemain.
- Oui ! … Oui, … j’ai compris ! balbutia Drago, mort de honte.
Alden referma la porte. Drago sortit sa baguette et l’approcha de ses lèvres.
- Quel sort allez-vous employer ? demanda le garde avec un zeste de sollicitude.
- Sceau du cœur !
- J’en connais un meilleur, qui va vous faire réfléchir avant de parler : Custodia.
- Custodia ! répéta Drago en posant la baguette sur sa bouche.
Ils redescendirent ensemble dans le jardin attenant au bâtiment.
- Vous ne vous sentez pas mieux maintenant ? demanda Forest.
- Ben, euh…maintenant que c’est fait ! répondit Drago qui repensait à la réponse d’Alden.
- Vous avez choisi un tuteur parmi les étudiants ?
- Non, pas encore.
- Vous devriez y penser !
- Je ne connais pas grand-monde, comment choisir ?
- Demandez conseil à madame Godfrey, elle est là pour ça !