Voilà un an qu'il n'avait pas dormi ici, aussi il retrouva avec une certaine joie le lit à baldaquin qui l'attendait encore. Avant de s'endormir, il laissa ses pensées vagabonder un peu, sur la reconstruction à venir, de l'école, du ministère, de l'indépendance de la presse, et des dangers de la liberté fraîchement retrouvée. Il y avait tant de familles mutilées, Fred, Tonks et Lupin, qui laissaient derrière eux leur petit Teddy, qu'Harry n'avait encore jamais vu. Une réalité le frappa un instant, il réalisait, il était son parrain. Il espérait être à la hauteur de Sirius. Et c'est sur ces pensées qu'il s'endormit, pour la première fois dans un vrai lit depuis longtemps, et sans recevoir les pensées de ce Tom Jedusor, qui appartenait désormais au passé.
Un petit "toc" le réveilla. Le soleil qui filtrait de la fenêtre lui chauffait déjà la peau du visage. Baigné de la tiédeur de son lit, il laissait à nouveau ses pensées vagabonder avant de s'asseoir dans un sursaut. D'où venait ce petit "toc" ? Cherchant à tâtons ses lunettes, il ouvrit ses yeux comme des soucoupes avant de voir qui venait d'arriver, à côté du lit où Ron dormait encore paisiblement, contre une Hermione ébouriffée.
-Kreattur ne voulait pas réveiller Harry Potter, maître, Kreattur est désolé...
-Bonjour Kreattur, murmura Harry soulagé entre deux baillements, je suis heureux de te voir, ça va ?
-Kreattur apportait seulement le petit déjeuner... murmurait l'elfe en tordant la taie d'oreiller crasseuse qui lui servait de vêtements.
-C'est très gentil à toi, tu veux te joindre à moi pour manger ? Tu as apporté tellement de choses qu'il y a de quoi nourrir toute la tour, constata t-il en regardant la table.
-Je ne voudrais...
-J'y tiens, assura t-il en balançant un oreiller sur le couple endormi non loin.
L'oreiller, envoyé avec force, arracha nombre de grognements à Ron, qui ne pouvait s'empêcher cependant de sourire allègrement. Quant à Hermione, après la surprise, elle se mit à bredouiller et à rougir d'une telle manière qu'elle battait Ron dans ces grands jours.
-Salut ! chantonna Harry qui arborait un large sourire. Kreattur nous a apporté quelques petites choses à manger, si on s'attablait tous les quatre, ajouta t-il en regardant Kreattur, sous le regard ravie d'Hermione, qui regarda Ron d'une façon glaciale lorsqu'elle le vit être moins enthousiaste que lui.
-Euh... oui ce serait sympa, ajouta ce dernier précipitamment, tentant de se racheter.
Lorsqu'ils rejoignèrent la grande salle, l'enthousiasme tomba soudain, la famille Weasley au complet les y attendait, ainsi que nombre de membres de l'Ordre du Phénix et de l'AD, endeuillés de la cinquantaine de morts qui venaient ternir la victoire. Ce ne sont pas eux, les combattants, qui firent réellement fête, se sentant trop coupables des décès qui gangrénaient le groupe. Au contraire, beaucoup de sorciers, qui n'avaient pas été touchés directement clamaient haut et fort la victoire dans un rassemblement dans le hall du ministère de la Magie, ainsi que dans le chemin de Traverse.
-Ceux qui crient victoire le plus fort sont ceux qui ont le plus de choses à se reprocher si vous voulez mon avis, clama Mc Gonagall, en dépliant le numéro du jour de la Gazette, qui semblait oublier très facilement les longs mois de propagande et de mensonge.
-Où en est Kingsley, lui demanda Harry, qui savait qu'il avait été nommé ministre à titre provisoire.
-Il s'est enfermé dans le bureau du directeur, ici même, au ministère ce n'est pas possible d'avoir du calme. Sa grande priorité, c'est l'annulation de toutes les lois anti- sorciers nés de parents Moldus, il fait redistribuer des baguettes à tour de bras. Il a un travail fou, mais je crois qu'il aimerait te voir un moment, tu iras tout à l'heure. Pour l'instant tu devrais rester vers les Weasley, lui murmura t-elle.
Un chapelet de tristes sourires l'accueilla lorsqu'il les rejoignit. Tous étaient là, jusqu'à la tante Muriel qui se trouva très touchée par le décès de Fred. Mais c'est George qui fendait le coeur à tous. Enfermé dans un profond mutisme, il fit un signe de tête à Harry, puis sombra à nouveau dans ses pensées.
-Merci Harry, murmura enfin George avant de quitter la pièce, des larmes inondant son visage.
A sa suite, toutes les familles de victimes vinrent le remercier, lui arrachant un sanglot à chaque nouveau visage.
-Je suis tellement désolé... murmurait-il.
-Ils se battaient pour ce que tu as accomplis, ils ne sont pas partis en vain, ils nous ont quittés libre grâce à toi.
Avec reconnaissance, il accueilli Mme Weasley, aux yeux humides, qui vint lui offrir son étreinte, celle d'une mère qu'il n'avait pas connu, et qui soulage un peu les souffrances.
Il croisa alors le regard de Ginny, impénétrable.
La matinée fut lourde, si bien que c'est presque soulagé qu'il monta enfin rejoindre le nouveau ministre de la Magie. Et même s'il n'avait pas vraiment la tête à cela, il était curieux de cet entretien.
Surpris, il remarqua que la statue cachant le passage vers le bureau avait été replacée et réparée.
-Mot de passe ? demanda la gargouille, visiblement ravie d'avoir retrouvée sa tranquillité.
-Euh... je ne sais pas, je devais voir le Ministre, je suis Harry Potter...
A l'annonce du nom, la gargouille coulissa, en murmurant qu'il fallait en venir aux faits la prochaine fois.
Harry attendit un moment dans l'antichambre avant d'oser frapper. Le choipeaux avait regagné sa place en haut de l'étagère. Il chantonnait distraiment.
Harry l'observa un instant avant que le choipeaux ne s'adresse à lui.
-Mr Potter... que me vaut cet honneur ?
Avant que ne réponde Harry, l'objet continua de parler.
-Voyez-vous, il me faut un nouveau chant pour la rentrée prochaine, avec tous ces évènements... nous devons tous en tenir compte, n'est-ce pas ?
Avant que Harry ne réponde, la porte du bureau s'ouvrit, laissant sortir un sorcier qu'il ne connaissait pas, sans doute un membre du ministère.
-Oh, Harry, s'exclama Kingsley en le voyant. Entre, ajouta t-il en souriant. Nous avons beaucoup de travail, dit-il sur un ton d'excuse en montrant les piles de papier éparpillées sur le bureau.
Les différents directeurs de l'école le regardaient avec bienveillance depuis leur tableau. Harry imagina que Kingsley s'entretenait régulièrement avec Dumbledore, dont les yeux pétillaient de malice.
-Vois-tu, tu es désormais, et une nouvelle fois, le héros du monde sorcier. Le ministère que l'on me laisse est dans un état dont tu ne peux imaginer le délabrement moral comme matériel. Tout est à balayer si tu vois ce que je veux dire.
-Oui, j'imagine...
-L'image du ministère a perdu beaucoup, et même si tout le monde sait désormais que je suis membre de l'Ordre, cela ne suffit pas à redonner un vrai climat de confiance. L'image de Poudlard a souffert également, personne ne va oublier toutes les lois et tous les sortilèges...
-...
-J'ai besoin de toi Harry, dit-il en le coupant. Les gens ont confiance en toi, la légitimité du Ministère comme de l'école va dépendre en grande partie de tes actions et de tes paroles.
Harry, qui comprenait, étant donné l'image du ministère qu'il avait encore, acquisa, à regret, ayant du mal à imaginer les tâches qu'il devrait accomplir.
-Je ne sais pas ce que tu vas penser de ce que je te propose, se risqua t-il à dire. En fait, continua t-il après une pause, il faudrait que tu prononces un discours résumant les faits, et initiant la reconstruction. Laisse moi terminer s'il te plaît, dit-il en voyant Harry ouvrir la bouche. Je suis sûr que tu comprends cette nécessité. Il serait bon également, que tu ailles à Poudlard à la rentrée pour terminer ta scolarité, le poids de ta présence rassurerait de nombreux parents, Harry, tu n'imagines même pas l'ampleur de ta popularité.
Son regard implorant empêchait Harry de réfléchir vraiment sur ces propos. Kingsley savait ce qu'il faisait, Harry le connaissait, et même si il n'appréciait pas sa popularité, Harry comprenais la nécessité de la demande. Cependant, tellement de choses étaient en jeu pour sa propre vie.
-Je vous donne ma réponse avant ce soir, affirma Harry décidé. Il voulait, même s'il se rendait compte de la puérilité de sa réaction, connaître les projets de ses amis d'abord. Et puis, il ne savait même pas ce qu'il ferait l'an prochain si ce n'était pas Poudlard. Jamais il n'avait réfléchit vraiment à l'après Voldemort. Cette échéance avait semblé si improbable...