Mon cœur est déjà trop lourd de secrets
Trop lourd de peines"
Elle disait: "Je ne continue plus
Ce qui m'attend, je l'ai déjà vécu
C'est plus la peine"
Pour une mère, il n’est jamais facile de voir partir ses enfants. Mais lorsqu’on tient le corps de sa cadette contre soi, et qu’on sait que plus jamais elle ne lancera « Maman ! » de sa voix claire, la sensation de perte est incommensurable. Avec tendresse, je replace ses mèches folles et je me souviens. Je me souviens de toute ces fois où elle a déboulé dans la cuisine, une brosse à la main, pour que je la coiffe. Je me souviens de la première fois où elle m’a demandé de lui prêter de l’ombre à paupières, et du rouge à lèvres. Quel plaisir j’avais eu alors, à la maquiller et la préparer comme une poupée ! Quand elle a franchi le seuil de la porte pour s’éloigner au bras d’un garçon, je me suis sentie si fière de ma petite fille… Mes larmes mouillent son visage.
Elle ne croyait plus au soleil
Ni aux silences des églises
Et même mes sourires lui faisaient peur
C'était l'hiver dans le fond de son cœur
Et puis, le jour est venu où elle est tombée amoureuse du Survivant. Si j’avais su, je l’aurais jeté hors de la maison dès la première fois où Ron l’a invité à passer quelques jours au Terrier. Mais comment aurais-je pu jeter hors de chez moi le meilleur ami de mon fils ? Et surtout, comment aurais-je pu savoir que ma fille chérie allait tant souffrir à ses côtés ? J’ai été si heureuse, quand elle m’a avoué sortir avec lui… C’est après, bien après, que tout a commencé. C’est après que le Seigneur des Ténèbres a redoublé d’efforts pour tuer Harry Potter, après qu’il a commencé à la délaisser de peur que son ennemi ne s’en prenne à elle…
Elle ne croyait plus au soleil
Ni aux silences des églises
Et même mes sourires lui faisaient peur
C'était l'hiver dans le fond de son cœur
« Pour son bien. » avait-il dit. Est-ce aussi pour son bien qu’elle est morte ? Est-ce aussi pour son bien qu’elle a mis fin à ses jours, trop malheureuse pour continuer à l’attendre et à espérer ? Est-ce aussi pour son bien que je suis agenouillée auprès d’elle, en train de verser toutes les larmes de mon corps ? À cet instant, je hais Harry pour lui avoir brisé le cœur comme il l’a fait. Ma Ginny ne méritait pas ça, pas plus qu’elle ne méritait de s’enfermer dans sa chambre de longues heures durant avec l’espoir qu’il revienne lui annoncer que tout était fini…
La pluie plus violente que ce soir-là
Le soir de ses vingt ans
Le soir où elle a éteint le feu
Derrière la façade de ses yeux
Dans un éclair blanc
Mais un jour, elle n’a plus eu assez de force pour attendre. Je m’en veux tellement, de ne pas avoir été là au moment où elle… où elle… Mes pleurs redoublent d’intensité. Ce qui s’est passé, je l’ai déduit en fonction de la scène d’horreur que j’ai trouvé à mon retour. J’étais sortie faire quelques courses et en revenant, j’ai senti l’odeur acre du sang. Je me suis précipitée et j’ai découvert son corps sur le plancher, un des couteaux de cuisine à la main, une hideuse blessure à la poitrine et une lettre rédigée d’une main tremblante posée à côté d’elle. Je ne sais pas combien de temps je suis restée prostrée là, incapable ne serait-ce que de penser à bouger, avant de lire la lettre. Elle contenait des excuses, des explications et un « Je t’aime, maman. » final.
Elle brille à côté du soleil
Comme les nouvelles églises
Et si depuis ce soir-là je pleure
C'est qu'il fait froid
Dans le fond de mon cœur
La lettre me tombe des mains. Je garde le corps de ma fille serré contre moi, et je pleure, je pleure jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une seule larme dans mon corps. Alors, à ce moment-là, je me mets à gémir. Un long gémissement de détresse, qui dure jusqu’à ce que ma voix se taise d’elle-même, trop éteinte pour continuer à gémir. Il n’y a plus que le silence dans la minuscule cuisine du Terrier. Mes yeux sont si rouges et gonflés que je préfère les fermer pour apaiser leur brûlure. De l’extérieur, on pourrait presque croire que je dors. Presque.
Elle brille à côté du soleil
Comme les nouvelles églises
Et si depuis ce soir-là je pleure
C'est qu'il fait froid
Dans le fond de mon cœur
Du fin fond du brouillard dans lequel je sombre de plus en plus à chaque instant, j’entends mon mari pousser la porte et s’écrier joyeusement « Salut les Weasley ! » comme à son habitude. Avant qu’il ne se taise. Je le sens tomber à genoux à côté de moi. Il me prend par les épaules et sanglote doucement. Je distingue « Ginny, Ginny… ». Épuisée, je me laisse aller dans ses bras. Mon bébé, ma petite fille est morte. C’est si dur à accepter que je m’évanouis…