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*** Avais-je déjà ressenti une douleur aussi intense ? Oui … Oui des millions de fois… Mon corps n’est plus qu’un assemblage de muscles et d’os. Il n’exécute que ma volonté. Mon désir violent d’en finir avec cet enfermement forcée vaut toutes les potions calmantes du monde. Et pourtant Kreattur s’est abstenu de me donner cette détestable potion qu’il m’avait forcé à boire depuis le jour où je m’étais mutilée les bras.
Ses petits couinements ajoutent une raison de coller ce déchet dans les cachots du Manoir Malefoy. « Allez-y Madame, encore, Madame ! »
- « Où est Malefoy, Kreattur ? Il ne serait pas lâche au point de rater la naissance de son enfant ?! » Je raille, fulminant. Si je n’avais pas besoin de lui pour garder l’enfant, je ne suis pas sûre que je lui pardonne cette séquestration. Pourtant je souris, Malefoy trouvera son utilité et réparera son énorme erreur.
- « Je l’ai prévenu Madame, il va venir Madame. » Tout en continuant d’imiter des soufflements, un grand éventail ensorcelé par ses soins ajoute à ce spectacle que j’imagine incongru.
- « Oui Madame, oui Madame, ça y est ! » Une sensation désagréable et enfin j’entends des pleurs. Kreattur emmaillote l’enfant et le pose délicatement dans le berceau. Il se retourne vers moi avec un objet que je n’ai pas vu depuis des semaines.
- « Voilà Madame, votre baguette. Le jeune maître Malefoy m’a demandé de vous la remettre, une fois que l’enfant serait né. »
Je n’écoute pas Kreattur, je regarde l’enfant se mouvoir dans les draps. Chétive petite chose, ses cheveux sont roux, je m’apprête à soulever le drap, il ne peut s’agir que d’un garçon me dis-je un sourire aux lèvres. C’est alors que la petite chose ouvre les yeux.
- « Qu’est-ce ? Qu’est-ce que ? » Le fil de mes pensées s’arrête, abasourdie, je ne me vois pas saisir ma baguette. Je n’entends pas mon cri d’horreur et de détresse, ni le grincement de la porte. Je ne vois que les yeux.
Kreattur essaie de s’interposer, trop lent, il tombe violemment sur le tapis. Son erreur a été de me rendre ma baguette.
Je m’approche pour être sûre. Oui c’est bien Lui. Mortifiée un tremblement me saisit. Je hurle à m’en arracher la voix et je secoue le petit lit sans contrôle. « Pourquoi ?! Pourquoi ?! » Le sang moite coule toujours le long de mes jambes, la douleur que je ressens au bas ventre semble avoir disparu.
- « Oh Merlin, Ginny… » « Laisse l’enfant, laisse le GINNY ! » « Merlin, tu es vraiment tombée dans la folie Ginny ! Je ne pouvais pas le croire… Ce que tu as fait à Cho Chang … Ce n’est pas toi»
Cette voix … Je la reconnais… Elle vient me tourmenter…
- « Tu es dans ma tête ?! Je sais que je t’imagine depuis des mois… Sale traînée ! Regarde, regarde, tu le vois toi aussi ? Est-ce que tu le vois ? » Je lui montre les yeux, je lui montre les yeux, m’agrippant à ma baguette.
- « Qui ? Qui Ginny bon sang ?! »
- « HARRY !!! Il m’a abandonné, ils nous ont tués ! VOUS M’avez abandonnée »
- « JE je n’arrive plus à respirer » Ces yeux maudits me hantent, je me retourne vers eux criant, désespérée « Eloigne toi, tu vas arrêter de pleurer ! C’est de TA FAUTE, de ta FAUTE !!!! »
- « GINNY LAISSE CET ENFANT, ce n’est pas Harry ! C’est ton enfant ! Je t’en prie Ginny, ne m’oblige pas » sanglote-t-elle.
- « NON NON Non, non… Malefoy m’avait promis, il m’avait juré… » « NON NON j’ai fait une promesse également. » « Je me suis promis de me venger de toi Harry, oui je me suis promis ! » « Tu m’as ABANDONNE ! AVADA KE… » Ma baguette se lève sur ces yeux, je ne vois pas d’enfant. Il n’y a pas d’enfant, il n’y a que Lui, Harry.
- « STUPEFIXX ! »
Je me sens projetée… J’ouvre la bouche pour parler mais mon souffle est coupé. Je sens comme une oppression. Je baisse la tête, le pied de la table forgé sort de ma poitrine. Un silence puis des sanglots… J’entends un fracassement, des cris, un corps qui tombe. Je ne vois qu’une seule chose, des yeux…
Les yeux me fixent. Je repense alors à ces yeux, à ce qu’ils ont pu représentés. Ils m’ont souri, et je leur ai souri un jour. Je regarde à nouveau ces yeux et je leur souris à mon tour. Ils sont si beaux ces yeux… Si beaux. Puis fermant les miens à mon tour, leurs empreintes se gravent dans mon esprit qui divague.
Je tombe dans une forêt sombre, des arbres noirs par centaines. Leurs feuilles bruissent dans un vent du nord, je ressens le mordant de ce vent glacial. Un loup au pelage argenté grogne mon nom, il m’appelle, mais il ne peut plus me rattraper, je suis déjà loin devant… Une voix douce s’élève dans la forêt. J’entends la fillette blonde qui chantonne, je ne comprends pas. Je cours toujours devant puis je finis par distinguer la comptine « Promenons nous dans les bois tant que le loup n’y est pas, si le loup y était il nous mangerait… » Je la suis en chantant m’avançant toujours au plus profond des ténèbres…
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*** - « Ginevra !!! GINEVRA !!! » Je soulève sa tête avec douceur, et approche mon visage. Elle est morte. Elle n’est plus.
Kreattur me marmonne vaguement ce que Ginevra avait tenté de faire à l’enfant. Je me retourne vers le lit, l’enfant regarde sa mère sans un bruit. Ses yeux sont verts émeraudes. Ma bêtise avait été de croire qu’en faisant passer l’enfant pour le mien, je pourrais arranger les choses. Le coma magique avait ralenti le développement de l’enfant pendant des semaines. Ressassant les évènements, je n’arrête pas de penser ce que j’aurais pu faire de différent. Je sais maintenant que Ginevra se serait tuée plutôt que de mettre au monde cet enfant. Et dans l’espoir de l’en empêcher je n’avais pas trouvé d’autres solutions que de lui faire croire qu’il était le mien.
Je prends doucement l’enfant dans mes bras, une fille, une jolie petite fille rousse. Ses quelques cheveux ornaient son visage comme une flamme. « Pyrrha, tu seras Pyrrha, ma fille… » Les larmes tombent sur son petit front, lui arrachant des cris. J’essuie l’eau salée de son visage, puis me retourne.
« Kreattur, emmène l’enfant à ma mère tout de suite ».
Ginevra git blanche, si blanche. Le sang coule de sa bouche encore tiède.
J’attends le pop de Kreattur puis un cri sort de mon corps. Je commence à hurler, hurler de toutes mes forces.
Plus d’une semaine s’était écoulé. J’avais bougé les deux corps au Terrier espérant qu’une vague mise en scène ferait penser à un affrontement entre les deux jeunes femmes. Toute trace de l’enfant avait été effacée. Personne ne savait que Granger m’avait suivi, personne ne savait que j’étais présent. Après avoir jetée un Avada avec la baguette de Ginevra, tout le monde penserait à un règlement de compte. La petite devait être protégée.
Lorsque Potter vint à l’enterrement de Ginevra, je lui dis qu’elle est partie bien avant la bataille et que je ne sais pas comment Granger l’a retrouvée ou ce qui a pu se passé. Je ne sais rien d’autre et je ne savais pas où elle se cachait. Il me décoche un coup de poing puis se laisse tomber complètement abattu. Pourquoi continuer à lui mentir ? La réponse est d’une simplicité effarante. Je ne peux lui laisser ma fille. Je n’ai plus qu’elle de Ginevra, plus qu’elle.
Perdu dans mes pensées, je transplane au Manoir.
- « Mère »
- « Drago… Où étais-tu ? J’ai eu tellement peur… »
- « La petite ? »
- « Elle dort à l’étage, je l’ai cachée »
- « Merci Mère… Nous devons partir… Recommencer ailleurs… Là où elle ne sera pas victime du passé »
- « Tu ne pourras pas toujours cacher à cette enfant la vérité. »
- « Pyrrha… Elle s’appelle Pyrrha Ginevra Malefoy et elle est ma fille.»
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