Un éclair déchira le ciel noir et Luna ouvrit brusquement les yeux, sa main se refermant instinctivement sur sa baguette. Ce n'était pas le grondement du tonnerre qui l'avait réveillé, ni même les hurlements du vent ou les grincements lugubres des branches qui égratignaient la vitre de sa fenêtre. Elle entendait des gémissements plaintifs provenant de la pièce voisine. Elle se glissa hors du lit, enfila sa robe de chambre, ouvrit la porte communicante qui reliait les deux pièces et s'approcha silencieusement du lit où un jeune homme s'agitait sous les draps.
Depuis que Harry et Mr Weasley lui avaient confié Drago Malefoy, inconscient et gravement blessé, celui ci n'avait jamais passé une seule nuit sans faire de cauchemars. Il n'avait pas quitté son état comateux mais ses crises d'angoisse étaient violentes et il était rare qu'elle réussisse a avoir une nuit de sommeil complète.
Lorsque Harry avait secouru Malefoy, il était pourchassé par deux Mangemorts. Le garder au quartier général de l'Ordre aurait été imprudent. Il avait alors demandé à Luna de le rétablir, pensant pouvoir soutirer quelques informations à Malefoy mais celui-ci restait inconscient, comme plongé dans un long sommeil tourmenté. Il parlait mais ne disait jamais rien que Luna puisse comprendre. Des bribes de phrases incohérentes d'esprit torturé et très souvent des hurlements de souffrances qui tirait Luna de son lit avec panique.
Luna alluma la lampe à huile posée sur la table de chevet d'un coup de baguette et observa le visage blafard aux traits crispés un moment avant de poser sa main sur son front transpirant pour vérifier la température de son patient. Ses doigts avaient à peine touché sa peau que Malefoy lui saisit le poignet. Luna sursauta et laissa échapper une exclamation de surprise. Il la dévisageait, son regard gris et froid trouble de confusion. Il relâcha son emprise et ferma momentanément les paupières comme si cet instant de lucidité l'avait épuisé. Luna se massa machinalement l'avant-bras et fronça les sourcils en apercevant la taie d'oreiller tâchée. Il s'était cogné la tête en se débattant et le sang perlait sur sa tempe.
-Où est ce que je suis ?
La question lui parvint à peine, murmurée dans un souffle.
-Chez moi, dans les collines de Chiltern, répondit t-elle simplement en pointant sa baguette sur la plaie pour la nettoyer .
Il grimaça et ouvrit de nouveau les yeux pour la toiser d'un air méfiant tandis qu'elle imbibait un morceau de tissu avec le contenu d'une des fioles disposées sur la table de nuit.
-Je te connais, fit t-il dans un murmure.
Luna se contenta de presser le tissu sur la plaie.
-Aïe! se plaignit t-il en tentant vainement de se dégager.
-Reste tranquille, dit t-elle calmement.
Il obtempéra en grognant et lorsqu'elle retira la compresse, on ne voyait plus qu'un fin liseré rose sur sa tempe.
-Oui, c'est ça! Tu traînes avec cet abruti de Potter! reprit t-il avec un accent outragé.
Mais Luna, loin de céder à la colère, répliqua sereinement :
-Si tu le traites de cinglé parce qu'il t'a sauvé la vie, tu as sans doute raison.
Il resta un moment silencieux et un sourire mauvais vint animé ses lèvres minces.
-Loufoca! Oui, c'est comme ça qu'on t'appelle!
Cette fois-ci, elle ne prit pas la peine de répondre, totalement indifférente. Elle avait apprit à être imperméable aux moqueries. Si, en arrivant à Poudlard, sa différence avait fait d'elle une bête curieuse, elle avait néanmoins finit par trouver des amis. C'est d'ailleurs pour eux qu'elle avait accepté d'accueillir Malefoy chez elle. Souvent étrangère à ce qui se passait autour d'elle, Luna n'avait jamais trop prêté attention aux rixes entre Serpentards et Gryffondors. D'ailleurs, elle ne se rappelait pas d'avoir déjà vu Malefoy avant que Harry l'amène, tout sanguinolent , au beau milieu de la nuit. À présent elle comprenait pourquoi les Serpentards avai en t une telle réputation... Merlin que ce Malefoy était désagréable! Il était réveillé depuis deux minutes et il essayait déjà de la provoquer. Elle remonta les couvertures sur lui et il les repoussa rageusement.
-Ne t'approches pas de moi ! Et ne t'avises pas de me toucher! Tu pourrais me salir, depuis le temps que tu fréquentes cette Sang de Bourbe de Granger...
Il tenta de se redresser mais ses membres endoloris lui arrachèrent un cri de souffrance. Luna le força à se recoucher et il était si faible qu'il ne parvint pas à résister.
-Ne me touches pas, espèce de folle! pesta t-il.
Luna poussa un soupir et ses épaules s'affaissèrent, exaspérée.
-Écoutes, que tu le veuilles ou non, Harry t'a sauvé la vie, Hermione a préparé toutes les potions qui t'ont remit sur pieds et je suis chargée de te les administrer. Quand tu seras en état de partir, tu t'en iras et j'en serais ravie mais avant, il faut que tu termines ton traitement. N'essaye pas d'y couper parce que je n'hésiterai pas à te jeter le sortilège de l'imperium.
Il la regarda, partagé entre la crainte et le doute. Luna eut un petit sourire intérieur . Il était évidemment hors de question qu'elle pratique un sortilège impardonnable mais elle se réjouissait qu'il ne la sache pas si intègre. Sans doute pensait t-il qu'elle était assez démente pour exécuter ses menaces et c'était tant mieux.
-Tu croies peut être que je vais remercier Potter? Ou mieux encore, cette vermine répugnante du nom de Granger?
Je ne leur ai rien demandé que je sache! s'écria t-il, révolté.
Une fois de plus, Luna l'ignora, versant quelques gouttes d'une potion blanchâtre dans un verre d'eau qu'elle lui tendit.
-Tu ne t'imagines tout de même pas que je vais te laisser m'empoisonner plus longtemps! s'insurgea t-il.
Elle se passa de mot et planta la pointe de sa baguette sous sa gorge, l’œil sévère. Il obtempéra de mauvaise grâce, les doigts tremblants de colère et d'indignation.
-Dors maintenant.
Elle se leva et se pencha sur la lampe pour souffler la flamme.
-Attends!
Elle se redressa, légèrement décontenancée et le dévisagea, pâle et tendu sur son oreiller.
-Laisses allumé. Imagines un peu que je me lève dans la nuit et que je me casse la figure! Je ne la connais pas par cœur ta bicoque!
Luna tourna les talons juste à temps pour qu'il ne voit pas son sourire amusé. Il avait surtout peur de rester dans le noir! Elle avait à peine refermé la porte entre leurs deux chambres qu'elle l'entendit persifler.
-Quel être insupportable! s'exclama t-elle en retrouvant son lit encore tiède.
Elle s'endormit en se disant qu'il lui faudrait envoyer un hibou à Harry pour le prévenir que Malefoy était revenu à lui. Parallèlement, elle songea que son père serait ravi que son pensionnaire soit enfin réveillé. Depuis le début de cette affaire, il avait témoigné un intérêt déroutant pour l'état de santé de Malefoy. Bien sûr, il ignorait tout de sa personnalité vile et cruelle mais Luna avait préféré lui éviter des inquiétudes inutiles. Ainsi, aux yeux de Xénophilius, Drago Malefoy n'était rien d'autre qu'un élève de Poudlard qui avait besoin de trouver asile et guérison sous son toit.
Drago contempla la lueur frêle de la lampe jusqu'à ce que ses yeux se ferment d'eux-mêmes. Il avait tenté d'échapper à ses cauchemars et quand il y était parvenu, il réalisait qu'il avait été sauvé par son pire ennemi. Pour blesser davantage son orgueil, il apprenait qu'une Sang de Bourbe lui avait concocté des médicophiltres et qu'une azimutée lui servait d'infirmière!
Et dire que durant ses délires entre inconscience et réalité, il avait cru que celle qui se tenait à son chevet était sa mère! Il se sentait honteux. Il n'était pourtant pas totalement fou, elles se ressemblaient . Les cheveux blonds très clairs, le teint laiteux et ce maintien particulier du menton et des épaules... Il chassa ses divagations de son esprit fatigué. Comparer cette folle à sa mère relevait du blasphème! Loufoca était insignifiante. D'ailleurs, il ne se souvenait même pas de son vrai nom, quelle importance?
Ce dont il se souvenait bien malgré lui était ces voix qui résonnaient incessamment dans sa tête. Certaines étaient faibles, indistinctes, des échos de conversations passées, des syllabes dénuées de sens qui ne répondaient à aucune logique de l'entendement. D'autres venaient siffler à son oreille, railleuses, menaçantes, lui rappelant quel était son devoir et la tâche qui lui incombait pour laver le nom des siens du déshonneur. Tout ce brouhaha assourdissant résonnait sur fond de souvenirs nets et effrayants, ramenant à la surface des images dont il aurait souhaité se débarrasser.
Si, mentalement il était actif, il était néanmoins incapable de commander ses mouvements. Il réussissait à ouvrir les yeux de temps à autre, pendant un moment fugitif et parfois, il la voyait à son chevet. Cela lui semblait ridicule à présent qu'il était pleinement conscient mais lors des rares fois où il émergeait de ses cauchemars, il la voyait prés de lui et quand il sombrait à nouveau, il se sentait tranquillisé. Même à l'instant, lorsqu'elle était dans la pièce, il avait ressentit une sensation de sécurité apaisante et déconcertante aussi.
-C'est la meilleure! Je me sens en sécurité auprès d'une désaxée! maugréa t-il en se retournant furieusement dans son lit.
Désaxée ou pas, il n'était pas parvenu à l'énerver ou, si elle l'était, elle n'en avait rien laissé paraître. Même en s'en prenant à ses amis et en l'insultant, elle était restée maîtresse d'elle même. Ce calme l'agaçait. La provocation était l'un de ses petits jeux favoris et d'ordinaire, il était doué pour piquer là où cela faisait mal. D'ordinaire. Loufoca, elle, demeurait superbement indifférente et il avait la désagréable impression que rien de ce qu'il pourrait dire ou faire ne la ferait sortir de ses gonds.
Qu'importe après tout? Il avait d'autres préoccupations. La simple évocation de ce qu'il avait enduré sembla réveiller sa souffrance. Il s'agita frénétiquement sous les draps, finit par enfouir sa tête sou s l'oreiller et ne tarda pas à sombrer dans un sommeil sans rêves.
Luna préparait le petit déjeuner de Malefoy lorsque son père apparut dans la cuisine, étonnamment élégant dans sa robe de sorcier bleu ciel.
-Comment me trouves-tu? demanda t-il en triturant nerveusement la broche dorée qui retenait sa cape au revers de satin.
Elle s'approcha de lui et rajusta sa cravate.
-Tu es très beau.
Il lui colla un baiser sur le front et mit son chapeau haut de forme.
-Pour qui est ce petit déjeuner gargantuesque? s'intrigua t-il en glissant une ravegourde dans sa poche, protection essentielle et quotidienne contre quelques parasites innommables.
-Notre patient est réveillé, l'informa t-elle.
C'était le nom que Mr Weasley avait donné à Malefoy quand il l'avait amené. Adam Milton. Luna trouvait ce pseudonyme ridicule mais elle savait que si son père avait su qu'il hébergeait un Malefoy, il aurait eut quelques réticences.
-C'est merveilleux! s'enthousiasma t-il. Je passerais chez Willoby pour acheter de la rhubarbe et tu nous feras une tarte pour le dessert ce soir! Il doit avoir envie d'une petite douceur après cinq jours de coma!
-Je ne crois pas qu'il soit en état de se lever, fit t-elle, désireuse d'éviter un dîner désastreux entre son père débordant de sollicitude et un Malefoy courroucé.
Il parut contrarié mais n'ajouta rien. Luna l'accompagna sur le palier et le regarda passer le portillon avant de transplaner non sans lui avoir adresser un signe joyeux de la main au préalable. Elle referma la porte et ses yeux se posèrent machinalement sur l'horloge murale dont une des aiguilles tourna pour s'immobiliser sur l'indication « En déplacement ». Sur le cadran, il ne restait plus que deux aiguilles. Il y a seulement deux ans, le visage de sa mère ornait encore l'extrémité d'une aiguille.
Luna retourna à la cuisine et versa distraitement le thé dans une tasse jusqu'à ce qu'elle déborde.
- Tergeo !
Sa baguette absorba le liquide bouillant avant qu'il n'atteigne les toasts et elle s'efforça de garder les idées claires. À chaque fois que son père quittait la maison, elle était rongée par l'angoisse. Harry avait beau lui cacher ce qu'il mijotait avec Dumbledore, elle savait l'essentiel: le Seigneur des Ténèbres de retour, personne n'était plus en sécurité. Surtout pas son père car, depuis l'évasion de nombreux prisonniers à Azkaban et l'épisode du Département des mystères, il n'avait plus mit en doute la parole d'Harry et le Chicaneur était un manifeste criant de ses convictions politiques. Luna craignait que les Mangemorts ne cherchent à le faire taire. S'ils découvraient qu'ils abritaient Drago Malefoy...
-Ça n'arrivera pas, se dit t-elle fermement en montant le plateau à l'étage.
Elle attendit quelques secondes après avoir frappé et entra dans la chambre obscurcie. La lampe à huile brûlait toujours et elle s'aperçut que Malefoy dormait encore. Il était étendu sur le dos, le visage inexpressif, son torse nu et blanc luisant de sueur.
Des odeurs particulières. Celle de la pluie, de la terre humide et des roses, quelque part au dehors, portées par le vent frais qui s'insinuait dans la pièce. Quelqu'un se tenait là, dans cette chambre. Le claquement des volets. Des effluves d'un parfum différent et pourtant étrangement familier. Un mélange de vanille et de quelque chose de sucré.
Drago s'étira péniblement et ouvrit les yeux en sentant le fumet appétissant que le plateau posé prés de lui dégageait. Il se redressa et balaya la pièce du regard. Plus personne. La fenêtre était entrouverte et il vit les nuages gris s'amonceler dans le ciel. De fines gouttes de pluie griffaient la vitre. Il se saisit du plateau et ne prit pas même la peine d'utiliser ses couverts. Il était affamé. C'est seulement après avoir tout dévoré qu'il se hissa hors du lit. Ses membres étaient douloureux et il ne s'étonna pas d'éprouver de la difficulté à marcher. Il passa la main dans ses cheveux et se dirigea vers la fenêtre d'une démarche incertaine. Il l'ouvrit en grand et après quelques secondes d'hésitation, il tendit la main vers l'extérieur et eut un petit sourire en coin lorsque ses doigts heurtèrent une surface dure et invisible. Un sortilège anti-évasion. Elle n'était peut être pas si déséquilibrée...
Il contempla un moment sa main demeurée contre la paroi transparente et sentit une vague de frustration le submerger. Comme il se sentait nu sans sa baguette! Ses yeux se perdirent dans le paysage, survolant le bois qui s'étendait sur quelques hectares en contrebas de la colline où était perchée la maison. Il perçut vaguement le chuintement d'une rivière au loin... L'éclat d'une chevelure blonde attira son attention.
-Tiens, tiens, Loufoca part en vadrouille, murmura t-il en la regardant s'enfoncer dans la forêt.
C'est quand elle eut disparu que l'orage éclata, la pluie, plus violente lui fouetta le visage et il referma la fenêtre, se demandant comment il allait s'y prendre pour s'enfuir avant que Potter ne rapplique. À coup sûr, il allait le cuisiner et privé de baguette, il ne voyait pas comment se défendre. Il regarda la tasse de thé vide d'un œil soupçonneux. Il fallait qu'il fasse attention à ce qu'il buvait. Cette pensée lui sembla stupide. Loufoca aurait eut des centaines d'occasions de le faire parler et elle n'avait rien fait. Elle n'avait peut être pas toute sa tête mais il lui reconnaissait volontiers deux qualités: elle était loyale et intelligente. Soudain, un détail lui revint. Elle appartenait à Serdaigle.
Assise dans l'herbe perlée d'eau de pluie, Luna observait Fierce qui dévorait un morceau de viande d'un œil attendri. Elle savait qu'il était déconseillé de domestiquer un Sombral mais elle n'était pas vraiment responsable. C'était plutôt Fierce qui l'avait domestiqué! L'imposant animal à l'apparence lugubre s'était prit d'affection pour elle et de son côté, elle avait toujours été impressionnée par cette espèce. Elle venait le voir dés qu'elle en avait l'occasion et si elle s'absentait trop longtemps, il se mettait à roder autour de la maison comme une âme en peine.
Luna se leva et épousseta sans grand effet son pantalon maculé de boue et de brindilles. Fierce délaissa son repas et releva la tête pour la toiser tandis qu'elle s'approchait de lui.
-Je dois y aller, lui dit t-elle en caressant sa mâchoire osseuse.
L'animal eut un mouvement de mécontentement et elle s'empressa de le rassurer.
-Je reviendrais dés je le peux.
Fierce poussa un petit cri aigu et s'éloigna entre les troncs sombres. Luna regagna la lisière de la forêt en trottinant. L'averse avait trempé ses vêtements et elle commençait à grelotter. Le temps ne s'était pas amélioré depuis plusieurs jours malgré la saison chaude. Tout ce qu'elle espérait, c'est qu'il ferait beau ce week-end. Elle se figea un moment, consciente que la présence de Malefoy risquait de compliquer davantage l'épreuve qui l'attendait.
Tous les ans, à la Ste Amour, Xénophilius organisait une réunion familiale pour réunir sa belle famille, les Hurricane, et les siens. Cette journée festive était pour Luna une véritable torture émotionnelle. Entre ses cousines sublimes et ses tantes qui la traitaient comme la dernière des crétines, elle avait tendance à perdre l'air. Contrairement à ses cousins et cousines, elle n'avait pas été élevée aux meurs aristocrates et ce genre de déjeuner tiré à quatre épingles la forçait à endosser des manières qui n'étaient en rien les siennes. Elle ne s'apparentait pas plus à ses proches paternels que maternels : elle n'avait pas hérité de l'intelligence extraordinaire des Lovegood, ni même de la beauté des Hurricane qui contait bon nombre de vélanes dans leur ancêtres.
Lorsqu'elle était scolarisée à l'école de Magie pour Jeunes Sorciers Surdoués, elle avait éprouvé quelques difficultés à suivre le programme d'étude. Après la mort de sa mère, Luna avait poussé son père a quitter le village de Monchablond où elle avait grandi pour tirer un trait sur cette perte douloureuse et échapper aux remontrances familiales. Ils avaient donc gagnés l'Angleterre, pays qu'ils avaient maintes fois projeté de visiter auparavant.
Luna esquissa un sourire nostalgique. L'époque du petit village atypique de Monchablond, ses années difficiles à Aiglefin, les récoltes florales dans les champs de Me Brandubois les nuits de la St Jean avec sa mère, tout cela lui semblait si lointain...
En entrant dans la maison, elle entendit le bruit de la douche à l'étage. Malefoy avait trouvé le chemin de la salle de bain. Elle monta dans la chambre de son père, une vaste pièce circulaire qui lui servait également d'atelier et fouilla dans l'armoire à la recherche de vêtements. Elle dénicha une chemise et un pantalon et les emporta. Elle fut heureuse de constater qu'il n'avait pas boudé son petit déjeuner. Elle fit un peu de rangement dans la pièce et ne s'attarda pas. Elle avait envoyé Otus à Harry dés son réveil mais guettait toujours une réponse. Elle s'efforçait de ne pas s'inquiéter. Il devait être occupé, voilà tout et puis il avait dit qu'il viendrait dés qu'il le pourrait, non?
Pour s'occuper les mains et l'esprit, elle entreprit de préparer le déjeuner pourtant, elle était toujours angoissée à l'idée qu'elle devrait garder Malefoy jusque la St Amour. Son père insisterait sans doute aucun pour que “ Adam Milton ” se joigne à eux. Qu'allait t-elle inventer pour expliquer sa présence ici? Ils allaient tous s'imaginer n'importe quoi et elle devrait supporter les commentaires de tout un chacun avec, en prime, la jalousie maladive de Caspard, son cousin par alliance qui ne rêvait que de l'épouser depuis l'enfance.
Non, décidément, cette journée allait déjà être assez pénible! Il fallait qu'elle trouve une parade à l'intrusion de Malefoy. Quitte à lui faire gober des pastilles de gerbes pour qu'il reste cloîtré à l'étage! Cette idée la fit rougir et elle se sermonna mentalement, vivement indignée après coup. Mais nom d'une pipe à eau, pourquoi Harry ne lui envoyait t-il pas Ron ou Hermione? La réponse lui vint instantanément: Ron préférait s'arracher le bras et le manger plutôt que de s'approcher de Malefoy. Quant à Hermione, et bien la simple idée de les réunir dans la même pièce était purement criminelle. Elle en était réduite à attendre.
-Voilà au moins une qualité que je possède, se consola t-elle, un peu dépitée.
Quand Drago sortit de la salle de bain, il su qu'elle était venue, son parfum persistait dans la pièce. Visiblement, elle avait joué les elfes de maison . Il se débarrassa de sa serviette et enfila rapidement les vêtements qu'elle avait posé sur le lit. La chemise était un peu étroite au niveau des épaules mais il n'accorda pas tellement d'importance à ce qu'il avait sur le dos car deux fioles de potions vinrent léviter devant ses yeux ne tardant pas à tapoter son front pour l'inviter à boire. Il donna un coup de main dans les fioles enchantées et elles se fracassèrent sur le parquet.
Il avait beau être totalement réveillé, il avait l'impression que son esprit restait embué et il avait la sensation que son corps s'alourdissait, soumis à un effet de pesanteur exagérément accentué. Il s'étendit sur le lit et tenta de remettre un peu d'ordre dans ses idées. Ses premières pensées cohérentes furent pour sa mère qui, à cette heure devait se ronger les sangs. Il ne savait pas exactement depuis combien de temps il était ici mais il s'imaginait sans peine que cela faisait plusieurs jours étant donné les cicatrices estompées sur sa poitrine et son épaule.
Depuis que son père avait été envoyé à Azkaban, sa mère s'était montré davantage protectrice et elle avait tendance à s'angoisser excessivement. Drago serra les poings involontairement. Pourquoi ne l'avait t-il pas écouté lorsqu'elle l'avait supplié de ne pas succéder à son père dans les rangs du Seigneur des Ténèbres? Parce qu'il était un parfait idiot, alors. Il savait à présent qu'il était trop jeune pour mener ce combat qui, d'ailleurs, ne lui importait pas plus que cela. Il avait offert ses services à Voldemort dans un élan d'orgueil pour redorer le blason des Malefoy terni par l'échec de son père. Ce geste avait été stupide et lui couterait la vie, il le savait. Il s'était vite aperçu qu'il ne serait pas à la hauteur mais lorsqu'il avait voulu revenir sur sa décision, sa tante Bellatrix s'y était opposée. Drago sentit ses cicatrices le picoter. Si jamais il la croisait de nouveau, il lui ferait regretter d'avoir osé lever sa baguette sur lui. Elle et ce Jugson avec qui, il le savait, elle avait une liaison.
Qu'allait t-il faire à présent? Il ne pouvait pas fuir éternellement. Sa mère ferait les frais de sa lâcheté. Il n'avait qu'une seule alternative: suivre les traces de son père, se faire instituer Mangemort et exécuter la tâche qu'il lui réservait. S'exiler dans une petite bourgade incartable à l'étranger avec sa mère était envisageable mais quelle image aurait t-il de lui alors! Et son père, lorsqu'il l'apprendrait... Il serait irrémédiablement déçu et cela, Drago ne pourrait pas le supporter. En considérant tout cela, avait t-il vraiment le choix?
Il se pinça l'arête du nez, les oreilles bourdonnantes, une migraine naissante lui vrillait le crâne. Pourquoi diable Potter l'avait t-il secouru? Il aurait préféré être mort. Oui, il aurait voulu être achevé pour enfin se débarrasser de cette peur transie qui le hantait. La paix, enfin. Un sommeil tranquille loin des tourments de la mort qui étendait son aile sur ce monde si dénué de sens à ses yeux...
La porte du four s'ouvrit et Luna suivit des yeux sa tourte aux épinards qui alla se poser d'elle même sur la table, très satisfaite du résultat. Elle montait les escaliers, plateau en main lorsqu'un bruit sourd l'alerta. Elle accéléra le pas, frappa à la porte de Malefoy. Pas de réponse. Elle entra et quand elle l'aperçu étendu sur le sol, immobile, la panique l'envahit. Elle lâcha le plateau qui tomba avec fracas et se précipita vers lui. Elle le secoua vivement, l'estomac noué par l'angoisse. Il restait inerte. Dans un élan d'affolement elle lui asséna une gifle magistrale et lorsqu'il revint à lui en grimaçant, le regard furieux, un poids énorme s'ôta de ses épaules. Elle était si soulagée qu'elle se laissa aller à sourire tandis que Malefoy la foudroyait du regard.
-Tu as osé me frapper? s'indigna t-il, les yeux flamboyants.
-Tu ne te réveillais pas. J'ai cru...
Mais elle abandonna toute tentative d'explication en apercevant son bras éraflé et les morceaux de verres sur le parquet.
-Tu t'es blessé, constata t-elle.
Il eut un geste vague et se releva en refusant l'appui de Luna. Elle n'insista pas se contentant de désinfecter les fines coupures légèrement enflées à coup de baguette. Il la regarda faire sans piper mot, l'air toujours aussi grognon.
-Tu n'as pas prit tes médicophiltres, n'est ce pas? devina t-elle, un soupçon de reproche dans la voix.
-Et alors? Qu'est ce que tu vas faire, me torturer? persifla t-il.
-C'est de ta santé qu'il s'agit. En faisant l'idiot, tu compromets tes chances de guérison. Tu aurais très bien pu y rester!
En prononçant ces mots, elle sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine.
-Ne me fais pas la morale, d'accord ? s'irrita t-il. Comme si tu en avais quelque chose à foutre que je crève! Tu m'as seulement soigné pour que ce fouille-bouse de Potter puisse me cuisiner. Mais vous avez beau me séquestrer ici, et me faire avaler un baril de Verita Serum, je n'aurais rien à vous dire ! Strictement rien!
Luna sentit son sang affluer jusqu'à ses joues. Ça y est, il était parvenu à l'énerver. Elle ne pu retenir le flot de paroles qui lui montait aux lèvres.
-Je n'ai aucun intérêt à te « séquestrer » et même... En admettant qu'Harry veuille te poser quelques questions, c'est normal non? Il t'a trouvé dans la rue...mourant... Je suppose que ton... Mangemort de père ne te l'a jamais apprit mais c'est naturel de venir en aide aux autres!
Lorsqu'elle vit les yeux du Serpentard s'assombrir, elle eut un mouvement de recul mais il était trop tard. Il la saisit aux poignets avec une telle force qu'elle laissa échapper une exclamation de douleur.
-Je t'interdis de parler de mon père, tu entends? gronda t-il, la mâchoire serrée.
Face à son air menaçant, la fougue de Luna retomba comme un soufflet et elle n'osa plus dire un mot. Il la regardait d'un œil mauvais, le visage plus pâle encore que d'ordinaire, ses doigts toujours crispés autour de ses poignets.
Pour la première fois de sa vie, Luna se sentit envahie par la peur. Elle avait beau se concentrer pour calmer son émotion, elle tremblait comme une feuille, les yeux rivés au regard gris chargé d'orage qui la fixait sans ciller. Elle sentit quelque chose de tiède couler sur sa joue et les traits de Malefoy se détendirent, la colère faisant place à la stupéfaction. Luna profita de sa surprise pour dégager ses mains et quitta la pièce aussi vite que ses jambes flageolantes le lui permettaient.
Elle se réfugia dans le salon, se blottissant dans le fauteuil usé qui meublait un coin anguleux de la pièce surchargée. Elle resta un long moment ainsi, genoux repliés contre sa poitrine, l'esprit vide, les yeux troubles, se balançant machinalement d'avant en arrière pour tenter de se rassurer et calmer son cœur affolé. Elle n'était pas accoutumée à ressentir des émotions si violentes. Il était rare qu'elle se laisse intimider mais c'était un fait, à l'instant, elle avait perdu tous ses moyens et elle était encore bouleversée. Ses yeux se posèrent sur ses poignets rougis et son cœur fit un bond dans sa cage thoracique au simple souvenir de l'accès de rage dont elle venait d'être victime.