Aleksa avait toujours cru être la jeune femme qu’elle semblait être : une fille bien ordinaire faisant son chemin sans déranger qui que ce soit. Mais, cinq ans avant aujourd’hui, elle était subitement devenue quelqu’un d’autre. Un être plus spécial aux yeux des gens platement normaux, au même titre que monsieur et madame tout le monde. Car, il y a cinq ans de cela, elle avait reçu une lettre lui disant qu’elle était invitée à rejoindre les rangs d’une école assez particulière. Un établissement qui n’avait absolument rien à voir avec l'école secondaire de sa ville qu’elle s’attendait à fréquenter après les vacances d’été, quelque part dans son Canada natal.
Cette lettre, à l’enveloppe faite de papier kraft, adressée à son propre nom, l’avait prise par surprise. En plus d’avoir une allure très louche, elle ouvrait sur un grand parchemin tout jauni, écrit à la main de la part d’une certaine Minerva Mcgonagall, directrice adjointe. On lui parlait d'étudier la magie, de dons spéciaux, d’objets tels que chaudrons, grimoires, encre, plumes, etc. Poudlard, là était le nom de cette école aussi étrange que spéciale.
En bonne moldue qu’elle était, ou plutôt, qu’elle croyait être, elle avait éclaté de rire après la lecture de la liste de matériel. Une notice lui indiquait qu’en plus de tout cela, on lui autorisait à amener un chat, un hibou ou encore un crapaud. Non, mais! Quelle école pouvait bien avoir la présence d’esprit d’autoriser à chacun de ses élèves, tout autant qu’ils pouvaient être, d’apporter un animal de compagnie. C’était à croire que l’établissement devait avoir l’air d’un vrai zoo! Comment pouvait-elle croire à autant d’inepties? Elle n’avait peut-être que douze ans, mais elle n’était pas dupe à ce point. Aleksa avait la certitude que ce n’était qu’une blague que lui faisait l’une de ses bonnes vieilles tantes avec la complicité de ses parents pour une raison qui lui était inconnue sur le moment.
Malheureusement, le visage déconfit de ces derniers, juste après la lecture de la lettre, lui avait rapidement indiqué qu’elle faisait fausse route et qu’eux, bien au contraire, y croyaient. Ils lui avaient toujours dit de présumer que la magie existait, mais jusqu’à ce jour, elle avait cru qu’il s’agissait d’une métaphore. Une manière de garder son imagination et sa créativité en éveil, non pas qu’ils puissent être sérieux à ce sujet. Le plus étrange dans tout cela, c’était qu’eux, n’avaient pas eu l’air surpris et pourtant, ils étaient moldus à part entière. Comment auraient-ils pu être au courant de l’existence même de cette école si loin de chez eux dans leur situation?
Du moins, un nouveau mystère pour un millier d’éclaircis. Elle n’avait plus à se demander d’où venaient tous ces évènements bizarres autour d’elle. Des objets qui volent, des bouquins qui partent en fumée et le visage, d’une de ses camarades de classe, qui se recouvre de pustules affreuses après qu’elle l’eut humiliée publiquement. Jamais elle n’avait été punie pour la plupart de ces choses; comment prouver qu’elle en était la responsable? Malgré cela, les gens avaient commencé à se méfier d’elle et à en avoir un peu peur. Comment autant d’évènements étranges pouvaient se produire autour d’une seule et même personne sans qu’on la soupçonne quelque chose de bizarre?
Le lendemain, ce serait jour de rentrée, sa cinquième, et elle se posait plus de questions que jamais. Depuis le début des vacances d’été, ses parents semblaient plus soucieux qu’à l'accoutumée et surtout, ils avaient l’air de lui cacher des choses. Bien entendu, impossible de savoir de quoi il s’agissait. Les parents avaient toujours pour leur dire que les affaires des grands ce n'était pas pour les jeunes demoiselles de quinze ans, fraichement seize maintenant. Et pourtant, elle avait l'étrange impression que leurs inquiétudes avaient un certain rapport avec sa petite personne. Mais comment le prouver et les obliger à cracher le morceau?
Elle avait fini par croire qu’il s’agissait simplement de l’école en elle-même. Il fallait dire que depuis deux ans, ou plutôt depuis l’arrivée de ce jeune « prophète » Potter et de ses amis les fouines à Poudlard, il s’en était passé des choses insolites. La tentative de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom pour revenir au pouvoir par le biais de la pierre philosophale et l’établissement qui avait failli fermer ses portes définitivement l’année dernière alors qu’un monstre vil et inconnu sillonnait les couloirs la nuit, pétrifiant quiconque se trouvant sur son passage. Bien entendu, Saint Potter avait mis fin aux deux problèmes en démasquant les coupables. Arrachant de justesse la pierre des mains du seigneur des ténèbres et tuant la créature qui n’était nul autre qu’un redoutable et gigantesque Basilic. Il avait même sauvé la petite Ginny Weasley, une première année soeur de son meilleur ami, des griffes de l’affreux reptile ainsi que de Voldemort, sous la forme de souvenir matériel, lui-même. Personne n’avait trouvé la mort, mais il s’en était fallu de peu.
Maintenant, la Gazette du sorcier, à laquelle elle était abonnée depuis sa rentrée à Poudlard, leur parlait de l’évasion d’un dangereux prisonnier d’Azkaban la prison des sorciers : un certain Sirius Black. Ses parents, qui craignaient pour sa sécurité, ne comprenaient pas que les jeunes étaient plus en sécurité à l’école, sous la vigilante garde de Dumbledore et ses acolytes, que partout ailleurs. Qui de mieux pour les protéger d’un sorcier malfaisant qu’une harde de sourciers aguerris?
Pour le moment, Aleksa était loin de trembler de peur devant cette fuite. La petite famille était dans l’avion qui allait les mener en grande Bretagne où Aleksa devrait se taper plusieurs heures en train pour gagner l’école. Ils allaient arriver assez tard dans la soirée et prendraient une chambre d’hôtel avant de rejoindre la voie 9 et trois quarts dès le lendemain matin, pour onze heures, comme la jeune femme le faisait depuis sa première année. Ses parents ne l’avaient accompagnée que cette unique fois d'ailleurs. Cette fois-ci, ils voulaient en profiter pour faire un petit voyage d’amoureux en Angleterre. Voilà la raison de leur présence à ses côtés ce jour-là, du moins, la raison qu'ils lui avaient donnés pour se justifier.
Le seul hic, c’était qu’ils semblaient tellement stressés, par elle ne savait trop quoi, qu’ils étaient aussi silencieux qu'une tombe. La tension en était presque palpable. Elle devait se l’avouer; ce n’était pas très joyeux comme voyage. Néanmoins, elle profita de ce moment de lourd silence pour progresser un peu dans la lecture de son manuel de potions avancées. Quelques regards indiscrets se tournaient vers elle et son livre étrange par instant. Deux ou trois passagers semblaient trouver la couverture de ce bouquin un peu singulière et la dévisageaient sans ménagement. Certains frôlant carrément l'impolitesse. La jeune femme les laissa faire sans s’en occuper, elle n’avait que faire de ce qu’ils pouvaient bien penser d’elle et son livre.
Le pilote leur annonça enfin la descente de l’appareil. Elle boucla sa ceinture après le conseil de ce dernier et attendit patiemment que le voyage prenne fin. Elle avait déjà hâte de retrouver son dortoir avec ses draps sentant un peu l’humidité, mais ô combien confortables! Elle se mourrait surtout de hâte de reprendre possession de Mikko, son très mignon furet, embarquer dans le Poudlard express et être débarrassée de l’ambiance morose qu’apportait la compagnie de ses parents.
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