C’est une soirée qui avait pourtant bien commencé. Absolument rien n’indiquait qu’aujourd’hui, tant de personnes perdraient la vie. Et pourtant, l‘horreur est juste là, à portée de mains. L’enfer déchire le ciel écossais. La mort rampe dans les couloirs du château, la désolation s’abat sur le parc. Les habitants hurlent et tombent. Implacablement. Irrémédiablement. Voldemort a lancé l’assaut sur Poudlard, et rien d’autre ne saurait l’arrêter que la destruction complète du château et la soumission totale de ses occupants.

Dans une salle de classe du dixième étage, deux adolescents pleurent, enlacés sur le sol brûlant. Ils sont effrayés. Derrière la porte, rien d’autre que le silence ; le seul bruit qui leur parvienne, c‘est celui du feu qui dévore toujours un peu plus les murs qui les entourent. Le jeune homme regarde sa petite amie, les yeux humides, et il sent sa gorge qui se serre encore davantage. Il voit les flammes se refléter dans ses larmes, elles dansent sur sa peau, et alors il comprend que c’est bientôt la fin et qu’il ne servirait à rien de prétendre que tout va bien.

Il caresse ses cheveux, il embrasse ses paupières, et il lui murmure qu’il l’aime. Il aimerait pouvoir lui dire qu’elle n’a pas à avoir peur, que tout se passera bien, mais lui-même sait que c’est faux. Dans leurs derniers instants ensemble, il ne peut se résoudre à lui mentir. Il ne fait que la serrer un peu plus fort contre lui. Il sent le cœur de sa petite amie battre plus fort que jamais, et il sent le sien l’imiter. Il se rend compte que si les flammes ne le tuent pas, alors c’est son propre cœur qui le fera.

Il ne veut pas mourir. Il est trop jeune. Il a trop de choses à vivre, trop de choses à donner, trop de choses à recevoir. Il desserre ses bras et se relève. Il va devenir fou. Il crie. Il hurle qu’il a peur, qu’il ne veut pas mourir, pas maintenant, pas comme ça, avec elle, si proche et pourtant si loin, parce qu’elle a elle aussi déjà posé un pied dans la mort.

La fumée commence à envahir la pièce. Il la sent brûler ses poumons, déchirer ses entrailles, mordre encore un peu plus dans son énergie. Sa petite-amie se lève à son tour. Elle pleure plus que jamais, et il sait qu’elle aussi suffoque. Et il la voit regarder les fenêtres de la pièce. Il la voit s’en approcher, à la fois craintive et, étrangement, déterminée. Alors elle brise la vitre, et il y a du sang sur ses mains et sur sa jupe. Puis le vent, la lune, et, enfin, à nouveau de l’air frais dans ses poumons. Elle se tourne vers lui, un sourire triste sur les lèvres. Et elle tend les bras vers lui. Elle l’invite à venir respirer avec elle. Elle l’invite à respirer de l’air pur, à respirer le peu de temps qu’il leur rester, à respirer tout l’amour qu’elle a pour lui.

Alors il prend sa main, et elle est douce dans la sienne. La dernière bulle d’amour à laquelle il goutera. Il ferme les yeux, et il pense à sa famille, sa mère, son père, sa petite sœur. Il pense au vide qu’il laissera derrière lui, et il trouve ça horriblement injuste. Il n’a jamais eu d’ennui. Tout au long de l’année, il a fait profil bas. Il a admiré en secret ceux qui se rebellaient contre les Carrow, mais il n’avait ni assez de force ni assez de courage pour les imiter. Et pourtant, il est de ceux qui mourront ce soir.

Il sent le vide dans sa main et il rouvre les yeux. Elle l’a lâché, et il la voit se pencher vers le vide. Elle se tourne vers lui, noyée dans ses larmes. Elle lui dit quelque chose d’insensé. Elle ne veut pas attendre la mort ici. Ils sont au dixième étage, alors quoi qu’il arrive, elle en mourra surement aussi. Mais elle préfère ça. Aller au devant de la mort. Courageusement. L’attente est trop pénible, et elle sait que personne ne viendra les aider. Et elle lui sourit. Lui demande de venir avec elle. Il refuse. Il ne peut pas. Le suicide est contraire à ses principes à ceux de ses parents. Mais elle lui explique que ce n’est pas un suicide. Qu’il va « mourir à la guerre » quoi qu’il arrive, et qu’il se respecte trop pour s’infliger une mort douloureusement longue. Qu’il respecte trop sa famille pour qu’ils se répètent jusqu’à la fin qu’il est mort brûlé vif. Et surtout, elle lui rappelle qu’ils seront toujours ensemble, quoi qu’il arrive.

Alors il ferme les yeux. Il se dit qu’il pourrait être surpris s’il le faisait. Il pourrait tout aussi bien tomber dans un nouveau monde, et y construire une nouvelle maison avec elle. Alors silencieusement, il hoche la tête, et il sent les mains de sa petite-amie se glisser dans les siennes, ses lèvres se poser contre les siennes. C’est leur dernier baiser, il le sait. Mais étrangement, c’est surement le plus beau qu’ils n’aient jamais échangé.

Leurs bouches se séparent, et la sienne murmure qu’il a peur. Elle ne répond pas. Pas tout de suite. Elle monte sur le rebord de la fenêtre, et lui tend la main. Il la rejoint, tremblant. Elle caresse sa joue, et elle lui murmure :