- Un -
La musique s'arrête et les gens cessent de danser quand résonne le premier des coups de minuit. Des murmures commencent à se faire entendre tandis que je lâche la taille d'Hermione mais que je garde sa main dans la mienne. Mes yeux se posent sur les deux seules personnes qui dansent encore. Je ne vois pas son visage, mais je reconnais sa robe. Elle est jolie, cette robe. Elle lui va à ravir, à ma Rose. Ma petite fille, dans sa robe de bal, qui tournoie dans les bras d'un garçon.
- Deux -
Je ressens un horrible pincement au cœur. Elle tournoie encore, sa belle robe rouge l'enveloppe délicatement, comme si elle était le plus précieux des bijoux. Elle est sans nul doute mon bijou à moi. Si jeune, si douce, si belle, si désirable par les autres hommes. Je les connais, je sais ce qu'ils pensent quand ils la regardent. Ils me dégoutent. Elle a beau avoir dix-huit ans, elle reste encore mon bébé. Ma petite Rose qui ne sera jamais assez grande pour que je la laisse quitter le nid.
- Trois -
Enfin leurs pas s'arrêtent. Ils viennent de comprendre que le décompte vers la nouvelle année a commencé et que le reste de la salle a cessé de danser. Elle presse sa main dans la sienne et lui adresse un sourire éclatant, et je crois que je suis jaloux. Jaloux de me dire que ça y est, c'est arrivé, et qu'elle aime. Elle aime, un autre homme fait son entrée dans sa vie, dans son cœur, dans sa tête. Exit, le vieux papa, et bonjour à la fougue du premier amour. Elle me remplace.
- Quatre -
Ça fait mal, comprendre que je ne lui suis plus indispensable, parce qu'elle ne quittera jamais mon cœur. Il y aura toujours un coin de mon âme pour elle si elle en a besoin, si elle en a envie. Si elle a froid alors je la réchaufferai. Si elle pleure alors je sècherai ses larmes. Si elle est seule alors je serai là. Parce que c'est à ça que servent les papas. Et je suis un bon papa. Parce que je les aime, mes enfants. Je l'aime, ma jolie Rosie.
- Cinq -
J'aime son sourire, si semblable à celui de sa mère, la femme que j'aime de toute mon âme. J'aime ses yeux, si semblables aux miens et à ceux de ma mère, la femme qui a tant compté pour moi. J'aime ses cheveux, d'un roux foncé, parfait mélange d'Hermione et moi. J'aime ses caprices, son agacement lorsqu'on lui parle au réveil, ses idées politiques légèrement farfelues, ses chamailleries avec son frère, sa capacité à me faire sourire quand je suis énervé, sa patience avec moi, sa façon de me dire "papa" quand je la serre contre moi.
- Six -
Mais aujourd'hui ce n'est plus moi qui la serre dans mes bras. C'est un autre homme. Un homme qu'elle aime. A qui elle sourit, avec qui elle rit, avec qui elle va vouloir construire une vie, je le sais. J'ai été comme elle. J'ai été comme lui. Je me souviens comme j'ai voulu Hermione, et je sais qu'il ressent la même chose. Mais il n'a pas le droit. Pas maintenant, pas comme ça. Je veux garder ma fille pour moi. Le temps passe si vite. Hier encore elle était toute petite sur mes genoux, et aujourd'hui elle s'apprête à quitter mon nid.
- Sept -
En juin elle quittera Poudlard, bardée des meilleurs résultats possibles aux ASPICs. Je le sais, je la connais. Elle entrera de plein pied dans la vie active, dans le monde extérieur. J'ai beau m'être battu pour que cette vie dans laquelle elle évoluera soit belle, je sais qu'au fond, tout est dangereux. Les gens sont mauvais, leurs intentions violentes, leurs désirs maléfiques, et je n'ai pas envie qu'elle souffre. Elle est bien trop précieuse pour que je l'accepte, que je le tolère.
- Huit -
Elle lui sourit et je sens la main d'Hermione serrer la mienne un peu plus fort. Je sais qu'elle sait ce que je ressens. Je ne sais pas si elle éprouve les mêmes choses que moi à voir notre enfant partir, mais je sais qu'elle sait que moi, je les éprouve. Je me rends compte que son père a dû les éprouver avant moi, et je ne comprends pas qu'il ait toujours été aimable avec moi. Parce que j'ai très certainement envie d'en découdre avec Scorpius Malfoy. On dirait qu'il est perdu dans les yeux de Rose, dans les yeux de ma fille, c'est pathétique.
- Neuf -
Et voilà qu'elle pose les lèvres qui ont si souvent embrassé mon front et mes joues sur les lèvres de Scorpius. Je les vois fermer les yeux tandis qu'autour de nous le bruit de l'horloge continue à égrainer les secondes qui nous séparent de la nouvelle année. Mon cœur se serre. Je tremble pour elle. Elle a l'air heureuse, et j'ai peur qu'à trop vouloir toucher le soleil elle ne fasse que se brûler les ailes.
- Dix -
Leur baiser se prolonge, et la main d'Hermione me serre encore plus fort. Je sens ses lèvres se poser sur mon cou et je soupire. Je sais ce qu'elle cherche à me dire, que nous aussi, nous avons été jeunes et amoureux, que nous aussi, nous en sommes passés par là, et que nous avons réussi à construire quelque chose de beau, sans jamais nous laisser manger par le monde extérieur. Mais c'est différent. Rose n'a jamais eu à affronter tout ce que nous avons pu subir, et elle n'est pas préparée. Pas encore, pas maintenant.
- Onze -
Rose se détache de Scorpius, et je la vois tourner son visage vers moi. Elle sourit. Ses yeux brillent, et elle nous envoie un baiser volant, à sa mère et à moi. Bien malgré moi, je l'attrape, et je le pose sur mon cœur, comme je le faisais quand elle était bébé. Elle me sourit de plus belle, elle joint son pouce et son index en un cercle. Elle me dit que tout ira bien. J'ai du mal à le croire, mais elle me sourit encore, et en cet instant, elle ressemble tant à Hermione, invincible, que je me dis qu'elle a peut-être raison.
- Douze -
Et puis, à près tout... Rose est intelligente, au moins autant que sa mère. Elle est courageuse, elle me l'a assez prouvé sur le terrain de Quidditch. Elle est forte, et son cousin James en sait quelque chose, elle est la seule qu'il n'ait jamais fait pleurer. Elle est vive, et douce, et bonne, et tendre. Peut-être qu'elle s'en sortira. Et quand je m'empare des lèvres d'Hermione, je me dis que de toute façon, je ne serai jamais loin de ma fille, dusse-t-elle avoir besoin de moi.