Cette histoire est une traduction, mais son auteur originale a exprimé le désir de rester anonyme.
Si vous appréciez ce texte, vous pourrez néanmoins retrouver son style dans une autre de mes traductions : Comme si la guerre n'avait pas eu lieu.
J'avais déjà écrit un Ron/Pansy moi-même une fois, et c'est un pairing pour lequel j'ai une grande tendresse.
Le texte fait 11 000 mots et je le coupe en deux parties. Je publierai la suivante bientôt.
J'espère que cette histoire vous plaira autant qu'elle m'a plu.
Bonne lecture !
Qu’est-ce qu’il foutait là, bordel ? Est-ce que Hermione était devenue zinzin ? Le type à côté de lui en était à sa quatrième clope – et cela ne faisait que dix minutes qu’il était là – et la bonne femme de l’autre côté sentait le chat mort. Les chats morts, disons. Bon sang, elle puait, et en plus elle arrêtait pas d’éternuer dans sa direction. S’il ne chopait pas une pneumonie comme ça, ça serait un sacré miracle. Il lui fallait un verre.
« Bienvenue mes amis. Commençons par les présentations, d’accord ? Mon nom est David, et je suis alcoolique… »
Ron sursauta comme si quelqu’un lui avait lancé un sort. Pas que… Mais le dire comme ça, devant tous ces inconnus…
« Je m’appelle Hortense, et je suis alcoolique… »
Quand ils furent arrivés à la moitié du cercle, Ron commença à paniquer. D’abord, ce n’était pas vrai. Ouais, il aimait bien sa pinte de temps en temps, peut-être plus que de temps en temps, mais ce n’était pas comme s’il ne pouvait pas le contrôler s’il en avait envie. Absolument. Okay, peut-être qu’il était temps de mettre la pédale douce. Il en parlait depuis un moment…
« Mon nom est Edmund, et je suis alcoolique… »
C’est juste que parfois, le boulot le bouffait ; être un Auror, c’était pas exactement une partie de plaisir. Et puis il y avait toutes les petites choses. Les rendez-vous chez le docteur, le dentiste, Hugo qui bousillait une paire de baskets toutes les cinq semaines environ, Rose qui voulait un bouquin, et Hermione absente juste la semaine où il devait absolument se déplacer pour son boulot. C’était plus facile maintenant que les gosses étaient à Poudlard, mais quand même.
Et puis il y avait les cauchemars. Il suffisait d’un enterrement, ou d’une stupide cérémonie de commémoration ou d’un bal de charité ou, au final, de n’importe quoi, et dès qu’il fermait les yeux il se retrouvait au Département des Mystères. Sauf que dans ses rêves, ils ne survivaient pas. D’abord, Harry se faisait tuer, puis Hermione, et lui était immobilisé par un Stupéfix ou quelque chose, et tout ce qu’il pouvait faire était rester étendu là, à les regarder être torturés et tués, à écouter leurs cris. Comme entendre Hermione à travers le plafond au Manoir Malefoy. Ces rêves possédaient de nombreuses combinaisons, mais il y avait toujours une constante : tout ce qui arrivait était sa faute. Il n’était pas assez rapide, pas assez intelligent, pas assez tout.
Il n’y avait rien de tel que se réveiller le matin et se dire qu’on était un bon-à-rien. Ce sentiment de mais-pourquoi-se-faire-chier-à-se-brosser-les-dents. Pas que ce soit une excuse valable, comme Hermione le soulignait – de façon répétée. Harry avait souffert plus qu’eux tous mis ensemble, et il ne passait pas chaque nuit au pub, si ? Là-dessus, elle ajoutait qu’elle aussi avait des cauchemars à l’occasion, et c’était pas pour ça qu’elle se mettait à boire.
Bien sûr que non.
« Mon nom est Geoff, et je suis alcoolique. »
Elle prétendait le contraire, mais Ron était persuadé qu’elle en avait parlé à sa mère, parce qu’elle avait commencé à le titiller sur le sujet elle aussi. Ils allaient chez ses parents pour le repas dominical obligatoire, ils s’asseyaient, commençaient à se servir, il demandait du vin, et sa mère fronçait les sourcils et hésitait l’espace d’une fraction de seconde avant de le lui passer. Comme si c’était du poison ou quelque chose comme ça. Hermione comptait ses verres – il la sentait frémir intérieurement à chaque fois qu’il portait la boisson à sa bouche – et Harry poussait le jus de citrouille dans sa direction. Bon sang, ils pouvaient pas juste lui ficher la paix ?
« Je m’appelle Sarah et je suis alcoolique… »
Pour faire empirer le tout, Harry et Hermione commençaient à s’allier contre lui. La semaine dernière, juste après qu’ils aient éteint les lumières, Hermione l’avait supplié de se faire « aider » pour son problème d’alcool. Aider ? Ca voulait dire quoi, ça, bordel ? Pas d’humeur pour une dispute, il avait juste dit : « Ok, je le ferai ». Au travail, le lendemain matin, à peine était-il assis que Harry avait frappé à sa porte, s’était perché sur le coin de son bureau, avait joué avec ses cheveux pendant quelques minutes, avait glissé un flyer dans la main de Ron et marmonné :
« Ron, tu sais que… il faut que… Toi et l’alcool c’est… Tu iras à la réunion ? On, je veux dire Hermione et moi… »
Devant le visage incrédule de Ron, Harry avait tendu la main. Ron l’avait serrée, plus parce qu’il le fallait que quoi que ce soit d’autre, et Harry lui avait lancé un enthousiaste : « Super ! » avant de s’enfuir.
Admettons, il y avait eu quelques matins depuis les six derniers mois, ok peut-être depuis un an – deux ? – où il avait été en retard au boulot parce qu’il s’était torché la veille, quelques tournées de trop au pub. Mais il avait rattrapé ses putains d’heures, non ? Bon sang, il avait pas droit à une matinée de sommeil une fois de temps en temps ?
Ron n’avait pas remarqué que c’était son tour. Il ouvrit la bouche pour parler, pour protester, peut-être même pour leur dire d’aller se faire foutre. Il referma la bouche, se leva, et partit sans un mot.
« Ecoute, Ron. Tu veux zapper celui-ci ?
— Non, je veux pas zapper celui-ci. Je vais bien, rétorqua-t-il. »
C’était juste un raid comme un autre. Ça serait pas un problème. Putain, il avait mal au crâne. Deux gorgées de potion anti-gueule de bois lui avaient permis de se sortir du lit, c'est-à-dire de se tenir sur ses pieds et d’arriver à marcher, mais c’était à peu près tout. Même ses cils lui faisaient mal. Le dernier Black and Tan, moitié Guiness, moitié blonde, n’avait pas été une bonne idée.
Harry l’observa quelques secondes avant de hocher la tête.
« Ok. Les dernières rumeurs prétendent qu’il y existe une nouvelle version du Stupéfix, diabolique, qui bloque les poumons de la victime. Le contre-sort habituel fonctionne toujours, mais il faut le jeter immédiatement ou la personne suffoquera. »
Ron laissa ses pieds le guider jusque dans la pièce. Refusant de lever les yeux ou de saluer quiconque, il prit la première chaise devant laquelle il n’y avait pas de jambes. Il resta assis pendant ce qu’il savait être l’habituelle litanie des présentations, laissant son tour se rapprocher de plus en plus. Finalement, ce fut à lui. Il pouvait agiter la main pour indiquer que, non, il n’était pas prêt, mais sérieusement ? On n’en était plus là.
Les yeux fermés et de la plus petite voix possible, il dit :
« Mon nom est Ron et je suis alcoolique. Je me disais à moi-même que l’alcool c’était mon problème et celui de personne d’autre mais, heu, j’ai merdé et j’ai presque tué mon patron et meilleur ami parce que j’avais une gueule de bois. Ma magie ne fonctionnait plus et je ne pouvais pas jeter le sort dont j’avais besoin. Alors ouais. Je suppose que je me racontais des salades. »
Terrifié n’était pas un mot suffisant. Ron Weasley avait fait face à Voldemort, avait combattu en duel contre Lucius Malefoy et Bellatrix Lestrange, avait dit à sa mère que Fred n’avait pas survécu à la bataille, et avait passé les vingt dernières années à être un Auror. Tout cela n’était rien comparé à lever la tête et ouvrir les yeux pour faire face au groupe qui se trouvait dans la salle. Ces gens savaient qu’il était un Auror, savaient que son « patron » et « meilleur ami » était Harry Potter. Le monde sorcier était petit, et il s’était fait connaître avec son rôle dans la guerre. Juste une fraction de la gloire que Harry avait eue, mais sa photo avait été assez souvent en première page de la Gazette ces dernières années. Il releva les yeux. Pansy Parkinson le regardait. Elle tira une bouffée sur sa cigarette.
« Tu viens ici souvent ?
— Plutôt. C’est bâti d’après la version moldue des Alcooliques Anonymes, mais vu que les sorciers ne croient pas en Dieu ou en un pouvoir supérieur, on a fait en sorte que ce soit plus orienté vers la communauté. On n’a pas douze étapes, juste huit. L’idée c’est plus de faire attention les uns aux autres et admettre pourquoi on boit. Faire face à nos démons et toutes ces conneries. Apprendre à se pardonner.
— J’ai reçu un Ordre de Merlin. Première classe, appuya-t-il. Je n’ai pas besoin de me pardonner quoi que ce soit. »
Elle leva les yeux au ciel.
« Essaye encore. Voilà le deal. Je me suis portée volontaire pour être ta tutrice. »
Elle lui jeta un regard noir.
« Tu as un problème avec ça ? demanda-t-elle. »
Il haussa les épaules parce que plus rien n’avait vraiment d’importance désormais. Alors que son meilleur ami était en train de mourir en s’étouffant, tout ce qu’il avait pu faire était appeler à l’aide parce que sa magie était tellement pourrie qu’il n’aurait pas pu faire apparaitre une putain de cuillère à café s’il avait essayé. Et pour combler le tout, c’était ce connard de Smith qui avait sauvé Harry, il avait déboulé en entendant les cris de Ron et avait jeté le contre-sort. Une fois de retour au Ministère, Ron avait envoyé un mémo à Harry pour faire la demande d’un emploi de bureau, ce qu’il haïssait, mais vu que comme son premier geste le matin était de plus en plus souvent d’attraper la potion anti-gueule de bois, il ne pouvait pas continuer à participer à des raids la conscience tranquille s’il n’était même plus capable de jeter des sorts basiques.
Elle continua à le regarder d’un air menaçant jusqu’à ce qu’il hausse à nouveau les épaules sur un :
« Nan, c’est bon. »
Bon sang, quelle garce.
« Bien, dit-elle. Rappelle-toi de…
— Tu as un tuteur ?
— Kingsley Shacklebolt. Comme je disais – elle lui jeta encore un regard mauvais – rappelle-toi de l’esprit de communauté. Tu m’appelles tous les matins à sept heures. Ça s’appelle la vérification. »
Elle lui passa un téléphone portable.
« Tu ne m’appelles pas, je transplane chez toi et je te fais bouffer ce putain de portable. Pigé ?
— Pourquoi j’ai besoin d’un téléphone ? C’est vachement moldu je trouve. Pourquoi pas des hiboux ? marmonnat-il. »
Elle souffla, et ses épaules se soulevèrent pour retomber brusquement, ce qui sous-entendait clairement qu’il était totalement abruti.
« Donc, c’est moldu, juste comme le concept des étapes. L’alcoolisme, c’est pareil pour tout le monde, nom de Dieu, Weasley. On fait comme ça parce que ça marche. Parce que parfois, tu peux tenir juste une minute de plus, et le temps qu’il faut pour que ton hibou me parvienne ? Tu peux te descendre deux bières. »
Elle le regarda de haut en bas. Il avait une petite bedaine de buveur de bière.
« Toi ? Peut-être trois. Je me fous de ce qui se passe dans ta vie. Tu m’appelles. Après trois mois, si je pense que…
— Si tu penses.
— Tu n’es pas en position de décider de quoi que ce soit. Si je pense que tu fais des progrès, alors on descend à une fois tous les deux jours. Et tu viens aux réunions. Tous les jours. Je dis bien tous les jours. Tu t’assois et tu écoutes les autres dire « j’ai passé une journée de plus sans boire ». Tu profites de cette victoire en faisant partager ta propre victoire.
— Tous les jours ? Bon sang ! »
Ça ne marcherait pas. C’était comme une prison de la sobriété.
« Tu buvais tous les jours, non ?
— Pas tous les jours, protesta-t-il.
— Certaines personnes ne boivent pas tous les jours. Ils fonctionnent par périodes. Ok pendant deux semaines et ensuite raide-morts pour trois jours. Et puis le cycle recommence. Quel genre d’alcoolo tu es, Weasley ? »
Il se raidit. A cause de l’usage du présent. Parce qu’il n’était pas un alcoolo. Il aimait juste bien boire. Et ouais, dernièrement, il s’était retrouvé au pub un peu trop souvent, peut-être la plupart des soirs, mais il aimait jouer aux fléchettes et parler Quidditch…
En réponse à ses sourcils levés il marmonna :
« Tous les jours.
— Ok. Dis-toi que tu rembourses. Il est temps de déboire chaque jour. Je me tapais ma bouteille par jour. »
Elle posa sa main sur la sienne. Sa paume couvrait à peine ses phalanges. Elle avait été petite et menue à onze ans, et elle était restée petite et relativement menue. A la rentrée après leur cinquième année, elle n’était pas revenue plus grande, mais elle avait désormais des hanches, une taille formée, et ce qu’il fallait de nichons. Ron devait admettre que s’il ne l’avait pas connue, elle l’aurait physiquement attiré – mais même les seins les plus parfaits du monde ne pouvaient compenser cette personnalité. L’âge avait ajouté un peu de poids, mais il aimait les femmes qui avaient des formes. Quand elle était à Poudlard, Parkinson s’était toujours baladée avec la moitié des boutons de sa chemise ouverts, exposant son décolleté comme si c’était jour moins un avant l’apocalypse. Maintenant elle était aussi conservative qu’Hermione dans son pull en laine et sa jupe en tweed. Même comme ça, tout le tweed du monde ne pouvait pas cacher chez elle quelque chose de sexy d’une façon solide, adulte. Si elle ne se privait pas de pudding, d’ici dix ans elle serait bien ronde et aurait encore plus de courbes. Un peu comme sa mère. Mais ses mains étaient toujours petites et délicates. Elle enroula ses doigts autour de ses mains et serra fort. Qu’est-ce que… ? Il baissa les yeux et vit que le dos de sa main était recouvert d’une gigantesque cicatrice. Elle en traversait l’entière longueur et disparaissait sous la manche de son pull. Comment avait-il pu manquer ça ? Sa mâchoire se décrocha avant qu’il ne referme vivement la bouche.
« Je sais. Tu n’es pas un alcoolo. Tu aimes juste prendre un verre de temps en temps. Les gens ne comprennent rien. C’est juste histoire d’aller au pub et voir les potes. Cette cicatrice remonte tout le long de mon bras et couvre une partie de mon dos. J’ai touché le fond il y a cinq ans. Je me suis écroulée devant la télé avec une cigarette dans la main. Mon gosse de dix ans est arrivé en courant dans le salon quand il a entendu mes cris et il m’a vue en feu. Non, Weasley, j’étais pas une alcoolo. J’aimais juste prendre un verre de temps en temps. Genre toutes les nuits. Les gens comprenaient pas. J’aimais bien me boire une bouteille – ou trois – avec mon repas. Mon fils a été assez intelligent pour me frapper avec un oreiller et étouffer les flammes sur moi, mais le feu s’était déjà étendu aux meubles et avait presque détruit la moitié de la maison. Je nous ai fait sortir tous les trois, mais c’était pas loin. Je ne pouvais pas transplaner car la liche avait niqué ma magie. J’ai eu de la chance ; j’ai pas perdu mes gosses. Tu as eu de la chance ; Potter n’est pas mort. Certains réveils sont plus brutaux que d’autres. »
Ron ne trouva rien d’autre à faire que hocher la tête. Elle lâcha sa main, réclama davantage de café au serveur, et alluma une cigarette.
« J’aimerais pouvoir arrêter ça aussi. »
Elle tira une grande bouffée et expira la fumée dans un soupir satisfait. Il s’efforça avec beaucoup de détermination de ne pas regarder le dos de sa main quand elle la releva pour prendre une autre bouffée.
« Un vice à la fois. La sobriété me prend toute mon énergie. »
Ça ne s’améliorait pas ? Ça ne s’en allait pas ? Vous tiriez votre temps, vous alliez aux réunions, vous buviez du jus de citrouille et, apparemment, du café, jusqu’à carrément vous noyer dans tous les liquides sauf celui que vous vouliez ? Pour toujours ?
Son désespoir dut se voir sur son visage car elle lui fit un petit sourire.
« Tu seras toujours alcoolique, Weasley, mais tu peux arrêter d’être un alcoolo. Maintenant, si tu sens que tu ne peux pas tenir une seconde de plus sans un verre, tu m’appelles. J’arrête tout ce que je fais, et je transplane là où tu es. Tu ne prendras plus une goutte si j’ai mon mot à dire. »
Elle pointa sa cigarette dans sa direction.
« S’il le faut, je te balancerai un Stupéfix. »
Une chose pour laquelle il était reconnaissant, c’est qu’il n’avait pas à faire semblant avec Parkinson. Ce qui lui fit réaliser que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas été honnête avec Hermione.
Il disait ce qu’il pensait, il se moquait bien de heurter ses sentiments. Non, ce n’était pas exactement ça. Il n’était pas en train d’essayer de heurter ses sentiments, c’est juste qu’il pouvait parler sans s’inquiéter de ne pas dire ce qu’il fallait.
Comme ce matin, quelques semaines auparavant, où il avait été en retard pour son coup de fil du matin. Elle avait appelé et commencé à lui gueuler dessus, y allant vraiment fort, jusqu’à ce qu’il se mette à hurler en retour :
« Espèce de vieille conne, tu vas la fermer ? J’ai cinq minutes de retard parce que je me suis coupé en me rasant. Je suis pas en train de m’en descendre un. J’essaie de me jeter un sort cicatrisant et je suis nul en sorts cicatrisants et on dirait que j’ai juste fait le contraire et je suis en train de pisser le sang dans la salle de bain. Okay ? »
Et au lieu d’être chiante, elle s’était mise à rire.
« Mon Dieu, être une petite souris et pouvoir voir ça… »
Et elle avait raccroché.
Elle le retrouvait chaque jour après le travail pour les réunions. Quand Hermione était absente, ils dînaient ensemble dans une quelconque brasserie moldue et s’asseyaient autour d’un déca jusqu’à ce qu’il soit tellement crevé que tout ce qu’il ait envie de faire soit de transplaner chez lui et s’écrouler dans son lit. Pour la première fois, il commença à être honnête avec lui-même sur son problème d’alcool parce que quand il lui disait quelque chose, elle avait toujours une histoire similaire ou, au moins, comprenait. Elle n’était pas dégoûtée ou horrifiée et ne l’appelait pas « Ronald » sur ce ton.
Il lui raconta comment quand il buvait il ne se sentait plus le dernier maillon de la chaîne. Il savait que ses parents l’aimaient, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander si sa mère l’aurait autant pleuré qu’elle avait pleuré – continuait à pleurer – Fred. Combien il aimait Harry ; qui n’aimait pas Harry ? Il était un ami génial, un patron équitable, et un mari formidable pour Ginny. Mais quand Harry était dans une pièce, c’était comme si Harry était la seule personne dans cette pièce. Et si Harry n’était pas dans la pièce, c’était Hermione. Il était soit le meilleur ami d’Harry Potter, soit le mari d’Hermione Granger. Quand il buvait, il se sentait être Ron Weasley. Il se retrouvait à lui dire des choses qu’il n’avait jamais avouées, même à lui-même. Si quelqu’un lui avait dit, six mois auparavant, qu’il deviendrait ami avec Pansy Parkinson, il se serait écroulé de rire.
Amis ou pas, elle ne lui faisait pas de cadeaux. Jamais.
Trois semaines après le début de sa sobriété ils étaient assis dans un café, à finir une pizza pas terrible, et elle lui avait dit :
« Laisse tomber, Weasley. Arrête d’essayer de me faire du charme. Je suis ta tutrice et je compte le rester. Tu ne feras pas de moi ta pote de beuverie. »
Ce qui était exactement ce qu’il avait été en train de tenter car il devenait dingue. Compter les secondes jusqu’à la fin de la journée de boulot. Compter les secondes jusqu’à ce que Parkinson le rejoigne à l’extérieur du Ministère. Compter les secondes jusqu’à la fin de la réunion pour qu’il puisse soit transplaner chez lui soit aller manger un morceau dans un café. Sa vie maintenant c’était juste passer d’un bloc de temps à un autre, à se concentrer uniquement sur ce qu’il avait à faire, parce que s’il n’était pas obsédé par ce mémo à finir, mettre un pied devant l’autre, ou tailler cette haie carrément à ras, il serait en train de boire.
Il voulait un verre si fort que ses lèvres étaient gercées à force de passer sa langue dessus, sachant que c’était complètement stupide, mais se disant, espérant à mort qu’au prochain coup de langue il aurait juste un peu le goût de l’alcool.
Ron avait un charme brut sur lequel il avait travaillé ces derniers jours. Parkinson était une garce, pas de doute là-dessus, mais elle avait un mordant qu’il appréciait, et il aurait parié qu’elle était explosive une fois partie. Il y avait un pub qui avait l’air sympa pas loin de la salle de réunion. Peut-être qu’ils pourraient y prendre juste un verre. Quel mal ça ferait ?
« Ça nous mettrait minable à un point que tu aurais du mal à imaginer. Je sais que tu es dans une mauvaise passe. Les premiers mois sont vraiment durs. »
La sympathie dans sa voix le fit grimacer. Elle releva la manche de son pull.
« Ironique, non ? J’ai jamais eu la Marque, et pourtant, voilà que j’ai une marque à moi. Chaque fois que j’entends quelqu’un ouvrir une bouteille de vin, mes lèvres frémissent. Alors je remonte ma manche. Regarde, Weasley. C’est ça, la raison. Un verre deviendrait deux, et puis trois, et avant que tu t’en rendes compte on serait tellement faits qu’on se pisserait dessus parce qu’on serait trop bourrés pour atteindre les chiottes. »
Il hocha la tête et vida son café parce qu’il fallait qu’il boive quelque chose ou il deviendrait taré.
« Pourquoi tu as envoyé tes gosses à Beauxbâtons ? »
C’est pas qu’il avait quelque chose contre les Français, Fleur s’était vraiment montrée très bien avec Bill après l’attaque de Fenrir. Mais il se rappelait que les filles de Beauxbâton avaient été plutôt hautaines.
« J’ai jamais eu de lettre de Poudlard pour eux. »
Une fois le choc passé, il insista :
« Tu blagues, hein ?
— Bon sang, vous les Gryffondor… Vous avez inventé le mot naïf ou quoi ? Comme si mes gosses allaient recevoir une lettre d’invitation. Etre prête à sacrifier votre Potter à Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom a un peu zigouillé cette possibilité. Si je prenais feu, McGonagall rajouterait probablement un Incendio pour que les flammes soient plus fortes. Pourquoi tu penses que je bosse dans cette boutique de merde ? La plupart des gens font comme si j’existais pas, Weasley. Mon ex est français et il est ravi que les gosses soient à Beauxbâton. Ça leur plaît et ça semble correct ; mais qu’est-ce que j’en sais ? Tu étais à l’école avec moi. J’ai à peine réussi à avoir mes BUSEs. »
Elle avait une façon de déclarer les choses. Elle ne demandait pas qu’on la plaigne ou qu’on la console, elle les disait juste. Il se demandait si c’était un truc de Serpentard ou un truc de Parkinson.
Avec les gosses à Poudlard, c’était juste lui et Hermione le soir à table. Par certains côtés, c’était plus simple. L’idée d’essayer d’expliquer aux enfants les réunions, les coups de fil et les quelques visites surprises de Pansy Parkinson dans leur salon lui tordait l’estomac. Mais il n’y avait pas de distraction. La plupart des soirs, Hermione et lui bataillaient comme des perdus pour trouver des sujets de conversation. Il en parla à une réunion. Serena, la dame aux chats, lui dit :
« C’est ça, être sobre, Ron. Vivre sa vie sans distractions. Il n’y a pas plus grande distraction que l’alcool. »
Au départ, Hermione s’était arrangée pour qu’ils soient pris dans un tourbillon de sorties, pensant qu’être avec ses amis l’aiderait. Sauf que vous ne passiez pas la soirée avec Seamus sans aller au pub, et Dean était devenu snob au niveau des vins, alors un dîner avec lui voulait dire aller poser ses fesses dans un restau bon chic bon genre où Dean commandait un vin ridiculement cher que Ron devait faire semblant d’aimer. Quelques repas à la maison avec Harry et Ginny c’était bien, et il y avait toujours le repas dominical chez ses parents, mais il n’était pas capable de gérer plus pour le moment.
Il fallait reconnaître une chose à Hermione. Peu importait le temps qu’il passait aux réunions, elle ne disait jamais rien. Mais elle ne lui faisait pas confiance. Pas que Ron puisse lui en vouloir pour ça, parce qu’il fallait bien admettre que s’il ne buvait peut-être plus, il n’était pas non plus sobre. Il ne se faisait pas confiance pour être franc. Elle continuait à sentir son haleine quand il revenait la nuit, et insistait pour qu’il l’appelle par Cheminée quand elle n’était pas en ville afin de vérifier ce qu’il faisait. Quand il parlait de son problème, qu’il essayait de formuler pourquoi il buvait – parce que plus il devenait sobre, plus il acceptait qu’il y avait une raison pour laquelle il buvait – elle posait des questions et faisait des commentaires qui lui montraient qu’elle ne comprenait tout simplement pas. Hermione avait ses démons, comme tout le monde. Mais elle les canalisait en travaillant quatre fois plus dur que tout le monde. L’idée de s’anesthésier pour se trouver lui était complètement étrangère.
Lentement, il se mit à réaliser qu’il était possible qu’elle ne comprenne jamais ce qui le poussait à boire – que peut-être elle était trop proche de cette raison, ou qu’elle était une partie de cette raison. Quelqu’un souleva ce point à une réunion un soir, et il eut besoin de quitter la salle. En général pleine de compassion – qui pouvait oublier son truc avec la S.A.L.E – elle semblait penser qu’à l’exception de son mari, tous les alcooliques étaient des clodos affalés contre des lampadaires, qui faisaient la manche avec un vieux chapeau dégueulasse, mendiant de quoi se payer leur prochaine biture.
Ça n’avait jamais été aussi évident que quand il lui avait finalement dit que Parkinson était sa tutrice. Elle avait marmonné dans sa barbe :
« Surprise, surprise…
— Qu’est-ce que tu veux dire par là, Hermione ? »
Arrivés là dans leur mariage, ils se connaissaient un peu trop bien tous les deux. Elle hésita, se rendant clairement compte qu’elle avait franchi une limite. Refusant de revenir en arrière, elle déclara :
« Elle est méprisable. Si j’étais elle, je boirais aussi. »
Ron perdit complètement son sang-froid.
« Tu penses que je suis la seule personne bien dans la salle ? que à part moi, c’est tous des Mangemorts et des clodos ? Je sais que tu ne pouvais pas la voir à l’école ; moi non plus d’ailleurs. Mais laisse-moi te dire une chose : elle se bat comme une folle pour moi. Elle s’assied à côté de moi et de l’autre côté il y a… »
Il s’arrêta net car il n’était pas censé donner de noms.
« Pense à des guérisseurs, des avocats, des gens avec qui tu travailles. Des putain de professeurs. »
Ses yeux lui étaient presque sortis de la tête lorsque le Professeur Chourave était rentrée dans la pièce la semaine dernière.
« Je suis en sacrément bonne compagnie, Hermione ! »
Elle ne lui avait pas adressé la parole durant trois jours.
Comme d’habitude, ils passèrent la veille de Noël avec les Granger, et le jour de Noël au Terrier. Tout le monde était là cette année : Fleur et Bill avaient pris un Portoloin pour venir de France, Charlie et son mec étaient venus de Roumanie, George, Angelina et leurs monstres, et puis Harry, Ginny et les gosses étaient là. Même Percy et sa femme étaient venus. Tout le monde parlait, riait et blaguait.
Pour quelqu’un d’extérieur au groupe, tout semblait parfaitement normal chez le clan Weasley. Son alcoolisme était tabou mais tout le monde y pensait. Sa mère avait insisté sur le fait que le lait de poule était sans alcool et il n’y avait pas eu d’irish coffee cette année. Pas même Fleur ne se plaignit de l’absence de vin. Si vous ne pouviez pas compter sur les Français pour faire chier sur le vin… Il savait que c’était leur façon de lui montrer leur soutien, mais du coup il se sentait comme le déchet de la famille, au lieu d’être le raté de la famille, et de son point de vue, il n’y avait pas une différence énorme entre les deux.
Il avait les nerfs tellement en pelote qu’il pouvait à peine respirer, mais il passa quand même son coup de fil à Pansy le lendemain de Noël. Elle était toute pétillante et l’appela même Ron. Ses gosses étaient à la maison pour Noël et elle lui avait rabattu les oreilles pendant deux semaines de ses plans pour les vacances. Il aurait dû lui demander de Transplaner immédiatement. Il aurait dû lui dire qu’il serrait les poings si fort que ses ongles creusaient des marques en demi-lune dans ses paumes.
Il lui souhaita un Joyeux Noël, raccrocha, et se dit qu’il serait ivre avant le coucher du soleil.
Evidemment, ils avaient viré toutes les bouteilles de la maison quand il avait commencé à aller aux AA. Il parvint à passer le petit-déjeuner, et même un snack un peu plus tard avant d’atterrir dans la salle de bain, où il vida l’armoire à pharmacie. Il y avait toujours des sirops pour la toux à base d’alcool qui restaient de quand Hugo avait fait une bronchite, et un autre médicament qui contenait de l’alcool, là depuis que la mère d’Hermione avait passé la semaine chez eux quand elle avait la grippe. Il descendit le tout. Il essaya d’ignorer Hermione qui l’appelait avec inquiétude depuis l’autre côté de la porte, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. Il transplana jusqu’au pub le plus proche.
Et commença à s’en mettre vraiment une bonne.
Pensez à laisser un petit mot, c'est important pour moi de savoir que je ne traduis pas dans le vide ! ^^