« Tu ne peux pas continuer comme ça Hannah, disait Rogue d’une voix acerbe. Si tu veux te tuer, fais-le une bonne fois pour toute au lieu de t’infliger cette torture stupide et m’as-tu-vu. Je veux bien te donner quelques potions, mais il faut que tu fasses des efforts. »
Hannah ne l’écoutait plus. Elle ne le regardait plus, ou quelques fois avec un air si méprisant qu’il faisait comme s’il ne le voyait pas. Elle le détestait tellement. Cette semi-bouse, ce putain de demi sang-pur qui se pensait mieux qu’elle à présent avec son égo sur dimensionné. Il se permettait de la mépriser et de lui parler comme s’il valait mieux qu’elle. Parfois, Hannah lui disait qu’elle espérait que Potter et Black sortent de leurs tombes pour lui faire ravaler sa fierté, mais il faisait comme si de rien n’était. Quand elle le voyait, elle avait envie de vomir. Avaient-ils étaient amis, réellement ? Ça lui semblait si loin, comme un doux rêve. Seigneur, ils n’étaient plus rien tous les deux. Ils n’étaient que des machines à tuer, des sous-fifres, Hannah n’était qu’un fantôme squelettique qui agissait sans réfléchir. Et elle se détestait pour ça.
Hannah ne voyait que la mangemorte quand elle se regardait dans le miroir. Elle n’avait pas la force de relire les lettres d’Elizabeth, de regarder les albums photos qu’elle avait gardé précieusement. Avait-elle été cette jolie adolescente si forte ? Hannah n’arrivait pas à croire qu’elle avait été cette fille qui avait rit jusqu’à en pleurer lorsqu’Elizabeth était tombée en sortant de la salle de bain. Qu’un jour, elle avait été cette adolescente qui avait attrapé son oreiller pour le jeter sur Evan Rosier, le grand et le beau Evan Rosier qui lui en avait jeté un autre, et ils étaient partis dans une bataille de polochons mémorable. C’était si douloureux de repenser à tout ça. Ces souvenirs étaient morts, enterrés, comme Evan et Elizabeth, décédés, finis. Hannah se leva en tremblant et alla jusqu’à la cuisine, pour finalement faire réchauffer à manger.
« Oh Hannah, s’écria une voix joyeuse et cristalline, je nous vois tellement dans 20 ans, toutes les deux assises à la terrasse d’un magnifique manoir, belles et tu auras ma fille sur tes genoux : Ce sera toi la marraine, je ne vois pas ça autrement !
- Tu racontes vraiment n’importe quoi Eliza. »
Ils la hantaient. Jours et nuits, à chaque fois qu’elle ne faisait rien, à chaque fois qu’elle fermait les yeux ou se retrouvait seule. Ils étaient toujours là, toujours avec elle, dans sa tête, dans son sang, ancrés si profondément dans son cœur qu’elle savait qu’ils ne partiraient jamais. Elizabeth et ses longs cheveux blonds, ses dix-sept ans resplendissants, qui l’attrapait par le bras pour l’emmener flâner au bord du lac. Evan aux premiers comme aux derniers instants, séduisants ou le visage plein de boue, les yeux pleins de vie et d’espoir, le cœur appartenant à Elizabeth. Parfois, Hannah éclatait en sanglot rien qu’en y repensant, parce qu’elle avait l’impression de ne pas avoir assez profité de ses seuls amis, de ses années à Poudlard, et elle pleurait pendant des heures jusqu’à hurler de douleur. Evan et Elizabeth étaient morts. Et elle était en vie, désespérément en vie.
Mais les pires, c’était les autres. Eux aussi, ils la hantaient. Ils étaient les mères de famille qui imploraient qu’on épargne leurs enfants, les pères qui tenaient leurs fils et filles entre leurs bras en pleurant, les amants qui se tenaient la main pour ne pas faiblir, les enfants qui hurlaient pendus par les pieds. Ils étaient ceux qu’elle avait, un jour, torturé jusqu’à la mort, jusqu’à entendre leurs cris même dans ses rêves, qu’elle avait tué parce qu’on le lui avait dit et qui l’avaient regardés dans les yeux à travers le masque. Hannah les avait tous tués sans savoir pourquoi, juste parce qu’on lui avait demandé, et elle y avait mit toute la haine possible, toute la rage de survivre, parce que sinon ça aurait été elle à leur place. Et elle était si lâche, mon Dieu, si lâche qu’elle le faisait sans ciller, sans pleurer, sans s’émouvoir.
Hannah retourna s’asseoir dans son fauteuil et prit la fourchette entre ses doigts tremblotants. Dehors, le ciel était noir et sans étoiles. Elle mangeait et appréciait son repas, bien qu’il était si lourd dans son estomac. Elle apprécia le calme dans son appartement, seulement troublé par sa respiration et le bruit, au loin, de la ville qui ne dormait pas. Pauvres moldus inconscients ! Ils vivaient en parallèle avec l’une des plus grande guerre du monde sorcier, une des plus dures. Hannah sortait et les regardait vivre avec amusement, ils continuaient à vivre tranquillement, sans se douter que l’équilibre de leur monde était fragilisé. Hannah esquissa d’un rictus, et alors qu’elle portait la fourchette à ses lèvres, elle la lâcha en hurlant un juron :
« Merde ! »
Hannah laissa glisser son assiette qui se brisa sur le sol, répandant toute la nourriture sur le parquet impeccable. Elle entoura son avant-bras droit de sa main gauche en fermant les yeux, pour se concentrer sur la douleur. C’était comme si on appliquait sur sa peau un fer brûlant. Deux larmes coulèrent sur ses joues. Elle n’avait jamais été aussi chaude, jamais été aussi claire. Hannah se leva, enjamba son repas et courut jusqu’à sa chambre. Son lit était défait, ses draps étaient au bout de son matelas. Jeté dessus, un grande cape noir et un masque. « Tu deviens mangemort et à partir de là, tu meurs mangemort. » Lorsque Bellatrix lui avait dit ça, Hannah lui avait rit au nez et s’était détournée. Alors Hannah attrapa la cape et le masque, et se changea. Elle mit d’abord la lourde cape noire, dont le tissu fin s’agitait avec grâce à chacun de ses mouvements. Il dissimulait ses bras, même ses mains lorsqu’elle ne relevait pas ses manches. Hannah prit le masque et soupira, avant de le mettre sur son visage. Puis elle rabattit la capuche, ne laissant à présent aucune opportunité de voir qui elle était. Hannah prit sa baguette entre ses doigts, jeta un regard à son reflet et ferma les yeux. Elle se concentra, concentra alors que la douleur sur son bras était vive, affreuse. Et disparut.
Lorsqu’Hannah sentit à nouveau le sol sous ses pieds, elle n’en crut pas ses yeux. Elle n’y était jamais allée bien sûr, trop lâche pour ça, mais elle reconnaissait cet endroit. La Forêt Interdite. Tout autour d’elle, il n’y avait que de grandes arbres. Ils étaient à Poudlard. Une multitude de questions lui vrillèrent l’esprit : Pourquoi étaient-ils ici, comment se faisait-il que la protection de Poudlard avait été désactivée ? Hannah regarda les mangemorts qui étaient déjà là, une foule impressionnante, comme elle n’en avait jamais vu. Il n’y avait aucunes traces de Rogue ni de Lucius - Les plus bavards - et la jeune femme soupira avant d’enlever son masque et sa capuche. Avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, Hannah sentit un corps contre le sien et une main se glisser autour de son cou.
« Hannah, murmura la personne qui passait un bras autour de sa taille, tu sais très bien qu’il ne faut pas enlever ton masque : On pourrait te reconnaître !
- Bella, articula Hannah en se dégageant de son emprise et en faisant volte face, qu’est-ce que ça peut bien te foutre, au juste ?!
- Oh rien, ria la concernée en fixant sa camarade, je m’inquiétais juste pour toi. Tu ne l’as jamais enlevé avant ! C’est le début de la fin.
- Lâche-moi Bella, tu m’emmerdes ! Qu’est-ce qu’on fait ici ?
- Je t’ai dis que c’était le début de la fin, Nana. C’est l’heure du bouquet final, s’écria Bellatrix en levant les bras au ciel. »
Hannah regarda Bellatrix partir dans un éclat de rire à faire frissonner les plus courageux et écarquilla les yeux. Le bouquet final ? Le début de la fin ? Hannah remit sa capuche sur ses cheveux mais garda son masque entre ses doigts, et elle alla à l’écart. Les mangemorts discutaient, fébriles, impatients, ils voulaient savoir, ils voulaient comprendre bien qu’ils se doutent de ce qui allait se passer. Et puis le Lord arriva. Grand, sa peau d’une couleur indéfinissable, ses deux orbites rouges, son visage de serpent, et les deux trous béants à la place de son nez. Tous les mangemorts s’agenouillèrent, ou baissèrent la tête, en signe de respect. Hannah ne fit pas exception. Le Maître se mit à parler, parler. Il réclamait justice, et force, et combat avec honneur de la part de ses soldats. Soldats. Ils n’étaient que ça, de simples soldats, de la chaire à canon, ceux qui devraient se jeter sur un sort pour le prendre à la place du Maître. Hannah écoutait. Le Maître voulait qu’ils se battent, qu’ils tuent, qu’ils fassent comprendre à leurs adversaires qui étaient les Mangemorts. L’élite du mal. Les meilleurs combattants des ombres. Les plus fidèles et les plus doués. Hannah releva la tête. Ils buvaient tous ces paroles. Elle aussi. Il avait un tel charisme, une telle force morale.
« Ce soir, ils sont plus faibles qu’ils ne l’ont jamais été ! Et nous sommes plus forts que jamais ! Allez-y, allez vous battre pour gagner ! »
Hannah vit tous les mangemorts se relever, et s’engouffrer dans la forêt. Hannah eut à peine le temps de remettre son masque que Bellatrix l’attrapa par le bras et l’entraîna dans sa course. Elle ne voyait pratiquement rien. Le rire de McNair se mélangeait aux hurlements de animaux de la Forêt, aux chants stridents de Bellatrix qui semblait plus folle que d’habitude et aux battements du cœurs d’Hannah. Ils étaient tous agiles, courraient aussi vite que possible, comme s’ils étaient impatients de sortir de cette forêt. Ils sautaient par-dessus les racines immenses, évitaient les branches qui pourraient leur écorcher la peau, parfois Bellatrix faisait le tour d’un tronc en riant comme une démente. Ils étaient proches de la lisière, Hannah voyait les lumières du château se rapprocher, et le flot de mangemort devint plus rapide, plus pressé. Hannah n’arrivait presque plus à respirer et à chaque fois qu’elle tentait de ralentir, Bellatrix l’attrapait et la tirait vers l’avant pour qu’elle courre plus vite en hurlant son nom. Et puis ils arrivèrent au parc. Ce parc qu’elle avait tant aimé, qu’elle avait parcourut avec Eliza et Evan. Où elle avait hurlé, rit, pleuré, joué, aimé. Où elle avait vécu ses plus belles années.
« Où sont les enfants ? Les enfants ! LON-DU-BAT ! »
Hannah aurait voulu hurler à Bellatrix de la fermer une bonne fois pour toute, qu’elle se taise maintenant. Il fallait apprécier les secondes de calme avant le combat. Elle était droite, le menton relevé, sa baguette dans sa main droite et sa main gauche serrée en un poing. Il y avait un peu de vent et le ciel commençait à noircir un peu plus : Dans la forêt, le Lord s'afférait à offrir à ses soldats les conditions idéales. Hannah se sentait plus vieille que jamais, le poids de toute sa vie pesait sur ses épaules et sur son cœur. Elle allait se battre contre des enfants. Des gosses. Des gamins qui ne savaient rien de la douleur d’un Doloris, de la frénésie d’une guerre, qui pensaient avoir perdu leur innocence mais qui la conservaient toujours en eux. Ils étaient enfants comme elle l’avait été un jour, et elle les plains de ne pas avoir droit à la même scolarité qu’elle. Ils attendaient. Tous les Mangemorts regardaient Poudlard, et Hannah savait ce qu’il se passait en eux : Ils étaient tous venus ici, ils avaient tous aimés cette école et à présent, ils allaient la détruire. Hannah ferma les yeux quelques instants et puis il y eut une détonation, des hurlements déchirants. Un flot de personnes sortit de Poudlard, avec des adultes évidement, des professeurs, et des gosses.
« Mes petits sucres d’orges, mes mignons, venez me voir ! Venez voir Tata Bella ! »
Hannah se jeta à terre en voyant qu’un éclair filait vers elle. Elle se releva en pointant sa baguette sur son assaillant. A sa droite, Bellatrix jetait des sorts avec une aisance et une grâce qui lui était particulière. Elle maîtrisait les sorts informulés à perfection et semblait se battre comme certains marchent. Hannah la regardait du coin de l’œil, alors que quelqu’un venait vers elle. Les minutes qui suivirent furent brouillon dans l’esprit de la jeune femme. Elle jetait des sorts, en évitaient d’autres, hurlait parfois, un sourire se dessinait sur ses lèvres sans qu’elle ne sache pourquoi. Autour d’elle, le chaos commençait à régner. Le Lord serait si fier. Ses soldats se battaient si bien. Avant qu’elle ne se sente épuisée, son adversaire se retrouva sur le sol. Et elle vit un mangemort tomber à terre, proche d’elle. Hannah se précipita vers lui en évitant quelques sorts, en en jetant d’autres tout en courant. Et puis elle tomba à genoux près du corps :
« Merde ! Merde ! Lucius, cracha-t-elle en vérifiant son pouls, t’es vraiment qu’un putain de mauvais mangemort ! Réveilles-toi ! »
Mais rien. Rien que le chaos autour d’elle, rien que les yeux clos de Lucius et la froideur de sa peau pâle. Hannah ne l’avait jamais aimé. D’ailleurs, elle ne se souvenait pas avoir aimé quelqu’un. A part Evan et Elizabeth, évidement. Mais elle trouvait Lucius agréable, assez pour qu’elle se décide de le tirer de ce merdier en dissimulant son corps aux membres de l’Ordre qui semblaient plus acharnés que jamais. Hannah coinça sa baguette entre son poignet et un bracelet serré, et elle attrapa Lucius en dessous des aisselles. Puis elle se mit à tirer son corps plus loin, il y avait un gros arbres assez épais pour qu’elle puisse le laisser là. Il était lourd et elle était à bout de force, mais elle continua. Et puis un sort la toucha, si violement qu’elle tomba à la renverse en criant. Le corps de Lucius retomba sur ses jambes. Hannah resta immobile quelques secondes où elle sentit une plaie sur son bras et le sang couler le long de sa peau, puis elle se releva pour faire face à son adversaire.
« Viens te battre, mangemort ! »
La douleur lui faisait perdre la tête. Elle voulait rire et pleurer, briser son masque contre une pierre et se jeter dans le lac. Elle n’avait pas voulu que ça se passe comme ça, Seigneur elle n’avait jamais voulu de tout ça. Elle aurait voulu expliquer à son adversaire qu’elle n’était devenue mangemorte que par un concours de circonstances, qu’elle se détestait tellement qu’elle se laissait mourir depuis des mois, que son dégout pour elle-même dépassait tout ce qu’il pouvait connaître et qu’elle regrettait la Marque tous les jours, à chaque fois qu’elle la voyait ou qu’elle la sentait. Hannah jeta un regard à Lucius et un sourire se dessina sur ses lèvres. Son adversaire était un Weasley. Il avait des cheveux roux flamboyants dans la nuit, des taches de rousseur sur son visage et les yeux pleins de courage. Un pur Gryffondor, tout ce qu’Hannah avait haït un jour. Elle était épuisée. Épuisée de se battre et de vivre. Et elle n’avait pas envie de tuer un gamin.
« Je veux pas me battre contre toi, articula-t-elle à bout de souffle. T’es trop jeune pour moi. Je te laisse partir…
- Conneries, hurla-t-il. Vos copains n’ont jamais fais de différences d’âges ! Ayez un peu de cran, de courages et battez-vous bordel ! »
Hannah esquissa d’un sourire qu’il ne put voir. Elle aurait tant aimé être ailleurs à ce moment. N’importe où, mais ailleurs. Ah, si. Elle aurait voulu être des années plus tôt, là où rien n’était compliqué, où la seule chose qui importait était de connaître les cours du lendemain et de protéger Elizabeth, si fragile. Hannah aurait voulu pleurer dans les bras d’Elizabeth en s’excusant, encore et encore, et puis faire la même chose avec Evan, qu’ils finissent par en rire en se tenant le ventre, et puis elle leur aurait tout expliqué. Maintenant, elle se détestait. Cette femme qu’elle était devenue, cette tueuse de femmes, d’hommes et d’enfants, pas de distinction, tant qu’on lui ordonne elle exécute. Pas d’amours, d’amis ou d’amants, juste des regrets, des cauchemars et la solitude. Ce soldat dégueulasse qu’elle était et qui avait le cran de tuer un enfant.
« Tu ne sais pas ce que tu dis, répondit-elle d’une voix agacée. Comment est-ce que tu peux souhaiter te battre, souhaiter faire du mal ? Tu sais très bien comment ça va se finir : Ce sera toi ou moi. Et tu ne sais pas ce que c’est de tuer quelqu’un !
- Qu’est-ce que vous en savez ?! Je vais vous tuer ! »
Hannah haussa les épaules. Et bien soit, qu’il la tue. Elle se retourna vers Lucius, passa à nouveau ses bras sous ses aisselles et se mit à le tirer en arrière. Il ne restait qu’un mètre jusqu’à ce gros arbre et il serait caché. Sa blessure la lançait et elle avait envie de vomir. Mais pas maintenant, non, plus tard. Je fais ça pour la fille d’Eliza et d’Evan, Malefoy, pensa-t-elle amèrement, t’as intérêt à prendre soin d’elle, parce que sinon je viendrais te tuer moi-même. Hannah finit par dissimuler le corps de Lucius et elle se redressa. Le lac n’était pas loin, calme, silencieux. C’était un doux contraste avec la bataille qui était à quelques pas, les hurlements et les sorts, les corps par terre. Weasley n’avait pas bougé, il la regardait sans comprendre. Hannah se remit face à lui :
« Tu ne m’as pas tué, constata-t-elle. T’avais l’air de le vouloir pourtant. Alors vas-y, fais-le ! Sinon, c’est moi qui te tueras, tu m’entends ? Le Maître veut des morts, alors j’offrirais des morts au Maître ! Tires-toi, avant que je me décide !
- Je ne fuirais pas !
- Mais qu’est-ce qui vous prend à tous, hurla Hannah. Ils sont donc si faibles, du bon côté, pour balancer des gamins pré-pubères et sans expériences dans une Guerre ?! C’est bien beau d’être courageux, et d’être fier de ses idées au point de vouloir mourir pour elles ! Mais tuer quelqu’un, ce n’est pas la même chose ! Tu veux vraiment connaître ça, savoir ce que ça fait d’avoir entre tes mains le droit de vie ou de mort sur quelqu’un que tu ne connais même pas, les nuits de cauchemar à revivre la scène encore et encore, d’entendre à chaque fois qu’il y aura du silence les hurlements de douleur de tes amis et de ceux que tu auras combattus, de devenir paranoïaque à chaque bruit, chaque rire ou chaque cri que tu entendras ? La satisfaction de t’être battu pour quelque chose de juste, ce n’est rien par rapport au fait de devoir vivre tous les jours avec le poids d’un meurtre en toi ! »
Hannah aurait tellement aimé qu’on lui donne le choix, à elle aussi. Elle aurait tant aimé qu’on lui demande son avis pour tout, pour ses études, pour sa vie future, pour cette Marque sur son bras, pour les gens qu’elle devait tuer. Mais elle n’avait jamais connu ça, elle ne connaissait que l’obligation, que le chemin tracé avant sa naissance qu’elle avait du suivre sans s’en écarter. La jeune femme jeta un dernier regard au Weasley qui ne bougeait pas, et elle le contourna sans le toucher. Elle voulait aller dans le hall, revoir une dernière fois l’immensité de Poudlard, réentendre dans son esprit le rire d’Elizabeth et la voix chaude d’Evan. Elle voulait se souvenir des Maraudeurs descendant les marches tous les quatre. Juste une seconde, un seul coup d’œil. Mais un éclair la toucha dans le dos, alors qu’elle était devant les marches. Hannah tomba à genoux et elle se releva, avant de se mettre face à son adversaire. Un membre de l’Ordre, au vu du manque de cape et de masque. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle les leva au ciel. Il n’y avait pas d’étoiles.
« J’adore les étoiles, souffla une voix dans sa tête. Ce sont ceux qu’on a perdu de vue, ceux qui sont morts avant nous, et ils veillent sur la Terre. Ils veillent sur toi, sur moi, sur tous ceux qu’ils ont aimés un jour. Un jour, nous veillerons sur nos enfants, Hannah. »
Elizabeth lui avait dit ça, une fois où elles étaient parties se promener dans le parc à la nuit tombée. Personne ne veillait sur elle ce soir, le Lord leur avait empêché de prendre soin de ceux qu’ils aimaient. Hannah se mit à le détester, du plus profond d’elle-même. Elle entendit son prénom hurlé et reconnut la voix de Bellatrix mais ne comprit pas ses mots. Il y avait des tas de corps sur le sol, les éclairs éclairaient les environs, c’était un véritable massacre. Hannah était épuisée. Le membre de l’Ordre qui lui avait jeté le sort était en face d’elle, et Hannah sentit l’envie de rire lui tordre les tripes. Remus Lupin était là, fatigué aussi, mais prit dans la folie de la bataille. La jeune femme voulut enlever son masque, mais ça aurait changé la donne, elle le savait. Alors ils engagèrent le combat. Lupin était bon, mais Hannah était meilleure. Meilleure duelliste de sa promo, devant Potter et Evans, meilleure élève en sortilège aussi. Sa baguette semblait faire parti de son corps, elle esquivait les éclairs qui filaient vers elle avant agilité.
Et puis elle eut une seconde d’inattention. Une seule petite seconde. Dans la foule, dans la frénésie, elle crut voir la longue chevelure blonde d’Elizabeth se promener parmi les corps. Lupin en profita et lui jeta un sort qu’elle ne put esquiver. Elle se le prit en pleine poitrine, proche de son corps. Hannah eut la respiration coupée et elle enleva son masque qu’elle jeta par terre, parce qu’elle pensait qu’elle arriverait mieux à respirer sans. Lupin hurla son nom, baissa sa baguette et se précipita vers elle. Les larmes coulaient le long des joues d’Hannah et elle tomba à la renverse. Elle ne sentit pas son corps tomber sur l’herbe, elle ne sentit pas son crane s’ouvrir en se fracassant contre la marche. Ses yeux se voilèrent et elle crut s’évanouir mais elle resta consciente. Hannah voyait le ciel noir au dessus d’elle et il lui fit peur. Elle suffoquait, pleurait comme une enfant. Lupin s’agenouilla à côté d’elle et attrapa sa main froide entre les siennes si chaudes. Hannah avait froid, elle avait l’impression d’être immergée dans un bain glacé. Les tremblements partirent de ses jambes et envahirent tout son corps. Le sang coulait de sa tête, s’accrochait à ses cheveux et se mêlait aux herbes vertes. Les larmes chatouillaient sa peau et ses oreilles. Sa respiration ralentissait peu à peu, et Hannah savait très bien ce que ça voulait dire. Elle n’avait pas mal. Elle n’avait pas peur. Ça faisait si longtemps qu’elle attendait sa mort.
« Hannah, murmura Lupin les yeux embués de larmes, je suis tellement désolé. Seigneur, il faut que tu me pardonnes. Je… Je vais t’aider, je vais t’emmener te faire soigner, tu verras, ça ira mieux après.
- Oh merde, Lupin, répondit-elle d’une voix basse et rauque, arrête de t’en faire tu veux ? C’est rien. C’est mieux comme ça.
- Je suis désolé…
- Désolé de quoi, demanda-t-elle si bas qu’il du s’incliner pour l’entendre. Je mérite ça, hun ? Je mérite de mourir autant que Bellatrix, ou tous les autres. J’ai fais trop de mal, j’ai fais tellement de mal, les gens ont souffert à cause de moi. Ce n’est rien…
- On va te soigner.
- Pourquoi ? Pour finir à Azkaban après ? Je ne veux pas. Bella m’en a parlé, et je ne veux pas aller là-bas. C’est horrible. J’ai peur d’Azkaban. Je ne veux pas être emprisonnée. J’ai passé toute ma vie emprisonnée. Laisse-moi au moins ça.
- Tu ne vas pas mourir. Tu n’iras pas à Azkaban, je témoignerais pour toi.
- Non. Je ne veux pas Lupin. Ma vie est si nulle, avoua-t-elle en pleurant encore. Je me déteste tellement. Je suis contente que ça soit arrivé aussi tôt dans la Bataille parce que… J’peux plus tuer d’enfants. J’ai tué trop d’enfants, même des bébés tu imagines ? J’ai tué des gosses, mais là je peux pas, ce serait tuer la fille d’Eliza et d’Evan.
- Hannah…
- Je les aimais tellement. Oh Seigneur… Je les aimais tellement et c’est de ma faute s’ils sont morts, c’est de ma faute tout ce qui leur est arrivé… C’est fini maintenant, c’est fini tout ça, je m’en fiche, je m’en fous de cette Guerre, je m’en fous du Maître. Qu’ils crèvent tous. Que je crève aussi.
- Je vais te soigner, tenta Lupin, tu ne peux pas mourir.
- Si tu fais ça… je te tuerais. Regarde-moi bien Lupin. Tu ne peux pas imaginer tout le sang que j’ai sur les mains. Si tu me sauves, je tuerais ton fils, je tuerais ta femme, et Potter, les Weasley, je les tuerais tous. J’en suis capable. Je ne veux pas vivre. Je ne mérite plus de vivre.
- Hannah écoute…
- Toi écoute, reprit-elle en toussant, ce que j’ai fais est impardonnable. C’est ce que je mérite, alors laisse-moi. J’ai… J’ai l’impression de flotter. C’est bientôt la fin.
- Ça va aller… Tu verras…
- Je sais. Je sais, ça ne peut qu’aller hein ? Y’a rien de pire que ma vie, y’a rien de pire que tout ce que j’ai fais, je veux que ça s’arrête, que ça se stoppe, je pouvais plus vivre comme ça, je suis une meurtrière d’innocents. Lupin, faut que tu partes, tu vas te faire tuer.
- Je reste jusqu’au bout. T’en fais pas pour moi…
- T’es quelqu’un de bien. Mieux que moi. C’est… C’est dégueulasse que Potter et Evans soient morts, ils méritaient pas ça, vous auriez dû tous vivre. Je suis désolée pour tout ça, pour Black, lui aussi c’était quelqu’un de bien… J’aurais voulu tuer Pettigrow, j’ai failli le faire d’ailleurs, mais Rogue m’en a empêché, Pettigrow est resté deux semaines dans un lit tellement je lui ai fais mal…
- Merci…
- Je leur dirais bonjour de ta part… J’crois même que je suis capable de prendre Potter et Black dans mes bras. Vous avez fais tellement de bien à Eli, c’est bien… C’est bien ce que vous avez fais pour elle…
- Dis-leur qu’ils me manquent terriblement. Et prends soin d’Elizabeth.
- Je… Je les lâcherais plus maintenant… J’ai trop peur… D’être seule… Je… Elizabeth elle… Tu vois Lupin, c’est pas si… dur. Fais gaffe… Aime. »
Dans un ultime effort, Hannah serra la main de Lupin dans la sienne de toutes ses forces. Ses yeux pétillaient d’une joie qu’il se souvenait avoir vu à Poudlard lorsqu’elle était avec Elizabeth ou Evan. Et puis ils se perdirent dans le ciel, dans le vague. Lupin attendit qu’elle bouge, qu’elle rigole en disant que c’était une blague. Mais ses genoux trempaient dans son sang, et ses doigts ne serraient plus sa main. Sa poitrine ne se soulevait plus. Remus renifla, essuya ses larmes de ses mains ensanglantées et il posa délicatement la tête d’Hannah sur l’herbe. Il se releva et écrasa le masque de Mangemort rageusement, avant de se retourner vers le champ de bataille. Il jeta un sort de dissimulation au corps d’Hannah, personne ne la verrait, personne ne la toucherait ou ne la souillerait. Puis Remus vit une chevelure rosée un peu plus loin. Et Tonks l’appela, sa Nymph, alors Remus accourut jusqu’à elle.
Hannah fut éblouie. C’était une lumière vive mais pas vraiment aveuglante. Autour d’elle, il faisait chaud mais beau. Elle croisa les bras et vit que la Marque des Ténèbres n’était plus ancrée sur sa peau. Un sourire étira ses lèvres et elle s’avança droit devant elle. Elle était légère, ses pas étaient gracieux, ses cheveux chatouillaient son visage. Elle s’arrêta, si heureuse qu’elle se mit à pleurer, et ses larmes étaient chaudes et réconfortantes. Evan avait un bras autour des épaules d’Elizabeth, ils étaient beaux, ils avaient leurs corps de leurs dix-sept ans, et puis pas loin il y avait Potter et Evans, Black aussi, et tous étaient magnifiques. Ils rayonnaient.
« Coucou Hannah. »
La voix d’Elizabeth était comme avant, elle était douce et gaie, il y avait dans chacun de ses mots une joie de vivre qui avait manqué à Hannah. Cette dernière les regardait, sans bouger, elle les embrassait du regard, elle ne voulait pas oublier cette image au cas où elle serait entraînée ailleurs. Mais quelque chose lui disait que ça ne se finirait jamais, qu’ils avaient des années devant eux, qu’ils avaient l’éternité à présent, et c’était délicieux. Evan ouvrit la bouche, un sourire barrait son visage, il était aussi beau que dans les souvenirs d’Hannah. Et même les Gryffondors semblaient heureux de la voir, ils lui souriaient, Evans lui fit un signe de main, comme si toutes les années de Poudlard à se haïr étaient oubliées et enterrées.
« Bienvenue chez toi, Hannah. »
Hannah sourit.