Voici mon premier OS répondant aux prompts de LostInTheSun et Aosyliah.
Deuxième table, prompt numéro 10 : Six heures du soir.
Je vous conseille d'aller lire les autres textes de cette série, ils sont tous bien !
Je remercie labige76 pour sa relecture et ses conseils avisés, pour sa rapidité, ses encouragement et sa motivation.
Je remercie également Taka, toujours là pour m'aider et me conseiller, je lui dois le titre de cette histoire.
Trois semaines qui me paraissaient trop longues pour apprendre à gérer mon enthousiasme et trop courtes pour le temps de répondre à tes sarcasme. Ton cynisme, Remus, que j'ai apprivoisé, me fait rire. Et ta colère que tu ne libères pas assez, j'ai cru que tu t'en dégagerais pour moi. Le temps passe alors je ne perds pas espoir. J'ai déjà réussi à gagner du terrain : tu m'as demandé de venir chez toi pour quelques mois.
Mais il est encore trop difficile de négocier, je le sais, tu t'emportes à chaque fois que j'aborde un sujet un peu sensible. Je suis rentrée du travail à dix-sept heures, d'une journée aussi difficile que les précédentes et je t'ai trouvé assis sur le canapé. Tu me fixais, Remus. Qu'aurais-je dû faire au lieu d'engager la conversation ? Tu m'as dit que tu allais partir demain et ne rentrer que dans trois jours. J'ai craint une nouvelle mission, aussi dangereuse que la précédente si ce n'est plus, et j'ai voulu comprendre.
Alors après plusieurs remarques lourdes de sens de ta part, parce que tu ne sais pas dire les choses telles qu'elles sont, j'ai compris. J'ai compris, Remus, que tu étais anxieux à cause de cette fichue première pleine lune depuis que nous vivons ensemble. On ne peut rien me cacher, et il faudra t'y faire. Je sais que tu n'en riras pas, mais je n'ai pas l'habitude de vivre avec un loup-garou. Moi, ça m'amuse, je préfère relativiser plutôt que de croire que c'est impossible.
Tu n'as pas l'air de croire que je t'accepte avec tes qualités et tes problèmes. Tu n'aurais pas dû t'énerver, Remus. Et moi je me sens si seule face à ta colère. Comme si j'étais coupable de cette transformation qui te détruit tous les mois. Comme si j'étais responsable de ton malheur. Est-ce que c'est ce que tu crois, Remus ? Ta vie serait-elle mieux sans moi ? Je sais que tu serais encore plus fâché si je te posais vraiment la question, parce que toi tu as déjà appris à faire la part des choses.
Avais-tu vraiment besoin de hurler ? Remus, est-ce que nous nous disputerons à chaque veille de pleine lune ? Est-ce que tu penses seulement à l'avenir, en essayant de me protéger bêtement d'une chose que je ne crains pas ? Et puis cette rage, peinte sur ton visage et qui aurait pu te rendre effrayant. Mais je te connais, Remus, tu ne me ferais jamais de mal. Tu es surtout en colère contre toi-même, j'en suis sûre.
Alors je me suis réfugiée dans notre lit, je me suis couchée sur le côté et j'ai regardé par la fenêtre qui se trouvait face à moi. Je n'ai plus que cela pour me consoler, tes bras ne me sont plus ouverts. Devrais-je accepter le fait indéniable que tu ne voudras jamais complètement de moi ? Seul l'aspect acceptable de ta vie m'est accessible ? Ou peut-être que je t'en demande trop…
Mais tu es venu me rejoindre, discrètement. Je me surprends à souhaiter que tu aies des remords. Parce que ça me ferait bien trop mal que tu ne regrettes pas tes mots, ni qu'ils aient dépassé ta pensée. Tu as ouvert un magazine qui trônait sur la table de chevet. Est-ce que tu cherchais une occupation ? Pourquoi n'as-tu pas entamé une conversation avec moi ? Pourquoi est-ce que tu lis alors que je tâte sous mon oreiller pour chercher un mouchoir ? N'est-ce pas absurde comme décalage dans un couple ?
Et puis j'entends une page se froisser alors j'ose imaginer que tu refermes le magazine parce que tu as trouvé quoi dire. Je renifle, dans l'espoir de me faire remarquer, et même de t'encourager à venir me parler. Mais tu te contentes de t'affaler un peu plus parce que toi au moins, tu es à l'aise. Je sens le matelas se soulever de mon côté alors je me promets de ne plus rien espérer de toi. J'en viens presque à me détester de compter sur un courage que tu n'as pas.
Un nouveau mouvement de ton côté, tu poses le magazine. Je t'imagine relever la tête et peut-être que tu m'observes. Alors je sens ma rancoeur fondre comme neige au soleil. Tu es si fragile, Remus, si compliqué. Tu es tellement imparfait que tu en deviens parfait. Finalement, je n'y tiens plus et une larme s'échappe de mes yeux. C'est plus simple quand on s'aime, tu ne crois pas ? Je déteste les disputes mais j'ai le sentiment que les réconciliations sont toujours plus douloureuses.
Le silence. Un silence qui s'installe entre nous et qui m'empêche de froncer les sourcils de peur que tu ne m'entendes. À nouveau, je me déteste intérieurement d'être naïve à ce point. Tu n'as aucunement l'intention de venir me parler pour te faire pardonner. Tel que je te connais, tu es déjà passé à autre chose et tu ne souffres même pas. Je laisse sortir les sanglots qui se bousculaient dans ma tête. J'ai envie de pleurer, j'ai envie que tu me prennes dans tes bras et que tu sois désolé. Mais tu restes à côté de moi sans rien faire. Pourquoi je ne te déteste donc pas ?
J'essaie de rester de discrète, que tu n'entendes pas mes pleurs à moitié étouffés par mes mains. L'horloge de notre cuisine sonne dix-huit heures et j'ai l'impression d'être pitoyablement allongée sur ce lit depuis trois jours. J'ignore ce que tu fais dans ton coin mais je sais que je finirai par t'en vouloir d'être aussi peu démonstratif. Un jour, plus tard, je ne peux dire à quel moment. Je t'en voudrai, Remus.
L'attente n'existe plus, je ne sais pas si je pleure de désespoir ou de chagrin. Alors j'essaie de me calmer car c'est absurde de se mettre dans cet état. Tu dois me trouver bête. Et pourtant, pourtant Remus, tu poses une main sur mon bras. J'entends ta voix rauque mais douce, ta voix d'amant, ta voix que j'aime tant, ta voix qui résonne dans toute ma tête et qui me dit de me calmer. J'imagine sans peine ta bouche s'animer quand tu me demandes pourquoi je pleure. C'est si dur de te résister, alors que tu ne fais rien pour que je ne t'en veuille pas.
Et forcément, j'implose, Remus. Forcément, je n'arrive plus à retenir toute la tristesse en moi. J'ai l'impression de pleurer comme jamais auparavant. Tu essaies d'avoir des gestes affectueux mais tu es maladroit. Je suis touchée par le soutien que tu as fini par me manifester. Alors je pleure de soulagement. Parce que dans le fond, on est assez forts pour tout surmonter. Je le sens, j'ai cette force si soudaine et je nous vois, invincibles. Je fais taire cette voix qui me dit que c'est trop facile pour toi de venir me caresser le bras. C'est vrai que tout est simple quand je n'arrive pas à être rancunière.
Deuxième série de coups pour l'horloge. Il est dix-huit heures, Remus. Et nous avons perdu une heure de notre précieuse vie à deux. C'est idiot, tout ce temps et toute cette énergie gaspillés. Et comment fais-tu pour que je me sente entièrement coupable de tout cela ? Pourquoi le goût amer de la défaite me parvient ? Pourquoi es-tu si serein, Remus, alors que j'ai remis en doute l'existence même de ton amour pour moi ? Pourquoi ai-je le sentiment que ça ne te ferait rien, si je ne t'aimais plus ?
Mais il est dix-huit heures et il est temps de passer à autre chose. Je sais que tu es d'accord avec cette idée, que tu as envie que je me lève et que j'aille préparer le dîner. Tu as envie que l'on oublie tout ça et que la vie reprenne son cours normal. Alors je m'assieds sur le lit, je te regarde et je me blottis contre toi. Parce que c'est encore là que je me sens le mieux. Et tant pis si j'ai mal au fond de moi, tant pis si rien n'a changé. Il est dix-huit heures, Remus, et nous nous sommes réconciliés. Comme je l'avais cru, c'est bien ça le plus douloureux.
En espérant que cela vous ait plu !