La vie est éphémère et ça, Dumbledore le savait mieux que quiconque. Il en avait la preuve tous les jours mais y repensait surtout sans cesse. Il avait souvent l’impression que les Parques mettaient à l’épreuve l’espoir des humains en la vie.
Clotho avait beau filer les destinées humaines, Lachésis les mettre sur le fuseau, Atropos les coupait inévitablement, sous l’air approbateur de ses sœurs. Les fils n’étaient qu’une illusion qui tendait vers la mort et chaque Homme s’y accrochait désespérément, en espérant que le sien ne soit pas bref. Les Humains voulaient vivre et les Parques semblaient se régaler de cette soif intarissable qu’elles pouvaient à tout moment endiguer, au gré de leur volonté.
Sachant parfaitement que ces trois démons n’existaient pas – Dieu merci ! – Dumbledore trouvait quand même que le sort s’acharnait sur certaines familles plus que sur d’autres. Pourquoi celles aux idées monstrueuses de dominance sur le monde ne mourraient-elles pas prématurément ? Parce que voir enfin Lucius Malefoy ne plus influencer le Ministre et le Conseil d’Administration de Poudlard ne ferait surement pas de mal au vieux Directeur croulant qu’il était. Enfin, quoiqu’il ne pouvait plus rien faire de sa cellule à Askaban…
Dumbledore secoua la tête, navré qu’un homme réputé si sage ait pu avoir de telles pensées… Pourtant, l’idée ne le répugnait pas tant que ça. Surtout si Atropos coupait le fil de son vieil et tendre ami, Tom. Il sourit à ces bêtises enfantines qu’il arrivait encore à inventer malgré son âge. Il arrivait à faire de l’humour sur un sujet aussi sérieux que la mort… Ne cesserait-il jamais donc de s’étonner ?!
Un léger coup de bec de Fumseck le tira de sa réflexion. Le silence qui s’était installé entre les deux hommes était cruel, intense, indescriptible et important. Dumbledore regrettait presque d’avoir dit directement « C’est vous qui devrez me tuer. » Il aurait préféré être plus subtil, laisser l’intelligence de Severus deviner par elle-même ce qu’il sous-entendait. Mais il se faisait vieux et en avait marre d’être lâche. Car ces dernières années, il n’avait fait que ça, être lâche ! Avec Harry, Sirius, Abelforth, Ariana et tant d’autres ! Alors autant être franc avec le professeur de Potions. Il ne voulait pas mourir de la main d’un garçon qui n’était encore qu’un enfant. S’il devait mourir, ce dont il ne doutait plus à présent, Dumbledore ne souhaitait pas entraîner un innocent avec lui. L’ironie que la voix de Rogue prit, brisant ce silence, le rassura. Il le ferait. Pour lui. Pour Draco. Pour Lily.
Quand Severus quitta la pièce sur un regard empli à la fois de haine et de détermination, leur accord était scellé, presque tacite mais assuré. Dumbledore soupira. Jamais chose n’avait été plus difficile à demander pour lui et le regard de Rogue le culpabilisait. Il demandait à un homme d’accomplir un meurtre de sang froid. Rien ne pouvait être plus horrible et pourtant il l’avait fait. Qu’est-ce qui était le pire ? Accomplir l’ordre ou le donner ? Certaines personnes se seraient fait un véritable plaisir d’ôter la vie de ce stupide vieillard. Oui, il aurait pu se livrer à Voldemort ou à un Mangemort… Au lieu de demander à Severus de déchirer son âme… De le tuer. Acte exécrable et inhumain…
Dumbledore sursauta quand dans un grand bruit, Fumseck s’enflamma pour ne redevenir qu’un petit oisillon, faible, chétif. Le directeur, tellement concentré sur sa conversation avec collègue n’avait pas remarqué que le Phoenix ne tapait plus dans son os de seiche.
La vie est éphémère, il venait d’en avoir à nouveau la preuve. Mais lui n’était pas immortel comme l’oiseau recouvert de cendre. Le fil de sa vie était sur le point de se rompre, sa main en était la preuve.