La magie ne sera pas très présente dans cette fic. Mais j'espère que ça vous plaira quand même !
La Porsche ralentissait à peine dans les virages. J’ai beau savoir qu’il conduit comme un champion, chaque fois je me dis : “le prochain, il va le rater !”. Mais la voiture était collée au sol. La forêt défilait. J’aime ce paysage aux couleurs violentes : terres rouges et arbres verts. Pas le temps d’admirer.
A cet instant, un camion débouchait d’un virage en épingle à cheveux. C’était un véhicule antique, déglingué, charger de cageots et déporté à gauche. J’entendis Thomas jurer :
- Le con !
A cent trente, la Porsche obliqua à gauche. Elle passa à quelques centimètres de la roche et du camion. En plein virage, elle dérapa. Thomas la redressa. Mais une autre voiture surgit. Thomas donna un coup de volant à droite. La Porsche franchit le parapet.
Ma dernière vision est celle d’un énorme pin qui venait à notre rencontre à une vitesse incroyable.
Il fait nuit. Des voix chuchotent autour de moi. Je reconnaît celle de mes parents. Qu’est-ce qu’ils font dans ma chambre, avec un air de conspirateur ? Puis je me souviens de l’accident. Parler exige de moi un effort surhumain. Je ne reconnais pas ma voix :
- Papa ? Tu es là ?
- Ma petite Mione, tu es réveillée !
Je le devine aux bords des larmes.
- Comment tu vas ? Tu ne souffre pas trop ? Tu n’as pas mal au coeur ?
Ca, c’était maman, toujours précise et efficace. Je répondis laborieusement :
- Comme une momie.
Je sens des bandages autours de mon visage. Une terreur sourde s’empare de moi. Je revois la voiture sortant de la route, l’arbre énorme. J’entend le bruit. Ma voix tremble :
- Et Thomas ?
- Bien. Il va bien. répondit mon père. Un peu cassé mais rien de très grave, rassure-toi.
Je connais ce ton exessivement joyeux avec lequel papa éloigne de nous ses propres angoisses.
- C’est sur ?
- Un tibia fracturé, une épaule fracassée, trois côtes fêlées. énumère maman.
On dirait un constat médical. Pourtant, ce ton grognon me rassure d’avantage que la nonchalance affectée de papa. Je tâte mon visage. Tout le haut disparaît sous les bandages. Je m’affole :
- Qu’est-ce qu’on ma fait ?
- Rien de grave, ma chérie. explique papa. Quelques examens, c’est tout. Ne t’en fais pas.
Une pensée terrible m'effleure l’esprit.
- Je suis défiguré, pas vrai ?
Maman se met à rire.
- Pas la moindre égratignure, un vrai miracle ! Vu l’état de la voiture, on peut dire que vous l’avez échappé belle !
- Et ces bandages, ça sert à quoi ?
- C’est à cause de tes yeux. dit papa.
- Tu as subi un choque, ton front à heurté le pare-brise. explique maman.
- Je suis aveugle ?
- Cécité provisoire. dit une voix insouciante. Nous avons du résorber de petites hémorragies, rien de sérieux. Il ne restera pas la moindre cicatrice.
- C’est le professeur Millaud, le chirurgien qui s’est occupé de toi. précise papa.
- Je peux enlever mes bandages ?
- Dans quelques jours. répondit Millaud.
- Combien ?
- Je ne sais pas encore.
Ca, au moins, c’est franc : il n’en sait rien. Pendant ce temps, je vais rester dans la nuit. Une douleur fulgurante me traverse le crâne. Cette douleur, je la reconnais. Je l’ai déjà ressentie au cours de mon sommeil. Un long sommeil. Je demande :
- Depuis combien de temps suis-je ici ?
Un silence. Puis papa s’éclaircit la voix avant de répondre :
- Quelques jours.
- Depuis quand ?
- Onze jours. avoue maman.
- Tu étais dans le coma. dit le chirurgien. C’est fréquent dans les accidents de ce genre.
- Depuis onze jours ?
- Certains comas sont beaucoup plus long. explique Millaud. Des mois, des années !
- Ce n’est pas ça qui me rassure ! Dépêchez-vous de m’enlever tous ça ! Je ne suis pas très patiente !
Millaud prend un ton paternel pour dire :
-Il faudra faire un effort !
- Je voudrais vous y voir !
- Très drôle !
Son rire sonne faux. Ses explications aussi. Qu’est-ce qui cloche ? Heureusement, une voix sympathique dissipe la pénible impression provoquée par la suffisance du chirurgien.
- Salut, cousine !
- Thomas ? Tu vas bien ?
- Comme un vieux. grogne Thomas. Je marche avec des cannes et me nourrit avec une paille. Toi, par contre, tu as l’air en pleine forme. Ton chapeau est ravissant.
- C’est toi qui m’en a fait cadeau.
Je regrette d’avoir dis ça mais, au lieu de culpabiliser, Thomas se met à rire.
- La prochaine fois, je crois que je choisirais une parure plus discrète.
- Bon, on vous laisse. dit papa.
- Ne te fatigue pas trop. recommande maman. Tu veux que je te rapporte quelque chose ?
- Mon baladeur et mes CD, s’il te plaît.
Lorsque nous sommes seuls, Thomas s’assit sur mon lit et chuchote :
- Et maintenant les bonnes nouvelles : derrière cette porte, il y a un bipède qui meurt d’impatience de te parler.
- Je ne veux recevoir personne.
- Même pas Harry ?
- Surtout pas Harry !
Thomas est étonné, mais il n'essaie pas de me convaincre, et je lui en suis reconnaissante. J’ignore s’il se sent coupable de me voir dans ce triste état ou s’il réalise ma propre honte. Je refuse que Harry me voit comme ça.