Voici mon deuxième OS répondant aux prompts de LostInTheSun et Aosyliah.
Deuxième table, prompt numéro 9 : Les mots oubliés.
Je vous conseille d'aller lire les autres textes de cette série, ils sont tous bien !
Un grand merci à Labige pour sa relecture, ses critiques et ses encouragement ! Et un autre merci à Taka qui m'aidera sûrement toujours à trouver mes titres !
Bonne lecture à tous !
« Remus... Tu vas rire..., commence-t-elle en esquissant une grimace qui se veut souriante. Voilà, je suis enceinte ! »
Tonks tente de lâcher un petit rire cristallin mais son angoisse évidente l'en empêche et elle tousse. Triturant ses doigts, elle se surprend à regretter d'avoir sauté de joie à la lecture du résultat de ses analyses. Le Médicomage avait déjà sous-entendu une telle nouvelle mais la jeune femme avait refusé d'y croire sans preuve médicale. Alors elle relève la tête, observe longuement son reflet dans le miroir et se dit qu'il n'existe finalement aucune façon de faire accepter cela à Remus.
Deux heures plus tard, Remus rentre d'une longue et fatigante journée à étudier des lettres interceptées entre le Ministre de la Magie et le nouveau directeur de Durmstrang. Il claque négligemment la porte, expire lentement en fermant les yeux et jette sa cape sur le canapé. L'espace de quelques secondes, il se demande où est Nymphadora, puis finit par la trouver assise à son bureau, en train de remplir ce qui semble être un formulaire de compte-rendu pour le bureau des Aurors. Elle ne l'a pas entendu et Remus sourit parce que sa femme est toujours adorable quand elle est consciencieuse comme ça. Alors il s'approche d'elle et se penche au-dessus de son épaule pour qu'elle le remarque.
Tonks sursaute, elle n'a pas vu l'heure passer et se reproche mentalement de ne pas avoir préparé son annonce. Mais pour faire bonne figure, elle lui sourit, puis salue et embrasse son mari. Finalement, elle décide qu'il vaut mieux ne pas le faire attendre et lui demande alors de s'assoir. Remus est intrigué mais se contente d'afficher un air curieux et attentif. Il hoche la tête pour encourager Nymphadora à se lancer, elle a l'air d'avoir quelque chose d'important à lui dire.
« Ecoute, j'ai une nouvelle à t'annoncer mais..., murmure Tonks d'une voix à peine audible. C'est très difficile Remus.
- Je t'écoute, Nymphadora. »
Tonks se retient de lever les yeux au ciel. Elle a beau aimer la voix de Remus, de sa bouche son prénom ne sonne pas mieux. Mais elle se contient et tente de faire un gros effort pour ne pas laisser éclater sa joie. En fin de compte, elle est assez heureuse à l'idée d'être mère.
« Tu sais, la semaine dernière, j'étais fatiguée et je suis allée à Sainte-Mangouste ?
- Oui, répond Remus. Et ?
- Et alors... Le Médicomage a pratiqué plusieurs examens.
- C'est ce que font les Médicomages parfois, oui.
- Voilà..., hésite Tonks, en baissant les yeux jusqu'à ses pieds. Je suis enceinte ! »
Elle ne peut s'empêcher d'arborer un large sourire et, comme pour transmettre toute son excitation, elle agite les bras de part et d'autre de ses épaules.
Mais Remus n'affiche pas la moindre émotion, aucune joie ni aucune peine ne se dessine sur son visage. Il se contente de déclarer plutôt froidement que « pour une nouvelle, c'est une sacrée nouvelle » puis soupire de lassitude. Tonks voit bien qu'il n'a pas envie de parler mais elle est aussi très décontenancée par son absence de réaction.
« Enfin Remus... Dis quelque chose, s'il-te-plaît !
- Il n'y a rien à dire, Nymphadora, rétorque-t-il d'un ton acide. Je crois que j'ai besoin d'aller faire un tour.
- Non ! Non Remus, tu dois rester avec moi et on va discuter. »
Tonks sait que son mari ne cèdera pas même si elle se montre ferme. Mais elle n'a pas du tout envie de le laisser s'en tirer avec son habituelle désinvolture. Elle remarque sa mâchoire crispée et ses poings serrés sur ses cuisses. Elle sait qu'elle ne devrait pas aller plus loin mais la différence d'émotion entre elle et Remus lui saute brusquement au visage. Sentant la colère monter, Tonks pose une main autoritaire sur la cape de son mari et lui lance un regard où se mêlent défi et détermination.
« Tu ne t'en tireras pas comme ça, Remus Lupin ! Il est hors de question que tu ailles faire un tour sans m'avoir parlé avant !
- Ce n'est pas la peine de t'époumoner Nymphadora, je suis juste à côté de toi, répond-t-il calmement.
- Mais bon sang... commence-t-elle d'une voix qu'elle sent partir dans les aigus. Par Merlin Remus ! Arrête avec ton insupportable nonchalance ! On va avoir un enfant, Remus ! Un enfant ! »
Tonks s'était mise à crier, son regard furieux posé sur son mari. Elle ne peut pas croire que Remus se montre indifférent à ce point. Elle veut le pousser à bout juste pour lui montrer que, parfois, exprimer ses sentiments a du bon.
« Ecoute, murmure Remus, j'ai vraiment besoin d'aller prendre l'air alors on en reparlera plus tard et...
- NON ! Il est hors de question que tu me laisses seule maintenant. Il faut qu'on réfléchisse à ce qu'on va faire ! Et en parler à mes parents ! Et voir avec Kingsley pour le recensement ! »
Le mot « recensement » résonne dans la tête de Remus. Il n'avait pas encore pensé à ce problème, mais il réalise à présent l'ampleur de celui-ci. Un loup-garou n'a pas le droit de se reproduire et il se sent coupable d'infliger la clandestinité à un potentiel enfant. Dans un mouvement rempli de colère, Remus se lève et s'avance jusqu'à la bibliothèque. Il se tait, préférant ne pas relancer la dispute. Mais Tonks en décide autrement, parce qu'elle ne veut pas que Remus soit tourmenté, parce qu'elle est heureuse d'être enceinte et qu'elle veut partager son bonheur avec lui.
« Tu sais Remus, ce ne sera pas très difficile pour nous, ni pour lui. Molly m'aidera à surveiller ma grossesse, Kingsley pourra facilement empêcher la reconnaissance de cet enfant auprès de la société sorcière et il vivra dans le secret jusqu'à la fin de la guerre. Ce n'est pas si terrible, dans le fond.
- Tu as perdu la tête Nymphadora, rétorque son mari qui se sent perdre son calme. Evidemment que ce sera terrible ! Tu ne sais pas ce que c'est, toi ! Tu n'as jamais eu à vivre caché, tu n'as jamais eu honte de ta nature ! »
Mais Tonks ne l'écoute plus. Elle sait que cette discussion devait arrviver un jour et que Remus a toujours souffert d'être un loup-garou. Elle ne voulait simplement pas se priver d'une occasion d'être mère parce qu'il a eu une enfance difficile. Donc à elle de répondre qu'il est paranoïaque, que ce n'est pas la même chose et qu'il ne cherche qu'à se défiler. Elle prononce les mots « incompréhensif », « immature » et « lâche ». Lâche... Remus n'a jamais voulu l'être et il s'est toujours félicité d'être un homme entier et courageux. Alors il n'y tient plus, il lève son poing et frappe dans le mur , déformant le plâtre qui le constitue. Nymphadora sursaute, elle ne s'attendait pas à un tel excès de colère et se met à regretter ses mots.
Remus, ordinairement capable de se contenir et ce, quelles que soient les circonstances, a besoin de se libérer. Il s'appuie contre le buffet du salon et lance un regard perdu en direction de la fenêtre. Il hésite et se demande s'il ne vaut pas mieux qu'il sorte de l'appartement contre l'avis de sa femme. Mais Tonks n'en a pas terminé, elle n'a pas envie que la conversation s'arrête là. Elle veut l'accord de Remus pour aller voir Kingsley, elle veut être sûre qu'il accepte leur enfant.
« Tu m'accompagneras au Terrier demain, d'accord Remus ? demande-t-elle timidement.
- Je ne sais pas, on ne pourrait pas en reparler plus tard ?
- Bien sûr que non, il faut que tout soit réglé rapidement ! Si on traîne, tu sais aussi bien que moi que je vais devoir aller à Sainte-Mangouste et là-bas, les choses seront trop compliquées.
- Nymphadora..., commence Remus les dents serrées, ça ne va pas être possible. Je pense qu'on ne peut pas garder cet enfant.
- Pardon ?! Tu veux nous priver de notre enfant parce que tu as peur ? Ressaisis-toi Remus et réfléchis bien avant de dire de telles idioties ! »
Mais il ne se sent pas idiot. Au contraire, Remus trouve ses doutes parfaitement fondés et l'entêtement de sa femme à nier l'évidence l'énerve un peu plus. Il sent qu'il va exploser, il a besoin d'extérioriser toute sa colère. Et sans même réfléchir à son geste, Remus s'empare de la première assiette d'une pile posée sur le meuble et la jette contre le mur opposé.
Tonks est effrayée, elle n'a jamais vu son mari dans un tel état. Heureusement pour elle, ses réflexes l'ont amenée à dégainer sa baguette et à lancer un sortilège du bouclier alors que l'assiette se brisait en mille morceaux et que certains éclats volaient en sa direction. Elle sent ses jambes trembler et ne parvient plus à rester debout. Alors la jeune femme s'effondre et se met à pleurer. Elle voit à peine Remus marcher vers la porte d'entrée et ne l'entend même pas la claquer après être sorti de l'appartement.
Tonks reste là à pleurer toutes les larmes de son corps. Elle ne sait pas depuis combien d'heures son mari est parti mais elle ne s'en inquiète pas. En fait, elle repense aux gestes de Remus, à sa rage et à sa violence. Elle se demande comment ils ont pu en arriver là, comment il a pu réagir ainsi. Elle finit par se remémorer les doux moments passés ensemble. Les mots qu'ils murmuraient pour la séduire quand ils ne pensaient pas encore à l'avenir. Ces mots qu'il a dû oublier en cours de route. Ses « je t'aime » qui lui ont toujours semblé sincères.
Tonks se rappelle cet amour partagé, cette complicité qui a rendu leur vie plus belle. Elle entend encore les déclarations enflammées de Remus, des souvenirs qui l'attristent mais qui lui plaisent. Des instants partagés, toutes ces fois où il disait que rien ne pouvait les séparer. Ses « je t'aime » qui signifiaient qu'ils pourraient toujours tout surmonter.
Et puis Tonks se voit seule, à pleurer dans son canapé alors que Remus est parti. La nuit tombe, entraînant son envie d'exister. Elle n'a plus l'impression que la vie ait un sens quand elle n'est pas avec celui qu'elle aime. Elle redouble de chagrin quand minuit sonne et elle tombe d'épuisement au petit matin. Elle se réveille en sursaut quand la porte s'ouvre enfin. C'est un Remus éternellement fatigué qui se tient prostré devant elle. C'est un Remus de tous les jours qui lui dit qu'il est désolé, le visage dénué d'expression. Et c'est une Nymphadora accablée qui lui répond qu'il a dû oublier ces mots qu'ils se disaient avant. Ces « je t'aime » qui perdent leur sens ce matin-là.
Oui c'est promis, le prochain prompt sera moins triste.