Voilà le monstre....
Toujours est-il qu’il était six heures, et qu’il était réveillé.
Il se leva, étouffa un bâillement, et poussa sans ménagement la porte. Elle claqua, troublant e silence matinal. James regarda anxieusement aux alentours, comme quelqu’un habitué à vivre avec des lève-tard.
Et puis il se releva que dans le petit studio qu’il avait loué à ses frais cet été là, il était seul.
Il traversa l’étroit couloir et pénétra dans la cuisine. Un rayon de soleil venait chatouiller les murs de la pièce, égayant le blanc de la faïence.
Sans précaution, le jeune homme se saisit d’un bol, le remplit de lait, s’assit à la table, se releva, prit un paquet de céréales. Il s’assit un nouveau, souffla sans raison, et plongea sa main dans le sachet.
Il compta une à une les céréales qui tombaient dans son bol, et s’arrêta à 121, car le chiffre était d’importance.
Refermant soigneusement le papier, il se releva et replaça la boîte à sa place. Il se saisit ensuite d’une chiffon et entreprit de nettoyer méthodiquement sa place.
James aimait l’ordre, James aimait la propreté. Il ne comprenait pas pourquoi les gens étaient étonnés de le voir si absorbé dans les tâches auxquelles il s’astreignait tous les jours.
Les gens ne savaient pas qu’il était vital de tout reproduire, au même moment, aux mêmes heures.
C’était en partie pour ça que le jeune homme avait choisi de déménager à la sortie de Poudlard, ses A.S.P.I.Cs en poche. Un appartement pour lui seul, où personne ne viendrait le déranger dans ses petites habitudes et où il pourrait agir comme bon lui semblerait.
Ses amis ne comprenait pas comment l’adolescent turbulent et expansif pouvait être aussi obsédé par l’ordre et la propreté. James s’était donc aperçu très vite que le monde avait besoin d’étiquette pour fonctionner, et que si l’on ne se conformait pas aux stéréotypes que l’on calquait sur vous, vous étiez en dehors du système -toqués, comme certains adoraient dire.
Définir c’est limiter, pensait James.
Mais il ne souhaitait rien de plus que s’intégrer, alors, peu à peu, il se surprit à dissimuler ses agissements. Au fur et à mesure, il prenait goût au secret. Toute une parcelle de son existence passait à la trappe aux yeux des autres, et il appréciait.
Ainsi, en vint-il à construire des édifices fragiles fondés sur des mensonges par omissions.
« Ma vie entière est fondée sur le secret » dit James à haute voix.
Mais personne n’était là pour l’entendre, et il était persuadé que ses murs n’avaient pas d’oreilles. Néanmoins, il apprécia son petit effet.
Oui, ça donnait, cette silhouette perdue dans un rayon matinal, ce profil romain se découpant sur le mur immaculé de la cuisine, en train de se questionner sur le grand sens de la Vie.
Il avait une image très romantique de sa personne, aussi fût-il particulièrement satisfait. Il éprouva cependant une pointe de regret à l’idée qu’aucun être vivant n’avait entendu sa brillant considération.
Il se leva, et se dit que cela ferait bien de soupirer. Mais il détestait ce mouvement, il avait l’impression qu’il n’était dû qu’aux êtres vulgaires et au mauvais théâtre. Par conséquent, il en restât là.
Dans la salle de bain, au sortir de la douche, James s’examine comme on critique une œuvre d’art, d’un œil critique et sans appel. Cinq minutes après cette analyse qui se reproduisait tous les jours, il s’habilla soigneusement, se parfuma d’une légère goutte d’un parfum bien viril et se décoiffa avec son application habituelle.
Il sourit au portrait et reçut un coup au cœur.
James se savait mignon, mais c’était pour lui une surprise renouvelée de ‘apercevoir de sa beauté.
Il n’était pas joli, il était beau.
Des cheveux noirs aux boucles effacées, un profil taillé à la serpe, le nez aquilin, le menton à la fois délicat et volontaire…
Et, pour finir, de grands yeux noisettes rieurs surmontés de longs cils noirs.
Des cils de fille, avaient ricané les jaloux de Poudlard.
Mais James s’en moquait. Lui, au moins, était beau.
Ce n’était pas une cervelle vide dans un beau corps, pourtant. Remarquable en DCFM et en Métamorphose, il se défendait très bien sortilège et en potion. Il était l’élève turbulent et brillant que l’on ne rencontre qu’une fois par décennie, le tombeur, le plus prometteur de toute la promotion, courtisée par des équipes de quidditch de haut-niveau, promis à un brillant avenir. Les A.S.P.I.Cs décrochés avec une facilité déconcertante, il faisait honneur à la famille. Il rappelait tellement Harry le père qu’il n’avait jamais eu.
« Il est trop parfait » gloussaient les adolescentes de Poudlard dans leurs dortoirs.
Seulement, personne n’est parfait, au demeurant. James le soupçonnait fortement. D’ailleurs, il haïssait la perfection pour la simple raison qu’il ne pourrait jamais l’atteindre.
Souvent, il se sentait vide. Constamment, il trouvait son existence futile.
Il aurait fait n’importe quoi pour ressentir quelque chose.
James s’approcha de la bibliothèque et saisit un livre au hasard.
« Le portrait de Dorian Gray », son livre préféré.
Le hasard faisait bien les choses.
Souriant intérieurement, le jeune homme s’assit dans un fauteuil.
Dans le livre, l’âme de Dorian était noire, c’était incontestable. Noire et irrécupérable.
Dans la vie, lorsqu’il voyait son frère, il voyait une âme qui ressemblait à la faïence immaculée de sa petite cuisine. Le monde autour de lui s’ingéniait à obtenir une blancheur semblable, et ceux qui ne s’évertuaient pas à le faire étaient catalogué ou s’auto-cataloguaient comme « brigands » , « voyous » et autres gracieux qualificatifs.
On avait appris à James que le monde n’était ni noir ni blanc. Pourtant, il ne voyait que ces deux couleurs.
Il détestait les gens entiers. James trouvaient qu’ils manquaient de complexité, qu’il étaient simplistes, voir simplets. C’était le cas de son frère.
Le jeune homme s’absorba un long moment dans sa lecture. Lorsqu’il finit son livre, le soleil s’étaient déplacé, et une chaleur étouffante régnait dans l’appartement.
Il regarda l’heure et sourit. Il allait La retrouver.
Une pointe de culpabilité la transperça, il souffla un long moment. Puis, il prit son courage à deux mains et sortit de l’immeuble.
La circulation était dense, et il se délecta du bruit. Il n’aimait pas quand le silence s’installait durablement.
En général, il n’aimait pas les choses stables.
C’est-ce qu’il adorait dans ses relations avec Elle. Tout ce qu’il aimait était rassemblé dans cette relation : l’instabilité, l’interdit, le secret.
Il ne pouvait totalement se livrer à Elle et pourtant ils entamaient des conversations où ils étaient plus francs l’un envers l’autre qu’envers n’importe qui.
James savait qu’il ne l’aimait pas vraiment. Du moins, il l’espérait. Elle lui avait bien spécifié qu’il ne devrait pas y avoir de sentiments entre eux.
Il poussa la porte du petit café et demande une table. Elle n’y était pas et, si il s’y attendait, il fut un peu déçu.
Elle lui demandait peu et lui rendait beaucoup, mais James savait que tout cela serait voué à l’échec. Bientôt, il se lasserait et chercherait une autre femme, plus jeune, avec moins d’expérience…
Mais il était persuadé du contraire : Elle le remplacerait en moins de temps qu’il ne lui en faudrait pour le dire.
Et là, le seul doux frisson de son existence partirait en fumée.
On poussa la porte. Ames releva la tête, plein d’espoir. C’était bien Elle.
Elle s’assit en face de lui avec son air impénétrable et commanda un café bien serré, comme à son habitude. Le jeune homme huma l’air soudain empli de son parfum fruité.
« Ne me regarde pas comme ça, on dirait que tu es amoureux » , lança Astoria Malefoy d’une voix sans appel.
Tomates ? *pars se cacher*