Ce texte a été écrit pour l'anniversaire de DameDeCoeur, dont la passion pour Severus Rogue est légendaire. J'aurais aimé écrire quelque chose de joyeux, mais je n'ai pas réussi. J'espère que ça te plaira quand même...
Merci à Vialane pour son bêtatage et à Natiwan pour ses remarques !
Severus est allongé, lissant machinalement le drap vert bouteille de son lit. Il passe sa main sur son oreiller et le sent humide des larmes qu’il a versées. Il jette un nouveau coup d’œil à la Lune à travers la fenêtre. Elle est pleine cette nuit. Sans doute que les quatre Maraudeurs -que ce surnom est ridicule- sont dehors, pleins d’insouciance, malgré la semaine éprouvante qu’a constituée celle des BUSEs. Cela fait déjà quelques mois que Severus a découvert le secret qui le préoccupait depuis son entrée à Poudlard, mais aujourd’hui, ses pensées sont bien loin de Remus Lupin. Quelle importance peut avoir la présence d’un loup-garou à l’école, alors qu’il a commis l’irréparable. Plus rien n’est important de toute façon. Il le sait déjà, ce simple mot a définitivement brisé tous ses liens avec Lily.
Bien sûr, cela fait depuis ce premier septembre fatidique où ils ont été répartis dans deux maisons ennemies que leurs relations ont commencé à se dégrader. Bien sûr, cela fait déjà quelques mois que leurs disputes à propos de la magie noire se multipliaient. Mais jamais Severus n’aurait pu imaginer quelque chose d’aussi définitif. Ce simple mot, c’est comme un barrage qui cède, l’eau qui s’engouffre dans la brèche. Elle vient tout d’abord lécher le pied des bâtiments, avant de les inonder totalement, et d’en faire pourrir les fondations qui paraissaient pourtant inébranlables quelques années auparavant. Et un édifice s’effondre, d’un coup, presque sans prévenir. La construction la plus importante de toute la vie de Severus vient de disparaître, engloutie par les flots. Pour éviter de sombrer avec la demeure où il a vécu, Severus se raccroche alors à ses souvenirs comme à une bouée de sauvetage.
Il se souvient encore de la première fois où il l’a vue. Il s’en souviendra toujours sans doute. Il était sorti de sa maison délabrée, plus pour éviter les cris de ses parents qu’à la recherche de quelque chose en particulier. Après avoir longé les cheminées à l’arrêt des usines désaffectées, il avait continué à avancer. C’était la première fois qu’il dépassait la limite que lui avait donnée sa mère, mais après tout, quelle importance ? Il avait toujours besoin de marcher durant de longues heures pour oublier les grognements d’ivrogne de son père, et les gémissements de douleur de sa mère. Il en avait assez d’à chaque fois effectuer le même parcours sinistre, avant de revenir devant la porte à travers laquelle il entendait toujours les mêmes sons terribles. Pour la première fois, il avait donc quitté ce chemin connu par cœur, et s’était éloigné du monde grisâtre des quartiers pauvres. Il avait erré, était arrivé à une pâtisserie devant laquelle il avait retourné ses poches désespérément vides à la recherche d’une pièce de monnaie pour s’acheter quelque chose, puis avait repris sa route d’un air morne et dépité, errant à nouveau.
C’est en repassant devant la pâtisserie qu’il avait aperçu deux jeunes filles. La plus jeune devait avoir à peu près son âge, les cheveux d’un roux sombre et le visage souriant. Il n’avait pas vu distinctement le visage de l’autre, mais celui de la plus petite des deux fillettes avait longtemps hanté son esprit. Elle semblait si heureuse, pure, et encore innocente. D’abord, Severus l’avait enviée, elle qui paraissait avoir une famille digne de ce nom. Puis, peu à peu, il s’était pris d’affection pour cette figure ronde et joviale. Il n’avait pas pu voir en détail son visage, mais il avait imaginé ce qu’il ne pouvait connaître. Elle avait les yeux bleus, et s’appelait Kathy, quelques taches de rousseur, mais pas trop, et juste sur le nez. Sa voix était douce, et c’était une sorcière. Severus ne s’était jamais imaginé la revoir.
Pourtant, quelques semaines plus tard, dans un parc, il l’avait à nouveau aperçue. Elle était encore avec cette fille un peu plus âgée. De plus près, Severus avait pu remarquer qu’elles avaient cet infime détail dans l’attitude qui lui donnait la certitude qu’elles étaient sœurs. Néanmoins, si la cadette inspirait de la sympathie à Severus, sa grande soeur lui paraissait étrangement banale et insignifiante. Sans même lui prêter attention, il avait reporté son regard sur la plus jeune des filles, celle qu’il avait déjà remarquée. Ses yeux n’étaient pas bleus mais d’un vert émeraude étincelant, et elle n’avait pas du tout de taches de rousseurs. Severus avait l’étrange impression que la fillette qu’il regardait à la dérobée était une ancienne amie perdue depuis longtemps, qui avait toujours été présente dans son cœur. Il s’approcha des deux jeunes filles pour tenter de confirmer cette impression, mais il ne put qu’entendre indistinctement un nom murmuré, « Lily ».
Severus est assis, sur son lit, le regard perdu dans le vague. Ses larmes se sont taries, à force de pleurer. La Lune s’est éloignée de la fenêtre, obscurcissant la pièce et estompant les formes lourdes des meubles. Il tente encore de se souvenir, mais les images de bonheur fuient sa mémoire comme l’eau qui coule inexorablement de la brèche du barrage. Pourquoi ? C’est comme s’il refuse de se remémorer les moments les plus heureux de sa vie, maintenant qu’ils font partie d’un passé irrémédiablement perdu. Un mot, proféré par une langue qui s’oublie, et tout un pan de vie disparait. Alors, il tente de se raccrocher aux dernières images, il se concentre intensément, et les fixe dans sa mémoire. Il les ancre solidement, afin qu’elles puissent résister à l’inondation.
Un printemps sec, Lily prend une fleur sur un arbre. Elle la serre dans sa main, souffle sur son poing clos, et la fleur s’ouvre.
Le parc, avec la balançoire rouillée, et son crissement lorsque Lily monte de plus en plus haut. Un bruit si désagréable autrefois, aujourd’hui adouci par la mélancolie.
Lily, qui le prend dans ses bras pour le consoler après une nouvelle dispute de ses parents.
Severus, assis à côté de Lily, lui parlant de Poudlard.
Et puis cette journée, Severus s’en souvient. Ils étaient allongés côte à côte, sur le gazon anglais du parc de la ville. Le soleil tapait sur le pantalon noir et usé de Severus. Il lui avait parlé d’Azkaban et des Détraqueurs, ce n’était pas une conversation très joyeuse. Après un moment de paisible silence, Lily avait demandé si c’était vraiment un hibou qui lui apporterait la lettre de Poudlard. Severus lui avait répondu qu’en tant que née-moldue, un professeur viendrait voir ses parents pour leur expliquer la situation. Lily avait grimacé. Severus s’en était voulu d’avoir rappelé cette différence. Il s’était pourtant juré d’éviter d’en parler. Lily avait hésité un instant, puis avait demandé :
- Est-ce que ça fait vraiment une différence d’être née-moldue ?
Severus était indécis. Logiquement, il aurait du lui répondre que oui. Jusqu’à ce qu’il rencontre Lily, Severus ne s’était jamais posé réellement la question de la valeur des sorciers nés-moldus. Il était certain qu’elle ne valait pas moins que lui, si c’était ce qu’elle demandait. Mais il n’avait pas le droit de lui cacher que certains sorciers auraient des préjugés sur elle à cause de sa naissance. Severus resta encore un instant silencieux, hésitant. Il aurait du lui dire la vérité, mais il avait peur de perdre son amitié. Et puis, Lily devait sans doute poser la question par rapport à ce que pensait son ami. Alors Severus se décida :
- Non, répondit-il, ça ne fait aucune différence.
Les passages en italique sont extraits d'Harry Potter 7, chapitre 33, "Le Récit du Prince".J'espère que vous et surtout DDC avez apprécié cet OS. N'hésitez pas à me laisser une review, même si elle est négative !