Il nota sa façon d'empiler ses livres pour qu'ils la cachent. Les gens pensaient qu'elle ne faisait ça que parce qu'elle aimait étudier. Mais il la connaissait mieux que ça.
Fred s'approcha très discrètement. Il avait découvert qu'elle occupait cette place particulière, chaque soir depuis deux semaines, et qu'elle s'assurait toujours d'être dissimulée aux yeux des autres occupants de la bibliothèque. C'était comme si elle se cachait avec une idée en tête, ce qui signifiait qu'Hermione Granger avait définitivement un secret. Un secret qu'elle voulait gardé caché de tout le monde.
Fred aimait bien savoir tout ce qui se passait à Poudlard. Il s'était assuré de connaître tous les passages secrets, les entrées secrètes des endroits secrets, où aucun élève n'était censé pénétrer (comme Fred se considérait bien au-dessus de ces règles insignifiantes, il ne voyait aucune raison de s'y conformer), les nombreux secrets que les gens dissimulaient (sans succès), et connaissait presque chaque couple ''secret'' qui se rencontraient à l'intérieur des quatre murs de Poudlard. Il estimait donc de son devoir de découvrir le secret d'Hermione.
Il devait en remercier Rogue, vraiment. Si Fred n'avait pas surpris accidentellement Rogue et McGonagall ayant un rare moment de tendresse, écrit un rapport très détaillé sur ce qu'il avait vu (dont la plus grande partie, il en était sûr, était considéré comme "non-approprié pour des jeunes élèves de onze ans") et lu le susmentionné rapport à voix haute pendant le petit-déjeuner (de toute façon, les première année l'apprendraient, et il se devait de les éclairer sur ce point), il n'aurait jamais atterri en retenue.
Au début, Fred considérait que ranger les livres sans magie était d'un ennui profond, et que madame Pince était une vieille femme grincheuse sans aucun sens de l'humour, mais les choses avaient commencé à devenir intéressantes quand il avait surpris Hermione lançant des regards furtifs autour d'elle en entassant ses livres sur sa table. Finalement, il avait un objectif à atteindre. Fred Weasley n'en avait pas l'air, mais il était très ambitieux – son ambition n'était simplement pas orientée dans la direction souhaitée par sa mère.
Il regarda l'horloge au mur, derrière elle. S'il avait raison (et c'était certainement le cas), Hermione se lèverait bientôt et irait s'offrir une pause pipi. Alors viendrait le moment crucial : il devrait calculer exactement ses actions pour voir ce qu'elle faisait avant qu'elle ne revienne et n'emporte ses affaires.
Attendez une minute. Fred pouvait voir ses jambes décroisées – c'était clairement révélateur d'une intention de quitter la table. Vite, fais quelque chose !
Mais quoi ? Sa baguette était confisquée, et il savait qu'Hermione ne voudrait pas discuter avec lui. Elle était bien trop intelligente pour ça.
Oh non, il entendait un grincement... Elle se levait de sa chaise !
Fred savait qu'il était une personne très modeste. Non, sérieusement, il était vraiment modeste. Il ne se vantait que rarement de ses fantastiques réussites quotidiennes, mais ce qu'il fit ensuite le stupéfia infiniment. S'il pouvait être sa propre idole, il le serait, aucun doute là-dessus.
Dans le petit chariot plein des livres qu'il était (supposé être) en train de ranger, il y avait livre monstrueux. Littéralement. Le Monstrueux Livre des Monstres n'avait jamais été son ouvrage préféré, mais il le devint bientôt. Oh, bien sûr, les gens avaient tendance à lire le livre avant de décider s'ils l'appréciaient ou pas, mais Fred n'aimait pas respecter les convenances. Il préférait un peu d'action. Par conséquent, il déboucla la ceinture qui fermait la petite chose poilue, et lança ladite petite chose sur Hermione.
Inutile de dire qu'il fut très fier du résultat.
Heureusement (ou malheureusement, selon votre point de vue), Hermione avait laissé sa baguette dans la salle commune. Fred la laissait croire que ce n'était qu'une pure coïncidence. Mais, en dépit de la croyance populaire, Fred était une personne très organisée et très minutieuse. Il agissait rarement sur un coup de tête ; tout était méticuleusement planifié. Et cette fois-là n'avait pas fait exception. Fred avait au préalable fourré la baguette d'Hermione dans un fauteuil très confortable.
Ainsi, pendant qu'Hermione tentait sans succès d'ensorceler le livre avec le vulgaire bout de bois que Fred avait prévu en remplacement, il se faufila près de la table et prit la première chose qui lui tombait sous la main. Plus tard, Hermione voudrait savoir comment il avait fait tout cela sans qu'elle ne le remarque. Fred lui répondrait qu'il ne s'agissait que de l'un de ses très nombreux talents.
A présent, il devait accomplir la prochaine étape de son plan diabolique.
Prendre ses jambes à son cou.
Bien caché dans une petite niche pratique de la Volière, Fred examina ce qu'il tenait dans les mains. Il fut amèrement déçu.
C'était un journal intime.
Que c'était prévisible.
Pourtant, il avait toujours cru qu'Hermione n'était pas le genre de personne à avoir un journal intime ; il la pensait beaucoup trop logique pour ça. Apparemment, il avait tout faux. Mais à quoi cela servait-il de tenir un journal ? Personne n'était censé le lire (encore une fois, il se considérait comme une exception) et, sauf si vous aviez une vie palpitante, ce qu'il y avait d'écrit demeurait sensiblement la même chose que dans tous les autres journaux intimes. Avait-il mentionné à quel point ce serait ennuyant de le lire ?
Le journal d'Hermione était un petit livre relié de cuir, avec les mots Journal intime d'Hermione Granger imprimés en lettres d'or. Bon, eh bien il ne serait plus intime à partir d'aujourd'hui.
Cependant, il rencontra une légère difficulté à ouvrir le livre. Il n'y avait qu'un simple cadenas moldu... Mais rien n'était jamais simple avec Hermione. Elle avait dû l'ensorceler, ou quelque chose de similaire, pour qu'il effraye ceux qui osaient s'immiscer dans sa vie privée.
Mais Fred n'était pas Fred pour rien. En dix minutes, il avait réussi à déverrouiller le cadenas (il avait présumé qu'il n'aurait besoin que d'une banale épingle à nourrice... Encore une fois, il avait sous-estimé les capacités d'Hermione Granger). Il avait ensuite présumé que tous ses efforts allaient être déçus, gâchés.
Il ouvrit le livre à la première page qui, excepté la phrase "Ne jamais juger un livre à sa couverture", écrite avec l'écriture nette d'Hermione, était vide.
Déjà ennuyé, Fred tourna paresseusement la page. A la différence de la précédente, elle était couverte d'écriture. Aussi, les griffonnages ravagés ne ressemblaient pas du tout à son écriture habituelle.
Peut-être que ce ne serait pas une perte de temps, après tout.
Il entama sa lecture.
Cher Journal,
Aujourd'hui, ma journée a été bien remplie. Je me suis levée, ai pris mon petit-déjeuner, suis allée en cours, ai mangé et me suis couchée. C'était vraiment un jour très, très amusant.
Je vois d'ici que cette histoire de journal intime va être immensément agréable. Pas du tout.
Quand ma mère m'a acheté ce livre, elle présumait, comme la personne banale qu'elle est, que je l'utiliserai en tant que journal intime.
Mettons les choses au clair, voulez-vous ? Je ne suis pas le genre de personne à écrire un journal intime.
J'aimerais que quelqu'un vienne me donner une raison valable de tenir un journal. Ça ne sert à rien. C'est simplement un moyen de vous faire chanter – sauf si vous êtes Anne Frank, parce qu'à ce moment-là, évidemment, un journal devient une bonne méthode pour devenir célèbre. Personnellement, je n'ai aucune intention d'être sous le feu des projecteurs, merci beaucoup. Je considère ma vie comme une longue succession d'ennuis, et j'attends patiemment que sa fin veuille bien se montrer. C'est déjà assez dommage qu'elle ait eu un commencement – si je pouvais retourner dans le passé et obliger la femme qui m'a donné naissance à avaler cette potion de contraception que j'ai découvert dans un livre l'autre jour, peut-être que je serais plus heureuse.
Bien sûr, ça voudrait dire que je ne serais jamais née, et donc que je ne serais pas capable de ressentir ladite émotion. Oh, laissez-moi rêver, voulez-vous ?
J'imagine que les gens considèrent que si vous insultez votre propre mère, vous êtes mal élevé. Ces gens-là fronceraient les sourcils s'ils savaient que, chaque fois que je souffle mes bougies d'anniversaire, je fais le vœu de n'être jamais née (notez l'ironie). Mais depuis quand est-ce que je me préoccupe de ce que les autres pensent ?
En relisant ce que j'ai écrit jusqu'ici, je me rends compte que ce qu'il en ressort, c'est que je n'aime pas ma vie. Rien n'est plus faux. Si je suis reconnaissante d'une chose, c'est d'être née dans un monde où vivent tant d'idiots. Les gens restent bouche bée devant moi et croient que je suis un génie. Ce qu'ils ne réalisent pas, c'est que je ne suis pas incroyablement intelligente – ce sont les personnes autour de moi qui sont étonnamment stupides. Les génies n'existent tout simplement pas. Mais il y a malheureusement une abondance accablante de personnes qui possèdent un cerveau sous-développé.
Honnêtement, ça commence à devenir un début de journal intime. Je suis consternée. La seule chose que je sais, c'est que si mon père m'annonce que je suis la prochaine princesse de Génova, ça ne va tout simplement pas le faire. Si je devais être un personnage de Journal d'une Princesse, je choisirais volontiers Fat Louie( Ndlb :dans le film, il est appelé Gros Louie ) au lieu de Mia. Au moins, le chat peut survivre avec trois jambes ; Mia tenterait probablement de se suicider, échouerait, puis se lamenterait de sa perte d'un membre dans son journal.
Les professeurs m'assurent que je ferais une très bonne Guérisseuse, ou avocate. Mais les professeurs sont des personnes, et les personnes (qui ne sont pas moi) sont, comme je l'ai mentionné au-dessus, incroyablement stupides. Personnellement, je pense que suis une bonne critique. Si seulement on pouvait être payés pour critiquer les autres, ce serait le métier parfait pour moi. Je ne parle pas d'être une critique littéraire ou gastronomique. Je ne m'intéresse pas à ce que les gens font pour vivre. Je m'intéresse aux personnes elles-mêmes.
Le métier qui se rapproche le plus d'un critique populaire (2), c'est un psychologue. Peut-être que je tiens ma future profession.
C'est décidé. Je vais écrire le profil de chaque patient, déterminer ses défauts et recommander une thérapie adaptée...
Fred entendit soudain des pas qui s'approchaient. Il referma brusquement le livre et se glissa dans un passage secret qui menait de la Volière au couloir des cuisines.
Il pensait connaître la meilleure amie de son petit frère. Il avait toujours supposé que, si Hermione avait un côté caché, ce serait qu'elle aimait secrètement se travestir. Ca l'amusait infiniment quand il l'imaginait portant un baggy et le crâne tondu – cette image l'avait aidé plus d'une fois à passer le temps, alors qu'il était supposé écouter les professeurs.
Mais ça... Cette cynique, dédaigneuse, arrogante fausse personnalité, il ne l'aurait jamais imaginé. Elle était toujours aimable avec lui. Un peu stricte, peut-être, mais pas condescendante.
Il se laissa tomber sur un fauteuil de la salle commune. Qu'est-ce qu'Hermione cachait encore à ses amis ? Etait-elle une Mangemort ? Ou, Merlin l'en garde, la fille illégitime de Voldemort ? Il lui semblait que rien ne pourrait plus le surprendre. En tout cas, rien qui soit relié à Hermione.
« Fred ? »
Par le slip en crocodile de Dumbledore... C'était elle !
Fred fourra le livre tout au fond du fauteuil.
- Ca alors, si ce n'est pas Hermione, l'amie que je connais si bien ! Ou pas.
Elle le regarda bizarrement.
- Tu prépares quelque chose, déclara-t-elle. S'il te plaît, dis-moi que ça n'a rien avoir avec Farces pour Sorciers Facétieux.
- Tu ne me fais pas confiance ? Parce que je n'ai certainement pas confiance en toi.
- Bien sûr que non. Au fait, tu n'aurais pas vu ma baguette ? Je crois que je l'ai laissée quelque part par là.
Hermione s'accroupit et regarda sous une table.
- Non, désolé, je ne vois pas ta baguette. Mais je sais où elle est.
- D'accord, mais est-ce que tu l'as vue ? répéta-t-elle en remuant les livres sur la table.
- Pas depuis ma retenue, répondit-il doucement. Regarde comme elle joue bien son rôle ! Elle devrait recevoir un Auscar ! (Ou était-ce Oscar ? Il confondait toujours)
- Bon, si tu la vois, tu pourras me la rendre, s'il te plaît ?
- Bien sûr, si je la vois. Mais je ne la verrai pas, puisqu'elle est cachée dans un fauteuil.
- Merci. A plus tard, Fred.
Elle monta les escaliers du dortoir des filles.
- Salut, répondit-il avec un vague signe de la main. Et ne reviens pas !
Est-ce qu'elle était toujours aussi effrayante ? Fred frissonna devant le feu de la cheminée. Il ferait mieux de surveiller ses arrières, maintenant. Mais avant tout, il devait continuer de lire son "journal"... Qui sait quels autres secrets accablants elle y avait écrit ?
Problèmes :
Je suppose qu'on pourrait mettre son comportement et sa personnalité sur le compte de la façon dont il a été éduqué. Mais les excuses ne peuvent pas aller plus loin. Harry est le garçon le plus gâté (un exploit incroyable, considérant qu'il n'a jamais été gâté), capricieux, violent et naïf que j'aie jamais eu le malheur de rencontrer.
Ça m'agace énormément quand Harry se repose soudainement sur nous, et qu'il s'attend à ce que nous comprenions la ''mauvaise posture'' dans laquelle il s'est fourré. Bon, et alors, ça fait quoi qu'on lui ait, métaphoriquement parlant, mis un sac sur la tête - je n'ai jamais été autant d'accord avec Dumbledore ; je pense que c'est une nécessité absolue. Harry a une tendance à se ruer tête la première dans tout et n'importe quoi, sans penser aux conséquences. Parfois, je me demande même s'il a jamais eu la capacité de penser. Je ne crois pas – il l'a prouvé en de nombreuses occasions.
Vraiment, ça ne me poserait aucun problème s'il se faisait tuer – je ne pourrais pas y accorder moins d'importance, pour être honnête. Mais la moindre erreur commise à cause de sa stupidité mettrait le monde entier en péril, et ça, ça ne le ferait tout simplement pas. Je vis dans ce monde, et il est hors de question que je me fasse tuer à cause de l'incapacité chronique d'un gamin immature à réfléchir.
La seule raison pour laquelle il a une petite chance de vaincre Voldemort (un autre petit garçon puéril qui a encore beaucoup de chemin à faire pour devenir un tant soit peu mature), c'est parce que j''ai toujours été là. Récapitulons, voulez-vous ?
Première année : Je suis celle qui a trouvé ce qu'a fait Nicolas Flamel. Je suis celle qui a réalisé qu'il y avait une trappe sous Touffu. Je suis celle qui a reconnu le Filet du Diable – et qui a fait apparaître les flammes qui l'ont détruit. Je me suis assurée qu'il n'allait pas s'empoisonner. Il faut voir les choses en face... Les seules choses que Harry a fait, c'est nous fournir une flûte, attraper la clé (n'importe qui sachant diriger un balai aurait pu en faire autant), et se débrouiller pour que Quirrel mette plus de temps que prévu à l'assassiner. Il se serait fait tuer, si sa mère ne s'était pas jetée devant lui et n'était pas morte dix ans auparavant. Je me demande si elle regrette de s'être sacrifiée. Si j'étais la mère d'un crétin au cas désespéré, je le regretterais sûrement.
Deuxième année : Je suis celle qui a monté ce magnifique plan de toutes pièces. Je suis celle qui a volé les ingrédients, et qui a préparé la potion (quelque chose qu'il ne sera jamais capable de faire en plusieurs vies). Je suis celle qui a fourni les muffins au somnifère, et aussi celle qui a pensé à apporter des uniformes assez grands. J'ai découvert ce qui pétrifiait tout le monde. Harry n'aurait jamais sauvé Ginny si je n'avais pas tout deviné – et c'est lui qui récolte toute la gloire. Parlons d'injustice et de sexisme.
Cette liste pourrait continuer encore et encore, mais pourquoi perdre du temps à ressasser le passé ? Harry ne changera jamais (hélas), et j'aurai juste à continuer de prétendre que je soutiens sa campagne inutile.
Oh, et ai-je mentionné qu'il est complètement et totalement bouché ? Tout le monde sait qu'il plaît à Ginny depuis longtemps, mais il continue à baver devant Cho. Ne réalise-t-il pas qu'elle est beaucoup trop jolie et intelligente pour lui ?
Thérapie recommandée :
-Participer à un cours de Gestion de la Colère
-Défier Voldemort en duel. Ça lui enseignera combien je suis importante. Et aussi combien il est inutile, lorsqu'il réalisera qu'il n'a vraiment aucune chance.
-Prendre une photo de Cho et lui. Peut-être qu'il comprendra alors à quel point il est peu séduisant, et qu'il se liquéfiera en une flaque d'auto-apitoiement. Attendez une seconde. Il suffit de prendre une photographie de lui ; le comparer à Cho est tout simplement trop cruel.
Fred ne put pas s'en empêcher : il éclata de rire.
Sur beaucoup de points, Hermione avait absolument raison. Pas qu'il l'admettrait un jour, bien sûr.
Chaque minute, il avait lancé des regards furtifs au trou constituant l'entrée de la salle commune qui se remplissait de plus en plus. Ce n'est qu'après avoir réalisé que prétexter la maladie et la fatigue était beaucoup plus efficace pour lire tranquillement qu'un soudain attrait pour les études qu'il put s'echapper dans son dortoir et se cacher sous les draps.
Il avait décidé de ne rien révéler à personne ; même George n'était pas au courant de ce petit plan. En fait, pour être honnête, Fred ne savait pas lui-même ce qu'allait être son plan.
En premier lieu, il avait songé à utiliser ce journal comme rançon, mais ce projet ne le satisfaisait pas. Il devait vraiment trouver quelque chose qui révèlerait le véritable caractère d'Hermione. Mais quoi ?
Il était minuit passé à présent, mais le petit livret à l'air innocent se trouvait juste à sa portée.
Peut-être qu'un seul petit chapitre...