- Non Patmol, je te l’ai déjà dit, laisse tomber cette idée. Tu tiens à nous faire virer tous les quatre ou quoi?
- Et moi je te l’ai déjà dit, répliqua Sirius agacé, j’ai la situation bien en mains. Il cherche à découvrir ce qu’on fait dehors en pleine nuit à chaque pleine lune, c’est bien un service qu’on va lui rendre, non? Cette fouine de Servilus ne va récolter que ce qu’elle mérite, le reste je m’en contrefous.
La jambe droite de James était prise de tremblements désagréables. Il sentait que cette blague n’était pas une bonne idée, pas du tout. Cet imbécile de Servilus avait beau les suivre à la trace presque jour et nuit, si jamais il lui arrivait quelque chose, ils pouvaient d’hors et déjà dire adieu à Poudlard. Cependant, Sirius semblait être d’un tout autre avis, prêt à tout pour remettre le bâtard graisseux à sa juste place.
- Alors, tu nous suis ce soir ou pas? tenta une dernière fois Patmol.
- Je m’en fous, non, fut la seule réponse de James qui sortit aussitôt de la salle commune des Gryffondor et se dirigea vers la Grande Salle sept étages plus bas.
Le ciel était particulièrement dégagé ce soir, songea-t-il, prémices d’une pleine lune dévastatrice. Il tenta alors un coup d’oeil vers la table des Serpentard située à l’autre bout de l’immense pièce, et trouva bien vite celui qu’il cherchait - lui aussi avait le regard levé vers le plafond magique. Sans n’avoir jamais eu aucun contact civilisé avec lui depuis leur rencontre, soit depuis déjà plus de quatre ans, James savait parfaitement à quoi Rogue pensait. Et pour la première fois depuis leur rencontre, il voulait lui dire de ne pas sortir de son dortoir ce soir, de ne pas rendre sa déjà dangereuse curiosité, mortelle. Ce n’est que lorsque le Serpentard planta son regard glacial dans le sien, qu’il se rendit compte qu’il le fixait depuis tout ce temps. Il se leva alors brusquement, passant la main dans ses cheveux nerveusement, semblant ne remarquer aucun des regards désapprobateurs tournés vers lui, puis sortit de la salle à grands pas. Sirius, Remus et Peter n’étaient déjà plus dans la salle commune à son retour, et il sentit alors une violente vague de colère monter en lui; pour la première fois depuis quatre ans et demi, il avait honte de son meilleur ami.
- J’ai entendu tes petits copains Black et Pettigrow discuter tout à l’heure. Je sais ce que vous manigancez, marmonna dédaigneusement Lily Evans derrière son dos.
Je ne suis pas dans leur petite blague, répondit froidement James sans se retourner.
Alors tu vas lui parler, lui dire de ne pas suivre ces abrutis?
Ce n’est pas parce que je ne suis pas toujours d’accord avec Sirius, que j’ai la moindre envie de rendre un service à Servilus-Je-Fourre-Mon-Enorme-Nez-Partout.
Il cracha presque l’horrible nouveau surnom dont il venait d’affubler le Serpentard.
- Pauvre con Potter. Tu es vraiment un pauvre con. Crève dans ta débilité, je vais chercher Sev-
Je vais le chercher! la coupa violemment le-dit Potter en se précipitant dans le dortoir des garçons de Cinquième année.
Il redescendit presque aussitôt, sa baguette fermement tenue dans sa main gauche et sa cape d’invisibilité dans l’autre.
- Reste là. Bonne soirée Evans.
Cette dernière ne répondit pas, observant avec méfiance le grand brun qui sortit en vitesse de la salle commune.
Il lui avait semblé qu’il les avait attendu pendant des heures. Severus suivait les trois Maraudeurs à travers le parc avec la plus grande discrétion dont il pouvait faire preuve. La nuit était incroyablement claire ce soir, pensa-t-il en voyant la pleine lune monter doucement dans le ciel. Puis il reporta son attention sur ses ennemis et les vit se diriger droit vers le Saule Cogneur, cet arbre dont personne n’avait jamais pu -ni osé- s’approcher. Mais il ne voyait plus Pettigrow; où était donc passé cet imbécile?
- Ne fais pas ça Servilus.
Il se retourna brusquement, se demandant bien ce qu’il ne devait pas faire, mais ne vit rien. Il avait entendu la voix de ce cinglé de Potter, il en était sûr. Puis il comprit, il était une fois de plus caché sous cette fichue cape d’invisibilité.
- Ne pas faire quoi, Potter? demanda-t-il la voix emplie de dégout.
Pour une fois je t’en supplie Rogue, marmonna James avec impatience en se découvrant de sa cape, fais ce que je te dis et recule tes fesses de ce Saule Cogneur, si tu as encore un peu de respect pour elles.
Mais il ne l’entendit pas de cette oreille, et prit d’une pulsion qu’il ne comprit pas vraiment lui-même, se précipita droit sur l’arbre qui ne tarda pas à s’éveiller.
- SERVILUS, REVIENS! hurla James qui sentit ses entrailles se contracter douloureusement à la vue de Severus qui s’était allongé dans l’herbe, avec l’espoir ridicule que cela suffirait à calmer le saule furieux.
RECULE, RECULE!
Mais le Serpentard n’eut pas le temps de s’éloigner qu’un craquement sinistre résonna dans l’obscurité pesante. Et malheureusement, même une côte vraisemblablement cassée ne suffit pas à l’arrêter et arrivé juste devant le tronc de l’arbre, il vit une sorte de passage très étroit dans lequel il réussit à s’engouffrer pourtant facilement.
L’odeur là dedans était affreuse: un mélange de moisissure, d’humidité et même lui semblait-il, de corps en putréfaction. C’est sur cette observation qu’il rejeta le peu de contenu encore présent dans son estomac. Il avançait lentement dans ce passage dans lequel il était trop grand pour pouvoir se tenir debout, sa baguette illuminant faiblement les lieux. Au bout d’une vingtaine de mètres, il finit par apercevoir une faible lumière au loin. Cette dernière lui intima de se dépêcher malgré sa côte de plus en plus douloureuse. Le goût trop âcre dans sa bouche était un mélange de sang, de vomi, et de cette sensation désagréable qui vous prend quand le stress, la peur et l’énervement vous sont trop forts. Il n’entendit pas James qui le suivait depuis le début, trop concentré sur les grognements et éclats de voix quelques mètres devant lui.
Enfin il arriva presque à la source de cette lumière, la porte était ouverte. Et quand il vit ce qu’il y avait à l’intérieur, son hurlement aurait été des plus puissants si il n’avait pas compté sur cette main qui se posa sur sa bouche, tandis qu’une deuxième avait trouvé le chemin de son front. Il savait exactement à qui appartenaient ces mains. Ces dernières lui penchèrent violemment la tête en arrière, provoquant un nouveau craquement bien qu’il fut bien moins sinistre que le premier. Et cette voix tant entendue raisonna dans son oreille, mais avec une douceur qui lui était encore inconnue malgré les paroles qu’elle prononça:
- Ne dis rien Servilus ou je te donne en pâté à Lunard dans les cinq secondes qui suivent.
Le Serpentard ne bougea pas, tremblant, et sentit son estomac se retourner de nouveau. L’odeur était tout simplement irrespirable, de même que de découvrir le secret que Lupin s’était tant efforcé à cacher durant toutes ces années qui n’arrangeait en rien les choses. Le souffle de Potter contre sa peau lui déclenchait des frissons dont il n’avait même pas confiance, tandis que ce dernier se demandait si le meilleur moyen pour ne pas se faire remarquer par les autres Maraudeurs, était de s’enfuir à toute vitesse. Mais il n’eut malheureusement pas le temps de se poser la question plus longtemps, que Rogue lui lança un violent Repulso!, qui le fit voltiger à travers le tunnel sur cinq bon mètres. Sa tête se cogna alors violemment contre le plafond trop bas, puis tout son corps retomba et s’écrasa par terre de tout son poids. Il réussit à relever la tête avec difficulté, passa la main dans ses cheveux et sentit mélangé à la crasse un liquide épais et collant - son sang. Il appuya sa main un peu plus et ne put s’empêcher de pousser un cri de douleur en touchant ce qui semblait bien être un trou: Rogue lui avait ouvert la tête alors qu’il s’efforçait depuis un bon quart d’heure de lui sauver la vie.
- Ah,ah,ah! entendit-il ricaner son pire ennemi triomphalement. Vous êtes foutus maintenant les Gryffondor! Comment toute l’école va-t-elle réagir en apprenant qu’un loup garou en fait partie depuis cinq ans, hein? Les parents ne voudront jamais laisser leurs enfants revenir ici, et Dumbledore ne pourra jamais laisser une bande de fauteurs de troubles comme vous continuer vos conneries. Vous êtes foutus!
Rogue sombrait lentement dans la démence alors que James s’inquiétait de plus en plus pour la suite. Il entendait les insultes fuser de sa bouche et de celle de Sirius , puis d’un seul coup plus rien. Un hurlement sinistre s’échappa de la pièce puis il vit Rogue terrifié revenir à toute vitesse dans sa direction et se cacher derrière son dos. C’est là que James le vit, Remus transformé en loup-garou avancer vers eux, certainement prêt à leur sauter dessus et à les déchiqueter sans hésitation. Son âme de Gryffondor retrouva alors toute sa dimension quand il lança un puissant Reducto!, provoquant une explosion au fond du tunnel qui attira l’intention de son ami, et qu’il saisit fermement l’avant-bras du Serpentard en lui ordonnant de courir le plus possible. Il ne se rappelait pas avoir déjà couru si vite sous sa forme humaine - l’adrénaline pouvait vraiment être fabuleuse parfois. Par contre ça n’était pas le cas de Snape, qui n’était déjà pas très sportif au départ, mais qui en plus de ça courrait avec une côté plutôt mal en point. Il finit par s’effondrer lorsqu’ils atteignirent la sortie et James en était persuadé - il pleurait. Jamais il n’avait vu Severus Rogue verser une seule larme, même quand les humiliations que lui infligeaient les Maraudeurs pouvaient lui donner plus d’une excellente raison de pleurer. Mais de cela, Cornedrue n’en ressentait plus la même fierté.
- Allez relève-toi, tu veux qu’il nous bouffe ou quoi?
J’ p-peux pl-lus r-rersp-prier, articula difficilement Severus en levant ses yeux plein de larmes vers lui.
James ne sut pas pourquoi il donna une raison de plus à Rogue de pouvoir le faire renvoyer de l’école pour de bon, mais il la lui donna quand même. L’adolescent brun et musclé à lunettes rondes, dont l’uniforme se trouvait dans un état de saleté monstre et dont le mal de tête l’aveuglait presque, disparu pour laisser place à un cerf - un grand, un merveilleux cerf. Et l’autre adolescent beaucoup plus maigre et maladif, regardait le fantastique animal avec effarement.
Néanmoins il n’eut pas le temps de s’émerveiller plus, que le hurlement particulièrement effrayant et violent de Rémus le ramena à la dure réalité. Il se dirigeait à grand pas dans leur direction, une lueur démente brillant dans le regard, certainement encore plus furieux après que James ait presque fait s’écrouler le tunnel sur lui. Bien sûr James n’avait jamais eu l’intention de blesser son ami, mais ce dernier n’en avait malheureusement aucune idée à cet instant précis. Le cerf -ou plutôt Potter- passa devant Severus et s’avança vers l’autre bête. Un combat d’une rare violence s’enclencha alors, et Severus ne savait absolument pas quoi faire.
- Arrêtez! cria-t-il lamentablement en direction de ses deux ennemis. S’il vous plaît arrêtez...
Il sentait ses dernières forces le quitter lentement, alors qu’il s’écroulait dans l’herbe en se tenant les côtes. Etait-il en train de perdre connaissance? La dernière chose qu’il sentit fut deux puissants hurlements, puis des éclats de voix mais il était incapable d'identifier ni ce qu’elles disaient, ni à qui elles appartenaient. La pleine lune et les étoiles disparaissant petit à petit sous d’épais nuages lui semblaient tellement floues, puis la dernière chose qu’il sentit fut deux puissants bras qui s’efforçaient tant bien que mal de le soulever avec le plus de douleur possible dans un moment pareil, et sa côte qui semblait vouloir sortir de son ventre, le faisant hurler à la mort dans les bras de Potter.