Le loup se rapprochait dangereusement d’elle alors la brebis égarée se mit à courir encore plus vite. Malheureusement, ses petites jambes n’avaient pas totalement l’habitude, et elle finit par glisser sur de la terre encore humide de la dernière pluie, tachant sa belle robe blanche. C’était aussi l’instant de faiblesse qu’attendait le loup qui se jeta ainsi sur sa proie.

 — C’est toi le loup ! s’exclama le jeune Albus du haut de ses sept ans.

Lily se releva, indifférente à la saleté qui maculait sa robe, et se mit à courir après son frère dans un grand éclat de rire.

— Graaaouuu je vais te manger ! criait-elle.

— Faudrait déjà que tu m’attrapes ! répliqua Albus en accélérant encore le pas, au grand dam de sa petite sœur qui, à cinq ans, n’avait pas autant de force dans les jambes que lui.

— Tu l’attraperas plus tard, Lily, appela alors une voix à la porte de la maison qui donnait sur le jardin. On mange.

Lily et Albus arrêtèrent aussitôt leur chasse infernale et se précipitèrent vers leur père qui était venu les chercher avec de grands sourires. Le repas était déjà quelque chose de sacré pour les deux enfants en temps normal, mais ce soir c’était encore mieux : c’était le premier jour de vacances de leur père depuis très longtemps, et ils pourraient enfin diner avec lui.

— Oh vous êtes tout sales, remarqua-t-il avec une fausse grimace. Allez déjà vous laver les mains, et ce soir, c’est bain, les deux affreux.

Lily et Albus éclatèrent de rire et se précipitèrent à la salle de bains du rez-de-chaussée afin de nettoyer la terre de leurs mains. Ils jouèrent avec le savon un peu trop longtemps, ce qui leur valut une nouvelle remontrance, de leur mère cette fois-ci.

— Non mais qu’est-ce que vous me faites vous deux ? demanda-t-elle, les mains sur les hanches et les sourcils froncés. Allez, dépêchez-vous, prenez un peu exemple sur votre frère qui est déjà à table depuis longtemps !

Lily sauta du petit tabouret qui lui permettait d’être à hauteur du lavabo et courut vers la cuisine, suivie par Albus qui accéléra le pas et arriva avant elle dans la place où leur père, leur grand frère James et le diner les attendaient déjà.

— Perduuu Mini-Lily ! se moqua Albus.

— Albus, calme-toi s’il te plait, demanda son père en se levant pour mettre du ragout dans l’assiette de son fils. Vous aurez bien le temps de jouer après manger.

— Ah non, intervint leur mère. Après manger c’est le bain, et ensuite, tout le monde se couche tôt parce que demain on part tôt.

— On va où demain ? demanda James, la bouche déjà pleine de pommes de terre

— Chez papy et mamie, répondit sa mère. Tout le monde sera là.

— Même Roxanne ? demanda James.

— Oui, même Roxanne.

— Trop bien ! s’exclama-t-il. C’est ma cousine préférée vous savez ?

— Ah bon ? fit sa mère, faussement étonnée.

— Oui oui, répondit James d’un ton sérieux. Et moi je suis son cousin préféré, elle me l’a dit.

— Ben moi je préfère Rose, ajouta Albus.

— Et moi je préfère le gâteau de mamie, dit Lily.

Tout le monde éclata de rire et le repas se passa dans la bonne humeur. Quand ils eurent terminé, leur père dit :

— Bon, les affreux, vous allez me chercher vos pyjamas et vous m’attendez dans la salle de bain du premier étage, c’est l’heure du bain. Je fais la vaisselle avec maman et j’arrive, d’accord ?

Les trois enfants acquiescèrent et se précipitèrent hors de la cuisine. Malheureusement, elle n’avait pas fait trois pas hors de la pièce que la petite Lily tomba et s’écorcha les genoux. Elle fit aussitôt demi-tour et retourna dans la cuisine pour se plaindre auprès de ses parents, mais elle s’arrêta net quand elle entendit sa mère prononcer son nom. Elle trouvait inquiétant que ses parents parlent d’elle quand elle n’était pas là : et si James avait raison et qu’ils voulaient la vendre aux méchants voisins ?

— A propos de Lily, disait sa mère, je… j’ai un petit problème dont je voulais te parler depuis quelques semaines.

— Il s’est passé quelque chose de grave ? demanda son père d’un air inquiet.

— Non Harry, bien sûr que non, je te l’aurais déjà dit. C’est plus que… je commence à me poser des questions.

— Quel type de question tu peux bien avoir à te poser et qui te mettent dans un tel état ? C’est une petite fille de cinq ans, elle va difficilement nous causer des ennuis maintenant tu ne…

— Il ne s’agit pas de ça, coupa la mère de Lily d’un ton agacé. Est-ce que tu peux me laisser finir s’il te plait ?

— Excuse-moi.

— C’est rien…Bref, je disais… J’ai été à la place de Lily, moi aussi, la seule fille de la famille et… quand venait l’heure du bain, que je prenais toujours avec Ron, George et… et Fred… au début ce n’était pas grave, mais ensuite… Tu sais… je me sentais un peu… gênée.

— De prendre le bain avec tes frères.

— Oui… Je veux dire, jusqu’à un certain âge, ce n’est pas vraiment un problème, mais Lily a déjà cinq ans et franchement, je crois qu’il est temps pour nous de donner à notre fille unique sa place de fille unique. Et ça commence par le bain. Je crois qu’il faudrait vraiment le lui donner séparément de celui de James et Al.

Son père reposa le torchon avec lequel il essuyait la vaisselle en soupirant.

— D’accord, tu as surement raison. Tu as été dans sa position, après tout… Bon, je vais le leur dire.

— Envoie-moi Lily dans la salle de bain du deuxième, je vais lui donner son bain là.

Son père commença à s’approcher de la porte et la trouva là.

— Eh bien, ma Lily, qu’est-ce que tu fais encore ici ?

— Je… je suis tombée et je me suis fait mal… dit-elle en montrant ses genoux à son père.

— Ce n’est pas très grave, dit-il en inspectant la blessure avec sérieux. Monte dans la salle de bain du deuxième étage, maman va te soigner ça en un clin d’œil.

— Je ne reste pas avec Jimmy et Al ? demanda-t-elle d’une petite voix.

Son père soupira.

— Non princesse, parce que toi tu es une petite fille et tes frères sont des garçons. Tu es un peu à part d’eux, mais rassure-toi, c’est juste pour le bain. Le reste du temps, vous êtes pareils, d’accord ?

Lily hocha lentement la tête et son père lui ébouriffa les cheveux en souriant.

— Allez, file.

Lily monta jusqu’au deuxième étage, perdue dans ses pensées. Elle était à part, avait dit son père. Elle ne savait pas vraiment si c’était une bonne chose ou pas, mais elle ne le ressentait pas particulièrement bien. Cela la séparait de ses frères, et l’attristait énormément. Et tout cela parce qu’elle était une fille et eux… des garçons ? Mais elle était où, la différence ?

Pour la première fois depuis des années, Lily prit son bain sans un seul éclat de rire, ce soir là.