Make you feel unpretty too
I was told I was beautiful
But what does that mean to you
Look into the mirror who's inside there
The one with the long hair
Same old me again today
Une sonnerie retentit dans le dortoir silencieux des filles de sixième année de Gryffondor. La main de Lavande jaillit de son lit et fit taire son réveille-matin avant même que la deuxième sonnerie ne tire à sa fin. Elle resta quelques secondes sans bouger, mais aucun bruit ne se faisait entendre des deux autres lits. Hermione et Parvati ne s’étaient pas réveillées.
Avec un soupir, Lavande se leva, grimaçant quand ses pieds se posèrent sur le plancher encore froid. Elle attrapa la trousse de toilette qu’elle avait posée sur sa malle la veille au soir et se rendit dans la salle de bains sur la pointe des pieds. Elle ferma doucement la porte derrière elle avant de faire couler de l’eau chaude dans la douche, espérant ainsi réchauffer la pièce encore glaciale à cette heure matinale. Elle posa sa trousse sur le comptoir et se déshabilla, laissant tomber son pyjama au sol. Avant de se tourner vers la douche, ses yeux accrochèrent son reflet dans le miroir. Elle s’en approcha et scruta son visage.
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Elle était belle. C’était indéniable. On le lui avait dit, elle le voyait, elle le sentait. Ses longs cheveux blonds faisaient l’envie de beaucoup de filles de Poudlard, ses grands yeux bleus faisaient rêver bon nombre de garçons. Sans parler de son corps qui aurait pu figurer sur la couverture de Sorcière Hebdo, numéro spécial lingerie.
Elle ne se faisait pas d’idées, elle ne serait jamais ministre, ni Médicomage comme sa sœur. Peut-être même pas journaliste. Mais être belle, rendre les autres belles, ça elle savait faire. Elle pourrait être coiffeuse, maquilleuse.
Lavande fixa son regard sur les yeux de son reflet et fit une grimace. Depuis des années, elle se maquillait, se chouchoutait tous les matins avant les cours, parce qu’elle aimait sentir les regards des garçons sur elle. Oh, elle n’était pas superficielle, non. Juste… coquette. Mais maintenant qu’elle en avait un, garçon, son regard se posait ailleurs. Sur elle. Alors Lavande redoublait d’efforts pour être jolie.
Elle s’éloigna du miroir avec un soupir, ses longues boucles caressant son dos nu, et se glissa sous l’eau chaude de la douche.
— En route pour une nouvelle journée, marmonna-t-elle.
My insides are blue
Every time I think I'm through
It's because of you
I've tried different ways
But it's all the same
At the end of the day
I have myself to blame
I'm just trippin'
À l’heure du petit-déjeuner, la Grande Salle résonnait des conversations de centaines d’étudiants ravis d’être enfin vendredi matin. À la table de Gryffondor, Hermione semblait ne pas se rendre compte du capharnaüm qui régnait autour d’elle. La jeune fille qui avait habituellement le nez plongé dans un livre, même en mangeant, avait aujourd’hui le regard dans le vide et tournait d’un air absent sa cuillère dans son bol de céréales, sans jamais en prendre une bouchée.
Dans le vide ? Pas vraiment. Un peu plus bas à la table, dans la direction vers laquelle étaient tournés ses yeux, ils étaient assis. Elle avait une main enfouie dans les cheveux roux de son petit ami et lui murmurait quelque chose à l’oreille. Sûrement une inanité de l’acabit de « Won-won ».
— Hermione ?
Elle sursauta et se tourna vers Ginny, qui s’était assise à côté d’elle sans qu’elle s’en aperçoive.
— Ça va ?
Hermione sourit, espérant effacer toute trace de mélancolie de son visage, et assura la rousse qu’elle était simplement dans la lune, et que son arrivée l’avait surprise. En se servant un verre de jus, Ginny raconta à son amie la soirée qu’elle avait passée avec Dean, la veille, après l’entraînement de Quidditch. Hermione l’écoutait d’une oreille, gardant son sourire plaqué sur le visage, tentant de ne pas laisser paraître à quel point elle était jalouse.
Pas à cause de Dean, mais à cause de l’intimité qu’ils partageaient, Ginny et lui. Si elle avait un peu plus de ce courage qui était la marque de sa maison, ça aurait pu être elle qui serait collée à lui, elle qui aurait des étoiles dans les yeux en parlant de lui, elle qui passerait des soirées en tête-à-tête avec lui – et pas pour qu’il copie ses devoirs.
Son sourire artificiel se crispa quand elle vit, derrière son amie, Lavande et lui sortir de la Grande Salle, sans doute pour se rendre au cours de Sortilèges. La blonde avait un bras drapé autour du cou de son petit ami et riait à gorge déployée. Lui avait la main posée sur sa taille, la tête tournée vers son visage, comme s’il ne voyait plus qu’elle, son sourire, sa beauté. Hermione soupira.
Sans qu’elle le remarque, Ginny avait cessé de parler et s’était retournée pour suivre le regard d’Hermione. Elle eut tôt fait de remarquer l’objet de l’attention de la brune, et se retourna vers elle avec une grimace d’apitoiement. Hermione haussa les épaules et se leva.
— Les cours commencent dans cinq minutes, dit-elle. On devrait y aller.
You can fix your nose if he says so
You can buy all the make-up that M.A.C. can make
But if you can't look inside you
Find out who am I to
Be in a position to make me feel so damn unpretty
Quand Hermione arriva dans la classe de Sortilèges, la grande majorité des élèves de Gryffondor et de Poufsouffle étaient déjà installés. Son regard se posa aussitôt sur la chevelure noire et dépeignée de Harry et par réflexe elle se dirigea vers lui, ayant déjà fait trois pas avant de remarquer que la place voisine était déjà occupée. Il s’y était assis. Hermione regarda autour d’elle, étonnée qu’il ne se soit pas assis avec Lavande, comme il le faisait à tous leurs cours communs depuis plusieurs mois.
Hermione finit par trouver une place libre vers le fond de la classe, grimaçant quand elle dut s’installer derrière la blonde, qui s’était assise avec Parvati. Elle adressa un sourire bref à sa voisine, une jolie Poufsouffle blonde du nom de Quinn à qui elle n’avait pas souvent parlé. Elle sortit son livre, ses parchemins et sa plume et se prépara à une longue heure de cours à contempler les superbes cheveux blonds de sa collègue.
Peut-être que si elle se maquillait comme elle, si elle prenait plus souvent le temps de se coiffer comme elle l’avait fait pour le bal de Noël, il y avait deux ans. D’un air absent, elle se toucha les incisives, celles qu’elle avait fait réduire en troisième année. Son seul moment de vanité. Elle pourrait demander à Ginny, la rousse était toujours bien peignée, bien maquillée. Peut-être qu’ainsi elle attirerait plus son attention…
Hermione secoua la tête et inscrivit la fin du mot qu’elle était en train d’écrire avec plus de force que nécessaire. À quoi pensait-elle ? Se maquiller, se coiffer – ce n’était pas elle. Elle avait bien plu à Viktor sans changer une seule chose de son apparence. Elle plaisait – malheureusement – à Cormac dans son apparence naturelle. Elle ne changerait pas qui elle était pour lui.
Il l’aimerait comme elle était, ou pas du tout.
Oh so pretty
I feel pretty and witty and bright
And I pity
Any girl who isn't me tonight
La salle commune de Gryffondor était bondée, toutes les tables occupées par des élèves finissant leurs devoirs, tous les fauteuils peuplés par ceux qui avaient fini leur travail et profitaient d’une soirée libre. Lavande était assise avec son petit ami – ou plutôt, sur son petit ami – et l’embrassait à pleine bouche, une main fine enfouie dans ses épais cheveux roux. Elle sentait plusieurs regards peser sur elle et, loin de la mettre mal à l’aise, ce sentiment d’être observée la flattait. Elle était jolie, elle avait à son bras le gardien de l’équipe de Quidditch de Gryffondor – préfet et meilleur ami du Survivant, qui plus est – et elle était populaire. Il faisait bon d’être Lavande Brown en 1997.
Leurs lèvres se séparèrent et il la regarda amoureusement, la dévorant des yeux. Elle rougit et rit doucement, poussant une de ses boucles blondes derrière son oreille.
— Tu es superbe, Lavande.
Elle passa les deux bras autour du cou de son petit ami et appuya son menton sur l’épaule de ce dernier. Ce faisant, elle croisa le regard d’Hermione, assise à l’autre bout de la salle commune avec Harry et Ginny, qui regardait le couple avec des yeux tristes. Lavande lui sourit avec compassion. Hermione détourna les yeux, mais pas avant d’avoir vu la blonde déposer un baiser dans son cou.
Oh so pretty (You can fix your nose if he says so)
I feel pretty and witty and bright (You can buy all the make-up that M.A.C. can make)
But if you can't look inside you
Find out who am I to
Be in a position to make me feel so damn unpretty
— Il m’a invitée à passer la journée à Pré-au-Lard avec lui !
Hermione se retourna violemment dans son lit, tentant en vain d’ignorer les voix aiguës de ses compagnes de dortoir, qui échangeaient les derniers potins de la journée. Elle voulait simplement s’endormir pour être fraîche pour son cours de Potions le lendemain. Elle ne voulait pas participer à cette conversation de filles – surtout pas quand elle portait sur lui.
— Il paraît que Cormac McLaggen a invité Hermione, dit Parvati d’une voix basse, croyant que la brune était endormie. Je ne sais pas si elle a accepté.
Hermione entendit un reniflement perplexe.
— Je ne sais pas comment elle fait pour attirer des garçons comme ça, répondit Lavande. D’abord Viktor Krum, maintenant Cormac… Avec ses cheveux qu’on dirait qu’elle peigne une fois par mois, sa jupe coupée à la longueur d’une jupe de grand-mère et elle ne porte jamais de maquillage…
Hermione se mordit la lèvre mais ne bougea pas, une curiosité malsaine la poussant à écouter ce que les filles diraient de plus sur elle.
— Au moins elle n’a plus ses dents de castor.
— Elle devrait se peigner plus souvent comme elle l’a fait au bal pendant le tournoi, dit Parvati. Elle était magnifique ce soir-là.
Un court silence suivit ses paroles. Hermione pensait que les filles allaient changer de sujet, mais la voix de Lavande se fit à nouveau entendre :
— Elle est amoureuse de mon copain, tu sais ? Je la vois toujours le regarder, dans son dos. Mais au final, entre elle et moi, c’est moi qu’il a choisi.
— Evidemment, ajouta Parvati.
Elles continuèrent à parler, mais Hermione ne les écoutait plus. Elle avait enfoui son visage dans son oreiller, les larmes coulant silencieusement de ses yeux.
Le lendemain matin, quand Hermione descendit dans la salle commune, elle vit tout de suite Harry et lui assis sur un fauteuil. Il leva les yeux en l’entendant approcher et sourit aussitôt.
— C’est un nouveau chandail ? remarqua-t-il. Il te va bien.
Hermione rougit en s’asseyant entre les deux garçons.
Lavande s’était levée peu après sa compagne de dortoir et descendit l’escalier vers la salle commune quelques minutes après elle. La première chose qu’elle vit fut Hermione, assise à côté de son petit ami, qui lui souriait comme il ne lui avait jamais souri à elle. Elle plissa les yeux.
Lavande avait toujours été la plus belle, la plus séduisante, la plus intéressante, la plus populaire. À cause d’Hermione, et de lui, elle se sentait oubliée, ignorée, reléguée au second plan.
Elle se sentait indésirable.